L'État et les télécommunications internationales au début du XXe siècle en France

Par Pascal Griset 1987

UN MONOPOLE STERILE.

Le XIXème siècle est celui de la « Révolution industrielle » tant de fois décrite, tant de fois niée ou réexaminée.

Ce phénomène cache trop souvent dans les analyses économiques et sociales une autre « Révolution », peut être bien plus nette encore, celle de l'information. En quelques dizaines d'années les sociétés ont disposé de systèmes de communications qui ont totalement bouleversé la circulation de l'information. Ces bouleversements sont intervenus à l'échelle des nations et des continents mais également à l'échelle planétaire avec le développement des cables sous-marins intercontinentaux. Toutes les implications de cette évolution ne furent pas perçues par les contemporains. L'information ne se mesure pas, s'évalue mal. Investir dans des réseaux de télécommunications c'est investir dans des systèmes qui ne produisent pas de biens matériels, la notion de service est difficile à intégrer. La France, grande puissance européenne et coloniale, était concernée au tout premier chef par ces bouleversements technologiques. Après avoir manqué la chance des cables transocéaniques, la France disposait au début du XXème siècle avec la radio d'une nouvelle technologie lui permettant enfin de bénéficier de télécommunications internationales indépendantes et, peut être, de développer une industrie capable de s'imposer sur les marchés internationaux. Le
monopole de l'Etat sur les télécommunications étant le cadre juridique incontournable, l'attitude des pouvoirs publics vis-à-vis de cette potentialité devait s'avérer décisive. Mais est-il légitime d'évoquer « l'attitude de l'Etat » ? En fait face au défi des télécommunications internationales il n'y eut pas un comportement étatique mais des actions différentes venant d'administrations aux intérêts divergeants, l'efficacité économique et l'intérêt national n'y trouvèrent guère leur compte.
Le réseau intercontinental de télécommunications au début du XXème siècle.

Si la radiotélégraphie développait une technologie fondamentalement nouvelle, celle-ci arrivait dans un monde où les télécommunications internationales étaient assurées par un réseau de cables sous marins.

« Grâce aux nouveaux conducteurs, la continuité des communications est assurée pour les cinq parties du monde. Chaque continent, si l'on excepte les zones polaires, peut converser de manière rapide avec un autre si grand soit son éloignement » (1), pouvait-on estimer en 1 904.

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La supériorité britannique

Ce fut la Grande-Bretagne qui développa la première un réseau de télégraphie électrique.
Deux associés, C. Wheatstone et W. Cooke, déposèrent un premier brevet en juin 1837. Grâce à l'appui de la compagnie des chemins de fer Great Western les deux entrepreneurs trouvèrent les capitaux nécessaires et purent inaugurer le 1er janvier 1839 la première ligne télégraphique électrique. Il est tout à fait remarquable que les problèmes de signalisation posés par le réseau ferré aient permis de trouver un financement pour le télégraphe. Ce premier débouché suffit pour assurer à l'innovation un début satisfaisant.
Cet enchaînement souligne à quel point le télégraphe électrique se place de manière essentielle dans l'évolution d'un système technique cohérent ouvrant la mise en place d'une véritable économie-monde.

L'avance de la Grande-Bretagne était considérable. Morse, dont le système fut par la suite universellement diffusé, connaissait les plus grandes difficultés et était éconduit en France et en Russie mais aussi aux Etats-Unis. La première ligne télégraphique inaugurée aux Etats-Unis le fut en 1845 alors que la Grande-Bretagne disposait déjà de plusieurs centaines de kilomètres de lignes.

Les liaisons télégraphiques à longue distance posaient pourtant des problèmes bien plus complexes liés essentiellement au fait que les cables devaient être installés sous la surface des océans. La Grande-Bretagne fit également œuvre de pionnière en ce domaine. Déjà favorisée par son avance en matière de télégraphe terrestre la Grande- Bretagne sut répondre à la demande créée par l'importance de son empire. La principale difficulté soulevée par le développement d'un réseau télégraphique intercontinental provenait de la nécessité d'assurer une parfaite isolation aux fils conducteurs. Les pressions élevées des grands fonds ainsi que les courants exigeaient également une résistance mécanique exceptionnelle. Cette dernière condition fut assez vite remplie par des armatures renforcées. En revanche le problème de l'étanchéité provoqua bien des déboires. La solution vint des îles de la Sonde sous la forme d'une substance tirée du latex, la gutta percha. Dès 1 847 la Société pour l'encouragement des arts et manufactures de Londres avait entreprit une enquête sur les moyens d'utiliser la gutta percha. Ce matériau, mélange naturel de matières résineuses et minérales, s'avéra être : «... l'isolant parfait, présentant au passage de l'électricité une résistance presque infinie, inattaquable à presque tous les acides et ayant en outre cet avantage de se conserver beaucoup mieux dans l'eau que dans l'air » (2).

Malgré ces premières études la machine permettant d'enrober les cables avec le produit miracle fut mise au point par l'Allemand Siemens en 1849. Ce préalable satisfait les difficultés ne s'évanouirent pas subitement. La première société créée pour poser des cables sous-marins fut britannique mais elle connut de considérables difficultés. La première tentative de liaison trans-Manche fut un échec. Le cable se brisa en plusieurs endroits et, sans provoquer de réel scandale, l'affaire jetta une ombre certaine sur des ambitions pourtant considérables (3).

La première ligne télégraphique sous-marine du monde Douvres-Calais fut ouverte le 23 novembre 1852 mais il fallut après ce premier succès attendre plus de dix ans pour voir enfin l'Europe et l'Amérique reliées par télégraphe. La fabrication et la pose d'un cable de plusieurs milliers de kilomètres soulevaient de terribles difficultés et provoqua de nombreux échecs. Dans les années cinquante, la Red Sea and Indian Telegraph company perdit d'un seul coup 5000 kilomètres de cable dans la Mer Rouge en voulant poser une ligne de Malte aux Indes via Suez.

Catastrophe également dans l'Atlantique puisqu'en : « ... 1 858, après quatre ans d'étude et de travail, un cable de plus de 3000 kilomètres est immergé entre l'Irlande et Terre Neuve. Le président Buchanan peut le premier adresser par la nouvelle voie transatlantique, un message de félicitations à la reine Victoria ; par malheur la ligne, mal posée et le fil mal isolé se refusèrent après 23 jours de service à transmettre aucun signe » (4).

Pour débloquer une situation qui devenait singulièrement préoccupante, le gouvernement britannique nomma une commission spéciale chargée d'étudier les problèmes liés à la mise en place d'un cable sous-marin de grande longueur. La commission était présidée par W. Thomson, le futur Lord Kelvin (5). Ce travail fut fructueux puisque les conclusions du rapport servirent de base à des mesures qui permirent de poser avec succès un cable transatlantique, qui cette fois-ci fonctionna réellement, en 1866.

A partir des années soixante c'est donc un plan cohérent et volontariste que la Grande-Bretagne met en place pour relier Londres à l'ensemble de la planète et tout particulièrement, si l'on excepte New York, avec son empire. Si l'entreprise est très majoritairement privée elle reçoit l'appui du gouvernement, celui ci n'hésitant pas à prendre les choses en main lorsque les difficultés semblent trop grandes. Comme le remarque L. Jocob : « Dès le milieu du siècle dernier, on eut dans toute la Grande-Bretagne, à la fois confiance tenace dans la nouvelle industrie et le sentiment précis que la grandeur et la sécurité de l'empire étaient liées à sa réussite » (6).

L'effort fut constant. Il donna à la Grande-Bretagne le réseau le plus complet de cables sous-marins développés par plusieurs sociétés privées.

La principale société était l'Eastern Telegraph company qui possédait 103 786 km de cables. Son réseau desservait principalement les pays méditerranéens et les Indes en passant par Suez. Deux filiales complétaient ce réseau. L'Eastern and South African Telegraph company avec 22 231 km desservait l'Afrique tandis que l'Eastern Extension Australia and China Telegraph company étendait ses 54 141 km de cables vers Singapour et l'Australie, passant par Hong Kong et Saigon. La Western Telegraph Company avait déployé 53 746 km de cables vers le continent américain, cette région du monde étant également couverte par la West India and Panama Telegraph Company (8078km). En ajoutant les 5347 km de l'African direct Company ce sont donc au total près de 250 000 km de cables sous-marins, assurant des liaisons à longue distance, qui étaient contrôlés par les compagnies privées britanniques.

L'Angleterre tirait un avantage considérable de cette situation.

« On a très justement appelé Londres « Le grand marché » des nouvelles du monde. Mais ce serait avoir de la prédominance, ou plus exactement du monopole britannique une notion très incomplète que d'imaginer les Anglais enclins à repasser sans profit ou à revendre immédiatement les nouvelles qu'ils ont les premiers reçus. Leurs industriels, leurs commerçants, leurs financiers ont un grand avantage à être informés avant les concurents étrangers » (7).

Le pouvoir lié à la possession de l'information apparaissait très clairement pour l'Angleterre de ce dernier tiers du siècle.
A partir de ce réseau c'est en effet tout un système qui avait été mis en place. Les grands quotidiens britanniques étaient informés plus vite que leurs confrères continentaux. L'agence Reuter disposait d'une situation extrêmement privilégiée qui en fit la première agence de presse de l'époque. Les conséquences plus politiques de cette situation étaient soulevées par le ministère Français des Colonies en 1900 :
« Les nouvelles de l'Angleterre sont répandues dans tout l'univers, la voix sous-marine se met à parler, mais comme un agent politique s'attachant à ne mettre en lumière que les événements favorables à son pays, en particulier les faits qui intéressent sa grandeur politique. Alors par la force même des choses, l'implacable habitude amène ceux qui reçoivent ces nouvelles à s'intéresser à l'Angleterre et aux Anglais » (8).

Certes quelques exagérations sont peut être introduites dans cet avis pour favoriser la mise en place d'un plan de développement des cables français. Il n'en reste pas moins qu'il souligne justement en quoi le réseau britannique était un formidable moyen d'influence. La plupart des sociétés étaient d'ailleurs subventionnées par le gouvernement britannique. Outil politique et économique pour le pays, le réseau de cables sous- marin était également une source de revenus importante. Utilisé par l'ensemble des nations du globe il provoquait de considérables entrées de devises. Si Londres n'est pas devenu le centre des échanges internationaux grâce aux cables ceux-ci ont cependant largement contribué à conforter cette situation. La City se trouvait dans une situation idéale pour centraliser et utiliser les informations financières. La vie économique de l'Empire dans son ensemble fut dynamisée par le réseau. Un article du quotidien La politique coloniale établissait ainsi en 1900 un parallèle entre l'évolution du commerce de l'Angleterre avec ses colonies et le développement du réseau de cables sous- marins (9).
Trop simpliste cette analyse soulignait cependant bien l'extraordinaire frustration ressentie par les milieux d'affaire français et notamment ceux dont l'activité était orienté vers le commerce colonial.

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L'ÉTAT FT LES TÉLÉCOMMUNICATIONS INTERNATIONALES Une France sous-équipée

La France était bien loin de posséder un tel réseau. Si l'équipement du réseau national en lignes télégraphiques avait été un succès honorable, en revanche, compte tenu de son rôle international et de son empire, la France était largement sous-équipée en matière de cables sous-marins.

C'est seulement en 1869 que fut constituée une société française capable de poser et d'exploiter une ligne télégraphique sous-marine. Elle relia Brest à Saint-Pierre et Miquelon et, malgré sa bonne santé financière, fut rachetée en 1872 par l'Anglo Ame- can telegraph company. Jusqu'en 1890 cette dernière conserva l'avantage considérable de transmettre les dépèches télégraphiques « Sans voie » (10), soit 50 % du trafic au départ de France à cette époque.

La France ne bénéficia de l'existence d'une compagnie réellement importante qu'après la création de la Compagnie du Télégraphe de Paris à New York, ou « PQ » — des initiales de son fondateur l'ancien ministre Pouyer-Quertier — . La PQ établit une ligne de Brest à Cap Cod via Saint-Pierre. Une prologation terrestre acheminait ensuite les messages jusqu'à New York.

En 1886 une autre entreprise, la Société Française des Cables sous-marins, déposa un projet de liaison entre la métropole et Madagascar via Tunis, Suez et Obok. La commission du budget repoussa le projet malgré l'appui des PTT l'engagement de l'Etat y étant jugé trop important. La Société française développa ses activités dans les Caraïbes. Elle ne put se développer car de nouveau, en 1893, une subvention qui lui aurait permit d'établir une liaison Lisbonne-Açores lui fut refusée. Les efforts du Quai d'Orsay qui avait réussit à obtenir la concession furent réduits à néant, les 400 000 francs de caution perdus et surtout la position clef des Açores abandonnée à une compagnie britannique (11).

En 1894 la réunion de la Compagnie du Télégraphe de Paris à New York et de la Société Française des Cables sous-marins donna naissance à la Compagnie française des cables télégraphiques. Il était malheureusement bien tard et la nouvelle entreprise, toujours dénommée PQ par les initiés, devait tenter de se développer dans un marché largement occupé par les Britanniques et où les Américains étaient de plus en plus présents. A l'origine de ce regroupement, l'État semblait enfin se préoccuper des « ... inconvénients si nombreux qui résultent de l'emprunt obligé et presque exclusif des lignes étrangères » (12).

Peu de temps après sa fondation, en 1898, la Compagnie se trouvait déjà en situation difficile. Les statuts de la CFCT l'ogligeait à faire appel à une entreprise française pour fabriquer et poser ses nouveaux cables. Aussi lorsque la Compagnie voulut disposer d'une autre liaison transatlantique elle s'adressa à la Société Industrielle des Téléphones. Celle-ci fut incapable de respecter les délais de livraison fixés et le retard devint considérable pour l'ouverture de la deuxième liaison.

Si la responsabilité de la SIT « était sérieusement engagée » (13), ce fut bien la CFCT qui fut mise au bord de la faillite.
Pour sauver la situation, et conserver la seule voie télégraphique transatlantique française, une nouvelle société, la Société Générale Française des Télégraphes fut créée pour avancer dix millions de Francs à la CFCT. Parmi les actionnaires de cette société figuraient notamment la Société Générale du Crédit Industriel et Commercial et la Banque de Paris et des Pays Bas. Le montage financier permit à la CFCT de surmonter cette période difficile (14). Une entreprise de moindre importance fut enfin fondée en 1913, la Compagnie Française des Cables sud-américains mieux connue sous le nom de « Sud Am ». Elle était issue du rachat par l'Etat des concessions et du matériel de la South American Telegraph Company (cable Dakar Pernambouc). Sa taille était nettement inférieure à celle de la CFCT et les services qu'elle rendit furent dans l'ensemble, de médiocre qualité.

Face au gigantesque réseau britannique et aux nouvelles liaisons mises en place par les Américains la France, bien que placée au troisième rang mondial par la longueur de son réseau était largement sous-équipée compte tenu de ses besoins. Avec ses 28 820 kilomètres de cables la CFCT était située au septième rang mondial des entreprises privées, la Sud Am avec 5 153 kilomètres étant à la quatorzième place.

Seconde puissance coloniale du monde la France ne contrôlait que 5 % du réseau de cables transocéaniques et 2 % des recettes. Les voies françaises ne pouvaient écouler que 29 % du trafic originaire ou à destination de la France sur l'Atlantique Nord et 24 % sur l'Atlantique Sud (15).

En ce qui concerne l'empire la situation était encore plus catastrophique. Pour communiquer avec ses possessions la France était presque totalement dépendante des cables britanniques : « A part l'Algérie, aucune de nos possessions n'est rattachée directement, c'est-à-dire par ligne exclusivement française, à la métropole » (16).

Outre quelle se privait d'une source de revenus et d'avantages économiques monopolisés par les Britanniques la France voyait sa position internationale et sa sécurité gravement mis en cause par cet état de fait. Comme l'écrivait L. Jacob en 1912 : « Au triple point de vue économique, politique et militaire cette dépendance est pour nous grosse de conséquence funestes et de périls » (17).

En de nombreuses occasions, la plus célèbre étant Fachoda, le gouvernement britannique disposa d'une information très largement supérieure en qualité et en rapidité à celle de son homologue français. En temps de crise la situation devenait en effet particulièrement grave. Lorsque la 17 novembre 1899 le gouvernement britannique suspendit toute transmission de messages codés en Afrique Australe, Orientale et Occidentale, la France se trouva dans l'incapacité de transmettre ses instructions secrètes au gouvernement général de Madagascar. Cet exemple n'est pas isolé et lors des crises coloniales majeures, Indochine en 1885, Madagascar 1895, Fachoda 1898, Transvaal 1899 et Maroc 1905, la France eut à en pâtir.

La France était également très handicapée pour collecter une information fiable et objective. Là encore la source était monopolisée par les Anglais : « Des dépêches arrivent à destination tronquées ou inintelligibles. D'autres fois, quand elles sont défavorables aux intérêts anglais, elles subissent une savante transformation. Certaines traductions faites par le War Office des dépêches cependant officielles de Sir Redvers Buller et du Maréchal Roberts pendant la guerre du Transvaal sont restées légendaires » (18).

Cette dépendance devint de plus en plus préoccupante à mesure que l'éventualité d'une guerre devenait plus vraisemblable. Un article paru en 1894 dans un journal allemand et rapporté par le périodique La France militaire provoqua ainsi un vif émoi. Ce document laissait présager une action déterminée des Allemands pour couper les liaisons entre la France et la Russie notamment en agissant dans les pays neutres qui acheminaient des messages télégraphiques entre les deux puissances. L'article de La France militaire » se terminait en forme d'avertissement : « II s'agit aujourd'hui que l'on voit les intérêts franco-russes étroitements liés par la nature même des choses, de couper toute communication entre les deux nations quand elles devront défendre leurs intérêts. Avis à qui de droit.» (19).

Dangereuse pour la sécurité du pays la dépendance vis-à-vis des Britanniques coûtait également fort cher. Les quelques clients étrangers dont pouvaient disposer les compagnies françaises ne compensaient pas, et loin s'en faut, les pertes en devises.

« Notre sujétion coûte cher... Les États ou les compagnies qui acheminent nos dépêches exigent chaque année de nous une rétribution élevée... Il y a mieux, jusqu'à une époque récente nous avons versé à des compagnies étrangères, indépendamment de tout trafic, des subventions importantes », écrivait en 1912 L. Jacob. Pour assurer ses communications sur des liaisons à faible trafic le gouvernement avait en effet accordé des subventions à des entreprises étrangères opérant vers l'Afrique et l'Indochine (20).

Corollaire de cette faiblesse du réseau la France ne disposait d'aucune industrie cablière compétitive du moins avant 1 900. Ce furent des entreprises anglaises qui fournirent les cables reliant la métropole à l'Algérie, les deux premiers cables transatlantiques ayant la même origine.

Insuffisant dans son étendue le réseau français semblait par ailleurs fournir un service de qualité très médiocre.

Le Ministère des Affaires étrangères remarquait en 1920 la « médiocrité » de la liaison avec l'Amérique du Sud et signalait en 1921 :
« ... des hommes d'affaires français et américains, se plaignent de la lenteur du service entre la France et les États-Unis » .

Selon ces clients importants, un télégramme expédié de New York à destination de Londres peut recevoir une réponse en une heure, alors que si il avait été envoyé vers Paris la réponse n'aurait pu être espérée que pour le lendemain.

« II s'en suit que beaucoup de maisons françaises confient à leurs agents de Londres le soin de suivre leurs affaires à New York. La supériorité du service télégraphique anglo-américain contribue à maintenir à Londres le centre des échanges et des assurances. Elle se traduit par un tribut annuel de plusieurs millions de Francs payé par la France à la Grande Bretagne en courtage, intérêts etc. » (21).

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Une prise de conscience tardive

Ce fut surtout à partir de 1900 qu'une véritable prise de conscience du problème semble apparaître dans le débat politique français. Tous les problèmes étaient intimement liés et les implications stratégiques ne pouvaient être séparées des enjeux économiques et culturels.

Comme on pouvait le lire dans la Revue des Deux mondes dès 1900 : « L'établissement des réseaux de cables réclamés par notre défense répond à des besoins économiques et commerciaux d'une telle valeur que ces besoins donneraient une certitude d'avenir suffisante, pour provoquer, dans un pays plus audacieux que le notre, la création de ce réseau » (22).

Les ministères commençaient également à prendre en compte le problème. En 1899, répondant à une lettre inquiète du ministre de la Guerre le sous-secrétaire d'Etat aux PTT partageait les préoccupations des militaires : « J'avais été frappé comme vous des graves inconvénients qui résultent de la possession à peu près exclusive par les compagnies anglaises des communications télégraphiques sous-marines » (23).

Les moyens mis en œuvre pour faire évoluer la situation furent largement insuffisants. L'industrie cablière restait ainsi, au moment de la Première Guerre mondiale, très faible. Trois usines fabriquaient des âmes de cables, c'est-à-dire la partie centrale formée du conducteur et de son enveloppe isolante. La première, appartenant à la Société industrielle des téléphones, était située à Bezons, la deuxième détenue par les établissements Grammont était installée à Pont de Chervi, la dernière, celle de Persan-Beaumont dépendait de l'Indian Rubier. Trois autres usines terminaient les cables en revêtant les âmes d'une armature. Elles se trouvaient à Calais pour la SIT à Saint-Tropez pour Grammont, l'usine de la Seyne-sur-Mer appartenait à l'Etat. Dispersée géographique- ment et financièrement cette industrie ne travaillait en fait que pour de courtes liaisons et les cables côtiers.

La France était également sous-équipée en navires câbliers. Quatre étaient en service en 1914. Le Pouyer Quertier de la CFCT était basé à Fort -de-France et assurait difficilement, il datait de 1879, les réparations dans la mer des Antilles. Beaucoup plus moderne, puisque lancé en 1913, Y Edouard Jéramec assurait depuis Halifax, pour la même compagnie, l'entretien des câbles transatlantiques. Les deux autres navires appartenaient à l'administration. La Charente basée au Havre entretenait le réseau côtier Nord tandis que Y Emile Baudot dont le port d'attache était La Seyne, s'occupait du réseau méditerranéen (24).

Cette flotte était insuffisante. Assumant difficilement les opérations d'entretien de routine, elle était incapable d'assurer la pose d'un câble pour une liaison transocéanique.

Comment expliquer une telle situation pour un pays bénéficiant d'une position géographique idéale pour développer un réseau de câbles sous-marins et qui de surcroît en avait un besoin urgent et reconnu. Il est vrai que la tâche était loin d'être aisée.
Les Etats-Unis, confrontés au même problème, ne parvinrent que très partiellement à rattraper leur retard par rapport à la Grande-Bretagne. Les investissements étaient en effet énormes et les savoir faire difficiles à maîtriser. Par ailleurs si les liaisons sur l'Atlantique Nord offraient au capital privé de bonnes chances de rentabilité, il n'en était pas de même pour les liaisons avec des colonies. Les Etats-Unis réussirent à mettre en place un réseau relativement complet mais dont la lacune principale, le Pacifique, gênait considérablement diplomates et hommes d'affaire.

Le réseau des compagnies américaines était donc principalement orienté vers l'Europe, Western Union Telegraph (42 266 km) et Commercial Cable Company (41 268 km). L'Amérique du Sud était également bien desservie par la Ail America Cables (34 495 km), sa filiale la Mexican Telegraph Company et la Commercial Cable of Cuba (2 874 km). Les liaisons avec l'Asie n'étaient assurées par la Commercial Pacific Cable Company qui disposait d'un réseau de 18 858 km. Au total les câbles sous-marins à longue distance américains représentaient donc un réseau d'un peu plus de 145 000 km desservant les zones les plus vitales pour l'économie et la diplomatie américaine mais bien loin de pouvoir rivaliser avec la toile d'araignée planétaire de la Grande- Bretagne.

Le succès limité des Etats-Unis montre donc que tenter de faire jeu égal avec la Grande-Bretagne était totalement chimérique et très certainement suicidaire d'un point de vue économique. Il montre aussi que des objectifs bien précisés en fonction des besoins du pays pouvaient être atteints.

Plusieurs phénomènes ont empêchés la France de disposer d'un réseau adapté à ses besoins.

Si les insuffisances de l'infrastructure bancaire évoquées par P. Pata nous semblent insuffisantes pour expliquer les difficultés françaises, nous retiendrons surtout avec lui pour expliquer la timidité des initiatives privées : « ... les faillites des premières sociétés françaises de câbles (Manche 1859, Transat 1869-1873, qui sont bien faites pour jeter la suspicion sur ce genre d'investissement » (25).

C'est pourtant essentiellement l'absence de décision clairement arrêtée, de détermination dans la poursuite des projets qui ont très certainement empêché la France de prendre une place conséquente dans cette lutte internationale.

P. Marcillac évoquait parfaitement cet état d'esprit lorsqu'il regrettait en 1904 : «... l'insuffisance d'initiative qui a surtout consisté dans cette peur de l'avenir, cet esprit d'économie étroit qui paralyse les meilleures volontés et fait échouer les meilleurs plans ».

Il cite pour appuyer son propos l'exemple de l'Indochine : « La France a posé un seul conducteur de quelque importance, celui de Hué à Amoy, mal accueilli par les Chinois, rompu peu après son installation, boycotté avec fureur et interrompu encore pendant de longs mois après une première réparation faite à des prix fabuleux par un navire câblier anglais. Elle a du cet insuccès politique et commercial à deux causes, l'insuffisance d'initiative et le défaut de fonds » (26).

Tournées essentiellement vers les colonies les préoccupations françaises furent l'enjeu de rivalités politiques.

Comme le signale C. Bertho, «... le vote des crédits d'équipements en câbles sous-marins est victime des aléas de la grande politique ; lorsque le Parlement veut censurer la politique coloniale du gouvernement il refuse les crédits pour les câbles » (27).

Cette attitude qui s'affirme avec la chute en 1885 du ministère Ferry fera échouer deux projets importants en 1886 et 1889 (28).

A aucun moment un plan cohérent et doté de moyens suffisants ne fut appliqué. Les projets furent certes nombreux, mais toujours ils s'enlisèrent. Cette incapacité à promouvoir une politique de développement explique le sous-équipement de la France.

Le magazine Y Europe Nouvelle insistait tout particulièrement sur cet aspect pour expliquer, en 1925, la faiblesse française :
« Les gouvernements qui se sont succédés n'ont jamais eu une politique de câbles comme l'Angleterre en a eu une dès que cette invention a été mise au point. On se rendrait compte en parcourant les projets de loi déposés, qui ont les uns été retirés, les autres abandonnés et bien peu votés que sans méthode suivie on envisageait tantôt la pose de séries de câbles d'État, tantôt des aides financières insuffisantes à des compagnies à fermes » (29).

Ces débats, postérieurs à l'année 1905, sont essentiellement des points de vue historiques ou bien des combats d'arrière garde. L'avance britannique au début du siècle rendait tout effort dans le domaine des câbles très aléatoire. Surtout, une nouvelle technologie, la radio laissait espérer la possibilité de mettre en place un réseau rendant les mêmes services que les câbles, mais à des coûts bien moindres. La France avait là une opportunité pour échapper à la dépendance vis-à-vis des Britanniques tout en développant une industrie nouvelle dans un domaine ou les chercheurs français occupaient une des toutes premières places.

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L'État et le monopole sur les télécommunications

Institué dès 1837 le monopole de l'Etat sur les télécommunications fut sans cesse réaffirmé à chaque fois qu'une nouvelle technologie venait élargir les possibilités en ce domaine. Monopole d'Etat ne voulait pas dire pour autant monopole des PTT. L'attribution des responsabilités provoqua d'importants problèmes.

Le monopole un principe ancien
Ce monopole fut institué par une loi votée les 2 et 6 mai 1837 à la suite d'une tentative de liaison privée par télégraphe optique entre Paris et Rouen. L'article unique précisait : « Quiconque transmettra sans autorisation des signaux d'un lieu à un autre soit à l'aide de machines télégraphiques soit par tout autre moyen sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 1 000 à 10 000 francs. L'article 463 du code pénal est applicable aux dispositions de la présente loi. Le tribunal ordonnera la destruction des postes, des machines et des moyens de transmission » .

Par l'expression : « soit par tout autre moyen », le législateur s'était couvert contre toute évolution technologique ultérieure. Ainsi ce n'était pas le système de télégraphie optique qui était seul placé sous monopole, mais bien le fait de transmettre l'information. Le rapporteur de la loi ajoutait d'ailleurs : « L'esprit humain est inépuisable en ressources nouvelles et il s'agit de prévoir ici ce qui n'existe pas encore, ce qui n'est ni connu ni imaginé, ce qui pourrait être inventé pour éluder l'application de la loi si des expressions trop restrictives venaient enchaîner la conscience du juge » (30).

La « qualité » du texte s'affirma clairement lors de l'apparition du téléphone. Le décret loi du 27 décembre 1851 reprit les termes de la loi de 1837 et fut appliqué par les tribunaux pour le téléphone.

La loi pourtant, malgré son large champ d'action, en utilisant le terme « sans autorisation » admettait implicitement qu'une telle autorisation pouvait être accordée. Toutes les possibilités de choix étaient donc conservées par l'Etat, toutes les évolutions étaient possibles.

Lorsque l'apparition de la TSF nécessita une nouvelle affirmation du monopole, le législateur fit tout naturellement référence au texte de 185 1. L'article 2 du décret au 7 février 1 903 s'inscrivait totalement dans la ligne des textes précédents, il envisageait l'éventualité de dérogations tout en étendant explicitement le champ d'application du monopole à la télégraphie sans fil :
« Des postes destinés à l'échanges des correspondances d'intérêt privé pourront être établis et exploités par des particuliers après autorisation donnée par le ministre du commerce de l'industrie des postes et des télégraphes par application du décret loi du 27 décembre 1851 ».

La simple référence au texte de 1851 permettait donc, sans aucune argumentation, d'établir le monopole de l'Etat sur la TSF. Ce texte, en donnant au ministre des postes et télégraphes le pouvoir d'accorder des dérogations laissait supposer par ailleurs que la nouvelle technique était placée sous la tutelle du ministère des PTT.

Pourtant, en affranchissant l'échange des messages des contraintes du fil, la TSF posait des problèmes de contrôle d'une nature bien différente. Si la volonté de faire appliquer le monopole semblait vigoureuse, les difficultés de détection des installations radio rendait l'application de la loi plus délicate dans les faits. Une circulaire du 27 mai 1903 exprimait ainsi quelques inquiétudes quant à l'application du texte de 1851 :
« Cette disposition s'applique sans aucun doute aux échanges de signaux effectués sans autorisation à l'aide de postes de télégraphie sans fil », il invitait les directeurs départementaux des PTT à « ... exercer une surveillance active et continue en vue de rechercher les postes de télégraphie sans fil qui viendraient à être établis dans votre département » (31).

La possibilité de concéder à l'initiative privée l'exploitation d'une partie des télécommunications fut comme nous l'avons vu utilisée par l'Etat au cours du XIXème siècle pour les compagnies de câbles transocéaniques. Trois compagnies de téléphone bénéficièrent également d'une dérogation. Les conditions très précaires dans lesquelles celles-ci furent accordées ne permirent pas aux sociétés privées de prendre une véritable ampleur. La Société Générale des Téléphones fut rachetée par l'Etat en 1889 (32), et les compagnies câblières furent très largement contrôlées par l'administration. Chaque texte réglementaire rédigé pour certains problèmes ponctuels était l'occasion de réaffirmer le monopole (33). La loi de 1837 n'était donc pas un texte désuet mais le fondement d'une attitude déterminée et continue de l'Etat. Affirmer un monopole signifie pour un Etat interdire à l'entreprise privée d'agir dans un secteur d'activité et implique donc que l'Etat prenne en charge celui-ci de manière satisfaisante pour la collectivité. Pour cela un opérateur doit être choisi pour assumer les responsabilités de l'Etat. Si la tutelle des PTT sur les câbles et les téléphones fut reconnue assez facilement, il n'en fut pas de même pour la TSF.

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Un monopole disputé et inutilisé

La radio, par son caractère souple de mise en œuvre, suscita de nombreuses convoitises. Pour organiser et développer un réseau français de radiotélécommunications il fallait déterminer les liaisons à ouvrir, le choix du matériel et surtout qui assumerait pour l'Etat la réalisation de cette entreprise. Le choix de l'administration devant recevoir cette responsabilité provoqua entre les PTT, les ministères de la Guerre, de la Marine et des Colonies une lutte aussi vive que stérile. Artifices de procédure, décrets, projets et contre-projets se succédèrent pendant des années repoussant à chaque fois les réalisations pratiques. Ce conflit pervertit le débat technique. A une époque où la technologie radio était en pleine création et où réellement aucune solution ne pouvait s'imposer facilement une réflexion sereine sur les systèmes possibles aurait du être réalisée. Au lieu de cela les plans de développement n'adoptaient bien souvent une solution technique précise que dans le seul but de favoriser tel ou tel prétendant sans se soucier réellement des qualités opérationnelles du système retenu. Les rivalités autour de la radio voyaient leur conséquences multipliées par les caractéristiques techniques de celle-ci. Au gâchis financier et à l'inefficacité de réseau difficilement complémentaires s'ajoutaient les problèmes de brouillage mutuel entre les postes rivaux. Lorsqu'en 1903 l'administration des PTT commença à s'apercevoir de la portée réelle de la radio elle estima indispensable, pour éviter les perturbations réciproques : «... qu'avant toute installation une entente doit intervenir entre les départements ministériels qui désirent établir pour leurs propres besoins des stations de TSF... cette entente serait grandement facilitée si l'exploitation radio télégraphique était confiée à un même service de l'État, agissant au mieux des intérêts en présence... »

Bien entendu ce service ne pouvait être que l'administration des PTT : «... La similitude de procédé entre la télégraphie électrique et hertzienne, l'analogie des résultats et leur liaison intime avec les intérêts du commerce et de la navigation, l'interprétation constamment admise pour l'exécution des loi du 2 mai et du 27 décembre 1851 amènent à conclure que l'administration des PTT doit centraliser sous sa direction l'exploitation de la radiotélégraphie en assurant l'exercice du monopole télégraphique » (34).

Cette position, au demeurant fort logique, fut dans un premier temps reconnue par l'ensemble des ministères. La revendication des PTT fut entérinée par le décret du 7 février 1903 qui donnait à cette administration, et à elle seule, la responsabilité de l'établissement et de l'exploitation des postes de TSF. La décision ne lésait pas les autres ministères puisque ceux-ci pouvaient, après entente avec les PTT, établir et exploiter des postes de TSF pour leur besoins officiels.

Dès l'année suivante cette réorganisation commença à entrer dans les faits. Le décret du 27 février 1904 organisait le transfert de la Marine aux PTT des postes de Porquerolles et Ouessant.

Ce « consensus » ne dura guère. A peine deux ans plus tard tout était remis en cause. La Marine revint en août 1906 sur ses engagements, en envoyant à l'administration des PTT « ... une note comminatoire lui reprochant son défaut d'activité, l'adaptation insuffisante de son exploitation aux besoins de la tactique navale et réclamant, dans l'intérêt de la défense, la participation de la Marine de Guerre au service radiotélégraphique public » (35).

Cette volonté de la Marine d'obtenir une participation dans l'établissement et l'exploitation du futur réseau public était assez peu compréhensible dans le cadre d'une stricte logique militaire puisque le décret de 1903 lui laissait toute latitude pour organiser un réseau correspondant à ses propres besoins. L'action de la Marine fut suivie par les ministères de la Guerre et des Colonies. L'accord de 1903 étant rompu, une autre solution devait être trouvée, aucune autorité ne semblant être en mesure d'imposer une solution de manière autoritaire aux différents services concernés.

Le décret du 5 mai 1907 en prétendant « ... faciliter l'essor de la télégraphie sans fil et lui procurer les conditions d'unité et d'harmonie nécessaires à tout service public...», instaura en réalité le désordre et la dissolution de l'autorité. L'article 6 autorisait ainsi les stations de la marine à concurrencer celles des PTT en participant aux services commerciaux. L'article 3 dépouillait les PTT de toute autorité. Il créait une commission interministérielle de 24 membres comprennant deux consuls, un secrétaire d'ambassade, un directeur et un sous-directeur du personnel de la Marine, un inspecteur des école d'hydrographie, un fonctionnaire du ministère de l'Instruction publique, un représentant des Beaux Arts, etc. et trois représentants de l'administration télégraphique (36). On imagine sans mal les subtils dosages qui ont abouti à cette sorte d'échantillonnage complet de l'administration française et l'efficacité vraisemblable d'une telle structure ! En répartissant les responsabilités : « de manière chaotique » (37), ce décret ouvrit une période de totale incohérence dans le développement de la radio en France car malgré des présidents célèbres, notamment Henri Becquerel (1907-1908) et Henri Poincaré (1908-1913), cette commission, qui devait être technique, ne prit aucune décision.

Les années passèrent sans réalisation d'envergure dans le domaine des radiotélé- communications à longue distance. En 1910 l'Administration possédait ainsi cinq stations destinées aux liaisons avec les navires, Saintes-Maries-de-la-Mer, Porquerolles, Ouessant, Boulogne et Alger. Cela était dérisoire, concernait presque exclusivement les liaisons avec les navires, et n'assurait en rien les liaisons dont la France avait besoin.

En 1911 le Ministère des Colonies voulut à son tour faire adopter son propre projet de réseau. Le 11 avril : « ... un communiqué du gouvernement faisait connaître que le ministre des Colonies avait exposé au Conseil des ministres l'intérêt capital que représentait l'organisation d'un réseau de grandes stations radiotélégraphiques réunissant les principales colonies entre elles et à la métropole. Ce réseau permettrait à la France de remédier peu à peu à la situation très regrettable résultant du petit nombre de câbles français entre elles et la métropole » (38).

La réaction des PTT fut très vive car le projet les dépouillait de fait de la plus grande part du marché des liaisons radiotélégraphiques envisageables à l'époque : « L'Administration des Postes et des Télégraphes, le rapporteur du budget des PTT à la chambre des députés et la commission des PTT émirent l'opinion qu'il était indispensable de confier la construction et l'exploitation des grandes stations prévues à l'administration des PTT » (39).

Ce front ne fit pas reculer l'Administration coloniale et celle-ci maintint ses revendications s'appuyant sur « ... le principe fondamental de notre organisation coloniale où le Gouverneur est dépositaire des pouvoirs du Chef de l'État et centralise la direction de tous les services » (40).

En fait chaque ministère pouvait s'appuyer sur un rapport quelconque, celui du sénateur Gervais était par exemple favorable aux colonies, s'opposant à l'avis de la commission des PTT. Groupes de pression et clivages politiques alimentaient les rivalités entre services et administrations.

De longs mois furent à nouveau nécessaires pour débloquer la situation. Un projet de loi fut déposé le 11 juillet 1912. Contresigné par les ministres des Colonies, des Travaux Publics, des PTT, de la Guerre et des Finances, laissant de côté le problème de l'exploitation du réseau il ne réglait en rien le cœur du litige mais donnait au ministère des Colonies la responsabilité de la construction du « réseau colonial ».

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Trois grandes lignes étaient prévues : ligne d'Orient, ligne d'Amérique du Sud et d'Afrique, ligne du Pacifique.

La ligne d'Orient devait comporter cinq postes situés en Tunisie, à Djibouti, Pondichéry et Madagascar, la ligne d'Amérique du Sud et d'Afrique quatre : à Colomb Béchar, au Sénégal à Tombouctou et à la Martinique. La ligne du Pacifique devait réunir ces deux lignes grâce à trois grandes stations situées en Nouvelle Calédonie, à Tahiti et aux Marquises. Les crédits nécessaires devaient être « ... inscrits dans un compte de services spéciaux du trésor qui serait ouvert à partir de 1913 et qui serait divisé en autant de sections qu'il y aurait de ministres intéressés. Les dépenses du compte spécial seraient couvertes soit à l'aide de ressources de trésorerie, soit par l'émission d'obligations » (41).

L'amortissement était prévu en dix ans. Le ministère des Colonies était chargé de construire les stations situées dans les colonies, les PTT celles situées en France, en Tunisie et au Maroc, le poste de Colomb-Béchar étant confié à la Guerre. Une subtile répartition qui avait permit au projet d'être accepté par toutes les parties prenantes mais augurait mal de la cohérence de l'ensemble et de sa rapide mise en œuvre. La somme nécessaire était estimée à près de 17 millions de Francs extensible à 20 millions pour les futures améliorations (42).
Fait curieux, le projet incluait la mise en place d'une liaison avec l'Amérique du Nord. Une station de grande importance devait être construite spécialement dans ce but. Le projet n'était donc pas strictement « colonial », il incluait une ligne présentant «... surtout un intérêt commercial » (43).

Ce projet de loi déposé le jour de clôture de la cession parlementaire fut vivement critiqué par le Syndicat national des agents des PTT. Il survenait en effet un mois après la publication d'un décret instituant le 17 juin 1912 la direction générale de la TSF au ministère des PTT. Ce service était spécialement chargé de l'établissement, de l'entretien et de l'exploitation des stations radiotélégraphiques relevant de l'administration des PTT. Sa compétence s'étendait également au contrôle des règlements internationaux. Ce texte devait marquer dans les espérances syndicales le début d'une reconquête du monopole par les PTT. Cet espoir ne semblait pourtant pas partagé par le ministre puisque le plan pour le réseau colonial avait reçu son approbation (44).

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L'impossible entente

Au-delà des insuffisances techniques qu'il recelait ce projet était à l'image de la politique étriquée, faite de marchandage de territoires entre administrations rivales, débouchant sur la plus complète incohérence. Ce plan connu l'enlisement dans les procédures diverses. Enquêtes et contre-enquêtes furent réalisées à son propos aucune des parties n'ayant semble-t-il renoncé à obtenir une part plus importante dans les responsabilités. Un an après sa présentation le plan fut l'objet de deux rapports, les 10 juin et 17 juillet 1913 par la commission du budget et par la commission des postes et des télégraphes de la Chambre des Députés. Ceux-ci étaient extrêmement défavorables. Ils insistaient tout particulièrement sur le degré très faible de préparation technique, critiquant très vigoureusement les choix envisagés. Plus que ces problèmes le rapport de la commission du budget privilégiait pourtant les choix réalisés dans les attributions de responsabilité. Le tableau dressé à ce propos était extrêmement pessimiste. Après avoir regretté l'absence surprenante de dispositions d'ordre administratif concernant l'organisation et l'exploitation du réseau, le rapport décrivait ainsi l'état des relations entre les différents services : « Les difficultés à vaincre sont nombreuses et sérieuses ; elles tiennent à la confusion que nous avons signalée, aux conflits d'attributions qui en découlent et qui créent entre les administrations civiles et militaires un état de sourde et perpétuelle hostilité.
Quoique soigneusement dissimulées ces rivalités administratives apparaissent journellement dans les faits : ce sont les colonies qui fixent sans consulter les postes, les télégraphes et les téléphones pour les relations entre les stations de TSF de la côte occidentale d'Afrique des taxes susceptibles de concurrencer sans merci le trafic de nos câbles nationaux ; ce sont les stations de la Marine qui par des exercices troublent parfois volontairement le trafic des stations des PTT avec les navires et tentent de les détourner à leur profit » (45).

Le problème fondamental était donc bien celui de la mise en place d'une autorité centrale et le rapport mettait en cause le décret de mars 1907 qui en divisant entre quatre administrations l'exploitation de la TSF avait « augmenté une confusion à laquelle il est essentiel de remédier ».

Les solutions proposées semblaient simples : « II est indispensable de revenir à l'organisation de principe instituée par le décret du 27 fé- virer 1904, de remettre à l'administration des postes des télégraphes et des téléphones la gestion de toutes les stations actuellement ouvertes et à ouvrir ... étant entendu qu'en cas de mobilisation tous les postes radiotélégraphiques indistinctement devront passer sous la direction du département de la Guerre pour les stations terrestres et du département de la Marine pour les stations côtières. De même les grandes stations du réseau colonial doivent être exploitées par l'administration des postes et des télégraphes. Il faut donner à cette administration tous les moyens de faire face aux obligations nouvelles qui lui incombent et assurer ainsi à la radiotélégraphie l'unité de direction nécessaire à son développement et sans laquelle il n'existe pas de bonne exploitation » (46).

Les conclusions de la commission du budget étaient donc largement favorables aux PTT. La commission des PTT abonda quelques jours plus tard en ce sens ; le projet était bloqué et « ... l'enchevêtrement des communications radioélectriques des diverses administrations... » restait indémêlable (47). Les arguments techniques invoqués étaient rares et très médiocres, le problème se situait en grande partie dans «... les rivalités de bureaux jaloux de leurs prérogatives » (48). En revanche les problèmes réels étaient négligés,
« les considérations d'ordre politique et militaire, le rôle de la TSF en matière d'expansion française, ne semblent pas avoir été suffisamment compris et retenus à cette époque » (49).

Les enjeux étaient en effet importants pour un pays dont les liaisons intercontinentales étaient largement insuffisantes. A la veille de la guerre les positions des différentes parties en présence étaient inconciliables, empêchaient tout développement d'un réseau. Le temps passant les positions s'étaient radicalisées et une mise en cause très virulante des compétences de l'administration des PTT semblait se généraliser parmi les « coloniaux » et les militaires. Si leur caractère systématique en réduit la portée, les arguments ne semblaient pas toujours dénués de tout fondement.

Ainsi en 1912 le général Messimy portait un jugement particulièrement tranché :
« La TSF a troublé en France beaucoup d'habitudes anciennes. La Guerre, la Marine, les Colonies ont fait bon accueil à cette nouvelle venue ; l'administration des PTT l'a regardé un peu comme une intruse » (50).

Paul Bluysen, représentant de l'Inde française portait même en 1914 des accusations beaucoup plus précises :
« II nous était impossible à nous, représentants des colonies, d'admettre que la télégraphie sans fil tombât aux mains de l'administration des PTT qui la réclame et que nous estimons, à l'heure présente, incapable d'en assurer le fonctionnement... Nous avons des exemples, sinon de sa mauvaise volonté, du moins de son apreté à défendre ce qu'elle considère comme des droits et que nous refusons de lui accorder. Elle a fait attendre à certaines colonies pendant de longues années les réseaux de télégraphie sans fil dont elles avaient besoin. Elle a retardé le réseau de l'Indochine ; elle retarde en ce moment la construction de la station de Papeete, et je sais de façon certaine qu'elle est opposée à la création de la station de Nouméa qui est réclamée avec insistance » (51).

Lors de ce débat de mars 1914 les appels à l'unité du ministre des PTT restèrent lettres mortes. Il pouvait proclamer : « En ce qui concerne la centralisation des services de la télégraphie sans fil, quatre ministères sont intéressés, le mien, celui de la Guerre, celui de la Marine et celui des Colonies. Il faut qu'une entente intervienne » (52).

Paul Bluysen répliquait sans dévier d'un pouce : « L'Administration coloniale, comme l'administration de la Marine et celle de la Guerre ont fait un grand elfort qui se poursuit en ce moment ... ferez-vous passer demain tout ce réseau, ces constructions, cette exploitation, aux mains de l'Administration des Postes ? Je ne puis pas ne pas m'y opposer » (53).

Le réseau revendiqué par P. Bluysen n'avait pas l'importance matérielle que ses propos peuvent laisser imaginer. Il permettait cependant d'assurer certaines liaisons à l'intérieur des colonies d'Afrique Occidentale et d'Afrique Êquatoriale. Pour les « coloniaux » cette expérience leur donnait le droit de conserver la responsabilité des postes déjà établis et de revendiquer celle des postes devant relier les colonies à la métropole.

Outre les retards dus aux PTT évoqués par le député des Indes françaises, le manque d'innovation technique de l'administration des télégraphes offrait encore des arguments à ses adversaires. Ainsi lorsqu'en 1911 la Marine récupéra la station de Porque- rolles, qu'elle avait cédée aux PTT en 1904, elle trouva celle-ci équipée avec le matériel initial complètement obsolète. A ces questions liées spécifiquement à la radiotélégraphie il ne faut pas manquer d'ajouter la grande méfiance éprouvée par une partie du personnel politique à l'égard des PTT en raison des grandes grèves menées par le personnel en 1906 et 1909. L'attitude de la Marine changea ainsi en 1906. Bien que ne pouvant émettre à ce propos que des hypothèses, il est probable que la Royale avait tiré de précieux enseignements de la guerre russo-japonaise, quant à l'importance de la radio dans les batailles navales. La perspective de voir cet instrument entre des mains, de son point de vue, peu fiables politiquement, ne pouvait que l'effrayer. L'état du réseau téléphonique ne plaidait par ailleurs pas en faveur de la compétence des PTT.

De débats en commissions l'équipement de la France en radiocommunications ne progressait pas. La situation devint tellement critique pour Tahiti que son cas dut être traité à part pour obtenir d'urgence l'installation d'une station radio. L'île devenant un port d'escale dans le Pacifique devait en effet être dotée : « ... de radiocommunications susceptibles de réunir au réseau général de communications le port qui allait se trouver complètement isolé de nos possessions d'Océanie, éloigné de 34 000 km du câble le plus voisin » (54).

Les problèmes de fond ne furent pas résolus avant la guerre. Un nouveau texte devant amener « ... la suppression de cet état de choses anarchique et la fin des luttes incessantes » (55), qui prévoyait l'attribution de l'entière responsabilité du réseau aux PTT fut bloqué jusqu'à la fin de la législature par le Sénat.

« Au premier août 1914, rien n'avait encore été fait pour mettre en œuvre l'organisation ainsi décidée » (56).

A la veille du premier conflit mondial la plus totale confusion régnait au sein de l'administration française qui avait été en plus de dix ans incapable de trouver une solution permettant de mettre fin à ses dissentions internes. La France, pourtant pionnière en matière de recherche avait un réseau radio peu développé. Cette situation plus qu'un quelconque principe remettait radicalement en cause la légitimité du monopole.

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Un monopole farouchement défendu

L'Administration des PTT, bien qu'incapable de développer une politique à partir du monopole, montra une rare efficacité pour défendre celui-ci contre les « menaces » du privé.

Les textes relatifs au monopole furent rigoureusement appliqués et comme l'écrit ? Bertho : « Le service des lignes télégraphiques, dans un premier temps, faute de pouvoir innover et faute de crédits, s'est contenté de défendre farouchement le monopole » (57).
Marconi écarté, le bluff de Victor Popp.

Jusqu'en 1914, toutes les demandes d'initiative privée, visant à obtenir l'autorisation d'exploiter des stations radiotélégraphiques furent repoussées. La possibilité ouverte au ministre par l'article 2 du décret du 7 février 1 903 de concéder l'exploitation de stations ne fut pas utilisée. Certaines entreprises, se fondant sur ce texte, avaient pourtant nourri certains espoirs.

La première tentative fut lancée par Marconi. A travers la filiale française de sa société, la Compagnie Française Maritime et Coloniale de TSF, créée avec l'appui de la Compagnie Transatlantique, celui-ci proposa ses projets aux PTT dans le but d'ouvrir des stations privées. La réponse d'Alexandre Bérard, sous-secrétaire d'Etat aux PTT, fut particulièrement nette :
« Par votre lettre du 27 mai, en me fournissant des renseignements sur l'état actuel de la TSF système Marconi dans les divers pays, vous avez exprimé le désir de connaître les intentions de l'administration au sujet de la demande que vous m'aviez adressée le 26 mars pour obtenir l'autorisation d'établir en France des postes hertziens du système Marconi. Votre lettre du 26 mars s'appuyait sur ce que le décret du 7 février 1903 prévoit la possibilité d'accorder à des particuliers la concession de postes de TSF destinés à l'échange de la correspondance télégraphique privée... (ce décret) rappelle seulement le droit que possède le ministre d'autoriser des tiers à établir des stations de TSF pour leurs besoins personnels. D'autre part j'ajouterai qu'il a été décidé que l'exploitation des postes de TSF à créer pour l'échange de la correspondance publique serait assuré uniquement par l'État. Dans ces conditions, il m'est impossible d'accueillir votre demande » (58).

La Marconi's wireless, en rapide expansion dans de nombreux pays, se voyait ainsi très sèchement contrée en France. Prudente, la société anglaise avait limité son action à une demande d'autorisation. La tentative de la Société Française de Télégraphe et de Téléphone sans Fil fut, elle, poussée beaucoup plus loin.

Cette société fut fondée le 17 juillet 1901 par Victor Popp ingénieur électricien d'origine autrichienne. Président du conseil d'administration, Popp installa le siège social de son entreprise dans un immeuble de prestige près de la Madeleine à Paris. La caution scientifique de cette société était donnée par la présence comme président du conseil technique d'Edouard Branly. D'après ses statuts la société avait pour objet :
« 1 . La recherche et l'étude de tous les procédés et découvertes relatifs à la transmission et à la production de l'énergie électrique sans fil.
2. La création, l'acquisition, l'expérimentation et la mise en valeur de tous les brevets relatifs à la production et à la transmission électrique sans fil, notamment de télégraphie sans fil.
3. La cession des licences ou la production de ces brevets à des États ou à des tiers pour leur exploitation directe » (59).

La presse s'enthousiasma pour les expériences menées par la firme autour du système « Popp et Pilsudsky ». Pourtant dès le début de celles-ci, certains estimaient que l'affaire s'appuyait sur des éléments techniques peu fiables et un financement douteux. La revue L'industrie électrique exprimait ainsi son inquiétude dans son numéro du 10 décembre 1901 :

« Nous avons la conviction intime que c'est par surprise que le nom de Monsieur Branly se trouve mêlé à cette société ... Cette affaire possède tous les caractères d'une mystification, pour ne pas dire davantage » (60).

La nouvelle société développait une campagne tout à fait importante vers le grand public. Dans un prospectus elle exposait un programme séduisant : « La « Société Française » se propose à établir un service général de messages à domicile, distribuant à des milliers d'abonnés dans les quatre vingts quartiers de Paris et la banlieue, des nouvelles du jour, suivant les postes modèles fonctionnant à divers endroits... Il y aura là pour les souscripteurs une source de bénéfices certains et permanents. Ne me contentant de cette première application de la télégraphie sans fil je l'organise sur mer, créant un vaste réseau qui embrassera toutes les côtes de France, d'Algérie et de Tunisie et de nos autres possessions extérieures outre les côtes du Brésil, de l'Uruguay et du Venezuela » (61).

Ce projet était, on le voit, extrêmement ambitieux mais également très flou. On imagine difficilement comment le service de « nouvelles du jour » pouvait fonctionner et trouver un public. Par ailleurs les ambitions sud-américaines semblaient bien prématurées pour une si jeune entreprise.

La presse grand public réagit pourtant très favorablement au projet. Il semble que le mot télégraphie sans fil disposait d'un pouvoir d'attraction sur le public Le quotidien Le Journal en juillet 1902 était enthousiasmé par les possibilités ouvertes par la « Société Française ». Le journaliste estimait que les projets de la société : « ... suffisent à assurer au capital une rémunération exceptionnelle. C'est à l'épargne française qu'il appartient de s'emparer de ces entreprises d'utilité publique » (62).

Le mode de financement choisi par Popp était en effet tout à fait particulier puisque ce dernier ne comptait pas s'adresser aux organismes financiers mais solliciter directement les « petits épargnants ».

Cependant pour devenir réellement crédible Popp devait réaliser des essais et avait besoin pour cela de l'accord de l'administration. Le 12 mai 1902 la Société Française demandait l'autorisation d'établir un poste fixe de télégraphe sans fil au cap de La Heve. Ces installations devaient être utilisées pour expérimenter une liaison entre un émetteur récepteur fixe et un poste mobile, en l'occurence une voiture automobile se déplaçant le long de la côte. L'administration répondit favorablement à cette demande en insistant sur l'aspect expérimental et provisoire que devaient garder ces équipements. Fort de cette première « victoire » Popp voulut pousser plus avant ses entreprises. Le 27 août il faisait une nouvelle demande à l'administration visant cette fois à construire deux stations, l'une au cap de la Hague, l'autre au cap Gris Nez, associées à une station mobile basée au Tréport. Après avoir examiné les plans des futures installations les PTT jugèrent que les stations projetées avaient un caractère définitif et qu'ils ne pouvaient donc les autoriser. Dès lors Popp joua son va tout et annonça qu'il allait construire et exploiter un poste à La Hague. La réaction de l'administration fut rapide. Le 25 novembre 1902, elle avertissait Popp par lettre que dans l'éventualité où son poste échangerait des messages il s'exposerait aux peines prévues par le décret loi de décembre 1851. La menace ne fit pas reculer Popp qui comptait peut être sur la force du fait accompli pour faire plier l'administration.

Ses espoirs furent très rapidement déçus puisque le 27 novembre un procès verbal fut établi par un inspecteur et un chef surveillant des télégraphes. Celui-ci attestait que depuis le 25 novembre la station échangeait des messages avec le paquebot allemand Deutschland de la Hambourg Amerik Linie. La procédure suivit ensuite son cours :

« Le 18 décembre, le procureur de la République de Cherbourg, un juge d'instruction et un commissaire spécial de la sûreté se rendirent au poste pour procéder aux constatations judiciaires : un praticien de l'administration des télégraphes s'assura de la possibilité de communiquer avec les appareils et, l'expérience s'avérant concluante, transmetteurs et récepteurs furent démontés, tout le matériel placé sous scellé par le juge » (63).

Ce fut la première représentation d'un scénario devenu depuis classique ! Il mettait fin à la première tentative privée d'exploitation de liaison radiotélégraphiques. L'épilogue des aventures de Popp ne fut guère prestigieux mais le procès qui fit suite à la plainte des PTT, les arguments qui y furent échangés, sont par bien des aspects éclairants. Dès le 2 janvier 1903 Popp avait protesté de sa bonne foi, arguant qu'ayant obtenu une autorisation pour la station de La Hève, il pouvait penser pouvoir émettre sans problème de La Hague. Cette persévérance montre bien comment une certaine confusion pouvait s'être installée chez un entrepreneur en ce qui concerne les intentions réelles des PTT. Le jugement intervenu accorda d'ailleurs à Popp les circonstances atténuantes en raison de «... l'illusion que les prévenus ont pu éprouver sur la véritable situation qui leur était faite ».

Popp fut condamné à payer 90 Francs d'amende, mais surtout, il fut contraint à démanteler ses installations après une mise en demeure prononcée le 21 juin. L'examen du matériel de Popp avait permit de déterminer que ce dernier était d'origine allemande. Popp avait en effet négocié en 1901 l'achat des brevets Arco-Slaby à l'AEG. En s'appuyant sur cette technologie il espérait mettre en place une véritable entreprise de télécommunications en profitant d'abord du marché des liaisons maritimes, le plus prometteur à l'époque.

La Société Française fut mise en faillite le 30 juillet 1904. Popp tenta par la suite de développer ses activités au Maroc. Il constitua en 1906 la Société Marocaine des Télégraphes qui, après l'installation de quelques postes de faible puissance fut rachetée à bon compte par l'administration marocaine en avril 1907, le fils de Victor Popp, Henri, devenant, en janvier 1908, directeur de la nouvelle administration des télégraphes chérifiens.

On le devine l'entrepreneur était loin d'être un naïf. Sa « bonne foi » devait avoir certaines limites. Pourtant, comme le jugement le reconnu, l'attitude des PTT pouvait laisser place à certains espoirs.

Une attitude ambiguë confirmée par la convention Galetti
L'inactivité des PTT laissait ouvert un champ énorme de potentialités économiques. Pour tout entrepreneur ambitieux, occuper le terrain pour être prêt en cas de concession ne pouvait apparaître que comme une urgence vitale. La seule chance de voir une industrie française se développer dans le domaine de la radio reposait sur la création d'un marché. Alors que l'armée ne représentait pas encore un débouché réel le rapide développement d'un service de radiocommunications était indispensable pour permettre à la France de progresser dans le domaine des émetteurs-récepteurs. La position de l'administration, qui entendait n'autoriser les installations qu'à titre strictement expérimental, était totalement irréaliste. Techniquement, surtout en ces premières années de la technologie radio, toute installation était de fait expérimentale. Par ailleurs, pour être réellement testé, un matériel de télécommunication doit fonctionner dans des conditions réelles d'exploitation. Plus que les performances maximum ce sont la fiabilité et la régularité du trafic qui font la qualité du matériel. Ce genre de situation ne peut être reconstituée artificiellement, ou alors à quel coût ! Par ailleurs laisser des industriels s'engager dans des investissements conséquents sans leur laisser un quelconque marché pour rentabiliser ceux-ci est particulièrement peu cohérent. En fait les PTT voulaient profiter des recherches réalisées par l'initiative privée sans rémunérer de quelque manière celle-ci. Cette volonté de rester informé sur le plan technique sans débourser un centime se retrouve quelques années plus tard lors de la signature de la convention Galetti en 1913.

Ce contrat autorisait une société anglaise à procéder à des essais de TSF en France, les PTT prêtant leur concours pour certains aspects matériels. Charles Chaumet qui en tant que sous-secrétaire d'Etat aux PTT avait signé cette convention expliquait quelques temps plus tard ses motivations :
« Je ne me suis pas préoccupé de l'organisation générale de la TSF mais des règles que j'ai constamment suivies en matière d'inventions et d'acquisition de brevets. J'ai toujours eu le désir très naturel de mettre notre administration à la tête du progrès industriel. Je ne voulais laisser passer aucune invention vraiment intéressante sans nous en assurer le bénéfice » (64).

Cette déclaration est étonnante à bien des égards. Si l'on admet sa sincérité on ne peut qu'être frappé par la mentalité peu dynamique qu'elle reflète. Ainsi une administration revendiquant l'entière responsabilité d'un monopole et n'ayant développé aucune recherche significative dans le domaine technique recouvrant celui-ci envisageait d'être « ... à la tête du progrès industriel ... en ne laissant passer aucune invention...» Une telle vision du rôle de l'Etat en matière de recherche laisse pour le moins rêveur !

En fait ces explications a posteriori veulent cacher l'aveu d'échec que représentait la signature de cette convention. Bien que ne s'étant nullement engagée à utiliser le système Galetti l'administration avait accepté d'être soumise à des contraintes extrêmement fortes en cas d'adoption de celui-ci.

Le capital de la Galetti Wireless était détenu par quatre compagnies de câbles britanniques. Les PTT avait donc dut s'engager à ne pas utiliser le système Galetti dans les secteurs où des câbles britanniques étaient en exploitation. Ces câbles couvrant d'énormes secteurs et englobant la plupart des colonies françaises, on imagine difficilement l'utilité espérée par une telle convention. Paul Bluysen soulignait cette question en mars 1914.
« Ces territoires que vous interdisez aux termes de cette convention d'exploiter dans les Indes et à l'est des Indes, autrement que sous la domination des câbles sous-marins anglais, ces territoires comprennent Saigon, Haiphong, Hong Kong, notrelndochine ... » (65).

Ce contrat absurde provoqua une énorme polémique et ne fit qu'amplifier le doute de beaucoup concernant la capacité des PTT à gérer le développement de la radio. Certains n'hésitèrent pas à affirmer que les PTT avaient été manipulés dans cette affaire et que le système Galetti n'était qu'un bon moyen pour les câbles britanniques d'étouffer, ou du moins de retarder, la concurrence de la TSF.

Si l'administration voyait peut-être dans cet accord, selon sa politique de recherche bien particulière, un moyen de s'informer à bon compte sur une technologie qui lui était inconnu, il reste que le fait de donner à une société étrangère de tels avantages, en promettre tant d'autres, ne pouvait que jeter le trouble dans les esprits.

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Éviter toute concurrence aux câbles

L'affaire Galetti, qui n'eut pas de suite, montre le manque total de politique à long terme de l'administration des PTT. En présentant sa défense face aux critiques soulevées par la convention le sous-secrétaire d'Etat faisait cet aveu incroyable : « Je ne me suis pas préoccupé de l'organisation générale de la TSF... » Tel était bien le fond du problème. L'administration voulait protéger le monopole de manière absolue tout en conservant les avantages d'une recherche privée, sans pour autant fournir à celle-ci les moyens d'exister.

Le manque de moyens financiers est une explication insuffisante pour comprendre cette attitude. Nous avons déjà évoqué avec les commentateurs de l'époque les rivalités de bureau, le conservatisme de certains chefs de service. Le général Messimy, déjà tranché dans ses opinions en 1912 allait plus loin dans son analyse dans ses mémoires publiés quelques années plus tard. Evoquant sa « bataille contre les PTT » et le projet de TSF coloniale qu'il projettait de réaliser en 1911, Messimy compare la résistance des PTT à celle qu'opposa Thiers aux chemins de fer et évoque les arguments utilisés par les PTT : « A propos d'une communication France-Djibouti, l'administration avait fait des objections tirées du passage des ondes au-dessus du territoire d'autres pays, ces pays pouvant, d'après elle, soulever des difficultés au nom de la propriété de l'éther au-dessus de leur sol ! » (66).

Mais le complet ridicule de cette argumentation cachait selon Messimy, un dessein beaucoup plus sérieux : « On eut dit que l'administration des PTT n'avait qu'un but : empêcher la TSF d'entraver le développement des communications par câbles auxquelles elle était habituée et dans lesquelles étaient engagés des intérêts qu'elle défendait avec une âpreté peut-être un peu étrange » (67).

Il est vrai que jusqu'à la création en 1912 d'un service de la télégraphie sans fil au sein des PTT le développement de la nouvelle technologie dépendait des services de la télégraphie. Ceux-ci n'avaient aucun intérêt à voir se développer une technique rivale, remettant en cause leur pouvoir, leurs habitudes. Il semble bien illusoire d'espérer que des individus s'engagent résolument dans un projet qui va à l'encontre des intérêts de la structure à laquelle ils appartiennent et peut contrarier leur intérêt personnel.
II semble clair également que les PTT protégeaient les deux compagnies de câbles transocéaniques françaises. Le témoignage du général Messimy est formel à ce propos. Au printemps 1911, alors qu'il était ministre des colonies celui-ci avait demandé au colonel Ferrie et à Paul Brenot de réaliser un circuit radio complet autour du globe réunissant les colonies françaises en ces termes : « Marconi a réalisé un tour de force, je vous demande d'en réussir à votre tour un plus extraordinaire encore » (68).

A la suite de la réponse positive de Ferrie et Brenot quant à la faisabilité du projet, Messimy le proposa aux PTT. La réponse de l'administration lève les dernières interrogations : « Là où il y a des câbles français on ne doit pas établir de communications radiotélégraphi- ques pour ne pas concurrencer ainsi un service d'État. Là où il n'y a pas de câbles mais où ceux de la Compagnie Française des câbles seraient susceptibles d'aboutir on aura la droit d'établir des communications, mais à des taxes telles que les câbles éventuels ne se trouveront pas en présence d'une concurrence gênante » (69).

On peut difficilement être plus clair et plus protectionniste puisque non seulement les activités en cours sont protégées de toute concurrence, mais en plus toutes les activités éventuelles !

L'attitude des PTT visait donc délibérément à protéger les compagnies de câbles subventionnées. Les avantages de la compétition étaient donc abandonnés, pour le profit d'une organisation qui ne répondait pas, comme nous l'avons vu, aux besoins du pays.

Le bilan des PTT à la veille de la Première Guerre mondiale était donc particulièrement négatif en matière de radio :

« (Les PTT) s'étaient désintéressées à peu près complètement de ce moyen de communication, n'y avaient acquis aucune expérience sérieuse et n'avaient formé aucun personnel de valeur ; deux ingénieurs praticiens en tout » (70).

En fait personne au sein de l'administration n'avait sut dépasser une vision à court terme et prendre les décisions que le réseau de communication à longue distance nécessitait. Faute de marché civil, l'armée fut l'axe d'initiative qui permit à la technologie radio française de se développer dans des spécialités malheureusement plus restreintes. A la veille de la Première Guerre mondiale la France ne disposait d'aucune expérience sérieuse dans le domaine de l'exploitation d'un réseau radiotélégraphique. Les entreprises de radio qui avaient pu se développer était des fabricants de matériel, disposant d'un marché restreint de postes de petites puissance et n'ayant pu, faute d'un émetteur puissant en France, poser les bases d'un réseau international. A la même époque, Marconi pour la Grande-Bretagne et Telefunken pour l'Allemagne disposaient de ces éléments. Ayant pu mener parallèlement les activités de fabrication et d'exploitation, leur réseau était déjà important et leur implantation internationale, malgré d'importantes difficultés techniques, était réelle.

La maîtrise des télécommunications internationales est instrument mais également proclamation d'un pouvoir. Celui-ci ne peut-être le fait que de nations puissantes, en fait hégémoniques. Ce domaine se partage peu, la mise en place des satellites de télécommunications nous le montre encore. Il implique la mise en place, parfois dans des délais très courts, de réseaux extrêmement coûteux. Pour capter les flux à transporter l'entreprise de télécommunications doit occuper le terrain commercial dans les plus brefs délais. L'absence est plus coûteuse qu'un mauvais choix technologique, il faut donc investir rapidement. En cas d'erreur dans les choix techniques il faut être capable, en terme financier et de savoir faire, de s'adapter dans les plus brefs délais. L'hégémonie britannique sur les câbles ne s'est pas faite en un jour. Les compagnies anglaises ont connu des échecs très coûteux, mais en persévérant elles sont restées présentes et ont occupé des positions inexpugnables. Une fois installée la suprématie d'un réseau de télécommunications est difficile à remettre en cause. L'apparition d'une nouvelle technologie permettant de rendre des services identiques à moindre coût, ou bien de proposer de nouvelles possibilités aux clients, est la seule véritable éventualité de voir le système remis en cause. La radio mit en place de telles conditions. La France ne sut pas profiter rapidement de cette opportunité. Le monopole n'a pas permis la mise en place de conditions favorables au développement d'une industrie, celui-ci passant par l'existence d'un marché et donc par des exploitants susceptibles d'acheter du matériel. Est-ce à dire que le rôle de l'Etat soit fatalement négatif en ce domaine. Peut-on opposer à la carence de la France un « modèle britannique » innovateur grâce à l'initiative privée livrée à elle-même. Rien ne serait plus faux. Le gouvernement britannique a toujours soutenu les compagnies câblières, financièrement, lorsque cela était nécessaire, diplomatiquement partout dans le monde. Le Post Office a toujours contrôlé une part importante du trafic et, si Marconi disposa d'une certaine liberté pour ses affaires il fut toujours soumis à l'autorité de l'administration. En fait les analyses sont parfois en ce domaine trop réductrices, trop chargées d'à priori. La notion d'Etat est-elle seulement opérante en histoire économique et technique ? L'administration des PTT n'est pas l'Etat. Elle est une structure vivante, évolutive, ses intérêts sont différents de ceux des autres administrations, parfois ils sont même contradictoires. Les luttes entre administrations pour le contrôle du monopole nous semblent bien montrer que l'Etat, si il reste une référence juridique, ne peut être considéré comme un agent économique possédant une démarche univoque. Les télécommunications appellent pourtant, étant donné les enjeux politiques et stratégiques, un contrôle devant faire coïncider les intérêts privés et ceux de la nation. Lors de ces premières années du vingtième siècle aucune structure ne fut capable d'imposer en France les décisions profitables à l'intérêt national. Faute également d'un secteur privé suffisamment fort pour faire sauter ces goulots d'étranglements administratifs, la radio ne put se développer en France de manière satisfaisante dans la perspective de la mise en place de télécommunications internationales indépendantes. Cette évolution ne se produisit qu'après la Première Guerre mondiale, avec la création de la Compagnie Générale de Télégraphe sans Fil et de sa filiale Radio France. Beaucoup de temps avait été perdu.

Pascal GRISET Université de Paris IV

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NOTES
(1) P. Marcillac, Les câbles sous-marins, communication au Congrès colonial français de 1904, tiré à part, p. 3.
(2) L. Jacob « Les intérêts français et les relations télégraphiques internationales ». Extrait des Questions diplomatiques et coloniales 1 et 16 août 1922, p. 6.
(3) La première tentative vit le câble se briser en de multiples endroits. Les risques pris lors de la pose d'un câble étaient réellement énormes, surtout dans cette période pionnière. Dans la plupart des cas l'ensemble du câble était perdu si la tentative échouait. Cette prise de risque très importante sur une opération ne peut que faire songer au lancement d'un satellite de communications. Les récents déboires connus en ce domaine créent un lien singulier entre les entrepreneurs du XIXème et du XXème siècles.
(4) L. Jacob, op cit., p. 8.
(5) Celui-ci inventa les instruments et appareils de mesure qui permirent de donner aux relevés des fonds sous-marins, la précision indispensable à la pose des câbles.
(6) L. Jacob, op. cit., p. 8.
(7) L. Jacob, op. cit., p. 21 .
(8) J.C. Roux, Publication du ministère des colonies ; Exposition de 1900, Paris 1901, p. 193.
(9) Les chiffres donnés par l'article étaient les suivants : Longueur du Commerce Angleterre-colonies réseau en km en millions de Francs 1871 37 000 2,8 1875 98 500 4 1880 122 000 4,5 1885 189 000 5,7 1890 225 000 5,5 Si l'on peut bien entendu déceler une corrélation assez forte entre les deux séries — comment pourrait-t-il en être autrement à cette époque — le fait de savoir quel est le phénomène qui a entraîné l'autre relève d'études qui dépassent le sujet de cet article. Il reste que l'importance donnée à ces chiffres en France montre combien l'information devenait un élément vital de la vie économique et la prise de conscience de plus en plus forte des agents économiques à ce propos.
( 10) Terme recouvrant les télégrammes où l'expéditeur n'a pas précisé par quelle compagnie il désirait que son message soit transmis.
(11) J. Depelley, Les câbles sous-marins et la défense de nos colonies, Conférence devant l'union coloniale française, Pans, 1896, 39 p., p. 23. Le gouvernement britannique accordait des subventions importantes aux compagnies de câbles. Celles-ci étaient estimées à 5 800 000 Francs par an en 1895.
(12) Annexe au procès verbal de la séance de l'Assemblée Nationale du 22 octobre 1895, Journal Officiel. Le statut de la CFCT fut soumis à un débat parlementaire puisqu'une exception au monopole devait être votée.
(13) Commission interministérielle des câbles sous-marins. Rapport du 25 janvier 1898, archives de l'armée de terre, SHAT 7 N 659.
(14) P. Bâta estime que la « PQ » : « ... acquiert au début du siècle une puissance économique qui va lui permettre de résister cinquante années aux aléas de la télégraphie sous-marine ». Le terme de « résistance » nous semble mieux approprié que celui de « puissance économique » puisque la PQ, subventionnée par l'État connut d'énormes difficultés, dut même interrompre ses activités pendant une longue période après un séisme sous-marin et ne put à aucun moment espérer rivaliser avec les compagnies anglo-saxones. P. Bâta, « Les câbles sous-marins des origines à 1929 » in Télécommunications, n° 45, octobre 1982, p. 68.
(1 5) Ces chiffres sont extraits d'un article de L'Europe Nouvelle, recueil 1925, p. 1 535 et d'une communication d'E Girardeau à l'Académie de Marine, Les radiocommunications transocéaniques internationales, Pans, 1950, p. 1 .
(16) P. Marcillac, op. cit., p. 4.
(17) L. Jacob, op. cit., p. 2 1 .
(18) L.Jacob, op. cit., p. 19.
(19) Article extrait de La France militaire, 14-21 mai 1894, dossier de presse de la commission interministérielle des câbles sous-marins, archives de l'armée de terre, SHAT 7 N 659.
(20) La Spanish Submarine telegraph recevait 1 700 000 francs par an pour le câble Tenenffe-Saint Louis, l'Afncan Direct 30 000 francs par an pour des liaisons avec le Congo et la Guinée, l'Eastern
Company 400 000 francs par an pour la liaison avec l'Indochine. Cité par L. Jacob, op. cit., p. 28.
(21) Étude réalisée par la Direction politique et commerciale du Ministère des Affaires étrangères à la suite de lettres de protestations. Note du 25 janvier 1921, archives du quai d'Orsay, Dossier Y 621.
(22) J. Depelley, « Les câbles télégraphiques en temps de guerre », Revue des Deux Mondes, 1 janvier 1900, p. 200. Cet article étudiait de manière très précise et pertinante les conséquences qu'avait entraîné pour l'Espagne sa dépendance en matière de câbles transocéaniques au moment de l'insurrection de Cuba.
(23) Lettre du 10 décembre 1899, archives de l'armée de terre, SHAT 7 N 659.
(24) Ces renseignements sont extraits d'un article de M. Larose publié dans L'Illustration économique et financière du 30 décembre 1922, p. 40 et 41.
(25) P. Bâta, op. cit., p. 66.
(26) P. Marcillac, op. cit., p. 4.
(27) C. Bertho, Télégraphes et téléphones, de Valmy au microprocesseur, Pans, 1981, 540 p., p. 121.
(28) P. Bâta, op. cit., p. 67.
(29) « Avant la TSF, les câbles français, L 'Europe nouvelle, 21 novembre 1925, n° 405, p 1534.
(30) M. Frouin, Cours inédits de législation et d'exploitation électrique, 1 898-1 899.
(31) Circulaire n° 65 du 27 mai 1903 du sous-secrétaire d'État des Postes et des Télégraphes.
(32) La loi du 16 juillet 1889 fixa les conditions de ce rachat. Un arrêt du Conseil d'État avait fixé à 1 1 334 338 francs le montant à verser à la société.
(33) En plus des textes déjà cités : La loi du 5 avril 1878 autorisant dans certains cas le ministre des Finances à consentir des abonnements à prix réduits. La loi du 20 décembre 1 884 sur la protection des câbles sous-marins. La loi du 28 juillet 1 885 sur l'entretien des lignes télégraphiques et téléphoniques.
(34) Brochure du Syndicat national des agents des PTT. « La TSF service public ». Rapport adopté par le congrès de Valence en juin 1919, p. 6. Ce rapport défend point par point les thèses de l'administration des PTT et fait un historique de son action.
(35) La TSF service public, op. cit., p. 7.
(36) Cette commission devait être à l'origine une commission technique. A. Perret-Maisonneuve écrivit à ce propos : « On peut être surpris de voir une commission technique de télégraphie sans fil ainsi composée et encore plus que pour déterminer ainsi sa composition il n'a pas fallu moins de cinq décrets (5 mars 1907, 26 avril 1910, 5 février 1911, 27 mai 1911 et 20 novembre 191 1). On peut également se demander pourquoi certains ministres tel celui de l'Instruction publique et celui des Beaux Arts y sont représentés ». A. Perret-Maisonneuve, La TSF et la loi, Paris, 1914,487 p., pp. 95 et 96.
(37) J. Sclafer. Député. Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi portant approbation de la convention radiotélégraphique internationale. Annexe au Procès verbal de la séance du 16 juillet 1922, p. 202. Bien entendu les marins défendaient un tout autre point de vue. Ainsi E.Giboin, ingénieur en chef du génie maritime, trouvait-il ce décret : « très sage ». E. Giboin, Le développement de la TSF dans la Marine nationale de 1897 à 1939. Communication à l'Académie de Marine, 23 février 1951, 46 p.
(38) H. Lemery. « Le réseau intercolonial de télégraphie sans fil », in Radioélectricité, n° 8, 1923, p. 234.
(39) H Lemery, op. cit., p. 233.
(40) Idem.
(41) Texte du projet présenté à la 2e séance du 1 1 juillet 1912. Documents parlementaires, annexe p. 1943.
(42) Une prévision détaillée des dépenses à engager avait été établie. France Ouest 2 000 000 F France Sud 1 800 000 F Tunisie 1 300 000 F Maroc 1 300 000 F Colomb Béchar 890 000 F Saint-Louis 980 000 F Bangui 1 630 000 F Djibouti 1 030 000 F Pondichery 925 000 F Madagascar 980 000 F Martinique 920 000 F Tahiti 915 000 F Marquises 1O55OOOF Nouméa 970 000 F Total 16 695 000 F. Ce projet reposait encore sur le principe d'une suite d'émetteurs relayant les messages. 11 fut présenté au Parlement le 1 1 juillet 1912.
(43) Projet présenté au Parlement le 1 1 juillet 1912, op. cit., p. 1942.
(44) Le texte précisait : « Projet de loi relatif à l'établissement d'un réseau colonial de TSF présenté au nom de M. Fallières, Président de la République française, par M. Poincaré, Président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, par M. Lebrun, ministre des Colonies, par M. Dupuy, ministre des Travaux publics, des Postes et des Télégraphes, par M. Millerand, ministre de la Guerre et par M. L.L. Klotz, ministre des Finances ». Projet présenté au Parlement le 1 1 juillet 1912, op. cit., p. 1942.
(45) Rapport de la commission du budget chargée d'examiner le projet de loi tendant à l'établissement d'un réseau intercolonial de TSF. Par M. Dalimier, député. Documents parlementaires, Assemblée Nationale, Journal Officiel, séance du 10 juin 1913, Annexe 2841, p. 1022.
(46) Idem.
(47) H. Lemery, op. cit., p. 234.
(48) Idem.
(49) H Lemery, op. cit., p. 233.
(50) Général Massimy. « Le réseau mondial de télégraphie sans fil », in Revue de Paris, 1912, p. 35.
(51) Débat à la Chambre des Députés, 18 mars 1914, Journal Officiel, p. 1718.
(52) Idem.
(53) Idem.
(54) H. Lemery, op. cit., p. 234.
(55) J. Sclafer, op. cit., p. 1058.
(56) Idem.
(57) ? Bertho, op. cit , p. 361.
(58) Cité par James Sclafer, Rapport du lb juillet 1932, Journal Officiel, annexe c533, p. 1015.
(59) J. Sclafer, op. cit., p. 1086.
(60) Pourtant, Branly lui-même exposant les mérites de son matériel en juillet 1902, lors du congrès maritime international de Copenhague déclara que son détecteur avait été adopté par la Société française de télégraphe et téléphone sans fil, et avait été : «... soumis avec plein succès, à des essais à grande distance ». Cité par P. Jacques, La vie laborieuse d'Edouard Branly, Paris, 1942, 192 p., p. 103. La bonne foi d'Edouard Branly ne peut-être mise en cause dans cette affaire, peut-être a-t-il manqué quelque peu de prudence dans un milieu, celui des affaires, qu'il connaissait mal. (61) Tract édité par la société en novembre 1902. Cité par J. Sclafer, op. cit., p. 1087.
(62) La réaction de ce journaliste, tout comme le succès public remporté par le projet de Popp, pourrait nous laisser supposer que la radio apparaissait comme une nouveauté crédible pour une large partie de la population. Pourtant les habitudes peu scrupuleuses d'une partie de la presse de l'époque nous incitent à relativiser ces jugements. Cf. le chapitre consacré à la presse financière dans L'argent caché, par Jean Noel Jeanneney, Paris, Seuil, 1983.
(63) S. Sclafer, op. cit., p. 1088.
(64) ? Chaumet, Chambre des Députés, 1ère séance du 18 mars 1914, Journal Officiel, p. 1714.
(65) P. Bluysen, Chambre des Députés, séance du 1 8 mars 1 9 1 4, p. 1713.
(66) Général Messimy, Mes souvenirs, Paris 1930, 250 p., p. 45.
(67) Idem, p. 44
(68) Idem.
(69) Idem.
(70) Idem.

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