Le bélinographe, du nom de son
inventeur Édouard Belin, est un appareil permettant
la transmission à distance d'images fixes, notamment de photographies,
par circuit télégraphique au début, circuit téléphonique
ou par radio par la suite.
Le bélinographe est considéré comme un ancêtre,
pour le principe, du télécopieur.
Édouard Belin Édouard Belin est un ingénieur
français né le 5 mars 1876 à Vesoul, en Haute-Saône.
Diplômé du baccalauréat en 1894, il est alors
destiné par son entourage familial à une carrière
juridique, mais il se passionne pour les techniques de l'image et
la mécanique.
En 1894, année
de son second baccalauréat, il fit breveter un appareil photo
l'opisthénographe. Il envisage, dès 1896 la création
de la télévision grâce à la combinaison
de deux cinématographes, l'un enregistreur et l'autre projeteur.
Belin part en 1897 en Autriche-Hongrie, pour étudier à
la plus ancienne des écoles d'État dédiée
à la photographie, l'école impériale et royale
des Arts graphiques de Vienne. Il y passe 2 ans avant de travailler
au télégraphoscope à son retour en France.
Dès 1896,
après avoir assisté à une des premières
expériences publiques du cinématographe de M. Lumière,
l'idée nous vint de recourir à la chrono- photographie
pour résoudre le problème de la vue à distance
par une série d'images se succédant en un temps plus
court que celui de la perception de l'il. La question se trouvait
ainsi résumée à celle-ci : transmettre à
distance des images optiques réelles en un temps plus court
que celui de la perception de l'il. Au
mois d'août de la même année, nous conçûmes
le projet dont voici les grandes lignes.
Un cinématographe enregistreur imprime
une pellicule photographique sensible recouverte de gélatine
bichromatée. Sous l'action d'un puissant jet d'eau chaude,
l'image se développe rapidement et présente un relief
d'autant plus sensible que la partie correspondante de l'original
est plus lumineuse. La pellicule ainsi développée passe
entre une plaque métallique portant un électro-aimant
réuni à l'un des pôles d'un circuit électrique
et une pointe métallique pressée contre la pellicule
par un ressort antagoniste et reliée à l'autre pôle
du même circuit. Une pellicule recouverte
de cire et de noir de fumée se déroule entre un buttoir
et une pointe métallique montée sur l'armature d'un
électro-aimant placé sur le circuit de l'appareil transmetteur.
Cette pellicule passe ensuite dans un cinématographe
projecteur. Lorsque la pellicule développée
du poste transmetteur passe entre la plaque métallique et la
pointe, cette dernière s'approche ou s'éloigne de l'électro-aimant
suivant le relief de la gélatine et occasionne des variations
magnétiques qui se traduisent au poste d'arrivée par
des mouvements correspondants de la pointe réceptrice.
L'image du poste de départ se trouve
donc traduite à l'arrivée par une image de lignes que
projette ensuite l'appareil cinématographique.
Un tel procédé n'avait pas de chances d'aboutir à
des résultats sérieux et Edouard Belin le reconnut lui-même.
Son séjour à l'École d'Arts Graphiques de Vienne
ne lui retira pas ses idées sur la question, car en 1901, il
chercha à utiliser la différence de résistance
électrique présentée par les différentes
régions d'une pellicule photographique sensibilisée
puis développée.
Cette recherche aboutit à un échec à la suite
duquel Edouard Belin et son frère Marcel étudièrent,
en 1902, les applications des cellules photo-électriques au
sélénium puis conçurent un nouvel appareil dont
l'émetteur et le récepteur étaient synchronisés
par un mouvement d'horlogerie suivant un processus déjà
employé vers 1860 pour les télégraphes autographiques
de Caselli et de ses successeurs.
En 1900, il publie son Manuel pratique de photographie
au charbon. Dans un mémoire de 1902, Le problème de
la transmission à distance des images réelles en un
temps négligeable et par voies purement physiques : le télégraphoscope,
il indique que dès août 1896, à la suite de la
présentation du cinématographe Lumière, il envisage
la télévision, grâce à un système
couplant un cinématographe enregistreur et un cinématographe
projeteur. La société Édouard
Belin, installée à Rueil-Malmaison, a produit des appareillages
techniques et de laboratoire .
Il se marie en 1905 et devient administrateur délégué
des Imprimeries Réunies à Nancy.
Au début du XXe siècle,
Édouard Belin travaille sur la transmission de l'image réelle
par l'électricité, prjet concurent
du téléautographes du capitaine François
Joseph Fulcrand, et qu'il apprend qu'Arthur Korn va présenter
à Paris un système de transmission de l'image photographique
par télégraphe. Il abandonne alors son projet initial
pour préparer un appareil concurrent de celui de Korn : ce
sera le télestéréographe, nom originel
du bélinographe.
Les premières expériences
de transmission télégraphiques ou téléphoniques
des photographies furent réalisées entre 1905 et 1909
par le professeur allemand Arthur Korn qui faisait appel aux
propriétés photo-électriques du sélénium.
Le problème s'énonçait d'une manière précise
: « Etant donné, au poste de départ, un document
graphique quelconque (une photographie par exemple), placer ce document
sur un appareil dit « transmetteur », relié par
voie électrique (conducteur métallique ou radio) à
un autre appareil dit « récepteur », situé
au poste d'arrivée, le tout étant disposé pour
que l'image transmise se reproduise fidèlement sur la surface
sensible (gélatino-bromure) du récepteur.
En France, Édouard Belin, ingénieur
passionné par la photographie, se penche sur cette question
en sappuyant sur les avancées de ses prédécesseurs
: exploration de limage sur un cylindre, transmission via le
courant électrique et nécessaire synchronisation entre
lappareil émetteur et lappareil récepteur.
Cependant, il sen distingue en axant ses recherches sur un procédé
mécanique évitant lutilisation dun agent
chimique le sélénium rarement fiable et
constant. Pour cela, il recourt aux propriétés de la
gélatine bichromatée : lorsque les photographies sont
développées avec ce procédé plus
communément appelé « photographie au charbon »
, elles présentent un léger relief. En exagérant
la couche de gélatine, celui-ci devient plus visible : les
zones élevées correspondent alors aux parties claires
et les zones creuses aux parties foncées. Limage fixée
sur le cylindre du poste émetteur que lingénieur
appelle le « téléstéréographe »
est parcourue par un saphir, qui imprime à un levier
des mouvements, dont lamplitude correspond exactement à
la hauteur des reliefs. Un rhéostat fixé au bras de
ce levier transmet une intensité variable de courant, toujours
proportionnelle à la hauteur du relief, sur la ligne téléphonique.
À lautre extrémité, le poste récepteur
est équipé dun oscillographe qui traduit les variations
dintensité afin de reproduire limage sur une surface
sensible, elle aussi enroulée sur un cylindre.
Édouard Belin conçoit et
met au point l'appareil en collaboration avec son frère Marcel
Belin et André Bing.
Un prototype est fabriqué et assemblé par les ateliers
d'Eugène Ducretet.
Son premier essai a lieu le 9 novembre 1907 dans les
ateliers de Georges Méliès, grâce à l'intervention
de Pierre Lafitte, propriétaire de journaux illustrés
comme La Vie au grand air ou Je sais tout
: sur un circuit Paris-Lyon-Bordeaux-Paris, l'image d'une petite
chapelle alsacienne parcourt 1 717 kilomètres en 22 minutes
mais, si « les contours sont fidèles (et) les demi-teintes
reproduites, (...) il n'y a pas de réel dégradé,
plutôt une succession de teintes ».
Les contours sont fidèles, les demi-teintes reproduites, mais
il ny a pas de réel dégradé, plutôt
une succession de teintes. La
nature 1908
Le télé-stéréographe de Belin
9 Nov 1907
Photo de la petite chapelle, transmise sur 1717 Km.
Présentation du téléstéréographe
à la Société française de photographie,
Séance générale du 15 novembre 1907
Dans un premier temps, lÉtat et ladministration
des Postes, échaudés par la courte postérité
des expériences précédentes, naccordent
pas de soutien au jeune ingénieur, mais cette première
tentative a pu avoir lieu grâce à lintervention
de Pierre Lafitte, propriétaire de journaux illustrés
comme La Vie au grand air ou Je sais tout. 1908 123 45678
Le tour de France d'une photographie en vingt minutes", Je Sais
Tout, 15 mars 1908
Réticences de la presse
Cette expérience a souvent été considérée
comme le premier exemple de transmission par le biais de la téléphotographie,
initiant lusage de cette technique dans la presse française.
Lanalyse des publications et du fonctionnement des organes de
presse des années vingt et trente révèle une
réalité plus complexe : si le procédé
existe, de nombreux facteurs en limitent lutilisation jusque
dans la seconde moitié des années trente.
Sur un plan technique, le procédé, encore perfectible,
ne paraît pas entièrement compatible avec le fonctionnement
et les contraintes de la presse.
Les années suivantes, Édouard
Belin, récompensé par une médaille dor
de la Société dencouragement pour lindustrie
nationale, perfectionne son appareil. et le
miniaturise. Dès 1913, il en propose une version portative
qu'il baptise pour la première fois « bélinographe
».
Belin effectue également
de nouveaux essais de transmission, jusquà celui de linauguration
de lExposition internationale de Lyon, publié en Une
du grand quotidien dinformations générales Le
Journal, le 12 mai 1914. La photographie présente
Édouard Herriot, maire de Lyon, le docteur Courmont, organisateur
de lexposition, Marc Réville, ministre du Commerce, et
Victor Rault, préfet du Rhône. La légende précise
: « La photographie que nous publions, prise hier à Lyon,
fut transmise en quatre minutes par la ligne téléphonique.
» Néanmoins, la qualité laisse encore à
désirer : si les silhouettes sont aisément visibles,
les visages restent difficiles à distinguer.
honique et représentant l'arrivée
du président Raymond Poincaré à Lyon pour l'inauguration
de l'Exposition internationale urbaine.
La Première Guerre mondiale contraint Belin
à suspendre ses recherches qu'il ne reprend que dans le courant
des années 1920.
Les premiers appareils fonctionnaient avec du courant continu, ce
qui empêchait la transmission par des lignes téléphoniques,
qui comprennent des transformateurs. L'usage de courant alternatif
modulé permet la transmission par téléphone qui
divise par deux le temps de transfert.
Ces améliorations débouchent, en 1924, sur l'installation
d'un service de bélinographie reliant, entre elles, les villes
de Paris, Lyon, Strasbourg, Nice, Marseille et Bordeaux
Édouard Belin dans son laboratoire en 1920.
En 1920, Belin perfectionne son
procédé pour permettre la transmission des photographies
via une liaison radio.
Le premier essai a lieu le 17 juin 1921 : des textes manuscrits,
des figures géométriques ainsi peut-être que des
photographies sont transmises depuis la station La Fayette, près
de Bordeaux, vers Paris.
L'essai sera reproduit le 15 juillet grâce au général
Gustave Ferrié et devant des spécialistes américains
de la télégraphie sans fil.
Entre-temps, le quotidien Le Matin s'est montré
particulièrement intéressé par ce perfectionnement.
Il souhaite l'utiliser pour la transmission de photographies du combat
de boxe devant opposer, le 2 juillet, Georges Carpentier à
Jack Dempsey. Belin envoie deux ingénieurs à New York
mais, par suite d'un retard, le bateau qui les y conduit n'arrive
que le 1er juillet, veille du combat. Mais le réglage des appareils
ne peut être effectué à temps.
Ce n'est que la nuit du 4 au 5 août qu'a lieu la première
transmission transatlantique d'une image fixe : un bref message autographe
de félicitation adressé par Carr Van Andadu, le chef
d'édition du New York Times, au Matin. Ce message, envoyé
par la station de la Marine américaine à Annapolis,
est reçu par Belin à son laboratoire de La Malmaison
le 5 août à environ 5 heures du matin, heure locale.
De nombreuses autres expériences de transmission transatlantique
d'images fixes ont lieu par la suite. La première effectuée
« en sens contraire » c'est-à-dire depuis
la France vers les États-Unis concerne un message autographe
d'Aristide Briand : envoyé de Paris, il est reçu par
la station de la Marine américaine à Bar Harbor.
On conçoit aisément les
immenses services que l'on peut. attendre de cette invention, quand
on sait qu'il sera désormais possible d'authentifier l'écriture
ou la signature d'un télégramme et de transmettre des
caractères étrangers comme ceux de l'écriture
chinoise, chose que le télégraphe Morse ne put jamais
réaliser. Une très prochaine application des recherches
de M. Belin sera la transmission par T. S. F. de l'image photographique
ou de l'écriture autographe. Déjà l'inventeur
a obtenu de forts beaux résultats par radio entre Paris et
New-York.
Dans le cas de la transmission de l'écriture
ordinaire, ce nouveau système apporte un perfectionnement aux
procédés actuels de la radiotélégraphie.
On sait que des courants parasites remplissent
l'atmosphère et qu'ils sont susceptibles de contrarier les
émissions des différentes stations de T. S. F., surtout
par les temps d'orage. Le système de Morse jusqu'ici employé
consiste en traits et en points que la moindre perturbation peut rendre
illisible par déformation. Évidemment, et il n'est,
pas besoin de lexpliquer, les lettres reproduites avec leur
forme caractéristique ne se déformeront pas par les
interruptions au point d'être méconnaissables.
Les difficultés heureusement surmontées
par E. Belin et qui consiste à synchroniser les mouvements
des cylindres des appareils émetteurs et récepteurs
lui ont permis d'obtenir le « brouillage » des communication
à l'aide du « Crypto », autre appareil de
son invention. Cet appareil permet de faire subir un décalage
au cylindre du poste émetteur et le message expédié
ne peut être recueilli que sur un cylindre ayant subi un semblable
décalage. Voilà le secret assuré à la
correspondance par T. S. F.
En 1923, a lieu la première transmission de
photographie proprement dite par radio entre La Malmaison et Le Matin.
L'appareil sert avant 1930 à la transmission des bulletins
météorologiques.
En 1924 un service dédié
qui relie Paris, Lyon, Strasbourg et Bordeaux est créé.
Sur un plan technique, le procédé,
encore perfectible, ne paraît pas entièrement compatible
avec le fonctionnement et les contraintes de la presse. En effet,
la transmission dune photographie exige la réalisation
dune épreuve originale à la gomme bichromatée,
opération nettement plus longue et complexe quun tirage
au gélatino-bromure dargent. En second lieu, les réglages
de lappareil émetteur nécessitent des compétences
professionnelles que ne possèdent pas les journalistes, ce
qui oblige à recourir à un spécialiste. Enfin,
la qualité de limage réceptionnée nest
pas
toujours suffisante pour une reproduction conforme aux standards de
la presse. La similigravure, procédé alors utilisé
pour la reproduction des images, amoindrit la qualité des images
et nécessite un cliché original de bonne facture.
Ces limites sont pour une large part levées en 1927, lorsque
Édouard Belin remplace le saphir par une cellule photoélectrique
: un faisceau lumineux explore limage et vient agir sur la cathode
dune ampoule photoélectrique, avec une intensité
correspondant aux valeurs du document original. Cette étape
essentielle permet de faire léconomie du tirage à
la gélatine bichromatée et denvoyer un document
photographique ordinaire.
Elle offre en outre une précision suffisante pour que limage
soit lisible et les différentes teintes rendues correctement,
grâce à un écran « gamme de teinte.
Le procédé raccourcit le délai de préparation
de la transmission ; il n'est pas nécessaire d'attendre que
la gélatine du tirage photographique sèche.
Belin continue les travaux commencés
dès 1902 dans son mémoire :
Extrait du Projet de transmission à distance
des images optiques réelles (1896) de Edouard et Marcel BELIN,
Edouard et Marcel Belin ne précisent pas dans
ce mémoire de juillet 1902 quels sont ces « éléments
thermiques », mais ceci n'a sans doute aucune importance, car
leur appareil semble trop compliqué mécaniquement pour
avoir jamais pu être réalisé. Edouard Belin en
vient alors à un dispositif plus simple et fait le 17 février
1905 une expérience intéressante qui fait date dans
les annales de la télévision.
A Paris, au laboratoire du poste central de
Gutenberg, était placée une chambre photographique au
plan focal de laquelle était placée, sur l'axe principal,
une cellule au sélénium. Devant
l'objectif était une source lumineuse, en la circonstance une
lampe à filament de charbon de 16 bougies.
La cellule de sélénium était
en série avec une batterie d'une centaine de volts sur un circuit
téléphonique clair (circuit métallique simple
sans transformateur ni organe de translation d'aucune sorte). Ce
circuit allait au Havre et, bouclé dans cette dernière
ville sur une seconde ligne, il aboutissait de nouveau au poste central
de Gutenberg à Paris, à deux dispositifs récepteurs
différents qui étaient, à volonté, mis
l'un ou l'autre en circuit. Le premier était
constitué par un solenoide à noyau central mobile. L'armature
portait une aiguille de forme convenable qui, à chaque moment,
perforait un trou dans une bande de papier. Si la bande se déplaçait
après chaque perforation, les trous se succédant en
ligne droite devaient avoir un diamètre proportionnel (ou inversement
proportionnel suivant la méthode) à l'amplitude des
mouvements de l'armature.
L'autre système, plus original mais moins
précis, était constitué par une espèce
d'éclateur relié au secondaire d'une bobine d'induction.
Le primaire était à la ligne. Le fonctionnement du rupteur
devait être infiniment plus rapide que la succession des émissions
en ligne. Dans ces conditions, les variations de courant devaient,
en quelque sorte, moduler le courant induit et si une feuille de papier
se déplaçait entre les pointes de l'éclateur,
les trous percés à chaque déplacement avaient
un diamètre variable suivant l'intensité du courant
primaire.
Après avoir décrit l'équilibreur, sorte de relais
modulant le courant envoyé en ligne en fonction de l'intensité
circulant dans le circuit de cellule et l'alimentation électrique
locale du récepteur en fonction du courant transmis et reçu,
il explique le principe de fonctionnement et ajoute :
La lampe étant placée devant l'objectif
à une distance déterminée, les deux équilibreurs
étaient mis en route et maintenus en synchronisme d'une manière
aussi précise que possible. La bande
de papier se déplaçait d'un mouvement continu à
la réception et, à chaque tour de l'équilibreur,
un trou était percé dans le papier avec un diamètre
correspondant soit à la course de l'armature, soit à
l'intensité du circuit primaire, c'est-à-dire fonction
de l'intensité lumineuse. Si la lampe
était ensuite éloignée ou rapprochée,
par suite du fonctionnement de l'équilibreur, les diamètres
des trous perforés dans le papier allaient eux-mêmes
augmentant ou diminuant.
La bande de papier était immédiatement
après observée en défilant devant un diaphragme
dont la largeur correspondait aux trous maximum. L'il de l'observateur
recevait donc une impression lumineuse d'autant plus forte que les
trous avaient eux-mêmes un diamètre plus grand et, si
le déroulement de la bande était assez rapide, l'observateur
avait l'impression très nette d'un point lumineux plus ou moins
éclatant. Le résultat était donc la traduction
assez exacte du phénomène de départ.
L'expérience ainsi conduite parut concluante
mais pour un but qui faisait, au problème d'origine, une énorme
concession puisque je faisais moi-même alors, le sacrifice de
l'instantanéité absolue...
Ce premier appareil, construit pour un point
seulement, avait reçu le nom d'apparence barbare mais très
compréhensible de « Télégraphoscope
Simplex » . Edouard Belin se déclare
très satisfait de cette expérience. En fait, elle n'apporte
rien sinon la réalisation de l'« équilibreur ».
Cet élément n'est d'ailleurs qu'une forme nouvelle d'appareils
largement utilisés pour les liaisons télégraphiques
ou téléphoniques à grande distance ...
Après une interruption de plus de quinze années,
Edouard Belin reprend ses recherches en la matière. Entre-temps
le terme télévision s'est implanté, de nombreuses
réalisations ont vu le jour et l'électronique a fait
son apparition. Le tube de Braun a été utilisé
à la réception et l'oscillographe Dufour est devenu
courant. Face à cette invasion de techniques
nouvelles dont il ne possède que des connaissances fragmentaires,
Belin reprend son « Télégraphoscope Multiplex
Définitif » de 1906. Le 27 décembre 1922, il fait
breveter un « Procédé et appareillage pour réaliser
par T. S. F. la télévision ».
Cet appareil modifie le télégraphoscope multiplex définitif
en remplaçant les barres de cellules au sélénium
par une cellule photo-électrique à gaz fixe dans l'appareil
et recevant une image balayée par deux miroirs oscillants,
l'un à mouvement lent pour le balayage image, l'autre de mouvement
rapide pour le balayage de la ligne ... lire la suite dans le document.
La presse adopte progressivement la transmission
d'images par ligne téléphonique.
Le 28 août 1928, lendemain de la signature du pacte Briand-Kellogg,
Le Matin inaugure le premier service de bélinographie
régulier avec le Daily Sketch, d'une part, et
The Scotsman, d'autre part.
À maintes reprises, des articles publiés
en première page vantent les expériences dÉdouard
Belin et des discours élogieux mettent en valeur les
avantages de son invention. Celle-ci permet de faire face à
un obstacle auquel les quotidiens nationaux se heurtent : dès
lors que les événements traités ne se déroulent
pas dans la capitale, il est matériellement impossible pour
les journalistes dadresser les photographies dans les mêmes
délais que les textes correspondants, convoyés par le
téléphone ou le télégraphe. Ces derniers
parviennent à Paris dans la journée et peuvent être
exploités pour la publication du lendemain, tandis que les
images, transportées par la poste ou par le chemin de fer,
arrivent à destination au mieux seulement un
jour plus tard, sans compter les imprévus du parcours. Cette
distorsion entre texte et image impose un décalage dans la
publication.
1929 La science et la vie
Pourtant, aucun des grands quotidiens nationaux ne
sengage concrètement dans la mise en uvre à
une large échelle de la bélinographie. Les quelques expériences
effectuées le sont toujours à linitiative des établissements
Belin et sans grande pérennité. Ainsi, à loccasion
des Jeux olympiques dété de 1920, Le Matin publie
quelques clichés transmis par bélinographe depuis Anvers.
En 1930, toujours sur proposition des établissements Belin, deux
quotidiens, Le Matin et LIntransigeant, tentent de réaliser
une couverture photographique du Tour de France : un car est équipé
pour suivre les différentes étapes du Tour22, deux ingénieurs
ont la charge deffectuer les réglages nécessaires
et ces quotidiens peuvent publier le soir même les photographies
du jour.
Cette expérience est considérée comme « un
essai à portée scientifique» et nest pas étendue
au traitement dautres événements. De façon
significative, lorsque Wide World,lagence photographique du New
York Times, propose en 1929 au Journal un abonnement à sa production
intégrant une offre de téléphotographie, celui-ci
la décline, non pas pour des raisons techniques, Wide World assurant
le service de éléphotographie,
mais éditoriales. De son côté, Édouard Belin,
ne rencontrant quun enthousiasme mitigé dans la presse
française, développe son procédé en Grande-Bretagne
où un réseau est installé en 1928 .
Lun des arguments qui pourrait être avancés
pour expliquer cette réticence des quotidiens français
est le surcoût important induit par la téléphotographie,
par rapport aux méthodes habituelles : 250 francs, par exemple,
pour une image de format classique 9 x 12 cm, contre 30 francs pour
une photographie française ou 50 francs pour une photographie
étrangère. Ce surcoût sexplique dune
part par lutilisation de lappareil fourni par Belin, mais
aussi et surtout par la taxe prélevée par
ladministration des Postes. Cependant, des études récentes
ont montré que la
photographie ne représente quune part mineure du prix de
revient du journal, loin derrière les charges de lachat
du papier ou de lencre. Il convient donc de relativiser fortement
cette explication.
Pour approfondir lanalyse au-delà des facteurs
techniques et financiers, il est nécessaire de se pencher sur
les pratiques et plus généralement sur la culture professionnelle
de la presse de cette période. Les journaux des années
vingt et du début des années trente sont conçus
comme des produits essentiellement textuels.
Après la période deffervescence de la Belle Époque,
les choix dillustration reposent essentiellement sur des photographies
intemporelles, portraits et vues géographiques déconnectés
de lactualité, mais qui en présentent le théâtre
ou les acteurs. Ces deux catégories dimages représentent
alors 80 % de lensemble des clichés publiés ; les
images dactualité, publiées avec parcimonie, sont
quant à elles réservées à la vie politique
parisienne, au sport et aux événements exceptionnels.
Dans cette perspective, la téléphotographie ne répond
à aucun besoin impératif de la presse.
Lécho nest pas beaucoup plus favorable du côté
des hebdomadaires et des magazines illustrés, en plein développement,
qui parient sur une iconographie de qualité et des maquettes
innovantes. Leur périodicité plus espacée réduit
lintérêt dune transmission rapide, principal
avantage de la technique dÉdouard Belin. Les agences de
photographie françaises, enfin, sont réticentes à
lessor de la téléphotographie, car elles craignent
que celle-ci ne remette en cause leur position : si les journalistes
transmettent directement leurs images aux journaux, pensent-elles, ceux-ci
nauront
plus aucun intérêt à recourir à leurs services.
Malgré lengouement manifesté autour de linvention
dÉdouard Belin, les freins qui en limitent lusage
lemportent donc sur lintérêt du nouveau procédé
.
En France, Le Matin et L'Ouest-Éclair sont
les deux seuls journaux dotés de bélinographes »,
écrit L'Ouest-Éclair le 25 octobre 1931
Au cours des années trente, ces réticences
culturelles satténuent. Limage, et notamment la
photographie, prend alors une toute nouvelle place dans la culture
professionnelle de la presse française. Contrainte depuis la
fin de la Première Guerre mondiale à un rôle marginal,
présentée dans des mises en forme figées et peu
innovantes, elle est portée sur le devant de la scène,
sur fond de transformations plus globales du rapport social à
limage, parmi lesquelles le foisonnement iconographique de la
presse magazine, laccroissement de la fréquentation des
salles de cinéma avec
lavènement du parlant ou le développement de la
photographie amateur. Dans la presse quotidienne, le succès
commercial rapide, voire foudroyant, de Paris-Soir, fait office de
révélateur de ces évolutions et impose leur prise
en compte à lensemble de ses concurrents. En effet, cette
réussite surprenante dans une période globalementmorose
les effets de la crise économique commencent à
atteindre le secteur de la presse est, de lavis général,
attribué à un usage ambitieux et innovant de limage.
A la recherche de lexclusivité
: larrivée du bélinographe en Bretagne
Linstallation dun nouveau Président
de la République à lElysée est assurément
un évènement médiatique majeur.
Tous les journalistes tentent de devancer leurs concurrents
dans le but de diffuser en exclusivité les premiers pas
du nouvel occupant du célèbre palais. Cette frénésie
parfois grotesque nest pas nouvelle. Comme
le suggère lengouement qui entoure son élection,
linvestiture de Paul Doumer, le 13 juin 1931, polarise
une nouvelle fois les attentions médiatiques. Ce constat
est dautant plus remarquable que les pouvoirs que la IIIe
République accorde au Président sont infiniment
moins importants que ceux conférés par la Ve. Photographies publiée par L'Ouest-Eclair
transmises de Paris par belinogramme (sic). LOuest-Eclair,
14 juin 1931, p. 1.
Au jeu de lexclusivité, cest
néanmoins LOuest-Eclair qui, en 1931, parvient
à rafler la mise. Conscient du « choc des photos
» pour reprendre un slogan certes anachronique
le quotidien rennais est le seul à proposer aux
Bretons, dès le lendemain, les photographies du cortège
présidentiel. Une prouesse qui renforce sa domination
sur le reste de la presse régionale.
Le 14 juin 1931, LOuest-Eclair annonce
en effet en première page quil vient de réaliser
un véritable « tour de force »1. Si la formule
peut paraître prétentieuse, elle semble néanmoins
à la hauteur de lévènement. Pour
la première fois en Bretagne, un journal parvient à
publier des photos prises quelques heures auparavant à
Paris. Ces dernières ont précisément été
« passées en 8 minutes 30 secondes, de Paris à
notre journal, à Rennes » grâce à
lutilisation des « appareils Belin, appareils qui
téléphonent une photographie aussi rapidement
que l'on peut téléphoner une conversation ».
Si cette rapidité peut paraître futile, puisquelle
ne change rien au contenu de linformation, LOuest-Eclair
explique au contraire lintérêt dune
telle prouesse :
« L'Ouest-Eclair a pensé que ses
lecteurs aimeraient à trouver le lendemain dans leur
journal quelques-uns des documents photographiques qui, mieux
encore que de longs comptes rendus, fixeront le souvenir cet
événement historique. Nous n'avons pas voulu attendre
vingt-quatre heures. Normalement, en utilisant les moyens ordinaires
du reportage photographique, nous n'aurions pu publier les photographies
qui se trouvent dont cette page que demain matin. »
Lintention de LOuest-Eclair nest
donc pas seulement de réaliser une prouesse technologique
mais bien daffirmer sa supériorité sur ses
concurrents. A titre de comparaison, les deux autres titres
phares de la presse bretonne, Le Nouvelliste du Morbihan et
La Dépêche de Brest, ne publient les clichés
du cortège présidentiel que le 16 juin 1931, soit
près de 48 heures après leur diffusion dans le
quotidien rennais et, par extension, dans ses déclinaisons
locales. Coupure de presse faisant la réclame
du belinographe.
Mais derrière cet évènement,
il y a aussi une vaste opération promotionnelle menée
parle créateur du bélinographe, Edouard Belin.
Depuis 1907, ce dernier perfectionne son appareil et en vante
les mérites auprès des principaux médias
nationaux. Lannée précédente, il
sest ainsi particulièrement distingué lors
du Tour de France cycliste puisque, « moins d'une heure
après que Benoist-Faure (sic), le héros du Tourmalet,
eut atteint le sommet de ce fameux juge de paix, la photographie
du valeureux champion en pleine action, était affichée
à Paris, dans le hall des dépêches du Matin
»2. Pour Belin, il reste néanmoins à développer
la couverture de son invention en installant des appareils-récepteurs
dans les principales villes du pays. Cest pourquoi, en
partenariat avec les journaux parisiens Le Matin et L'Intransigeant,
il entame en 1930 un véritable tour de France dans son
« car magique » pour convaincre de lutilité
de son invention3. Lopération est incontestablement
une réussite pour la rédaction de LOuest-Eclair
qui assure que « l'heure n'est sans doute pas éloignée
où le nom de la capitale bretonne pourra s'ajouter sur
la carte aux villes possédant déjà des
postes de bélinographie ».
Yves-Marie EVANNO
En octobre 1931, alors quil avait
déjà 74 ans, le pape Pie XI fit installer un belino
au Vatican.
Les deux premiers documents quil reçut, en présence
de linventeur, venaient de lévêché
de Paris.
Le premier nétait quun petit mot du cardinal
Verdier, archevêque deParis. Le deuxième était
une photo du même cardinal Verdier en compagnie dindigènes
devant un pavillon de lExposition coloniale. Cette photo,
dont il est précisé dans Ouest-Éclair quelle
était de très bonne facture, arriva à
13h37 au Vatican.
Pie XI, très intéressé par les nouvelles
technologies lui permettant de contourner les services du Chiffre,
était probablement un geek avant lheure.
Édouard Belin a été président de la Société
française de photographie.
Belin poursuit la miniaturisation de son appareil et, en 1933, parvient
à produire un transmetteur au poids réduit à
17 kilogrammes et transportable dans une valise : la valise
bélinographe. Le fonctionnement exige une seconde valise,
l'ensemble pesant 45 kg.
De nouveaux journaux s'équipent en matériel récepteur
mais, en 1939, ce n'est encore le cas que de cinq quotidiens nationaux
: Paris-Soir, Excelsior, L'Intransigeant, Le Matin et Le Petit Parisien.
La téléphotographie se développe
en France dans ce contexte, par le biais de la bélinographie,
mais aussi de techniques concurrentes. En effet, en parallèle
des travaux dÉdouard Belin, dautres procédés
ont vu le jour dans le monde.
Aux États-Unis, les entreprises phares du secteur des télécommunications,
lAmerican Telephone & Telegraph Company et Bell System,
ont équipé les villes dune grande partie du territoire
de postes de transmission.
En Allemagne, le physicien August Karolus, dans la lignée des
travaux dArthur Korn, a mis au point un appareil fabriqué
par Siemens et commercialisé par Telefunken à partir
de 1927.
Les agences internationales de photographie de presse, moins réticentes
que les agences françaises, se sont intéressées
plus tôt à ces procédés. Au
milieu des années trente, elles sont en mesure de proposer
une offre adaptée. Associated Press et United Press se sont
procuré en 1935 le « Bell System », capable denvoyer
une image simultanément dans vingt-cinq villes. Wide World
Paris reçoit ses téléphotographies sur un appareil
Siemens-Halske. Keystone Paris, enfin, a recours au bélinographe.
Les abonnements quelles proposent aux journaux incluent alors
systématiquement les images transmises par la téléphotographie
et une forte concurrence se développe entre elles pour séduire
les rédactions. Le couronnement du roi George VI dAngleterre,
le 12 mai 1937, en offre un exemple significatif : la Cour ayant annoncé
quelle nadmettrait que 150 photographes pour couvrir les
cérémonies, les places sont particulièrement
chères. Keystone envoie dix-neuf reporters et Wide World neuf
pour capturer chaque instant de la cérémonie. Mais les
correspondants de Wide World emportent la mise en venant à
Londres avec leurs propres bélinographes, acquittant au passage
50 000 livres de droits de douane, afin de sassurer des meilleures
conditions pour la transmission des images.
Lampleur des moyens déployés par ces agences leur
permet, selon un terme récurrent à lépoque,
de « griller » leurs concurrentes. Ainsi,
lorsque le Premier ministre français, Pierre Laval, se rend
en janvier 1935 en Italie pour signer un accord avec Benito Mussolini,
la ligne bélinographique Rome-Paris est utilisée par
les reporters de Keystone et de Wide World, dont les images parviennent
à Paris le jour même, tandis que lagence française
Trampus adresse ses clichés par la poste. Les deux jours de
différence à larrivée représentent
une avance appréciable
pour les agences américaines, dont seules les images sont finalement
publiées.
Cette course à lactualité incite
également de nombreux journaux LeJournal, LeMatin, Le
Petit Parisien, LIntransigeant, Paris-Soir, Ce Soir, Excelsior
à séquiper dappareils récepteurs
de téléphotographie et leurs journalistes jouent des
coudes lors des grands événements nationaux pour être
les premiers à transmettre leurs images. En effet, lorsquune
ligne téléphonique est occupée par la transmission
dune image, aucun autre cliché ne peut être envoyé
en même temps sur cette ligne. Afin de démontrer à
leur lectorat les efforts mis en uvre pour obtenir les images
au plus vite, ils mettent tout spécialement en valeur la publication
de téléphotographies dans leurs colonnes. Le 13 octobre
1934, suite à lassassinat du roi Alexandre de Yougoslavie
et de Louis Barthou à Marseille, la photographie de deux suspects
est publiée dans Paris-Soir avec cette légende : «
Novak et Bénès photographiés dans les locaux
du commissariat spécial dAnnemasse (photos de notre envoyé
spécial rapportées dAnnemasse à Lyon et
transmises de cette dernière ville au poste de Belin de Paris-Soir).
» Ce type de légende apparaît systématiquement
dès que lobtention de la photographie a nécessité
un effort exceptionnel et la presse professionnelle Le Photographe,
LInstantané ou Presse-Publicité relaie
les exploits des uns et des autres. En mars 1938, par exemple, lors
de lAnschluss, Presse-Publicité relève que les
journalistes français ont été à la hauteur
du défi : « Cest par centaines que les journaux
firent transmettre des bélinogrammes de Vienne et, malgré
la censure sévère, cette fois les journaux français
ne furent pas grillés par les Anglais comme cela
leur est arrivé parfois. »
Cette dynamique de diffusion saccompagne dun développement
des infrastructures nécessaires sur le territoire français,
à la fois cause et résultat de cette nouvelle demande,
selon deux axes : léquipement des grandes villes en appareils
émetteurs, qui constituent peu à peu un réseau
national en étoile autour de Paris, et le développement
des appareils de transmission à distance, valises, voitures
ou cars bélinographiques. Paris, Lyon,
Strasbourg, Marseille, Nice et Bordeaux sont équipés,
puis, à partir de 1937, Toulouse, Lille, Clermont-Ferrand,
Nantes et Saint-Étienne, tandis que ladministration des
Postes possède trois valises transportables sur le théâtre
dévénements majeurs, tels le Tour de France, les
inaugurations officielles ou les voyages présidentiels. Des
liaisons internationales fiables apparaissent : Londres, Berlin, Vienne,
Stockholm, Rome et
Amsterdam entre 1934 et 1937, puis Kiel, Francfort, Oslo, Copenhague,
Bruxelles, et Prague.
Enfin, la liaison Paris-Alger est assurée à partir de
janvier 1939. À la fin des années trente, des tentatives
de transmission radiophotographique sont effectuées entre Paris
et New York, mais on est encore loin dune exploitation commerciale
régulière.
Cependant, cette nouvelle tendance ne signifie pas que les journaux
soient majoritairement illustrés de clichés issus de
la téléphotographie. En labsence de sources précises
pour lensemble des journaux étudiés, lexemple
du Journal permet de donner un ordre de grandeur. Dans la seconde
moitié des années trente, les téléphotographies
représentent entre 5 et 10 % des images publiées et
se concentrent sur lactualité politique surtout
internationale , le sport et tout sujet susceptible de faire
les gros titres du quotidien. Leur publication nest donc pas
régulière et dépend, semaine après semaine,
des événements qui font lactualité. Loin
datteindre une hégémonie, ou même une situation
majoritaire dans les photographies publiées, la téléphotographie
a ainsi obtenu, à la veille de la Seconde Guerre mondiale,
une reconnaissance, à la fois théorique en ce qui concerne
les possibilités techniques du procédé et pratique
par lusage qui en est fait dans la presse.
Les reporters de presse vont couramment utiliser
« la Bélino » jusque dans les années
1960-1970.
Lors de la parution, les photographies reçues par ce procédé
seront souvent accompagnées de la mention « Transmis
par Bélino » ou « Bélino transmis »,
une explication de la rapidité de la transmission, mais aussi
de la qualité inférieure de la photographie. «
Bélinographe, synonyme, disait-on chez les photo-reporters
d'autrefois, de qualité d'image abominable », écrit
Emmanuel Bigler.
Les Établissements Édouard-Belin,
installés à Rueil-Malmaison en 1911, fabriquent
des appareils destinés à l'industrie.
Les Établissements Édouard-Belin
construisent, en 1923, la pompe à vide de Fernand Holweck,
qui permet la réalisation de tubes électroniques
de forte puissance en conservant le vide intérieur malgré
la sublimation du métal des électrodes. La collaboration
avec Holweck se poursuivra pour les expériences de télévision.
En 1925, la société Édouard
Belin dépose la marque Télétype.
En 1926-1927, Édouard Belin travaille
à un système de télévision mécanique
à miroirs. Il réalise avec Holweck une expérience,
basée sur une roue à miroirs de type "roue
de Weiller" afin de vérifier la capacité
de l'il à recevoir des images diffusées
à très haute vitesse. Par la suite, il propose
un dispositif appelé « bélinoscope »,
uniquement récepteur, destiné à imprimer
des images qui seraient diffusées par radio en même
temps et pour accompagner les programmes : cette expérience
est soutenue par l'Association française de télévision
jusqu'en 1932.
En 1936, la société dépose
des brevets, en collaboration avec Holweck, pour une horloge
à diapason et un chronographe à cylindre. Ces
instruments permettent une référence temporelle
stable, utilisée à l'époque en télécommunications
et en astronomie. En 1950, la société remplacera,
comme les autres, ses horloges à diapason par des horloges
à quartz.
En 1951, Édouard Belin est nommé
Grand Officier dans l'ordre national de la Légion d'honneur
et Citoyen d'honneur de la Ville de Vesoul.
La société Édouard Belin
a été absorbée par Schlumberger au début
des années 1960.
Bélinographe. Collection du CNAM.
Belinograpge 1953
Vers les années 1960, le document de réception
est rendu sur du papier thermique .
Installé en Suisse, Belin meurt le 4
mars 1963 à Territet, dans le canton de Vaud.
Une blague circulait encore au début des années
1980 dans les écoles de journalisme: un patron de presse qui
ny connaissait rien, trouve que la photo de une est dégueulasse,
et demande doù vient la photo. Quelquun répond
« elle nous est parvenue par Bélino ». Alors virez-moi
ce Bélino! ». Lutilisation
du bélinographe a cessé dans les années 1990,
avec le développement dautres méthodes, plus rapides.