1926 LE DÉTECTOGRAPHE

LE DÉTECTOGRAPHE EST UN APPAREIL DE TELEPHONIE SECRÈTE QUE L’ON NE VEND PAS AU PUBLIC
Par M. De BRU de la revue "La Science et la vie"

Il y a bien longtemps que nous avons entendu raconter qu’en plaçant un microphone dans la cellule de deux inculpés, on pouvait entendre leur conversation. Ce fut imaginé dès l’apparition de ce merveilleux instrument qu’est le microphone, mais le fait n’était vrai qu’à la condition de placer l’appareil tout près des causeurs, c’est-à-dire que, n’étant pas dissimulé , il était incapable de rendre les services désirés.


UNE STÉNOGRAPHE REÇOIT AU CASQUE D'ÉCO UTE, DANS SON BUREAU, TOUTES LES CONVERSATIONS TENUES A VOIX BASSE DANS UNE PIÈCE QUELCONQUE.

Les microphones haut-parleurs ordi naires sont tout à fait insuffisants pour recevoir une application aussi intéressante que celle que nous signalons.
Il bénéficie d’une sensibilité merveilleuse, qui lui permet d’être placé en un endroit quelconque d’une pièce, dissimulé même derrière une tapisserie, à l’intérieur d’un tiroir de bureau, dans une armoire, sous un tapis, sans que, malgré les obstacles, il ne cesse d’enregistrer les conversations tenues, même à voix très basse.
L’installation d’un tel instrument n’offre aucune difficulté : il suffit de le relier par des fils qui traversent le mur avec un casque à deux récepteurs dans la pièce voisine, pour que la personne qui aura coiffé le casque puisse sténographier toutes les conversations échangées en un endroit quelconque de la salle du microphone.
Cependant, les fils de liaison, ou plus exactement le circuit téléphonique, ne relient pas directement le microphone aux écouteurs. Ils passent par un rhéostat portant un commutateur, qui permet d’augmenter ou de diminuer le courant du microphone, que l’on désigné, en téléphonie, sous le nom de courant de conversation, pour permettre de percevoir plus ou moins nettement la conversation engagée. Une pile sèche ordinaire fournit le courant nécessaire.

Le détectographe est utilisé largement par les services de plusieurs administrations étrangères, de la police, auxquelles il rend les plus grands services. On le place dans tous les endroits où il est nécessaire de saisir la conversation de personnes suspectes.
Les établissements financiers, par exemple, ont tout intérêt à installer, dans les souterrains où sont aménagés leurs coffres-forts, un ou plusieurs microphones extra-sensibles, qui révèlent à un « écouteur » les moindres bruits produits dans tout le souterrain. Il peut intervenir, d’ailleurs, pour la protection de tous les objets de valeur, et les bijoutiers, si souvent victimes des cambrioleurs, auraient avantage à recourir à une telle installation qui doublerait la sécurité qu’apporte la sonnerie électrique.
Mais sa principale application réside dans la surveillance des personnes suspectes. Il s’en trouve, d’ailleurs, dans tous les milieux, et, si la police olïicielle peut user largement d’un système téléphonique secret et l’instal
ler dans tous les lieux où ont l’habitude de se réunir les malfaiteurs, dans les pièces spéciales du dépôt, les commerçants doivent également être mis dans la possibilité de recourir aux services du détectographe, pour surveiller ceux de leurs employés dont ils auraient des raisons de suspecter la délicatesse.
Le microphone peut également être utilisé en téléphonie sans fil en raison de son extrême sensibilité ; peut-être serait-il supérieur à ceux actuellement en service dans les grands postes radiotéléphoniques.
Mais les applications tout à fait spéciales de cet appareil ne permettent pas de le livrer, sans garantie, au premier acheteur venu qui en ferait la demande. Le représentant du détectographe se réserve, en effet, le droit de procéder à une enquête avant de consentir à la livraison de ses appareils : il veut connaître l’usage auquel ils sont destinés avant de les fournir à un acheteur éventuel. C’est qu’un tel instrument, au service de personnes mal intentionnées ou simplement curieuses, pourrait être cause de bien des surprises désagréables, car il est, en quelque sorte, la réalisation, limitée, il est vrai, mais pourtant exacte, des lunettes de la légende qui permettraient de lire la pensée de chacun.
Et si nous sommes partisans du progrès, nous n’en restons pas moins convaincus que certains progrès ne sont désirables qu’autant que perçu microphone du détectograpiie, d’un modèle sonne ne puisse en souffrir. Leur généralisation ne doit pas être permise si elle s’accompagne d’un excès de pouvoir.

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