« On découvre au téléphone
les inflexions d'une voix qu'on ne distingue pas tant qu'elle n'est
pas dissociée d'un visage où on objective son expression»
Marcel Proust
Certains objets font de la figuration. Dautres,
intégrés à la narration, caractérisent
les personnages, dynamisent le rythme ou infléchissent le scénario.
Petit tour dhorizon de ces «machins» du quotidien
qui, au fil de scènes cultes, ont marqué nos imaginaires.
Aujourd'hui, le téléphone.
Le téléphone a révolutionné le XXe siècle
en annihilant la notion de distance. Pas étonnant que, le cinématographe,
né à la toute fin du XIXe, ait porté son attention
sur cet accessoire. Les mises en scène téléphoniques
ont ainsi offert des rôles de choix, tant sur le plan dramaturgique
que scénaristique en intégrant progressivement ses évolutions
technologiques: fil, sans fil puis portable.
Sil est une caractéristique, propre au téléphone,
qui fait fantasmer les metteurs en scène, cest sans conteste
lubiquité. Etre ici et ailleurs simultanément.
Mise en abîme du statut de spectateur, qui observe en voyeur
une vie étrangère, cet objet permet à un personnage
dassister à distance (au moins auditivement) à
une scène à laquelle il nétait pas convié.
Depuis Hitchcock, le téléphone est utilisé comme
fil conducteur de nombreuses histoires ou comme outil créatif,
tant sur le plan de l'image que du son. Cet appareil a aussi pris
une place importante lors de l'apparition de l'écran fragmenté
(split screen) en 1913, quand les cinéastes en ont fait usage
pour montrer les différents interlocuteurs en même temps
à l'écran.
54 extraits de films défilent en 3 minutes
Le téléphone est un objet de mise en scène qui
offre des possibilités très nombreuses.
Cest un objet qui a évolué au fil des années,
cela implique un lot de conséquences, non seulement sur le
plan de la mise en scène mais aussi du récit. Aujourdhui,
une personne isolée ne lest plus complètement
grâce au téléphone, celui-ci peut ne pas capter,
être volé Les moyens pour filmer une conversation
téléphonique sont aussi très différents,
les réalisateurs jouent sur les mouvements, léchelle
des plans, les couleurs sommaire
Après le chapeau, la cigarette ou encore les lunettes, la série
d'Arte "Blow Up" se penche sur un objet central dans l'histoire
du cinéma : le téléphone. Qu'il soit fixe ou
portable, rouge ou rose, énorme (Wall Street) ou minuscule
(Zoolander), filmé par Wim Wenders, Michel Hazanavicius ou
Brian De Palma, le téléphone lie les personnages entre
eux, parfois dans le même split-screen. Pour le meilleur et
pour le pire. Source de quiproquo (Bûcher des Vanités)
ou de dispute (Punch Drunk Love), le coup de bigot peut faire mal.
C'est même souvent un instrument sadique, utilisé pour
élaborer des jeux de pistes machiavéliques (Une Journée
en Enfer), ou, plus souvent, harceler les jolies femmes telles que
Jane Fonda dans Klute, Drew Barrymore dans Scream, ou encore Grace
Kelly dans Le Crime était presque parfait.D'ailleurs, on apprend
souvent la mort par un plan sur un combiné. Et attention aux
cadrages bizarres sur les personnages qui décrochent : c'est
souvent très mauvais signe. Bon, heureusement il y a aussi
quelques déclarations d'amour téléphoniques,
comme dans le Grand Bleu. Quant à la cabine téléphonique,
c'est un lieu privilégié au cinéma. On s'y énerve,
on s'y protège de l'extérieur.Pour fêter le téléphone,
Blow Up a choisi quelques extraits savoureux. Un joli Top Five dans
lequel on croise David Lynch, Louis Malle, Luis Bunuel, Paul Schrader
et Quentin Tarantino - un grand amateur de textos ...
Dans ce dossier, nous allons analyser les différentes utilisations
du téléphone dans les mises en scène puis dans
une deuxième partie plus concrète, on analysera plusieurs
scènes pour véritablement dégager des possibilités
précises que peuvent offrir les téléphones dans
les films.
Au cinéma, lors dune conversation téléphonique,
la voix est vocodée, malgré laspect peu réaliste,
cette technique est une convention.
Le mot «téléphone» implique, sans même
avoir un scénario, plusieurs choix basiques à faire
: le téléphone fixe ou portable, la sonnerie, la couleur,
montrer lautre correspondant ou pas, ne montrer aucun correspondant
Les options sont donc multiples, sans même la présence
dune histoire. On peut donc bien imaginer la multiplicité
de ces choix et lajout dautres lorsquil y a un scénario.
Grâce à une liste, non exhaustive, de films, on va analyser
les différentes utilisations du téléphone.
Le téléphone peut constituer louverture des films
et peut causer des quiproquos dans 'Le bûcher des vanités'
de Brian De Palma avec Tom Hanks ou bien peut être utilisé
pour des déclarations romantiques, comme lillustre la
scène douverture dAscenseur pour léchafaud.
Dans 'American Gigolo', il ny a certes pas de téléphone
dans louverture mais on en parle à plusieurs reprises,
puisque Richard Gere conduit sous la musique de Blondie, Call me.
Le téléphone peut aussi constituer un élément
très important du scénario, toute lintrigue peut
sy reposer dessus comme 'Une journée en enfer' avec Bruce
Willis ou bien seulement en partie, telle la mission de James Bond
dans 'Casino Royale', celui-ci utilisant les téléphones
pour repérer ses ennemis.
Qui dit téléphone dit aussi conversation. Brian De Palma
et Wim Wenders, par exemple, optent pour le split-screen afin de mieux
représenter la conversation, système parodié
dans 'OSS 117'. Les conversations impliquent également des
coups de fil majeurs, décisifs, Hitchcock utilise des cadrages
originaux, insolites dans 'La mort aux trousses' mais cest encore
plus explicite dans 'Lhomme qui en savez trop'. Les conversations
sont parfois dérangés par des baisers inopportuns, dans
'Goldfinger' ou bien 'Les enchainés' de Hitchcock avec Cary
Grant et Ingrid Bergman. A linverse, au cinéma, la conversation
téléphonique est un moyen pour les personnages de se
déchainer dans des engueulades plutôt violentes, comme
dans 'Punk drunk love' ou 'Jai tué ma mère' dans
lequel le téléphone permet à Anne Dorval de proposer
un jeu magistral.
Les personnages appellent aussi pour des raisons plus importantes.
Il sagit dun coup de fil durgence de John Travolta
dans 'Pulp Fiction', heureusement décroché, mais empêché
dans 'Seule dans la nuit', dans lequel Audrey Hepburn est coupée
de lextérieure à cause de la coupure des fils
du téléphone. Dans beaucoup de films aussi, le policier
et le criminel échangent par le téléphone, ce
qui accroit les tensions. Cette méthode est certes utilisée
dans 'Une journée en enfer' mais aussi dans 'Insomnia' de Christopher
Nolan qui pose un duel entre Al Pacino et Robin Williams. Kevin Costner
appelle aussi Demi Moore dans 'Mr Brooks' pour lui exprimer tout son
respect puis jette le téléphone dans le vide. Jason
Statham, lui aussi, appelle à la fin du film Ryan Phillippe
pour lui révéler sa culpabilité dans 'Chaos'.
Quant à Liam Neeson, il reçoit des textos de la part
dun criminel dans un avion dans le récent Non-Stop.
Le téléphone constitue aussi un leurre, pour attirer
le personnage dans un piège, afin de le tuer comme dans 'Lespion
qui maimait', de le kidnapper comme dans 'La mort aux trousses'
ou Rabbi Jacob ou bien de déclencher une bombe comme dans 'The
dark knight'.
Le téléphone est aussi lié à langoisse,
la peur de linconnu, élément véritable
de suspense tel dans 'Scream', Freddy et citons encore une nouvelle
fois Alfred Hitchcock avec 'Le crime était presque parfai't.
Il peut aussi être lié à la mort, un plan sur
un téléphone peut suggérer la mort ou bien lenlèvement
dun personnage.
Il y a aussi des utilisations plus insolites du téléphone
dans les films. Michael Douglas en possède un très gros
dans 'Wall Street' alors que Ben Stiller en possède un trop
petit dans 'Zoolander'. Il peut être utilisé par un extraterrestre,
tel E.T. dans le film éponyme ou bien avec David Lynch, peut
servir à un échange très insolite dans 'Lost
Highway' ou bien encore à «sappeler soi-même»,
dans Mulholland Drive.
Il peut aussi servir en tant que mémoire pour Julianne Moore
dans le tout récent 'Still Alice'. Quant à Leonardo
DiCaprio, lui préfère vendre des actions dans 'Le loup
de Wall street'.
Le téléphone est aussi récurrent dans les James
Bond et sert de gadget, notamment avec Pierce Brosnan dans 'Demain
ne meurt jamais'.
Enfin, certains personnages préfèrent plutôt envoyer
des textos, lesquels apportent beaucoup de profondeur à la
scène lorsquils sont accompagnés par la musique
mélancolique de Pino Donaggio composée pour Blow Out
dans 'Boulevard de la mort' de Tarantino.
Une conversation téléphonique peut aussi impliquer la
présence dune cabine téléphonique. Cest
un abris pour Tippi Hedren dans 'Les oiseaux', un piège pour
Colin Farrell dans 'Phone game' ou pour la pauvre conductrice dans
'Octopussy' qui naperçoit pas que lon vole sa voiture.
On a donc vu, de manière plutôt générale,
les différentes possibilités dutilisation quoffre
le téléphone.
Maintenant, dans cette deuxième partie du dossier, analysons
des scènes de conversation téléphonique pour
comprendre le rôle concret du téléphone ainsi
que les choix de réalisation.
'Limpossible monsieur Bébé, Howard Hawks' La séquence débute en pleine conversation entre
Cary Grant et sa fiancée. Il est assis, au centre du cadre
et parle au téléphone. Ensuite survient un plan sur
sa fiancée. Elle est également assise, au centre. Les
deux personnages sont habillés de manière presque identique
et parlent du même sujet. Ils sont donc confondus, constituant
véritablement une même personne. Il y a toutefois deux
différences. Elle regarde à gauche, cest à
dire vers la droite du cadre et elle est coincée dans une pièce
plutôt encombrée alors quil ny a rien à
la droite à gauche du cadre de Cary Grant lorsquil
est assis. Il se dirige ensuite vers la gauche pour ouvrir la porte
et doit emmener avec lui le téléphone et ne doit pas
chuter à cause du fil, ce qui ajoute un petit effet comique
à la scène. Il est plutôt dynamique alors que
la fiancée ne lest pas du tout, coincée, cest
un fossile. Howard Hawks ne lui consacre dailleurs quun
seul plan et donc ne lui accorde pas dimportance. La séparation
aurait été triste si plusieurs plans auraient été
accordés pour la fiancée. Pour linstant, le téléphone
est utilisé pour créer un véritable clivage entre
ces deux personnages. Toutefois, la scène est encore plus intéressante
avec la suite de laction. Il revient à droite, sassoit
et raccroche. Le téléphone sonne pour la première
fois, la sonnerie est longue, il hésite à longue, ce
qui instaure un suspense. Katharine Hepburn apparaît pour la
première fois dans cette séquence.
Alors que la séquence démarrait en pleine conversation,
cette fois-ci, le début de la conversation nest pas supprimée,
ce qui dramatise la scène et accorde bien plus dimportance
au personnage de Katharine Hepburn, qui soppose tout de suite
à la fiancée. Elle est non seulement magnétique,
la prise de pouvoir est immédiate, mais aussi surféminisée
grâce à sa robe blanche et son nuage de voile. Le décor,
aussi, est composé dobjets blancs même le
téléphone est blanc qui ajoutent de la prestance
et de limportance au personnage. On peut comparer Katharine
Hepburn à un bel oiseau. Howard Hawks offre un deuxième
plan à Katharine Hepburn, on oublie tout de suite la fiancée.
Le changement déchelle pour le quatrième plan
de Katharine Hepburn dévoile le fameux léopard, leffet
est assez comique. Les plans sur Katharine Hepburn sont très
longs, elle parle beaucoup au téléphone, bien plus que
Cary Grant. A partir de la chute de Katharine Hepburn, Cary Grant
se lève, inquiet, alors quavec la fiancée, il
était assis coincé et sétait levé
pour ouvrir le facteur. Le spectateur sent donc bien une véritable
osmose entre les deux personnages. Le processus denvoûtement
de Katharine Hepburn fonctionne bien puisquil séduit
totalement Cary Grant. Howard Hawks joue ensuite avec le son. Nous
voyons certes limage mais à cause du téléphone,
les deux personnages nont que le son. Le téléphone,
ici, joue sur les sons pour envoûter Cary Grant. Il se déplace
et tombe à cause du téléphone, comme elle, à
gauche. Le téléphone dans cette scène est donc
cruciale puisquil permet de rendre véritablement la scène
comique, de poser des clivages ainsi que des rapprochements.
Limpossible monsieur Bébé, Howard Hawks sommaire
'Very Bad Trip, Todd Phillips' La scène douverture du film est très intéressante.
la couleur blanche prédominante ainsi que les fleurs, dès
le premier plan, indiquent la préparation du mariage. Le travelling
circulaire apporte de la douceur et la chanson romantique un certain
lyrisme. Les deux premières scènes montrent donc une
impression de contrôle. Le son du téléphone dérange
tout de même ce cocon. On remarque que le répondeur de
Doug est plutôt fade, stéréotype. Le répondeur
du dentiste, lui, est bien plus original. On a donc déjà
des clivages grâce au téléphone, avant même
quil apparaisse. Laccumulation des messageries accroit
le suspense, une petite panique se créée. Tracy est
en peignoir blanc, placée à droite de lécran,
la famille se situe en arrière plan, la droite évoque
donc le mariage et les festivités. Phil est en noir placé
à droite, larrière plan constitué dun
désert annonce lhistoire à venir. On remarque
aussi bien évidemment lemploi dune caméra
stable pour elle alors que pour lui, Phillips choisit logiquement
une caméra à lépaule. Cette scène
est assez classique et ne propose rien dinnovant mais la conversation
téléphonique permet de poser clairement le clivage entre
deux univers. sommaire
'Journal intime, Nanni Moretti' Lîle aux enfants est une scène très
intéressante, dans lequel le téléphone et les
conversations téléphoniques permettent encore une nouvelle
fois dopposer des personnage, cette fois-ci de manière
plus originale et insolite. On remarque, lors de la première
conversation téléphonique, que les taches rouges dans
larrière plan du plan avec ladulte renvoient au
vase rouge du plan avec lenfant. Il y a donc une forme de symétrie
entre les deux univers qui se ressemblent fortement, cependant cest
bien le téléphone qui diffère par rapport aux
deux mondes. Alors que le téléphone de ladulte
est une grande cabine rouge, celui de lenfant est totalement
noir et aussi bien plus petit, à limage de lenfant.
Malgré la différence de taille, ici, cest bien
lenfant qui possède le pouvoir. Lenfant maîtrise
la situation et mène la danse dans cette île. Les adultes
qui appellent sont prisonniers du téléphone, isolés.
Les enfants, chez eux, sont libres. Lenchainement des trois
plans sur les adultes montrent que le cas est généralisé
et concerne tout le monde. Le travelling final de cette scène
dévoile une confusion générale.
Veuillez cliquer sur ce lien
pour visionner la scène sur Vodkaster.
'Taxi Driver, Martin Scorsese' La dernière scène de ce groupement est celle de
la conversation téléphonique de Robert De Niro dans
Taxi Driver. Il est bloqué à droite du cadre, ce qui
contribue à une atmosphère doppression, il y a
peu despace. Martin Scorsese fait le choix crucial de cacher
son visage avec le combiné et sa main, toute lémotion
dans cette scène passe par le corps et la voix. Labsence
de voix vocodée contribue également à la solitude
du personnage, Robert De Niro est seul, livré à lui-même
en quelque sorte. La caméra stable permet de se focaliser entièrement
sur lui et ce quil dit. Malheureusement, lhumiliation
est progressive : il propose dabord à Betsy de linviter
au restaurant, puis de prendre un café puis enfin, de lui offrir
des fleurs. La couleur de son blouson se noie dans la saleté
du mur, le personnage commence à être dégradé.
Leffacement de lacteur est progressif, au profit dun
couloir, seul chemin qui annonce sa sortie. La fille largue Travis
et nous aussi à cause du travelling sur ce couloir. Le plan
est aussi bien entendu symbolique puisquil traduit toute la
solitude du personnage. Dans cette scène, Martin Scorsese utilise
donc le téléphone pour renforcer la solitude du personnage
ainsi que sa dégradation. sommaire
La cabine téléphonique à vent Arami Ullón, est accompagnée dans son projet par
le créateur du « téléphone à
vent », Itaru Sasaki.
Il sagit dun téléphone qui nest relié
à rien, et pourtant, des milliers de personnes lutilisent
pour appeler leurs morts. Ces cabines téléphoniques
apparues par centaines aux quatre coins du monde pendant la pandémie
et les conversations imaginaires quelles permettent ont aidé
beaucoup de gens à faire leur travail de deuil. Le film et
lenquête quelle mène pour ce faire sur «
le téléphone à vent », trouvent leur raison
dêtre dans un questionnement personnel : quels sont les
outils utilisés par ceux qui, pour une raison ou une autre,
nont pas la même manière daborder le deuil
que la collectivité dans laquelle ils vivent ?
'Le Crime était presque parfait' Alfred Hitchcock, le maître absolu du suspense ne sy
est pas trompé en 1954.
Les premières images du film se focalisent sur un téléphone
qui, sil nest pas larme du crime à proprement
parler, en est la pierre angulaire. Tony, mari trompé et sans
le sou, met en scène le meurtre de sa femme Margot. Connaissant
ses habitudes, il sait quelle se postera dos à la fenêtre
en répondant à son coup de fil, offrant au spadassin
de fortune quil a engagé un angle dattaque idéal.
Mettant à exécution son dessein, il est aux premières
loges acoustiques de lassassinat, à la fois témoin
et instigateur qui jouit de son crime. Cet usage du téléphone
na de sens quavec un filaire. Lépoque ne
pouvait évidemment pas offrir dautres possibilités
mais quand en 1998, Andrew Davis réalise Meurtre parfait (relecture
insipide du chef duvre dHitchcock), il garde lidée
du poste fixe.
Limmobilité que confère le téléphone
à fil au personnage, crée une tension, un angle statique
dautant plus visible quil répond aux mouvements
de lassassin en arrière-plan. Ces plans rappellent que
la dynamique dune scène peut reposer sur une profondeur
de champ construite, même si certains éléments
y sont figés, et pas uniquement sur une suite de déplacements
du personnage.
'Terreur sur la ligne' (When a Stranger Calls)
En 1979, Terreur sur la ligne (When a Stranger Calls) met en scène
larchétype de la victime des horror movies: la baby-sitter.
Jouant une fois encore sur lubiquité inhérente
au téléphone, le film samuse à prendre
le contrepied de lidée de distance. Une jeune étudiante,
en pleine séance de baby-sitting est harcelée au téléphone
par un maniaque. Pensant être à labri en senfermant
à double tour, elle découvre bientôt que le psychopathe
nest pas si loin... Habilement orchestrées, les vingt
premières minutes du film (les seules qui vaillent le détour)
déstabilisent le public. Habitués à ladage
«qui dit téléphone dit loin», les spectateurs
sursautent quand la menace téléphonique prend corps
à proximité. Placer lennemi au plus près
de sa proie, alors que lusage du téléphone implique
limpression inconsciente déloignement, surprend
et attise grandement la tension dramatique.
sommaire 'Phone Game'
Objet dérivé du téléphone mais hybride,
entre fixité et mouvement, la cabine téléphonique,
malgré sa quasi disparition des trottoirs, inspire à
Joël Schumacher Phone Game en 2002. Obligeant le réalisateur
à se focaliser sur un lieu unique (le critère de base
du huis clos), la cabine téléphonique répond
par son immobilisme à lémergence phénoménale
du portable et à son itinérance. Deux mondes se font
face: larchaïque et le moderne. Bien que le dispositif
exigerait un film-séquence autour de la cabine (pour capter
lemprisonnement physique du personnage pendu à son combiné),
Schumacher multiplie les split-screens dactions se déroulant
ailleurs, dénaturant les enjeux de réalisation de son
film. Noyée sous des mouvements incessants de caméra,
Phone Game échoue à construire une narration de linertie,
ce que parviendra à faire quelques années plus tard
Rodrigo Cortes.
sommaire
Mais ne coupons pas le fil trop vite
En 1997, Wes Craven réalise 'Scream', un abécédaire
du film de genre où le téléphone tient le rôle-titre.
Hommage et déconstruction sont à luvre dans
ce petit bijou horrifique qui a intégré les évolutions
technologiques des dernières années. Sus aux postes
ombilicaux, les téléphones sont désormais sans
fil et les portables pointent le bout de leurs antennes. Il nen
faut pas plus à Craven pour dynamiter les règles spatiales
du film dhorreur. Plus de contrainte de mouvement: les personnages
peuvent vaquer à leurs occupations tout en passant des coups
de fil. Plus de notion de distance et de point dancrage: le
portable délocalise le tueur à lenvi. Et tous
les cas de figure sont étudiés et utilisés par
le réalisateur. La réception parasitée lorsquon
séloigne trop de la borne fixe du sans fil, obligeant
le personnage à demeurer dans un périmètre circonscrit.
La fonction haut-parleur qui amplifie les gémissements de la
victime. La géolocalisation du portable qui innocente ou accable
selon le cas. Et dans les nombreuses suites, les nouvelles fonctionnalités
seront ajoutées aux scénarii (la présentation
du numéro dans Scream 2 ou les vidéos et SMS dans le
quatrième volet).
Au-delà de laspect ludique quil y a à samuser
avec les technologies qui nous entourent, la saga Scream prouve surtout
la réactivité du cinéma à intégrer
des formes de narration inédites. Tourneboulant les modèles
cinématographiques établis (la distance entre émetteur
et récepteur, immobilisme du fixe face à insituabilité
du portable ), les avancées technologiques du téléphone
permettent des constructions scénaristiques originales, des
situations impossibles quelques années auparavant, une véritable
révolution dramaturgique.
Pas une conversation téléphonique ne
commence aujourdhui sans cette fameuse interrogation.
Le portable ayant brouillé les pistes du dehors et du dedans,
la question de la localisation dans lespace est devenue lenjeu
majeur de nos interactions. Aubaine absolue pour le septième
art qui cherche à abolir les règles pour renouveler
son langage, le portable a toutefois fait une entrée fracassante
non pas au cinéma mais sur le petit écran.
En 2001, l agent les plus testostéroné
de Los Angeles, Jack Bauer, fait son apparition sur Fox dans la série
24. Pas une séquence sans que le bonhomme ne soit pendu à
son téléphone. Mais cet usage, outre le fait dancrer
le récit dans le quotidien du nouveau millénaire, offre
surtout des possibilités infinies dinvestigation. Jack
peut ainsi faire avancer son enquête à la minute grâce
aux informations qui lui parviennent en temps réel. Le portable
se révèle donc loutil en adéquation parfaite
avec le parti-pris temporel de 24, même si la notion de réalisme
est quant à elle totalement piétinée (on se demande
toujours quelle batterie utilise Bauer pour tchatcher pendant des
plombes). Le travail sur le terrain (portable) est privilégié,
au détriment des gratte-papiers du bureau (téléphone
fixe).
Symbolisant laction, lhyperactivité (donc implicitement
lefficacité), le portable se veut laccessoire du
mâle dominant, une sorte darme moderne, celle de la communication.
Véritable phénomène de société,
24 a ouvert la voie aux films en temps réel, qui grâce
à linvention du téléphone portable ont
trouvé un ressort dramatique inattendu.
Réaliser un film en temps réel et en
huis clos dans une boîte, avec un briquet et un portable, il
fallait oser. Cest le challenge de Buried du metteur en scène
espagnol Rodrigo Cortes. Alors que le protagoniste est coincé
six pieds sous terre dans un cercueil, son unique espoir et son lien
avec lextérieur résident dans son téléphone
portable.
Reprenant ainsi le postulat de mettre en scène linertie
(un peu comme Phone Game mais en réussi), Buried recrée
un monde par lentremise des discussions tenues par le héros.
Chaque conversation téléphonique symbolise un type de
scènes que le public reconnaît (le conflit professionnel,
le drame familial ) et dont il recompose limage manquante.
Le son fonctionne alors sur le modèle du déjà-vu:
le déjà-entendu.
Rarement un accessoire aura à ce point fait
évoluer la grammaire cinématographique et rendu obsolète
les métrages antérieurs.
Demanderait-on encore Mr Kaplan au téléphone dans La
Mort aux trousses alors que de nos jours chacun a son portable ?
Les filles de Girl 6 de Spike Lee auraient-elles encore du boulot
dans le téléphone rose avec lexplosion du net
?
Autant de films dont le récit et la mise en scène seraient
différents aujourdhui.
Finalement, pour inventer le cinéma de demain, peut-être
suffit-il dobserver votre téléphone
Le cinéma avait prédit lapparition
de lappel vidéo dans Metropolis, de Fritz Lang, paru
en 1927. Dans ce film, " il y avait un vidéophone, cest-à-dire
quau mur, on voyait la personne à qui on parlait avec
un énorme téléphone .
Allo,
j'écoute ! - Liste de 79 films
S'il est banal de voir les personnages d'un film utiliser le téléphone,
il arrive que les échanges téléphoniques soient
au centre de l'action, voire ...
Allô... je t'aime est un film français
réalisé par André Berthomieu, sorti en 1952.
L'artiste peintre Pierre la Palette est épris d'une jeune femme
à laquelle il téléphone chaque matin : «
Allô ! je t'aime ! » et raccroche. La jeune femme est
Odette Chennevière, elle dirige d'une main de fer une affaire
de famille, une usine de conception et de fabrication de voitures
pour enfants. Pour approcher plus facilement Odette, Pierre emprunte
les identité et diplômes de son ami colocataire Gilbert
Pujol, jeune ingénieur polytechnicien en chômage, et
se fait embauché à l'usine... Dossier de Presse sommaire
Raccrochez, c'est une erreur 1948
Une hypocondriaque, cloîtrée chez elle, tente de joindre
son époux au téléphone. Mais la standardiste
commet une erreur et la branche sur une ligne déjà utilisée.
Elle entend alors deux hommes qui discutent d'un meurtre que l'un
deux va commettre le soir même. En se servant uniquement du
téléphone, elle recoupe les informations qu'elle recueille
auprès de différentes personnes et découvre que
c'est elle-même qui doit être assassinée... sommaire
Hotline (1982)
A crisis helpline assistant attracts the attention of a serial killer
who delights in feeding her cryptic, nursery-rhyme style riddles when
planning his next murder!
Party Wire 1935
When a small-town girl's boyfriend leaves in disgrace, gossips spread
false reports of her pregnancy. sommaire
Allo la France 2023
Documentaire. Dans ce road-movie « téléphonique
», Floriane Devigne, propose une balade dans la France dite
« périphérique ». De villages reculés
en zones abandonnées, guidée par des conversations téléphoniques
récoltées dans les dernières cabines publiques,
elle porte un regard amusé, critique et grinçant sur
notre société en pleine mutation.
...
REMARQUABLE MEMOIRE DE FIN DETUDES-MASTER 2 Par Elton RABINEAU
en 2012
Dans tous les styles de films, le téléphone
est un outil qui permet aux scénaristes de créer des
situations narratives spécifiques : menaces, relations amoureuses,
écoutes téléphoniques par exemple. La présence
de deux personnes qui se parlent et sécoutent à
distance et en simultané offre aux réalisateurs et aux
monteurs de nombreuses possibilités de montage. Ils ont par
exemple le choix de montrer un seul interlocuteur, de montrer les
deux, de montrer seulement celui qui parle ou seulement celui qui
écoute, et encore beaucoup dautres solutions. Michel Chion
( voir
sa biographie ), a proposé une classification
(ou typologie) de ces combinaisons audiovisuelles quil appelle
téléphèmes. Nous proposons dans ce mémoire
une typologie étendue basée sur le dénombrement
logique des combinaisons, permettant au total den obtenir 83.
Ensuite nous proposons un logiciel de montage interactif des sons
et des images téléphoniques (Le LaBoPhone) qui explore
ces 83 typologies audiovisuelles.
Nous avons imaginé une intrigue téléphonique
spécialement adaptée pour le logiciel interactif.
INTRODUCTION
Le cinéma est avant tout affaire de transmissions : transmissions
dhistoires, transmissions démotions par le biais
dun media qui transcende les époques et les distances.
La téléphonie et le cinéma ont été,
bien que dans des domaines distincts, de grands facteurs de bouleversements
techniques et sociologiques du XXe siècle. Leur naissance presque
contemporaine naura fait que les entremêler.
Le cinéma, moyen dexpression tout nouveau au début
du XXe siècle, cherche des contenus : il sapproprie dabord
les standards culturels de lépoque (vaudevilles, romans,
imaginaire poétique, etc). Dans un second temps le cinéma
savère être un outil efficace de dérision
face aux murs et à la société alors en
pleine mutation. Cest dans cet espace que le téléphone,
un objet qui a changé notre façon de communiquer, a
très vite été pris comme un objet essentiel au
cinéma pour dépeindre cette nouvelle société
du XXe siècle. Dès les premiers temps du cinéma
muet, la mise en parallèle de deux interlocuteurs au téléphone,
bien que sans paroles, met en évidence les différences
et les similitudes des gestes et des caractères
des personnages.
Il faut dire quen plus dêtre un objet de société
offrant à la caméra toutes les possibilités dimmersion
et de dérision, le téléphone, par son mode de
représentation à distance, ressemble au cinéma.
Les deux inventions ne sont pas simplement contemporaines, elle sont
aussi sous certains aspects similaires. Au téléphone
comme dans les films, la voix qui transite à travers un dispositif
éléctro-acoustique, a le pouvoir de nous rapprocher
symboliquement de ceux qui sont loin. Dans le cas du cinéma,
labrogation des distances conduit le spectateur à sidentifier
psychologiquement aux personnages et à s'éloigner virtuellement
de la salle de cinéma dans laquelle il se trouve. Dans le cas
du téléphone, la voix qui nous parvient nous permet
dêtre « à deux endroits à la fois
» : être ici, et par projection, avec la personne que
lon entend à travers le combiné mais que lon
ne voit pas.
Dans le cas des séquences de conversation téléphonique
filmée, il y a deux façons de traiter la voix des interlocuteurs
: soit en considérant le point découte à
proximité physique de celui qui parle, soit en considérant
le point découte à proximité physique de
celui qui écoute. Celui qui écoute reçoit dans
son combiné téléphonique un signal sonore déformé
par la télécommunication : nous utiliserons le terme
de son « filtré » ; cest un son qui vient
de loin. Dans ce cas particulier, le signal sonore est à la
fois une voix et un effet puisquil transmet la parole et y ajoute
les informations propres à la communication téléphonique.
Enfin et cest peut être là son enjeu principal,
la présence du téléphone au cinéma pose
la question fondamentale de la représentation dune matière
exclusivement sonore (la conversation téléphonique)
par un média qui combine lui, sons et images. Lécoute
seule a le pouvoir de créer des images mentales. Robert Bresson
lexplique : « Lil superficiel, loreille
profonde et inventive. Le sifflement dune locomotive imprime
en nous la vision de toute une gare». Mais quand un film montre
une personne qui écoute, et que le spectateur écoute
à travers ses oreilles, les images qui nous sont montrées
sont-elles en contradiction avec nos images mentales ? Nos images
sont-elles entièrement faussées parce que nous voyons
? La transposition de la forme sonore à la forme audiovisuelle
renvoie à la question de lunion sacrée de la bande-son
et de limage qui est à la base du cinéma et plus
particulièrement depuis que celui-ci est devenu parlant.
Dans la pratique filmique, lunion du son et de limage
accouche dune construction polymorphe. Et cest à
cause de cinq dualités fondatrices que la possibilité
est donnée aux réalisateurs daccentuer les comportements
associés ou antagonistes des personnages : dualité dindividualité,
dualité despace, dualité entre son et image, dualité
entre parole et écoute, dualité entre son lointain et
son proche. La combinaison de ces dualités caractéristiques
de la conversation filmée fait de chaque film un cas particulier
: voir un seul interlocuteur, voir les deux interlocuteurs, ne voir
que celui qui parle, ne voir que celui qui écoute, voir les
deux en même temps... Il y a dautres cas encore, et en
nombre.
Pour pouvoir analyser les intentions véhiculées par
ces différentes formes, Michel Chion a proposé un système
de classification quil appelle une typologie des téléphèmes.
Nous nous proposerons détudier cette typologie et de
la développer. Dans la continuité, nous proposerons
un logiciel interactif qui permettra à un spectateur de choisir
via une interface le cas de figure quil souhaite voir sappliquer
dans une salle de cinéma pendant quil visionne un film.
Linteraction étant le premier principe de la communication
téléphonique, il était naturel de sen servir
pour donner à un spectateur loccasion dexplorer
sa représentation par la voie cinématographique.
Cette exploration, qui revient à endosser le rôle de
monteur questionne le la place du spectateur dans le cinéma
traditionnel, a-t-il le pouvoir dimaginer des images et des
sons autres que ceux qui lui sont proposés ? Et dans le cinéma
interactif, le spectateur peut il modifier le récit filmique
par dautres moyens que la destinée des personnages ?
Le choix du point de vue et du point découte peut il
influer sur lhistoire ?
Lors des conversations téléphoniques filmées,
de quelle manière le spectateur peut il prendre le contrôle
de cadres et des points découte au sein dune classification
établie ?
Le but de ce mémoire nest pas une analyse en bonne et
due forme de la construction des conversations téléphoniques
ni des ressorts dramatiques offerts par le téléphone
; il sagit dune exploration teintée de créativité
et de pragmatisme au sein des modes audiovisuels utilisés dans
les séquences téléphoniques. Cette exploration
conduira à la conception et à la réalisation
dune expérience audiovisuelle interactive.
Dans une première partie nous verrons le trajet de la voix
depuis sa production acoustique jusquà son émission
par le haut-parleur du téléphone. Ce sera une partie
à composante technique dans laquelle nous verrons tous les
éléments sonores de la téléphonie enclins
à nous aider à reconstruire une séquence de conversation
téléphonique dans un film.
La seconde partie de ce mémoire sera loccasion dobserver
la façon dont le téléphone est utilisé
comme un outil dans lécriture des histoires des scénarios.
Dans la troisième partie, nous prendrons pour acquise la construction
narrative dun film et nous verrons de quelle manière
les sons et les images peuvent sarticuler et simbriquer.
Nous verrons en détail la typologie des téléphèmes
proposée par M.Chion pour classifier des combinaisons. Par
la suite, nous proposerons une typologie étendue qui a mis
au jour 83 cas par dénombrement logique.
Les quatrième et cinquième parties seront consacrées
à lexploration des cas de figures énoncés
dans la troisième partie à travers la description du
fonctionnement dun logiciel interactif (le LaBoPhone) et de
la conception dun film qui lui est dédié. La quatrième
partie aura préalablement permis de mettre au jour les fondements
et les pratiques du cinéma interactif.
RAPPEL de la CONSTRUCTION ET de la RECONSTRUCTION
DES COMMUNICATIONS TELEPHONIQUES
(largement expliquée sur ce site)
A. Construction dune communication téléphonique
Pour commencer, nous allons décrire dun point de vue
technique comment les conversations téléphoniques sont
construites aussi bien les étapes protocolaires de lappel
que par les différentes sources sonores qui constituent le
champ sonore de la téléphonie : la voix, la voix filtrée,
les sonneries, les tonalités, les numérotations. 1. Au départ il y a la voix
a. Le Fonctionnement du système phonatoire
En médecine, la voix est appelée le système phonatoire.
Il comprend 3 parties fonctionnelles que sont la soufflerie qui produit
un influx dair, un oscillateur au niveau du larynx, et des résonateurs
qui permettent lamplification des sons et leur modification.
La réserve dair utile à lémission
dun son est contenue dans les poumons, ceux-ci se chargent et
se déchargent en air par des contractions du diaphragme et
des muscles intercostaux.
oscillateur est lui, une partie complexe du système phonatoire,
il est principalement constitué de 2 cordes vocales aussi appelées
les plis vocaux. Les cordes vocales sont deux membranes muqueuses
de couleur blanchâtre qui vibrent au contact de lair venu
des poumons. Les deux cordes vocales agissent comme une mâchoire
pour bloquer ou relâcher le flux dair. Les deux cordes
vocales peuvent vibrer seules ou en contact. Dautres cordes
vocales de moindre importance appelées « fausses cordes
vocales » ont par exemple un rôle dans la voix extrêmement
grave des chants tibétains ou des cris gutturaux du «
death metal ».
La vibration en régime permanent du système de cordes
vocales imprime une fréquence sonore dépendante, selon
les individus, des dimensions des cordes vocales, de leur tension
et des dimensions de la trachée apporte lair venu des
poumons. Cette fréquence est appelée fréquence
fondamentale de la voix cest une caractéristique du timbre
de la voix dun individu. La fréquence fondamentale est
la plus « forte » mais elle nest unique, elle est
ccompagnée de nombreuses fréquences harmoniques qui
fait du son produit par les cordes vocales, un son spectralement large.
Chez les hommes, les cordes vocales mesurent entre 15 mm et 25 mm
pour une fréquence fondamentale qui est en moyenne de 125 Hz.
Chez les femmes, les cordes vocales mesurent entre 8 mm et 17 mm,
pour une fréquence fondamentale qui est en moyenne de 210 Hz.
Chez les enfants la fréquence fondamentale est généralement
supérieure aux 300 Hz.
Enfin viennent les organes qui ont le rôle de lamplification
des sons et de leur modification : les cavités buccales et
nasales. Ils sont à lorigine des éléments
qui constituent le langage.
b. La création des sons du langage
Les joues, la langue et la mâchoire par leurs mouvements incessants,
modifient les dimensions de la cavité résonnante et
privilégient donc certaines fréquences selon le modèle
acoustique des ondes stationnaires. Certains sons de la voix nutilisent
pas la vibration des cordes vocales mais uniquement la modification
du débit dair par des organes qui sont en aval (cas du
« s » qui est une sifflante sans timbrage vocal)
Pour chaque son vocal produit, la répartition de lénergie
sonore selon les fréquences de laudible (environ 20 Hz
- 20 kHz) constitue un formant qui est en quelque sorte sa carte didentité.
Les consonnes et les voyelles sont des cas particuliers parmi tous
les sons de la voix, ils constituent les phonèmes qui se définissent
comme étant les plus petites unités de langage.
LAlphabet Phonétique International (API) a défini
les spécifications physiologiques de tous ces éléments,
avec notamment les fréquences centrales de leurs formants.
Les voyelles utilisent nécessairement la vibration des cordes
vocales (l'étymologie ne trompe pas : «Voyelle »
vient de « Voix ») .
Parmi les phonèmes, il existe aussi les consonnes ; elles sont
produites par un flux dair venu des poumons qui est retenu puis
relâché, ou freiné. Ces opérations docclusion
ou de constriction de lair sont réalisées par
différents organes du système phonatoire : par exemple
les lèvres pour les consonnes labiales (« b »),
les lèvres et les dents pour les consonnes labio-dentales («
f », « v »). La plupart sont dites voisées,
cest-à-dire que les cordes vocales vibrent, mais cela
nest pas systématique. LAPI prévoit une
nomenclature très précise des phonèmes en fonction
de la façon dont ils sont produits (labiales, dentales, nasales,
fricatives, occlusives, etc).
Chez les ingénieurs du son, les consonnes plosives (ou occlusives)
sont bien connues puisquelles ont la particularité dêtre
très mal captées par les microphones à gradient
de pression. Les consonnes plosives (« p », « b
») sont des consonnes pour lesquelles il y a un blocage total
du flux dair puis un relâchement soudain qui fait leffet
dune bourrasque de vent pour une membrane de microphone. Pour
éviter cela, on utilise des filtres anti-pop (littéralement
« anti coups secs») qui jouent le rôle de «
coupe-vent ». La difficulté est de ne pas trop altérer
la voix à enregistrer avec ce procédé. Dans le
cas des appels téléphoniques, les micros nétant
pas munis de filtres anti-pop efficaces, il arrive bien souvent que
les plosives soient mal captées et quelles soient mal
perçues par linterlocuteur. On notera quil est
souvent difficile de distinguer les « p » et les «
b » dans les conversations téléphoniques.
Nous avons vu que la voix parlée par son fonctionnement même,
réalise une opération de filtrage sur la fréquence
initiale de la voix. La notion de filtrage qui apparait ici, sera
un fil conducteur tout au long de ce travail. De manière générale,
dès lors quil y a une communication, il y a une modification
de la matière que ce soit par ajout de matière non désirée
(bruit) ou par dégradation volontaire ou utile, dont le filtrage
fait partie.
a. Tonalité dinvitation à numéroter ( dial
tone )
Il existe deux notes de tonalité dinvitation à
numéroter selon que le téléphone est naturellement
connecté à un centre de transit grand public ou à
un centre de transit privé tels quon peut les trouver
dans les entreprises ou dans les institutions (serveur interne) :
- Une fréquence de 440 Hz (La3) pour les tonalités vers
un centre public.
- Une fréquence de 330 Hz (Mi3) pour les tonalités vers
un serveur interne.
Pour passer un appel vers lextérieur (réseau public)
il faudra commencer le numéro par un « 0 » qui
aura pour conséquence de basculer la tonalité sur un
La3, avec au passage une belle quarte téléphonique pour
les mélomanes.
Cadencements et fréquences des tonalités dinvitation
à numéroter selon les pays Pays --- Fréquence --- Cadencement --- Niveau
France 440 Hz ( ou 330 Hz) continu -3.5 dBm 0
USA 350 Hz + 440 Hz continu
GB 350 Hz + 440 Hz continu -20 dBm0 / -23 dBm 0
c. Tonalité de retour d'appel (ringtone back)
Une tonalité de retour d'appel est le signal sonore entendu
sur une ligne téléphonique par la personne qui appelle
en attendant que son correspondant décroche. Cela confirme
que le correspondant est alerté de son appel (la sonnerie de
son téléphone retentit).
La cadence à laquelle la tonalité de retour d'appel
est émise est généralement la même que
pour la sonnerie chez l'appelé, mais la plupart du temps avec
un décalage temporel.
Cadencements et fréquences des tonalités de retour
dappel selon les pays
Pays --- Fréquences --- Cadencement ---Niveau
France 440 Hz 1.5 s ON / 3.5 s OFF -8 dBm0
USA 440 Hz + 480 Hz 2 s ON / 4 s OFF N/C
GB 400 Hz + 460 Hz 0.4 s ON / 0.2 OFF/ 0.4s
ON 2 s OFF -20 dBm 0
d. Tonalité doccupation (busy signal)
Elle indique que le correspondant est déjà en communication
avec une personne. Quand le combiné du correspondant est décroché,
cest une tonalité de faux appel qui a les mêmes
caractéristiques que la tonalité doccupation bien
les telecoms puissent faire la différene. On le voit souvent
dans les films.
En France 440 Hz, 0.5 s ON / 0.5 s OFF, -8 dBm0
2. Théories des télécommunications et de linformation
a. La nature des transmissions
Lorsquil sagit de transmettre des informations10 à
distance, plusieurs cas peuvent se présenter :
- Une liaison point à point entre un émetteur et un
récepteur (téléphonie)
- Une diffusion à partir dun émetteur vers plusieurs
récepteurs (radio/télédiffusion) .
Une liaison sonore est dite « full-duplex » lorsque les
deux correspondants peuvent entendre et être entendus en simultané
(ou « vus » si cest une liaison vidéo)
Une liaison sonore est dite « half-duplex » lorsque
les deux correspondants peuvent entendre et être entendus, mais
pas simultanément. Cest typiquement le cas des talkies-walkies
où on ne peut pas entendre quand on parle.
Par définition une diffusion est « simplex », cest-à-dire
que linformation ne va que dans un seul sens. Le media de transmission
de linformation (câbles, fibres optiques, ondes Hertziennes,
satellites) est appelé le canal de transmission. Le passage
de linformation dans le canal de transmission nécessite
une opération de conversion préalable qui sappelle
le codage de canal. Cette opération consiste soit à
transmettre simultanément plusieurs signaux informatifs sur
un seul canal (multiplexage) soit à adapter une information
au canal de transmission (Modulations damplitude, de fréquence
et de phase)
La téléphonie telle que nous la connaissons repose sur
les technologies de téléphonie fixe développées
depuis son invention à la fin du XIXe siècle. Le fonctionnement
du téléphone fixe est régi en France par la norme
TBR2111 de 1998, nous allons en tirer les grands principes de fonctionnement.
Cela permettra davoir un état des lieux des éléments
qui peuvent être manipulés au sein des films.
b. Les réseaux téléphoniques et Internet
Le Réseau Téléphonique Commuté12 (RTC)
repose sur le principe de connexion physique entre le canal dun
appelant et le canal dun appelé. Autrefois la commutation
était réalisée à la main par des opératrices
(« les demoiselles du téléphone »), maintenant
cela est automatisé dans des centres de commutation, hiérarchisés
par zones. En France, la communication via un standard à commutation
manuelle a disparu depuis le milieu des années 70. La liaison
entre deux personnes dune même région géographique
passe par un Commutateur à Autonomie dAcheminement (CAA).
Pour un appel inter-régional, un centre de transit relie deux
CAA.
Pour un appel international, la commutation est réalisée
dans un des trois centre de transits Internationaux français.
Le téléphone numérique et Internet utilisent
de la même manière des lignes téléphoniques
qui passent par des centres de transit. Les ordinateurs utilisent
des modems pour adapter les données informatiques au réseau
téléphonique. Il n y a pas de « magie de
linternet » comme certains pourraient le croire. Faire
une recherche sur Google ce nest ni plus ni moins quenvoyer
une requête codée à travers des câbles pour
atteindre un serveur situé aux USA, qui renverra à son
tour un code... On aurait tendance à loublier mais les
bits traversent bien l'atlantique chaque fois que lon va sur
un site hébergé aux USA ! Dailleurs il est intéressant
de constater que Lannion en Bretagne, ville historique des radiocommunications,
est aujourdhui un grand centre stratégique mondial, et
pour cause :
cest là doù partent la majorité des
câbles de télécommunications sous-marins qui relient
l'Amérique du Nord à lEurope.
3. Le protocole dappel
a. Opérations de mise en relation avec un correspondant
Avant que deux téléphones soient mis en relation, il
y a une série dopérations de réseau qui
structure lensemble des communications téléphoniques.
Nous les pratiquons au quotidien sans même y penser. Nous avons
jugé bon de les rappeler et de les détailler. Toute
la
description qui va suivre, pourra servir de référence
pour situer les actions des personnages de films dans le processus
dappel téléphonique et éventuellement de
respecter les normes en vigueur dans un pays ou à une époque
donnée.
Etudions maintenant phase par phase les implications contextuelles
et sonores de ce schéma et pour commencer ce quil est
nécessaire de disposer avant de passer un appel : le numéro
de téléphone.
b. Petite histoire des numéros de téléphone
Le numéro de téléphone est un code qui permet
lors de la numérotation de sadresser aux différents
commutateurs qui nous mettrons en relation avec la personne souhaitée.
Avec ce système à 10 chiffres adopté depuis 1996,
il y a 300 millions de numéros possibles (sans compter les
numéros en 09 dédiés aux concurrents de France
Télécom). Lobligation de numéros à
8 chiffres a été en vigueur de 1985 à 1996.
En 2010, pour palier à linsuffisance des 100 millions
de numéros de portable commençant par 06, un 07 a été
ajouté. La course aux chiffres ne semble pas devoir se terminer
de sitôt puisque lARCEP, lautorité régulatrice
du plan de numérotation français qui avait dabord
estimé que les 07 suffiraient pour 10 ans, a revu leur estimation
à 4 ans. Cela sexplique par lessor récent
des communications M2M15. Dici à 2014, il est prévu
que nous passions directement à 14 chiffres pour les téléphones
portables.
c. Les différents types de numérotation
La Numérotation décimale par impulsions
A lépoque des téléphones à cadran
rotatif, le numéro à appeler était codé
par des impulsions électriques de durées différentes
selon la position du nombre sur le disque. Ainsi pour coder un «
1 », il y avait 100 ms dimpulsions, un « 2 »
200ms et jusquà une 1s pour le « 0 ». Entre
chaque il fallait attendre 200 ms soit au total une bonne vingtaine
de seconde pour composer un numéro ! Ce système peut
encore fonctionner sur les lignes mais il est complètement
désuet.
Numérotation par fréquence vocale ou DTMF ( Dual Tone
Multi Frequency )
Le DTMF est le procédé de numérotation bien connu
qui joue une « mélodie » lorsquon tape sur
les touches du combiné. Cest un codage de canal normalisé
qui consiste à envoyer sur le réseau un signal électrique
de fréquence compris entre 300 Hz et 3400 Hz. A chaque sur
la touche, la fréquence est jouée. Le problème
qui sest posé lors de la conception de ce procédé
est que le microphone de combiné étant actif lors de
la numérotation, il se pouvait quune fréquence
présente dans lenvironnement extérieur vienne
polluer le codage (par exemple quelquun siffle une note à
la bonne fréquence juste à coté du téléphone).
Pour remédier à cela, chaque nombre a été
codé par une combinaison de 2 fréquences que lon
juge impossible à exister naturellement dans le milieu extérieur
(les fréquences ne sont pas premières entre elles).
De plus, lors dun appui erroné sur 2 touches en même
temps, il est impossible que la somme ou la différence des
deux fréquences fabrique16 la fréquence dune
autre touche. Sur le clavier du téléphone, en appuyant
sur une touche, on émet les deux tonalités correspondant
à lintersection de laxe horizontal et de laxe
vertical.
Exemple : lorsquon appuie sur la touche 5 du combiné,
on entend un mélange 770 Hz et 1336 Hz et un signal électrique
composé de ces fréquences est envoyé au centre
de transit.
4. Caractéristiques techniques des tonalités
Dans les films on entend souvent des tonalités qui correspondent
à des moments où les personnages attendent une réponse
de leur correspondant. Nous allons voir comment sont fabriqués
ces différentes tonalités selon les pays, puisquil
ny a pas de normalisation à léchelle mondiale.
Cette section pourra notamment intéresser les monteurs son
désireux de reproduire avec réalisme des séquences
dappels téléphoniques.
Les caractéristiques techniques des tonalités sur le
réseau France Télécom sont données selon
un document : « Spécifications techniques dinterface
: sonneries, tonalités et numérotation sur les ligne
téléphoniques analogiques» Elle sert de cahier
des charges aux constructeurs de téléphones. Les données
pour les pays étrangers ont été trouvées
sur Wikipédia où les tolérances nétaient
pas indiquées. Pour ce qui est de la France, voici les tolérances
données par France Télécom.
- Les fréquences sont données à +/- 2 Hz
- Les cadencements sont donnés à +/- 10 %
- La distorsion globale due à chaque fréquence est inférieur
à 1,5 %
- Les 2 premiers harmoniques de chaque fréquence ont une distorsion
inférieure à 1 %
- Les niveaux démission sont donnés à +/-
0.5 dBm0
5. Caractéristiques techniques des sonneries
a. Le cadencement des sonneries
Les postes reçoivent en permanence une tension continue de
48 V depuis le centre de transit.
Pour activer la sonnerie, le centre envoie en superposition un signal
sinusoïdal de fréquence 50 Hz et de tension de 50 à
80 V efficaces par cadences de 2 secondes suivies par 4 secondes de
silence. En général ces boucles durent pendant 1 minute
si personne ne décroche soit
environ 10 boucles au total. Pour les téléphones dont
les sonneries sont personnalisables,
lappareil récupère le front montant de la cadence
et lance sa sonnerie intrinsèque, il est parfois possible de
régler le nombre de boucles avant lextinction de la sonnerie.
Sur les anciens téléphones, la tension de 80 V à
50 Hz alimentait un moteur grâce auquel un «marteau »
venait percuter une cloche. Maintenant cest un haut-parleur
indépendant du haut-parleur découte qui génère
la sonnerie.
En France et USA, 2 s ON / 4 s OFF .
b. Le niveau des sonneries
Dans la suite nous utiliserons les niveaux sonores en décibels
pondérés avec la courbe A (dB(A)) qui sont des niveaux
sonores prenant en compte la courbe de réponse du système
auditif humain aux faibles niveaux. Dans un environnement courant
la sonnerie du téléphone est perçue aux alentours
de 70 dB(A) selon lendroit où on se trouve dans lespace,
un niveau sonore suffisamment fort pour couvrir la voix (qui est environ
de 50 dB(A) pour une discussion entre deux personnes séparées
dun mètre. Ce niveau permet à la sonnerie de se
répandre dans un espace domestique classique (entre 30 m2 et
200 m2) sans quil soit noyé dans le bruit de fond ambiant
qui peut culminer dans les villes à un maximum de 45 dB(A).
c. Les différents types de sonnerie
Larrivée des téléphones mobiles a été
accompagnée de la personnalisation des sonneries, ainsi elles
sont devenues non seulement des signaux dalerte mais aussi un
moyen de montrer ses goûts musicaux, son humour et par là
dévoiler une part de son identité. Cette tendance sest
aussi étendue aux téléphones fixes. Le signal
dalerte téléphonique sest agrémenté
depuis quelques années du mode vibreur proposé sur les
téléphones portables.
Sensé être une alerte sensorielle plus que sonore, le
vibreur entrant la plupart du temps en contact avec un matériau
solide (une table par exemple), a de fait pris une place importante
dans le paysage sonore de la téléphonie.
6. Technologie sonore pour les conversations téléphoniques.
a. Les microphones à charbon et les haut-parleurs
Historiquement, les micros utilisés dans les téléphones
sont des micros à charbon. La technologie consiste en une capsule
de granules de charbon tenues entre 2 électrodes métalliques,
les granules de charbon jouent le rôle dune résistance
électrique. Quand ces granules de charbon sont soumis à
londe sonore émise par la voix, leur géométrie
change et la résistance électrique aussi, ce qui permet
de réaliser une transduction dune énergie sonore
à une énergie électrique. Leur réponse
en fréquence est relativement médiocre puisquelle
est comprise entre 200 Hz à 3500 Hz. Ce type de micro était
beaucoup utilisé jusque dans les années 50 à
la radio ou dans les films. Les voix des films des années 30
à 60 ressemblent
dailleurs aux voix filtrées que lon entend dans
nos téléphones. Quand il y a des séquences de
téléphone dans les films anciens, la différence
entre le timbre des voix filtrées et des voix normales est
moins flagrant que dans les films actuels.
Les haut-parleurs embarqués sur les téléphones
fixes sont calqués sur la qualité médiocre des
microphones avec une bande passante guère plus large (en général
200 Hz - 5 kHz). Tout comme les microphones, ils ont un taux de distorsion
important malgré leur petite puissance. Tout cela fait du téléphone,
un système audio de bien mauvaise qualité. Mais le but
nest pas là...Limportant est de transmettre le
message porté par la voix. Avec la bande passante de 300 Hz
à 3400 Hz des micros à charbon, même si certains
détails fins disparaissent en chemin, la voix avec son flot
de messages et démotions nous parvient sans problème.
Malgré lévolution des microphones (dynamiques,
piezzo) et haut-parleurs de téléphones, le passage au
numérique, la médiocrité des communications téléphonique
demeure : la qualité sonore des voix téléphonique
nest pas si éloignée des années 1960.
Ceci est du à la norme G 771 qui a été adoptée
lors du passage à la téléphonie numérique.
c. Lavenir des communications téléphoniques
Les systèmes de téléphonie sur smartphone utilisent
maintenant le réseau internet pour transiter la voix et non
les réseaux cellulaires (pas dantennes relais). Cest
comme si deux ordinateurs étaient reliés entre eux par
internet et quils échangeait un flux sonore plutôt
que des e-mails. Ils utilisent le protocole VoIP (Voice Over Internet
Protocol) en associant des adresses IP aux téléphones.
Cette technologie à lavantage de permettre des débits
beaucoup plus grand quen téléphonie cellulaire.
Cela a permis la création de la norme G.722 qui propose une
bande passante « haute définition » pour la voix
: 50 - 7000 Hz au lieu de 300 - 3400 Hz avec la norme G.771. Si cette
technologie se démocratisait, cela pourrait changer
lidée de son téléphonique filtré
quutilise le cinéma pour distinguer les interlocuteurs
de part et dautre de la ligne.
Une autre technologie qui est encore à l'état embryonnaire
pourrait se répandre dici quelques années. Il
sagit de la technologie Mesh22 ou « maillage ».
Cest un système complètement gratuit (pas dopérateur
téléphone ni internet) à condition de disposer
dun téléphone avec un émetteur Wifi (tous
les smartphones). Des téléphones sont reliés
entre eux par Wifi donc si le maillage spatial est suffisamment dense,
de proche en proche il est possible de joindre quelquun qui
est loin. Ce système pourrait particulièrement bien
fonctionner dans les villes
où la densité de téléphone est forte.
Nous venons de voir comment les conversations téléphoniques
étaient construites et comment le son était traité
à travers la télécommunication. Il est maintenant
légitime de se demander, dans loptique de la création
dun film où lon cherche à reconstruire des
éléments de réalité, quels sont les outils
et les techniques de resynthèse du son téléphonique
en général, et des conversations en particulier.
Les prises de son : Reconstruction des conversations
téléphoniques
Selon les exigences des réalisateurs, il est possible de reconstruire
les sons des conversations avec différents degrés de
réalisme. Mais comment obtenir le son de téléphone
le plus réaliste possible ?
Une volonté de réalisme ce conçoit dès
le tournage, nous commencerons donc par recenser les techniques denregistrement
du son lors des tournages de séquences téléphoniques
pour voir ensuite ce qui peut être fait de la matière
enregistrée durant les phases de post-production.
Comment enregistrer une conversation téléphonique en
tournage ?
On serait en mesure despérer que le choix du dispositif
de tournage dépend de ce quil a été décidé
de montrer ou dentendre dans le scénario. En général,
au moment du tournage le but est de capter le plus de matière
possible, en sachant quil est toujours plus simple den
supprimer en post-production que den ajouter (post-synchronisation).
Les remarques qui vont suivre ne sont issues daucun ouvrage,
elles sont basées sur des expériences et sur les entretiens
avec des ingénieurs du son. On peut considérer quil
y a deux grandes catégories de dispositif de tournage avec
téléphones :
- Les 2 acteurs jouent leur dialogue ensemble
- Il y a 1 seul acteur qui joue
a. Les 2 acteurs jouent leur dialogue ensemble
Le cas où les deux acteurs jouent ensemble ne signifie pas
nécessairement que les deux acteurs sont filmés, lun
des deux peut simplement donner la réplique à lautre.
Faire jouer les 2 acteurs en même temps permet de conserver
laspect naturel et intuitif du dialogue téléphonique.
Dans la description qui va suivre, nous utiliserons par simplification
le terme «perché » qui signifie « enregistré
avec un microphone monté sur une perche » Au sein de
cette catégorie, il y a plusieurs dispositifs possibles :
- Les deux acteurs sont filmés et perchés.
- Un acteur est filmé et perché, son interlocuteur est
seulement perché.
- Un acteur est filmé et perché, son interlocuteur donne
simplement la réplique.
Le premier cas est très rare, il peut être utilisé
pour des séquences destinées au split-screen.
Il est compliqué à mettre en uvre : il faut 2
caméras filmant les 2 acteurs dans 2 décors différents,
le tout en parfaite synchronisation.
Soit les 2 décors sont installés sur un même plateau
ce qui permet aux deux acteurs de sentendre de vive-voix malgré
quils feignent de sentendre par le combiné. Ce
cas ne protège pas des risques de chevauchements qui empêchent
de capter proprement les sons non vocaux de la personne qui est en
train découter.
Soit ils sont dans 2 locaux éloignés ce qui nécessite
quil y ait un système audio pour quils sentendent
: un téléphone fixe ou système doreillette
sans fil. Lusage du portable en tournage est proscris à
cause des interférences audibles quil génère.
Le deuxième cas est similaire au premier pour ce qui est du
chevauchement et de la nécessité déloignement
des interlocuteurs. Dans ce deuxième cas la voix de lacteur
qui nest pas filmé est aussi enregistrée. Ce type
de dispositif a deux buts :
- Aider le personnage qui est filmé en lui donnant la réplique.
- Dans le cas dune conversation où lon ne voit
que celui qui est filmé, cela permet davoir directement
la voix de son interlocuteur pour en faire un son avec effet téléphone
en mixage (filtrage).
Cette voix peut être une voix témoin cest-à-dire
quelle sera refaite en post-production.
Souvent ce nest pas le bon acteur qui a enregistré la
voix mais un assistant réalisateur (pour donner la réplique).
Lavantage de la voix témoin enregistrée est davoir
une référence pour réenregistrer par la suite.
Le troisième cas est similaire au premier et au deuxième
pour ce qui est du chevauchement et
de la nécessité déloignement des interlocuteurs.
La personne qui donne la réplique, acteur ou
non nest pas enregistré. Cela peut signifier que ce nest
pas prévu quon entende
linterlocuteur dans le résultat fini.
b. Un seul acteur joue le dialogue
Voyons maintenant la deuxième grande catégorie de dispositifs
de tournage. Là encore il y plusieurs possibilités :
- Lacteur doit imaginer les répliques dun interlocuteur
quil nentend pas.
- Lacteur qui est filmé entend dans son combiné
ou dans une oreillette un enregistrement préalable des répliques
de son interlocuteur.
Il est difficile dutiliser le premier dispositif pour le tournage
en champ/contrechamp puisque la personne filmée ne connait
pas la durée exacte des paroles de son interlocuteur.
Même sil connait par cur le minutage de chaque parole
de son interlocuteur, il faut être un très bon acteur
pour donner ses répliques naturellement en labsence de
réponses. Le montage alterné permet de corriger un éventuel
mauvais rythme denchaînement des répliques. Si
au
contraire les paroles de son interlocuteur ne sont pas vouées
à être entendue, il ny pas problème, il
peut faire durer les périodes de silences et de paroles comme
il le souhaite.
Le deuxième cas est fréquent pour le tournage en champ
/ contrechamp. La méthodologie est la suivante. La voix de
celui qui nest pas filmé est enregistrée préalablement
en son seul sur le magnétophone de lingénieur
du son ou avec loption Dictaphone dun smartphone. Si lacteur
filmé doit téléphoner avec un portable, il a
juste a lancer la lecture de lenregistrement sur le Dictaphone.
Si lacteur filmé doit téléphoner avec
un fixe, lingénieur du son peut lui envoyer en playback26
la sortie du magnétophone soit par le biais dune oreillette
sans fil, soit directement dans le combiné à travers
un insert téléphonique ou un bricolage similaire. Si
le plan « champ » du champ/contrechamp a déjà
été filmé, il est aussi possible denvoyer
la prise de son qui a été faite en playback à
lacteur qui est filmé en contrechamp.
Nous navons pas encore mentionné les techniques de prise
de son. Il ny a en fait, rien de spécial. Cest
la complexité du dispositif qui fait la particularité
de ce type de tournage.
Sauf volonté particulière, le microphone de perche est
au plus proche de la bouche de lacteur. Il a déjà
été imaginé dutiliser directement le microphone
du téléphone pour enregistrer la voix dun personnage
ou à lépoque des premiers téléphones
portables2 de cacher un micro-
cravate et un émetteur HF dans le corps du téléphone.
Si les ingénieurs du son sont sûrs que la voix enregistrée
est destinée à être filtrée, il peuvent
se permettre de réaliser un premier traitement fréquentiel
dès la prise de son ce qui permettra davoir une idée
du rendu dès la relecture et la projection des rushs. Dans
tous les cas, le travail de la voix filtrée traduisant «leffet
téléphone » nest pas la priorité
des ingénieurs du son de tournage, cette tâche bien spécifique
est traditionnellement un travail réalisé par les mixeurs
et de plus en plus par les monteurs sons.
Comment fabriquer une voix téléphonique
?
Le premier constat est que le filtrage des voix nest pas systématique
dans les conversations téléphoniques.
En fonction de la construction qui a été choisie au
montage, on voit soit un seul interlocuteur soit les deux. Quand on
voit les deux, il y a de fortes chances dentendre au moins une
voix filtrée, quand on voit quun seul personnage il y
a de fortes chances pour quon entende jamais son interlocuteur
(donc pas du tout de filtrage). Si on entend une voix filtrée,
ce nest pas dit quelle le reste tout au long de la conversation
et en particulier quand le sens de ce qui est dit devient trop important,
il arrive que le filtrage soit supprimé à la faveur
dun point de montage.
Le deuxième constat est, comme nous le verrons dans la troisième
partie, ladoption quasiment systématique du point découte
subjectif de la personne que nous voyons à limage.
En effet quand, à travers la caméra, nous avons limpression
de nous trouver à deux mètres dune personne au
téléphone, nous pouvons entendre et comprendre ce qui
est dit dans le combiné, alors quen situation réelle
cest tout à fait impossible. Nous entendons « à
travers les oreilles » de cette personne : cest un point
découte subjectif.
Alors la question se pose de savoir quels sont les traitements que
lon applique pour obtenir une voix qui donne la sensation au
spectateur dêtre « passée par un téléphone
».Ya til des traitements qui sont particulièrement
adaptés à des situations narratives données ?
Quel équilibre faut il faire entre désir de réalisme
et intelligibilité de la voix ?
a.La méthode des traitements audio successifs
En interrogeant certains mixeurs sur leur pratique du filtrage des
voix téléphoniques, nous avons vérifié
ce que nous pensions déjà : à savoir quil
ny a pas de règle générale si ce nest
celle dune écoute très attentive du timbre et
des modifications apportées par les outils de traitements.
La règle est de toujours privilégier, si le film limpose,
la bonne compréhension des paroles sur leffet de réalisme.
Dans la suite nous ne prétendrons pas donner une solution adéquate
de filtrage mais seulement évoquer les étapes nécessaires
à la conception dune voix filtrée crédible
; les mixeurs auront toujours des pratiques personnelles à
proposer. Traitement fréquentiel
Le traitement fréquentiel est le traitement qui participe le
plus à la sensation d « effet téléphone
». En général le filtrage de la voix correspond
à la bande passante de la voix telle quon lentend
dans un combiné : 300 Hz - 3400 Hz. Les systèmes de
prise de son actuels permettent une bande passante égale à
celle de laudible de 20 Hz - 20 kHz. Cela signifie que les mixeurs
doivent supprimer une bonne partie du signal dans les graves, et quasiment
tout dans les aigus avec des filtres coupe-haut et coupe-bas. Contrairement
au traitement habituel de la voix, lutilisation de filtres avec
une forte pente peut ici être un avantage puisquils apportent
des distorsions que lon retrouvent aussi dans le son du téléphone.
En plus du
traitement global qui fabrique leffet, il est possible de relever
certaines zones fréquentiellespour apporter une coloration.
Tous ces réglages dépendent bien sûr de la prise
de son originale, qui peut déjà comporter une coloration
(choix des micros, distance de prise de son) et du type de téléphone
que le personnage utilise : on ne fera pas un son similaire pour un
téléphone en Bakélite des années 50 et
un smartphone nouvelle génération. La coloration de
la voix peut signifier une intention narrative : pour caricaturer,
une voix ronde apporterait de la chaleur et un certain confort découte
(séduction) alors quune voix aiguë, donc plus agressive
traduirait une impatience ou un énervement.
Notons un détail amusant ; en mixage classique, pour procurer
la sensation déloignement dun son, il y a trois
solutions possibles et combinables : baisser son niveau, ajouter de
la réverbération pour faire jouer lespace qui
lentoure et enfin, comme pour la voix téléphonique,
le filtrer en supprimant les fréquences graves et aigus. Au
final le filtrage de la voix revient à placer linterlocuteur
à sa position géographique originelle ; cest-à-dire
loin, comme si une trop grande proximité sonore était
gênante puisquil est physiquement loin ! Et pourtant,
le filtrage bien est une contrainte technique de la téléphonie
(bande passante des charbons, débit limité) et non une
règle de bienséance. Traitement dynamique
Le codage numérique de la voix, en plus de la réduction
de débit quil permet, apporte une forte compression de
dynamique. Pour reproduire cet effet il faut appliquer sur la voix
laction combinée dun expander qui va amortir les
bas niveaux et dun compresseur qui va limiter les forts niveaux.
Concernant le réglage des paramètres (ratio, threshold)
de ces outils nous pouvons dire quils sont très forts
pour accentuer leffet, mais quil faut avant tout voir
au cas par cas. La conséquence de lutilisation de lexpander
est dabaisser le bruit de fond et les bas niveaux ce qui coupe
linterlocuteur de certaines actions qui se déroulent
à lautre bout du fil (par exemple quelquun qui
parle à voix basse à linterlocuteur ne sera pas
forcément entendue). La conséquence de lutilisation
du compresseur est par exemple de « sous-évaluer »
le niveau de voix dun interlocuteur qui se mettrait à
crier et qui serait dailleurs saturé. Bien que nous nayons
pas déléments sur cette question, nous pensons
quil pourrait être efficace de travailler avec des expanders
/ compresseurs multi-bandes pour accentuer le traitement dynamique
des bas médiums par
rapport aux hauts médiums. Ajout de distorsions
La mauvaise qualité des microphones et des amplificateurs utilisés
dans les téléphones apporte beaucoup plus de distorsion
quun système de prise de son moderne ; il est donc légitime
dajouter de la distorsion harmonique pour fabriquer une voix
téléphonique. Il existe de nombreux plug-in qui réalisent
des opérations dajout de distorsion. En se référent
au codage de la norme G.771, on peut terminer la chaine des traitements
audionumériques en convertissant le son de la voix en 8 bits
pour accentuer leffet « basse définition » Speakerphone : la méthode tout-en-un
La méthode qui est la plus rapide et qui sapproche grandement
de la réalité acoustique des conversations téléphoniques
est sans doute la technologie des réponses impulsionnelles
de téléphones disponible dans le plug-in Speakerphone
de chez Audioease. Les réponses impulsionnelles
La technique dempreinte sonore par réponse impulsionnelle
consiste à obtenir la réponse dun système
sonore (une pièce, un haut-parleur ou un microphone) à
un signal de référence impulsionnel (Dirac, coup de
feu, etc.) Ensuite par une opération mathématique dite
de produit de convolution entre la réponse obtenue et un signal
quelconque, on peut simuler le comportement du signal à travers
le système. Au Cinéma, cette technique est beaucoup
utilisée pour capter lempreinte sonore dun espace
(sa réverbération) et lappliquer sur la voix des
acteurs. Cela permet d ancrer un peu plus les personnages dans
le décor. AudioEase et sa réverbération à
convolution Altiverb est à lheure actuelle le leader
du domaine. LAltiverb propose une liste de réponses impulsionnelles
correspondant à des espaces standards tels que des studios
de musique, des églises ou des forêts. LAltiverb
propose également à ses utilisateurs denregistrer
eux-mêmes des réponses impulsionnelles dans des lieux
de leur choix selon un protocole denregistrement clairement
identifié (choix des haut-parleurs, disposition des micros,
etc.). Un catalogue de téléphones de toutes les époques Speakerphone (speakerphone pouvant être traduit
par haut-parleur de téléphone) repose sur le principe
de réponses impulsionnelles appliquées à des
téléphones et à des systèmes de télécommunications
(talkies-walkies, CB, interphones). Speakerphone permet à ses
utilisateurs de simuler nimporte quel son de leur choix (souvent
une voix) à travers un téléphone. Il y a un catalogue
de plus de 100 appareils : du téléphone à manivelle
de 1910 jusquau plus récent téléphone portable.
Les ingénieurs de chez AudioEase sont allés au musée
des télécommunications de La Hague aux Pays-Bas pour
procéder à des enregistrements de réponses impulsionnelles
de chaque téléphone. Lempreinte dun téléphone
est en fait constituée de lempreinte de son microphone
et de lempreinte de son haut-parleur, celle du microphone étant
plus caractéristique du son total. Pour lempreinte dun
microphone il faut diffuser un signal test avec un haut-parleur très
précis et enregistrer le signal électrique en sortie
du microphone ou de lamplificateur. Pour lempreinte du
haut-parleur, il faut faire linverse cest-à-dire
envoyer un signal électrique test dans le haut-parleur
et enregistrer le son avec des microphones très précis.
Speakerphone intègre aussi des options de Sound Design qui
permettent de simuler des problèmes de connexion pour les portables
ou daltération du signal. La pratique de speakerphone
a montré que cétait un gain de temps considérable
pour les mixeurs qui en ont souvent peu. Elle a aussi montré
la tendance des utilisateurs à utiliser des téléphones
très anciens pour traiter des conversations modernes ; il semblerait
que les téléphones actuels nont pas une empreinte
sonore suffisamment caractéristique pour jouer pleinement «
leffet téléphone » ancré dans nos
imaginaires collectifs. Nous pouvons reprocher au Speakerphone davoir
uniformisé les voix téléphoniques par simplification
de réalisation, là où les mixeurs
davant avaient leurs secrets de fabrication. Comment mixer les voix filtrées par rapport aux voix
normales ?
Là encore il ny a pas de situation réelle sur
laquelle se référer ; comme on la dit plus haut
le point découte nest souvent pas en accord avec
le point de vue. Faire preuve de réalisme serait ne jamais
entendre ce quune personne écoute au téléphone.
Mixer la voix filtrée a un niveau légèrement
inférieur aux paroles parait correcte si on convient dadopter
le point découte subjectif : quand on est au téléphone,
la voix que lon entend dans le combiné est en général
un peu moins forte que la nôtre. Mais il y a des cas où
la voix filtrée peut être plus forte que la voix parlée.
Le plus simple est sans doute de mixer selon ses sensations et les
desirata des réalisateurs.
Le sound design des perturbations sonores au téléphone
La téléphonie est accompagnée dun ensemble
de sons spéciaux. Les tonalités et les sonneries peuvent
être des sons seuls ajoutés lors du montage son. Les
ingénieurs du son de tournage enregistrent souvent les sonneries
des téléphones qui ont servi en tournage. Quant aux
tonalités, on les trouve en sonothèque ou on peut les
fabriquer soi-même comme cest indiqué dans la partie
« caractéristiques techniques des tonalités »
de cette partie.
Au sein du thème sonore des perturbations téléphoniques,
il y a classiquement les interférences provoquées par
les mobiles (bip bip bip), les interruptions longues de conversation
(plusieurs secondes dans un tunnel par exemple), les interruptions
courtes et saccadées, les altérations de la voix qui
varient dans le temps. Les interruptions sont simplement réalisées
en pratiquant des coupes dans la voix, quant aux altérations,
elles
peuvent être réalisées avec des outils de traitement
utilisé en « live32 » ou avec Speakerphone qui
propose notamment le module Telecom Liquid.
Il faut aussi considérer les cas où les perturbations
ne sont pas dues au système de télécommunication
mais à une pollution sonore venue de lextérieur
: cest souvent le cas depuis larrivée du portable
et les gênes de la voie publique (sonnerie de métro,
accélération dun bus, camion-poubelle). Remarquons
quil est rarement choisi de mettre en scène ce genre
dactions, surement parce que les ingénieurs du son de
tournage tiennent à préserver un relatif silence sur
le plateau de tournage pour assurer la compréhension des dialogues
(quitte à les « salir » plus tard).
Mais la réussite de ce genre de séquence dépend
surtout de la façon dont le scénario prévoit
dintégrer ces interruptions et altérations. Dans
son article33, Julien Morel rappelle que dès quil y a
une perturbation sonore dans une conversation téléphonique,
les interlocuteurs ont des réactions particulières et
en font un sujet de conversation « cétait quoi
ce bruit ?» ou même sil téléphonent
avec un portable, nhésitent pas à se déplacer
pour obtenir une meilleure connexion. Les séquences de perturbations
au téléphone sont un difficile à réaliser
dans la mesure où dès lécriture et le tournage
il faut anticiper les traitements qui pourront être faits en
post-production.
Nous avons vu de quelle manière se composait lunivers
sonore de la téléphonie et la façon dont il était
possible de le reconstituer dans les films, nous allons maintenant
voir par quels ressorts le téléphone simpose comme
un objet cinématographique à part entière.
! Les grands figures dramaturgiques que nous venons de voir se retrouvent
largement
dans les films, cest simplement la mise en forme qui prend une
allure différente. Ce qui
sépare le cinéma et le théâtre tient dans
la relation entre l'acteur et le public. En effet, le
théâtre permet de jouer en direct et d'avoir une réaction
du public instantanée et interactive.
1. Rendre proche ce qui est loin a. Pouvoirs dubiquité
La fonction première du téléphone réside
dans son étymologie : « télé » qui
désigne «à distance » et « phonie
» qui exprime le transit dune information par le média
sonore. Le téléphone cest donc lobjet qui
véhicule des informations sonores venues de loin. La distance
que désigne le « télé » est a priori
sans limite, il permet de glisser des mots dans le creux de loreille
à quelquun qui se trouve à lautre bout du
monde comme à un voisin. Ainsi nos «proches » même
sils sont géographiquement loin demeurent proches grâce
à labrogation des distances permise par la téléphonie.
Cest ce qui nous faire dire que le téléphone a
un pouvoir dubiquité : une personne au téléphone
se trouve à la fois chez elle et un peu chez la personne quelle
appelle, au moins par le biais du media sonore. Le cinéma nest-il
pas pour sa part un exemple dubiquité ? Il lest
au moins de deux façons ; dabord parce que regarder un
film cest à la fois être dans une salle de cinéma
et par projection dans les lieux où se trouvent les acteurs.
Ensuite parce que le cinéma peut rapprocher, au moins symboliquement,
des endroits géographiquement très éloignés
en les montrant à la suite. Ainsi quand le cinéma cite
le téléphone, il cite un procédé proche
de son fonctionnement intrinsèque. b. Une proximité toute relative
Le fait dentendre une voix sans en voir le corps déroge
à la sensation naturelle qui ne sépare pas le son de
la représentation visuelle, quand on entend une voix désincarnée,
on cherche à imaginer le corps et la personne qui va avec,
et si limage ne nous le donne pas, il y a une sensation de déséquilibre
qui crée une attente, une soif de voir. Qui na pas déjà
été surpris en rencontrant une personne quil avait
jusqualors seulement entendue ? Entendre sans voir ce nest
pas comme entendre en voyant. Les gestes et les expressions du visage
qui accompagnent en temps normal la parole ne sont pas là pour
nous informer de tous les détails du message. Dans une conversation
en face-à-face les gestes jouent pour plus de 50 % dans la
perception du message. De plus la bande passante réduite de
la communication téléphonique tronque une part de la
vérité sur son chemin : la voix est déformée,
parfois incompréhensible. c. A la recherche dun corps perdu
Les films où lintrigue repose sur la recherche didentité
dun personnage connu seulement par sa voix au téléphone
sont nombreux. Cest notamment le cas des films dhorreurs
où des thrillers : When a stranger calls, Scream, Scary Movie.
Dans Le regard et la voix, Pascal Bonitzer rappelle que la disjonction
entre une voix qui traverse lespace et un corps qui reste où
il est, constitue une figure fondamentale du suspens. De la même
manière les appels téléphoniques peuvent cultiver/entretenir
larlésienne en mettant en scène une situation
attendue de tous qui ne se produira pas ou qui sera sans cesse repoussée.
Dans le film When A Stanger Calls, lhistoire repose sur la croyance
que ce qui provient du téléphone
est nécessairement loin. Une jeune baby-sitter en train de
garder des enfants reçoit des appels menaçants dun
inconnu. Par réflexe de protection, elle sempresse de
verrouiller toutes les issues de la maison (nombreux plans dinsert
sur des verrous qui se ferment), avant quon apprenne que lagresseur
se trouve à lintérieur.
2. Le téléphone : un personnage incontournable a. La personnification du téléphone
Malgré ses imperfections, le téléphone est un
objet qui est souvent utilisé dans les films comme un prolongement
des interlocuteurs quil permet de joindre, au point de lui conférer
le rôle dun personnage à part entière. Cest
parfois un personnage clairement assumé comme dans le film
français Hellphone64 où un adolescent voit son téléphone
se personnifier et lui confier des super-pouvoirs. Le téléphone
est en fait une extension matérielle
des interlocuteurs qui sont à distance : une sorte davatar.
Il y a plusieurs raisons qui font du téléphone un personnage,
tout dabord le fait quil peut sonner à nimporte
quel moment et venir interrompre une situation dans laquelle les acteurs
comme les spectateurs sétaient installés, la sonnerie
du téléphone a un pouvoir dalerte quasiment religieux,
comme lappel à la prière du muezzin qui fait cesser
toute activité des fidèles. Dans les films, contrairement
à la réalité, il est très rare que les
personnages dont on suit les péripéties décident
de ne pas répondre à un téléphone qui
sonne, peut être que cela représenterait un mystère
trop insupportable pour le spectateur. Le téléphone
a ses humeurs, il sonne au beau milieu de la
nuit, il sonne sans quon sy attende, il vient déranger
une action cruciale. Ce qui démarque le téléphone
des objets de la panoplie daccessoires du cinéma, cest
quil est visuel et sonore et quil constitue une source
dembûches idéale pour les scénaristes. Si
on prend pour acquis que le téléphone à des comportements
proches de celui des hommes, alors quels grands comportements peut-on
observer à travers les films ? Y-a-t-il des fonctions symptomatiques
du téléphone qui reviennent majoritairement ? Appels
de menace, appels sentimentaux, appels de diversion, erreurs dappel,
appels de mensonge : autant de situations dramaturgiques présentes
dans les films, là où dans la vraie vie nous nous contentons
en général dappels informatifs. b. Le sésame du numéro de téléphone
Le seul élément qui sépare deux individus qui
ne se connaissent pas et qui se trouvent à deux endroits de
la terre est finalement leur numéro de téléphone.
Un code qui donne accès à une identité (surtout
depuis larrivée du téléphone mobile). Parfois
labsence de numéro de téléphone conduit
les personnages dans une impasse, avoir un téléphone
mais pas le bon numéro, cest comme avoir un coffre-fort
sans code pour louvrir. Dans Cellular, Kim Basinger retenue
en otage na quun téléphone, que les ravisseurs
pensent détruit. Pour contacter quelquun, elle parvient
à composer un numéro en trafiquant les câbles
du téléphone, celui dun inconnu qui tentera de
lui venir en aide. Pour lanecdote, dans les films
américains, une législation spécifique oblige
les scénaristes et réalisateurs à utiliser le
préfixe 555 avant les numéros de téléphones
afin déviter que des personnes soient dérangées
si leur numéro apparaissait fortuitement dans un film. La plupart
du temps les numéros sont compris entre 555-100 et 555-199.
En France, il ny a pas de pareille règle et après
la sortie du film Bellamy, un homme dont le numéro de mobile
apparaissait dans le film a porté plainte contre le réalisateur,
suite à de nombreux appels anonymes. Depuis, dans les séries
françaises, les numéros sont factices utilisant 8 ou
12 chiffres et non 10, ou bien ce sont des numéros achetés
aux opérateurs pour loccasion. Dans certaines séries
américaines, les numéros des
personnages renvoient en réalité vers le lien commercial
dun sponsor.
Pour voir quels sont les usages du téléphone dans les
films, il est bon dadopter le point de vue chronologique. Les
évolutions techniques nont cessé de suggérer
aux cinéastes de nouvelles situations dramatiques et de nouvelle
formules cinématographiques.
3. Lhistoire de la téléphonie au service
des films a. Le téléphone fixe
Le téléphone est devenu un objet courant de nos vies
et dans la plupart des films montrer des conversations téléphoniques
nest que le reflet dun habitus67. Mais aux débuts
du téléphones, cest un objet non familier et les
premiers pas ne sont pas évidents. Dans la série TV
historique Downtown Abbey, toutes les erreurs d'apprentissage sont
relevées : confusion entre la sonnerie du téléphone
et de la porte dentrée, confusion entre le micro et le
haut-parleur, mauvaise numérotation. A cette époque
où tout appel passe par une standardiste, de nombreuses histoires
se créent comme nous lavons vu avec les pièces
de théâtre du début du siècle. Fernand
Reynaud dans son sketch Le 22 à Asnières relève
labsurdité de la mondialisation en marche des communications.
Alors quil est dans un bureau des PTT et quil cherche
à joindre le 22 à Asnières, tous les clients
souhaitant appeler en Amérique sont traités en priorité
dans la file dattente. Il finit par demander à appeler
un standard à New York pour quil le mettent en contact
avec Le 22 à Asnières.
Parmi les anecdotes autour du téléphone fixe, il y a
beaucoup dhistoires concernant la localisation dun malfaiteur.
En général, un agent de police doit faire parler le
malfaiteur pendant au moins 30 secondes pour le localiser et le malfaiteur,
qui nignore pas ce stratagème, raccroche au bout de 29
secondes. Avant lère du portable, certaines nouvelles
options du téléphone fixe ont ouvert de nouvelle voies
narratives, cest le cas du téléphone fixe sans
fil qui permet la mobilité aux personnages mais les cantonne
dans un rayon daction limité. La présentation
du numéro pour les appels entrants permet de choisir de décrocher
ou non alors quauparavant décrocher pouvait conduire
à toutes les surprises. b.La cabine téléphonique
Comment parler dhistoire de téléphones au cinéma
sans parler des cabines téléphoniques qui ont été
tant utilisées ? La cabine ou plus généralement
le téléphone public représente un lieu symbolique
à la croisée de la vie publique et de la vie privée.
Il y a un personnage qui se trouve dans lagitation de la rue
ou dun aéroport puis en un instant il se retrouve dans
lintimité dune conversation amicale ou amoureuse.
A cet égard il donnera un aperçu avant lheure
de l'ère du téléphone portable où environnement
extérieur et vie privée se mêlent, la mobilité
en moins. Dans Le meurtre était presque parfait, Tony Wendice,
couvert par lalibi dun diner daffaire, sabsente
un instant à la cabine téléphonique du restaurant
pour écouter en direct le meurtre de sa femme quil a
lui-même commandité. Dans limaginaire cinématographique,
la cabine est un lieu qui assure lanonymat des interlocuteurs,
les malfaiteurs sy rendent au cours de leurs cavales. Les personnes
craignant que leur ligne fixe soit écoutée par des espions
appellent dune cabine téléphonique. Dans Phone
Booth, le personnage joué par Colin Farell va dans une cabine
téléphonique pour appeler sa maîtresse de peur
que sa femme népluche les factures de son téléphone
portable. Dans LAffaire Thomas Crown, un riche homme daffaire
recrute des hommes pour commettre un hold-up : il ne leur parle que
par téléphone pour garder son identité masquée.
Parmi les anecdotes que lon retrouve souvent au cinéma
et dans les séries on pensera forcément à lhistoire
de la cabine déjà occupée alors que le personnage
doit passer un appel urgent. Cest aussi le cas dans The Phone
Booth, où le héros est contraint par son corbeau téléphonique
de rester dans la cabine malgré les insistances de gens de
lextérieur sous peine de recevoir une balle de fusil.
Dans dautres cas, le héros na plus de monnaie pour
poursuivre la conversation (Sorry wrong number), la page dannuaire
recherchée a justement été arrachée ou
bien une sonnerie de téléphone interpelle un personnage
qui marche tranquillement dans la rue. Le fort symbole visuel de la
cabine téléphonique a parfois été détourné
pour en faire une machine à remonter le temps ou une cabine
dessayage. Il existe même un film entièrement dédié
à une cabine téléphone, Mojave Phone Booth, qui
retrace lhistoire vraie dune cabine perdue en plein désert
pour des chercheurs dor c.Le téléphone portable
Comme le dit Ursula Michel dans son article paru sur slate.fr, «
Le portable a brouillé les pistes du dehors et du dedans, la
question de la localisation est devenue lenjeu majeur de nos
conversations » Le portable rajoute à lignorance
a priori de lidentité de linterlocuteur, lignorance
a priori de son lieu dappel.
Le cinéma comme les séries TV ont su jouer de la perte
de localisation quoffraient les portables. Cest le cas
des maris qui font croire à leurs femmes quils sont encore
au bureau alors quils batifolent. Certains portables proposent
même dajouter un fond sonore artificiel pour rendre limposture
crédible (rue, aéroport, voiture, bureau, etc). Larrivée
de la technologie du téléphone portable ajoute toute
une panoplie de nouveaux coups de théâtres pour les scénaristes
: perte soudaine de réseau cellulaire, passage dans un tunnel,
perte de la batterie, perte du téléphone. Dans sa thèse
sur lévolution du cinéma avec les téléphones
portables, Steven J. Putsay défend lidée que le
rôle des interlocuteurs est passé de limpuissance
causé par la fixité des téléphones à
la toute puissance permise par la mobilité des portables. Les
personnages seraient donc, passés du statut de victime à
celui dagresseur, ce qui selon Putsay a enrayé les moyens
de suspens qui ont fait du téléphone un outil très
utilisé au cinéma.
Mais cette technologie a surtout permis de communiquer plus vite et
dans nimporte quelle situation. Ces avantages s'accommodent
bien de la série télévisée 24 H Chrono
dont le parti pris est de raconter une heure dhistoire en 1
heure de programme (en réalité 45mn si on enlève
les 15 minutes de publicité aux USA). Le héros Jack
Bauer peut obtenir toutes les infos quil souhaite par le biais
de son téléphone portable. Il est sans cesse relié
à son centre de commandement (CTU). Le téléphone
devient une arme. Il faut remarquer que les séries TV utilisent
beaucoup plus les téléphones portables que dans les
films de cinéma. Les séries se sont adaptées
à lévolution technique des téléphones
(possibilité de faire des photos, des
vidéo), peut-être par soucis de représentation
de la société.
Le téléphone regorge de formes et de fonctionnalités
diverses qui permettent dimaginer des situations sans cesse
renouvelées tout en rappelant aux spectateurs leurs pratiques
du quotidien. Dans ce renouvellement, lévolution des
technologies a apporté a eu un impact conséquent et
comme le remarque Amandine Prié, il suffit de regarder les
téléphones de demain pour savoir à quoi ressemblera
le cinéma.
MISE EN FORME AUDIOVISUELLE DES CONVERSATIONS TELEPHONIQUES
A. Le montage ou lart de savoir combiner des images et des
sons
Après avoir vu quels étaient les principes de fonctionnement
du téléphone et la manière dont ils pouvaient
être exploités pour raconter des histoires, nous allons
maintenant voir comment mettre en images et en sons les conversations
téléphoniques.
Les conversations téléphoniques filmées exploitent
au maximum le contrat du cinéma sonore : lapport du son
à limage construit un nouveau media qui est plus que
la somme de son et dimage, comme si léquation «
1 + 1 = 3 » existait. Dans le cas des conversations, il y a
une alternance répétée entre des voix dont on
voit le corps et des voix acousmatiques qui sont par définition
« sans corps ». La possibilité de disjoindre son
et image permet des constructions filmiques protéiformes suivant
plusieurs variables. Qui vois-je ? Qui entends-je ? Est-ce jentends
celui que je vois ? Et ainsi de suite....Mais avant de voir toutes
les formes de construction que les conversations peuvent prendre,
nous allons voir ce quil y a
de particulier dans le montage des images et des sons. 1. Le montage en champ / contrechamp
Le montage en champ / contrechamp est la figure de montage typique
du dialogue de «vive-voix » entre deux personnes. Cest
lalternance de deux plans dorientation opposée.
Pour chacun des 2 plans, la caméra prend le point de vue dun
acteur qui regarde son interlocuteur. Parfois dans un plan en champ
/ contrechamp on voit une partie du corps de lacteur dont on
adopte le point de vue (cest lamorce) en plus de voir
son interlocuteur. Mais dans le champ / contrechamp, les personnages
peuvent aussi se parler par-delà une séparation physique
imposée par un élément concret du décor
(porte, barrière, grille, vitre ou distance) qui une sorte
« deffet parloir». Limage que nous voyons
nest plus le point de vue dun acteur sur son interlocuteur
puisque par définition il ne le voit plus, la caméra
devient omnisciente.
Paradoxalement cest par un point de montage, donc une séparation,
que lon parvient le mieux à symboliser une union entre
2 personnes : lalternance de plans les rapproche en jouant le
rôle de « passe-muraille ». Le champ / contrechamp
qui est bien antérieur au parlant sest transformé
avec son arrivée en permettant de poser la question suivante.
Est-ce que je peux voir celui qui écoute ou seulement celui
qui parle ? A cette question Poudovkine décrit lidée
dun chevauchement où « la parole dun personnage
A continue de retentir sur limage de B qui lécoute.»
On voit le personnage A parler et tout en continuant à parler
on voit lexpression du visage ou du corps que cela suscite chez
son interlocuteur. Il y a donc parallèlement une coupe visuelle
et une voix qui parvient à franchir cette barrière.
Là encore la sensation de lien malgré la séparation
est garantie. 2. Le choix du point de montage
La technique de tournage du champ / contrechamp est très simple,
elle consiste à tourner dabord toute la scène
sur un personnage (champ) puis toute la scène sur lautre
personnage (contrechamp) et éventuellement « un master
» qui est un plan large où lon voit les 2 personnages
ensemble (mais ce nest pas possible au téléphone
!)
Une fois la scène tournée, une nouvelle écriture
de la scène se fait avec le choix des images qui seront montrées
et celles qui seront définitivement oubliées. Bien que
le choix des points dalternance relève souvent du bon
sens pour améliorer la compréhension ou l'esthétisme
de la séquence, le choix final revient au monteur de concorde
avec le réalisateur. Walter Murch rappelle que sur un plan
dune minute à une cadence de 24 images par seconde, il
ya potentiellement 1439 points de montage pour le lier à
une séquence précédente. En multipliant ce chiffre
par autant de plans quil y a dans un film, nous voyons que le
film terminé nest quune proposition parmi un million
dautres possibilités. 3. Quel point découte pour une conversation téléphonique
?
De la même manière quil y a un point de vue donné
par lemplacement de la caméra, qui oriente le regard
du spectateur, il y a dans les séquences audiovisuelles un
point découte que nous allons tenter de définir
maintenant. La différence majeure entre le point de vue et
le point découte cest que le point de vue ne concerne
quune zone de lespace (un angle à partir de la
caméra) alors que laudition na pas de cadre. Il
y a en fait deux types de points découte selon que lon
décide den faire une question spatiale ou bien subjective.
Le point découte spatial est un point physique
que lon place de façon abstraite dans le décor
(y compris hors-cadre). Souvent ce point se trouve sur la caméra,
ce qui permet de respecter les plans sonores et la latéralisation
(on entend le personnage à droite si on le voit à droite).
Ca peut être nimporte quel point, par exemple si les personnages
sont loin à limage et quon les entend comme sil
étaient près, le point découte spatial
est proche deux.
Le point découte subjectif revient à faire
écouter ce qui se passe dans lespace à travers
les « oreilles » dun personnage. Par exemple dans
le film Agent X2784, on voit un personnage séloigner
dun piano et le son séloigner en même temps,
alors que le plan reste fixe.
! Dans les conversations téléphoniques, nous rencontrons
ces deux types de point découte. Quand on voit une personne
parler, le point découte est spatial, il se trouve très
près de cette personne. En revanche quand celui-ci est en train
découter ce qui lui est dit au téléphone,
on entend dans la plupart des cas son interlocuteur dune voix
filtrée, ce qui nest possible quen ayant loreille
collée au combiné : cest une écoute subjective
du personnage à limage. Notons quen situation naturelle
et standard, il nest pas possible dentendre ce qui est
dit à travers le combiné si on se trouve à 2
m de lui, bien quil y ait des exceptions.
Dans la plupart des films, il y a donc une contradiction entre point
de vue et point découte : nous voyons comme si nous avions
le recul dune autre personne mais nous entendons avec «
les oreilles » de celui que nous voyons. Parfois, il ny
a pas du tout de filtrage, on entend les 2 interlocuteurs comme sils
étaient dans la même pièce. La contradiction est
encore plus forte mais le symbole nen est pas moins intéressant.
Nous avons vu que dans les films et en particulier quand il y a des
conversations téléphoniques, de nombreuses façons
existent pour mettre en forme les images et les sons qui ont été
filmés. Toute mise en formes qui conduit à un résultat
filmique concret est une combinaison de points de vue, de points découte
et dinstants de décision. Mais ces mises en formes ne
sont pas seulement une construction audiovisuelle, ce sont autant
de moyens de raconter une même histoire : parfois linfluence
sur la narration nest pas remarquable, dautres fois cela
modifie du tout au tout lhistoire qui est racontée. Ne
montrer quun interlocuteur en nentendant pas ce qui lui
est dit naura pas le même sens que de voir et
dentendre les 2 interlocuteurs à tour de rôle.
A ce moment donné de notre réflexion, il était
logique de vouloir regarder de plus près comment les films
utilisent ces combinaisons en analysant un corpus de séquences
bien choisi. Cest ce que nous avons commencé à
faire avant de constater que les outils danalyses et le vocabulaire
existant se heurtaient à la complexité du cas particulier
audiovisuel de la conversation téléphonique. Nous avons
donc préféré développer lidée
dun outil de classification et de nomenclature des cas de figures
audiovisuels et dans un second temps la création dun
outil dexploration ludique et interactif. Ce sera lobjet
de toute la suite de ce mémoire. Mais dabord voyons ce
qui existe pour analyser ces séquences téléphoniques
si
particulières.
B. Typologie du téléphème au cinéma
: la classification de Michel Chion (
voir sa biographie )
Une typologie est une démarche, souvent scientifique, consistant
à classer un certain nombre de données empiriques concernant
un phénomène afin den faciliter l'étude
et l'analyse des réalités complexes.
La conversation téléphonique, quelle que soit
la façon dont elle est montrée, parle de deux personnes
situées à deux endroits distants. Cette dualité
s'accommode bien du principe originel du montage qui consiste a montrer
avec différents angles (points de vue) une situation ou un
objet. Quand la situation est composée de deux pôles
indépendants comme deux correspondants téléphoniques,
le montage sexprime de sa manière la plus simple et évidente.
Michel Chion emprunte à un journaliste du XXe siècle
le terme de « téléphème » qui signifie
une unité de conversation téléphonique. Il propose
7 types de « téléphèmes » qui sont
sensés couvrir une bonne partie des séquences audiovisuelles
où il y a une conversation téléphonique. Les
titres donnés à chaque type ne font pas partie de linventaire
proposé par Michel Chion, nous les avons ajoutés dans
un but de clarté selon une nomenclature qui sera développée
plus tard. Voyons de plus près ce découpage, découpage
que nous discuterons dans un second temps. 0. Le type 0 : Cinéma muet
Description : Cest un échange téléphonique
où nous voyons, sans les entendre, les deux locuteurs. On peut
les voir en montage alterné ou montage parallèle, cest-à-dire
un plan sur le personnage A puis un plan sur le personnage B puis
à nouveau un plan sur le personnage A. Lalternance de
ces plans est souvent rapide.
Le type 0 utilise une des grandes idées du téléphème
au cinéma, en permettant au spectateur de voir et de comparer
des gens qui sont en conversation mais qui ne se voient pas. Le spectateur
prend conscience de son statut privilégié dobservateur
omniscient. Il est témoin
des différences sociales ou contextuelles entre les personnages
(types de costumes, décor intérieur / extérieur)
mais aussi de leur ressemblances ou différences de comportement
(à la manière dun miroir les gestes sont symétriques,
complémentaires ou en écho).
Dans La Grève dEisenstein, la conversation entre un homme,
debout dans une cabine publique et son interlocuteur assis dans un
salon cossu marque clairement leurs positions hiérarchiques
respectives. 1. Type 1 : Raccord sur les paroles
Description : Le Type 1 reprend le procédé de montage
alterné du Type 0. Il correspond au cas où on entend
strictement que la voix de la personne qui est à lécran.
Quand limage est sur A on entend A, quand limage est sur
B on entend B.
Remarque : Avec ce téléphème de Type 1, on ne
voit jamais de personnages en train découter, cest-à-dire
quon entend jamais leffet de filtrage sensé reproduire
le son téléphonique.
Le type 1 est celui le plus utilisé dans les films hollywoodiens
classiques. Cela correspond probablement au fait que dans la plupart
des appels téléphoniques, « ce qui est dit »
comporte plus dimportance que la réaction que cela engendre. 2. Type 2 : Focalisation partielle
! Description : Cest un appel durant lequel on ne voit et on
nentend quun seul des deux interlocuteurs. La voix du
correspondant peut être audible mais elle reste inintelligible.
Le personnage à limage enchaîne les phases de parole
et découte. On se focalise sur le personnage (image)
mais seulement partiellement puisque nous nentendons pas comme
lui.
Remarque : Cest le cas que lon retrouve dans les pièces
de théâtre comme La Voix humaine de Jean Cocteau. La
conversation est hachée par des silences que le spectateur
peut éventuellement interpréter en fonction de ce qui
est dit par le personnage à limage (paroles rapportées,
contexte connu). Souvent ce téléphème correspond
aux appels de courte durée.
Combinaisons : Dans une séquence on peut trouver une combinaison
du type 1 et du type 2 comme dans Loulou de Maurice Pialat en 1979
: on voit chaque interlocuteur parler à son tour puis limage
se fixe sur un personnage qui écoute et parle. De la même
manière, on peut imaginer une combinaison de 2 types 2 : une
alternance de plans entre 2 personnages que lon voit écouter
et /ou parler sans entendre linterlocuteur opposé. On
pourra parler de double focalisation partielle (cas proche du Type
4).
Exemple de Type 2
Dans Docteur Folamour, le Président des USA, utilise le téléphone
rouge pour annoncer à son collègue soviétique
quun avion américain équipé dogives
est, par erreur, en route pour bombarder la Russie. Nous nentendons
pas ce que répond le Président russe mais pouvons deviner
sa colère. Le comique cinématographique de la situation,
cest quautour de la table ronde où siège
le Président américain, il y a une douzaine de personnages,
qui tous suivent la conversation par des écouteurs individuels
: tout le monde entend, mais pas le spectateur. 3. Type 3 : Focalisation totale
! Description : Cest un appel durant lequel on ne voit quun
seul personnage et dans lequel on entend à la fois ses paroles
mais aussi celles de son correspondant. Le type 3 est identique eu
type 2 sauf quon peut cette fois entendre la voix du correspondant
à travers le combiné téléphonique.
Remarque : Cest le cas typique de la voix désincarnée.
Le spectateur se trouve dans la même relation « auditive
» à linterlocuteur que le personnage qui est à
limage (focalisation totale).
Cette identification à l'héroïne permet toutes
les figures de suspens typiques des films dhorreur (Scream,
Scary Movie, Terreur sur la ligne) ou des thrillers dans lesquels
lidentité des ravisseurs est masquée. Le but du
film est souvent de démythifier lénigme acousmatique
(ce qui est entendu sans être vu) en associant un corps à
la voix du ravisseur.
Combinaisons : Alterner plusieurs plans de type 3 manque d'intérêt
dans le cas des films cités précédemment puisque
se serait révéler le corps de lagresseur. Dans
dautres films cette pratique est courante, elle correspond à
un cas standard de réalisme où « tout le monde
entend
tout le monde ». Cela définira le type 4.
Dans Fenêtre sur Cour, il y a un cas de passage du type 3 au
type 2 qui montre bien la volonté de marquer un point de vue
focalisé sur une personne. Le téléphone sonne,
James Stewart décroche, on entend son interlocuteur, un agent
de police qui demande à parler à son collègue
déjà sur place, Stewart passe le combiné au collègue,
la conversation se poursuit mais on nentend plus le policier
parler avec son collègue. 4. Le type 4 : Raccord réaliste
Description : Le type 4 combine le montage alterné et la possibilité
dentendre filtrée dans le combiné la voix du correspondant.
Notons que pour chacun des 2 plans en alternance, on peut soit voir
le personnage à limage parler, soit le voir écouter
et nous-mêmes entendre ce que son correspondant lui dit.
Cest un cas de figure très répandu, peut être
le plus répandu de tous. Il y a en fait une infinité
de façons dutiliser ce cas selon les points dalternance
choisis par le réalisateur. Notamment dans léquilibre
qui sera donné aux phases découte et de parole
de chacun des personnages, il
sera possible dinsister sur la sensation doppression,
de domination, de solitude, de rapprochement, par exemple. On peut
choisir de ne pas montrer une réplique qui nest pas à
lavantage dun personnage, choisir de montrer les ressemblances
ou les différences des personnages en appliquant un type de
montage similaire ou différents pour les 2. 5. Type 5 : Split-screen
Description : Lécran de cinéma comprend au moins
deux sous-fenêtres dans lesquelles se trouvent un personnage
de la conversation téléphonique. La plupart du temps
lécran est divisé en deux mais il peut aussi sagir
dune image normale associée dune ou plusieurs fenêtres
auxiliaires avec un (des) interlocuteur(s). On le trouve notamment
dans Indiscret de Stanley Donen ou à nouveau dans Phone Game
Remarque : Les remarques faites pour le Type 1 quant à la similitude
des gestes est aussi valable pour le Type 5. Ici cest la simultanéité
qui produit cet effet et non lalternance : la comparaison est
directe. Dailleurs le split-screen est utilisé dès
lépoque du cinéma muet. 6. Type 6 : Fourre-tout
Description : Evidemment, il existe de nombreux cas qui ne rentrent
pas dans la classification qui vient dêtre faite. Cest
le cas des films qui nutilisent pas un son « cohérent»
avec limage comme dans Sexes, mensonges et vidéo93, de
Steven Soderbergh, ou Phone Game où lon entend la voix
de linterlocuteur téléphonique acousmatique sans
filtrage.
Parfois même des conversations naviguent parmi plusieurs types
comme on la dit pour Fenêtre sur cour. Le réalisme
nest pas nécessaire, il est tout à fait possible
de commencer une discussion avec un interlocuteur avec une voix filtrée
puis quaprès plusieurs alternances le filtrage disparaisse
sans raison logique. Quand le sens de ce qui est dit par les personnages
est lobjet dattention du spectateur, la « non cohérence
» du son passe souvent inaperçue. Le confort découte
passe avant la volonté de réalisme sonore.
C. Création dune typologie complémentaire
et alternative
1. Définitions et limites de la typologie a. Remise en question des 7 téléphèmes
La typologie qui a été proposée ci-dessus a été
créée pour classer les conversations téléphoniques
filmées dans des catégories. Elle a lavantage
doffrir un angle danalyse facile et immédiat. Mais
nous constatons que dès lors que les choix des réalisateurs
se compliquent, lutilisation de plusieurs cas de figures mélangés
devient difficilement lisible. Nous constatons que certains cas de
figures rencontrés dans des films nentrent pas dans cette
typologie, ce qui oblige à panacher entre plusieurs catégories
ou à les ranger dans une section « fourre-tout »
qui à lévidence ne renseigne pas énormément
sur leur nature.
Dans la classification qui est proposée par Michel Chion, il
y a 2 types de situations qui selon nous mériteraient dêtre
distinguées :
Il y a dun côté des téléphèmes
que nous appellerons continus où lon ne voit quun
seul des 2 personnages tout au long de la séquence. Ce sont
les téléphèmes 2 et 3.
Il y de lautre côté les téléphèmes
où lon voit les 2 personnages, cest donc une succession
dau moins 2 téléphèmes continus. Nous appellerons
ces téléphèmes des téléphèmes
de raccord puisquil y a au moins un point de montage image ou
raccord image.
Ce sont les téléphèmes 0, 1, 4, et 6.
Nous remarquons, dautre part, quil ny a pas de téléphème
qui à linstar du type 1 prévoit les situations
où lon ne voit que des personnages en situation découte
(situation de parole pour le téléphème 1).
Bien que ce cas de figure soit a priori moins répandu dans
les films, nous estimons quil ny a pas de raison évidente
de le rejeter. De la même manière, remarquons quil
ny a pas de téléphème pour les cas de figure
où le spectateur entend les 2 interlocuteurs quand il voit
le personnage A et nentend quun seul personnage lorsquil
voit le personnage B. Encore une fois ce cas de figure a peu de chance
dêtre visible dans un film mais il nest pas impossible
de le rencontrer. Nous pourrions bien sûr continuer en prenant
autant dexemples complexes. Le fait est quen jouant sur
les différences de voix, les différences dimages
et les alternances de personnages, il y a un grand nombre de solutions
possibles, qui sont difficilement descriptibles par le texte.
Michel Chion perçoit dailleurs la difficulté de
décrire rigoureusement tous les cas de figure, en expliquant
: « Toute cette typologie ne doit pas être employée
de manière rigide.
Chaque téléphème est un cas despèce
» Il crée dailleurs la catégorie 6 appelée
« fourre-tout » qui est, selon nous, un aveu de complexité
de la typologie des conversations téléphoniques.
Nous constaterons plus loin que la catégorie « fourre-tout
» concentre plus de 60 % des cas de figures possibles, aussi
improbables soient ils.
Bien que tout système de rangement possède sa catégorie
« inclassable », nous pensons quune autre typologie
est possible. manière plus rigoureuse de catégoriser
ces configurations audiovisuelles est possible. Nous le démontrerons
grâce à un certain nombre dhypothèses
fondatrices et en utilisant des tableaux descriptifs b. Mises en garde et précautions
Nous sommes conscients que classifier et analyser des séquences
de films avec des tableaux et des combinaisons mathématiques
peut passer pour une dérive « calculatoire », là
où il est bon de faire preuve de sensibilité dans la
compréhension des choix artistiques. Nous ne perdons pas de
vue cette idée ; la typologie alternative qui va être
proposée maintenant a pour but doffrir un outil danalyse
filmique complet et performant face à la complexité
évidente des situations audiovisuelles que nous devons étudier.
Elle permettra par la suite, du moins nous lespérons,
une interprétation plus facile et un retour à lanalyse
plus classique.
2. Hypothèses de départ et mise en place de vocabulaire
Nous avons considéré un certain nombre de distinctions
et hypothèses conduisant à la typologie alternative. a. Hypothèses générales
- Nous ne prenons pas en compte le fait quun cas de figure donné
ait une application dans un film ou non.
- Nous ne prenons pas en compte le fait quun cas de figure paraisse
« réaliste » ou non.
Toutes les configurations sont étudiées sur un pied
dégalité.
Définitions des personnages :
Une conversation téléphonique a lieu entre strictement
deux personnes : un personnage A et un personnage B.
Dans une conversation téléphonique, un personnage
a seulement deux attitudes possibles : soit il écoute soit
il parle. Ces attitudes se remarquent visuellement. b. Hypothèses sur le son
Un son est dit « filtré » lorsquil
y a un effet audible qui laisse supposer que le son est entendu à
travers un combiné téléphonique. Toute différence
notable avec le son normal sera considéré comme filtré.
Un son est dit « normal » lorsque la voix est semblable
à celle entendue dans un dialogue de « vive-voix »
entre deux personnages.
Il y a trois options quant au son entendu : il ny a pas
de son, le son est filtré, le son est normal. Les options «
filtré » et « normal » peuvent être
simultanées.
Si on voit personnage A parler, le son associé à
A est la parole de A. Si on voit un personnage A écouter, le
son associé à A est la parole de B. Remarque réciproque
avec le personnage B.
Le son entendu ou non par le spectateur est composé
dune voix et dambiance extérieure. c. Hypothèses sur limage
Le spectateur a le choix de voir : aucune image (écran
noir), le personnage A, le personnage B, le personnage A et le personnage
B en simultané lors des split-screens.
Nous faisons une simplification (la seule) : il ne peut pas
y avoir dalternance entre limage dun personnage
et une image noire. On considère que sil ny a pas
dimage, il ny en aura jamais durant la conversation (pièce
radiophonique).
Nous considérons quil y a changement de limage
dans seulement 2 situations :
- Lorsque le même personnage change dattitude (passage
de la parole à lécoute ou linverse).
- Lorsque il y a un changement de personnage à limage.
Lorsquil y a plusieurs plans (angles de caméra)
sur un seul personnage et que celui-ci a la même attitude, on
considère quil ny a pas de changement dimage. d. Définitions
Comme nous lavons déjà expliqué plus haut,
nous apportons une distinction fondamentale entre les téléphèmes
de continuité et les téléphèmes de raccord.
Continuité : La situation de continuité est le cas où
limage reste sur le même personnage (téléphèmes
2 et 3) pendant toute la conversation mais où il y a des changements
dattitude du personnage (le passage de la parole à lécoute)
ou un changement de comportement découte (entendre une
voix filtrée puis ne rien entendre). Le comportement découte
du personnage est considéré comme étant confondu
avec celui du spectateur.
Raccord : au contraire nous appelons Raccord le cas qui correspond
à un changement de personnage à limage au sein
de la conversation, cela revient à la succession de 2 situations
de continuité différentes avec 2 personnages différents.
Remarque : avec le tableau des raccords nous pouvons analyser le passage
dun personnage A à un personnage B. Pour un 2e point
de montage, soit la typologie est réciproque soit cest
un nouveau cas quil faut envisager. Cette remarque prendra tout
son sens au moment
dappliquer concrètement les typologies.
Split-screen : la situation du split-screen est un cas particulier
qui combine à la fois la continuité (un seul personnage
dans chaque fenêtre) et lalternance (2 personnages sur
lécran réunissant les fenêtres)
3. Dénombrement des situations audiovisuelles possibles a. Comment construire des tableaux typologiques ?
Pour réunir tous les cas de figure possibles, nous avons construit
un grand tableur dans Open Office (ANNEXE E DVD p.150). Lintérêt
dutiliser un tableur est de pouvoir organiser et classer les
situations audiovisuelles selon des caractéristiques données
(perso A, perso B, parler, écouter, filtrage, pas de filtrage,
etc.). Le tableur a permis de générer automatiquement
les lignes de résultats, là où un travail manuel
aurait été fastidieux.
Pour une conversation entre A et B,
On associe à chaque personnage une IMAGE et un SON.
Dans la colonne IMAGE
A / B parle : On voit le personnage A / B parler
A / B écoute : On voit le personnage A / B écouter son
interlocuteur
Dans la colonne SON
A / B normal : On entend le personnage A / B avec une voix normale
A / B filtré : On entend le personnage A / B avec une voix
filtrée
A(X) / B(X) : On nentend pas la voix de A / B .
La logique que nous avons utilisée pour le remplissage du tableau
de la continuité est dimaginer un changement de plan
entre un personnage A et le même personnage A avec une attitude
différente ( A passe dune écoute filtrée
à du silence dans la Fig.1)
Pour distinguer les 2 cas de CONTINUITE et RACCORD, nous avons opté
pour un code-couleur :
La Barre NOIRE qui sépare les colonnes des personnages
1 et 2 signifie quil y a un changement de personnage à
limage. Cest le type RACCORD défini plus haut.
La Barre BLEUE séparant les colonnes des personnages
1 et 2 signifie quil y a un changement dattitude du personnage
mais que limage reste sur la même personne. Cest
le type CONTINUITE défini plus haut.
La colonne de droite TYPOLOGIE propose une description succincte du
cas de figure.
Comment lire les lignes de ce tableau (Fig.1) ?
Ligne 1 : Cest lalternance entre un plan où
lon voit A parler avec une voix normale et un plan où
on voit B parler aussi avec une voix normale.
Fig1. Exemple de remplissage de tableau typologique
Ligne 2 : Cest lalternance entre un plan où
lon voit le personnage B écouter A avec une voix filtrée
et un plan où lon voit A parler avec une voix normale.
Ligne 3 : Dans le même plan, le personnage A qui entendait
bien le personnage B avec une voix filtrée, ne lentend
soudain plus. b. Le modèle probabiliste
Pour remplir le tableur, nous sommes partis dun raisonnement
fondé sur un arbre des probabilités94 dont voici le
schéma ci-dessous :
Ligne 2 : Cest lalternance entre un plan où
lon voit le personnage B écouter A avec une voix ?ltrée
et un plan où lon voit A parler avec une voix normale.
Ligne 3 : Dans le même plan, le personnage A qui entendait
bien le personnage B avec une voix ?ltrée, ne lentend
soudain plus. b. Le modèle probabiliste
Pour remplir le tableur, nous sommes partis dun raisonnement
fondé sur un arbre des probabilités dont voici le schéma
ci-dessous :
Dans un arbre de probabilités, une manière empirique
de dénombrer tous les cas possibles est de multiplier le nombre
de combinaisons possibles à chaque « étage ».
En multipliant, pour chacune des 4 cases du tableau, tous les choix
qui sont possibles, on obtient au final 148 cas possibles. Dans les
cases 1 et 3, on peut choisir à la fois le personnage qui est
à limage (A ou B) et son action (parler / écouter),
ce qui revient à 4 choix possibles.
Pour les cases 2 et 4, on choisit le son concernant la personne qui
est à limage (voix normale, voix ?ltrée, pas de
voix), ce qui revient à 3 choix possibles. c. Décimation des redondances
Pour autant, ces 148 cas ne font pas 148 téléphèmes
au sens où Michel Chion les a définis. Dans ces 148
situations, la moitié des cas ne sont quune répétition
dun cas de figure avec le personnage réciproque.
Par exemple, du point de vue pratique ce nest pas pareil de
dire « On voit Aude qui entend Daniel filtré »
et « On voit Daniel qui entend Aude filtrée ».
En revanche du point de vue purement typologique, il ny a pas
une différence de catégorie pertinente entre «
On voit A entendre B filtré » et « On voit B entendre
A filtré ». Dans larbre des probabilités
que nous avons au-dessus, cela revient à navoir le choix
quentre 2 possibilités dans la case 1 (A parle ou A écoute).
On obtient le calcul 2x3x4x3 = 72 cas. Il y a 72 cas réels.
En revanche, nous considérons que lordre dans lequel
la suite dactions est commise a une importance. Cest un
système séquentiel.
Par exemple « On voit A parler normalement puis B lentendre
filtré » nest pas similaire à «On
voit A entendre B filtré puis B parler normalement ».
Même si le personnage est le même
(CONTINUITE), cette remarque reste valable. Par exemple il y a une
différence entre « On voit A qui entend bien le personnage
B avec une voix filtrée, et soudain il ne lentend plus
» et « On voit A qui nentend rien puis soudain il
entend B filtré »
Parmi les 72 cas que nous avons comptabilisé, il y a 6 autres
cas qui ne sont réels.
Dans larbre de probabilités nous voyons que par le biais
des traits bleus qui correspondent à la continuité,
il est par exemple possible dobtenir la suite « A parle
A normal --- A parle A normal » ce qui est en fait un cas de
continuité totale ou rien ne change pour le personnage, ni
attitude physique ni son. Nous comprenons par suite que ces 6 cas
ne représentent aucun intérêt dans notre classification.
Nous nous trouvons dès lors à 66 cas réels. d. Ajout de cas particuliers La pièce radiophonique
Remarquons que de la même manière que nous avons pris
en compte labsence de son pour traiter les films muets, nous
aurions pu prendre en compte labsence dimage. Cela nous
aurait obligé à rajouter une catégorie A(X) et
B(X) dans la colonne image. Dans le chapitre «Hypothèses
de départ et mise en place de vocabulaire », nous avons
fait une simplification en disant que nous ne traiterions pas tous
les cas dalternance entre une image noire et une image de personnage.
Cela aurait, en effet, complexifié la typologie de manière
conséquente (5x3x5x3=225 cas au lieu de 148) pour une utilisation
qui est absente à toute pratique cinématographique.
Néanmoins il y a un cas particulier que nous tenons à
étudier : celui de
labsence dimage pour les deux personnages. Il sagit
en fait de la configuration dune conversation téléphonique
dans une pièce radiophonique. Il est tout à fait imaginable
de rencontrer ce genre de séquence au sein dun film,
si par exemple les personnages sont dans lobscurité totale
(panne délectricité mais téléphones
portables en marche) comme cest le cas dans Buried.
Dans le tableur nous avons donc accolé ce cas particulier en
supprimant tout bonnement la colonne IMAGE : Tableau des
combinaisons possibles pour la pièce radiophonique
Il y a en tout 9 possibilités pour ce cas particulier. Sans
son ni image, le cas 9 ne présente aucun intérêt,
nous le retirons du dénombrement des cas réels. Les
cas 1 et 5 sont très fréquents ainsi que les cas 2 et
4 qui permettent à lauditeur dadopter un point
découte. Les 3 et 6 correspondent au cas où on
nentend quun personnage : comme au théâtre,
limaginaire du spectateur est sollicité pour trouver
ce qui peut être répondu.
Nous rajoutons donc 8 cas réels aux 66 déjà trouvés
soit 74 cas réels. Le split-screen
Comme vous avez sûrement pu le remarquer, nous navons
pas encore traité le cas du split-screen. Cest à
la fois un cas de raccord puisque nous voyons deux personnes à
limage et un cas de continuité puisquil ny
a par définition pas de point de montage. Nous navons
pas pu intégrer le split-screen dans le tableau général
étant donné quil aurait fallu fusionner les colonnes
IMAGES des 2 personnages.
Nous remarquons que pour le split-screen, le comportement typologique
est similaire à celui de la pièce radiophonique : en
effet, puisque tout est vu avec les 2 images, les attitudes des personnages
nont pas dimportance. Nous obtenons donc le tableau suivant
:
Nous avons considéré, dans ce cas bien particulier que
quand A parle dune façon donnée, B écoute
nécessairement de la même façon. Le passage de
la colonne PERSO 1 à PERSO 2 signifié par une barre
GRISE correspond à une alternance des répliques dans
le temps et non
à un changement de plan. Notons le cas 9 qui correspond ici
au film muet en split-screen, beaucoup été utilisé
au début du XXe siècle96. Il nous faut rajouter ces
9 cas particuliers aux 74 déjà trouvés.
A lissue du dénombrement du système de classification,
nous obtenons 83 cas uniques et réels. Reste maintenant à
savoir comment les associer pour en faire des familles de types.
4. Présentation des résultats de la typologie
alternative
Nous venons de montrer les cas particuliers qui ne rentraient pas
directement dans les 66 cas du système de classification général.
Maintenant, nous allons présenter quelques grandes familles
typologiques issues du tableur. Nous prenons le terme de famille aux
mathématiques, cest une suite finie déléments
dun ensemble. Ici lensemble est composé des 83
cas uniques et réels. a. Le film muet
Commençons par les origines du cinéma avec les films
muets. Cette famille se caractérise dans le tableur comme étant
une combinaison dabsence de son pour A (noté A(X)) et
dabsence de son pour B (noté B(X))
Fig5. Tableau des combinaisons possibles pour le film muet
Le type film muet est similaire à la définition donnée
par Michel Chion pour le téléphème 0.
La différence est quici on en décline les variations.
Il y a en tout 7 combinaisons de film muet, dont 4 sont des raccords
entre 2 personnages. Il y a également 2 cas où il y
a continuité dun seul personnage. La dernière
ligne est un rajout du cas particulier du split-screen. b. Toutes les familles typologiques
Fig6. Capture décran du tableur Open Office permettant
dexplorer tous les cas
Certaines familles que nous allons voir ici englobent les téléphèmes
de Michel Chion.
Il existe un très grand nombre de familles dans lensemble
de 72 éléments, nous ne révélerons que
celles qui représentent un intérêt pour lanalyse
des films mais si toutes les autres font réellement partie
de la classification que nous proposons. Pour des raisons déconomie
despace nous nallons pas donner les tableaux de toute
les familles mais simplement en donner les définitions. Pour
voir plus de familles, vous pouvez vous rapporter au tableur de lannexe
DVD p.150
Les familles ne sont pas indépendantes, dans le sens où
un cas de figure peut appartenir à deux familles.
Il est bien sûr plus facile dexplorer le tableur pour
retrouver le cas de figures. Nous allons donner ici quelques familles
représentatives et les critères qui les définissent.
Notez que dans le tableur se trouvent lensemble des 148 cas
pratiques plus les cas particuliers. Pour voir
uniquement les cas uniques, il faut cocher longlet cas réel.
Liste des familles : La Famille Continuité :
cest la famille des conversations téléphoniques
où lon ne voit quun seul des 2 correspondants.
Dans le tableur, cest lensemble des colonnes séparées
par une barre bleue (A I A ou B I B).
Et au sein de cette famille :
La famille Continuité de parole : On ne voit quun
seul personnage qui ne fait que parler.
La famille Discontinuité dattitude : On voit un
seul personnage qui alternativement parle et écoute (idem quécouter
et parler).
La famille Focalisation partielle ( VOIR ANNEXE )
On voit un seul personnage quon entend parler. On nentend
jamais ce que son interlocuteur lui dit. La focalisation signifie
que le spectateur sidentifie au personnage, mais de manière
partielle puisque le spectateur nentend pas « comme lui
».
La famille Focalisation totale : On voit un seul personnage
quon entend parler. On entend aussi son interlocuteur. La focalisation
signifie que le spectateur sidentifie totalement au personnage,
il ne voit que lui et entend « comme lui ». La Famille Raccords :
Cest la famille des conversations téléphoniques
où lon voit au moins une fois chacun des 2 correspondants.
Dans le tableur, cest lensemble des colonnes séparées
par une barre noire (AB ou BA).
Et au sein de cette famille :
La Famille Raccord sur la parole : ( VOIR ANNEXE ) On voit
toujours les 2 interlocuteurs en train de parler mais jamais en train
découter.Cela correspond à la définition
du téléphème 1 de Michel Chion.
La Famille Raccord sur lEcoute : ( VOIR ANNEXE ) On voit
toujours les interlocuteurs en train découter mais jamais
en train de parler.
La famille Raccord sonore : Lorsquon passe visuellement
dun personnage à un autre, le son de celui qui parle
nest pas modifié.
La famille Raccord réaliste : Lorsquon voit un
personnage, on lentend parler normalement et on entend son interlocuteur
en son filtré. Par voie de conséquence, si on voit un
personnage on lentend en son filtré et son correspondant
en son normal. Cela correspond au téléphème 4.
La famille Raccord inégal : Le comportement découte
et de parole des 2 personnages nest pas le même. Par exemple
quand on voit A parler il a une voix normale mais quand on voit B
parler il német pas de son.
Dautres familles ont une valeur plus anecdotique : La famille Intrusion :
Cest quand on voit un personnage A avec une voix quelconque
et quon entend son interlocuteur B avec une voix normale. Cela
donne limpression que linterlocuteur est réellement
présent dans la pièce avec le personnage.
La famille Ecoute téléphonique : ( VOIR ANNEXE )
Cest quand on voit 1 ou 2 personnages mais que de notre point
découte de spectateur on nentend jamais sa (leurs)
voix normale(s). On peut soit ne rien entendre soit lentendre
en son filtré.
c. Conclusion
Nous avons établi une liste de familles qui nous semblaient
pertinentes par rapport aux cas que lon rencontre dans les films.
Il nen reste pas moins que dans le tableur certaines cases TYPOLOGIE
restent vides et bien quen faisant preuve dimagination,
il est difficile de voir
comment cela pourrait sappliquer dans un film et trouver le
bon terme qui définisse ces actions.
Nous souhaitons que ce travail reste ouvert et que dautres personnes
poussent ce raisonnement dans ses plus grands retranchements, en proposant
des analyses et des nomenclatures, nous navons fait que mettre
en lumière tous les cas possibles.
Il est vrai que nous aurions pu tenter dappliquer cette méthode
à lanalyse de certains films, mais le but nétait
pas tant de mettre loutil à lépreuve de
lanalyse que de permettre de définir cet outil en expliquant
son mode de fonctionnement et en définissant les résultats.
Etant donné le nombre de solutions, et la difficulté
dy voir clair, lidée a vite germé doffrir
un outil interactif qui permettrait à un spectateur-explorateur
de naviguer dans tous ces cas de figure de manière simple et
intuitive. Cest lobjet de la création dune
interface logicielle que
nous verrons dans la partie 5, qui permet davoir un résultat
concret et immédiat à limage.
Mais avant cela dans la partie 4, nous verrons sur quoi se base lidée
dinteractivité au cinéma.
A. De linteractivité dans lArt à lArt
interactif
1. Interactivité et interfaces a. Une définition de linteractivité
Linteractivité est une situation de communication entre
au moins deux systèmes humains ou non humains, où le
processus déchange est conditionné par une collaboration,
une coopération ou une rétroaction entre les acteurs
visant à produire un contenu, réaliser un objectif,
ou adapter leurs comportements réciproques. La communication
interactive s'oppose à une communication à sens unique,
sans réaction du destinataire, sans « feed-back »
ou boucle de rétroaction. Nous pensons nécessairement
à la situation dinteraction la plus simple qui est le
dialogue entre deux personnes : ce qui est dit par notre interlocuteur
influence notre propre parole (normalement). Le deuxième type
dinteraction que nous rencontrons
fréquemment est linteraction homme-ordinateur. Par exemple,
quand je tape une lettre sur mon clavier dordinateur, lordinateur
affiche la lettre, cela minfluence en mautorisant à
taper le caractère suivant. b. Linterface
Au sein du processus dinteractivité se trouve linterface.
Cest lobjet physique ou conceptuel qui permettra dadapter
les modes de communication des acteurs pour quun échange
soit possible. En terme de télécommunication, cela correspond
au codage de canal qui traduit un
message émis pour être compréhensible du récepteur.
Dans les deux exemples que nous avons évoqués précédemment,
les interfaces seraient le langage oral et gestuel dans le cas du
dialogue et le clavier pour linteraction homme-ordinateur. Ce
nest pas un hasard si les périphériques informatiques
(souris, écran, clavier ou imprimante par exemple) sappellent
aussi des interfaces.
Nous voyons donc que le téléphone, même si cela
peut paraître évident, est un objet typiquement interactif.
Linteraction homme/homme dans les télécommunications
se décompose en fait en plusieurs interactions. Dans les conversations
classiques entre deux individus, il y a dabord deux interactions
homme-téléphone : on peut par exemple commencer à
parler parce quon a composé le numéro et que le
téléphone nous assure que la
communication va commencer. Vient ensuite linteractivité
entre les 2 téléphones : échange essentiellement
électronique.
2. Lart interactif puise dans tous les arts. a. La part dinteractivité dans les arts
Contrairement à ce que lon pourrait croire, linteractivité
dans lart nest pas une notion qui est apparue avec les
technologies de linformatique. Elle sest énormément
accrue avec les évolutions techniques qui en ont même
fait un art nouveau : lart interactif. Mais dès les premières
formes dart on voit apparaitre une volonté de donner
un rôle au spectateur dans luvre. Voici la meilleure
définition que nous pourrions donner :
« L'interactivité dans lart repose sur son aspect
social, voire politique, par l'implication active, souvent ludique
du visiteur/spectateur dans l'uvre. » . Complétons
en mentionnant que l'interactivité dune uvre ne
repose pas uniquement sur son coté participatif avec un public,
il peut aussi sagir de lier deux variables indépendantes
qui ne concernent aucunement le spectateur. Cest par exemple
le cas de linstallation urbaine de Zadar où des marches
situées en front de mer font office dorgue géant
en transformant la brise marine et les vagues en musique aléatoire.
Cest une interaction entre un élément climatique
variable et un instrument de musique.
Dans les uvres dart dites classique, il y a déjà
au sens où nous venons de le définir des traces dinteractivité.
La forme dinteractivité se trouve essentiellement entre
un objet : une uvre dart, et un spectateur. Dans les uvres
dart classiques, la part dinteractivité peut paraître
minime dans le sens où cest surtout luvre
qui conditionne le spectateur par la transmission de signifiant et
démotion, et très peu le spectateur qui a un quelconque
pouvoir sur luvre. Mais modifier notre vision de luvre
revient à modifier luvre. Notons que lorsque nous
nous trouvons à proximité dune sculpture qui est
un volume en trois dimensions, il est difficile den voir sa
totalité, nous devons modifier notre position pour tout
percevoir. Notre vision de la sculpture « change » en
fonction de notre position dans lespace.
Il y a bien interactivité. Pour la peinture, cest la
taille du tableau, la richesse et la taille des détails qui
va dicter la distance à laquelle nous souhaitons la regarder.
Jouer avec le point de vision du spectateur a dailleurs été
très vite expérimenté avec la toile de Hans Holbein,
où un dispositif anamorphique permet de voir apparaître
une tête de mort selon un angle de vue précis.
Dans le cas de la musique, il y a évidemment une propension
à linteractivité puisque dès lors que lon
joue dun instrument, les sons sont la conséquence dun
geste et réciproquement, les gestes sont dictés en prévision
du son quils vont produire. Jouer de la musique à plusieurs
revient à converser avec plusieurs personnes mais en utilisant
une autre forme de langage.
Dans le domaine de la poésie, nous penserons aux Cent mille
milliard de poèmes de Raymond Queneau qui est une uvre
de poésie combinatoire : des objets élémentaires
de poésie peuvent être combinés pour former un
poème parmi des milliards dautres possibles b. Lart interactif
Et puis petit à petit, en marge des formes dart traditionnelles,
sest formé lart interactif qui sapproche
à plusieurs égards de lart de linstallation.
Cest en fait une discipline émergente et mouvante, aux
frontières mal définies, qui selon les points de vue
peut être une « discipline fourre-tout » ou bien
une discipline transversale. Les arts interactifs ont pour point commun
de ne pas être destinés nécessairement à
une diffusion large et donc à une industrialisation comme pourrait
lêtre le cinéma. Ce nest pas une culture
« mainstream » mais lors de la dernière décennie
elle sest considérablement institutionnalisée.
Lart interactif connait ses lettres de noblesse depuis larrivée
de lère informatique dans les années 80 et la
capacité des machines à interroger de grandes bases
de données, à gérer en parallèle plusieurs
types de media (texte, son, image, réseau), le tout dans des
délais qui concurrencent largement lintelligence humaine.
Bien souvent des objets que nous manipulons au quotidien sont détournés,
trafiqués, augmentés pour en faire des interfaces (horloges,
téléphones, télévisions, haut-parleurs,
etc.) ou bien cest lespace publique qui est pris comme
terrain de jeu. Cest le cas dans luvre interactive
Video Piece for two glass office buildings où le spectateur
situé entre deux bureaux dimmeuble en vis-à-vis
se voit sur un moniteur avec un décalage de 8 secondes alors
quil croit voir le bureau qui est en face.
Létude des différentes tendances et préceptes
de lart interactif ferait sans doute lobjet dune
centaine de thèses. Ici, je voulais simplement rappeler les
pratiques générales de cet art, sans mépancher
sur ces courants.
B. Et pour le cinéma : quelles formes dinteractivité
?
Au sein de lart interactif, le travail autour de limage
nest pas en reste, loin sen faut. Cette pratique que lon
retrouve dans lArt Vidéo ou le VJing sattèle
à questionner lesthétique de limage, et
son pouvoir plastique plus que sa signification. La narration est,
quant à elle, relativement moins présente dans les uvres
interactives. Et pourtant le cinéma qui est un media sonore
et visuel offre des voies de détournement multiples. Voyons
maintenant comment le cinéma, au cours de sa longue histoire
a incorporé des éléments dinteractivité. 1. Rapport du spectateur à lécran
Bien sûr, en sasseyant au fond dune salle de cinéma,
nous avons une expérience perceptive différente quen
sasseyant au premier rang. Ce qui compte nest pas tant
la position que limmobilité par rapport à lécran.
Les remarques du chapitre précédent concernant le rapport
du spectateur à une sculpture et à une peinture ne sappliquent
pas dans le cas du cinéma.
Dans une salle de cinéma, tout est fait our que le spectateur
ait une position fixe, son rapport à limage restera le
même, et il en est de même pour le son. Reste la possibilité
pour lui de choisir de regarder une partie de lécran
en particulier à un moment donné. Cest dailleurs
cette vision « partielle » de limage qui différencie
entre autre l'expérience cinématographique et télévisuelle
où notre les petits écrans permettent de voir limage
dans sa totalité. Comme cela est dit par Walter Murch dans
En un clin doeil, le travail du monteur consiste à guider
le regard du spectateur sur la zone de limage quil souhaite
montrer, souvent sur les acteurs.
Par exemple si un plan est trop long, il y a fort à parier
que le regard se détourne vers des détails insignifiants.
Nous pouvons considérer que la liberté donnée
au spectateur pour se placer par rapport à limage est
faible. 2. Un film pendant le film : lhistoire que se
raconte le spectateur
Là où il faut chercher une dose de « participation
» du public, cest dans la façon dont lauteur
va réussir à donner au spectateur les moyens de se construire
une histoire à lavance, de simaginer des scénarii,
de faire des suppositions. Cela est très dépendant des
genres de film :
dans un film policier ou un thriller le spectateur peut quasiment
mener sa propre enquête là où un film dramatique
cherchera a jouer avec la sensibilité du spectateur plus quavec
sa raison.
On peut dire comme précédemment que cest la vision
de luvre qui fait luvre. Il revient donc aux
scénaristes et aux cinéastes de manipuler la vision
le spectateur, lui donner à croire telle ou telle chose, linduire
en erreur. Les créateurs se posent aussi la question de savoir
ce qui doit être donné au spectateur et que les personnages
du film ne savent pas, et inversement de cacher les vérités
des personnages aux spectateurs. La projection dun film se déroule
devant un groupe de personnes, latmosphère collective
joue très peu à part dans les films dhumour ou
dhorreur où la réaction de notre voisin de siège
peut influencer la nôtre. Dans la plupart des cas, l'expérience
dun film au cinéma se vit seul. Et pourtant voir un film
au cinéma, en plus du confort technique quil offre, soppose
radicalement à la vision dun film,
seul chez soi. Pourquoi ?
Au cinéma, dès lors que lon sort de la salle,
on confronte ses interprétations avec celles de ses amis ou
de ses proches. A cette occasion nous prenons conscience de la diversité
des points de vue. « Avons-nous vu le même film ? ».
Dans certains films, les différentes interprétations
sont directement représentés par le choix des auteurs
de proposer plusieurs alternatives narratives : le spectateur fera
son choix. 3. Une forme dinteractivité : les fictions participatives
Les expériences dinteractivité en salle de cinéma
se sont alignées sur lidéologie dominante de la
fiction participative : le spectateur devient acteur, voire auteur
en choisissant lui-même son parcours fictionnel à lintérieur
du film. Bien entendu, il ne sagit pas de choix libres, mais
imposés par la programmation pré-établie du scénariste. a. Le choix dun destin
Dans Le Hasard, on suit les différentes hypothèses dun
jeune homme selon que celui-ci ait couru pour attraper un train en
marche, couru mais été arrêté par le chef
de gare ou simplement regardé le train séloigner.
Ce film étonne par la façon dont il rappelle la position
dans laquelle chacun dentre nous se trouve dès lors que
nous faisons face un choix important et lorsquon imagine les
conséquences dun choix différent : « Peut-être
que si javais agi ainsi » Ce film propose une forme de
jeu au spectateur par au moins deux aspects. Comme dans tous les films
le spectateur tente de deviner ce qui arrivera aux héros, ici
ses suppositions sont confortées par lidée quil
nexiste de toute façon aucune vérité mais
3 possibilités.
Dautre part, comme tous les films où plusieurs alternatives
sont montrées, le spectateur, selon ses affinités avec
lhistoire, peut choisir celle qui lui correspond le mieux. Le
but du réalisateur nest surement pas de faire choisir
son histoire préférée au spectateur mais dillustrer
comment des choix ou des conditions initiales différentes ont
pu conduire à des conséquences semblables, différentes
ou contradictoires. Cest dailleurs en empruntant la théorie
du chaos et son principe fondateur d« effet papillon »
quapparait le film éponyme :
Leffet papillon. Ici, cest lidée de revenir
aux causes dun accident pour en modifier, même imperceptiblement,
les conditions initiales et agir pour modifier les conséquences.
Dans cette veine, nous ne manquerons pas de citer Minority Report
de S.Spielberg où des agents de police sont chargés
darrêter des individus en prédiction de leur meurtre
à venir.
Bien entendu le mécanisme déterministe est rompu dès
lors quun des policiers apprend quil va lui aussi passer
à lacte.
Mais dans beaucoup de films, (99 francs, Brazil) cest la fin
qui est déclinée sous plusieurs alternatives puisque
cest souvent à cet instant du film que la tension dramatique
est à son plus haut point. Il faut toutefois distinguer les
fins alternatives des « fausses » fins pour lesquelles
il sagit de prendre à contre-pied le spectateur qui sattend
à en rester là. b. Le choix dun regard
Voyons maintenant une seconde forme des fictions participatives où
ce nest pas le destin du héros qui diffère mais
plutôt la façon dont lhistoire est racontée
par le choix des témoignages, le choix des images, le choix
du contexte par exemple. Cette forme propose au spectateur la
comparaison. Ce cas nous intéresse tout particulièrement
parce quil se rapproche de la forme dinteractivité
que nous souhaitons développer dans notre partie pratique :
un contrôle du spectateur qui nagit pas sur le destin
des personnages mais sur le regard quon porte sur eux.
Dans cette catégorie, cest le film de 1950, Rashômon
qui sert de référence. Cest lhistoire dun
crime qui est raconté sous des versions très différentes
par 4 personnes, témoins ou acteurs du crime. Quatorze ans
plus tard, le scénario est repris à la mode western
dans Loutrage de Martin Ritt. La même histoire racontée
dans un contexte différent ou avec un genre cinématographique
différent a aussi été expérimenté.
Dans Melinda & Melinda, Woody Allen reprend lidée
de Raymond Queneau qui avait décliné dans ses Exercices
de style , 99 fois la même histoire avec 99 styles littéraires
différents (litotes, alexandrins, macaroniques). Dans Melinda
& Melinda, Woody Allen sapplique à voir la vie de
Melinda en utilisant les ressorts narratifs de la comédie ou
de la tragédie.
4. Des exemples de montage interactif
Dans les films dont nous avons parlé précédemment,
linsertion dune part dalternative dans lhistoire,
créatrice dune forme de ludisme avec/pour les spectateurs,
constituait une volonté écrite dès le scénario
du film et immuable une fois le film tiré sur pellicule ou
copié sur DCP.
Mais Catherine Guéneau déplore le statut réservé
au spectateur : « Un homme nouveau tourné vers lhorizon
interactive doit renaître des cendres du spectateur depuis trop
longtemps esclave de lenchaînement ininterrompu des images
» et propose doutrepasser sa passivité en le reconsidérant
comme un « spectacteur »
Le spectacteur pourrait donc modifier le cours de lhistoire
du film en temps réel. Ce procédé rappelle fortement
celui du jeu vidéo dans lequel, même si les histoires
sont déjà écrites, cest au joueur de décider
à quel rythme il avance et dans quels embranchements il se
lance pour créer sa propre histoire. La particularité
des jeux vidéos est que chaque partie est unique et par conséquent
certains scénarii imaginés par les développeurs
sont ignorés du joueur. Ces dernières années,
lévolution des technologies ont permis de rendre possible
lidée dun cinéma interactif dans lequel
le spectateur-joueur aurait sa part de responsabilité dans
le résultat visible à lécran. Cette démarche
est assez proche des web-documentaires, mais ceux-ci sadressent
plus généralement à un spectateur unique se trouvant
devant son ordinateur et les contenus ne sont pas fictionnels. Nous
citerons le film dhorreur interactif The Outbreak, film en ligne
dans lequel on doit prendre une suite de bonnes décisions pour
ne pas être
dévorés par une bande de zombie. a. Un film interactif téléphonique : modèle
de Last Call
Il nous faut maintenant mentionner un film interactif qui est un modèle
du genre et qui nous a conforté dans lidée quun
croisement entre laspect ludique du jeu vidéo et le cinéma
était possible, ou du moins méritait réflexion.
Last Call, un film dhorreur de lallemand Jung Von Matt
est le premier film interactif à être sorti en salles.
Voici ce que lon peut lire à propos du film : «
Les spectateurs sont invités à donner leur numéro
de téléphone portable à lentrée
du cinéma. Aux moments décisifs du film, lhéroïne
appelle lun deux afin de lui demander conseil : «
Je monte ou je descends les escaliers ? », « Je laide
ou je menfuis ? Les spectateurs peuvent ainsi influencer le
cours de lhistoire. »
Grâce a un procédé de reconnaissance vocale, la
voix du spectateur est transformée en commande informatique.
A chaque fois, il y a plus dune vingtaine de séquences
préenregistrées pour coller le plus possible à
la réponse du spectateur. Lutilisation de téléphones
portables dans une salle de cinéma est à la fois un
pied-de-nez à linterdiction systématique de son
usage dans cet endroit et un clin doeil au film des années
70, When a
stranger calls, dans lequel lenjeu dramatique fort réside
dans le fait que lappel de menace provient de la maison même
où se trouve la victime et non de lextérieur comme
supposé.
Pendant le tournage de Last Call, il a fallu filmer une réponse
pour chacune des commandes des spectateurs. Cela rappelle que dans
les tournages conventionnels, sans que les actions des acteurs soient
réellement différentes dune prise à lautre,
les scriptes peuvent inciter à des petites variations de mise
en scène (« ne coupons pas avant la sortie de champ du
comédien ») dans le but doffrir au monteur plusieurs
alternatives de montage et ne pas le bloquer dans une situation élaborée
au tournage et qui savère ne pas fonctionner pour diverses
raisons. Comme le dit le réalisateur Francis Ford Coppola,
il y a en réalité trois écritures pour un film
: une fois à travers le scénario, une fois pendant le
tournage et une fois
pendant le montage. Dans le cas du film interactif, le spectateur
sempare, en partie et sous contrôle, de la troisième
écriture. b. Twixt : Présentation de différents montages
en temps réel
Francis Ford Coppola, en expérimentateur des nouvelles formes
filmiques, sest sintéressé aux nouvelles
formes cinématographiques que pourraient permettre lintégration
doutils interactifs dans la diffusion des films. Cest
dans cet esprit que pour son nouveau film, Twixt, sorti fin 2011,
il a effectué une tournée de 10 projections à
travers le pays dans lesquelles il pouvait contrôler en partie
le montage de son film en fonction des réactions du public.
Muni dune tablette Ipad, il pouvait contrôler la longueur
des séquences en ajoutant des suites pré-établies
de plans permettant de rendre le film vivant et adapté à
lambiance de la salle. Selon lui, la révolution du numérique
offre des perspectives plus grandes que le relief, quil utilise
dailleurs avec parcimonie, relief qui na rien de novateur
dans le fond si ce nest les profits financiers quil permet
de dégager... Avec lexpérience quil a mené
pour Twixt,
Coppola a montré quune autre forme de cinéma était
possible : tout en ne donnant pas entièrement les clefs du
film aux spectateurs (ce qui peut se comprendre), il a permis au public
davoir sa part dans la réalisation en temps réel
du film. Le cinéma est devenu un spectacle vivant.
Si le cinéma tel que nous le connaissons à lheure
actuelle na rien de vivant, cela na pas toujours été
le cas. A lépoque du cinéma muet, des musiciens
jouaient en même temps que le film était diffusé,
ce qui dailleurs semble revenir au goût du jour avec les
prestations du groupe Air qui a récemment sorti une nouvelle
bande-son du film muet Le voyage dans la lune , de Georges Méliès.
Les films muets de la première époque étaient
notamment remarquable par le fait que chaque projection était
une projection unique : que ce soit à cause de la musique du
film dépendante des musiciens présents, de la durée
variable du film due à la projection à la manivelle,
ou des imperfections de la pellicule dépendant de la copie.
Nous
devons constater quavec le cinéma numérique daujourdhui,
les copies sont parfaitement identiques, et les différentes
séances dun même film ne se distinguent que par
les qualités techniques des salles dans lesquelles elles sont
diffusées. Il semblerait quun retour à une part
de spectacle puisse voir le jour dans les décennies qui viennent.
Cest du moins le point de vue Coppola. Lavenir lui donnera
peut-être raison.
CONCEPTION ET REALISATION DUN FILM INTERACTIF (PPM)
Genèse de la partie pratique de mémoire
Réaliser un film dans cette partie pratique de mémoire
est pour moi loccasion dexpérimenter pour la première
fois la réalisation audiovisuelle. A chaque fois que jai
pu réaliser des fictions ou des documentaires radiophoniques,
jai trouvé que le fait de porter un projet, den
avoir lidée et la responsabilité maidait
pour les projets suivants où je nétais que collaborateur.
Se mettre dans la peau dun réalisateur me permettra,
je pense, de comprendre des enjeux jusqualors inconnus ou méconnus
et principalement ceux qui ne concernent pas les outils de réalisation.
Cependant, étant donné que cest ma première
expérience de la sorte, je nai pas la prétention
de faire un film qui puisse être présenté à
un public, ni même plaire.
Cest sa conception et les différentes étapes de
sa réalisation qui mimportent plus que la volonté
datteindre un résultat. En tout état de cause,
ce film ne compte pas sinscrire dans la conception habituelle
des films, puisquil sera interactif. Lidée de faire
un film interactif mest venue suite à la découverte
du film interactif Last Call, décrit dans la partie précédente,
qui a la particularité dintégrer des téléphones
portables comme interfaces.
! Ma partie pratique, qui est un aboutissement du mémoire plus
quune illustration, se découpe en deux réalisations
majeures, distinctes et complémentaires. La création
dun film interactif, cest en fait la combinaison dune
partie programmatique qui décide des modes dinteraction
autour dune interface, et dun contenu filmique adapté
au programme ; en découlent naturellement les deux étapes
de conception qui ont conduit à la réalisation du film
interactif.
Présentation du projet
Jai choisi dillustrer de manière expérimentale
les différentes configurations de conversations téléphoniques
audiovisuelles. Grâce une interface interactive développée
sous le logiciel libre PureData, un utilisateur pourra monter en temps
réel une séquence filmique de conversation téléphonique.
Afin de convenir au format spécial quimpose le logiciel,
nous allons tourner le 2 juin 2012 un film sur la base dun scénario
original. Pour bien comprendre les enjeux de ce travail nous allons
commencer par concevoir les modes de fonctionnement interactif du
logiciel pour voir ensuite les contraintes de tournage que cela impose,
et ensuite justifier les choix scénaristiques qui ont été
faits. A. Création dun logiciel interactif : Le LaBoPhone
Sur certains DVD, par exemple les DVD de concert, les utilisateurs
peuvent choisir limage entre plusieurs caméras (technologie
multi-angle). Dans le LaBoPhone, lutilisateur aura le choix
entre 2 « angles » correspondant aux 2 interlocuteurs
dune conversation téléphonique. En plus de cela,
il aura le choix dentendre les voix des personnages avec effet
téléphone (filtrage) ou non. 1. Les 83 combinaisons audiovisuelles
Nous nous référerons ici largement à la seconde
partie de ce mémoire dans laquelle nous avons détaillé
ce que nous avons appelé les typologies de conversations téléphoniques
filmées. Les combinaisons possibles sont à la base de
larithmétique du logiciel interactif.
Chaque personnage filmé dans une conversation téléphonique
peut être en train découter ou en train de parler.
Parallèlement quand on le voit écouter, on peut entendre
son interlocuteur de « vive-voix » ou « filtré
» à travers le combiné téléphonique
; quand on le voit parler on
lentend de « vive-voix » ou plus rarement «
filtré » Pour plus de clarté, nous reprenons un
extrait du tableur.
Fig1. Extrait du tableur dexploration typologique
Pour un point de montage, symbolisé par la barre noire du tableau,
qui fait basculer limage du personnage A au personnage B, la
combinaison de 2 sortes dattitude (écouter / parler)
et de 2 sortes de sons (son normal, son filtré, pas de son)
conduit à de nombreux cas de figures.
Au total, selon un raisonnement qui est développé dans
la partie 3.B, nous décomptons 83 cas de figures uniques.
Evidemment, la remarque qui vient immédiatement à lesprit
est que tous ces cas de figure ne sont pas utiles et même jamais
rencontrés dans les films. Nous avons décidé
dans notre démarche de ne rejeter aucun cas, y compris ceux
qui peuvent paraître absurdes. Qui sait si lon ne pourrait
pas rencontrer une situation narrative dans laquelle cette combinaison
audiovisuelle aurait un sens ? Le but du logiciel est de permettre
à lutilisateur dexplorer chacune des 83 possibilités
de montage son/image des conversations téléphoniques
filmées.
Parmi les cas les plus singuliers on peut citer :
- La pièce radiophonique : du son uniquement.
- Le split-screen : Le film muet : des images uniquement.
- La focalisation partielle : on entend et on voit un seul personnage.
- Le raccord sur paroles : on voit les personnages quand ils parlent
uniquement.
- Le raccord sur lécoute : on voit les personnages quand
ils écoutent uniquement.
En voulant traiter un récit, une multitude de possibilités
de mises en images et en sons soffrent à nous. Lidée
du logiciel est, à la manière dun laboratoire,
dexplorer les façons que lon a de montrer un même
récit par des outils sonores et visuels différents.
Plus largement, lidée est de permettre à plusieurs
personnes de réaliser une construction personnelle du film
à partir dun scénario établi et dimages
déjà enregistrées.
A cela nous voulons associer deux aspects qui entrent en résonance
avec les différents points abordés tout le long de ce
mémoire, à savoir :
Laffichage de la désignation des situations audiovisuelles
que lopérateur expérimente.
Cela correspond aux familles de situations audiovisuelles développées
dans le tableur «Tableau dexploration typologique »
La possibilité de régler les paramètres
de filtrage de voix comme cela a été vu dans la première
partie. Cela permettra à lopérateur de choisir
une esthétique de voix filtrée qui lui convient et de
ladapter en fonction des situations narratives.
2. Choix des outils de programmation et dinterface a. Puredata
PureData est un logiciel libre de programmation, initié dans
les années 90 par Miller Puckette à des fins de création
musicale et multimédia. Il permet de gérer des signaux
de tout genre en entrée/sortie et en temps réel (capteurs
de mouvements, réseau internet, audio, video, texte), ce qui
permet notamment de faire interagir des valeurs physiques a priori
sans liens.
PureData est conçu de façon modulaire. Chaque utilisateur
peut ainsi adapter le logiciel selon ses besoins. Il exploite un langage
de programmation non procédural avancé qui permet à
lutilisateur deffectuer des modifications de code sans
quil y ait besoin de recompiler.
Linterface du logiciel nest pas une suite de lignes de
code mais une représentation visuelle de la logique qui sous-tend
la programmation. Les éléments fondamentaux de code
sont des objets ou « boîtes » dont les entrées
et les sorties sont reliées par des fils, permettant leurs
interactions. Fig2. Les
objets fondamentaux dans PureData
Des bibliothèques sajoutent à PureData, permettant
dautres fonctionnalités comme la video avec GEM (Graphic
Environment for Multimedia) ou MrPeach pour le protocole OSC dont
nous parlerons plus bas. Pd-extended, la version que nous avons utilisée
pour réaliser le LaBoPhone, intègre toutes les bibliothèques.
Si PureData a lavantage dune manipulation facile pour
le programmeur, en revanche linterface est relativement austère
pour un utilisateur novice, cest pourquoi beaucoup lui préfèrent
son grand frère payant MAX/MSP. Pour le LaBoPhone, nous avons
choisi de déporter les commandes sur un smartphone ou une tablette
iPad via lapplication TouchOSC. b. TouchOSC
TouchOSC120 est une application payante pour smartphones et tablettes
(iOS et Android) qui permet denvoyer des instructions via le
protocole OSC (Open Sound Control) : ce dernier peut être filaire
ou passer par un réseau sans-fil Wifi. Lavantage de cette
application est de permettre de télécommander PureData
puisque celui-ci accepte aussi le protocole OSC. En ayant définis
des adresses IP et des numéros de ports pour la tablette (ou
le smartphone) et lordinateur sur lequel se trouve le programme,
il est possible den prendre totalement le contrôle à
distance. Lautre avantage de TouchOSC est quil est accompagné
dun éditeur dinterfaces « TouchOSC Editor
» qui ma permis dembellir le programme par
rapport à la version PureData. Il permet de créer différents
boutons tactiles, des faders de volume, de gérer plusieurs
pages. Cela ma permis de penser sereinement lergonomie
de linterface-utilisateur, ce qui est plus difficile avec PureData.
Fig3. Page
principale de linterface portative du LaBoPhone
3. Cahier des charges du LaBoPhone
Ce cahier des charges, qui a été conduit en même
temps que la réalisation du programme, permet de justifier
les choix qui ont été faits. Il peut aussi largement
servir de documentation pour toute personne souhaitant utiliser ce
logiciel. Le LaBoPhone est composé dune partie interface
utilisateur qui sera la base des expérimentations et dune
fenêtre de projection qui permet de montrer le résultat
visuel. La partie interface sera réservée à lutilisateur
et la fenêtre de projection à lutilisateur, ainsi
quà un éventuel public sil sagit dune
performance en Live. a. LInterface utilisateur
!Nous travaillons actuellement à la possibilité de déporter
cette interface sur un iPad. A lheure actuelle, toutes les sections
qui sont décrites plus bas fonctionnent sur un iPhone. Il suffit
dappuyer sur les onglets 1, 2, 3, 4 visibles en haut du schéma
ci-dessus, pour passer dune section à une autre. La grande
taille de lécran dIpad permettrait dafficher
tous les éléments fondamentaux de linterface sur
une seule page afin davoir une vue globale des réglages
effectués. Faute davoir une tablette iPad pour tester
les affichages, les captures dimages que nous verrons ici seront
celles dun Iphone. Les blocs fonctionnels resteront peu ou proue
les mêmes, seuls leurs agencements seront susceptibles de modifications.
Nous nous réservons aussi le droit dapporter des améliorations
ergonomiques par rapport aux photos présentées ici. Les principaux blocs fonctionnels
Section TRANSPORT. Elle permettra de charger et de lire les
2 vidéos et les 2 bande-son correspondants aux 2 personnages.
Elle comprendra les éléments de lecture standards (PLAY,
PAUSE, STOP) ainsi quune barre montrant lavancement de
la vidéo. A terme, on pourrait ajouter 2 fonctionnalités
:
- Avancer / reculer dans le temps avec la barre de curseur.
- Enregistrer en temps réel le montage en cours pour une éventuelle
rediffusion. Fig4. Page
de transport dans linterface du LaBoPhone
Section FILTRAGE. Cest là que lutilisateur
pourra régler les différentes courbes de filtrage en
fonction des situations téléphoniques. Il sagira
pour les personnages A et B dun equalizer tactile dune
quinzaine de bandes fréquentielles comprises entre 200 Hz et
10 kHz. Les utilisateurs pourront choisir le volume de la voix filtrée
avec un fader accolé à la courbe. A terme, nous souhaiterions
associer une section de compression et de distorsion de la voix.
Section AFFICHAGE. Cette section permettra principalement de
gérer laffichage sur lécran de projection.
Cest ici que lutilisateur pourra choisir dactiver
ou de désactiver loption « split-screen»
qui permet de réunir les fenêtres des 2 personnages.
Dans le cas du split-screen la voix des personnages sera automatiquement
latéralisée à droite ou à gauche selon
leurs positions. Lutilisateur pourra choisir dafficher
ou non sur lécran de projection la désignation
des cas de figure quil est en train dutiliser (mode muet,
mode fiction radio, mode alternance sur écoute, mode split-screen,
etc.)
Section REGLAGES. Dans cette section seront réunis tous
les pré-réglages possibles du logiciel. Ce sera le cas
des filtrages sonores et de certaines des 20 combinaisons audiovisuelles
décrites plus haut. Pour les filtrages, nous enregistrerons
par exemple trois réglages standards selon le type de filtrage
(Filtrage léger, Filtrage fort, Voix rendue inintelligible),
mais cela nempêchera pas lutilisateur daffiner
les réglages dans la section FILTRAGE. Dautre part, il
sera possible que les sons et les images correspondent aux situations
classiques définies dans le tableau de la page 11 (A1-B1, A1-B4,
etc.). Une fois le film tourné nous pensons relever les TimeCodes
correspondants aux moments de parole et découte des 2
personnages, ces données pourraient être intégrées
au logiciel ce qui permettrait dautomatiser certaines fonctions
si lutilisateur le souhaite. On pourrait par exemple imaginer
que le logiciel change automatiquement de plan de personnage dès
quil y a changement de locuteur. Etant donné la relative
complexité que représente limplémentation
de cette fonction dans le logiciel, nous nen faisons pas lune
de nos priorités. Dans cette section, des réglages par
défaut seront prévus lors du démarrage du logiciel.
Mais le but premier de ce logiciel interactif est de laisser à
son utilisateur linitiative de choisir en temps réel
les points de montage qui correspondront au passage dun interlocuteur
à lautre. Pour réaliser cette fonction, nous allons
maintenant décrire la partie principale du LaBoPhone : La section
MATRICE. La section MATRICE
La section MATRICE est le cur du programme. Cest là
que lutilisateur va pouvoir choisir dalterner entre les
images des 2 personnages mais aussi tester linfluence du son
filtré ou non filtré sur limage.
Tout dabord, nous avons choisi un code-couleur qui permettra
de distinguer les 2 personnages. Ceci est valable pour lensemble
du programme.
LORANGE est réservé au personnage A qui
sera par défaut celui qui parlera en premier dans le film.
Dans le cas du split-screen, le personnage A se trouvera dans la fenêtre
de gauche.
Le VERT est réservé au personnage B. Le personnage
B se trouvera à droite dans les split-screens.
Fig6. Page principale de linterface portative du LaBoPhone (MATRICE)
Sur la page MATRICE, il y a un gros bouton rouge « CUT »
qui permet de basculer de limage du personnage A au personnage
B. De part et dautre de ce bouton se trouvent deux colonnes
concernant le réglage du son :
La colonne de gauche est affectée au réglage
du son quand le personnage A est visible à limage. Pour
signifier quelle est active, un petit feu ORANGE est allumé
en haut de la colonne. Quand le feu est éteint la colonne est
inactive.
La colonne de droite est affectée au réglage
du son quand le personnage B est visible à limage. Pour
signifier quelle est active, un petit feu VERT est allumé
en haut de la colonne. Quand le feu est éteint la colonne est
inactive.
Appuyer à plusieurs reprises sur le bouton CUT alterne les
images des 2 interlocuteurs et active les colonnes gauche et droite
à tour de rôle. Maintenant, il nous faut décrire
le fonctionnement de ces colonnes.
Dans chaque colonne, les 2 premiers boutons en partant du haut, dénommés
« Normal» et « Filtré » sont de la
couleur de la personne qui est à limage, ils agissent
sur le son du personnage à limage quand celui-ci parlera.
Les 2 autres boutons « Normal » et « Filtré
», de la couleur de la personne qui nest pas à
limage, agissent sur le son de linterlocuteur qui nest
pas à limage (phases découte).
Il est possible deffectuer des réglages dans une colonne
inactive (feu éteint), les réglages enclenchés
seront effectifs au prochain appui sur le bouton CUT. Cela permet
de préparer des réglages en prévision du prochain
plan.
Remarques :
Il nest pas possible denclencher à la fois
les boutons « Normal » et « Filtré »
dune même couleur dans une même colonne. Dans chaque
colonne de 4 boutons, il peut y avoir 0, 1 ou 2 boutons enclenchés.
Quand le mode split-screen est enclenché, une seule
colonne suffit à régler le son des 2 interlocuteurs,
ce sera par défaut celle de gauche (ORANGE). On sort du mode
split-screen en appuyant sur le bouton CUT qui nous fera basculer
sur limage du personnage B, les
réglages de la colonne de droite (VERTE) seront appliqués.
A tout instant, il y a une forcément une colonne active.
Pour que le personnage à limage soit muet, il faut décocher
toutes les cases de sa colonne. b. La fenêtre de projection
La majeure partie de la fenêtre de projection sera dédiée
à montrer le résultat du montage réalisé
par lopérateur : split-screen ou alternance entre les
2 personnages dans le temps. Un texte en marge de lécran
viendra préciser aux spectateurs la situation audiovisuelle
que lutilisateur est en train dexpérimenter. Cette
fenêtre de projection apparaitra selon les utilisations sur
un écran externe ou projeté dans une salle de cinéma.
Fig7. Capture décran de la fenêtre de projection
en mode split-screen et en écoute téléphonique
(Les 2 voix sont filtrées)
4. A qui sadresse ce logiciel ?
Le LaBoPhone a dabord été concu dans le but dexplorer
de manière ludique les 83 combinaisons typologiques et den
faire la démonstration en temps réel au jury de ce mémoire.
Il permet a une seule personne de prendre le controle des images et
des sons avec une interface mobile. Si cette expérimentation
se faisait dans une salle de cinéma remplie de spectateur,
ceux là assisteraient à un « spectacle vivant
» proposé par une personne comme dans Twixt.
B. Réalisation dun contenu audiovisuel adapté
au LaBoPhone, Du logiciel au film
En même temps que le programme était élaboré,
de nombreux essais préliminaires ont été faits
pour valider certaines hypothèses et préparer le vrai
tournage qui na malheureusement pas pu avoir lieu avant le rendu
de la partie écrite de ce mémoire. Le tournage aura
lieu le samedi 2 Juin 2012 à lécole Louis Lumière.
Parmi les tests qui ont été faits, vous pourrez trouver
avec ce mémoire un DVD avec une version bêta du logiciel
et un film-test dont limage ci-dessus est extraite. Ces essais
ont montré que lexploration de ces formes cinématographiques
pouvait apporter une touche ludique et avait un vrai intérêt
pédagogique. Jai par ailleurs fait essayer le LaBoPhone
à des personnes de mon entourage grâce auxquels jai
pu améliorer lergonomie de linterface et constater
certains problèmes fonctionnels. En mars, les séquences
filmées que vous pouvez trouver sur le DVD qui sont des remakes
du film A single man, de Tom Ford mont permis de pointer du
doigt les difficultés inhérentes à la nécessité
de synchronisation et la problématique du tournage en temps
réel.
1. Mise en place dun dispositif de tournage a. La nécessité dun double plan-séquence
La difficulté du tournage de ce film particulier réside
dans le fait de devoir tourner avec 2 caméras dans 2 locaux
différents, 2 plan-séquences en parfait synchronisme.
Voyons ce qui oblige à cela.
Le point de départ est que ces plans ne seront pas montés
avant le traitement par le logiciel :
pendant la conversation, il ny aucun passage inutile, tout est
voué à être potentiellement vu et monté
par lutilisateur. Cela à deux implications importantes
:
Nous ne pouvons pas tourner de manière classique (avec
une caméra) les paroles de lun puis, plus tard, sur une
autre prise, les paroles de lautre puisque rien nassure
que leurs rythmes de jeu et de parole seront parfaitement identiques.
Cest une chose que lon peut gommer aisément dans
le cas dun montage en champ / contre-champ classique mais pas
dans notre cas où le montage nest pas possible.
Implication caractéristique du plan séquence
: nous ne pourrons garder quune seule version du double plan-séquence
parmi tous ceux qui auront été tournés.
Remarquons quil sagira dun tournage où il
ny aura aucun découpage de plans. A priori cela pourrait
ressembler à du « non-cinéma » sil
ny avait pas une dose de montage apportée à la
diffusion par le LaBoPhone. Il sera souhaitable de tourner les plan-séquences
avec des mouvements de caméra à lépaule
pour rompre avec la monotonie de lalternance des personnages
et éviter leffet «ping-pong». Ce sont les
mouvements de caméra et le jeu des acteurs qui vont donner
une résonance cinématographique à ce film, forme
brute qui pourra ensuite être torturée par l'utilisateur
du logiciel. b. Le choix du mode de télécommunication
Il y aura une caméra pour chaque interlocuteur, les 2 personnages
devront être éloignés physiquement lors du tournage
pour éviter que les répliques de lun vienne «
polluer » les temps de silence et découte de lautre.
La conséquence de cet éloignement est que les 2 acteurs
ne pourront pas sentendre « de vive voix », aussi
il faudra quils puissent sentendre à travers un
système audio quelconque. Nous détaillons ici les solutions
que nous avons successivement envisagées :
Une conversation avec deux téléphones fixes à
supposer que le combiné ne fasse pas trop entendre linterlocuteur
opposé. Le problème est davoir deux lignes téléphoniques
indépendantes dans 2 locaux proches. Cela suppose de devoir
rallonger des lignes téléphoniques de manière
importante.
Une conversation avec des téléphones portables
à supposer que ceux-ci ne fassent pas dinterférences
avec lenregistrement du son. Lavantage est que le niveau
sonore du combiné est réglable, le désavantage
est que cela oblige la scène à être située
dans un contexte récent. La possibilité de passer des
appels via le protocole VoIP a été étudiée
mais cela nécessiterait que les 2 appareils soient connectés
sur un même réseau Wifi et que nous puissions paramétrer
facilement les réglages dadresse IP, ce qui nest
pas chose facile avec le réseau de lécole (dispositifs
pare-feu). Cette solution était relativement peu fiable.
La solution qui a finalement été retenue est
denvoyer dans des oreillettes sans fil les voix des interlocuteurs
opposés, captées par les 2 micros de perche. Ce dispositif
a lavantage de nous permettre dutiliser nimporte
quelle sorte de téléphones qui auront seulement le rôle
daccessoires de mise en scène et non de transmission
du son. Ce sont les oreillettes sans fil qui sont utilisés
dans les journaux télévisés pour communiquer
des informations au présentateur. c. Protocole pour la synchronisation des sons et des images
Il y a plusieurs synchronismes à préserver lors de ce
tournage :
- La synchro entre les 2 pistes son (un micro perche sur chaque acteur)
- La synchro entre les 2 caméras
- La synchro entre le son et limage
1) Les deux pistes son sont enregistrées sur un même
magnétophone numérique, ce qui garantit leur synchronisme.
2) Les deux caméras se réfèrent à un même
TimeCode, elles enregistrent en mode FreeRun.
La caméra 1 est maître en TimeCode, lautre esclave,
on relie les 2 par un câble BNC. La caméra maître
imprime ou « jam » son TimeCode à la deuxième
qui le garde pendant plusieurs heures avec une dérive négligeable.
Les 2 caméras sont synchrones sans être reliées
en permanence.
3) Par suite, si les 2 caméras sont synchronisés entre
elles, si les 2 pistes son sont synchrones entre elles, alors il suffit
de synchroniser une piste son à une caméra pour garantir
le synchronisme de lensemble. On optera pour un clap entre la
caméra 1 (Maitre) et le micro proche de celle-ci.
2. Lécriture du scénario :
« Une source en forêt »
a. Les contraintes décritures dues au dispositif
Bien entendu, ce nest jamais évident de commencer à
écrire une histoire en ayant trop de contraintes, en général
il est plus simple décrire sans se poser trop de questions
et de rendre le projet réalisable en écartant les idées
trop compliquées à mettre en place ou trop chères
à tourner. Dans mon cas, je disposais dun cahier des
charges du dispositif de tournage qui réduisait mes possibilités.
Dautres part, jai dès le début de lécriture
tenté dintégrer des figures typiques des conversations
téléphoniques. Je voulais de la même manière
laisser une part importante aux sons de téléphones hors
communications dont je parle dans la première partie du mémoire
(sonneries, tonalités, etc). Le LaBoPhone comporte un intérêt
particulier pour les séquences de conversations téléphoniques.
Néanmoins pour que le film ait une cohérence, jai
décidé dy ajouter quelques instants de mise en
scène non verbale, au début avec le comportement parallèle
des 2 personnages, et à la fin avec lapparition dun
troisième
personnage qui annonce la chute.
Voici un résumé des contraintes et des nécessités
qui ont guidé lécriture du scénario et
le choix des comédiens.
Les personnages :
- Au moins 2 personnages. Ils doivent se téléphoner.
- Pour couvrir les différents types de voix, il y a un homme
et une femme.
- Choisir des voix relativement graves pour sentir nettement leffet
du filtrage.
Les décors :
- Les 2 lieux de tournage sont éloignés physiquement
(acoustique).
- Les 2 lieux de tournage doivent être assez proches pour tirer
des rallonges audio.
- Les 2 décors doivent être nettement différenciés.
- Si possible choisir un décor intérieur et un décor
extérieur.
- Chaque décor peut avoir une ambiance sonore qui lui est facilement
associable (par exemple : ambiance de forêt / fond de radio
dans un bureau). Le son filtré nest pas uniquement de
la voix mais aussi une empreinte du décor
La temporalité :
- Lhistoire sécoule sur une seule période
temporelle (pas dellipse). Temps réel imposé par
la nécessité de tourner un plan-séquence.
- Le film dans son ensemble ne dure pas plus de 4 minutes. Une durée
courte permettra à lutilisateur dessayer plusieurs
montages.
Lusage du téléphone :
- Utiliser des vieux téléphones pour la richesse des
sons et le design de lobjet.
- Profiter du double plan-séquence pour autoriser les «
chevauchements » des acteurs.
Pas de problèmes de raccords...
Les possibilités apportées par le LaBoPhone :
- Encourager les paroles à double interprétation. Selon
lutilisation du LaBoPhone cela peut créer des contresens
et des interprétations diverses.
- Les personnages peuvent répéter quelques mots clefs
de ce que leur interlocuteur leur dit pour les confirmer. «
17h », « au bar », « très bien ».
Cela permettra de deviner ce qui est dit en face si lutilisateur
du LaBoPhone a fait le choix de nentendre quun personnage.
b. Synopsis et résumé
Cest en gardant constamment ces idées en tête que
jai écris le scénario du film dont vous trouverez
ci-dessous le synopsis. Vous pouvez aussi lire le résumé
du film, mais celui révèle la fin du film. Le scénario
complet est donné dans les pages annexes
Synopsis « Une source en forêt »
Nous sommes dans les années 70, à Paris. Un journaliste
dinvestigation rédige un dossier polémique sur
une bavure des services secrets français en Syrie. Cette affaire
sous haute tension oblige à certaines précautions...Le
journaliste a contacté indirectement une jeune femme pouvant
lui apporter des preuves de la culpabilité de certains dirigeants
politiques. Pour garantir lanonymat de cette source, le journaliste
lui donne un rendez-vous téléphonique sur un vieux téléphone
à cadran accroché à un arbre dans une forêt.
Résumé
Le journaliste utilise un code pour sassurer que cest
la bonne personne qui est à lautre bout de la ligne.
Ce code est un poème et linterlocuteur doit en réciter
la fin pour prouver quil est la bonne personne. Mais linterlocuteur
savère être une promeneuse qui attirée par
la sonnerie du téléphone a décidé de décrocher.
Comble du hasard, elle connait le poème... Commence alors un
quiproquo volontairement entretenu par une jeune femme amusée
de parler avec ce personnage tout droit sorti dun roman à
complots. Il souhaite quelle lui remette des documents secrets
qui mettraient en évidence la culpabilité de dirigeants
politiques. Elle pousse le faux-semblant jusquà parvenir
à lui donner un rendez-vous dans un endroit tenu secret. On
apprend à la fin que la discussion était sur écoute
: les services secrets pensent enfin pouvoir mettre la main sur la
jeune femme qui détient les documents compromettants...
3. Les différentes étapes de la post-production a. Post-production de limage
Bien que les plans tournés soient deux plan-séquences,
il y aura un point de montage réalisé à la fin
pour introduire la séquence 3 du scénario qui annonce
la chute de lhistoire.
Cette séquence sera montée de la même manière
pour la vidéo du personnage A et pour la vidéo du personnage
B. Par conséquence, pour la fin du film et le générique,
lappui sur le bouton CUT, jusque là utilisé pour
basculer dun personnage à lautre, naura plus
deffet sur limage.
Le gros du travail de post-production de limage sera dune
part délaguer les extrémités du double
plan-séquence et de trouver le point de montage entre celui-ci
et la séquence 3. Nous devrons intégrer le générique
de fin en synchronisme avec le son puisque les acteurs vont lire
le générique.
Enfin il faudra aussi compresser les vidéos puisque daprès
les essais préliminaires que nous avons pu réaliser,
PureData installé sur mon ordinateur nest pas capable
de lire deux flux vidéos en qualité HD avec fiabilité.
Il est probable que nous les compressions en format 720p. b. Post-production du son
La post-production du son consistera à :
- Nettoyer les éventuels défauts de tournage (bruits
de perche, bruits parasites).
- Rajouter éventuellement des ambiances sonores stéréo
dans le plan-séquence.
- Monter les sons de téléphone au début du film
( sonneries, tonalités, etc.).
- Travailler le raccord son entre le plan-séquence et la séquence
.
C. Caractéristiques de la diffusion du film interactif 1.Les choix techniques
La diffusion aura lieu dans la salle de projection de lécole
Louis Lumière le jour de la soutenance (semaine du 11 juin
2012). Nous prévoyons une journée dessais le mercredi
6 juin.
La lecture des fichiers video et audio sera réalisée
par un ordinateur portable relié à un vidéo-projecteur
idéalement placé au sein de la salle de cinéma
(si possible utiliser une sortie DVI).
Le son sera diffusé sur les enceintes de la salle de cinéma.
Les canaux décran suffiront (canaux LCR) puisque la plupart
des contenus seront des voix (canal C) accompagnées dambiances
stéréo (canaux LR). Par simplification, nous nutiliserons
pas les canaux Surround. Nous utiliserons une carte son pour véhiculer
les 3 canaux jusquaux amplis de la cabine de projection. Un
Smartphone iPhone ou Tablette Ipad fera office dinterface logicielle.
Il commandera le logiciel installé sur lordinateur via
une liaison Wifi. Nous nenvisageons pas dutiliser le réseau
Wifi de lécole pour lequel il faudrait avoir des autorisations
spéciales (afin denlever les pare-feux). Nous utiliserons
un téléphone en guise de modem, il transformera le réseau
cellulaire 3G en réseau Wifi. Vous trouverez en annexe C un
schéma synoptique de linstallation sous réserve
des modifications que les essais préliminaires pourront révéler.
Au moment où jai commencé à écrire
ce mémoire, jentendais dire autour de moi que les téléphones
dans les films nétaient que des outils au service de
la narration. Mais javais la conviction quen plus de cela,
le téléphone portait en lui la synthèse dun
cinéma sonore accompli. Un cinéma qui ne serait pas
seulement une juxtaposition ou une superposition de sons et dimages
mais qui ferait interagir ces deux médias en bonne intelligence.
Là où on entend souvent regretter que le son soit «
le parent pauvre » du cinéma, le téléphone
impose sa part de sonore. Peut être parce que le son se remarque
essentiellement par comparaisons et que le téléphone
offre une comparaison directe entre la voix et la voix filtrée.
Nous avons vu que le téléphone au cinéma posait
la question de la représentation dun objet déchange
sonore par un media à la fois visuel et sonore. Vouloir représenter
le téléphone saccompagne des figures qui ont marqué
son histoire : entre évolutions technologiques et leurs conséquences
sur la société. Vouloir représenter le téléphone
saccompagne dun bagage de référents culturels,
autant sonores que visuels.
Mais la cohésion accomplie de limage et du son implique
aussi des mises en formes combinées (montage image et montage
son), particulières et complexes, dont une bonne lecture nécessitait
de se détacher un instant des cas filmiques concrets. Par un
raisonnement de bon sens, nous avons pris la mesure de ce que la combinaison
du son et de limage permettait de faire. Au final ce sont 83
cas audiovisuels qui ont été recensés.
A ce stade il aurait été possible de voir ce que chacun
des 83 cas pouvait signifier à travers des exemples de films.
Mais nous avons préféré laisser ce champ comme
futur terrain dinvestigation et proposer un outil interactif
qui permet dexplorer les 83 cas en permettant à un «
spect-acteur » de prendre le contrôle déléments
simples comme le point de montage ou le point découte.
Notre plus grand regret aura été de ne pas avoir pu
pousser lexpérimentation audiovisuelle jusquà
son paroxysme en analysant les comportements des utilisateurs. Nous
espérons que la définition précise dun
protocole de fonctionnement et la conception du LaBoPhone permettront
à dautres de poursuivre lexpérimentation,
y compris en dehors des conversations téléphoniques.
De quoi le cinéma de demain sera-t-il fait ?
Les films nétant que des réecritures et réinterprétation
de sujets universels, il y a fort a parier que les nouvelles technologies,
notamment par les objets connectés, noffrent pas de reconsidérations
des thématiques cinématographiques, mais créent
plutôt des nouvelles voies de dialogues et dinteractions
entre les spectateurs et la forme audiovisuelle des films. Par dessus
tout cest lidée dun cinéma à
la croisée de tous les autres médias qui pourrait voir
le jour : un cinéma transmedia. Espérons que les domaines
du son, aussi riches que méconnus, puissent y prendre une part
intégrante.