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Les avertisseurs d'incendie KREBS, PETIT et DIGEON

 

Indications vues dans l'appareil

Dès que le carillon d'alarme s'arrête,
CRIER DISTINCTEMENT dans
L'EMBOUCHURE du TÉLÉPHONE,
la nature du SINISTRE, la RUE et le N°.
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RÉPÉTER ces INDICATIONS
jusqu'à ce qu'un RONFLEMENT
se fasse ENTENDRE, ce qui indique
que les Sapeurs-Pompiers sont en partance.

« Lors de la séance du 11 décembre 1888, le capitaine Krebs suggère la mise en place d'avertisseurs téléphoniques pour remplacer les appareils à système télégraphique dans les rues. Le coût de remplacement des appareils déjà installés ajouté au coût de nouveaux appareils confortent les adversaires du téléphone, un système « qui ne laisse pas de trace écrite », contrairement aux dépêches Morse du télégraphe.
Pourtant ouvert au progrès le colonel Couston est réfractaire lorsqu'il s'agit d'adopter le téléphone.
Il conclut son étude sur les avertisseurs téléphoniques en usage à Amsterdam lors du voyage d'étude de 1884 : « Quant à nous latins spirituels et bavards, nous ferions certainement du téléphone d'incendie un réseau de confusion officielle et de causerie privée. »

L'installation d'un système téléphonique refusé, le capitaine Krebs demande néanmoins une disposition technique particulière. Le comité décida après discussion que le système d'avertisseurs ne serait pas changé pour le moment. Toutefois, sur proposition du capitaine Krebs, il fut décidé que le réseau des 480 avertisseurs serait établi avec un double fil « afin que l'on puisse par la suite remplacer les appareils électriques par des appareils téléphoniques ». Respectueux de la hiérarchie, Arthur Krebs n'en était pas moins déterminé. Il n'a jamais renoncé à son projet et préparait par ce détail le moment plus propice à l'évolution qu'il avait décidé d'imposer.
Dans son action de modernisation, Krebs s'est naturellement trouvé face à l'inertie de la part de certains partenaires techniques du Régiment et il a dû bousculer les anciennes alliances commerciales pour arriver à ses fins. Ainsi, il n'hésite pas à s'associer à de nouveaux partenaires plus actifs dans le domaine de l'innovation et répondant à sa demande en ce qui concerne la modernisation des avertisseurs.
Le réseau de communication d'alerte est la clé de voûte de la transformation du service incendie et les enjeux techniques et commerciaux sont importants. Krebs l'a compris et il cherche à développer coûte que coûte le système dont il souhaite équiper Paris.
Ceci vaut au Régiment une lettre de réclamation de la maison Bréguet adressée au préfet de police.
L'affaire est traitée devant les instances du comité de perfectionnement. La maison Bréguet est jusqu'alors fournisseur des avertisseurs de l'administration des télégraphes pour le compte des sapeurs-pompiers. Son directeur s'étonne que le Régiment fasse étudier à son insu des appareils en service et que le constructeur ait fait breveter son invention (l'avertisseur téléphonique). La maison Bréguet reproche explicitement cette initiative au capitaine ingénieur en s'appuyant sur le fait qu'elle lui a proposé son concours à ce sujet. La réponse du colonel Ruyssens, chef de corps et successeur du colonel Couston, présente une argumentation qui défend Krebs : « l'avertisseur Petit a été adopté par le Régiment de sapeurs-pompiers de Paris par le comité de perfectionnement dans sa séance du 11 décembre 1888, quoiqu'un avertisseur système Digeon présenté dans la même séance assurait des communications plus complètes. En effet ce dernier établissait des communications téléphoniques avec le poste appelé. Ce sont des considérations d'ordre moral, le conseil se croyant commercialement engagé avec la maison Bréguet, plutôt que technique, qui ont fait rejeter ce dernier. »
Krebs, une fois de plus déterminé, avec cette logique technique qui le caractérise, révèle à mot couvert l'influence qu'a pu avoir la maison Bréguet, soutenue par les réticences du colonel Couston, dans le refus de voir adopter un appareil qu'il n'était pas en mesure de fournir.
Krebs s'associe à un autre inventeur, M. Gigeon après avoir sollicité l'inventeur de l'avertisseur originel, M. Petit. Selon les termes de la réponse du colonel, « M. Petit a répondu qu'il ne lui paraissait pas possible d'établir un avertisseur téléphonique. Le Régiment a cherché ailleurs. »

Cette affaire, qui se soldera par la transformation de l'avertissuer Petit par le système Digeon, montre à quel point le capitaine ingénieur avait prévu d'arriver à ses fins en faisant installer un deuxième fil aux avertisseurs, malgré le rejet du téléphone.
Soutenu par le nouveau chef de corps du Régiment, le capitaine ingénieur a relancé la recherche dans ce domaine. À ce titre, Krebs a lui-même perfectionné un téléphone dont il a augmenté les dimensions de la plaque afin d'obtenir une meilleure qualité de la voix lors des transmissions.

La mise en place de ce système est également destiné à tenter de juguler les fausses alertes qui se développent de 1888 à 1889.
Effet pervers de la modernisation, cette transformation n'aura pas d'incidence sur les fausses alertes.
Très ironiquement, ce sont précisément ces mêmes fausses alertes et le développement du téléphone en France qui feront abandonner ce système au début des années 1980. »

Didier ROLLAND


Historique vu dans la presse scientifique :

1885 L'avertisseur d'incendie Petit
- Avertisseurs d'incendie de la Ville de Paris (système Petit) - LA NATURE par G. Mareschal : (première page ) (suivante)
« Depuis le commencement de cette année, la ville de Paris, suivant en cela l'exmple qui lui était donné par plusieurs grandes villes d'Angleterre et d'Amérique, a commencé l'installation d'un réseau d'avertisseurs publics d'incendie. Si elle arrive en cela après les autres, c'est qu'elle a voulu profiter de leur expérience et avoir des appareils perfectionnés. M. Petit, contrôleur des télégraphes, spécialement attaché au réseau de la ville de Paris, a été chargé d'étudier et de faire l'installation ; et c'est lui qui a imaginé les boutons avertisseurs et le poste récepteur que nous allons décrire et qui sont construits par la maison Bréguet. [...]
Tout le monde sait avec quel dévouement l'admirable corps des pompiers de Paris sait accomplir son devoir ; mais encore faut-il qu'il soit prévenu à temps pour combattre avec succès son redoutable ennemi. La dernière statistique établie par le colonel Couston constate que le nombre des incendies, depuis 1882, a toujours été en diminuant. Cette diminution est due à la rapidité avec laquelle, au moyen du réseau télégraphique, on peut appeler les secours. Il faut espérer qu'avant peu ce réseau sera complété par de nombreux avertisseurs publics placés dans tous les quartiers, et que grâce à eux les sinistres deviendront de plus en plus rares. »

1888 L'avertisseur d'incendie
Arthur KREBS
Brevet de SYSTÈME DE TÉLÉPHONE à champs magnétique fermé avec plaques cylindriques concentriques égales, du 27 juillet 1888


L'appareil
Le brevet

SYSTÈME DE TÉLÉPHONE à champs magnétique fermé avec plaques cylindriques concentriques égales par Monsieur Arthur Krebs.

L'objet de la présente demande de brevet est de me garantir la propriété exclusive d'un système de téléphone basé sur les propriétés suivantes :
Le fonctionnement d'un téléphone magnétique repose sur la variation de l'intensité magnétique d'un noyau de fer doux autour duquel est placée une bobine à fil fin.
À chaque variation de l'intensité magnétique de ce noyau correspond dans le fil de la bobine une action électrique dont la grandeur, en dehors des conditions extérieures qui constituent le circuit électrique, dépend de la grandeur de la variation de l'intensité magnétique.
Les dispositions adoptées ont pour but de créer un champ magnétique puissant au moyen d'un ou plusieurs aimants, dont les deux pôles sont recueillis d'une part, par le noyau de fer doux portant la bobine, de l'autre par la plaque de fer doux destinées à vibrer, et dont le centre est maintenu à une faible distance de l'extrémité du noyau.
En outre, la plaque vibrante est construite de telle façon, qu'une section cylindrique quelconque, ayant comme axe celui du noyau ou de la plaque soit sensiblement constante ; la meilleure disposition étant celle dans laquelle cette section est égale à celle du noyau.
Pour réaliser cette condition, l'épaisseur de la plaque, pour la surface en regard de l'extrémité du noyau, est donc le quart du diamètre de ce dernier, en s'éloignant du centre ; l'épaisseur est telle que xD = d²/4.
d étant le diamètre du noyau ;
D le diamètre de la section cylindrique considérée sur la plaque ;
x l'épaisseur de la plaque pour le diamètre D.
L'une des faces peut être plane ou affecter une surface quelconque, les deux faces peuvent être décrites par des hyperboles, mais dans tous les cas l'épaisseur restera toujours définie comme il vient d'être dit.
En outre, la section du noyau et par suite celle de la plaque sont telles que dans toutes les circonstances ces pièces sont très éloignées de leur point de saturation magnétique.
Ces dispositions ont pour objet de diminuer le plus possible les résistances magnétiques du système.
Dans ces conditions l'intensité du champ magnétique situé entra la plaque et l'extrémité du noyau dépend uniquement de la puissance des aimants et de l'épaisseur de la lame d'air comprise entre l'extrémité du noyau et la plaque. Celle-ci est aussi faible que possible, mais suffisante, pour que dans ses vibrations la plaque ne puisse venir toucher le noyau.
Les variations du champ sont ainsi rendues beaucoup plus intenses et par suite la puissance du téléphone rendue plus grande, que lorsque la plaque a une épaisseur constante. Si la plaque est mince elle est saturée au centre, si elle est épaisse ses vibrations sont très faibles. Avec la plaque qui vient d'être décrite, l'amplitude des vibrations reste très grande, et la section à n'importe quelle distance du centre est suffisante pour ne jamais être saturée.
Ces dispositions sont applicables à tout téléphone qu'il soit récepteur ou transmetteur. Elles permettent de réaliser des téléphones de toutes dimensions et en particulier des appareils de très grande dimension d'une sensibilité beaucoup plus grande que tous ceux construits jusqu'à ce jour.

A plaque vibrante
B C aimants permanents ayant un pôle commun en B et les autres pôles de même nom en C.
D couronne en fer doux à laquelle sont fixés les aimants et qui supporte la plaque.
E noyau de fer doux portant la bobinne de fil fin.
F bobinne de fil fin.
G disque en laiton ou autre matière, excepté fer et acier, pressant la plaque A par l'intermédiare d'un coussin en carton dans une feuillure de la couronne D. Ce disque est ouvert et porte un pavillon. Dans le premier cas on parle contre la plaque, dans le second dans le pavillon.
H enveloppe en bois ou métal de forme quelconque servant de support à l'appareil.

En résumé, je revendique dans cet appareil l'emploi d'une plaque vibrante à épaisseur variable définie comme il a été dit ci-dessus et la disposition de l'armature formant le champ magnétique sur la plaque, ou d'une manière générale l'emploi d'un champ magnétique fermé sur lui-même en employant des sections métalliques suffisantes pour qu'elles soient éloignées de leur point de saturation, quelles que soient les dispositions adoptées.
Elle permettent de construire des téléphones d'une sensibilité extrêmement grande et de dimensions inusitées à ce jour.
Paris le 27 juillet 1888
Institut National de la Propriété Industrielle

1888 - AVERTISSEUR UNIVERSEL - Système L. Digeon - LA NATURE par G. Mareschal : (1/2) (2/2)
« Nous avons décrit en son temps le système des avertisseurs d'incendie employés par la ville de Paris. Ces appareils ne peuvent et ne doivent être employés qu'à signaler les incendies en indiquant d'une façon approximative l'endroit vers lequel les pompiers doivent se diriger.

Le problème que s'est proposé de résoudre M. Digeon est plus complexe et consiste, au moyen d'appareils très simples, à relier des postes de secours, postes de pompiers, de police, casernes, forts, etc., à un ou plusieurs points quelconques formant postes d'appel, laissés à la disposition du public et lui permettant de se mettre en communication téléphonique avec les postes de secours. Toute personne peut se servir du système sans étude préalable, ni connaissances spéciales. Le circuit sur lequel sont montés les appareils est à courant continu, ce qui permet de constater immédiatement tout dérangement. [...] »

1889 - Les nouveaux avertisseurs d'incendie à Paris - LA NATURE par Daniel Bellet : (1/3) (2/3) (3/3)
« Le feu est un ennemi qui nous menace sans cesse, et c'est pour cela que tout ce qui se rapporte à la lutte engagée contre lui par le régiment des pomiers intéresse si vivement la population parisienne.

La Nature a déjà décrit en son temps le système d'avertisseur à plaque de verre installé le long des murs dans quelques quartiers du centre de Paris [système Petit]. Cette installation remonte au 10 janvier 1885 ; 44 de ces appareils ont été mis en service. Pendant ces quatre années, ils ont signalé 260 incendies, 43 en 1885, 85 en 1886, 70 en 1887 et 62 en 1888. Mais ils ont donné lieu à 150 alertes inutiles, causées par de mauvais plaisants qui s'évertuaient à déranger les pompiers sans aucun motif. C'est précisément par suite de ces alertes inutiles qu'on a songé à modifier ces appareils, et c'est pour remédier à cet inconvénient qu'on a imaginé le nouvel avertisseur dont nous voulons parler aujourd'hui. Il a été créé de toutes pièces par M. Petit, contrôleur principal des lignes télégraphiques, pour satisfaire aux desiderata exprimés par la Commission qui a été visiter récemment l'organisation des services de pompiers aux États-Unis. [...]
Nous tenons à remercier M. le capitaine Krebs et M. Petit de l'extrême obligeance avec laquelle ils nous ont comminiqué les photographies que nous reproduisons.. [...] »

1891 - MERVEILLES DE LA SCIENCE : "Le bouton avertisseur des incendies, posé dans les rues de Paris"
Info Il s'agit de l'avertisseur PETIT modèle 1885.

Vu en couverture de La Science française, n° 78, août 1892

1893 - Les nouveaux avertisseurs d'incendie - LA NATURE par Daniel Bellet : (1/3) (2/3) (3/3)

« [...] Tout en offrant des avantages sérieux, ce système [Petit] était défectueux en quelques points : les pompiers devaient toujours se rendre à l'avertisseur d'où le signal était parti pour demander où était exactement l'incendie; ils ne savaient point quelle était la nature du feu.
Aussi, tout en faisant poser des appareils Petit, le corps des pompiers et particulièrement ses éminents ingénieurs, M. le commandant Krebs et M. le capitaine Cordier, se préoccupaient de trouver mieux.
[...]
Toutes le manoeuvres sont donc fort simples ; mais l'appareil Digeon a d'autres avantages : il permet notamment de maintenir les hommes partis au feu en communication avec la caserne, pour demander du renfort, par exemple. En effet chaque avertisseur est muni sur le côté d'une porte s'ouvrant avec une clef spéciale et démasquant une mâchoire où l'on introduit les fils d'un téléphone mobile et une clef de Morse pour provoquer les appels.
Nous ne pouvons omettre de signaler particulièrement le téléphone mobile qu'on emploie dans ce cas : il est dû à M. le commandant Krebs, comme celui qui est disposé dans l'avertisseur même. Il s'agit dans les deux cas d'un remarquable transmetteur magnétique ; la plaque vibrante a 98 millimètres de diamètre dans l'appareil fixe et 77 dans l'appareil mobile ; pour celui-ci, il est accouplé à un récepteur Ader monté à coulisse sur la tige de liaison. [...] »

1897 - Vu dans LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE DES ARTS ET DES SCIENCES par Léon SAGNET.
Historique Matériel d'incendie et de sauvetage

« - Matériel d'avertissement. Les appareils avertisseurs sont de deux sortes : les avertisseurs proprement dits et les révélateurs d'incendie. En outre, dans les villes qui n'ont pas de réseau téléphonique et dans les campagnes, on a encore recours aux appels de clairon et au tocsin, qu'on fait suivre, pour indiquer la direction du sinistre, d'un nombre convenu de coups de langue ou de coups frappés à la main sur la cloche.
- Avertisseurs. Ils sont destinés à multiplier les moyens d'appel. Le téléphone en est la base. Dans plusieurs grandes villes, on se borne à relier le poste central des pompiers au réseau urbain. Dans d'autres, comme Paris, on fait usage d'avertisseurs spéciaux, publics ou particuliers. l'avertisseur public est placé sur la voie publique, à la disposition de tout le monde.
Le plus pratique est l'avertisseur téléphonique du système Digeon, en usage à Paris. Il repose sur une colonne métallique et est renfermé dans une boîte en fonte. En brisant une petite glace qui couvre la face extérieure de la porte, celle-ci s'ouvre d'elle-même et met à découvert, comme le montre la figure [ci-dessus], outre un avis en gros caractères, qui fait connaître ce qu'on doit faire, l'embouchure d'un téléphone en communication avec le poste le plus voisin. Une double sonnerie d'alarme se trouve en même temps déclenchée : l'une, très forte, dans l'avertisseur même, en vue de d'attirer l'attention des passants et d'éviter les fausses alertes, l'autre, au poste, pour avertir le pompier de service. Dès que celui-ci a bien compris les indications qu'on lui téléphone, il en prévient l'appelant en lui envoyant, par le jeu d'un mécanisme spécial, une sorte de ronflement, puis les pompiers partent.
Les avertissseurs privés relient directement les grandes administrations ou les grands établissements avec le service d'incendie. Ils sont du même type que les avertisseurs publics, mais entretenus aux frais et par les soins des administrations ou des propriétaires.
L'installation en est faite sur demande adressée à la direction des postes et des télégraphes, moyennant 300 fr. environ par kilom. de fil. [...] »

La petite histoire des " avertisseurs d'incendie" par Patrice Havard

Cette borne est encore visible dans un renfoncement au 9, rue Sévigné dans le 4ème, c’est la dernière encore présente dans Paris et a été placée devant l'entrée de la caserne Sévigné. Elle a été fabriquée en 1947 par l'AOIP l’Association des ouvriers en instruments de précision, en collaboration avec les services techniques des sapeurs-pompiers de Paris.

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