Débat parlementaire du SENAT : Séance du 23 Novembre 1972
le budget annexe des postes et télécommunications

L'entreprise P. T. T. est de plus en plus menacée :

Loi de finance pour 1973 Développement induqtriel et scientifique
....
M. Gérard Minvielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle fois, au nom du groupe socialiste, j'interviens dans la discussion du budget des postes et télécommunications.
L'examen de ce projet de budget pour 1973 m'a amené à constater que le Gouvernement persiste dans ses choix néfastes à l'égard d'une administration dont le caractère industriel et commercial est admis par tout le monde.
Bien que la qualité de service ne cesse de se détériorer, malgré l'effort permanent du personnel, les mesures proposées ne permettront pas de redresser une situation dégradée et déjà fortement ressentie par les usagers.
Partant de cette constatation, il est permis de douter de la volonté du Gouvernement de donner à ce grand service public, indispensable à la vie de la nation, les moyens de fonctionner normalement pour le bien de tous. En moins de quinze ans, le Gouvernement à réussi à faire d'une administration renommée pour sa régularité, sa rapidité, sa sûreté, une administration sous-équipée, décriée, financièrement déficitaire et maintenant lourdement endettée. Pour aboutir à un tel résultat, il faut de l'opiniâtreté et un objectif. Le Gouvernement veut-il créer les conditions de la privatisation ?
Il est certain que le contenu du budget de 1973 n'est pas de nature à atténuer notre inquiétude. Alors que le total des dotations budgétaires de 1971, de 1972 et de 1973 représente moins de 46 p. 100 de l'enveloppe du VIe Plan prévue pour les télécommunications, de nouvelles sociétés de financement ont été créées.
Nous avons dénoncé en son temps ce système de financement particulièrement coûteux ; mais l'intervention de ces quatre sociétés n'empêchera pas pour autant le recours à l'emprunt pour un montant de 3.690 millions de francs, ce qui entraînera, à l'évidence, des charges importantes pour le présent et pour l'avenir. Ainsi, par des procédés très onéreux, la progression des investissements dans les télécommunications se poursuit à peu
près normalement. Toutefois, les engagements pris devant cette assemblée ne sont pas tenus. La fluidité du trafic téléphonique ne sera pas assurée pour 1973. L'automatisation intégrale du réseau, dès 1976, ne sera pas réalisée.
M. Charles Alliès. Voulez-vous me permettre de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Gérard Minvielle, Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. Alliès, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Charles Alliès. Je remercie mon collègue et ami, M. Minvielle, de bien vouloir m'autoriser à l'interrompre.
Je voudrais illustrer d'un exemple la façon dont on finance l'automatisation du téléphone. Le conseil général de l'Hérault, depuis 1963, avance plusieurs centaines de millions d'anciens francs pour financer l'automatisation des secteurs les plus défavorisés ; sans ces avances, nous attendrions encore longtemps l'automatique.
Les pourcentages cités tout à l'heure par M. le ministre comprennent certainement ces avances qui, si j'en crois mes collègues, ne se pratiquent pas seulement dans le département de l'Hérault.
Les départements et les communes sont ainsi amenés, s'ils veulent avoir l'automatique, à financer par eux-mêmes ce moyen de communication vraiment indispensable dans le monde rural actuel.
M. Gérard Minvielle. Je vous remercie, mon cher collègue, d'avoir apporté cette précision. Il n'est pas douteux que ce qui se passe dans l'Hérault se produit dans tous les départements de France. Les avances accordées par ceux-ci à l'Etat pour réaliser l'automatisation sont considérables.
Pour leur part, les communes qui désirent installer dans leurs quartiers reculés ou dans les zones rurales des cabines téléphoniques, doivent consentir préalablement une avance qui est remboursable dans les conditions que vous savez. Je ne veux pas entrer dans les détails.
Pour les particuliers, il en va de même. Toutes ces opérations sont incluses dans les statistiques gouvernementales mais, dans une certaine mesure, on se pare des plumes du paon.
M. Charles Alliès. Très bien !
M. Gérard Minvielle. Nous assistons depuis longtemps à ce phénomène.
Je voudrais maintenant vous entretenir de la réduction de la durée moyenne pour obtenir les raccordements ainsi que de la fiabilité du réseau. Chacun sait que l'on rencontre à cet égard des difficultés susceptibles de provoquer, chez certains opérateurs ou opératrices, ou certains particuliers, des crises de nerfs. Même s'il y a des infarctus, le défaut de fonctionnement du téléphone en est incontestablement une des raisons. (Sourires.)
Pour la poste et les services financiers, la situation continue à être des plus préoccupantes. Les autorisations de programme marquent une progression de 20 p. 100 par rapport à celles de 1972, mais elles sont en retard de quelque 30 millions de francs par rapport aux prévisions du Plan. Ce retard pourrait apparaître peu important s'il ne s'ajoutait pas aux précédents et à l'insuffisance du Plan lui-même.
Après trois exercices budgétaires, le total des dotations n'atteindra même pas 43 p. 100 de l'enveloppe globale du VI' Plan. Nous ne pouvons pas croire qu'il vous sera possible, monsieur le ministre, de rattraper un retard aussi considérable au cours des deux dernières années du Plan.
Les 542 millions de francs d'autorisations de programme ne permettront pas de faire face aux besoins nouveaux ; c'est dire que les zones nouvellement urbanisées resteront dépourvues d'établissement postal, que l'extension des bureaux trop exigus ne sera pas réalisée, que le réseau d'acheminement connaîtra encore longtemps des goulets d'étranglement, la capacité des centres de tri ne permettant pas de faire face à l'augmentation du trafic. En bref, l'asphyxie de la poste se poursuivra.
Dans le même temps, le Gouvernement ne prend aucune décision à l'égard de la lourde charge que constituent, pour les P. T. T., les tarifs préférentiels consentis à la presse.
Je sais bien qu'à cette tribune, depuis plusieurs années, je répète cette même observation, cette même critique. Je ne suis d'ailleurs pas le seul puisque tous les orateurs, ou à peu près, aboutissent à la même conclusion. Cependant, je continuerai sans lassitude à estimer anormal que des membres éminents du Gouvernement multiplient les déclarations d'intention — ce fut le cas encore récemment — affirment vouloir soutenir la
presse et laissent aux P. T. T. le soin de payer une facture qui devrait l'être par le budget général.
Au déficit de plus de 700 millions de francs qui provient du transport et de la distribution, s'ajoute un autre déficit structurel, encore plus important. Voici deux ans, votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait pris l'engagement solennel devant le Sénat de promouvoir les mesures qui s'imposaient afin qu'au l er janvier 1974 le déficit artificiel des chèques postaux fût résorbé. Comment se présente la situation de cette importante institution deux ans après, c'est-à-dire aujourd'hui ?
En 1971, le déficit s'élevait à 890 millions de francs ; en 1973, il atteindra 1.200 millions, soit une progression d'un tiers.
Ces chiffres se passent de commentaire. Ils prouvent que le remède consistant à mieux rémunérer l'accroissement des fonds en dépôt à partir de 1972 est irréaliste. Etant donné l'état de stagnation de ce service — pour ne pas parler de régression — le déficit ne fera que s'accroître. On peut prévoir, sans crainte de ne pas dire la vérité, qu'il atteindra deux milliards de francs en 1980. Dans ces conditions, il n'est pas douteux que la poste et les services financiers auront de plus en plus de difficultés à assurer un service convenable.
Il ne faut pas non plus s'étonner des réactions des organisations syndicales qui ne peuvent admettre l'aggravation des conditions de travail du personnel, lequel effectue sa tâche le mieux possible, dans des locaux vétustes et sous-équipés.
La répartition des créations d'emplois pour 1973 fait apparaître la poste comme la première bénéficiaire de la pénurie.
Le volume de ces créations reste très loin des besoins de l'ensemble des P. T. T., qu'il s'agisse des services postaux — dont les volants de remplacement sont inexistants alors qu'ils devraient être de l'ordre d'au moins un cinquième des postes de travail — ou qu'il s'agisse de télécommuncations où l'insuffisance du nombre des techniciens favorise l'intervention du secteur privé.
L'application à un secteur d'activité comme les P. T. T. de la décision d'économie automatique, réduisant de 1 p. 100 les efectifs totaux préexistants, est pour le moins aberrante.
De même, au ter juillet 1972, la durée maximale du travail a été ramenée à quarante-trois heures hebdomadaires. Cette décision, prise au niveau de la fonction publique, a été appliquée sans effectifs supplémentaires. Nous ne critiquons pas la formule ; nous constatons cependant que la charge de chacun des agents s'est trouvée ainsi accrue et que le Gouvernement a fait du social à bon marché. Mais le personnel n'est pas dupe, monsieur le ministre !
Les mesures relatives aux personnels ne peuvent pas, loin s'en faut, recevoir notre approbation. Les propositions contenues dans ce budget ne couvrent que des applications directes ou indirectes des conclusions de la commission Masselin relatives aux catégories C et D intéressant l'ensemble de la fonction publique. Les surclassements de recettes des centres représentent la dernières tranche d'une opération de remise en ordre, décidée il y a trois ans après discussions entre les P. T. T. et les finances.
Au titre strictement des P. T. T., rien n'est proposé, pas même la poursuite de la réforme spécifique amorcée dans le budget de 1970 et appliquée dans le courant de cette année.
Il- en résulte, du point de vue du niveau des fonctions et des intérêts des personnels, une situation absolument incohérente.
Au plan des indemnités, le taux de la prime de résultat d'exploitation est portée de 920 à 1.000 francs pour l'année 1973. On est fort loin de la demande syndicale qui correspond à la valeur de vingt points d'indice réel, soit 1.400 francs environ. La proposition administrative des P. T. T., qui correspond à la rémunération mensuelle d'un préposé débutant à Paris, n'est même pas retenue.
La prime de risque et de sujétion est augmentée de 20 p. 100, c'est-à-dire des deux tiers de la demande de rajustement, alors que le dernier relèvement des taux remonte à 1968.
L'indexation sur un pourcentage du traitement, comme le ministre de l'économie et des finances l'a accepté depuis des années pour les personnels des douanes actifs, a été encore rejetée.
L'énumération de ce qui est refusé aux personnels des P. T. T., alors que la légitimité de leurs revendications n'est pas mise en cause, serait trop longue à présenter, compte tenu du temps de parole qui nous est imparti.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions avoir des précisions sur vos intentions à l'égard des personnels victimes de la modernisation de l'entreprise P. T. T. Vous avez déclaré, devant l'Assemblée nationale, que 58 p. 100 des agents du téléphone, dont l'emploi a été supprimé, ont déjà été reclassés. Ces reclassements, qui ont touché près de 7.000 personnes, ne se sont pas effectués sans dommages, tant sur le plan familial qu'administratif.
De nombreux agents féminins mariés, mères de famille, ont été contraints de changer de résidence ou au moins de spécialité.
Tout le système des mutations, même pour le rapprochement des époux, est bloqué sur l'ensemble de la province.
D'autres agents, en disponibilité pour élever un enfant ou suivre leur mari, ne peuvent être réintégrés. Le recrutement et l'avancement sont ralentis et sérieusement perturbés.
Les difficultés vont s'accroître pour des milliers d'agents du téléphone mais aussi pour ceux des chèques postaux dont l'emploi va également être supprimé. Pour autant, ni l'administration ni le Gouvernement n'ont pris la moindre mesure, que je sache, pour remédier à cette inquiétante situation.
En novembre 1970, le Premier ministre et le ministre des postes et télécommunications s'étaient pourtant engagés, à l'égard de la fédération Force Ouvrière, à étudier les modalités d'un accord-cadre pour pallier les conséquences sociales de la modernisation, à l'image de l'accord signé en juillet 1968 à la S . N . C .F .
A part la création d'une indemnité dérisoire de changement de résidence, rien de sérieux n'a été réalisé, n'est-il pas vrai ?
Le ministre des P. T. T. entend-il laisser les choses en l'état ou, au contraire, prendre des initiatives et tenir les engagements souscrits ?
En définitive, ce budget, tel qu'il est présenté, ne laisse aucune illusion aux personnels d'une grande administration auxquels il est beaucoup demandé.
Leurs revendications sont délibérément ignorées ; les moyens de ttravailler dans des conditions convenables leur sont refusés ; les renforts indispensables pour assurer un service acceptable ne sont pas accordés.
Pourtant, que ce soit vous-même, monsieur le ministre, que ce soit vos prédécesseurs ou tous ceux qui, à cette tribune, expriment leur opinion sur les personnels des P. T. T., personne ne manque de rendre hommage à la compétence et au dévouement des 350.000 agents des P. T. T.
MM. Charles Alliés et Maxime Javelly. Très bien !
M. Gérard Minvielle. Permettez-moi de vous dire que les intéressés ne se satisferont pas de ces déclarations platoniques répétées mais jamais suivies d'actes précis.
L'entreprise P. T. T. est de plus en plus menacée ; tous ceux qui y travaillent, quel que soit le niveau où ils exercent leurs fonctions, le ressentent intensément. Le service public n'est plus en mesure de remplir correctement sa mission. Les Français sont de plus en plus nombreux à s'en rendre compte.
Il serait encore possible de redresser la situation ; mais il conviendrait de prendre d'urgence les décisions vigoureuses qui s'imposent. Rien dans votre budget, monsieur le ministre, ne traduisant cette intention, nous nous refusons à l'avaliser et nous invitons le Sénat à le repousser. (Applaudissements sur les travées socialistes et communistes et sur certaines travées à gauche.)
M. le président. La parole est à M. Lucien Gautier.
M. Lucien Gautier. Monsieur le ministre, mon intervention sera brève, mais la question que je désire poser me semble importante et intéressera, je pense, nombre de nos collègues.
Auparavant, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que j'ai personnellement apprécié votre exposé qui s'inscrit dans la ligne de l'action menée par votre prédécesseur. Les résultats que nous en attendons sont liés à votre détermination et nous savons qu'elle est vive. Les objectifs de la politique gouvernementale en matière de postes et télécommunications ont été clairement définis et il faudra s'y tenir. Nous vous faisons pour cela
confiance.
Certes, la situation du téléphone est loin d'être parfaite. Votre souhait, comme le nôtre, est précisément de sortir des difficultés présentes. Un grand service public tel que celui des postes et télécommunications, premier investisseur de France, vous l'avez rappelé tout à l'heure, ne peut supporter longtemps les insuffisances ressenties par les usagers.
Assumant à la tête de ce ministère une lourde responsabilité, vous pouvez compter sur nous pour vous aider dans une tâche difficile mais capitale, pour l'économie du pays.
Cela dit, monsieur le ministre, j'en viens à ma question précise relative au développement du téléphone dans les campagnes.
La transformation du milieu rural, l'évolution de l'agriculture et l'imbrication plus étroite des activités agricoles et industrielles provoquent déjà et provoqueront dans l'avenir une forte progression de la demande d'abonnements téléphoniques dans nos campagnes. La nouvelle dimension économique donnée aux exploitations agricoles exige l'installation de l'outil de travail indispensable que représente le téléphone, longtemps considéré comme un "gadget ", voire comme un luxe.
Comment pensez-vous développer le téléphone dans les campagnes ?
Actuellement les candidats abonnés ruraux sont l'objet d'un traitement discriminatoire. Car c'est en zone rurale que les délais de raccordement sont les plus longs et c'est encore en zone rurale que la participation sous la forme des avances remboursables, des candidats abonnés, est la plus élevée. Or, le service public impose que l'Etat offre à tous les citoyens le même service et rétablisse une certaine égalité entre les charges supportées par eux.
Je reconnais que les coûts de construction des lignes sont différents selon la longueur de celles-ci et vous n'avez, d'ailleurs, pas manqué de le souligner. Mais ne pensez-vous pas qu'une péréquation des charges devrait être faite entre tous les abonnés solidaires et associés à la bonne marche des télécommunications, afin de réduire au maximum ces inégalités ?
Il convient toutefois de souligner l'effort entrepris dans les départements bretons, dans l'Ain et le Maine-et-Loire. En effet, des expériences ont été menées à l'initiative des directeurs régionaux des télécommunications, mais encore faut-il préciser que le préfinancement des travaux de raccordement engagés reste à la charge des candidats. Malgré les accords que vous avez signés avec le crédit agricole et qui devaient permettre d'alléger les charges financières consécutives au versement des avances remboursables, les sommes versées par les futurs abonnés restent très élevées et les programmes d'équipement modestes.
Comment pensez-vous accélérer cette procédure et mieux répartir les charges entre les abonnés ?
Telle est la question que je désirais vous poser. Nous serons attentifs, monsieur le ministre, à la réponse que vous voudrez bien faire à cette intervention. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bruyneel.
M. Robert Bruyneel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se limitera à l'examen d'un important et inquiétant problème concernant le téléphone. Je pourrais, à mon tour, évoquer la progression considérable des demandes insatisfaites d'abonnements nouveaux ou supplémentaires ainsi que les doléances des abonnés qui se plaignent du fonctionnement, souvent défectueux, de leur
téléphone.
Je me contenterai de vous citer une boutade qui circule dans la capitale et qui illustre assez bien la situation : la moitié de Paris attend le téléphone et l'autre moitié attend la tonalité. (Rires.) J'ajouterai que lorsque la tonalité est obtenue, les abonnés, trop souvent, ne sont pas au bout de leurs difficultés.
C'est une boutade, monsieur le ministre...
Un sénateur à gauche. C'est réel.
M. Robert Bruyneel. Certes ! ... mais je n'insisterai pas sur cet aspect des problèmes téléphoniques car je sais qu'il est au premier plan de vos préoccupations et qu'en nous armant de beaucoup de patience, nous pouvons espérer qu'il y sera peut-être porté remède.
C'est une autre conséquence des imperfections de certains matériels téléphoniques — car je ne veux pas penser qu'il s'agit des défaillances de personnel — que j'évoquerai, parcequ'elle m'apparaît particulièrement grave. S'il est pénible de ne pouvoir obtenir des liaisons téléphoniques, surtout lorsqu'il s'agit d'appels urgents et importants, il est tout à fait choquant que des abonnés reliés au téléphone automatique puissent être taxés
pour des communications souvent nombreuses qu'ils n'ont pas demandées et qui engendrent des différends regrettables avec votre administration.
A plusieurs reprises, des abonnés m'avaient signalé de tels incidents qui m'avaient beaucoup étonné. Mais j'ai été obligé de convenir que leur mécontentement était fondé lorsque j'ai été moi-même victime d'une pareille mésaventure qui n'est pas terminée et que je vous relaterai dans quelques instants.
J'ajoute, pour vous démontrer qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé, que plusieurs de mes collègues ont connu les mêmes ennuis. Je vous ai alors écrit le 16 août 1972, puis le 3 octobre pour vous signaler ces anomalies et surtout pour vous demander de quelle façon les abonnés pouvaient vérifier les inexactitudes de leur compteur et par quels moyens ils pouvaient faire admettre par la direction départementale dont ils dépendent les erreurs qui
avaient été commises.
J'ai même eu recours à la procédure de la question écrite.
Ma question a paru au Journal officiel le 26 octobre et votre réponse y a été publiée avec une certaine célérité le 15 novembre courant. Vous m'avez précisé que « les compteurs téléphoniques tout comme les compteurs d'eau, de gaz ou d'électricité, marquent un nombre total d'unités ».
Vous m'avez ensuite dépeint les avantages du compteur qui constitue un progrès et qui permet une augmentation de l'utilisation du téléphone. Vous m'avez également indiqué que les abonnés qui désiraient contrôler leur consommation pouvaient faire installer un compteur individuel à leurs frais, bien entendu, ce qui entraîne le paiement de taxes et de redevances. Et vous terminiez votre réponse par cette phrase : « S'agissant de la consommation téléphonique jugée anormalement élevée par un abonné, l'expérience a permis de montrer à maintes reprises que celle-ci correspond dans les faits, à une utilisation de la ligne à l'insu du titulaire, soit par un familier, soit par un tiers ayant accès à l'appareil. »
Cette réponse ne me donnant pas satisfaction, j'ai estimé que l'examen de votre budget pouvait me permettre d'évoquer publiquement cet important problème qui mérite de retenir quelques instants l'attention du Sénat et la vôtre, monsieur le ministre.
Je relève d'abord qu'il y a entre les compteurs téléphoniques et les compteurs d'eau, de gaz et d'électricité une différence capitale : c'est que ces derniers sont installés au domicile de l'abonné qui peut, à tout moment, en vérifier le bon fonctionnement, tandis que le compteur téléphonique est hors de la portée de l'abonné.
Il est incontestable que le téléphone automatique, lorsqu'il fonctionne normalement, constitue sur le téléphone manuel un important progrès, sauf pour l'abonné en ce qui concerne la facturation. L'envoi de fiches dans le système manuel permet un contrôle simple et efficace de la consommation téléphonique.
L'envoi d'un relevé bimestriel qui ne comporte qu'un total ne permet aucune vérification. On est obligé de faire confiance à la machine avec les inconvénients qui en résultent lorsque la mécanique se détraque, ce qui n'est malheureusement pas si rare. J'en ai fait la désastreuse expérience.
Vous m'indiquez ce que je savais déjà, que l'abonné peut faire installer chez lui, à ses frais, un compteur individuel qui donne lieu au paiement de taxes et de redevances. C'est une solution acceptable pour des entreprises de quelque importance qui veulent contrôler leur consommation téléphonique et surtout réfréner les communications privées de leur personnel.
Je sais qu'elle a été adoptée par des abonnés qui ont eu des contestations avec votre administration, mais qui tous ont une importante consommation téléphonique. Cependant, ce n'est pas un procédé utilisable par la plupart des particuliers, surtout par ceux qui comme nous ont besoin d'avoir plusieurs postes téléphoniques.
M. Gérard Minvielle. Voulez-vous me permettre de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Robert Bruyneel. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Minvielle, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Gérard Minvielle. Dans le cas où il y aurait une différence de comptage entre le compteur particulier et le compteur de l'administration, qui la réglerait ?
M. Robert Bruyneel. L'administration. Du moins, je le suppose ; sinon il serait inutile de faire installer un compteur individuel pour contrôler le compteur de l'administration.
M. Gérard Minvielle. Par conséquent, le procédé est inopérant.
M. Robert Bruyneel. Cette installation n'est pas possible pour la plupart des particuliers, spécialement pour les abonnés qui ont une consommation téléphonique peu importante. Beaucoup de personnes âgées, notamment, possédant de faibles ressources ont fait installer le téléphone pour ne pas rester isolées, pour pouvoir appeler leurs fournisseurs et en cas de nécessité un médecin, un parent ou un ami et enfin souvent pour rester en liaison avec leur famille. Elles ont le droit d'exiger une facture exacte sans aggravation de frais de téléphone déjà très élevés.
De toute façon, lorsqu'in constate un enregistrement anormal et très important de ses taxes téléphoniques, il est trop tard pour installer un compteur. Il n'y a pas d'autre ressource que de soumettre son relevé contesté à la direction départementale qui tranche arbitrairement.
Quant à la conclusion de votre réponse, monsieur le ministre, elle n'est pas très convaincante. Vous estimez que l'expérience a permis de démontrer à maintes reprises qu'une consommation téléphonique jugée anormalement élevée provenait de l'utilisation de la ligne à l'insu du titulaire, soit par un familier, soit par un tiers ayant accès à l'appareil. Cela peut se produire surtout dans des locaux à usage professionnel, mais plus difficilement dans une maison privée ou dans un appartement où ces pratiques, lorsqu'elles ont lieu, sont vite constatées.
D'ailleurs, avec prudence, vous indiquez que cette démonstration a été faite à maintes reprises, ce qui permet de supposer que dans de nombreux cas, la facturation excessive est due à une défaillance du matériel.
Alors j'en arrive à une question essentielle. L'abonné qui constate avec certitude un fonctionnement anormal de son compteur téléphonique n'a-t-il d'autre ressource qu'un recours gracieux auprès de votre administration ? En cas de rejet, doit-il considérer comme définitivement confisquées les sommes indûment payées ou doit-il s'adresser à la justice ?
Maintenant je vous prie de m'excuser d'être obligé de vous conter mes propres déboires et mes difficultés avec l'administration des P. T. T., et les pertes de temps, et peut-être d'argent, qu'ils m'ont occasionné. Je le fais pour votre édification et pour celle du Sénat, en souhaitant que cet exemple vous permette d'améliorer un service dont j'ai de bonnes raisons de me plaindre.
Je suis propriétaire d'une résidence secondaire à Villefranche-sur-Mer, où j'espère pouvoir terminer paisiblement ma vie, mais que j'occupe actuellement assez peu : une partie de l'été — je m'y repose et me consacre aux sports nautiques — et quelques jours en hiver. Le reste du temps elle est inoccupée et close et cette circonstance a été déterminante pour l'étude des caprices de mon compteur téléphonique.
J'ai fait installer le téléphone au début de 1969 après bien des hésitations, car je voulais être tranquille ; mais les liaisons téléphoniques sont devenues maintenant indispensables. Jusqu'en 1972, mes relevés n'ont donné lieu à aucune remarque. J'ajoute que j'avais autorisé le prélèvement de mes débits sur mon compte de banque, et je m'en suis repenti amèrement. Le relevé du 26 janvier au 25 mars 1972 m'a paru dépasser nettement ma consommation réelle, mais il s'agissait d'une somme relativement peu importante et je n'avais pas d'éléments suffisants d'appréciation. Je n'ai donc pas fait de réclamation.
Ma maison a été fermée le 12 mars et j'en avais seul la clef.
Elle n'a été rouverte que le 19 juillet. Or, le relevé suivant mentionnait 6,90 francs pour la période d'imputation au compteur du 26 mars au 25 mai. C'était peu, évidemment, mais c'était encore trop, puisque personne, pendant plus de quatre mois, n'avait pu décrocher mon téléphone.
Par principe, j'écrivis le 8 juillet à la comptabilité téléphonique de Marseille en lui faisant part de l'inoccupation de ma maison pendant cette période et lui demandant à quoi correspondait cette somme inscrite à mon compteur.
Le 25 juillet, le service des abonnements téléphoniques de Nice m'écrivit ceci :
« Monsieur,
« Comme suite à votre réclamation du 8 juillet 1972 et pour me permettre de vérifier la consommation de votre ligne téléphonique, je vous serais très obligé, dès réception de ma lettre, de bien vouloir prendre note des communications demandées à partir de votre poste.
« Ce relevé, que je vous prierai de me communiquer ultérieurement, devra mentionner, outre les numéros d'appel, les dates, heures et durées des conversations.
« Je vous précise que, sans ce relevé, je ne pourrai statuer sur le bien-fondé de votre réclamation. » C'était clair !
Pourtant, le lendemain, je reçus une autre lettre du même service, datée du 26 juillet et ainsi libellée :
« Monsieur,
« Par lettre en date du 8 juillet 1972, vous contestiez le nombre des communications enregistrées sur votre compteur pendant le bimestre C 3/72 (avril-mai).
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'un dérangement ayant affecté votre compteur pendant la période considérée, un dégrèvement correspondant au nombre de communications enregistrées pendant la période incriminée, c'est-à-dire 23 taxes de base, soit 6,90 francs, est établi en votre faveur. »
Toutefois, à titre de précaution, j'ai pris soin de noter toutes les communications demandées à partir de mon poste, bien que ce travail me parût extrêmement fastidieux. J'ai installé auprès du téléphone un bloc-notes et un chronomètre et noté toutes les communications données entre le 26 juillet et le 10 septembre, sans en excepter une seule. Je tiens d'ailleurs la copie de ce relevé à votre disposition, monsieur le ministre, bien que votre administration l'ait déjà en sa possession depuis bien longtemps.
J'ai enregistré les dates, les heures, le numéro des abonnés appelés et la durée des communications demandées. Il y en eut exactement 69, la plupart courtes et locales, dont deux pour Paris, une pour le Loiret et une pour les Pyrénées-Atlantiques.
Au mois d'août, je reçus un relevé qui comportait 160,80 francs de taxes au compteur pour la période du 26 mai au 25 juillet et m'obligea à en conclure que mon compteur « déraillait » complètement. (Sourires.)
J'écrivis donc la lettre suivante au chef du service des abonnements :
« J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre citée en référence ainsi que du dégrèvement téléphonique que vous m'avez consenti de 6,90 francs.
« Toutefois, je dois vous informer que le dérangement qui affecte mon compteur continue. Je viens en effet de recevoir un relevé (ci-joint) qui compte 160,80 francs de taxes au compteur pour la période du 26 mai au 25 juillet. Or, je suis arrivé à Villefranche-sur-Mer le 19 juillet où la villa était inoccupée depuis le mois de mars et, entre le 19 et le 25 juillet, je n'ai eu que 5 à 6 communications locales.
« Je vous demande donc un nouveau dégrèvement et surtout la réparation du compteur. »
Je précise que personne, hormis ma femme et moi-même, n'a eu accès à mon téléphone pendant toute cette période. La maison est en général fermée et, si un intrus était venu se servir de mon appareil nous l'aurions vu.
Vous allez constater que, par la suite, la situation s'est aggravée considérablement. J'allais parvenir rapidement au domaine de l'absurdité totale. Je reçus en effet la lettre suivante, datée du 18 septembre, toujours du chef du service des abonnements téléphoniques :
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'après réception de votre lettre en date du 16 août 1972, afférente à la ligne téléphonique n° 01 10 16, divers essais techniques effectués sur votre installation ont montré que vos poste, ligne et compteur fonctionnaient normalement.
« Aucun dérangement pendant la période incriminée n'a été décelée, et les communications enregistrées du 19 juillet au 25 juillet, soit 536 taxes de base, ont de toute évidence été obtenues à partir de votre poste. Les divergences que vous constatez peuvent donc provenir d'omissions involontaires de personnes ayant accès à votre poste.
« Par ailleurs, votre compteur a été mis en observation sur machine Girard du 28 août au 26 septembre. Au cours de cette période, 876 taxes de base ont été enregistrées, ce qui laisse apparaître un très fort trafic sur la chaîne nationale.
« Je vous informe que la bande de contrôle est à votre disposition à mon service de la rue Alberti où vous pourrez la consulter.
« En conséquence, en l'absence d'éléments nouveaux justifiant une détaxe, aucune anomalie technique n'ayant été constatée, je ne puis à mon vif regret vous accorder un dégrèvement. »
Le 20 septembre, j'adressais mon relevé, ainsi qu'on me l'avait demandé, sans aucune illusion. Le 28 septembre, j'envoyais une vive protestation, toujours au même service. J'écrivais notamment que j'avais fait le relevé qu'on m'avait demandé, bien que ce travail fût particulièrement fastidieux, et j'ajoutais qu'aucune personne, hormis ma femme et moi-même, n'avait eu accès à mon poste. J'écrivais également :
« Quant aux résultats constatés par la machine Girard, ils sont absolument effarants et n'ont aucun rapport avec la réalité.
J'observe d'abord que la période du 28 août au 26 septembre pendant laquelle 876 taxes de base auraient été enregistrées n'était même pas terminée lorsque vous m'avez adressé votre lettre du 18 septembre, ce qui ôte toute valeur à ce contrôle. En outre, nous avons quitté la villa le 11 septembre à 5 heures et demie du matin après avoir avisé, le 8 septembre, la poste de Villefranche de notre départ, ce qui rend invraisemblables les communications enregistrées pendant cette période.
« Vous constaterez d'ailleurs par le relevé que je vous ai adressé et par la comparaison avec mes communications pendant les mêmes périodes des années précédentes que je ne viens pas en vacances pour me livrer à un « très fort trafic sur la chaîne nationale ».
« Administrateur civil de classe exceptionnelle en retraite, parlementaire depuis vingt-cinq ans, je n'ai pas l'habitude des réclamations frivoles et, si je comprends vos difficultés, je ne puis admettre qu'on conteste l'évidence d'erreurs aussi lourdes.
Non seulement je constate que mon compteur est toujours déréglé, mais, ce qui est plus grave, que vos appareils de contrôle ne fonctionnent pas mieux.
« Je ne reviendrai pas à Villefranche, ni personne de nia famille, avant le mois de janvier ; il vous sera donc facile de mettre ma ligne en observation. Mais, en attendant, je persiste à exiger le dégrèvement des 536 taxes de base que je ne dois pas ainsi que celles qui ne concorderaient pas avec le relevé que je vous ai fourni. »
M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, monsieur Bruyneel, car vous ne disposez plus que de cinq minutes.
M. Robert Bruyneel. J'ai presque terminé, monsieur le président.
Mais je n'étais pas au bout de mes peines. Le lendemain, je reçus une nouvelle lettre de ce service. On me disait toujours que la consommation excessive constatée provenait de l'utilisation de mon poste par une tierce personne.
C'est un peu comme la fable de La Fontaine :
« — Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
« -- Je n'en ai point. — C'est donc quelqu'un des tiens. »
On ajoutait que je pouvais vérifier la bande et qu'aucune suite favorable ne pouvait être donnée à ma demande de dégrèvement. On précisait même que l'enregistrement de mes communications accusait un trafic très important sur Paris, non mentionné dans mon relevé personnel.
Je répondis par lettre du 3 octobre et, le même jour, je m'adressai au directeur régional, puisqu'il m'était impossible d'obtenir la moindre compréhension du service départemental.
J'indiquais plus précisément au directeur régional qu'il n'avait qu'à comparer mes relevés des années précédentes --- 1969, 1970 et 1971 — lesquels oscillaient entre 90 et 150 francs, tickets et abonnements compris.
Je reçus alors le coup de massue. Je n'avais pas atteint le sommet de l'extravagance administrative. Je devais le connaître lorsque j'ai lu avec une stupéfaction indignée le dernier relevé de la comptabilité téléphonique de Marseille que j'ai reçu vers la fin du mois d'octobre dernier. Mon compteur indiquait la somme de 2.078,10 francs (Rires) , c'est-à-dire 207.000 anciens francs pour 45 jours, puisque nous étions partis le 11 septembre.
Nous sommes très au-dessus de la cadence déjà vertigineuse que m'annonçait le service des abonnements téléphoniques de Nice dans ses lettres des 18 et 27 septembre.
Naturellement, j'ai immédiatement protesté auprès du directeur régional des télécommunications par lettre du 2 novembre ; je n'ai même pas reçu le moindre accusé de réception.
Voilà, trop largement relatées, Tes tristes étapes des difficultés que peut rencontrer un abonné au téléphone. J'ai pu constater que non seulement un compteur téléphonique peut s'emballer jusqu'à la frénésie, mais que l'appareil Girard même peut se déranger. (Sourires.)
Dès lors, quelles garanties peuvent avoir les abonnés qui n'ont pas pris la précaution coûteuse de faire installer un compteur individuel de ne pas être injustement spoliés ?
J'attends avec impatience et curiosité mon prochain relevé. .
Comme mon téléphone n'a pas été décroché depuis le 11 septembre, si le compteur enregistre Ta moindre taxe, je refuserai de payer car j'ai pris la précaution de mettre fin à l'autorisation de prélever sur mon compte en banque ; sinon, il serait vite épuisé ! (Sourires.)
M. Pierre Marzin. Monsieur BruyneeT, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Robert Bruyneel. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Martin, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Pierre Marzin. Monsieur le président, je viens de constater que les télécommunications constituent un problème extrêmement compliqué. Depuis dix ans déjà, le Sénat s'en est beaueoup préoccupé. Vous avez fait un symposium de deux jours sur l'électronique et les machines à calculer, voilà un mois ou deux.
M. le président. C'est exact.
M. Pierre Marzin. Je me permettrai donc de demander; avecbeaucoup de respect, à M. le ministre des P. T T. s'il accepterait de venir nous parler sérieusement du problème des télécommunications. M. le ministre a sûrement des réponses à apporter aux questions qui lui ont été posées...
M. le président. J'ai vu que M. le ministre hochait la tête favorablement. Il nous donnera peut-être tout à l'heure quelques éléments d'espoir sur ce point.
Monsieur Bruyneel, je vous rends la parole en vous priant d'être bref.
M. Robert Bruyneel. Je termine, monsieur le président.
Je suis d'ailleurs au bout de mes peines ; du moins je l'espère. Je vous disais que j'attendais mon prochain relevé, qui doit arriver dans quelques jours, avec une extrême impatience.
Depuis le 11 septembre, ma maison est fermée, les clefs sont chez moi et personne ne peut y pénétrer. Alors, de deux choses l'une : aucune communication n'apparaît au compteur et je paierai l'abonnement ; ou bien le compteur aura enregistré des sommes encore plus vertigineuses et je ne paierai pas. Certes, on pourra couper ma ligne. Cela ne me semble pas une solution raisonnable.
De toute façon, monsieur le ministre, c'est une question de moralité qui se pose. On ne peut tolérer que l'administration des P T. T. encaisse des sommes qu'on ne lui doit pas. J'attends — tous les abonnés au téléphone y sont intéressés — une réponse précise et apaisante au problème que je vous ai exposé et qui doit trouver sa solution dans la réforme de services insuffisants et dans Ia revision d'appareils défaillants. (Sourires et applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Ferrant.
M. Charles Ferrant. On ne peut nier que le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, reflète le désir de continuer la politique instaurée par votre prédécesseur, M. Galley, de modernisation des services de votre administration. Mais on s'étonne d'y trouver les mêmes anomalies que celles que nous avions signalées l'an dernier et qui risquent d'entraver les efforts de redressement.
A cet égard, plusieurs points me paraissent particulièrement préoccupants. En tout premier lieu, il faut citer les déficits structurels dont certains atteignent déjà un volume inquiétant et qui, par la nature des solutions arrêtées, ne cesseront de s'accroître.
Est-il normal de prévoir une taxe sur les virements postaux alors que cette mesure signifierait la condamnation des chèques postaux si elle n'était étendue à tous les établissements teneurs de compte ? Nous n'en sommes pas encore là. Déjà cette taxation figurait au budget de 1972 pour une recette de 230 millions de francs. Elle n'a pas été appliquée. Gageons que celle qui est inscrite au budget de 1973 pour 240 millions aura le même
sort.
Le déficit des chèques postaux, qui s'aggrave d'année en année, est évalué pour 1973 à 1.115 millions de francs ; il ne sera et ne pourra être résorbé que par une rémunération, à un taux voisin de celui du marché monétaire, des avoirs mis à la disposition du Trésor.
Nous ne pouvons nous satisfaire de la rémunération à ce taux obtenue l'an dernier pour la seule partie excédentaire des fonds par rapport aux avoirs moyens déposés en 1971, alors que le déficit du service s'accroît sans cesse.
Par ailleurs, pourquoi faire supporter au budget annexe la charge évaluée à près de 800 millions de francs, que représente la distribution de la presse ? Celle-ci doit être aidée, nous en sommes tous partisans, mais il n'en est pas moins vrai que le poids financier de cette générosité ne doit pas retomber sur la seule administration des P. T. T.
D'autre part, il est indéniable que la qualité du service qui était la marque dominante de l'administration des P. T. T. il n'y a pas de si nombreuses années, ne cesse de se dégrader. Les délais d'acheminement du courrier s'allongent et la régularité disparaît.
L'insuffisance des effectifs, la progression du trafic, la saturation des centres de tri en sont les causes connues.
Le rapporteur du budget annexe à l'Assemblée nationale reeonnaissait qu'il aurait fallu, sans tenir compte de l'effort de « rattrapage » pourtant indispensable, créer 4.700 emplois pour le service postal. Or, nous en sommes loin, puisque l'effectif supplémentaire accordé pour 1993 est fixé à 3.554. Ne nous étonnons pas, dans ces conditions, d'une Iente et sûre asphyxie du service.
Les télécommunications, dans ce budget, bénéficient de crédits substantiels pour leur modernisation et leur développement.
Il faut rattraper ma retard qui devenait catastrophique.. Les autorisations de programme s'élèveront à 5.560 millions en 1973 contre 4.640 eu. 1972. En outre, les sociétés de financement assureront le financement d'équipements pour un montant de 2.160 millions. En définitive, les programmes atteindront un total de 7.720 millions, sans compter les commandes, évaluées à 700 millions, qui pourraient être passées avec le concours de
Créditel, société de financement nouvellement créée.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'ampleur des programmes qui seront ainsi lancés, car notre réseau téléphonique, en grande partie vétuste — certains centraux de Paris ont été mis en service avant 1930 — qui ne fonctionne que grâce au dévouement et à la conscience professionnelle d'agents de tous grades, avait grand besoin d'être renouvelé et modernisé.
Je voudrais maintenant évoquer un problème, celui de la menace de privatisation. Monsieur le ministre, vous voudrez,j'en suis certain, nous rassurer à ce sujet et nous renouveler les assurances que vous nous avez données tout à l'heure.
Le recours au financement privé pour les investissements en matière de télécommunications, malgré les précautions prises, constitue un pas vers la mainmise de plus en plus sensible du secteur privé sur les activités publiques, outre la charge financière qu'il représente pour les P. T. T.
Par ailleurs, des sociétés telles que Telex Engeneering, Eurotélex, International Télex utilisent leurs lignes télex pour l'acheminement de messages confiés par des tierces personnes. Cette atteinte au monopole d'Etat procure à ces sociétés des bénéfices appréciables, alors que les charges d'entretien et de développement du réseau sont supportées par votre administration.
Dans le domaine postal également, les actions sont fréquentes qui retirent à la poste le trafic rentable — paquets et imprimés dans les zones urbaines — en laissant à l'administration le soin d'assurer la distribution dans les zones rurales où l'habitat est dispersé.
Enfin, dans le domaine financier, la concurrence s'applique à soustraire aux P. T. T. une clientèle intéressante qui recherche de nouvelles facilités ou de nouveaux services que les P. T. T. souhaiteraient assurer, mais que le ministre des finances n'autorise pas. C'est le cas notamment pour les chèques postaux, la caisse nationale d'épargne et les mandats à domicile.
Ce qui me paraît grave c'est que, depuis quelque temps, toute une campagne est orchestrée pour enlever aux P. T. T. les services rentables. Un hebdomadaire récent, dans son numéro du 7 novembre dernier, a publié un article intitulé : Téléphone : il faut l'arracher aux P. T. T. » On ne peut être plus clair !
De plus, certaines directions régionales des télécommunications informent par circulaire les candidats à un abonnement téléphonique, en raison, est-il précisé, du volume des tâches qui incombe au service et du nombre de demandes plus anciennes, que l'on ne peut leur donner satisfaction avant un délai qui ne saurait être inférieur à deux ans. Ils sont invités à faire exécuter la construction de leur ligne par une entreprise privée agréée et à rétribuer les travaux directement sans intervention de l'administration.
Il est ensuite indiqué que pour tenir compte de l'aide en main-d'oeuvre ainsi apportée, il ne sera perçu ni taxe de raccordement, ni part contributive et qu'en outre la mise en service sera effectuée dans le délai donné par l'entreprise. Faut-il préciser que ce délai est de quinze jours environ ?
Jugez de ma surprise : c'est l'administration elle-même qui aiguille les futurs usagers vers l'industrie privée, les dispense de la taxe de raccordement et leur promet que leur ligne sera raccordée presque immédiatement, alors que l'administration demande un délai de deux ans. Cette proposition me
paraît aberrante. On ne peut mieux discréditer et préparer ainsi le démantèlement des services de votre administration.
Nous voudrions, monsieur le ministre, vous entendre dire que vous serez un défenseur ardent des services du ministère qui vous a été confié ; la meilleure défense serait bien entendu de rétablir rapidement la qualité de service qui faisait citer les P. T. T., jusqu'à une époque assez récente, comme une administration modèle.
Nous attendons également de vous, monsieur le ministre, à la suite du manifeste des ingénieurs des P. T. T., l'affirmation que vous saurez garder l'unité de la maison postale.
Revenant au budget lui-même, il faut regretter que l'habitude semble prise maintenant d'y faire figurer des recettes à déterminer qui, cette année, s'élèvent tout de même à 3.690 millions.
Comment seront-elles obtenues ? Nous n'en savons rien. Comme le rappelait tout à l'heure M. Henneguelle, notre rapporteur, si nous nous permettions de présenter et de faire voter dans nos communes un budget équilibré par un tel artifice, il serait inévitablement rejeté par l'autorité de tutelle. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait peut-être plus normal de dire qu'un emprunt supplémentaire viendra s'ajouter à l'emprunt prévu ou bien que l'on envisage après les élections une augmentation des tarifs ?
Enfin, j'aborde le dernier volet de mon intervention, les problèmes du personnel. Ils ne peuvent laisser indifférents car leur règlement conditionne pour une part importante la bonne marche du service. Il ne semble pas que le ministère s'attache à leur trouver des solutions rapides et l'on comprend les mouvements de mauvaise humeur du personnel à qui des promesses ont été faites, qui n'ont pas été tenues.
Prenons l'exemple des receveurs et des chefs de centre. Ces fonctionnaires appartiennent à la catégorie A, parfois à la catégorie B pour les établissements moins importants. Leur reclassement a fait l'objet d'études et de plans. On a même créé pour certains une indemnité compensatrice en attendant la réforme promise et toujours attendue. De la sorte, non seulement ces receveurs et chefs de centre sont déclassés, mais ceux qui partent à la retraite voient leurs pensions amputées de toutes ces indemnités et ainsi ne perçoivent pas les 75 p. 100 de leur traitement d'activité prévus par la loi.
Les receveurs et chefs de centre sont légitimement inquiets de l'évolution technique des structures de l'administration et constatent que leurs attributions s'alourdissent sans cesse, sans que l'on songe sérieusement à modifier leur statut actuellement inadapté. De récents incidents — vous savez à quoi je fais allusion, monsieur le ministre — ont montré toute l'étendue de leur responsabilité. La nécessité de leur reclassement est bien perçue par vos services centraux, mais aucun début de réalisation ne vient concrétiser cette volonté.
Aucune solution n'a non plus été apportée aux problèmes concernant les inspecteurs, notamment ceux du relèvement de leur traitement de début et de la réduction de la durée des carrières. Par ailleurs, l'avancement et les débouchés qui se raréfient et se raréfieront de plus en plus au fur et à mesure du regroupement des centres font l'objet de leur préoccupation.
Les inspecteurs des télécommunications sont particulièrement sensibilisés par l'aggravation de leur déclassement au sein même des télécommunications et vis-à-vis de leurs homologues de la fonction publique. L'indemnité forfaitaire qui leur est attribuée a sensiblement la même valeur que la prime de technicité allouée aux techniciens alors que les grades et les responsabilités sont nettement différents. Elle est par exemple très inférieure à la prime de rendement de l'inspecteur du trésor, qui atteint 6.000 francs par an.
Ces questions devraient faire l'objet d'une particulière attention afin de parvenir rapidement à l'octroi d'une indemnité substantielle de sujétion particulière pour les corps des inspecteurs des télécommunications. M. Galley, votre prédécesseur et les responsables de l'administration centrale ont reconnu que les techniciens des télécommunications assuraient des fonctions hautement qualitatives dans les responsabilités techniques qu'im-
pose à ces personnels le bon fonctionnement des services des télécommunications.
Ils ont su faire face à l'évolution des techniques et assurer la bonne marche du service, qu'il s'agisse du téléphone, du télex, de la radio, des liaisons hertziennes, ou des lignes à grande distance.
La mise en place des techniques nouvelles et le développement du réseau augmentent leurs responsabilités. On peut leur faire confiance pour les assurer pleinement en vue d'augmenter la qualité du service des télécommunications.
M. Galley, en reconnaissance de leurs fonctions qualitatives et de leur formation professionnelle, leur avait promis un alignement de leur carrière sur celle de leurs homologues techniciens de la défense nationale. Il conviendrait que cet engagement soit tenu.
Nous voulons attirer également votre attention, monsieur le ministre, sur les receveurs distributeurs qui sont à la fois agents comptables et agents de la distribution et se voient refuser les avantages accordés à l'une ou à l'autre de ces catégories d'agents. Leurs demandes sont justifiées et doivent être satisfaites.
Les ouvriers d'Etat sont les seuls, dans l'administration des P. T. T. à n'être pas régis par un statut dans le cadre de la fonction publique. Nous confions cette question à votre bienveillante attention, monsieur le ministre, persuadé que vous présenterez très rapidement au ministre d'Etat chargé de la fonction publique un projet de statut.
Enfin nous faisons appel à votre sens de l'humain pour trouver des solutions aux problèmes angoissants du reclassement des opératrices et des agents dont les emplois sont supprimés du fait de l'automatisation du réseau.
Nous nous étonnons, monsieur le ministre, de trouver chaque année dans le fascicule budgétaire des créations d'emplois de contractuels. Nous regrettons une telle position dans la mesure où ces emplois deviennent quasi permanents et nous comprenons mal pourquoi les crédits y afférents ne sont pas utilisés au recrutement supplémentaire d'ingénieurs et de fonctionnaires, qui, après avoir reçu la formation nécessaire, seraient aptes à remplir les tâches dévolues actuellement aux contractuels.
D'un mot, je voudrais déplorer la concentration des centres et la création des agences commerciales qui éloigneront encore de l'administration les usagers.
En terminant je veux rendre un hommage méritant aux 350.000 fonctionnaires et agents des P. T. T. qui assurent dans des conditions difficiles le fonctionnement des services.
Nous savons que la dégradation de la qualité du service ne leur incombe pas. Les responsabilités sont très nettement établies, elles se situent au niveau du ministère des finances qui délibérément maintient sous une tutelle très stricte les P. T. T. et empêche toute velléité de développement.
Monsieur le ministre, l'optimisme annuel et budgétaire de votre ministère est en contradiction totale avec le sentiment des usagers et avec le nôtre. Dans la modernisation indispensable de son système de télécommunications, la France a pris un retard tel que nous sommes, en dépit de certains progrès, dans le peloton de queue des pays industrialisés. Un redressement est nécessaire. En votant contre ce budget, mon groupe et moi-même voulons en définitive aider à une prise de conscience au plus haut niveau pour galvaniser dans notre pays cet outil de progrès. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gaudon.
M. Roger Gaudon. Monsieur le ministre, en présentant votre budget vous avez essayé par avance de répondre à notre argumentation. Je dois vous dire que vous ne m'avez pas convaincu. Je m'en tiendrai à quelques considérations à propos de votre politique qui suscite notre inquiétude, ainsi que celle des personnels et du public.
La tendance à livrer les télécommunications aux appétits des sociétés privées s'accentue et l'on voit se profiler une menace sérieuse qui consiste à rompre l'unité des services des P. T. T.
Une campagne est orchestrée par une certaine presse qui tend à dénigrer le fonctionnement des P. T. T. en général et du téléphone en particulier. Ces critiques sont, pour l'essentiel, dirigées contre l'administration des P. T. T. et son personnel.
Ainsi que l'indiquait, il y a un instant, notre collègue Ferrant, on a pu lire dans un hebdomadaire le titre suivant : « Téléphone : il faut l'arracher aux P. T. T. ».
Il faut bien admettre, malgré les déclarations que vous venez de faire, que votre politique vise cet objectif. Au lieu de donner aux P. T. T. tous les moyens leur permettant d'écouler le trafic dans de bonnes conditions, vous vous tournez, il faut le reconnaître, vers les banques d'affaires et l'on se demande quand prendra fin la mainmise du capital privé sur les télécommunications. Vous avez, en effet, déjà constitué quatre sociétés de financement : Finextel, Codetel, Agritel et Créditel.
On nous avait indiqué, au début, que ces sociétés, surtout la première, devaient tout régler. Or, la crise du téléphone persiste puisque l'on compte 648.000 demandes en instance.
Le groupe communiste a, depuis longtemps, signalé le danger de cette politique. En même temps, nous vous demandions — nous renouvelons cette demande aujourd'hui -- plutôt que de faire appel aux capitaux privés, de mettre à la disposition des services des P. T. T. les fonds de roulement des comptes de chèques postaux et une partie des fonds de la caisse d'épargne. Cette pratique existe d'ailleurs dans plusieurs pays
d'Europe et, à notre connaissance, le téléphone ne s'en porte pas mal. Je vous suggère cette solution car hier soir, dans cette assemblée, pour repousser un de nos amendements à la première partie de la loi de finances, le Gouvernement nous a rétorqué que nous devions être à égalité avec nos partenaires européens.
Votre politique tourne de plus en plus le dos à la notion de service public et nous craignons que vous ne franchissiez un nouvel échelon vers la privatisation des services les plus rentables des P. T. T. et pas seulement des télécommunications.
Ce n'est pas, monsieur le ministre, simplement une idée répandue comme vous l'avez affirmé tout à l'heure ; c'est une constatation.
Votre budget est bien l'expression d'une gestion au service des monopoles et des banques et contraire aux intérêts des personnels et des usagers.
Lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, M. le secrétaire d'Etat au budget, répondant à l'une de mes questions, a prétendu que le parti communiste français était opposé au téléphone qu'il considérait comme un gadget.
C'est là une interprétation tendancieuse de notre position et de notre politique. Nous avons d'ailleurs préconisé des solutions permettant d'accroître ce secteur important des P. T. T.
En revanche, votre politique permet aux financiers d'utiliser ce service public à leur profit. Je m'explique. Les prix pratiqués par les fournisseurs des télécommunications ne cessent d'augmenter. Vous me répondrez certainement, comme vous l'avez fait à l'Assemblée nationale, que le service des prix va au fond des choses. Si c'est là votre intention, pourquoi refusez-vous toujours que les organisations syndicales participent à la commission de contrôle des prix ?
M. Guy Schmaus. Très bien !
M. Roger Gaudon. Or, la lecture de la presse financière montre que les constructeurs de la téléphonie font de bonnes affaires ; les 5.520 millions de francs d'autorisations de programme leur ouvrent d'immenses possibilités.
Nous retrouvons la même situation avec les sociétés de financement. En 1971, pour un exercice de huit mois, Codetel annonce avoir réalisé un bénéfice de 22 millions de francs. Ces sociétés prélèvent, grâce à votre politique, leur dîme royale. Nous voyons que les loyers payés à ces sociétés figurent dans le budget pour 310 millions de francs, soit une augmentation de 138,5 p. 100 par rapport à 1972. La T. V. A. payée par les P. T. T. au lieu et place des constructeurs s'élève à 306 millions de francs, soit une augmentation de 25,9 p. 100.
A ce propos, je tiens à faire deux remarques. Tout d'abord, au dernier conseil supérieur des P. T. T., votre prédécesseur avait assuré que l'administration postale ne devait plus payer la T. V. A. Or, il n'en est rien. Il est vrai que le fascicule budgétaire ne comporte pas la mention « T. V. A. » ; pour trouver celle-ci, il faut se reporter au rapport écrit de notre collègue, M. Henneguelle. Ensuite, au budget de 1972 la T. V. A. figurait
pour 243 millions de francs. Elle s'élèvera, en réalité, à 261 millions au moins. Nous pouvons donc affirmer que les 306 millions de francs prévus pour 1973 risquent d'être en deçà de la réalité.
Ainsi, la crise du téléphone ne se résorbe pas. Mais les sociétés de financement sont assurées de percevoir en 1973, avec votre budget, la coquette somme de 616 millions de francs. Ce ne sont pas les petits porteurs qui profiteront des avantages. D'ailleurs, vous avez tout à l'heure avoué qu'un tiers des titres du téléphone était détenu par les petits porteurs, les deux autres tiers étant aux mains des gros porteurs qui trouvent avec ces sociétés et avec les télécommunications une très haute rentabilité.
Lors de la constitution des sociétés de financement, les contrats de location portaient sur une durée de huit à dix ans.
Ils portent maintenant sur quinze ans. Je vous pose, monsieur le ministre, la question suivante : combien de fois les centraux ainsi loués, compte tenu des loyers, seront-ils payés à l'expiration du bail ? Il faut bien remarquer, et c'est fondamental, que dans le même temps où vous imposez les coûteuses sociétés de financement, vous vous opposez aux justes solutions que j'ai évoquées au début de mon intervention. En revanche, vous
contraignez les P. T. T. à prodiguer des tarifs préférentiels de toutes sortes aux gros usagers et cela au nom de la « commercialisation » — c'est le cas, mais je pourrais en citer d'autres, pour la « Redoute de Roubaix » — alors que les tarifs pour les petits usagers augmentent. Nous avons assisté, voilà quelques années, à la création du courrier à deux vitesses avec un tarif à quarante centimes et l'autre à cinquante centimes ; nous avions, à l'époque, dénoncé cette politique. En définitive, nous avions raison : il s'agissait d'augmenter les tarifs postaux.
Dans le même temps, alors que le budget général est si généreux pour les monopoles de la sidérurgie, vous imposez aux P. T. T. des charges qui ne devraient pas être les leurs. C'est le cas — on l'a dit tout à l'heure à cette tribune — des tarifs préférentiels de presse déclarés, pour 1973, à plus de 800 millions de francs. Vous l'avez reconnu il est vrai, monsieur le ministre, mais nous attendons que vous preniez des mesures.
Alors que le Trésor ne sert toujours qu'un taux d'intérêt de 1,5 p. 100, vous imposez aux chèques postaux un déficit artificiel de 1.056 millions de francs.
J'ajoute, enfin, que l'administration postale est la seule à supporter toutes les charges des retraites. Cette contribution est évaluée à 30 p. 100 des traitements bruts.
Voilà la réalité de votre politique telle qu'elle ressort du budget que vous nous présentez. Vous privilégiez les sociétés de financement et les trusts de l'électronique et des télécommunications ; dans le même temps, on constate une insuffisance en moyens techniques et en effectifs dans les bureaux des centres, ce qui entraîne une dégradation de la qualité des services pour les petits et moyens usagers, alors qu'il conviendrait, par exemple, de maintenir et de développer les ateliers des P. T. T.
Comment se traduit pour le personnel une telle situation ?
Votre prédécesseur avait déclaré que les P. T. T. devaient avoir une gestion industrielle et commerciale,le critère de base des P. T. T., c'est la rentabilité. Nous nous éloignons là de la notion de service public et les conséquences de cette politique sont néfastes pour le personnel. La mécanisation, l'automatisation, la direction participative par objectif se traduisent pour les agents par la dégradation des conditions de travail, le refus de voir satisfaire leurs revendications alors que le personnel fait preuve d'un grand esprit de responsabilité, d'un grand esprit civique dans l'accomplissement de sa mission. Le reconnaître, c'est une chose ; mieux rémunérer le personnel en est une autre.
Là encore, le budget est à l'opposé d'une juste politique en matière de rémunération. Il ne comporte aucune mesure catégorielle nouvelle. Celles qui figurent au fascicule budgétaire ne sont que la reconduction et l'application de la réforme Masselin.
Les mesures indemnitaires elles-mêmes sont insuffisantes. La prime de résultat d'exploitation — la seule qui touche tout le personnel — portée à 1.000 francs sera bien loin de la revendication — 20 points réels — bien loin même des propositions antérieures de l'administration d'indexation sur le traitement de début du préposé à Paris. Quant aux autres indemnités, à l'exception de la prime de risque, elles ne touchent que très peu d'agents. Les mesures indemnitaires sont de 46,7 millions de francs au lieu de 63,7 millions. Les effectifs atteignent 3.607 unités seulement contre 4.850 dans le projet soumis au conseil supérieur et encore faut-il en signaler l'étalement sur toute l'année. Ce chiffre est tellement insuffisant que le rapport de
M. Wagner, à l'Assemblée nationale, est obligé d'admettre que, dans le cadre du VI' Plan, et sans tenir compte du « rattrapage » indispensable pour la poste seule, 4.740 emplois sont nécessaires.
Bien entendu, ces chiffres sont encore nettement en-dessous des besoins réels qui voient tous les services craquer justement en raison de l'insuffisance des effectifs.
Je voudrais vous donner un exemple : au central téléphonique de « Paris Inter Archives », où sont employées 2.300 téléphonistes, 80.000 heures de compensation pour les dimanches et jours fériés n'avaient pu être rendues en raison de l'insuffisance du personnel.
Cette dégradation générale des conditions de travail dans tous les services sans exception est l'une des raisons essentielles des grèves locales multiples qui ne cessent d'éclater.
Je voudrais faire deux autres remarques. La première concerne le VI' Plan. En dépit de belles paroles un retard très important est pris, par rapport aux objectifs du Plan, en ce qui concerne les autorisations de programme, notamment à la poste et aux services financiers, mais aussi aux télécommunications.
La seconde remarque vise le financement des investissements.
Il est bien évident qu'un budget des P. T. T. sincère, avec les seules charges qui lui incombent, le contrôle des prix du matériel, etc., ferait ressortir des excédents plus importants, même en tenant compte des revendications du personnel, ces excédents pouvant être utilisés en tout ou en partie pour le financement des investissements. Nous avons vu aussi que les fonds en dépôt aux chèques pouvaient être utilisés.
Avec les personnels des P. T. T., nous exigeons le salaire minimum à 1.000 francs, le retour à la semaine de quarante heures, une véritable réforme des catégories C, D et B, la suppression de l'auxilariat.
Pour le personnel féminin, nous pensons qu'il faut prévoir des crédits lui permettant, pendant les heures de travail, de préparer les concours intérieurs ; autrement il est inconcevable qu'une femme, mère de famille, puisse y parvenir dans de bonnes conditions.
Nous demandons également que soit favorisé le logement des garçons et filles célibataires dans les centres urbains.
Toutes ces légitimes revendications peuvent et doivent être
satisfaites.
Peut-on attendre de votre Gouvernement qu'il adopte une autre politique ? Je viens de démontrer que vous accentuez celle qui existe. D'ailleurs, vous avez déclaré que vous poursuiviez la tâche de votre prédécesseur.
Ce qu'il faut faire, c'est changer, changer de politique. C'est ce que propose la gauche unie qui donnera à l'administration des P. T. T. sa véritable place, son rôle de service public alors qu'elle étouffe actuellement sous le poids des monopoles et des banques. Nous voyons bien, par l'importance des nationalisations proposées, que les personnels, ainsi que leurs organisations syndicales, participent réellement à la gestion des - P. T. T.
Toutes ces mesures que nous proposons assureraient un développement harmonieux de l'administration postale. Ce secteur pourrait développer au plus haut niveau les techniques dans l'intérêt de l'économie nationale des personnes et du public.
Votre budget est à l'opposé de ce que nous proposons.
Aussi ne serez-vous pas étonné que le groupe communiste vote contre. (Applaudissements sur les travées communistes et socialistes.)
M. le président. La parole est à M. lieder..
M. Léopold Heder. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, profitant de cette discussion de votre budget, je voudrais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur l'attitude de votre administration centrale à l'égard d'un problème qui intéresse votre département. Il s'agit du centre des télécommunications de Cayenne.
Ce centre est actuellement implanté dans l'agglomération de Cayenne au lieudit Troubiran.
Il bénéficie, depuis l'origine, d'une très vaste zone de protection, et tous les terrains alentour se trouvent frappés d'une servitude qui interdit toute construction, tout équipement, toute modification de la consistance de l'agglomération.
Cette situation est évidemment déplorable, non seulement pour la population et les administrations publiques, qui sont constamment gênées dans leurs projets, mais également pour la municipalité de Cayenne qui, au moment où s'établit le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme, a le souci bien naturel de développer harmonieusement la ville et qui se heurte, plus que partout ailleurs, au problème foncier.
Cette protestation clairement et unanimement formulée lors de l'ouverture de l'enquête d'utilité publique de ce centre, m'a conduit, depuis longtemps, à demander à vos prédécesseurs, conjointement avec l'administration locale de l'époque, le déménagement hors de Cayenne de ce centre qui peut parfaitement s'installer sans inconvénients dans la périphérie.
Il m'a été répondu, à maintes reprises, que l'implantation du centre des télécommunications serait modifiée — dans le sens que je préconise en tant que maire de la ville — lorsque les installations actuellement en service se trouveraient techniquement dépassées et lorsqu'elles seraient remplacées par le système hertzien permettant les liaisons par satellite. J'ai donc attendu, pris mon mal en patience.
Or, voici que j'ai appris tout récemment que les équipements annoncées allaient être installés au centre de Cayenne, mais que les anciens bâtiments seraient adaptés en conséquence. Il n'est donc plus question de déplacer ce centre.
De plus et c'est le nouveau style des administrations centrales à notre égard on m'a informé que si les responsables locaux venaient à protester, le centre de Cayenne ne recevrait pas les équipements en cause, qui seraient alors installés au Surinam, c'est-à-dire dans l'ancienne Guyane hollandaise. Bien entendu, cette décision et cette réponse ont jeté la consternation en Guyane.
En effet, nous nous étions imaginés jusqu'alors que la France portait quelque intérêt à cette Guyane qu'elle possède depuis 1604, à ce vaste territoire grand comme trois fois la Be/gigue, doté de richesses naturelles abondantes et diversifiées, et admirablement placé par la nature comme entrepôt de commerce, comme grand marché posé à la charnière de l'Amérique du Sud et de l'Amérique Centrale, à égale distance de Rio de Janeiro, de New York et de Dakar.
Nous avions pensé qu'un tel territoire pouvait être aménagé comme phare de rayonnement culturel, scientifique et technique.
Et voilà que, subitement, nous apprenons qu'au contraire, dès qu'il s'agit de la Guyane, on peut se dispenser des exigences de rigueur, de toute rectitude de pensée, allant jusqu'à équiper de préférence le pays voisin étranger avant d'entreprendre dans un territoire français, situé dans la même zone d'influence, des réalisations aptes à combler les retards techniques et économiques considérables qu'il connaît. Car il est bien évident que la
promotion économique de mon département passe nécessairement par une amélioration des communications tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Or, il n'est pas exagéré de dire que dans le domaine des postes et télécommunications, tout reste à faire en Guyane.
Sur le plan des communications extérieures, les difficultés de correspondre avec la France et l'impossibilité de téléphoner à l'étranger sont des obstacles non négligeables — parmi d'autres — à l'implantation en Guyane des entreprises qui souhaiteraient s'y fixer.
En ce qui concerne l'intérieur, comme vous le savez, monsieur le ministre, seules les villes de Cayenne, de Kourou et de Saint-Laurent-du-Maroni bénéficient d'un service téléphonique permanent.
Je n'ignore pas que la mise en service automatique de l'île de Cayenne est programmée par vos services pour l'année 1973 et que cet équipement moderne dont nous vous remercions. desservira aussi les communes voisines de Remire et de Matoury.
Mais la situation demeurera ce qu'elle est, c'est-à-dire catastrophique pour les autres communes de la Guyane, où le service n'est assuré au'entre sept heures trente et midi ainsi qu'entre quatorze et dix-huit heures. Le reste du temps, c'est le vide le plus total et toute commun'cation entre les communes est impossible par l'intermédiaire de vos services.
Il faut admettre que dans aucun département métropolitain la population se trouve sans aucune possibilité de communication pendant plusieurs heures chaque jour et pendant toute la nuit.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous nous disposons déjà à accueillir avec enthousiasme ce nouvel équipement technique qui prend place dans le réseau international de télécommunications en voir de constitution. considérant ce geste de votre département ministériel comme destiné à donner de votre administration une autre image que celle qui est, à l'heure actuelle, la sienne en Guyane.
Accomplissez ce geste, monsieur le ministre, sans l'assortir de la menace de nous priver de cette installation au profit de nos voisins du Surinam. Reconsidérez personnellement ce dossier, en recherchant tous les moyens de déplacer ce centre dans les conditions suggérées conjointement par l'administration locale et les élus.
Il ne suffit pas, à mon sens, de se retrancher derrière le palliatif d'une simple réduction de l'étendue de la zone de protection pour alléguer que le problème est résolu. Cette mesure n'est pas de nature — on le sait bien — à éliminer l'incidence financière considérable que ce centre exerce sur le prix des lotissements voisins. S'agissant d'un équipement de haute technicité, d'un équipement de pointe tout à l'honneur de la France et de votre administration, veillez, monsieur le ministre, à ce que sa réalisation ne demeure pas subordonnée au seul strict critère de la rentabilité.
Quand, au cours de son voyage en Amérique latine, le général de Gaulle prononçait, au Paraguay, les paroles suivantes : « Les choses sont ainsi que la France, qui s'est relevée de ses blessures et qui a fait de grands pas en avant dans la voie de son développement, se trouve maintenant dans une position où elle peut apporter aux nations qui le désirent l'assistance de ses capacités scientifiques, techniques, économiques et sociales », le
chef de l'Etat de l'époque entendait mettre l'accent sur deux consiérations essentielles.
D'abord, les progrès accomplis à l'intérieur, se traduisant par la satisfaction d'un grand nombre de besoins prioritaires.
Ensuite, les moyens dont disposait la France pour accroître son prestige à l'extérieur.
Par application de ces principes, vous pourriez faire que, charité bien ordonnée commençant par soi-même, la Guyane cesse d'inspirer pitié aux pays voisins, au Brésil et aux Guyanes étrangères, grâce à cette réalisation relevant de votre initiative, qui constituerait un exemple des réussites françaises. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jozeau-Marigné, dernier orateur inscrit.
M. Léon Jozeau-Marigné. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à titre personnel, intervenir très brièvement sur votre budget, monsieur le ministre, sans donner à cette intervention un caractère autre que technique.
Il ne s'agit pas de savoir si le programme politique d'un parti ou d'un ensemble de partis aboutira ou non à un résultat mineur.
Il nous est nécessaire de savoir en cet instant si le budget qui nous est présenté correspond aux besoins normaux, aux aspirations profondes de notre pays et nous permet de nous réjouir et de nous citer en exemple.
C'est justement parce que je suis profondément ému des conditions difficiles dans lesquelles fonctionne le service public, parce que j'ai la sensation profonde que les investissements prévus ne correspondent pas, mais pas du tout, aux besoins indispensables que je monte à cette tribune pour émettre une protestation et manifester le désir d'une évolution.
En effet, monsieur le ministre, très souvent, lorsque nous administrons, que ce soit à l'échelon national ou à l'échelon local, nous sommes amenés à concevoir des investissements répondant à une nécessité absolue. Nous savons tous, dans nos communes, dans nos départements combien le problème des liaisons est vital. Aussi, lorsque nous soulignons ici ce caractère, ce n'est pas dans le dessein de critiquer une personnalité politique responsable ; c'est, au contraire, pour l'aider dans ses rapports avec la rue de Rivoli. Or il est de fait que votre budget pour 1973 ne comporte pas les moyens permettant d'assurer les liaisons indispensables à notre vie économique.
Au cours de votre exposé, vous avez bien voulu indiquer que vous espériez fin 1974, soit d'ici à deux ans, réaliser l'automatisation à 94 p. 100. Ce ne sera pas pour autant un succès considérable car, lorsqu'on est desservi par l'automatique, encore faut-il que la ligne ne soit pas saturée et que l'on parvienne à obtenir une réponse.
Dans quelle situation sommes-nous dans nos provinces ? Très souvent, lorsque le maire d'une commune rurale utilise le téléphone pour faire appel à un médecin ou à un service de sécurité — par exemple en cas d'incendie — il lui faut attendre dix, quinze, voire vingt minutes, sinon plus, pour obtenir que la poste réponde. Il arrive alors fréquemment que l'on soit obligé d'utiliser une voiture pour pallier la carence du téléphone.
Telles sont les difficultés en face desquelles nous nous trouvons.
Votre administration, depuis quelque temps déjà, a trouvé un moyen de suppléer au manque de crédits : les avances remboursables. Lorsqu'une personne demande un abonnement téléphonique, on lui réclame une somme de 2.000 ou 3.000 francs pour le raccordement, cette somme constituant pour partie une avance iur les communications. Elle peut espérer obtenir satisfaction dans un délai de six mois.
Mais je voudrais vous rendre attentif au fait que nous, conseillers généraux, dans nos assemblées départementales — vous voyez, monsieur le ministre, que je vais élever le débat — nous sommes aussi contraints d'en passer par ces avances remboursables.
M. Charles Alliés. Sans intérêt !
M. Léon Jozeau-Marigné. Présidents de conseils généraux, nous comprenons vos difficultés, mais nous ne voudrions pas être dupes. Lorsque après avoir consenti cette avance, nous espérons pouvoir inscrire dans notre budget le remboursement, nous recevons la visite de votre directeur régional qui nous dit : un quart — ou un tiers — de votre département est automatisé ; nous pouvons faire plus, mais consentez-nous une nouvelle
avance. Ainsi, loin de recevoir le remboursement espéré, c'est encore nous qui continuons à financer vos travaux pour des sommes de plus en plus importantes.
Je ne peux donc pas laisser dire que ce sont les crédits budgétaires qui vous permettent de faire face aux besoins. Ce sont les avances que les collectivités locales sont obligées de vous consentir.
Si vous croyez que vous pouvez rendre automatique le réseau français d'ici 1972, je vous pose cette question : lorsque vous aurez automatisé tout le pays, où en serez-vous du remboursements des avances consenties par les collectivités locales et notamment les départements ? (Très bien ! très bien !)
Cette question ne revêt aucun caractère politique ; elle a un simple caractère technique, et je sais quelles ont toujours été les difficultés de cette administration. Mon intervention n'a d'autre but que de vous aider dans votre tâche, monsieur le ministre.
Dans nos conseils généraux, nous avions toujours eu, monsieur le ministre, des rapports excellents avec vos directeurs départementaux. Maintenant, ils nous disent qu'il faut nous adresser à la région pour obtenir satisfaction. Où est le progrès ?
Récemment, je faisais partie d'une mission dans un pays nordique, au nom de la commission de législation — je m'en entretenais ce soir avec M. le président du Sénat et j'ai pu téléphoner en 15 secondes dans mon département de là-bas, ce que je suis bien incapable de faire dans mon propre pays. Cela m'attriste.
Je ne veux donner de leçon à personne ; j'essaie seulement d'être constructif. Mais comme, dans ce domaine, je n'obtiens pas de réponse â mes demandes, que me reste-t-il à faire ? Je suis obligé de faire remarquer, ce soir, que ce budget ne permet pas de calmer les inquiétudes des collectivités locales. Si vos réponses ne me donnent pas satisfaction, monsieur le ministre, je ne répondrai à votre projet de budget que par un seul
mot : non ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Germain, ministre des postes et télécommunications.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, avant d'aborder dans le détail les questions qui m'ont été posées, je voudrais développer quelques considérations générales.
J'ai écouté chacun avec attention, et l'impression qui se dégage à l'issue de ce débat est celle d'une critique et d'un scepticisme à l'égard de nos efforts, qu'il s'agisse des postes, des services financiers ou des télécommunications.
Certaines suggestions ont été faites. Les difficultés ont été soulignées. De ce que nous avons entrepris, de ce que nous avons réalisé, de l'explosion qui a été constatée dans la demande, presque rien n'a été dit.
Par contre, j'ai entendu l'écho des campagnes de dénigrement lancées par certains organes de presse. J'ai aussi senti à travers les propos exprimés des inquiétudes sur l'unité de notre administration et sur une prétendue a privation ».
Cela me conduit à penser qu'il convient d'améliorer l'information relative au département ministériel que je dirige. C'est une préoccupation que j'ai eue dès que je me suis trouvé placé à sa tête. Je suis convaincu qu'il est nécessaire de montrer nos réalisations, d'expliquer quels sont les problèmes qui se posent à nous.
Je souhaite que vous puissiez, au sein d'un groupe d'études comme celui sur l'aviation civile auquel j'ai participé en tant que parlementaire, et dont j'ai pu mesurer l'utilité, découvrir ce que sont les activités de mon administration, les études que nous menons, de façon à mieux saisir la nature de nos efforts et les difficultés que nous rencontrons. Dans le domaine des télécommunications, il est plus difficile de montrer des réalisations spectaculaires que dans celui des autoroutes, par exemple. Malgré l'aridité de cette tâche, je suis prêt à l'entreprendre pour l'information du Parlement et je suis heureux d'en saisir le Sénat, en premier, ce soir.
On dit que les efforts que nous faisons sont insuffisants au regard des besoins. Bien sûr, ceux-ci sont importants ; ils vont même encore se développer dans les prochaines années et des problèmes difficiles continueront à se poser à nous ou à nos successeurs.
Ce n'est pas là un aveu de faillite. Pardonnez-moi de me laisser emporter par le sujet et par ma conviction, mais je voudrais vous montrer qu'il s'agit là d'un phénomène de civilisation symptomatique du progrès économique et social dans notre pays, et de plus universel.
Il y a plus de 700.000 demandes d'abonnement en instance en France, mais il y en a 2.900.000 au Japon. Un nombre élevé de demandes en instance n'est pas forcément un mauvais signe. Ce qui est important, c'est le délai de satisfaction de la demande.
J'appelle votre attention sur un autre problème. Quand mon prédécesseur Robert Galley, auquel je veux rendre un hommage très particulier ce soir pour l'efficacité de son action, a entamé le processus de développement des télécommunications, il a demandé de gros efforts à l'industrie. J'ai poursuivi moi-même cette politique qui dure donc déjà depuis plusieurs années.
Peut-on imaginer que nous puissions accélérer encore la cadence sans finir par nous heurter à certaines limites ? Des risques sérieux seraient pris dans certains domaines et notamment dans celui de la qualité des équipements fournis et dans celui des délais de livraison.
J'ai dit à l'Assemblée nationale que je serai impitoyable sur ces sujets dans nos rapports avec les constructeurs. Mais il nous faudrait en tenir compte dans notre politique industrielle.
Il est faux de dire que nous ne progressons pas. Le projet de budget que je soumets ce soir à votre approbation manifeste au contraire une indéniable volonté de modernisation et de développement. Il prolonge des efforts entrepris depuis plusieurs années, et dont les résultats sont d'ores et déjà perceptibles.
On nous a dit, au cours des interventions que nous avions pris du retard dans l'exécution du Plan en ce qui concerne la télécommunication. C'est tout à fait inexact. En suivant un échéancier analogue avec celui proposé par la commission des transmissions du Plan, le volume des autorisations d'engagement pour les trois années 1971 à 1973 avaient dû s'élever à 19,37 milliards de francs. Or elles atteindront au moins 19,58 milliards et même plus compte tenu de l'intervention de la quatrième société de financement Créditel, que je viens d'agréer. Cet effort financier a permis d'accélérer le rythme des raccordements d'abonnés nouveaux. Il y en a eu, en 1965, 200.000 ; en 1968, 300.000 ; en 1972, 560.000 et en 1973, il y en aura près de 700.000.
Voilà des chiffres significatifs. L'industrie a pu fournir tous les matériels qui lui ont été demandés et elle a également réussi à conquérir des marchés extérieurs.
Dans le même temps, les prix des matériels ont diminué, conformément toujours aux voeux formulés par le Plan : Sur une base de 100 en 1969, l'indice des prix des matériels de télécommunications était de 95 en 1970. Il s'est également maintenu à 95 en 1971. Sur la même base 100 en 1969, l'indice des prix de l'ensemble des produits industriels était de 109 en 1970 et de 112 en 1971. On voit l'effort tout à fait remarquable accompli par l'industrie du téléphone au cours de ces années, grâce à une productivité accrue, à l'accroissement des séries et au changement de génération des matériels,
Mais, alors même que les objectifs assignés à l'administration et l'industrie étaient remplis, la demande a connu une augmentation brutale. Si elle n'avait progressé entre 1950 et 1960 que de 4,2 p. 100 par an en voyenne, de 1960 à 1969 de 10,8 p. 100, elle a augmenté de 23,4 p. 100 en 1970, de 30 p. 100 1971 et de 32,7 p. 100, suivant nos prévisions, en 1972. Voilà des chiffres significatifs qui situent exactement le niveau de nos efforts et la croissance brutale de la demande, traduisant des besoins et des appétits nouveaux sur le plan national.
J'ai tenu à vous situer d'abord nos problèmes les plus généraux et je vous prie de m'excuser d'avoir été sans doute un peu long.
Je reviendrai maintenant sur un certain nombre de problèmes évoqués par les intervenants, sur ceux du moins que je n'ai pas évoqués dans mon exposé introductif.
M. Henneguelle m'a reproché de ne pas avoir défini de façon précise par quels emprunts nous comptions couvrir le besoin de financement de 3.690 millions de francs qui apparaît dans notre projet de budget. Je peux lui répondre sur ce sujet.
Nous avions en effet tenté de faire une prévision de cette nature dans le projet de budget de 1972, pour la première fois cependant, car ne n'était pas la tradition. Or ces prévisions ont été complètement déjouées, dans le bon sens d'ailleurs, grâce à l'aisance du marché financier. L'an dernier, à la même époque, nous avions prévu que l'emprunt classique P. T. T. et celui de la caisse nationale des télécommunications rapporteraient 850 millions de francs. Ces prévisions étaient tout à fait légitimes, compte tenu de la conjoncture de l'époque.
Or ces deux ressources réunies ont rapporté plus de 2.500 millions de francs.
Il n'est en réalité pas possible de prévoir à l'avance avec suffisamment de précisions quel sera, dix-huit mois plus . tard, l'état du marché financier. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu reconduire en 1973 la procédure inaugurée en 1972 et prévoir une répartition détaillée entre les différents types d'emprunts possibles.
Nous savions, d'autre part, que nous allions terminer l'exercice 1972 avec un excédent de trésorerie. Les sommes empruntées auront, en définitive, été supérieures à nos besoins de près de 600 millions de francs qui seront, bien entendu, affectés à la couverture du besoin de financement de 1973, qui, j'y insiste, est réduit d'autant. Mais au moment de la préparation du budget, au milieu de l'été, nous ignorions le montant exact de cet excédent, ce qui constituait une raison de plus de ne pas donner une précision qui aurait été fausse.
Certains ont voulu me faire dire que ce besoin de financement serait couvert par une augmentation des tarifs. Je ne vois pas pour ma part comment il serait possible de faire dès à présent un tel choix. Je n'ai pas, en tout cas, l'intention de le faire. Je m'étonne par ailleurs que le découvert de notre budget soit jugé excessif. On a un peu tendance à oublier que notre budget n'est plus essentiellement un budget de fonctionnement comme il l'était il y a encore quelques années. Il comporte maintenant des investissements pour un montant élevé. Le recours à l'emprunt est normal dans ces conditions.
Vous vous êtes également inquiété, monsieur le rapporteur, du développement du Cidex. Je le disais dans mon propos tout à l'heure, mais je le répète , le Cidex est un facteur de progrès.
Il rend plus facile la tâche des services d'exploitation et il apporte aux clients un service amélioré. J'ajoute que son emploi est totalement volontaire et que nous ne sommes jamais allés à l'encontre de l'opposition des usagers. D'ailleurs les enquêtes que nous avons fait effectuer montrent que 88 p. 100 des usagers acceptent de participer au service. Les problèmes qui subsistent sont mineurs et seront surmontés.
Il ne faut donc pas considérer que la mise en place du Cidex nuit aux rapports entre l'administration et les usagers du service public.
M. Beaujannot a évoqué plusieurs problèmes. Il s'est d'abord inquiété des efforts qu'il est nécessaire d'accomplir pour Paris et la région parisienne. Ce problème ne m'a pas échappé.
Il concerne à la fois les télécommunications et la poste. Pour cette dernière, en particulier, la croissance rapide des cités nouvelles nécessite un effort permanent d'adaptation.
M. Etienne Dailly. M'autorisez-vous à vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Hubert Germain, ministre des postes et télécommunications.
Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Dailly, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Etienne Dailly. Puisque vous avez parlé, monsieur le ministre, de la région parisienne, je souhaite évoquer le problème des villes nouvelles.
Le département que je représente a fait, depuis quelques années, un effort considérable pour votre administration et vous a prêté, à 15 ans, sans intérêt, près de 30 millions de francs pour favoriser la modernisation et arriver à une automatisation rapide du téléphone sur l'ensemble du département.
Mais, comme nous nous trouvons dans la région parisienne, que notre département représente 55 p. 100 de la surface de celle-ci, mais seulement 6,5 p. 100 de sa population, et que le vide appelle toujours à être rempli, on nous a gratifié de deux des cinq villes nouvelles de la région parisienne. Or, nous croyons comprendre qu'une bonne part des crédits qui, dans votre budget, vont être attribués au département de Seine-et-Marne, seront en fait affectés à Marne-la-Vallée et à Melun-Sénart, cela au détriment de toutes nos villes anciennes et de nos bourgs qui ont pourtant le droit de ne pas mourir, qui doivent créer des emplois dans leurs zones industrielles et, donc, équiper celles-ci du téléphone !
Ma question est par conséquent la suivante : avez-vous l'intention d'équiper ces villes nouvelles sur vos crédits normaux ou bien le Gouvernement, fidèle à tous les engagements pris à ce banc par M. Chalandon, ministre de l'équipement, a-t-il bien l'intention de financer ces équipements par des crédits spéciaux destinés aux villes nouvelles ?
M. Chalandon a déclaré devant le Sénat que l'Etat faisait son affaire de tous les équipements de ces villes nouvelles dans la région parisienne, et cela dans tous les domaines, y compris le téléphone, et aussi les constructions scolaires. Or, dans ce dernier cas, sur les 130 classes que l'on nous attribue par an, 65 sont maintenant affectées aux villes nouvelles ! Je vous avoue craindre que, pour le téléphone, il n'en soit de même. Je vous demande de nous donner de nouvelles assurances à cet égard.
L'équipement des villes nouvelles en téléphone automatique sera-t-il financé en dehors des crédits budgétaires normaux et par conséquent sans porter atteinte à nos attributions normales ?
Le Gouvernement, comme dans le domaine scolaire, a-t-il, au contraire, l'intention de ne pas respecter ses engagements ?
M. Hubert Germain, ministre des postes et télécommunications.
Monsieur le sénateur, vous venez de m'interrompre fort à propos.
Je porte à Paris et à la région parisienne, vous le savez, une attention particulière.
Le problème posé par la création des villes nouvelles y est important et il exige des crédits spéciaux, qui ne peuvent pas, bien entendu, être totalement prélevés sur le budget des P. T. T.
Je fais étudier actuellement la possibilité de financer, dans les immeubles neufs, certains équipements de télécommunications dans les mêmes conditions que ceux assurant la desserte en eau, gaz et électricité. Le téléphone n'est pas un gadget superflu, un objet de luxe, c'est un instrument qui doit être désormais à la disposition de chacun, quelle que soit sa fortune. Au cours des prochaines semaines, je dois provoquer sur ce sujet une réflexion dont les conclusions seront communiquées par mes soins, en temps voulu, au Parlement.
L'effort fait pour la région parisienne a été très important, monsieur Beaujannot. Nous avons amélioré, en certains points, l'écoulement du trafic ; l'automatisation du réseau est, dans cette région, presque achevée ; il reste surtout à assurer le remplacement des équipements vétustes, et j'attache une grande importance à cette dernière action.
Mais, bien entendu, l'attention que j'entends porter à la région parisienne ne me fera pas pour autant négliger les problèmes à résoudre en province. Il reste incontestable que l'importance du trafic entre la région parisienne et le reste de la France a des répercussions considérables sur la bonne marche de l'ensemble du réseau de télécommunications. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de poser en ces termes ce problème.
Je voudrais relever votre propos en ce qui concerne l'automatisation. Sa réalisation complète est prévue pour la fin de l'exécution du VI' Plan, et non du VIP Plan comme vous l'avez indiqué. Les taux sont ceux que vous avez donnés. A la fin de 1974, 94 p. 100 des abonnés bénéficieront du cadran. Cependant, la subsistance de réseaux manuels et semi-automatiques, essentiellement en province, peut être une cause de mauvaise qualité du service.
Tout se tient, et nous devons disposer de capacités d'écoulement du trafic suffisantes pour assurer sa fluidité.
Le travail est parfois ingrat dans les centres de tri. Nos efforts seront très importants dans ce secteur. L'augmentation du trafic postal impose des réalisations nouvelles et modernes.
Nous avons dominé techniquement l'ensemble de ce problème et nous ne sommes pas en retard par rapport aux pays étrangers.
Nous sommes parvenus à de bons résultats sur le plan des études techniques et nous allons désormais entrer dans le domaine des
réalisations.
M. Javelly a évoqué les problèmes de son département des Alpes-de-Haute-Provence. Celui-ci se trouve dans une situation bien particulière. Nous procédons, vous le savez, à la modernisation de son réseau. A l'heure actuelle, pour l'ensemble de la région Provence - Côte d'Azur, le taux d'automatisation est déjà élevé. Mais un effort spécifique est entrepris en faveur des Alpes-de-Haute-Provence.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Billiemaz. L'action de mon département ministériel n'a trouvé grâce devant lui sur aucun des points que j'ai soulevés, ni sur ceux qu'il a développés.
La location des Transall est-elle une solution de fortune ?
Certes non, puisque nous avons pris la décision de changer les appareils trop anciens de l'aérospatiale qui posaient des problèmes de sécurité.
Nous ne voulions pas nous adresser à l'industrie américaine et nous voulions attendre qu'arrivent sur le marché français des appareils qui répondent à nos besoins. Une possibilité nous était offerte de louer quelques appareils Transall à l'armée de l'air.
Mais nous ne pouvions, en effet, attendre la mise en service des appareils du type Airbus ou Mercure. La location constituait donc une solution plus intéressante pour nous.
Le déficit des chèques postaux a été évoqué par de nombreux orateurs. C'est pour moi un grand sujet de préoccupation. C'est l'ensemble du problème des chèques postaux qu'il faut aborder car doivent être trouvées des mesures propres à assurer leur développement et à leur permettre de faire face à la concurrence du secteur bancaire. Nous devons donc trouver des formules nouvelles dans le cadre de notre administration. J'étudie
ce problème actuellement au plan interministériel.
Je ne reviendrai pas sur les demandes de raccordement téléphonique. Je les ai évoquées il y a quelques instants. Nous avons fait, et nous continuons de faire, de grands efforts dans ce domaine. Si je devais employer une formule pour dépeindre la vie des télécommunications, je dirai qu'il se passe chaque jour quelque chose, en France, dans le domaine des télécommunications.
Il n'est pas de journée où l'on ne procède à une mise en service dans une région de France.
L'année prochaine, nous allons procéder la création ou à l'extension de centraux téléphoniques au rythme de trois par jour, ce qui vous montre bien l'effort de développement fait pour redresser la situation des télécommunications et en particulier pour améliorer la qualité du service qui constitue la première des priorités de notre action. Nous accordons parailèlement une seconde priorité aux raccordements de nouveaux abonnés. En effet, à quoi serviraient-ils si nos nouveaux clients devaient déboucher sur un réseau encombré ? C'est là que se situerait le paradoxe. Mais il faut tenir compte aussi du développement particulier de la demande, de « l'appétit » pour le téléphone que l'on constate. Les familles, plus que les milieux
d'affaires, veulent maintenant en disposer. C'est normal mais cela pose un problème qu'il faut maîtriser.
Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mes paroles ! Il n'y a pas lieu de se décourager. Nos efforts devront être poursuivis pendant de nombreuses années. Mais c'est une marque de la santé économique du pays et une preuve de son expansion. En rattrapant l'un après l'autre nos retards, nous faisons la démonstration que nous marchons dans une bonne voie.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les préoccupations que M. Jean Colin a exprimées. Il nous a parlé de progrès réels, et je l'en remercie, car il est un des rares orateurs à en faire état.
M. Colin m'a fait part aussi de ses inquiétudes au sujet des problèmes de financement et des structures. Il a parlé d'office et de privatisation.
Dans une autre partie, plus détaillée, de son propos, il a évoqué les problèmes des personnels dans le domaine catégoriel et indemnitaire.
Si vous me le permettez, monsieur Colin, je préférerais, étant donné la longueur des développements nécessaires, vous répondre personnellement.
En ce qui concerne les financements, bien entendu, nous n'envisageons pas de relâcher l'effort que nous avons entrepris ; nous souhaitons au contraire, d'une manière ou d'une autre, poursuivre cet effort grâce, notamment, à l'apport des sociétés de financement.
M. Colin et plusieurs autres orateurs ont exprimé leur inquiétude au sujet des structures, songeant plus particulièrement aux télécommunications.
Un certain nombre d'articles de presse ont provoqué quelque émotion à cet égard. Aux yeux de certains, c'est un problème essentiel. Pour moi l'unité n'en constitue pas un. Par contre, je dis « non » à la privatisation.
Nous serons sans doute amenés, dans les années à venir, pour permettre aux télécommunications de se développer convenablement, de procéder à certains aménagements en fonction des objectifs à atteindre et des moyens que nous avons à notre disposition.
Etant depuis relativement peu de temps à la tête de ce département ministériel, il m'est difficile de vous dire très exactement, vous le comprendrez sûrement, quelles peuvent être les transformations à opérer. De toute façon, je m'interdis toute évocation publique de ce sujet jusqu'au mois de mars 1973, pour des raisons évidentes.
M. Minvielle a condamné globalement, sans rémission, l'ensemble des efforts accomplis depuis quinze ans. Il a estimé que tout allait — je reprends son propos — se dégradant. En matière de fluidité du trafic, rien ne serait acquis, selon lui, en 1973.
Je lui ferai tout de même remarquer que l'objectif fixé au début de 1971 en matière de télex a été effectivement atteint. Personne n'a d'ailleurs parlé du télex. Nous trouvons là une situation particulièrement saine.
En ce qui concerne la fluidité de l'écoulement du trafic téléphonique, nous attendons des progrès incontestables.
Qu'est-ce que la qualité de service souhaitée ? Si, dans cette assemblée, chacun de nous était appelé à en donner une définition, il y en aurait autant que de membres siégeant dans cet hémicycle. Nous enregistrerions même parfois des définitions contradictoires. La qualité de service souhaitée par l'abonné patient recouvre une autre notion que pour l'impatient. Dans ce domaine, il est certain que des progrès déterminants seront accomplis en 1973.
Nous avons dit que l'automatisation intégrale du réseau était prévue dans le cadre de l'exécution du Vie Plan et les objectifs, en cette matière, seront tenus, sauf peut-être à un epsilon près, imprévisible aujourd'hui.
Un autre problème important a également été évoqué par M. Minvielle : celui des concours consentis par les conseils généraux et en particulier des avances remboursables. Ce sujet a été abordé par plusieurs autres orateurs.
Je souligne combien, à cet égard, la compréhension des collectivités locales a constitué un concours précieux pour mes services, notamment dans la recherche des terrains.
Il faut bien se rendre compte que les difficultés rencontrées dans leur acquisition peuvent provoquer des retards allant de dixhuit mois à deux ans pour la mise en service d'un centre téléphonique.
De même, la compréhension dont nous avons bénéficié en matière de préfinancement a permis certaines accélérations de nos réalisations.
Les résultats obtenus sont satisfaisants à la fois pour les communes, les départements et pour l'administration elle-même.
Je citerai par exemple les actions menées dans le département de Loir-et-Cher où je me trouvais la semaine dernière. Les recettes que nous avons retirées des investissements permis par le préfinancement du conseil général ont autorisé un remboursement rapide des avances correspondantes. Il est vrai qu'à cet égard la situation n'est pas identique dans tous les départements et régions. Sans entrer dans le détail de telle ou telle situation
particulière, je tiens à affirmer que jamais l'administration n'a différé le remboursement des avances remboursables.
En ce qui concerne les tarifs préférentiels accordés à la presse, il est certain que cette charge affecte très lourdement notre budget. Je l'ai moi-même souligné tout à l'heure, ces charges sont supérieures au budget d'investissement de la poste. Il s'agit donc là d'un problème considérable, dont la solution sera difficile.
M. Lucien Gautier a parlé du développement du téléphone dans les zones rurales et de l'effort financier qui est demandé au candidat abonné. Ce problème se pose d'ailleurs de façon d'autant plus aiguë que la pression de la demande se fait plus forte.
Actuellement, la participation demandée au futur client pour une longueur moyenne de ligne terminale de 3,5 kilomètres est de 950 francs. Cette somme, qui comprend la taxe de raccordement et les parts contributives, représente 16 p. 100 du coût réel de construction de la ligne.
Le bilan financier est donc très défavorable, et le coût supplémentaire qui reste à la charge de l'administration sans contrepartie s'élève à 6.000 francs environ par ligne.
Comme le budget annexe des P. T. T. doit être équilibré, et que nous ne recevons actuellement aucune aide extérieure pour la construction de lignes rurales, ces dépenses doivent donc être prélevées sur les recettes procurées par les autres abonnés.
Néanmoins, dix mille lignes rurales seront construites cette année, ce qui représente un investissement de 60 millions de francs, et j'ai décidé d'augmenter encore l'effort en 1973. Voilà les précisions que je voulais apporter.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Bruyneel exposer ses démêlés avec mon administration. Je voudrais ne pas me limiter à l'étude d'un cas particulier et lui dire que d'une manière générale nous offrons aux clients qui contestent le décompte de leurs taxes téléphoniques, la possibilité de faire effectuer des contrôles en particulier grâce à l'équipement auquel vous faites allusion, la machine Girard. Placée en parallèle sur la ligne elle apporte, je tiens à le souligner, toute garantie en la matière.
J'ajoute que le développement de la commutation électronique en France permettra vraisemblablement d'apporter une solution à ce problème de comptabilité. Vous vous êtes entretenu, monsieur le sénateur, de votre problème particulier avec les membres de mon cabinet. Vous comprendrez aisément que je ne puisse pas l'évoquer ici ce soir.
M. Ferrant a traité d'un certain nombre de problèmes que j'ai déjà abordés : la taxe sur les virements postaux, les tarifs de la presse, la privatisation et l'équilibre financier ; de plus il a évoqué certaines questions relatives aux personnels : receveurs, inspecteurs et techniciens.
Je lui répondrai par lettre en précisant qu'en ce qui concerne les techniciens, j'ai moi-même effectué des démarches extrêmement pressantes pour qu'ils puissent bénéficier de la parité qu'ils souhaitent.
Pas plus qu'il ne m'a étonné, je n'étonnerai M. Gaudon en indiquant que je ne suis pas d'accord avec lui, mis à part peut-être; le problème de la privatisation du téléphone. Il faut le dire nettement, il y a divorce total de nos pensées politiques. Il serait vain d'aller plus loin dans le débat.
Vous avez terminé votre propos en évoquant les efforts de la gauche unie. Monsieur le sénateur, au cours des mois qui viennent, vous aurez l'occasion de vous exprimer très longuement sur la manière dont vous comptez améliorer le service des postes, des services financiers et des télécommunications.
J'espère que vous trouverez les moyens financiers et techniques qui vous permettront de dominer très rapidement les problèmes, d'une extrême acuité, que nous rencontrons.
M. Roger Gaudon. Vous avez eu quatorze ans !
M. Hubert Germain, ministre des postes et télécommunications.
M. Jozeau-Marigné m'a demandé si ce budget correspond à nos besoins.
C'est une question fondamentale, monsieur le président. Ce budget correspond certes aux programmes que nous nous sommes fixés pour l'an prochain. Je me permets de vous parler très franchement sur ce sujet : donner cette année aux investissements une accélération excessive pourrait ne pas avoir l'efficacité que nous pourrions en attendre en raison des difficultés que j'évoquais tout à l'heure : il faut, pour donner leur pleine
efficacité aux investissements, disposer du personnel indispensable pour leur assurer la fiabilité nécessaire, pour reprendre un terme fort à la mode. Ce sera l'un des points importants auxquels je veillerai à la tête de ce département ministériel.
Je voudrais préciser encore une fois ma position en ce qui concerne les chèques postaux, bien que j'aie déjà évoqué ce problème. Mon prédécesseur avait fait beaucoup d'efforts pour parvenir à une solution de cette affaire. Cet effort, je veux le reprendre et je m'efforcerai de le mener à son terme.
M. Heder a évoqué le problème du centre radioélectrique de Cayenne et celui des servitudes imposées au voisinage. Il m'est, bien entendu, difficile de répondre sur-le-champ. Je peux vous apporter dès maintenant des précisions : le centre radioélectrique de Cayenne a une vocation propre à la Guyanne. Dans le cas présent, nous tentons, comme pour les câbles sous-marins, d'associer d'autres nations à son utilisation, le Surinam, en l'occurrente.
Je pense ainsi avoir apaisé les inquiétudes dont vous vous êtes, à juste titre, fait l'écho devant cette assemblée.
Telles sont les explications que je me devais de donner au Sénat. J'espère avoir ainsi répondu à toutes les questions qui m'ont été posées.
M. Henri Henneguelie; rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Hennegueile, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, j'ai cru tout à l'heure percevoir dans vos paroles une certaine réprobation à l'égard des orateurs qui ont présenté un certain nombre de critiques. Il est évident que c'est le rôle d'une assemblée parlementaire de faire part au ministre des principales critiques qui lui suggère le budget et des idées qu'elle peut avoir pour améliorer le système.
Si vous relisez les propos du rapporteur de la commission des finances, vous remarquez que je n'ai pas manqué moi-même de signaler les améliorations survenues dans les postes, dans les services financiers, dans les télécommunications en ce qui concerne les crédits et les techniques. Je l'ai fait remarquer à plusieurs reprises, ce qui prouve l'objectivité de mon propos.
Ce que le Sénat déplore, monsieur le ministre, ce n'est pas l'insuffisance de votre action, ce ne sont pas les résultats obtenus par votre prédécesseur ou par vous-même durant ces derniers mois ; c'est nous sommes, hélas ! obligés de le répéter chaque année — que votre budget soit en déficit. L'an dernier, 940 millions de francs de dépenses étaient à déterminer ; cette année il y en a 3.790 millions. Vous nous avez dit qu'elles seraient couvertes, bien sûr, soit par des emprunts publics, soit par le Trésor. Nous en convenons parfaitement, car il est évident que le ministre des finances ne vous laissera pas mettre la clé sur la porte et ne vous déclarera pas en faillite. De toute façon, le déficit sera couvert.
Nous sommes rassurés, mais nous estimons que ce n'est pas une méthode. Nous qui sommes, pour la plupart, des représentants des collectivités locales, maires, conseillers généraux ou présidents de conseils généraux, nous avons l'habitude de présenter des budgets en ordre et en équilibre où ne figure pas cette ligne « dépenses à déterminer ».
En second lieu, bien loin de lutter contre votre action, nous voulons vous apporter l'appui du Sénat pour arriver à une juste et honnête rémunération des fonds libres des chèques postaux.
Le troisième point — vous l'avez souligné n'est le déficit du transport de la presse. Nous estimons, comme vous-même, absolument intolérable que l'on ne rembourse pas le manque à gagner qui en découle.
Nous vous apportons notre appui, monsieur le ministre, mais nous vous demandons en même temps de faire un effort de votre côté, de lutter, de frapper sur la table, de voir le ministre des finances et même d'obtenir de M. le Premier ministre une possibilité d'arbitrage. Votre prédécesseur l'avait obtenu, même si cet arbitrage n'a pas été favorable, contrairement à ce que nous aurions pensé.
Il faut frapper à nouveau sur le clou pour essayer de l'enfoncer. Nous avons avec nous l'opinion publique, tout le personnel des P. T. T. et très certainement vous-même, monsieurle ministre, mais vous n'osez pas le dire publiquement.
Défendez votre budget et vous avez l'assurance d'avoir l'appui du Sénat. (Applaudissements.)
M. Léon Jozeau-Marigné. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jozeau-Marignii.
M. Léon Jozeau-Marigné: Monsieur le ministre, je voudrais répondre brièvement à votre propos. Vous vous êtes _appliqué avec beaucoup de bonne volonté à essayer de répondre à chacun des intervenants. Vous m'avez parlé de l'ensemble des problèmes de l'équipement ; je n'y reviendrai donc pas.
Je dirai seulement quelques mots sur le problème des avances remboursables auxectivités locales car, tout à l'heure, dans votre propos, vous avez indiqué que les municipalités et les conseils généraux essayaient de vous aider avec beaucoup de compréhension, C'est vrai et je vous remercie d'en avoir pris conscience,
Mais je me demande si nous, présidents de conseils généraux, nous pouvons être sûrs que votre administration comprend notre attitude et je vais vous dire pourquoi. Chaque maire, c'est certain, se fait un devoir, une obligation d'apporter sa pierre à votre action car c'est le bien public qui est en jeu. On demande ainsi une avance remboursable à un conseil général beaucoup plus encore qu'à une commune car elle peut se monter a des millions, voire des centaines de millions de francs.
Cela ne soulève pas de difficultés, m'a-t-on dit à l'instant, que les avances remboursables sont effectivement remboursées.
Il faut bien voir que, du point de vue financier, l'opération figure en recettes et en dépenses. Je m'explique : si un département a accordé une avance remboursable de 200 rnillions, vous remboursez bien 200 millions qui figurent en dépenses, mais, parallèlement, vous inscrivez 300 millions en recettes. Pourquoi ? Parce que le conseil général doit faire face à une nouvelle avance remboursable de 300 millions. C'est un jeu d'écritures sur lequel j'attire votre attention.
Les départements manifestent beaucoup de compréhension ?
Mais ils sont bien obligés. Quand vos représentants viennent nous rendre visite — ils sont d'ailleurs d'une conscience absolue et je veux leur rendre hommage -- ils nous disent : si vous ne consentez pas à cette avance, il vous faudra attendre encore plusieurs années ; prenez conscience de vos responsabilités, car, si vous refusez, nous ne pourrons pas vous équiper. Voilà la réalité !
Vous nous avez dit ce soir — je pense que vous avez mesuré la portée de votre propos — que d'ici à la fin de l'année 1974 les crédits budgétaires vous auront permis d'automatiser 94 p. 100 du réseau français. Comme cet équipement sera financé sur des crédits d'Etat et non sur les fonds des collectivités locales, puis-je en conclure que, d'ici à cette date, tous les conseils généraux seront remboursés de leur avance, avance consentie sans intérêt ?
Ce serait logique.
Tel est le problème que je vous pose, monsieur le ministre.
J'ai un espoir. Permettez-moi quelques instants encore de croire que ce sera une réalité.
M. Roger Gaudon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaudon.
M. Roger Gaudon. Monsieur le ministre, vous avez vraiment survolé mes propos. Que nos conceptions soient opposées, c'est une réalité. Mais, lorsque vous nous présentez votre budget, nous avons l'habitude de l'étudier très soigneusement et, lorsque nous pensons qu'il est normal de vous présenter des critiques, nous le faisons.
Depuis des années, puisque vous êtes au Gouvernement depuis quatorze ans (M. le ministre fait un geste de dénégation) , vous et les vôtres, nous faisons des propositions concrètes. Or, celles-ci ne sont jamais étudiées avec toute l'attention voulue. Nous, nous avons deux préoccupations essentielles : que soit conservée l'unité des postes et télécommunications, de tous ses services, que soient aussi satisfaites dans leur ensemble les revendications qui vous sont soumises par les organisations syndicales.
A moins que j'aie mal compris vos propos, nous sommes plus inquiets à cette heure-ci que lorsque vous nous avez présenté votre budget sur la question de la privatisation et sur l'unité des services. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous aviez des idées sur les services, mais que vous attendiez le mois de mars. Pourquoi ? Nous sommes en train de délibérer sur le budget des P T. T. et nos collègues considéreront sans doute qu'avant de prendre une position il convient de savoir quelles sont ses grandes lignes. C'est là notre inquiétude.
En ce qui nous concerne — vous le comprendrez aisément — nous n'avons pas changé de position.
M. Léopold Heder. Je demande la parole.
M. le président. là parole est à M. Heder.
M. Léopold Heder. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir voulu me persuader que la menace que je signalais tout à l'heure de transférer le centre de télécommunications de Cayenne au Surinam voisin n'existait pas. Si vous le permettez, je vous transmettrai la lettre émanant de vos services, qui est à l'origine de mon intervention précédente. Je veux espérer, monsieur le ministre, que, lorsque vous serez . en possession de cette
correspondance, vous voudrez bien tenir compte de la demande que j'ai eu l'honneur de vous présenter en terminant mon - exposé.
M. le président. La parole est à M. le ministre pour une réponse qui, je l'espère, sera la dernière. Je le remercie à l'avance de sa brièveté.
M. Hubert Germain, ministre des postes et télécommunications. Je serai bref, monsieur le président, mais je voudrais répondre
aux trois orateurs. Je comprends fort bien le souci de M. le président Jozeau-Marigné à propos des avances remboursables. Je voudrais lui préciser la procédure de remboursement : c'est sur l'augmentation des recettes que le réseau construit, grâce aux avances remboursables, permet d'encaisser que nous procédons au remboursement de ces avances. Celui-ci intervient dans un délai moyen de cinq ans. Voilà la précision que je voulais apporter, monsieur le président.
Je ne voudrais pas que M. Gaudon me fasse dire ce que je n'ai pas dit. Je me suis exprimé d'une façon très nette sur la privatisation : je n'y suis pas favorable. Si j'ai éveillé des inquiétudes, je ne vois pas lesquelles.
Ce n'est pas en cinq mois que j'ai pu explorer l'ensemble des problèmes des P. T. T. et il serait prématuré et vaniteux de mar part de le prétendre. L'étude détaillée du fonctionnement de cette maison permet de constater que son évolution va poser des problèmes. De quelle nature seront-ils ? Pour le savoir, nous allons nous livrer à un examen approfondi. Je vous ai dit pourquoi je préfère attendre une autre échéance.
A supposer même que j'aie trouvé la bonne solution, je ne suis pas persuadé qu'en l'évoquant présentement, dans un climat peu serein, elle ne risquerait pas d'être taillée en pièces. A l'inverse, l'annonce d'une solution mal adaptée pourrait alimenter essentiellement une polémique qu'il n'est pas souhaitable de voir se développer.
Il n'y a rien de mystérieux dans cette affaire. Je l'ai remise à plus tard pour deux raisons : pour une raison de calendrier et aussi parce que nous n'avons pas encore poussé la réflexion assez loin dans ce domaine. Je ne suis donc pas en état de faire part de réflexions sur ce sujet au Sénat. De plus, avant d'évoquer un projet devant le Parlement, celui-ci doit être débattu par les représentants du personnel. Je crois donc avoir été extrê-
ment clair et net sur ce sujet.
Enfin, monsieur Heder, j'attends la lettre que vous voudrez bien m'adresser et je vous en remercie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Nous allons examiner les crédits concernant le budget annexe des postes et télécommunications figurant aux articles 28 et 29,
ainsi que l'article 30.

Article 28.
(Services votés.)
M. le président. a Crédits, 20.727.043.872 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant à l'article 28.
(Ces crédits sont adoptés.)

Article 29.
(Mesures nouvelles.)
M. le président. s Autorisations de programme, 6253 millions 998.000 francs. »
Crédits, 4.136.599.592 francs. »

La parole est à M. Jean Colin.
M. Jean Colin. M. le ministre a bien voulu me dire qu'il donnerait une réponse écrite aux questions intéressant les problèmes de personnel que j'avais soumises à son attention. Je souhaiterais non seulement qu'il m'adresse une réponse écrite, mais que ce problème soit étudié avec un soin tout particulier.
M. Etienne Dailly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dailly.
M. Etienne Dailly. Monsieur le président, j'ai demandé la parole pour explication de vote. Je voudrais indiquer à M. le ministre des P. T. T. les motifs pour lesquels le groupe de la gauche démocratique unanime — ce qui est fort rare — va s'efforcer de l'aider autant qu'il le pourra et va par conséquent et pour ce faire... voter contre son budget. (Sourires.)
Je m'explique. Le ministère des P. T. T. ne dispose que d'un budget annexe qui doit, par conséquent, s'équilibrer par luimême. Je ne vais relever que trois chiffres : un déficit de 650 millions de francs pour la poste, un déficit de 800 millions de francs pour les services financiers et un bénéfice de 2.700 millions de francs pour les télécommunications.
La poste perd 650 millions, mais la presse lui coûte 800 millions de francs. Est-ce à ce budget annexe de supporter cette charge, au demeurant fort légitime, de la presse ? Est-ce l'Etat qui doit assurer l'information des citoyens ? Poser la question c'est y répondre. Or s'il en était ainsi, la poste, pour employer l'expression consacrée, non seulement ne serait pas déficitaire, mais serait légèrement bénéficiaire. II n'est pas admissible que le Gouvernement laisse ce problème plus longtemps en l'état. II nous faut rendre le ministre des finances attentif à ce problème, que nous secondions en quelque sorte .
M. le ministre des P. T. T. qui nous a tout à l'heure clairement laissé entendre qu'il ne parvenait pas à se faire écouter, pas plus d'ailleurs — qu'il se rassure — que ses prédécesseurs.
Les services financiers, eux, connaissent un déficit de 800 millions de francs. M. le ministre nous a dit il y a quelques instants que la situation des chèques postaux le préoccupait beaucoup.
Pourquoi ? Parce que ce déficit de 800 millions de francs est la totalisation de deux phénomènes : un déficit des chèques postaux de 1.100 millions de francs et un bénéfice de la caisse d'épargne de 300 millions de francs, soit une différence de 800 millions de francs. Il nous paraît inadmissible, s'agissant d'un budget annexe, que le Trésor n'accepte pas de rémunérer l'encours des chèques postaux à un taux convenable. Il ne consent actuellement que 1,5 p. 100 jusqu'à 30 milliards de francs et encore ce problème est en discussion car le Trésor, si mes renseignements sont exacts, prétend rémunérer à ce taux de misère les dépôts des chèques postaux jusqu'à 32 milliards de francs, alors qu'au-delà de ces 30 milliards de francs, il paie le taux pratiqué sur le marché monétaire, c'est-à-dire actuellement cinq, sept huitièmes pour cent. On ne lui en demande d'ailleurs pas tant. Il suffirait qu'il paie 4,50 p. 100. On ne lui demande donc même pas d'appliquer le taux du marché monétaire. Si mes comptes sont exacts, ce taux de 4,50 p. 100 — taux qui serait encore bien au-dessous du prix du marché monétaire — suffirait à équilibrer les services financiers.
M. le ministre des P. T. T. nous a dit lui-même, voilà quelques instants : c'est un grand souci pour moi. Il doit entamer — si nous avons bien compris — de nouvelles négociations avec le ministre des finances. Il convient qu'il soit réconforté, qu'il
sente que le Sénat, bien derrière lui dans cette affaire, se refuse à tolérer plus longtemps la situation présente.
Si les deux déficits que je viens d'évoquer se trouvent ainsi annulés, leur montant de 1.450 millions de francs ne viendrait plus s'imputer sur le bénéfice du téléphone, qui est de 2,7 milliards de francs. On pourrait, par conséquent, investir chaque année l'intégralité de ces 2,7 milliards de francs au lieu des 1.250 millions de francs qui le sont actuellement.
Encore ne s'agit-il que d'une première approche du problème.
Il faut en effet constater que dans tous les pays qui nous entourent — or nous faisons l'Europe, n'est-ce pas ? — l'encours des chèques postaux est utilisé pour une bonne part aux investissements des télécommunications. En Allemagne, ils le sont à raison de 45 p. 100, en Suisse, à raison de 30 p. 100.
Mes chers collègues, il s'agit de savoir si une fois de plus nous allons nous borner à déplorer la situation actuelle ou si nous allons chercher par un geste aussi spectaculaire que possible à alerter le Gouvernement.
Monsieur le ministre, je voudrais que vous soyez convaincu que votre personne n'est pas en cause. Nous rendons volontiers et je rends volontiers hommage à votre action. Je tiens aussi à rendre hommage à celle de votre prédécesseur. Nous avons beaucoup apprécié la manière dont il a exposé la situation au Sénat l'an dernier et l'année précédente. Nous convenons volontiers qu'il a réussi à faire prendre à votre administration un certain tournant et nous sommes convaincus que vous oeuvrerez dans la même voie.
Il faut par contre reconnaître que vos demandes, pas plus que les miennes, ne rencontrent pas l'écho qu'elles doivent rencontrer. Or, il s'agit là d'un problème fort important. Personne,de bonne foi, ne contestera que si nous n'équipons pas en téléphone nos zones industrielles, nous ne serons plus compétitifs dans le cadre du Marché commun. L'Angleterre arrive, et Dieu sait avec quelle ardeur. Elle va s'y installer, donc installer des usines en Europe. Le problème est de savoir si elle va les installer en France ou si, faute de téléphone, elle nous préférera la Belgique, l'Allemagne ou l'Italie. Voilà le problème.
Voilà pourquoi il n'est pas possible que le téléphone continue en France à être plus cher et moins équipé que dans les autres pays européens. Je vous le répète, monsieur le ministre, notre vote ne comporte aucune hostilité à l'égard de votre personne, ni, bien sûr, à l'égard de vos services, dont nous nous plaisons à reconnaître le dévouement, la compétence et l'exceptionnelle qualité. Simplement nous entendons vous aider à obtenir ce que le ministère des finances ne veut pas vous accorder. Dès lors que votre budget est un budget annexe, il faut certes qu'il s'équilibre et bénéficie par conséquent de toutes les ressources auxquelles il a droit sans que le Trésor continue à pratiquer les ponctions que je viens de rappeler. Elles constituent une vraie injustice et peuvent avoir des conséquences dramatiques pour l'économie de ce pays.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je vais mettre aux voix les autorisations de programme figurant à l'article 29.
M. Gérard Minvielle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Minvielle
M. Gérard Minvielle. J'avais pensé que, par un vote unique, nous aurions pu nous déterminer sur l'article 29 qui comporte deux paragraphes.
M. le président. Cela n'est pas possible, monsieur Minvielle, car l'article 29 ne concerne pas uniquement les postes et télécommunications, mais également l'imprimerie nationale, la légion d'honneur, les monnaies et médailles, les essences et les poudres.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme figurant à l'article 29.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10 :
Nombre des votants 278
Nombre des suffrages exprimés 261
Majorité absolue des suffrages exprimés 131
Pour l'adoption ........ 109
Contre .....................152
Le Sénat n'a pas adopté

Article 30.
M. le président. — Art. 30. —
«I, --- Il est ouvert au budget annexe des postes et télécommunications sous l'intitulé de « Fonds d'action conjoncturelle » des autorisations de programme d'un montant de 10.000.000 de francs.
« II. — Ces dotations pourront être utilisées, en tout ou en partie, au cours de l'année 1973, dans les conditions prévues à l'article 21, 3° alinéa, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
« III -- Les autorisations de programme qui seront utilisées en 1973 seront transférées aux différents chapitres du budget annexe des postes et télécommunications après consultation des commissions des finances du Parlement sur :
« — les conditions justifiant ces transferts ;
« — le montant, par chapitre, des transferts envisagés en autorisations de programme et des ouvertures de crédits de paiement correspondants. »
— (Adopté.)
Nous avons terminé l'examen des dispositions concernant le budget annexe des postes et télécommunications.

sommaire

Il faudra atendre 1979 pour que l’automatisation du réseau téléphonique de l’hexagone commencée en 1913 soit totalement achevée après 66 années de dur labeur.
Fin 1980, la France rattrape son retard : 16 millions de lignes et 25 millions de postes de toute nature, les délais moyens de raccordement sont réduits de 16 mois en 1973 à 3 mois en 1981. La direction générale des télécomm réalise des gains de productivité : 25 agents pour 1000 lignes en 1971, 9 en 1981.

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