La Téléphonophobie
La peur du téléphone (phobie du
téléphone, peur téléphonique ou téléphonophobie)
est une peur ou angoisse de passer ou de prendre des appels téléphoniques.
La peur du téléphone est également considérée
comme un type de phobie sociale ou un trouble anxieux.

Les individus qui en souffrent exposent typiquement une peur de se tromper
lors d'une conversation téléphonique ou une peur de ne
savoir que dire, ce qui pourrait résulter en un silence embarrassant,
un balbutiement ou un bégaiement. Le comportement évitant
associé des individus inclut la demande envers des proches (ex.
conjoint, parent, colocataire) de prendre l'appel pour eux et l'utilisation
exclusive de répondeurs.
Ainsi, les individus peuvent manquer certaines activités, telles
que des événements ou informations parfois importantes.
Une autre raison, moins fréquente, de la peur du téléphone
peut aussi être la crainte que le correspondant ait de mauvaises
intentions ou qu'il n'annonce de mauvaises nouvelles.
Comme pour de nombreuses phobies et angoisses, il existe
un spectre sévère de peur des conversations téléphoniques
accompagné de difficultés.
En 1993, il est rapporté que 2,5 millions de personnes au Royaume-Uni
souffrent de peur du téléphone.
Parmi ces diagnostics, la peur du téléphone
est un symptôme commun du trouble du spectre de l'autisme : les
individus autistes ne conçoivent pas les échanges téléphoniques
autrement que pour des informations claires et précises. Faire
la conversation est un concept non évident pour eux.
Travers paradoxal dune société hyperconnectée,
la phobie du téléphone touche dirréductibles
timides en mal de confiance comme des allergiques de la confrontation
verbale. À moins que ce ne soit quune question de génération
et dhégémonie des nouveaux mode de communication.
Les personnes bipolaires peuvent également être
nerveuses à l'idée de communiquer par téléphone.
sommaire
Vous ne décrochez plus jamais votre téléphone ?
Vous tremblez dès que votre smartphone se met à vibrer
? Vous n'êtes pas un cas isolé. Comme un Français
sur cinq, vous souffrez de « téléphonophobie ».
Répondre au téléphone nest pas systématique
pour la plupart des gens. Une récente étude de lINSEE
a en effet montré quun français sur cinq filtre
ou refuse systématiquement de prendre un appel. Cela sappelle
la téléphonophobie.
"Quand je voyais le numéro de quelquun du bureau safficher
sur mon téléphone, cest simple, mon coeur sarrêtait.
Je me disais que javais forcément fait une bourde"...
Cest une phobie très répandue aujourdhui alors
que 95% des Français disposent dun téléphone
portable.
Nos compatriotes sont dailleurs plus nombreux que ce que lon
pense à ne jamais décrocher leur combiné. Daprès
létude de lINSEE, 17% des interrogés ayant
un téléphone fixe assure ne jamais répondre. De
plus, 26% d'entre eux prennent lappel uniquement sils connaissent
le numéro. Pour les utilisateurs de téléphone mobile,
2% ne décrochent jamais et 30% filtrent systématiquement
les appels entrants. Dailleurs 19,7% des Français entre
15 et 29 ans restent injoignables. Une tendance qui varie en fonction
de plusieurs critères comme lâge ou le sexe des personnes,
par exemple.
Age, sexe, citadin : qui sont les personnes qui filtrent leurs appels
?
Daprès lInsee, la téléphonophobie est
fortement présente chez les personnes de plus de 75 ans. En effet,
les sondés âgés de 15 à 74 ans étaient
entre 17 et 21% à ne pas répondre au téléphone
contre 32% pour les plus de 75 ans. Au total, ce sont donc un Français
sur cinq qui filtrent ou refusent directement leurs appels.
Le fait de ne pas décrocher son téléphone est un
phénomène plus présent chez les hommes. En effet,
en comparant les résultats, les hommes filtrent plus leurs appels
que les femmes. Enfin, la région Parisienne est également
plus encline à la téléphonophobie que la province.
Les personnes étrangères ou les personnes ne possédant
pas Internet sont aussi plus sujettes au refus de répondre au
téléphone.
Pourquoi filtrer ses appels ?
Plusieurs raisons expliquent lessor de la téléphonophobie.
Tout dabord, au fil des années, les appels ont diminué.
Aujourdhui, pour communiquer, les appels ne sont plus indispensables
comme lexplique la psychologue Maria Heina à France Info
:« Certaines démarches qui étaient accessibles autrefois
par téléphone le sont aujourdhui par Internet, ce
qui rend le fait de téléphoner de moins en moins familier
et par conséquent de plus en plus angoissant. Il se passe la
même chose dans la vie privée ».
Il est également plus rassurant denvoyer
un message puisque lon peut préparer sa réponse
et que nous ne sommes pas en condition du direct.
Enfin larrivée des messages vocaux a également
redistribué les cartes comme lexplique Catherine Lejealle,
sociologue et chercheur à l'ISC Paris au site FranceLive : «
Ils permettent de ressentir la chaleur de la voix, l'émotion,
le ton... Et dans le même temps ils suppriment cette crainte de
déranger, puisque le destinataire ne l'écoutera que quand
il sera disponible ».
Et bonne nouvelle pour ceux qui naiment pas décrocher
leur téléphone et qui privilégient les messages
vocaux puisque la durée de ces derniers a récemment été
rallongée à trente minutes.
Si les causes de cette peur peuvent être diverses, l'une d'entre
elles reste méconnue et souvent négligée : lincertitude
quant à la durée de l'appel.
Imaginez le scénario suivant : vous êtes au milieu d'une
tâche importante, votre téléphone sonne et, en décrochant,
vous vous retrouvez plongé dans un appel qui dure des heures.
L'angoisse de linconnu, l'incertitude liée à la
durée potentielle de l'appel, peut devenir une véritable
source de stress. Pour certains, cela ressemble à plonger dans
un trou noir de communication, où le temps semble sétirer
à l'infini.
Lincertitude temporelle autour des appels téléphoniques
peut être déroutante. Dans la plupart des interactions
de la vie quotidienne, nous avons une certaine maîtrise du temps
: combien de temps nous passons dans une réunion, combien de
temps dure un film au cinéma, etc. Mais un appel téléphonique
est fondamentalement agnostique en ce qui concerne le temps. Il peut
durer une minute, une heure ou plus. Cette imprévisibilité
peut amplifier la peur de l'engagement envers l'appelant.
Alors, comment gérer cette peur? La clé est peut-être
dintroduire des paramètres de temps dès le début
de la conversation. Indiquer d'emblée combien de temps on dispose
peut rassurer les deux interlocuteurs et mettre en place un cadre pour
l'échange.
De plus, avec l'évolution de la technologie, des solutions innovantes
voient le jour pour permettre une meilleure gestion du temps lors des
appels. Des applications, proposant par exemple des appels à
durée déterminée, peuvent être une réponse
à cette problématique.
Aujourd'hui, tout le monde possède un smartphone mais, paradoxalement,
plus personne ne décroche. Rien de si étonnant. En effet,
la multiplication des moyens de communication rend désormais
l'appel facultatif. SMS, WhatsApp, Messenger & cie auront, dès
lors, souvent la priorité car ils permettent d'éviter
une conversation orale intrusive et, surtout, à la durée
indéterminée.
En conclusion, la téléphonophobie, amplifiée par
l'incertitude de la durée d'un appel, est une réalité
pour de nombreuses personnes. En reconnaissant et en abordant cette
peur, nous pouvons créer des espaces de communication plus confortables
et efficaces pour tous.
Après tout, la technologie est censée faciliter notre
vie, pas la compliquer.
sommaire
Le phénomène est méconnu, mais
de nombreuses personnes assurent être atteintes de téléphonophobie.
Une peur panique qui les handicape dans leur vie personnelle et professionnelle.
"La sonnerie du téléphone déclenche chez moi
un malaise physique", témoigne Nine2cat. Comme cette lectrice
sous pseudonyme, de nombreux internautes ont répondu à
l'appel à témoignages de franceinfo sur la téléphonophobie.
Cette peur panique du combiné peut sérieusement handicaper
les personnes atteintes dans la vie professionnelle et sociale, mais
elle n'est pas irrémédiable.
Peu d'études existent sur ce trouble, à tel point que
nombre de nos témoins ont été étonnés
d'apprendre qu'ils n'étaient pas seuls à souffrir.
Le phénomène n'est pourtant pas anecdotique. Des témoignages
ont déjà été publiés sur le sujet,
à l'image du post de blog du dessinateur Martin Vidberg sur le
site du Monde ou de cet épisode du podcast Studio 404. Le sujet
fait même l'objet de discussions sur le forum jeuxvideo.com et,
au sein de la rédaction de franceinfo, certains journalistes
se disent concernés. Pour autant, il n'existe pas de chiffres
précis. Franceinfo a tenté de mieux comprendre cette phobie.
- "Parfois, on perd des amis"
"Je peux poser des lapins car je nai pas le courage dappeler
la personne pour annuler et cela me met dans tous mes états toute
la matinée", raconte Stéphanie, 26 ans. "Il
est presque impossible de me joindre sur un téléphone.
Mon répondeur est désactivé. Les échanges
téléphoniques me font paniquer", ajoute Bernard.
- "Au boulot, c'est lenfer. Jessaie de me sauver quand
un téléphone sonne, mais en tant qu'infirmière
au bloc opératoire, je ne peux pas toujours ! Et là, c'est
sueurs froides, mains qui tremblent et bafouillages en tous genres !"
détaille Anne-Cécile. "Au début, je donnais
des excuses bidons à ceux qui n'arrivaient pas à me joindre,
avoue Matthieu, mais finalement j'ai informé tous mes amis et
proches, leur ai demandé de ne pas m'appeler et dit que je ne
les appellerais qu'en cas de force majeure."
- Quand j'ai besoin de voir quelqu'un, je me déplace chez lui
sans le prévenir. Matthieu à franceinfo
- "Cela fait deux mois que je dois appeler le service informatique
pour récupérer des tablettes et je n'y arrive pas",
témoigne Sophie. La jeune femme de 38 ans, responsable d'une
médiathèque en banlieue parisienne, évoque ses
angoisses autour d'un café : "Il m'est arrivé de
rater des opportunités à cause de ma phobie. Par exemple,
je coordonne l'écriture d'un livre et je n'ai jamais réussi
à rappeler un contributeur qui voulait me parler au téléphone.
Du coup, il ne participe pas au projet."
- J'ai fait des conférences devant 200 ou 300 personnes, mais
je me paralyse devant une sonnerie de téléphone. Sophie
à franceinfo.
Le problème de Sophie est plus simple à gérer dans
sa vie privée, car ses proches savent qu'il faut la contacter
par texto. Pour d'autres, comme Fanny, l'angoisse du téléphone
se surmonte au travail mais pas le reste du temps : "Appelez-moi
sur mon portable et je peux rester paralysée en évaluant
la situation et en pesant le pour et le contre. En général,
ma réflexion envoie mon interlocuteur sur mon répondeur.
Que j'écoute rarement." Un numéro inconnu est généralement
une barrière infranchissable pour les personnes phobiques.
Les conséquences peuvent être difficiles à vivre.
"Parfois on explique, mais rien n'y fait. On perd des amis. C'est
comme ça", regrette Sabine.
- "Après un petit boulot pour une agence pas très
honnête, je nétais toujours pas payée au bout
de deux ou trois mois. Javais essayé de les relancer par
mail, sans succès. Du coup, j'ai fait une croix sur ces revenus,
même si jen avais clairement besoin", relate aussi
Guillemette, qui a finalement pu récupérer son argent
grâce à l'intervention d'une amie.
Le fait davoir peur dappeler mempêche également
de postuler à certains jobs. Guillemette à franceinfo
Sophie évoque enfin le sentiment de honte qui
accompagne sa phobie : "J'ai mis du temps à accepter que
j'avais un problème. Une fois, j'ai tenté de l'expliquer
à une collègue et elle s'est moquée de moi. Donc
je ne le dis plus."
"Le sujet redoute souvent une mauvaise nouvelle"
Comment expliquer cette phobie du téléphone
? La psychologue Maria Hejnar a déjà été
confrontée à plusieurs patients présentant ce trouble.
Elle distingue la peur de passer un appel et celle de décrocher
le combiné : "La personne qui souffre de la phobie ressent
une angoisse qui va lempêcher de répondre lorsque
son téléphone sonne. Cette crainte est tout à fait
irrationnelle : le sujet redoute souvent une mauvaise nouvelle, par
exemple laccident ou la mort dun proche."
A chaque sonnerie de téléphone, Sophie
s'attend effectivement à "quelque chose de négatif"
: "Je suis une angoissée de la vie. Je me dis toujours que
j'ai fait quelque chose de mal et que je vais me faire engueuler."
Elle évoque aussi son enfance pour tenter de comprendre les raisons
de sa phobie : "Mes parents me demandaient de répondre au
téléphone en pensant que ça me faisait plaisir.
Je n'aimais vraiment pas ça et, en plus, ils se servaient de
moi pour filtrer les appels."
Certains témoignages évoquent aussi un
traumatisme passé à l'origine de la phobie. "J'ai
mis cette aversion pour le téléphone sur le compte de
plusieurs années à faire la standardiste", raconte
ainsi Fanny. A l'heure des messageries instantanées et des mails,
le coup de téléphone peut également être
vécu comme une agression dans la sphère de l'intime. "Je
naime pas le téléphone et son côté
intrusif, sa sonnerie perturbe lunivers dans lequel je suis, jai
du mal à accepter dêtre dérangée",
explique ainsi Céline.
"Une crainte d'être jugé"
"La peur dappeler, elle, sinscrit dans
une crainte dêtre jugé, typique de la phobie sociale.
Ces craintes sont irrationnelles mais très réelles pour
le sujet qui les ressent", ajoute Maria Hejnar. Divers contextes
psychologiques peuvent expliquer ce trouble, que ce soit la phobie sociale
ou une dépression sous-jacente. "La phobie est une névrose,
qui généralement cache beaucoup d'autres choses. Avec
la phobie du téléphone, on est sur un enjeu lié
à l'estime de soi, une problématique narcissique",
ajoute le psychologue et psychanalyste Michaël Stora, expert sur
les questions du numérique. "Je pense que nous sommes dans
une société où il y a de plus en plus d'enjeux
de performance, de réussite, où l'échec devient
interdit. Tout cela provoque un très grand stress", poursuit-il.
"Jai peur de déranger, de bafouiller
ou quon ne comprenne pas bien ce que je souhaite", confirme
ainsi Stéphanie. "Au téléphone, les idées
ne me viennent pas, je suis nul car je n'ai pas les signaux non-verbaux
dont j'ai besoin pour interagir", ajoute Camille. "Le fait
de ne pouvoir appréhender mon interlocuteur, de ne pouvoir estimer
ses réactions, lire dans son attitude comment il reçoit
le message que je lui délivre, est pour moi très gênant",
témoigne Jérôme.
Cela pourrait se comparer à l'expérience
d'un repas sans odorat, d'un concert sans ouïe, d'une course sur
une jambe. Jérôme à franceinfo.
Lévolution récente des modes de communication contribue
à accentuer cette phobie du téléphone, ajoute Maria
Hejnar : "Certaines démarches qui étaient accessibles
autrefois par téléphone le sont aujourdhui par internet,
ce qui rend le fait de téléphoner de moins en moins familier
et par conséquent de plus en plus angoissant. Il se passe la
même chose dans la vie privée
Plus besoin dappeler
les amis ou la famille pour prendre des nouvelles, elles sont publiées
sur Facebook ou Instagram."
"Je préfère rappeler pour avoir le contrôle"
Les outils numériques sont primordiaux dans la
stratégie de contournement du téléphone pour les
personnes phobiques. "Certains patients narrivent pas à
mappeler pour demander un premier rendez-vous, ils préfèrent
le faire par mail", raconte Maria Hejnar. "Doctolib, La Fouchette
et autres ont changé ma vie. J'ai notamment repris un suivi médical
sérieux", assure ainsi Camille.
Chaque personne phobique met en place des méthodes
pour éviter l'épreuve téléphonique. Au quotidien,
Sophie s'arrange pour déléguer les coups de fil à
ses collègues ou à son mari, mais certains appels sont
inévitables. Alors quand le téléphone sonne au
travail, la jeune femme prend une grande inspiration, se concentre et
se convainc qu'il s'agit d'une personne bienveillante et, alors, elle
parvient parfois à décrocher. Mais généralement,
elle préfère quand même différer la conversation
: "Quand un individu m'appelle, je ne suis pas prête."
Je préfère rappeler pour avoir le contrôle,
pour avoir eu le temps de me préparer. Sophie à franceinfo.
De son côté, Céline est prête à faire
beaucoup de kilomètres pour parler à ses interlocuteurs
en face à face : "Cela moblige à me déplacer
souvent, parfois pour rien, pour aller à la rencontre des gens.
Cest ainsi que, l'autre jour, jai fait deux heures de bus
pour aller demander une information que je n'ai pas obtenue."
Mais Maria Hejnar conseille de ne pas tomber dans le
piège de lévitement, car celui-ci peut aggraver
langoisse : "Lévitement systématique
renforce le sentiment dincapacité chez le patient et aggrave
langoisse phobique. Pour autant, la confrontation brutale peut
être traumatisante et en conséquence renforcer les symptômes."
Il faut donc appliquer des techniques pour s'exposer
de manière "très progressive à des situations"
qui génèrent de l'anxiété, selon la psychologue.
Il s'agit d'affronter le téléphone petit à petit
en se forçant à répondre. Elle invite également
à la pratique de la relaxation pour tenter d'abaisser le niveau
dangoisse. Pour dépasser sa phobie, il est surtout fortement
conseillé de consulter un spécialiste. Comme l'explique
Maria Hejnar, un psychologue pourra travailler avec le patient "afin
de lui redonner la confiance en ses propres capacités et le sentiment
de sécurité intérieure".
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