Trompette et Téléphone
du capitaine d'infanterie J.P. ZIGANG

Le capitaine français Zigang, connu pour sa trompette d'appel (1887) , a construit un téléphone électromagnétique, qui est probablement le plus petit existant à ce jour. La trompette électrique de Zigang est constituée d'un diaphragme au fond d'un tube en forme de trompette, qui vibre sous l'action de l'électro-aimant, comme dans un téléphone, le courant étant créé et coupé par le diaphragme lui-même.

Selon "La Lumière Electrique" , de 1889, la principale préoccupation de l'inventeur était de produire un téléphone bon marché, léger et pratique à usage domestique ; Parce que dans ses expériences précédentes, un courant galvanique en forme d'onde agissait sur une plaque parlante téléphonique au moyen d'un électro-aimant, jusqu'à une certaine limite, plus les courants étaient forts et spécifiques, plus la plaque parlante était élastique et petite, il a choisi un plaque avec un ton fondamental élevé, qu'il trouvait très avantageux pour reproduire les sons.

1880 Le téléphone Zigang

Le téléphone électromagnétique fabriqué selon ces aspects est représenté ci-dessus. Le téléphone contient un noyau en fer doux en forme de fer à cheval de 1,5 mm d'épaisseur, dont les extrémités des pôles sont encastrées dans une solide plaque de cuivre percée et solidement montée dans le boîtier ; Ce dernier a pour but d'éviter que les vibrations moléculaires de l'aimant ne soient transmises au boîtier. Une feuille de cuivre argentée de 0,03 mm d'épaisseur et d'un diamètre de 18 mm (15 mm libres) sert de plaque parlante ; Une ancre rectangulaire en fer doux de 0,15 mm d'épaisseur est fixée au dos. La plaque parlante est montée dans le boîtier en palissandre contenant toutes les pièces de manière à ce que les ancrages et les noyaux soient le plus près possible les uns des autres sans se toucher. Sur les noyaux se trouvent deux rouleaux de fil de cuivre de 0,1 à 0,2 mm d'épaisseur avec une résistance totale de 3 à 4 ohms, qui sont fortement vernis afin de contrecarrer le développement d'oscillations longitudinales des noyaux, qui nuiraient à l'effet du champ magnétique. poteaux. L'embout du téléphone n'est pas en forme de coque, mais presque plat, légèrement incurvé vers l'extérieur et doit bien s'adapter à l'oreille. Le téléphone, qui restitue bien la parole, le chant et la musique, ne pèse que 12 à 15 g.
Un microphone à charbon de Zigang ou d'Argy avec trois éléments Leclanché allumés sur chaque station de microphone est utilisé comme émetteur ; les circuits peuvent avoir une résistance allant jusqu'à 40 ohms.
La trompette d'appel de Zigang peut être utilisée comme dispositif de signalisation. Ce téléphone est destiné à être utilisé contre être moins sensible aux courants étrangers (télégraphiques et lumineux).

sommaire

Vu dans "La lumière électrique" de 1889

NOUVEAUX APPAREILS TÉLÉPHONIQUES DU CAPITAINE ZIGANG
Nous avons donné dernièrement la description du récepteur électromagnétique léger du capitaine Zigang. Nous allons examiner aujourd’hui les différentes combinaisons qut ont permis à l’inventeur de réaliser l’application de son système à la construction de postes téléphoniques domestiques légers. Dans le premier de ces postes (fig. 1) l’auteur dispose à la partie supérieure d’une planchette microphonique une trompette électrique d’appel.
Fig. 1
A la partie inférieure est un petit manipulateur Morse mobile autour de son support central ; ce manipulateur porte en outre à sa partie antérieure un petit disque métallique qui obture l’embouchure du microphone lorsque l’appareil est à l’attente.
Le microphone (système d’Argy) est dissimulé derrière la planchette dans un évidement circulaire au fond duquel s’applique la planchette de sapin. Les deux récepteurs pendent naturellement sur les cotés de la monture. Les deux bornes supérieures communiquent avec la ligne, les deux autres avec la pile (2 ou 3 éléments Leclanché).

Voici maintenant le fonctionnement de ce système :
Lorsque la personne du poste d’attaque veut appeler son correspondant, elle presse le bouton du manipulateur, et fait ainsi fonctionner la trompette du poste opposé.
La réponse se fait de mêrr.e et les deux opérateurs ainsi prévenus tournent respectivement leur manipulateur de gauche à droite, celui-ci prend alors la position indiquée dans la figure 1, en remplissant le rôle d’un commutateur dont l’effet est de mettre dans un même circuit les récepteurs, les microphones et les piles des deux postes; de plus la planchette du microphone a été découverte par le déplacement du disque qui l'obturait. Dès lors il n’y a plus qu’à appliquer les deux récepteurs aux oreilles et parler à environ 30 ou 40 centimètres de l'ouverture annulaire.
Lorsque la conversation est finie, celui qui a entamé la correspondance abandonne ses récepteurs, replace le manipulateur verticalement et donne quelques coups de bouton qui indiquent à celui qui écoute encore au poste opposé que l’entretien est terminé ; ce dernier exécute le même jeu et les deux postes sont de nouveau à l’attente.
Dans ce nouvel agencement, il ne fallait pas songer à utiliser le poids des récepteurs pour la manoeuvre automatique des commutateurs comme cela a lieu dans la plupart des appareils de ce genre, ce poids eût été évidemment trop insuffisant pour vaincre le moindre ressort antagoniste; nous avons vu comment le manipulateur mobile y suppléait d’une façon fort ingénieuse.
De prime abord, on serait tenté d’objecter qu’il est possible d’oublier de manœuvrer le manipulateur, ce qui empêcherait le fonctionnement des appareils ; la position dissymétrique de cet organe et l’ouverture de l’entrée du microphone rendent toute méprise impossible; en outre, en pressant le bouton pour indiquer la fin de la conversation on s'apercevrait bien vite que celui-ci s’abaisse dans le vide alors que normalement sa Course est assez limitée.
Le poste téléphonique dans son ensemble est léger, agréable à la vue, et peu encombrant. Le signal phonique d’appel est réglable comme intensité de son suivant qu’il doit fonctionnerdans nne chambre close ou dans un endroit où il y aurait nécessité d’avoir un signal plus puissant. La manipulation permet de correspondre en signaux Morse à l’audition dans les ateliers, les usines, les chantiers, où le bruit empêcherait momentanément de correspondre au téléphone.
Le poste micro-téléphonique Zigang convient particulièrement pour la correspondance avec circuit dé quelques kilomètres, mais il est possible de commnniquer à de grandes distances en augmentant con/enablèment la tension du courant.

TROMPETTE-TÉLÉPHONE
En poursuivant l’étude de la construction des postes téléphoniques domestiques à la fois simples et légers, le capitaine Zigang s’est aperçu que les éléments qui constituent sa trompette-électrique et son téléphone sont identiques.
En partant de cette similitude il conçut l’idée de faire servir le même appareil pour produire le signal phonique d’appel d’abord et ensuite de faire fonctionner les mêmes organes comme récepteur téléphonique.
Fig 2 Fig 3 Fig 4
Voici les dispositions adoptées par l’auteur pour l’appareil qui répond aux conditions proposées :
A (fig. 2) est un tube en palissandre déjà 4 centimètres de diamètre dans l’intérieur duquel se trouve fixé un petit électroaimant présentant ses pôles en regard et à une faible distance d’une plaque armature B. Une traverse métallique isolée portant une vis C, maintient en place par ses extrémités l’anneau qui serre la membrane B. Cette pièce est reliée à un piton extérieur D à l’aide duquel on accroche l’appareil.
L’un des fils de la bobine communique directement au conducteur souple, l’autré indirectement en passant parla plaque-armature. Un manche en bois E, sert de poignée à l’appareil pour faciliter sa manipulation, il est traversé par le cordon conducteur.
La trompette-téléphone est suspendue à un crochet-commutateur faisant saillie sur une planchette microphonique en acajou (fig. 3), F est un bouton d’appel ordinaire qui, avec les 4 bornes de ligne et de pile constituent tous les accessoires apparents du système.
Lorsqu’un courant est lancé dans la ligne par le poste correspondant les communications sont telles que l’appareil fonctionne comme trompette.
En décrochant la trompette-téléphone le commutateur a mis en circuit la pile, le microphone et l’électroaimant de chaque appareil.
En appliquant l’ouverture à l’oreille et en parlant devant la planchette on correspond comme avec le poste précédent.
Une particularité qui est aussi à noter dans ce dispositif c’est la simplification du microphone.
Le capitaine Zigang supprime totalement le diaphragme additionnel en sapin mince ainsi que ses accessoires et il pratique, dans l’épaisseur du bois de la monture, une cuvette cylindrique (fig. 4) au fond de laquelle il laisse substituer une épaisseur de 1 à 2 millimètres de bois. Cette membrane se trouve ainsi très régulièrement assujettie par ses bords, disposition qui élimine complètement les lignes nodales parfois nuisibles que provoquent des pressions périphériques irrégulières. On arrive ainsi en même temps à donner à l’ensemble un aspect plus agréable à l’œil.
Le microphone G est placé au centre de la membrane.
Ce poste domestique est bien plus simple que le précédent ; mais l’audition de la correspondance est un peu moins nette que dans l’autre ; d’abord parce qu’il n’y a qu’un seul récepteur et puis parceque ce récepteur ne se trouve pas dans des conditions théoriques qui assurent le meilleur fonctionnement à cause de la dimension de ses organes. Cet appareil est surtout intéressant à cause de la disposition ingénieuse qui permet à un seul et même instrument de produire un signal intensif d’appel et de servir pour les communications téléphoniques.
La trompette-téléphone a servi à l’inventeur de point de départ à des expériences qui ont eu pour résultats pratiques la création de la Trompette-téléphone automatiqne dont nous allons esquisser la description.
Ces expériences ont permis de pousser la simplification d’un poste téléphonique jusqu’à supprimer la planchette microphonique, les bornes, les boutons d’appel, crochets etc, en un mot tout l’attirail mural qui les caractérise presque tous ; le capitaine Zigang est parvenu ainsi à combiner un appareil d’une simplicité extrême.
Fig 5 Fig 6
La trompette-téléphone automatique est constituée par un appareil unique ayant la forme d’un petit marteau dont la masse serait remplacé par
le résonnateur qui contient les organes de la fig. 4. La traverse métallique portant la vis de réglage C est remplacée par une pièce circulaire en ébonite A (fig. 5) ayant au centre une cavité conique destinée à concentrer la parole sur la membrane vibrante comme dans le téléphone de Bell ; un disque métallique C d’un diamètre un peu plus grand fait corps avec le recouvrement en ébonite et est traversé par la vis de réglage formant interrupteur.
Un commutateur à lame élastique est disposé extérieurement sur le tube métallique et entièrement isolé de celui-ci. La force de cette lame est réglée de façon que l’extrémité libre vienne s’appliquer sur le disque C lorsque le poids seul de l’appareil agit sur elle (fig. 6).
Un cordon souple de 4 conducteurs part de la ligne et de la pile, traverse le manche de l’appareil et se répartit comme l’indique la figure schématique 5. On place l’instrument sur une table, un bureau, une surface horizontale quelconque de façon que le commutateur se trouve en dessous (fig. 6).
Pour correspondre, l’opérateur du poste d’attaque soulève son appareil en le prenant par la poignée. Le ressort-commutateur D n’étant plus comprimé revient en arrière et bute contre le bouton E (fig. 5, poste n° 2) en lançant dans la ligne le courant de la pile locale.
Dans ces conditions, l’appareil du poste n° 1 produit le signal phonique d’appel par le fonctionnement de la trompette; mais, comme l’électro-aimant du poste n° 2 se trouve en circuit, il en résulte que la plaque-armature de celui-ci est attiré synchroniquement, avec les ruptures de courant qui se produisent entre la vis et la plaque de l’appareil correspondant. Le son musical produit par la trompette du poste n° 1 est donc distinctement entendu par celui qui a soulevé l’instrument du poste n° 2; en conséquence tant que ce son persistera le correspondant du poste n° 1 ne sera pas prêt ; au contraire, lorsque le signal aura cessé cela voudra dire que ce dernier aura mis son instrument à l’oreille.
Qu’arrive-t-il lorsque les deux instruments sont soulevés ? la figure 5 l’indique suffisamment : les piles, la ligne et.les électro-aimants sont dans un même circuit électrique, les plaques armatures sont sollicitées parles pôles des électro-aimants et s’en rapprochent à 1/4 de millimètre. Ces plaques deviennent ainsi entièrement libres, en se séparant automatiquement de la vis de réglage qui prenait précédemment appui sur elles.
On a alors deux téléphones électromagnétiques dans lesquels les vibrations de la voix produisent dans le premier des variations dans l’intervalle qui sépare les armatures des pôles, variations qui sont fonctions de l’intensité du courant et qui provoquent des déplacements correspondants de la membrane du deuxième téléphone.
Il suffit donc, pour correspondre avec cet instrument, de soulever, d’attendre que le son qui se manifeste instantanément ait cessé, parler alors très distinctement et assez fort en plaçant la bouche le plus près possible de l’évidement conique, attendre la réponse en reportant l’appareil à l’oreille et ainsi de suite. Lorsque l’entretien est terminé, replacer l’appareil qui se met immédiatement à trompetter et qui avertit ainsi le correspondant que la conversation a pris fin; celui-ci, à son tour, remet son appareil à l’attente.
La trompette-téléphone automatique du capitaine Zigang est très ingénieuse et destinée à rendre de grands services comme application aux usages domestiques. L’intensité du son est évidemment plus faible que si l’on fait usaged’un microphone; de plus on est obligé de parler et d’écarter alternativement, mais ces petits inconvénients sont largement compensés par une très grande netteté d’articulation et un maniement simple et commode.
La pratique a démontré que l’intensité du son produit dans un récepteur téléphonique est presque toujours obtenu au détriment de sa netteté ; dans l’appareil ci-dessus c’est la netteté qui l’emporte sur la puissance et c’est bien ce qu’il y a lieu de préférer pour son application aux usages domestiques car dans une chambre fermée ou un bureau, on se tiouve toujours dans des conditions telles que les bruits extérieurs ne viennent pas troubler l’audition.
La trompette-téléphone automatique est donc bien l’appareil qui convient pour la téléphonie domestique; sa place est marquée dans les bureaux, administrations, pour les relations du chef de la maison avec ses employés, etc., c’est un porte-voix n’exigeant de la part de celui qui a à s’en servir aucun déplacement ni aucune opération préliminaire d’attaque, nouveaux avantages qui font réaliser une économie de temps, facteur toujours précieux.
En résumé, M. le capitaine Zigang, en créant ses postes légers a rendu des services à la téléphonie domestique : grâce à lui cet appareil est à la portée de tous car ces nouveaux instruments réunissent les conditions indispensables à leur application courante, c’est-à-dire : simplicité, légèretéet surtout bon marché.
P.-H. Ledeboer

Vu dans la presse


sommaire

Zigang réalisa aussi un heurtoir télégraphique

Le heurtoir de Zigang pour les télégraphes militaires (Journal Polytechnique 8 juin 1887)
Les heurtoirs télégraphiques pour code Morse sont particulièrement adaptés à la télégraphie militaire en raison de leur grande simplicité et commodité. Bien que ces heurtoirs soient généralement similaires aux télégraphes Morse dans leur disposition, un tel heurtoir a récemment été fabriqué par le capitaine d'infanterie J.P. Zigang et a reçu le nom de trompette électrique, qui est plus étroitement liée au téléphone.
Heurtoir pour télégraphes militaires
Selon la "Lumière électrique", il s'agit d'un tube en laiton R vissé sur la plaque de base G, qui fait office de tweeter. On y fixe la plaque de base Q de l'électro-aimant E, qui ne comporte qu'un seul rouleau, tandis que la deuxième branche e du noyau de fer est déroulée. Devant les pôles de l'électro-aimant se trouve la plaque P, qui porte l'armature a qui la traverse. Tant qu'aucun courant électrique ne traverse l'électro-aimant, la plaque P repose contre la pointe de la vis S et ferme ici le chemin du courant n n. Le courant qui se produit provoque d'abord l'attraction de l'armature a puis son auto-interruption S. le plateau P oscille ; le choc de la plaque P contre la vis S chaque fois que le courant est interrompu crée un son musical particulier, d'une force suffisante. On dit que la force du son est bien supérieure à celle des réveils vrombissants, qui sont également utilisés comme heurtoirs. La hauteur et la netteté de ce ton peuvent être modifiées à volonté à l'aide de la vis S.
La disposition choisie de l'électro-aimant E et de la plaque métallique P, qui ne dépasse que de 0,3 mm des pôles, aboutit à une combinaison de l'effet magnétique vers le centre de la plaque et à une utilisation de toute la force magnétique de l'électro-aimant. Deux éléments galvaniques, voire un seul, suffisent pour le fonctionnement.
L'appareil peut bien sûr également être utilisé à la place d'un hochet ordinaire et vous pouvez le régler pour que le son ait la tendresse souhaitée ; oui, on pourrait très facilement fabriquer un certain nombre de heurtoirs pour de plus grands centraux télégraphiques ou téléphoniques, qui se distingueraient facilement les uns des autres par leur son. En modifiant de manière appropriée la taille de la plaque P, on pourrait coordonner une séquence de tels dispositifs de telle manière qu'ils forment un organe électrique.
sommaire

LE POLYPHONE DU CAPITAINE ZIGANG

II est facile d’établir à l’aide d’expériences directes que le son est produit par des vibrations d’un système flexible cordes, plaques, etc., et que ces vibrations se transmettent jusqu’à notre oreille par l’intermédiaire de l’air. Le son est plus ou moins musical, selon la nature des vibrations. Les sons musicaux simples sont produits par des vibrations régulières, comme on le montre à l’aide d’un diapason pourvu d’un miroir, qui permet d’analyser le mouvement des branches métalliques. Quant à la parole humaine, elle est produite par des vibrations d’une extrême complication, dont la théorie est encore loin d’être définitivement établie.
Peur produire des sons musicaux, il faut donc provoquer les vibrations de l’air, soit par l’intermédiaire de cordes, comme on le fait dans le violon et le piano, soit en agissant directement sur l’air, comme on le fait dans les orgues et les instruments à vent.
Les applications du téléphone ont montré, non seulement qu’une mince plaque de fer, placée dans un milieu où il existe des vibrations sonores, vibre exactement comme l’air environnant, mais encore que ces vibrations, quelque compliquées qu’elles soient, peuvent être transmises par l’intermédiaire de l’electricité.
D’autre part le courant électrique fournit un moyen simple de produire des vibrations rapides, qu’on utilise, par exemple, pour entretenir le mouvement d’un électro-diapason, pour les sonneries trèmbleuses, etc. ; mais nous ne croyons pas qu’on ait eu l’idée, avant le capitaine Zigang, d’appliquer le courant électrique à la production directe du son.
Nous avons décrit dans ce journal (La Lumière Électrique du 16 avril 1887) comment
l’inventeur est arrivé à réaliser cette idée à l’aide de sa trompette électrique.
Avant d’aller plus foin et de nous occuper de la production électrique de la musique, qui forme le fond de cet article, nous dirons quelques mots des derniers perfectionnements de ce curieux appareil.
Comme nous avons donné, dans l’article cité, la description et les principes sur lesquels repose le fonctionnement de la trompette électrique, nous n’y reviendrons pas aujourd’hui. Nous nous contenterons de constater qu’à l’époque où nous avons parlé de ce nouveau signal, l’appareil venait d’être créé et n’était guère qu’un appareil de démonstration. Depuis, le capitaine Zigang est arrivé à donner à sa trompette une forme pratique et à lui faire produire un son très net et beaucoup plus musical.
La monture du nouveau système est entièrement métallique, ce qui rend l’appareil indéréglable (fig. 1).
Le son obtenu est plus musical que primitivement à cause ne l’inertie des pièces métalliques qui ne s’assimilent pas les vibrations de la membrane comme les montures en bois.
Examinons rapidement les qualités du son obtenu par cet instrument; cet examen est indispensable à l’intelligence de ce qui va suivre.
L’inventeur est arrivé à donner une hauteur dé finie au son musical émis par l’instrument, grâce à la détermination exacte des éléments qui peuvent faire varier cette hauteur et qui sont les suivants :
l° L’épaisseur de la plaque-armature;
2° Son serrage périphérique ;
3° Son diamètre;
4° Le poids de l’armature;
5° La capacité du résonnateur dans lequel se produisent les vibrations de la plaque;
6° La tension du courant électrique.
Les noyaux des électro -aimants sont de petit diamètre; on a donné aux bobines une résistance bien inférieure à la résistance totale du circuit parce que la rapidité des interruptions empêche l’électro-aimant de se saturer et de se désaimanter à chaque fermeture et à chaque rupture du circuit.
On a trouvé expérimentalement que les proportions qui donnent les meilleurs résultats sont celles donnéos par la formule
(R + n r) /4 , R étant la résistance de la ligne et r la résistance intérieuie de chaque élément.
Dans les modèles ordinaires de la trompette, la hauteur du son donné par l’appareil de 40 millimètres de diamètre se rapproche sensiblement du la (diapason normal) et les interruptions de courant se produisent environ 450 fois par seconde.
L’intensité du son obtenu par la trompette électrique est, jusqu’à une certaine limite, sensiblement proportionnelle à la tension du courant électrique c’est-à-dire à la force électromotrice de la pile ; elle augmente même encore avec des forces électromotrices et des intensités de courant supérieures celles qui sont nécessaires pour saturer l’électro-aimant; c’est parce que, vu les interruptions multiples dans l’unité de temps, le courant n’atteint pas sa valeur finale.
Le timbre du son dépend surtout de la pointe platinée de la vis de réglage contre laquelle la plaque vient buter après chaque attraction. Ce timbre varie avec le milieu dans lesquels les sons se produisent. Un résonnateur et une monture métalliques donnent le timbre d’une trompette à lame vibrante fonctionnant à l’air comprimé. Lorsque la monture est en bois ou lorsque le socle est placé sur une caisse sonore le timbre est plus doux. Les
resonnateurs de grandes capacités rendent le son sourd. La réduction du diamètre, en modifiant la hauteur du son, rend aussi celui-ci plus clair et d’une grande netteté.
Dans le but d’étendre l’application de la trompette électrique comme signal intense d’appel, il a paru nécessaire, dès le début, de chercher à renforcer le son. Pour arriver à ce résultat il paraissait naturel d’augmenter la dimension des organes; en effet, une augmentation de diamètre permet d’employer un électro-aimant plus puissant et le son devient plus intense ; mais l’augmentation du diamètre de la surface vibrante conduit à une limite qu’on ne saurait dépasser, parceque les plaques de grande surface émettent des sons graves qui se propagent moins bien que les notes aigües. Il a donc fallu trouver un autre moyen pour atteindre le but proposé.
Or, en examinant la manière dont les vibrations de la plaque se transmettent à l’extérieur, on remarque que ses vibrations se produisent dans un espace très restreint, réduit encore par la présence de l’électro-aimant.
Les instruments qui donnent des sons musicaux ont tous des résonnateurs spacieux dans lesquels ils s’amplifient comme dans tous les instruments à piston en cuivre.
En augmentant la capacité du résonnateur de la trompette électrique on arrive aux mêmes résultats ; la présence d’un pavillon métallique donne au son une intensité qui le rend perceptible alors à plusieurs centaines de mètres.
Nous pouvons ajouter qu’aujourd’hui la trompette Zigang remplace couramment la sonnerie trembleuse dans la plupart de ses applications et souvent elle est employée concuramment avec cette dernière pour donner des signaux bien distincts les uns des autres. La fixité de ses organes la rend précieuse pour son application dans les trains en marche, ou bien dans les voitures de télégraphie de campagne où elle reste indéréglable et muette, quels que soient les mouvements plus ou moins brusques des corps instables auxquels elle peut être attachée.
Lorsqu'une trompette électrique peu résistante fait partie du circuit primaire d’une bobine d’induction, et qu’on relie le fil induit de cette bobine à une ligne de plusieurs milliers d’ohms de résistance, passant par un téléphone magnétique, le son émis par celui-ci est suffisant pour servir de signal d’appel. C’est encore une application qui permet d’éviter des complications pour les installations de téléphonie à grandes distances. Considérée à ce point de vue la trompette électrique peut remplacer avantageusement les diapasons dans les expériences de télégraphie harmonique.

LE POLYPHONE ZIGANG
Revenons maintenant au polyphone ; c’est une trompette électrique qui vient de recevoir, de la part de son inventeur une destination spéciale sur laquelle nous appelons toute l’attention de nos lecteurs parce qu’elle présente un intérêt scientifique bien caractérisé en ouvrant, pour l’électricité, la perspective toute nouvelle de produire directement de la musique, tandis que le téléphone ne fait que répéter les sons qu’il a reçus.
Nons avons dit plus haut, à propos de la hauteur des sons, que l’augmentation ou la diminution de la surface vibrante rendait la note plus grave ou plus aigüe. Or, on peut mécaniquement réduire cette surface en appuyantsur la plaque un corps rigide quelconque.
Pour cela on dispose une trompette électrique de façon que le résonnateur soit en dessous et la plaque au-dessus et bien à portée de la main.

Si on applique la pointe d’un crayon métallique au point a (fig. 2) de la plaque supposée en mouvement, on immobilise une certaine partie de la surface et la hauteur du son varie dans une proportion qui dépend de la surface immobilisée.
Quand on applique le style au point b, le son devient encore plus aigu, et ainsi de suite jusqu’à ce que le crayon touche l’armature.
En graduant convenablement le rayon mx par des divisions correspondant aux notes de la gamme chromatique, on obtient ainsi environ une octave de notes, suivant les conditions d’homogénéité et d'élasticité de la plaque-armature.
Voici maintenant comment l’inventeur a disposé
son pétit appareil musical auquel il a donné le nom. àt polyphone.
Une trompette électrique, montée métalliquement, est fixée sur une planchette en acajou de façon que la plaque soit extérieure (fig. 3).
Le tube résonnateur fait saillie de l’autre côté et permet à l’appareil de prendre une position iclinée à 430 en prenant appui sur la tranche inférieure du socle et sur le pourtour du tube cylindrique (fig. 4).
Deux bornes sont placées à la partie supérieure du socle et communiquent: l’une avec la vis de réglage, l’autre avec le fil libre de l’électro-aimant par l’intermédiaire d'un petit bouton de contact avec ressort. Ces deux bornes sont attachées aux deux pôles d’une pile (3 à 5 éléments Leclanché en tension).
Le polyphone repose sur une table devant laquelle la personne qui doit se servir de l’appareil est assise. Elle tient la planchette en acajou de façon que l’intérieur de la main gauche se trouve en fiice du bouton de contact (fig. 5).
Si l’on presse ce bouton, l’appareil donnera le son fondamental, que l’on peut d’ailleurs faire varier d’une tierce en plus ou en moins par la simple manœuvre do l’anneau à pas de vis qui serre la plaque sur le tube résonnateur.
En appliquant la pointe du crayon métallique au point x (fig. 5) on obtient la même note que celle que donne le son fondamental, mais à l’octave aigue ; toutes les notes de la gamme chromatique se trouvent ainsi contenues entre m et x à dés intervalles de plus en plus petits à mesure qu’on se rapproche du centre de la membrane. En déplaçant la pointe du crayon métallique d’une façon méthodique, comme on ferait pour raccourcir ou allonger une corde de violon, on arrive facilement à jouer une grande quantité d’airs de musique.
Le timbre de l’instrument se rapproche de la clarinette et du hautbois.
L’appareil se prête assez facilement à l’exécution des modulations de la musique. Pour les notes piquées on place le style sur l’emplacement qui correspond à la note à obtenir et on abaisse ensuite le bouton de contact ; au contraire pour les notes coulées, celui-ci reste abaissé et un déplacement rapide de la pointe de crayon métallique donne la nuance; pour donner de l’expression à une note soutenue il suffit de faire tremblotter un peu la main droite dont les mouvements se communiquent à la plaque pour donner naissance à des battements très agréables à l’oreille.
Le polyphone du capitaine Zigang n’a pas, vu son peu d’étendue, la prétention d’être un instrument de musique; mais c’est'un appareil intéressant qui réalise l’exécution d’une nouvelle idée : l’application de l’électricité à la production directe de la musique.
L’inventeur, en créant le polyphone, n’a pas seulement voulu prendre date. Il a fait faire un grand pas à la question en démontrant la possibilité de produire électriquement des sons musicaux accordés, d’une étendue de plusieurs octaves.
Voici sur quoi repose la démonstration de ce principe :
Nous savons que le polyphone donne une octave de notes. Si, au lieu du crayon métallique (qui sert à réduire ou à augmenter la surface vibrante de la plaque pour obtenir ces notes), on emploie un organe fixe qui limite cette surface toujours au
même point, la note obtenue sera toujours la même pour un même courant.
L’appareil de démonstration du capitaine Zigang est constitué par une planche en acajou portant 36 appareils élémentaires donnant 3 octaves complètes de notes. Comme avec un même diamètre on peut produire une octave entière, les résonnateurs ne sont que de 3 calibres différents : le diamètre pour l’octave grave est de 66 mm. ; pour l’octave aiguë il est de 25 mm. et pour l’octave intermédiaire de 40 mm. ; les électro-aimants des appareils élémentaire ont une résistance uniforme de 0,8 ohm.
Pour immobiliser une partie de la plaque de chaque trompette, l’auteur se sert d’une petite traverse métallique en laiton portant à l'une de ses extrémités une vis dont la pointe vient s’appliquer sur la plaque (fig. 6).

Deux vis à bois,qui s’engagent dans la planche en acajou, permettent de fixer cet accessoire tout en lui laissant un jeu longitudinal pour faciliter le réglage.
Chaque trompette est reliée au mécanisme transmetteur, qui se compose d’un clavier de piano dont chaque touche est un commutateur; deux éléments au bichromate fournissent le courant.
Le fonctionnement du système se comprend aisément : lorsqu’on abaisse une touche on lance le courant dans l’appareil qui correspondant à cette touche, et l’instrument rend la note musicale pour laquelle il a été accordé. L’abaissement de plusieurs touches à la fois a pour effet de fournir aux électro-aimants des courants dérivés sur le circuit principal.
L’instrument se comporte comme un orgue dont les sons ont un timbre uniforme qui est ici celui du hautbois.
Voici donc un nouveau principe établi : II est possible, avec des organes entièrement électriques, de produire des sons musicaux accordés.
Le système que nous avons vu fonctionner dans le Palais des Machines (classe 62), où M. le capitaine Zigang a exposé tous ses travaux n’est pas,
à proprement parler, un orgue, ni même un élément d’orgue électrique, mais un appareil de ; démonstration indiquant la possibilité de résoudre le problème dans un sens plus large. C’est que la réalisation d’une conception de la première heure présentait inévitablement des défectuosités; aussi, l’auteur, tout en nous mettant au courant des imperfections le son système, nous a-t-il indiqué les moyens d’y remédier.
En effet, il ressort de l’examen détaillé du système producteur du son que celui-ci n’est pas identique, comme timbre et comme intensité d’un élément à l’autre ; cela tient à ce que la vis, qui réduit la surface vibrante d’une plaque, a pour effet d’assourdir le timbre du son en limitant l’amplitude de ses vibrations. Il en est de même d’une corde de violon vibrant à vide, qui donne un son plus harmonieux que celle dont la longueur est réduite par l’abaissement du doigt de l’instrumentiste. En outre, dans l’appareil original présenté par l’inventeur, la vis de réglage, produisant les interruptions du courant, et les traverses métalliques portant les vis de réduction de la surface sont montées directement sur le socle commun, ce qui est un inconvénient grave et a pour conséquence le désaccordage des notes lorsque le bois joue quelque peu.
Le remède proposé par M. le capitaine Zigang, et qui nous parait d’une efficacité certaine, consiste à monter métalliquement tous les organes de chaque appareil élémentaire ainsi qu’il l’a fait d’ailleurs depuis pour la construction de son po-lyphone.
II y a lieu de supprimer aussi l’accessoire qui sert à réduire la surface de vibration de la plaque, celle-ci devant produire tout son effet sans que l’intensité du son soit diminué. Pour arriver à ce résultat l’auteur à recours à la modification des autres éléments qui font varier la hauteur du son, savoir : l’épaisseur de la plaque, son serrage et le poids de son armature.
Avec ces perfectionnements, la question de la production électrique de sons musicaux accordés ne nous parait pas loin d’être résolue dans un sens favorable, mais pour un timbre de son unique se rapprochant de celui que donne le hautbois. Toutefois, l’inventeur nous a laissé entrevoir la possibilité de reproduire fidèlement les timbres de la plupart de nos instruments de musique, tels . que le violon, la violoncelle et la basse, la flûte, le saxophone, etc. Ces timbres seraient donnés
par l’adjonction de caisses sonores et de résonnateurs appropriés.
Dans cet ordre d’idées un clavier ordinaire ne suffirait pas à rendre les effets combinés de ces différents instruments de musique; aussi l’auteur se propose-t-il de mettre automatiquement tous ces éléments en action et de produire ainsi électriquement les effets d’un orchestre ou d’une musique d’harmonie. Le distributeur automatique serait constitué par une bande de parchemin perforée à la Jacquard, qui se déroulerait sur un cylindre métallique, animé d’un mouvement lent de rotation par un petit moteur électrique. Sur ce cylindre s’appuieraient des petites lames d’acier dont les extrémités libres seraient mises en contact métallique avec lui, chaque fois qu’une perforation de la bande se présenterait devant elles.
Ce transmetteur automatique pourrait se trouver dans une pièce séparée de celle où seraient réunis les différents organes de réception représentant les différents instruments de musique, ce qui ajouterait beaucoup à l’illusion qu’un instrument de ce genre serait appelé à provoquer par son originalité et sa nouveauté.
Nous sommes persuadés que l’auteur arrivera à surmonter les dernières difficultés qui ne manqueront pas de se produire dans un travail pour l’exécution duquel il est nécessaire de trouver, chez le même inventeur, des connaissances étendues en mécanique, en électricité et en art musical.

P.-H. Lkdeboer

sommaire