David Edward Hughes
Né le 16 mai 1831 à Bala dans le Gwynedd (pays de Galles) et mort le 22 janvier 1900 à Londres

Il est un physicien anglo-américain, spécialiste et innovateur en télégraphie, il est l'inventeur du microphone à charbon et un contributeur méconnu à l'invention de la communication sans fil (la future radio).

David Edward Hughes commence sa carrière comme professeur de musique dans le Tennessee.
Dans les années 1854, il invente le télégraphe inscripteur qui permet d'envoyer des dépêches télégraphiques en clair et de les imprimer en lettres majuscules : peu reconnu dans son pays, il vient en France où son système est adopté par l'administration française en 1861.

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En 1854, il met au point le télégraphe imprimeur (téléscripteur), un stylet graveur qui permet d'enregistrer les signaux sur une bande de papier avec le télégraphe de Morse, brevet vendu à l'American Telephone Company.
En moins de deux ans, bon nombre de sociétés ( dont la Western Union ) vont emprunter le système.
Il a a été adopté par l'administration française des télégraphes en 1861. Il connaît un certain succès jusque vers 1890 en France et dans divers pays d'Europe, en étant réservé aux lignes à grand trafic.


En 1877 il expérimente un crayon de graphite taillé en pointe aux deux extrémités et le met en vibration avec un courant électrique entre deux plaques de charbon.
Il contribue ainsi à améliorer le transmetteur téléphonique de Graham Bell.

vers 1879
Ci-dessus: Un autre microphone expérimental au crayon de carbone, exposé dans la galerie Communicate. Fabriqué par le professeur David E. Hughes, Londres,

En 1879, Hughes présente La balance d'induction pour tenter d'éliminer les effets d'induction qui se produisent sur les lignes télégraphiques.
(voir l'article)

Hughes découvre que des étincelles engendrent un signal radio pouvant être détecté par un récepteur téléphonique de sa conception.
Détecteur microphone Hughes, probablement fabriqué par David Edward Hughes, Londres, Angleterre, 1865-1875.

Il a constaté que si un circuit était formé en reliant en série une pile, un microphone et l’une des bobines de sa balance, toute interruption du circuit était accompagnée d’une perturbation qui devenait audible dans un récepteur téléphonique branché sur un autre microphone, même lorsque les circuits étaient largement séparés et qu’il n’y avait pas de lien direct entre eux.
On sait maintenant que Hughes a découvert sans le savoir le rayonnement électromagnétique, mais des amis scientifiques ont estimé que les résultats étaient dus à l'induction électromagnétique.
Découragé, Hughes ne publia pas ses découvertes et le mérite revint à Heinrich Hertz environ sept ans plus tard.
C'est l'un des microphones utilisés par Hughes pour essayer d'entendre le rayonnement électromagnétique créé par son circuit interrupteur.
En tant que dispositif à contact imparfait avec le contact entre des matériaux dissemblables, il agissait comme un détecteur de redressement, similaire à ceux utilisés dans les ensembles de réception de cristaux des années 20.

Il expérimente un « spark-gap transmitter and receiver » comme moyen de communication à distance et démontre sa capacité à émettre et recevoir des signaux codés en Morse jusqu'à une distance de 400 mètres. Sir William Crookes, Sir William Henry Preece, William Grylls Adams et James Dewar assistent à des démonstrations du nouveau système.

En février 1880, Hughes présente sa technologie à des représentants de la Royal Society.
Tandis qu'il poursuit ses travaux sur la communication sans fil, les publications faites sur le sujet par Heinrich Hertz le prennent de vitesse et le travail de Hughes n'est pas publié avant la parution d'un bref article en 1892 et d'un autre plus étoffé vers 1899.
Il publie néanmoins un livre en 1899 et 1901.

On reconnaîtra plus tard qu'Hughes a été le « premier à transmettre effectivement des signaux et que ses expériences de 1879 préfiguraient les découvertes des ondes hertziennes, ou la télégraphie de Marconi ».
La technologie de réception radio mise au point par Hughes a mis en évidence des propriétés inédites en présence des signaux radios.
Ses travaux sont incontournables dans la conception de ce qu'il appelle le « cohéreur » avec en particulier l'usage d'un carbone semi-conducteur et d'une diode redresseur.

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1877 L'invention du téléphone se répend et ne tarde pas à être améliorée par de nombreux scientifiques.

En 1877 Emile Berliner
sera le premier à apporter des nouveautés

1878 En France dans "le journal télégraphique" du 25 juillet 1878, c'est M. Du Moncel qui rapporte cette nouvelle :
...

Voici, enfin, la Note sus-mientionnée de M. du Moncel à l'Académie des sciences.
Sur un système de téléphone sans organes électro-magnétiques, basé sur le principe du microphone.

Jusqu'à présent le microphone n'avait été considéré quo comme un transmetteur téléphonique, et l'on n'aurait guère soupçonné qu'il pût constituer un récepteur destiné à reproduire à l'oreille les sons transmis par un appareil du même genre; c'est pourtant ce que M. Hughes, Blyth et Robert H. Courtenay nous apprennent aujourd'hui.
Un microphone convenablement disposé parle distinctement, quoique moins fortement que le téléphone, et lo microphone ordinaire lui-même (du modèle que construisent MM. Berjot et Chardin) peut reproduire à l'oreille les sons résultant de vibrations mécaniques produites sur la planchette servant de support à l'appareil. Ainsi les grattements faits sur le support de l'appareil, les trépidations et les sons déterminés par une boite à musique placée sur le microphone sont parfaitement entendus ; une pile Leclanché de quatre éléments suffit pour cela. Nous avions bien le téléphone à morcure do M. A. Breguet, qui ne comporte pas d'organes électro-magnétiques et qui émet des sons par les vibrations résultant des oscillations de la colonne miercurielle ; mais, dans l'appareil en question, les effets produits sont bien plus extraordinaires, car la vibration destinée à les produire ne peut résulter que des variations d'intensité d'un courant fermé par l'intermédiaire de mauvais contacts, et, pour entendre les sons, il suffit de placer l'oreille contre la planchette sur laquelle les charbons sont montés.
Est-ce aux répulsions exercées entre les éléments contigus d'un méme courant qu'il faut rapporter cette action ? ou bien faut-il supposer, comme M. Hughes, que le courant électrique lui-même n'est qu'une vibration moléculaire ?
v
oici ce que M. Hughes m'écrit à ce sujet :
« J'hésite à vous dire où tous ces effets vont nous mener ; car vous verrez, en étudiant la question, qu'un courant électrique n'est rien autre qu'une vibration moléculaire, et que cette vibration devient manifeste dès que les molécules du conducteur sont rendues libres de se mouvoir, par suite du faible contact produit sous l'influence d'une pression très-légère entre deux on plusieurs parties constituantes de ce conducteur. Si le courant électrique n'est qu'une vibration moléculaire, cela pourrait nous mener très loin, car on pourrait en inférer qu'il pourrait en être de même des autres causes physiques impondérables. quand le circuit est interrompu en un point quelconque, aucun son ne peut être entendu. Il est vrai que, quand M. Blyth a annoncé pour la première fois ces résultats, il a rencontré, mémo en Angleterre, beaucoup d'incrédules, et je dois dire que les expériences que j'avais tentées moi-même pour le vérifier n'étaient pas de nature à me convaincre, car elles n'avaient donné que des résultats négatifs; mais, maintenant que le fait est bien acquis, grâce, à M. Hughes qui, de son côté et antérieurementl), avait étudié la question avec ses appareils, il est probable qu'on retrouvera les effets annoncés par M. Blyth en expérimentant dans de bonnes conditions.

L'action qui est enjeu dans ce phénomène serait-elle la même que celle qui détermine des sons dans un fil de fer traversé par un courant interrompu et que M. de la Rive a si bien étudiée dans son Mémoire présenté il l'Académie en 1846 ? Il serait imprudent de se prononcer dans l'état actuel de la question; toujours est-il que le fait existe et qu'on ne peut le rapporter à une transmission mécanique des vibrations, car,quand le circuit est interrompu en un point quelconque, aucun son ne peut être entendu. Il est vrai que, quand M. Blyth a annoncé pour la première fois ces résultats, il a rencontré, méme en Angleterre, beaucoup d'incrédules, et je dois dire que les expériences que j'avais tentées moi-même pour le vérifier n'étaient pas de nature à me convaincre, car elles n'avaient donné que des résultats négatifs; mais, maintenant que le fait est bien acquis, grâce, à M. Hughes qui, de son côté et antérieurementl), avait étudié la question avec ses appareils, il est probable qu'on retrouvera les effets annoncés par M. Blyth en expérimentant dans de bonnes conditions.

La forme de microphone qui convient le mieux pour transmettre et recevoir la parole est, du moins jusqu'à présent, la suivante :
Sur une planchette verticale de la taille de celle des microphones ordinaires, on pratique une ouverture assez grande pour y introduire le cornet d'un téléphone à ficelle ordinaire, en ayant soin que la membrane de parchemin affleure la surface de la planchette du côté où est placé le microphone. Cette membrane porte à son centre un morceau de charbon de sapin métallisé mis en rapport avec le circuit de la pile, et contre ce morceau de charbon est appliqué, sous une très-légère pression, un autre morceau de la même matière, adapté à l'extrémité supérieure d'un levier vertical pivotant par sa partie médiane sur deux pointes. Ce levier est interposé dans le circuit, et un ressort à boudin très-fin, dont on peut régler la tension, permet de rendre aussi faible qu'on peut le désirer la pression exercée au point de contact des deux charbons ; enfin le tout est enveloppé dans une boîte qui ne laisse dépasser extérieurement que le cornet acoustique. Dans ces conditions la parole peut être transmise et entendue sous l'influence d'une pile relativement faible (quatre ou cinq éléments Leclanché), mais elle est toujours beaucoup moins accentuée qu'avec le téléphone Bell.

Dans les expériences de M. Blyth, le microphone était constitué par de gros fragments de charbon échappés à la combustion et désignés en Angleterre sous le nom de cinders gas, et ces charbons remplissaient une boîte plate de 15 pouces sur 9, munie de deux électrodes en fer-blanc. Une pile de deux éléments de Grove, adaptée à deux appareils de ce genre, permettait de transmettre et d'entendre la parole. En substituant à l'une de ces boîtes un téléphone et en versant de l'eau dans l'autre boîte, M. Blyth put se passer de pile, et les paroles prononcées devant la boîte purent être parfaitement entendues dans le téléphone. D'après ce savant; les sons transmis ne pouvaient résulter que de l'action des charbons, car, quand ceux-ci étaient enlevés, aucun son n'était perceptible.

« Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pu entendre aucun son avec le dispositif indiqué précédemment; il est vrai que j'avais employé des escarbilles qui, bien qu'indiquées dans le Mémoire de M. Blyth, n'étaient pas probablement dans de bonnes conditions ; mais, en disposant sur les deux côtés opposés d'une petite boite plate de 10 centimètres sur 6 deux électrodes zinc et cuivre, et remplissant l'intervalle avec de gros fragments de charbon de cornue assez rapprochés les uns des autres pour constituer une couche à peu près continue, j'ai pu, par l'immersion des charbons dans de l'eau, obtenir sans pile un très bon transmetteur de téléphone. Tous les bruits et même la parole étaient nettement reproduits, et l'on avait l'avantage dé ne pas entendre ces crachements désagréables qui accompagnent quelquefois les sons provoqués par le microphone.

Je disais à l'instant que les effets produits dans un microphone employé comme récepteur étaient difficiles à expliquer et qu'ils avaient peut-être quelques rapports avec ceux qui se produisent dans un fil de fer traversé par un courant fréquemment interrompu; mais voici d'autres phénomènes du même genre qui doivent évidement avoir une certaine parenté avec ceux dont il est question dans cette Note.

Ainsi M. des Portes, dans un complément au Mémoire qu'il m'a envoyé, a reconnu que, si l'on interpose un barreau aimanté dans le circuit d'un téléphone, en faisant en sorte que les deux bouts du fil du circuit qui établissent les contacts fassent quelques circonvolutions autour de ses extrémités polaires, les coups frappés sur l'aimant avec une tige de fer sont perçus dans le téléphone, mais à la condition cependant que l'un des pôles de cet aimant soit muni d'une plaque de fer. D'un autre côté, j'ai reconnu que des grattements effectués sur l'un des fils qui réunissent deux téléphones entre eux sont perçus dans ces téléphones, quel que soit d'ailleurs le point du circuit où ces grattements sont produits. Les sons ainsi provoqués sont à la vérité très-faibles, mais ils se distinguent nettement et acquièrent une plus grande intensité quand le grattement est effectué sur les bornes d'attache des téléphones. Tous ces sons, d'ailleurs, ne peuvent pas évidemment être la conséquence d'une transmission mécanique de vibrations, car, quand le circuit est interrompu, on ne peut en percevoir aucun. D'après ces expériences, on pourrait croire que certains bruits que l'on constate dans les téléphones expérimentés sur les lignes télégraphiques pourraient bien provenir des frictions des fils sur les supports, frictions qui donnent lieu à ces sons souvent si intenses que l'on entend quelquefois sur certaines lignes télégraphiques. »


Edison Thomas Edison (1847-1931) en 1877 a été invité par la Western Union Telegraph Company à développer et améliorer les méthodes de transmission de la parole.
En 1878 L'émetteur à poudre de carbone
est l'un des développements qui en résulte, il est très similaire aux microphones conçus par David Edward Hughes
Il se compose d'un bouton de poudre de carbone molle comprimée, de la taille d'une pièce de dix pence, placée entre deux disques de laiton, contre l'un desquels appuie un diaphragme de fer.
La parole dans l'embouchure fait vibrer le diaphragme et produit des variations de la résistance.
(photos de l'original).
Le brevet d'Edison
Ce principe de microphone va se généraliser et contribera au développement du téléphone dans le monde entier.

Aussi Edison avait compris que le téléphone devait communiquer à grande distance, ce que ne faisait pas le système Bell, alors il employa l'énergie de "la pile" et conçu un système à variation de résistance.
Son premier brevet est déposé en avril 1877 aux USA. Le 30 juillet 1877 Edison dépose un deuxième brevet qui montre l'utilisation de la bobine d'induction pour amplifier le courant microphonique.
Avec les téléphones à pile, le problème est plus complexe, à cause de l'emploi d'une pile qui doit être commune à deux systèmes d'appareils, et de la bobine d'induction qui doit être intercalée dans deux circuits distincts

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Au sujet de l'invention récente du microphone et de la découverte de quelques-unes de ses principales applications, notamment de son emploi comme thermoscope, il s'est engagé entre M. Edison, d'un côté, et MM. Hughes et Preece, de l'autre, une vive polémique à laquelle n'ont pas tardé à prendre part un certain nombre des organes scientifiques qui se publient de l'un et de l'autre côté de l'Atlantique.

Sans vouloir intervenir dans le débat, qu'il nous soit permis de résumer brièvement les faits en les faisant suivre de quelques observations qu'ils nous paraissent comporter.

Dès 1876, on le sait, M. Edison a inventé un téléphone, dit téléphone à charbon, basé sur les variations de résistance qu'éprouve un disque de noir de fumée suivant le plus ou moins de compression qu'il subit.
Plus récemment, il a imaginé sous le nom de microtasimètre, un appareil où les plus petites variations de la température seraient accusées également par le plus ou moins de compression d'un morceau de charbon actionné par la dilatation d'un corps sensible à la chaleur.

De son côté, M. le Professeur Hughes a commencé, au mois de Mai dernier, à publier une série d'expériences qui l'ont conduit à imaginer, sous le nom de microphone, un transmetteur téléphonique extraordinairement sensible dont les modèles, susceptibles de nombreuses variations, sont tous basés sur les changements d'intensité que subit le courant, suivant le plus ou moins d'intimité des points de contact des conducteurs et il a montré ultérieurement que le microphone constituait un thermoscope très sensible.
Dès que les résultats des expériences du Professeur Hughes ont commencé à être connus en Amérique, M. Edison, sans plus ample informé, a lancé immédiatement par le télégraphe et par la, voie de la presse, une protestation violente contre ce qu'il appelait, de la part du Professeur Hughes, un vol, une piraterie scientifique et, de la part de M. Preece, un abus inqualifiable de confiance (M. Preece a eu occasion d'entrer en relation avec M. Edison lors de son récent voyage on Amérique et d'être mis ainsi par mi au courant du détail de ses travaux et de ses idées. C'est M Preece qui, à. son retour, a patronné en Europe les principales inventions de M. Edison. C'est lui également qui a fait connaître un des premiers les recherches du Professeur Hughes).

Aussi violemment attaqués, M. Hughes et M. Preece répondirent l'un et l'autre par une contreprotestation indignée; le premier affirmant que les inventions et les idées de M. Edison n'étaient pour rien dans ses recherches et qu'elles avaient été plutôt inspirées par les récents travaux de Sir William Thomson sur les altérations de la résistance que subissent les fils de fer par suite de leur extension ou de leur compression; le second repoussant énergiquement l'accusation
d'avoir livré au Professeur Hughes le secret d'aucunes des idées de M. Edison et établissant que les inventions que celui-ci invoque en faveur de ses droits de priorité étaient connues déjà du public, en Europe aussi bien qu'en Amérique, au moment où M. Hughes procédait à ses recherches et en publiait les résultats.

La presse ne tarda pas à prendre partie entre les deux camps, en Amérique, plus généralement en faveur de M. Edison, en Angleterre, universellement croyons nous, en faveur de M. Hughes et de M. Preece. Quant aux organes de l'Europe continentale, moins au fait, sans doute, de la question, peu d'entre eux se sont encore lancés dans le débat.
Toutefois les quelques journaux scientifiques français qui se sont occupés du sujet en litige, se sont rangés déjà du même côté que les journaux anglais et nous ne croyons pas qu'il y ait dans les autres pays un seul organe qui ait pris en main la cause de M. Edison.
Aux Etats-Unis même, à mesure que la question est mieux connue, il paraît se produire un certain revirement et quelques-uns des journaux les plus autorisés reviennent aujourd'hui sur leurs premières impressions.

C'est qu'en effet, au jugement de tout esprit impartial, croyons-nous, les revendications de M. Edison paraîtront aussi injustifiables dans le fond que dans la forme.
Nous ne pouvons pas entrer ici dans le coeur d'une question qui, pour être pleinement discutée, nécessiterait d'abord l'exposé détaillé des inventions rivales. Disons seulement qu'il n'y a guère entre le téléphone à charbon ou le micro-tasimètre de M. Edison et le microphone de M. Hughes, d'autre point commun que cette propriété, sur laquelle ces trois inventions sont basées, de la variation de la résistance avec la compression du corps employé, dans l'espèce le charbon, propriété connue depuis longtemps et qui fait partie du domaine public de la science.

En ce qui concerne le Professeur Hughes notamment, ce ne sont certes pas les travaux de M. Edison qui la lui ont révélée, lui qui déjà en 1866, faisait connaître en Allemagne le rhéostat imaginé à la fin de 1865 par M. Clérac, précisément sur le principe de la compression de la poudre de graphite. (V. Journal télégraphique dn 25 Mars 1871, vol. II, p. 425)

Quant à l'expression donnée par M. Edison à sa protestation, nous n'avons pas besoin de dire que dans aucun cas, nous n'aurions pu l'approuver et que des revendications ainsi formulées contre des notoriétés scientifiques telles que le Professeur Hughes et M. Preece ne sauraient jamais servir la cause de celui qui y recourt.

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Revenons microphone à charbon et à notre Professeur Hughes ,
on trouve dans le Journal Télégraphique de mai 1878 un bon article Traduit de l'anglais dans l'Engineering, 10 Mai 1878

M. Hughes, l'éminent inventeur de l'appareil imprimeur bien connu de ce nom a fait récemment l'étonnante découverte que certaines substances conductrices non homogènes, placées dans un circuit avec une pile, possèdent la propriété de convertir des vibrations sonores en courants ondulatoires d'électricité, au moyen desquels non seulement on peut transmettre des notes et du langage articulé à un téléphone éloigné placé dans le circuit, mais môme des sons, si subtils qu'ils sont imperceptibles autrement, peuvent être amplifiés en bruits éclatants.
De toutes les merveilles, relatives à l'électricité téléphonique, nous n'hésitons pas à le dire, la découverte de M. Hughes de la sensibilité de certaines compositions ou substances non homogènes à traduire des vibrations, est la plus merveilleuse de toutes.
Elle ouvre un vaste champ aux recherches scientifiques et met entre les mains du physicien un révélateur de sons et autres vibrations mécaniques si faibles qu'on ne les soupçonnerait pas sans lui.
En fait, elle lui donne le moyen de construire des instruments qui seront à l'oreille ce que les lentilles et le microscope sont à l'oeil et, en même temps, comme transmetteur téléphonique elle constitue un perfectionnement du téléphone Bell, en transmettant les sons articulés avec plus de clarté et plus de sonorité.
Mais ce qu'il y a de plus extraordinaire dans la découverte du Professeur Hughes, c'est la simplicité ridicule (ridiculous) de l'appareil employé; quelques clous français, quelques bâtons de charbon, un tube ou deux contenant des poudres, un peu de cire à cacheter et quelques morceaux de bois, avec cela tout enfant peut, en quelques minutes, construire un téléphone transmetteur surpassant en sensibilité le bel instrument du Professeur Bell, qu'il ne peut toutefois complètement remplacer, car ce dernier instrument est encore employé par M. le Professeur Hughes comme récepteur.

Il est à peine besoin de rappeler à nos lecteurs que les sons entendus dans un téléphone sont produits par la vibration de la plaque métallique ou diaphragme, que met en mouvement la variation de l'intensité magnétique de l'aimant placé derrière elle, laquelle variation d'intensité magnétique est produite par un courant d'électricité traversant les bobines qui varie luimême constamment d'intensité, suivant les mouvements du diaphragme à la station correspondante. Ce n'est pas le courant seul qui produit ces résultats mais la nature ondulatoire ou constamment variable de ce courant. Si à la station correspondante l'on substitue au téléphone un seul élément d'uue pile voltaïque l'on entendra distinctement, dans l'appareil récepteur un bruit sec (tick) toutes les fois que la communication sera établie ou interrompue, et si l'on répète cette opération avec une vitesse grande et uniforme comme on pourrait le faire en employant un diapason comme interrupteur, l'on entendra une note musicale dans le téléphone. On peut établir et interrompre la communication avec la pile d'une manière encore plus simple en promenant un fil pointu le long d'une lime, et il se produit alors à l'autre extrémité du fil un son perçant étrange (unearthly screech), assez fort pour être entendu dans toute l'étendue d'une grande pièce. L'auteur de la présente note a signalé, il y a quelques mois, un avertisseur téléphonique basé sur ce principe et clans lequel un léger ressort presse contre le bord d'une roue à fines dentelures: le ressort et la roue étant mises dans le circuit d'un fil de ligne et d'une petite pile, un seul tour de la roue produit un son perçant à l'autre extrémité où il attire ainsi l'attention, sans qu'on ait besoin d'une cloche ou d'un second fil.

Si au lieu d'interrompre et d'établir le contact entre une pile et un téléphone, ce qui produit un son bas, sec et net (loud dull tick), on change subitement la résistance du circuit ou de la pile, il se produit un son dans le téléphone, mais d'une nature différente ; ce son est plus prolongé et plus variable que le simple bruit sec (tick), et c'est cette variation de résistance produisant une variation de courant qui est la base de la découverte de M. Hughes.
Il a reconnu que si un fil transmettant un courant d'une pile à un téléphone est soudainement brisé, il se produit dans le téléphone un son sec et net (loud tick), mais que si ce fil, au lieu d'être brusquement rompu, est soumis à un effort de tension de façon à en désunir les parties constitutives (so as to drag it asunder) on entend alors une sorte de murmure préliminaire ou de. grincement, avant que le craquement se produise, et ce phénomène l'a mis sur la voie des recherches qui ont amené à des résultats si importants. Nous ne doutons pas que ce grincement ne soit produit par les fibres formant le fil métallique quand elles commencent à se rompre et frottent l'une sur l'autre (beginning to give way and dragging over one another), variation de résistance en quelque sorte analogue à celle qui se produit quand on promène un fil snr la surface d'une lime, comme nous l'avons mentionné ci-dessus.

La figure 1 représente une des expériences du Professeur Huglies qui est excessivement intéressante et démontre de la manière la plus instructive ce que nous croyons être la vraie explication de ces phénomènes.
A est un tube de verre rempli d'un mélange d'étain et de zinc, connu ordinairement sous le nom de poudre d'argent blanc (white silwer powder) ; cette poudre est légèrement comprimée par deux bouchons de charbon de gaz introduits aux deux extrémités, auxquels sont fixés des fils ayant dans leur circuit une pile B et un galvanomètre G.
Les boutons sont cimentés à leur place par une couche de cire à cacheter ordinaire. Si on prend ce tube par ses deux extrémités et qu'on le soumette à un effort de tension, en tirant les deux extrémités en sens opposés, mais dans la direction de sa longueur, l'aiguille du galvanomètre dévie dans un sens et lorsqu'on pousse les deux extrémités l'une contre l'autre, de manière à exercer une compression sur le tube, l'aiguille du galvanomètre dévié immédiatement dans le sens contraire. En pareil cas, les particules métalliques très-divisées qui forment le contenu du tube sont mises en rapprochement plus intime au moyen de la compression, tandis qu'elles sont plus séparées quand le tube est soumis à la traction et ainsi la résistance du circuit est variée, le courant augmentant dans le premier cas et diminuant dans le second. Si cette manière de voir est exacte, le mouvement de l'aiguille du galvanomètre dans sa marche rétrograde ne peut être considéré comme une déviation mais comme un retour vers le zéro, l'aiguille s'arrêtant au point qui indique la force du courant passant par les bobines quand le tube est étendu.
Cette expérience seule constituerait déjà un exemple merveilleux de la sensibilité du téléphone employé comme révélateur des plus petites variations de la force électrique, car il est à peine possible de concevoir le petit accroissement qui se produit dans la longueur ou dans la capacité d'un tube de verre d'environ 3 pouces de longueur, quand on l'étend en l'étirant simplement avec les doigts. Mais ce tube sensible est encore bien plus délicat que ne le montre l'expérience précitée. Il est tellement "sensible qu'il est capable de recueillir des vibrations sonores et par ses propres vibrations, sous leur
influence, de transmettre par un fil électrique à un téléphone éloigné des courants ondulatoires capable d'y reproduire tous les sons par lesquels ils ont été produits et même avec une plus grande perfection que celle qu'on atteindrait si le téléphone était l'appareil transmetteur. En fixant un de ces tubes à une petite boîte de résonnance, telle que le montre la figure 2,
le Professeur
Hughes a fait, ce nous n'hésitous pas à appeler, le téléphone articulant le plus simple qui ait jamais été produit. Il ne consiste en rien autre qu'un tube de verre rempli d'une poudre dont la conductibilité électrique peut être modifiée par des variations de compression, les fils étant reliés à ses deux extrémités et ce petit appareil fixé à une petite boîte ouverte à une extrémité et qui sert d'embouchure à l'instrument. Les fils sont reliés à un téléphone éloigné du système Bell, et une pile de trois petits éléments Daniell est intercalée dans le circuit. Dans l'appareil original établi par le Professeur Hughes, le résonnateur consistait en une petite boîte tire-lire d'enfant, dont une face avait été enlevée, et le tube était fixé à la paroi supérieure au moyen de cire à cacheter ordinaire.

En fait, tout l'ensemble de l'appareil employé par M. Hughes est de la construction la plus rudimentaire possible et constitue un exemple éloquent de ce fait si hautement démontré par un grand nombre des appareils exposés dans la dernière exposition d'appareils scientifiques (Loan collection of scientific Apparatus) que c'est avec les instruments les plus simples et les plus grossiers qu'ont été faites les plus grandes découvertes de la science. Avec ce simple téléphone, les sons sont si forts qu'il est possible de chanter dans un appareil et d'entendre en même temps de la station correspondante chanter dans un autre. Cet arrangement duplex avec un seul circuit fonctionne parfaitement, une communication ne gênant l'autre en aucune manière.

Lorsque, au lieu du tube, on emploie un simple charbon de bois, tel que ceux dont se servent les artistes, on n'obtient aucun effet, le charbon à cause de sa trèsgrande résistance étant à tous égards un corps non conducteur parfait; mais, en le chauffant jusqu'à l'incandescence et en le plongeant subitement dans un bain de mercure, il s'imprègne de très-petites particules de ce métal, et dans cet état il peut être employé presque aussi bien que le tube de poudre métallique composée. Un charbon semblable, imprégné de perchloride de platine, peut être aussi avantageusement employé, soit sous la forme de bâton, soit sous la forme de poudre contenue dans un tube.

Le Professeur Hughes a expérimenté différentes substances, mais les résultats paraissent montrer que quel que soit le conducteur employé, il ne doit pas être homogène de sa nature, de sorte que l'augmentation ou la diminution de la pression, en produisant une union plus ou moins intime entre ses particules conductrices ii. la propriété de varier la force du courant transmis, en lui donnant un caractère ondulatoire. Un tube contenant de la grenaille de plomb épurée reproduira aussi ces phénomènes; mais après un certain temps, par suite de la formation d'un oxyde isolant sur la surface de chaque grain, le tube cesse de transmettre le courant. Il est possible qu'en baignant la grenaille dans une solution non oxydable, telle que le riaphte, par exemple, on puisse remédier à ce défaut, mais on peut trouver pour ces expériences des substances bien meilleures que la grenaille.

Des ouvrages mécaniques ordinaires contenant beaucoup d'articulations, par exemple une petite machine ou une petite chaîne un peu ramassée sur elle-même, ont une action presque aussi efficace que les substances sus-mentionnées. Dans ces cas spéciaux, les phénomènes sont probablement dûs à ce que le courant électrique prend un caractère ondulatoire par sa transmission à travers un circuit contenant ce que l'électricien appellerait « des défauts» dont la grandeur change suivant les variations de la pression entre les différentes parties de l'objet.

La figure 3 représente la plus simple des disposi
tions de ce genre. Deux clous français ordinaires A sont posés sur une tablette horizontale à une distance l'un de l'autre d'environ 1 millimètre, les fils de fer x et y qui communiquent avec une pile B et un téléphone sont reliés à ces clous, de telle manière que ceux-ci forment la seule interruption qui existe dans le circuit, interruption qu'on peut combler par l'interposition entre les deux clous d'une matière conductrice quelconque. Si l'on pose un troisième clou en travers sur les deux autres, il est évident (un cylindre n'en pouvant toucher un autre dont l'axe n'est pas parallèle au sien qu'en un seul point) que le circuit électrique a une communication très-imparfaite aux points de contact qui se trouvent entre les clous, et c'est à cette communication défectueuse qu'est due la sensibilité de cet arrangement.
Tout incroyable que la chose puisse paraître à ceux qui n'ont pas vu l'expérience, c'est néanmoins un fait que cette simple disposition constitue un téléphone articulant très parfait et que des mots dits ou chantés à ce petit clou français qui, comme nous pouvons le supposer, danse sur les deux autres clous suivant l'articulation ou l'air qui lui est communiqué sont immédiatement transmis à l'appareil récepteur à l'extrémité de la ligne avec une netteté et une force merveilleuses.
L'effet produit est meilleur quand on substitue des bâtons de charbon de gaz aux clous, M. le Professeur Hughes ayant fait cette découverte importante pour les fabricants de relais télégraphiques et d'horloges électriques, que pour de très légers contacts, le charbon établit une meilleure communication électrique qu'aucun conducteur métallique quelconque.


Pour mesurer l'influence de la pression sur les substances expérimentées, M. le Professeur Hughes s'est servi d'une petite pince, représentée par la figure 4, dans
laquelle est une petite baguette de laiton jointe par une charnière à un support C qui est fixé à une petite tahlette ; la substance à examiner est placée entre les mà•"hoires en D et la pression peut être augmentée ou diminuée en mettant des petits poids sur le levier A d'un côté ou de l'autre de son centre de pivotement. Le levier est relié par C à la pile B et la mâchoire inférieure au téléphone et à la pile par l'intermédiaire des fils x et y.
Dans toutes ces expériences, M. le Professeur Hughes s'est servi d'une petite montre à cylindre pour produire le son, et la mesure observée consistait dans le degré d'élévation du son entendu dans le téléphone à l'extrémité de la ligne, quand la montre était placée à différentes distances du transmetteur.
Avec cet instrument, il a expérimenté à différentes pressions des poudres et diverses matières aussi bien que des objets composés de différentes pièces, par exemple de petites parties d'une chaîne resserrées entre les mâchoires, qui sous une certaine pression constituaient un téléphone articulant très-efficace.
Un bloc composé d'oxyde de fer noir pulvérisé, agglutiné au moyen de gomme, transmet le tic-tac d'une montre avec une grande perfection.

Nous arrivons maintenant à ce qui constitue l'appareil de beaucoup le plus sensible de tous ceux que M. le Professeur Hughes a construits jusqu'à présent dans le cours de ses recherches, et qui est encore remarquable par son extrême simplicité.

La figure 5
représente cet appareil que l'on peut certainement considérer comme l'organe acoustique le plus sensible qui, après l'oreille humaine elle-même, ait été jamais construit. Il consiste simplement dans un petit crayon de charbon de gaz A (tel qu'on en emploie dans la lampe électrique) appointi à ses deux extrémités et légèrement maintenu dans une position verticale (voir l'esquisse détaillée fig. 6) entre deux petits godets creusés dans la surface des petits blocs de charbon CC, qui sont reliés à une mince planchette résonnante, reposant elle-même sur une planche plus forte D. Les blocs C C sont reliés par les fils x et y à la pile et au fil de ligne conduisant au téléphone.
Ce merveilleux appareil, tout, ébauché qu'il soit (et il est impossible de rendre dans un dessin l'extrême grossièreté de l'instrument primitivement construit par M. Hughes ), est l'instrument le plus délicat que nous ayons vu dans le domaine de la physique.
Non seulement il recueille et transmet à la station correspondante le langage articulé avec une grande force et une grande netteté, mais il révèle et convertit en sons bruyants les vibrations les plus petites possibles. Le moindre coup ou le moindre attouchement sur la planche de support suffit pour produire un fort grincement dans le téléphone, même l'attouchement léger d'un pinceau en poil fin de chameau sur la table qui porte l'instrument est reproduit fidèlement comme un bruissement et ce qui est encore plus extraordinaire, nous excuserons nos lecteurs s'ils suspendent leur crédulité jusqu'à ce qu'ils aient pu vérifier le fait eux-mêmes les sauts légers d'une petite mouche ordinaire se promenant le long de la planchette D sont entendus avec une netteté telle qu'il est impossible de s'y méprendre, par la personne dont l'oreille est au téléphone correspondant, lequel peut se trouver à une distance de plusieurs milles.

Tandis que ces expériences intéressantes démontrent la merveilleuse sensibilité de l'appareil de M. le Professeur Hughes pour la conversion des ondulations sonores en ondulations électriques, elles prouvent encore plus que tout ce qui s'est fait jusqu'à présent, la délicatesse extraordinaire du téléphone du Professeur Graham Bell, comme instrument pour recueillir les impulsions électriques et les retransformer en ondulations sonores.

Enfin, les deux parties de l'appareil, le transmetteur du Professeur Hughes et le récepteur du Professeur Bell font saisir à l'esprit la perfection et la sensibilité plus grandes encore de l'oreille humaine, dont nous ne faisons que commencer à apprécier le pouvoir comme organe acoustique.


Bien sur en Juillet 1878 dans le même Journal Télégraphique, la réponse ne tarda pas,
mais avant, il faut raconter une curieuse expérience micro-téléphonique qui eut lieu l
e 19 Juin dernier a eu lieu à Bellinzone (Suisse).
Une troupe italienne de passage devait donner ce jour-là au théâtre de cette ville l'opéra de Donizetti, Don Pasquale. M. Patocchi, inspecteur-adjoint du 6° arrondissement télégraphique de la Suisse, a eu l'idée de profiter de cette occasion pour expérimenter les effets combinés du microphone à charbons de Hughes comme appareil transmetteur et du téléphone de Bell comme appareil récepteur.
A
cet effet, il installa dans une loge du 1er rang, à côté du proscenium, un microphone Hughes qu'il relia au moyen de deux fils de 5 mm de diamètre à quatre récepteurs Bell disposés dans une salle de billard, au dessus du vestibule du théâtre même, salle où ne parvient aucun des bruits de l'intérieur du théâtre. Dans le circuit et près du microphone de Hughes, était intercalée une petite pile de deux éléments du modèle ordinaire de l'Administration suisse.
Les résultats ont été aussi heureux et aussi complets que possible. Les téléphones reproduisaient exactement, avec, une clarté et une netteté merveilleuses, aussi bien les sons de l'orchestre que le chant des artistes. Plusieurs spectateurs ont constaté, avec M. Patocchi, que l'on ne perdait pas une note des instruments ou des voix, qu'on distinguait parfaitement les mots prononcés, que les airs étaient reproduits dans leur ton naturel, avec toutes leurs nuances, les piano comme les forte, les motifs doux comme les passages de force et plusieurs dilettanti amateurs ont même assuré à M. Patocchi que, par cette seule audition au moyen des téléphones, l'on pouvait apprécier les beautés musicales, les qualités des voix des artistes et généralement juger de la pièce elle-même, comme pouvaient le faire les spectateurs à l'intérieur du théâtre.
Les résultats ont été les mêmes en introduisant dans le circuit des résistances jusqu'à 10 kilomètres, sans augmenter le nombre des éléments de la pile.
C'est, croyons-nous, la première expérience de ce genre qui ait été faite, en Europe du moins, dans un théâtre sur un opéra complet et ceux qui connaissent toute la légèreté et la grâce des mélodies de Don Pasquale, apprécieront à quelle sensibilité doit atteindre la combinaison du microphone de Hughes et du téléphone de Bell, pour ne rien laisser perdre des délicatesses de cette musique.

Au sujet de la polémique engagée entre M. du Moncel et MM. Navez sur la théorie du téléphone, nous avons reçu, presque simultanément, d'une part, une réponse de M. du Moncel aux observations de MM. Navez publiées dans notre dernier Numéro et, de l'autre, communication d'une Note à l'Académie royale de Belgique où MM. Navez rendent compte d'une série d'expériences dont les résultats leur paraissent confirmer leur manière de voir.
Nous publions ces deux communications et nous les complétons, en reproduisant aussi la Note à l'Académie des sciences de Paris à laquelle se réfère la lettre de M. du Moncel.

Voici, d'abord, la lettre de M. du Moncel.

Monsieur,

Malgré ma répugnance à entretenir une discussion qui ne peut rien apprendre au lecteur, il me semble difficile que je laisse passer sans réplique la dernière Note de M. Navez, car il commet à l'égard des passages de mon travail qu'il cite et qu'il tronque, des confusions inexplicables.

Sans parler de nouveau de la possibilité do reproduire la parole dans les téléphones dépourvus de lame vibrante, fait aujourd'hui parfaitement admis par ceux qui se sont occupés sérieusement de la question et qui ont une oreille délicate (voir les mémoires de MM. AVarwick, Eossetti et Luvini), je dirai simplement que du moment où M. Navez admet qu'une tige électro-magnétique peut émettre des sons par elle-même, il doit bien admettre qu'elle puisse reproduire des sons articulés, puisque, en définitive, la reproduction de ces sons ne dépend uniquement que des variations d'intensité du courant déterminées par le transmetteur. Que les vibrations provoquées soient transversales ou longitudinales, qu'elles soient le résultat de contractions ou de dilatations moléculaires, comme M. de la Rive, M. Luvini et moi le pensons, peu importe ; du moment où le transmetteur sera dans des conditions convenables, les vibrations produites pourront reproduire plus ou moins nettement la parole, suivant l'intensité des courants transmis.

Mais ce qui a lieu de m'étonner dans la réponse de M. Navez, c'est que l'explication qu'il donne de la plus grande efficacité dos courants induits dans les transmissions téléphoniques, est précisément rapportée dans le passage de mon mémoire qu'il cite, mais qu'il a tronqué précisément à cet endroit. Voici, en effet, comment ce passage se termine : « leur action sur le récepteur ne dépend uniquement que de leur intensité ; ils se prêtent, en conséquence, beaucoup mieux aux vibrations phonotiquos que tes courants voltaïqnes, et cela d'autant mieux que les courants inverses qui suivent leur émission déchargent la ligne et contribuent encore à rendre leur action plus nette et plus prompte. »

M. Navez épilogue sur le mot instantané que j'ai appliqué aux courants induits : mais il doit savoir que c'est un mot souvent employé pour montrer la courte durée de ces courants, et il ne peut admottre raisonnablement que j'aie pu lui attribuer la signification qu'il lui prête, puisqu'on définitive la durée de ces courants a pu être mesurée. M. Navez n'a donc soulevé en ceci qu'une discussion de mots.

Mais il ne s'agit plus aujourd'hui d'une discussion d'effets magnétiques; la science a marché depuis que M. Navez a ouvert la discussion et nous lui demanderons maintenant comment avec sa théorie des mouvements attractifs du diaphragme des téléphones il peut expliquer la reproduction de la parole par un microphone récepteur dépourvu de tout organe électro-magnétique et je puis lui certifier que dans les expériences que j'ai faites et qui sont relatées dans le mémoire que j'ai présenté à l'Académie lo l er Juillet, la transmission des vibrations ne pouvait se faire mécaniquement, car quand le circuit était coupé ou la pile retirée du circuit, aucun son n'était entendu. Il faut décidément que M. Navez compte avec les vibrations moléculaires. Certainement c'est un terrain nouveau à étudier ; mais c'est parce que nous nous acharnons en Europe à vouloir rester dans les limites de théories incomplètes, que nous avons laissé aux Américains qui ne s'en inquiètent guère la gloire de faire les grandes découvertes qui nous étonnent depuis quelques mois. Que M. Navez lise avec soin les notes de MM. Luvini et Des Portes, les mémoires de MM. Rossetti et AVarwick et je suis sûr que ses idées se modifieront.
Dans tous les cas je ne pense pas pousser plus loin une discussion qui ne peut être utile à personne et qui n'a réellement pas en sa raison d'être.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes meilleurs sentiments.

TH. DU MONCEL.

Voici maintenant la communication de MM. Navez.

Expériences ayant pour objet la théorie du téléphone.
(
La Commission académique chargée d'examiner les différentes notes concernant le téléphone présentées par MM. Navez, était composée comme suit: MM. Brialmont, lieutenant-Général, Inspecteur général du génie; Vander-Menshrugghe, de l'Université de Garni et Melsens, examinateur permanent à l'école militaire, professeur de chimie et de physique.)

Pour éviter toute équivoque il convient do poser d'abord la question. M. du Moncel s'est chargé de ce soin. « Du momeut, dit-il, qu'il y a un son émis, il est bien certain qu'il y a vibration. M. Navez la croit transversale et circonscrite sur la laine, parce qu'il suppose qu'elle résulte de l'attraction ; moi, je la considère comme longitudinale et ayant son siège dans le noyau magnétique et la lame-armature, interprétant d ailleurs le mot de vibration longitudinale dans le sens que lui a attribué M. de la Rive.

L'expression circonscrite sur la lame est trop absolue. Il est bien certain que le noyau vibre, et que, dans des circonstances favorables, ces vibrations peuvent produire des sons sensibles à l'oreille. Mais, suivant nous, ce sont les vibrations transversales de la plaque qui, dans le téléphone Bell, reproduisent seules la parole articulée avec une intensité suffisante pour être utile. Ajoutons, pour mieux préciser, que si le noyau pouvait agir par attraction, sans vibrer, la parole reproduite y gagnerait.

Ainsi amendée, nous acceptons la rédaction de notre savant, contradicteur. Nous acceptons aussi le sens qu'il attribue aux expressions vibration transversale, vibration longitudinale, en faisant remarquer toutefois que l'expression vibration longitudinale doit toujours être supposée complétée par le mot moléculaire.

Pour mettre de l'ordre dans l'exposition des expériences dont nous allons rendre compte, nous forons précéder chaque essai ou groupe d'essais, de l'énoncé de la proposition dont ils fournissent la preuve.

Première proposition.

Le téléphone Bell, tel qu'il est généralement construit et employé, ne fournit qu'une reproduction extrêmement faible des sons, même très-intenses, émis dans l'envoyeur, lorsque le récepteur fonctionne sans plaque.

L'administration des postes et télégraphes de Belgique suit attentivement les progrès que réalise si rapidement la nouvelle branche de science appliquée dont il est ici question. MM. Delarge, ingénieur en chef, et Banneux, ingénieur, appartenant à cette administration, se sont occupés spécialement de ces études. Les connaissances théoriques et pratiques que possèdent ces ingénieurs et leur aptitude physiologique à saisir les sons, résultant d'une éducation complète de l'oreille, ne peuvent être mises en doute. Des expériences faites par eux doivent donc inspirer une grande confiance. Les essais concernant la première proposition ont été exécutés sous leur direction et nous y avons assisté en y apportant une attention soutenue.

Pour opérer, autant que possible, hors de l'action des bruits de l'extérieur, on avait installé les appareils dans les vastes souterrains de la gare du Nord. Les doux stations téléphoniques étaient séparées l'une de l'autre par un espace de quatre-vingt-dix mètres. L'interposition de trois portes épaisses et de fortes maçonneries rendait l'audition directe impossible.

Les stations étaient reliées par deux fils de cuivre de 6 mm de diamètre enfermés dans la même enveloppe isolante en gutta-percha. Ou sait que l'emploi de deux fils qui suivent des chemins parallèles et rapprochés, neutralise, par un effet de compensation, certaines influences perturbatrices. Pour ces expériences la communication avec la terre était donc contreindiquée.

On fit d'abord usage, comme envoyeur, d'un Bell, grand modèle avec aimant eu fer à cheval, puissant appareil de construction américaine très soignée, auquel on adjoignit un Bell à main, authentique.
Au moyen de cette disposition la parole était reproduite avec le plus haut degré d'intensité que puissent attendre, du système Bell, des personnes qui en ont fait un fréquent usage, et aussi avec une bonne articulation.
La plaque du récepteur ayant été retirée, aucun son de voix ne pui ftre perçu
On combina ensuite le téléphone Bell, grand modèle, avec deux Bell récepteurs réunis, en tension, pour l'audition biauriculaire. Même résultat.
On ne réussit pas mieux avec deux Bell à main identiques entre eux.
Deux personnes, ayant des timbres de voix très-différents, parlèrent successivement dans l'envoyeur sans plus de succès. arriva toujours qu'en retirant la plaque du récepteur, aucun son de voix ne put être perçu.

Des téléphones de provenances américaine, anglaise et belge, tous de construction soignée, avaient été successivement employés.
Les mêmes essais furent exécutés au moyen d'un sifflet en étain donnant un son strident pénible à l'oreille. On n'entendit rien.
Enfin on fit usage de deux cornets à signaux, à anche. Le son du premier cornet ne put être perçu.
Le second cornet donnait un son plus aigu que le premier. Après une audition très-attentive et très-tendue, il fut reconnu que l'on entendait un son extrêmement faible.
Pendant le courant de ces expériences, on replaçait souvent la plaque sur le récepteur pour s'assurer que rien n'était dérangé dans les communications. On s'était aussi donné la preuve qu'il n'y avait pas de transmission intermoléculaire par les fils, en réunissant les deux bouts de ceux-ci à une même borne du récepteur.

Deuxième proposition.

Bans des conditions exceptionnelles de phonation et d'audition téléphoniques, le son de la voix humaine peut être reproduite par un récepteur privé de sa plaque ; mais cette reproduction est trop faible pour que l'on puisse.reconnaître s'il y a ou s'il n'y a pas articulation.
Toutes les expériences qui suivent ont été faites dans la maison que nous habitons, située entre cour et jardin et, par conséquent, jusqu'à un certain point, soustraite aux vibrations perturbatrices qui rendent souvent si difficiles les observations acoustiques délicates.
Pour envoyeur nous avons fait usage de l'Edison à pile de charbon dont la puissance a encore été augmentée depuis sa première apparition par l'adoption d'une plaque en ébonite dont l'épaisseur diminue des bords au centre. Pour récepteurs deux Bell à main dont la plaque a été retirée, employés ensemble pour l'audition biauriculaire.
L'envoyeur est établi à l'étage ; les récepteurs fonctionnent au rez-de-chaussée. Pour les communications on a utilisé les fils des sonnettes électriques avec toutes leurs bobines. La résistance extérieure du circuit, aller et retour, peut être évaluée, approximativement, à 4 kilomètres de fil télégraphique de 4 millimètres de diamètre.
Cet ensemble permet d'opérer avec une énergie phonique bien supérieure à celle que l'on obtient de deux Bell conjugués.
Des huit voyelles admises par Helmholtz, la voyelle ou est celle dont le son est le plus simple. Quand on soutient ce son à la hauteur du LA du diapason normal, les effets phoniques sont d'une intensité remarquable. Le ou prolongé, lancé dans le cornet de notre envoyeur, est reproduit par les deux Bell déposés sur un guéridon et munis de leurs iliaques, avec assez d'intensité pour que le son soit perçu de tous les points d'un grand salon.
Les plaques ayant donc été retirées des récepteurs, il fut procédé aux expériences qui donnèrent les résultats suivants :
La syllabe ou prolongée est reproduite ; le son perçu est très-faible.
Le son du diapason est aussi reproduit, mais plus faiblement que le ou musical.
On a pu entendre aussi la reproduction de la voix parlée et en saisir le rhythme; mais il a été impossible de comprendre et de reconnaître s'il y avait ou s'il n'y avait pas articulation.

Troisième proposition.

L'intensité du son reproduit dépend non-seulement de l'amplitude des vibrations, mais aussi de la surface vibrante.
Mêmes dispositions générales que pour les expériences précédentes, sauf que l'on n'a fait usage que d'un seul Bell récepteur, dont la plaque avait
été remplacée par un fil de fer tendu au-dessus de la tranche du noyau. Ce fil, d'une épaisseur de 3 mm pouvait être considéré comme un diamètre matériel de la plaque.
Le récepteur, ainsi armé, reproduit la parole très faiblement, mais cependant avec plus d'intensité que dans les expériences précédentes, alors que la plaque n'était remplacée par rien.
Pour augmenter la surface vibrante sans modifier la force d'attraction, on glissa outre le fil de fer et le noyau une rondelle en papier à écrire ordinaire. Alors la reproduction de la parole augmenta considérablement d'intensité ; on put non-seulement entendre, mais aussi très-bien comprendre. Le papier ne vibre pas moléculairement ; l'intensité du son a augmenté avec la surface du vibrateur, parce que la quantité d'air immédiate mise en vibration est devenue plus grande.

Quatrième proposition.

Les vibrations utiles de la plaque sont transversales et produites par des variations dans la force attractive qu'exerce le noyau et les réactions dues à l'élasticité de la plaque.
Pour l'exécution des expériences dont la description va suivre, nous avons employé, comme envoyeur, le microphone du professeur Hughes. Le modèle choisi fut celui composé d'un cylindre de charbon, mobile entre doux prismes de même matière. Grâce à ce précieux appareil, nous avons pu opérer rapidement et sans subir les ennuis qui résultent de déplacements continuels. (Ces expériences ont été répétées devant l'Académie (séance du G Juillet 1878) par les soins de M. le professeur Melscns)

Le microphone, une pile de deux éléments Leclanché et un récepteur à main, système Bell, furent compris dans un même circuit. On mit les appareils en communication entre eux par quelques mètres de fil souple. Par l'emploi de ce genre de fils conducteurs, on évite les bruits que produisent souvent dans le téléphone les vibrations anormales des fils de cuivre sonores.
Une montre ayant été posée sur la tablette du microphone le tic tac fut reproduit avec une augmentation considérable dans l'intensité du son.
Ceci constaté, on plaça, entre la plaque et la tranche, douze petites rondelles en clinquant d'un diamètre de 2 centimètres et ne pouvant, par conséquent, pas prendre appui sur le pourtour du téléphone.
L'interposition de ces rondelles ne diminua que très-peu l'intensité du tic tac. Remarquons que l'ensemble de ces rondelles constitue un système élastique incapable de nuire beaucoup aux vibrations transversales.
Les rondelles de clinquant ayant été remplacées par des rondelles en papier à filtrer, le tic tac ne fut plus reproduit que très-faiblement. La matière peu élastique, interposée, arrêtait, dans une mesure considérable, les vibrations transversales et rendait difficiles les réactions de la plaque.

Cotte expérience fut renouvelée sous beaucoup de formes différentes qui accentuèrent les résultats. Aux effets produits par l'interposition d'un petit morceau de caoutchouc, on compara ceux obtenus en faisant usage d'une petite boulette de mastic de vitrier. A une miette de pain on opposa la même miette préalablement malaxée entre les doigts. Toujours une diminution dans l'élasticité amena une diminution dans l'intensité du son reproduit, quelquefois même sa suppression.

Nous demandons comment l'interposition de matières plus on moins élastiques pourrait éteindre des vibrations moléculaires ? Comment cette interposition pourrait empêcher la transformation de F en F*, suivant l'expression employée par M. du Moncel dans sa première lettre . L'interposition de matières non magnétiques peut-elle avoir nu effet sensible sur l'élévation au carré du potentiel du noyau ? Evidemment non. Si le rôle de la plaque était tel que le veut M. du Moncel, il serait avantageux d'employer des plaques très épaisses pour augmenter l'intensité du son, et chacun sait qu'un pareil résultat ne serait pas obtenu. Ce n'est pas en amplifiant le son en germe dans le noyau que la plaque agit, c'est en vibrant utilement elle-même, en vibrant mécaniquement, s'il nous est permis d'employer ce mot en opposition au mot moléculairemont de M. du Moncel.

Passons à une autre expérience : la plaque en fer a été remplacée par une plaque en ivoire très-mince. Le tic tac n'est pas reproduit ou, plus exactement, la reproduction n'affecte pas assez sensiblement l'oreille de l'expérimentateur pour qu'il on ait conscience. C'est toujours en ce sens qu'il faut interpréter les expériences de téléphonie.
Nous plaçons successivement sur la plaque d'ivoire, au centre : un très-petit clou de tapissier, quelques limailles de fer, un petit tas de fer réduit par l'hydrogène, un petit morceau de fer blanc pesant seulement un centigramme. Toujours on entend avec facilité la reproduction du tic tac. C'est évidaiment la plaque d'ivoire qui vibre utilement; la petite quantité de fer qu'elle porte ne produit pas de son perceptible, il aqit comme moteur.
Pour réaliser une condition très-favorable aux vibrations moléculaires par influence de M. du Moncel, nous plaçons, au centre de la plaque en ivoire, un cylindre en fer du même diamètre que le noyau et d'une épaisseur qui lui donne à peu près le poids d'uue plaque ordinaire de téléphone. La reproduction du tic tac est si faible qu'il y a du doute sur son existence. En augmentant le poids du fer, qui vibre toujours longitudinalemeut et moléculairement, on supprime tout-à-fait le son. Cette limite est atteinte lorsque la masse à mouvoir n'est plus en rapport convenable avec l'élasticité de la plaque. Une plaque eu ivoire supporte un poids de fer plus considérable qu'une plaque en papier.
Nous avons répété cette expérience avec le téléphone Edison-Bell, remplaçant le tic tac de la montre par la voix parlée, et le même résultat a été observé. A défaut de plaque d'ivoire, le papier parcheminé réussit très-bien.

Interprétation des résultats obtenus dans les expériences décrites.

De l'ensemble de ces expériences il résulte que toutes les dispositions favorables au développement des vibrations transversales, ont toujours augmenté les effets phoniques reproduits, tandis que les dispositions favorables aux vibrations moléculaires ont, au contraire, diminué ces mêmes effets.

Nous concluons : dans le récepteur Bell les vibrations utiles sont dues à la plaque, laquelle vibre par suite des modifications que subit l'attraction exercée sur elle par le noyau et des réactions dues à l'élasticité. — Les vibrations utiles de la plaque sont transversales et, par conséquent, limitées par des lignes nodales. — S'il était possible d'obtenir des attractions électro-magnétiques sans déterminer en même temps des vibrations moléculaires, le téléphone reproduirait encore la parole et, peut-être, parlerait-il plus purement.
Soumise à l'analyse, la théorie de M. du Moncel aboutirait à ce singulier résultat : que le maximum d'effet serait obtenu à la limite, alors que l'espace variable entre la plaque et le noyau devient nul ; c'est-à-dire que le téléphone idéal serait réalisé par un simple allongement du noyau et la suppression de la plaque. Il est évident qu'une tranche du noyau vibrera toujours mieux, moléculairement, que la plaque.
M. du Moncel, dans ses lettres, cite beaucoup de noms d'expérimentateurs habiles et savants, pour appuyer ses opinions. Nous avons trouvé dans les publications de ces savants beaucoup d'arguments en faveur de nos idées et fort peu venant a l'encontre de la théorie que nous soutenons. Relevons quelques exemples :

M. AV.-H. Preece, de l'institut des ingénieurs civils, écrit cequi suit en Novembre 1877 : « Chaque courant induit dans la bobine c (de l'envoyeur) arrive par le fil jusqu'à la bobine c' (du récepteur) ; là il change le magnétisme du fer doux V « (le noyau) et augmente ou diminue l'attraction qu'il exerce « sur le diaphragme de tôle a' (la plaque du récepteur Reue scientifique de la France, N° du 10 Novembre 1877) ') ».
Au mois de Mars 1878, M. Preece n'a pas changé d'opinion. Dans un article intitulé : Téléphone et Phonographe, il s'exprime en ces termes : « Ces courants parcourent le fil télégraphique et l'hélice placée à la station éloignée, et viennent modifier l'intensité magnétique de l'aimant placé à cette station. Cette variation de magnétisme fait varier l'attraction mutuelle de l'aimant et du disque ... »
On a vu que les disques vibrent sons l'influence des vibrations sonores et qu'il est possible d'enregistrer ces vibrations Reue scientifique de la France,No du 30 Mars 1878). »
Des vibrations, que M. Preece croit pouvoir être ênregistrées, ne sont certainement pas des vibrations moléculaires. Le savant électricien admet évidemment une similitude de vibration entre les deux plaques du téléphone et de celles-ci avec la plaque du phonographe.
Si nous ne pouvons pas encore enregistrer les vibrations du récepteur Bell, cela tient non à la nature de ces vibrations, mais à leur extrême petitesse. M. Preece donne une idée de cette petitesse en évaluant, d'après lord Rayleigh, à 1 sur 10 000 000 de centimètre l'amplitude nécessaire pour produire des vibrations sonores Pylosoph. magaz., vol. Ar, N» du 30 Avril 1878).

D'après les expériences de M. Blytb Télégr. Journal du :I5 Janvier 1878) communiquées à la Société d'Edimbourg (séance du 7 Janvier 1878) par le professeur Tait, on peut remplacer la plaque en fer du récepteur par une plaque en cuivre, en papier ou en caoutchouc, sans cesser d'entendre, mais, dans ces cas, les sons reproduits seront beaucoup plus faibles que ceux reçus au moyen d'un téléphone ordinaire : « Aucun son n'a été reçu quand on n'a fait usage d'aucun disque. »

M. Warwick a constaté qu'avec un Bell récepteur sans plaque « il a entendu. » Il ne dit pas qu'il a compris; nous sommes donc d'accord (Article publié par English Meclianic et reproduit par le Journal of the Telegraph, sous le titre : Owieuscs expériences télégraphiques).
M. AVarwick paraît étonné de ce qu'une plaque en substance diamagnétique puisse reproduire lo son. Ce résultat devait être prévu. Qu'il y ait attraction ou répulsion, l'effet phonique de la plaque sera le même, puisque, en vertu de son élasticité, elle tendra toujours à revenir vers sa position initiale. Les vibrations transversales, avec déplacement de surface, permettent d'expliquer facilement le phénomène; mais en admettant seulement des vibrations moléculaires, il n'en est plus ainsi. Cependant les sons obtenus au moyen d'une plaque diamagnétique doivent être extrêmement faibles.

L'expérienco de M. Guillemin, citée par M. du Moncel, prouve en faveur de notre cause. La tige de fer, sous l'action du courant électrique, devait ou changer de forme ou s'échauffer. Il y a ici un travail mécanique effectué. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, c'est pourquoi on doit admettre que la plaque d'un téléphone récepteur vibre mécaniquement. On ne la voit pas vibrer parce que les amplitudes des vibrations sont, non pas infiniment petites, mais excessivement petites.

De l'expérience de M. Guillemin dans laquelle l'action électro-magnétique détermine un déplacement considérable de matière, M. du Moncel peut-il conclure que la plaque du récepteur subit une action analogue sans qu'il y ait déplacement de matière ?
M. du Moncel invoque de nouveau les expériences de M. de la Rive pour prouver qu'une tige de fer peut produire des sons par suite d'effets d'aimantation ot de désaimantation répétés à des intervalles très-rapprochés. Cela est surabondamment admis ; inutile d'y revenir. Mais M. du Moncel ajoute que les vibrations, ainsi déterminées dans les tiges de fer, semblent être de la même nature que celles qui donnent lieu à ces sons, souvent très-forts, que l'on entend quelquefois sur les lignes télégraphiques. Sont-ce bien les courants électriques qui produisent ces sons très forts ? Nous en doutons.

Sur une ligne très active où les appareils télégraphiques sont continuellement eu action, les sons très-forts se font entendre seulement quelquefois. Les courants franchissent toute la ligne et les bruits musicaux ne se produisent qu'on certains endroits. Tandis que les courants ne varient guère d'intensité, les sons varient beaucoup sous ce rapport. Ainsi, à des causes presque constantes, répondraient des effets très-variables ?

Nous avons pris des informations auprès de personnes compétentes ; aucune n'a pu affirmer quo les sons dont il est question ont une origine électro-magnétique. Ces effets, très variables, s'expliquent mieux en admettant des causes également très variables : des changements brusques dans la température, les mouvements atmosphériques, etc. Les harpes éoliennes chantent sans le secours de l'électricité.

Les circonstances dans lesquelles M. de la Rive a opéré et celles réalisées dans l'installation des lignes télégraphiques, présentent certainement entre elles beaucoup d'analogie. Mais l'analogie est une sourceà laquelle on ne doit puiser qu'avec défiance ; il ne faut pas en abuser.

Nous terminons en remerciant M. du Moncol de nous avoir fourni la matière d'une discussion qui n'a pas été sans intérêt pour beaucoup de savants, s'il faut on juger d'après lo nombre de lottres que nous avons reçues à co sujet.

Voici, enfin, la Note sus-nientionnée de M. du Moncel à l'Académie des sciences.

Jusqu'à présent le microphone n'avait été considéré quo comme un transmetteur téléphonique, et l'on n'aurait guère soupçonné qu'il pût constituer un récepteur destiné à reproduire à l'oreille les sons transmis par un appareil du même genre; c'est pourtant ce que MM. Hughes, Blyth et Robert H. Courtenay nous apprennent aujourd'hui.
Un microphone convenablement disposé parle distinctement, quoique moins fortement que le téléphone, et le microphone ordinaire lui-même (du modèle que construisent MM. Berjot et Chardin) peut reproduire à l'oreille les sons résultant de vibrations mécaniques produites sur la planchette servant de support à l'appareil. Ainsi les grattements faits sur le support do l'appareil, les trépidations et les sons déterminés par une boite à musique placée sur le microphone sont parfaitement entendus ; une pile Leclanché de quatre éléments suffit pour cela. Nous avions bien le téléphone à mercueo do M. A. Breguet, qui ne comporte pas d'organes électro-magnétiques et qui émet des sons par les vibrations résultant des oscillations de la colonne niercurielle ; mais, dans l'appareil en question, les effets produits sont bien plus extraordinaires, car la vibration destinée à les produire ne peut résulter que des variations d'intensité d'un courant fermé par l'intermédiaire de mauvais contacts, et, pour entendre les sons, il suffit de placer l'oreille contre la planchette sur laquelle les charbons sont montés. Est-ce aux répulsions exercées entre les éléments contigus d'un méme courant qu'il faut rapporter cette action ? ou bien faut-il supposer, comme M. Hughes, que le courant électrique lui-môme n'est qu'une vibration moléculaire ?
(V
oici ce que M. Hughes m'écrit à ce sujet : J'hésite àvous dire où tous ces effets vont nous mener ; car vous verrez, en étudiant la question, qu'un courant électrique n'est rien autre qu'une vibration moléculaire, et que cette vibration devient manifeste dès que les molécules du conducteur sont rendues libres do se mouvoir, par suite du faible contact produit sous l'influence d'une pression très légère entre deux on plusieurs parties constituantes de ce conducteur. Si le courant électrique n'est qu'une vibration moléculaire, cela pourrait nous mener très loin, car on pourrait en inférer qu'il pourrait en être de même des autres causes physiques impondérables. )
L'action qui est enjeu dans ce phénomène serait-elle la même que celle qui détermine des sons dans un fil de 1er traversé par un courant interrompu et que M. de la Rive a si bien étudiée dans son Mémoire présenté à l'Académie en 1846 ? Il serait imprudent de se prononcer dans l'état actuel de lu question; toujours est-il que le fait existe et qu'on no peut le rapporter à une transmission mécanique des vibrations, car,
quand le circuit est interrompu en un point quelconque, aucun son ne peut être entendu.
Il est vrai que, quand M. Blyth a annoncé pour la première fois ces résultats, il a rencontré, méme en Angleterre, beaucoup d'incrédules, et je dois dire que les expériences que j'avais tentées moi-même pour le vérifier n'étaient pas de nature à me convaincre, car elles n'avaient donné que des résultats négatifs; mais, maintenant que le fait est bien acquis, grâce, à M. Hughes qui, de son côté et antérieurement (Mr Hughes avait communiqué le résultat de ses expériences à M. Preece dès les premiers jours de Mai), avait étudié la question avec ses appareils, il est probable qu'on retrouvera les effets annoncés par M. Blyth en expérimentant dans de bonnes conditions.
La forme de microphone qui convient le mieux pour transmettre et recevoir la parole est, du moins jusqu'à présent, la suivante :
Sur une planchette verticale de la taille de celle des microphones ordinaires, on pratique une ouverture assez grande pour y introduire le cornet d'un téléphone à ficelle ordinaire, en ayant soin que la membrane de parchemin affleure la surface de la planchette du côté où est placé le microphone. Cette membrane porte à son centre un morceau de charbon de sapin métallisé mis en rapport avec le circuit de la pile, et contre ce morceau de charbon est appliqué, sous une très légère pression, un autre morceau de la même matière, adapté à l'extrémité supérieure d'un levier vertical pivotant par sa partie médiane sur deux pointes. Ce levier est interposé dans le circuit, et un ressort à boudin très fin, dont on peut régler la tension, permet de rendre aussi faible qu'on peut le désirer la pression exercée au point de contact des deux charbons ; enfin le tout est enveloppé dans une boîte qui ne laisse dépasser extérieurement que le cornet acoustique. Dans ces conditions la parole peut être transmise et entendue sous l'influence d'une pile relativement faible (quatre ou cinq éléments Leclanché), mais elle est toujours beaucoup moins accentuée qu'avec le téléphone Bell.

Dans les expériences de M. Blyth, le microphone était constitué par de gros fragments de charbon échappés à la combustion et désignés en Angleterre sous le nom de cinders gas, et ces charbons remplissaient une boîte plate de 15 pouces sur 9, munie de deux électrodes en fer-blanc. Une pile de deux éléments de Grove, adaptée à deux appareils de ce genre, permettait de transmettre et d'entendre la parole. En substituant à l'une de ces boîtes un téléphone et en versant de l'eau dans l'autre boîte, M. Blyth put se passer de pile, et les paroles prononcées devant la boîte purent être parfaitement entendues dans le téléphone. D'après ce savant; les sons transmis ne pouvaient résulter que de l'action des charbons, car, quand ceux-ci étaient enlevés, aucun son n'était perceptible.
Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pu entendre aucun son avec le dispositif indiqué précédemment; il est vrai que j'avais employé des escarbilles qui, bien qu'indiquées dans le Mémoire de M. Blyth, n'étaient pas probablement dans de bonnes conditions ; mais, en disposant sur les deux côtés opposés d'une petite boite plate de 10 centimètres sur 6 deux électrodes sine et cuivre, et remplissant l'intervalle avec de gros fragments de charbon de cornue assez rapprochés les uns des autres pour constituer une couche à peu près continue, j'ai pu, par l'immersion des charbons dans de l'eau, obtenir sans pile un trèsbon transmetteur de, téléphone. Tous les bruits et même la parole étaient nettement reproduits, et l'on avait l'avantage dé ne pas entendre ces crachements désagréables qui accompagnent quelquefois les sons provoqués par le microphone.

Je disais à l'instant que les effets produits dans un microphone employé comme récepteur étaient difficiles à expliquer et qu'ils avaient peut-être quelques rapports avec ceux qui se produisent dans un fil de fer traversé par un courant fréquemment interrompu; mais voici d'autres phénomènes du même genre qui doivent évidement avoir une certaine parenté avec ceux dont il est question dans cette Note.

Ainsi M. des Portes, dans un complément au Mémoire qu'il m'a envoyé, a reconnu que, si l'on interpose un barreau aimanté dans le circuit d'un téléphone, en faisant en sorte que les deux bouts du fil du circuit qui établissent les contacts fassent quelques circonvolutions autour de ses extrémités polaires, les coups frappés sur l'aimant avec une tige de fer sont perçus dans le téléphone, mais à la condition cependant que l'un des pôles de cet aimant soit muni d'une plaque de fer.
D'un autre côté, j'ai reconnu que des grattements effectués sur l'un des fils qui réunissent deux téléphones entre eux sont perçus dans ces téléphones, quel que soit d'ailleurs le point du circuit où ces grattements sont produits.
Les sons ainsi provoqués sont à la vérité très faibles, mais ils se distinguent nettement et acquièrent une plus grande intensité quand le grattement est effectué sur les bornes d'attache des téléphones.
Tous ces sons, d'ailleurs, ne peuvent pas évidemment être la conséquence d'une transmission mécanique de vibrations, car, quand le circuit est interrompu, on ne peut en percevoir aucun.
D'après ces expériences, on pourrait croire que certains bruits que l'on constate dans les téléphones expérimentés sur les lignes télégraphiques pourraient bien provenir des frictions des fils sur les supports, frictions qui donnent lieu à ces sons souvent si intenses que l'on entend quelquefois sur certaines lignes télégraphiques.

Et l'affaire n'est pas terminée à propos de la théorie du téléphone, toujours dans le Journal Télégraphique du 25 septembre 1878

Les dernières lettres sur la théorie du téléphone publiées dans notre Numéro du mois d'Août ont provoqué respectivement, de M. du Moncel et de M. Navez, des réponses que nous insérons ci-après avec les extraits des documents auxquels elles se réfèrent.
Nous espérons, d'ailleurs, que ce seront les dernières communications que nous recevrons au sujet d'une polémique dont la prolongation ne saurait plus offrir, ce semble, intérêt pour nos lecteurs. Comme l'ont dit successivement les deux parties en litige, la discussion est épuisée et c'est au public à apprécier.

Voici, d'abord, la lettre de M. du Moncel , Paris ce 26 Août 1878. Monsieur le Directeur,

Je suis encore obligé de répondre à M. Navez que dans la dernière lettre à laquelle il fait allusion, je n'ai fait que rétablir le texte de ma note, tel qu'il a paru aux Comptes-rendus de l'Académie des sciences (Voir le Journal télégraphique du 25 Mars 1878, p. 61, ligne 37 en descendant), et en second lieu que je n'ai jamais nié l'intervention de vibrations mécaniques issues des effets moléculaires. Il peut s'en assurer en relisant ma première note qui a provoqué la discussion et mon avant-dernière lettre à laquelle il a répondu.
Je dois lui faire encore observer que si M. Edison a appliqué d'une manière très heureuse le principe fécond de la modification de l'intensité du courant électrique par la compression des corps conducteurs imparfaits, c'est moi qui ai le premier découvert ce principe, et cela dès l'année 1856. J'ai eu occasion de l'étudier depuis à plusieurs reprises, en 1864, en 1872, en 1874et en 1875, et j'ai rapporté dans les Comptesrendus de l'Académie des sciences du 22 et du 29 Juillet 1878 les différents passages de mes Mémoires où j'en parle. (Voir la lettre de M. W. Thomson à ce sujet)
Voici les passages rappelés dans les Comptes-rendus susmentionnés du 22 et du 29 Juillet dernier :
Une chose assez curieuse à constater, et qui paraît au premier abord en contradiction avec la théorie qu'on s'est faite de l'électricité, c'est que la plus ou moins grande pression exercée entre les pièces de contact des interrupteurs influe considérablement sur l'intensité du courant qui les traverse. Cela tient souvent à ce que les métaux de l'interrupteur ne sont pas toujours dans un état parfait de décapage au point de contact, mais peut-être aussi à une cause physique encore mal appréciée. Ce qui est certain, c'est que dans les interrupteurs où la pièce mobile de contact est sollicitée par une force extrêmement minime, le courant éprouve souvent des affaiblissements assez notables pour faire manquer la réaction électrique qu'on attend d'eux. »

- Exposé des applications de l'électricité, page 246, édition de 1856.
La résistance du milieu intermédiaire avait pour valeur, avec la poussière sèche de charbon de bois, de 1,200 à 2,000 kilomètres de fil télégraphique, et avec les poussières métalliques ou de charbon de cornue, de 1,200 à 2,000 mètres, suivant l'état plus ou moins brillant de la surface des grains métalliques et leur degré de tassement autour des électrodes, etc...

- Comptes-rendus du 2 Décembre 1872.
Quand on chauffe les limailles métalliques, aussi bien que les poussières des minerais métalliques très conducteurs et celles du graphite ou du charbon de cornue, leur conductibilité, au premier moment, semble diminuer plus ou moins, mais elle augmente ensuite rapidement dans de grandes proportions.
L'amoindrissement de conductibilité que l'on constate, en premier lieu, proviendrait-il d'une augmentation réelle de résistance que ces corps auraient acquise sons l'influence de la chaleur, à l'instar des corps métalliques massifs, et l'augmentation de conductibilité que l'on constate après, et qui est infiniment plus développée, proviendrait-elle de la dilatation des particules de la limaille, dilatation qui fournirait dès-lors, entre elles, un contact mieux assuré et analogue à celui qui résulterait d'une augmentation dépression exercée sur la limaille? Il est bien difficile de se prononcer; toujours est-il que la meilleure conductibilité qu'acquiert l'air interposé entre les grains de limaille ne paraît pas jouer un grand rôle, etc.

-
Comptes-rendus du 2 Novembre 1875.
Le degré de la pression de la plaque de platine contre le bois a tellement influé sur l'intensité des courants transmis qu'étant de 12 degrés avec un serrage maximum, elle est revenue à zéro quand la plaque était abandonnée à son propre poids et à 5 degrés seulement avec un faible serrage. Il résulte de ces premières expériences que c'est à l'humidité aspirée à travers ses pores que le bois doit en très-grande partie sa conductibilité relative, et que cette conductibilité est en rapport avec le degré de pression des plaques de communication.

- Comptesrendus du 6 Juillet 1874. (Voir sur le même sujet les Numéros du 10 Août et du 7 Septembre 1874, du 2 Mai 1875).
Avec des bobines de 186 spires, le décapage du fil fait au papier d'émeri n'a fait varier l'isolation que dans le rapport de 1,06 à 1,35 ; mais, dans d'autres conditions, par exemple quand l'hélice est enroulée sur un tube de verre et les spires fortement serrées, ce rapport est infiniment plus grand. Quoi qu'il en soit, quand le contact devient parfait entre les spires, aucun effet magnétique n'est produit. Ainsi un fil amalgamé enroulé en hélice ne détermine aucune attraction, et si l'on entoure l'hélice d'un électro-aimant à une seule rangée de spires d'une chemise de papier d'étain, les effets attractifs sont diminués considérablement.
Il résulte de tout cela que la juxtaposition des spires d'une hélice magnétisante les unes contre les autres constitue un contact imparfait qui, comme dans les limailles métalliques, oppose à la propagation des courants électriques une résistance considérable; mais cette résistance no peut évidemment pas expliquer à elle seule une isolation des spires de l'hélice magnétique aussi complète que celle que nous avons constatée, la preuve, c'est que le contact de ces spires suffit pour conserver presque sans déperdition de force l'action du courant lorsqu'on a coupé en un ou plusieurs points le fil de l'hélice magnétisante. »

- Annales télégraphiques, tome VIII, p. 211, livraison de Mars-Avril 1805.
Voici cette lettre de Sir W. Thomson, telle que l'a publiée en traduction la Correspondance scientifique du 6 Août dernier. Nous la reproduisons in-extenso, car outre le témoignage invoqué par M. du Moncel, nous sommes heureux de voir le jugement porté par Sir W. Thomson sur le litige qui s'est élevé entre M. Hughes et M. Edison, en parfait accord avec la manière dont nous l'avions apprécié nous-mêmes dans notre Numéro du 25 Juillet dernier (p. 151).

-
Cowes, 30 Juillet 1878. Monsieur,
Au plaisir que le public a éprouvé en prenant connaissance de ces magnifiques découvertes qui, sous le nom de téléphone, de microphone et de phonographe, ont tant étonné le monde savant, est venu se mêler dernièrement, très-inutilement, j'ai besoin de le dire, un des incidents les plus regrettables qui puissent se produire. Il s'agit d'une réclamation de priorité accompagnée d'accusation de mauvaise foi, qui a été lancée par M. Edison contre une personne dont le nom et la réputation sont depuis longtemps respectés dans l'opinion publique.
Avant de faire intervenir le public dans une semblable affaire, M. Edison aurait dû évidemment discuter sa réclamation .avec M. Preece qui était, depuis l'origine de toutes ces inventions, en correspondance avec lui; ou bien encore, il aurait pu, en s'adressant directement aux jouraux publics, établir sa réclamation, en montrant avec calme la grande similitude qui pouvait exister entre son téléphone à charbon et le microphone de M. Hughes qui l'avait suivi.
Le monde scientifique aurait alors pu juger le débat avec calme, il aurait pu s'y intéresser et examiner sainement ce qu'il pouvait y avoir de commun entre les deux inventions.
Mais, par son attaque violente dans les journaux contre MM. Preece et Hughes et en les accusant de piraterie, de plagiat et iPabus de confiance, il a été tout crédit à sa réclamation aux yeux des personnes compétentes. Rien d'ailleurs n'était moins fondé que ces accusations. M. Preece fit lui-même la description détaillée du téléphone à charbon de M. Edison à la réunion de l'Association britannique qui eut lieu à Plymouth, en Août dernier; il en fit ressortir le mérite, et les journaux publics en rendirent compte d'après sa communication.
Les magnifiques résultats présentés, au commencement de l'année, par M. Hughes, avec son microphone ont été décrits par lui même sous une forme telle qu'il est impossible de mettre en doute qu'il n'ait travaillé sur son propre fonds et en dehors de toutes les recherches de M. Edison qu'il n'avait pas le plus petit intérêt à s'approprier.
Il est vrai que le principe physique appliqué par M. Edison dans son téléphone à charbon et par M. Hughes dans son microphone est le même, mais il est également le même que celui employé par M. Clôrac, fonctionnaire de l'Administration des lignes télégraphiques françaises, dans son tube à résistance variable qu'il avait donné à M. Hughes et à d'autres en 1866 pour des usages pratiques importants appareil qui, du reste, dérive entièrement de ce fait signalé il y a longtemps par M. an Moncel que l'augmentation de pression entre deux conducteurs en contact produit une diminution dans leur résistance électrique.
Je veux espérer que M. Edison finira par voir qu'il s'est laissé entraîner dans une mauvaise voie, et qu'il n'aura, par conséquent, pas de repos qu'il n'ait rétracté ses accusations. Il devra alors publier sa rétractation aussi largement que ses attaques.
W. THOMSON.

Enfin je dois encore dire à M. Navez que les expériences de M. Hughes ne sont pas à vérifier, car elles ont été répétées devant un grand nombre de personnes, et M. Edison lui-même, d'après un renseignement qu'il vient d'envoyer au journal l'Electricité, avait déjà observé ce phénomène dès l'année 1877.
Voici en effet le texte de cette réclamation :
21 Septembre 1877. Télégraphe parlant.
Ce soir en essayant des parleurs, nous avons remarqué que les sons ordinaires étaient reproduits très haut. Quand j'avais fait éloigner le receveur de M. Batchelor, celui-ci remarqua ou il crut entendre M Adams parler dans le transmetteur. Cherchant à se rendre compte de cet effet, il répéta l'expérience et reconnut qu'il ne s'était pas trompé, et il continua la conversation avec M. Adams pendant plusieurs minutes en n'employant que deux transmetteurs. La pile se composait de 12 éléments et le circuit était de 1,200 ohms (120 kilomètres de fil télégraphique). Mais avec 100, on pouvait fonctionner sur une ligne. Toutefois, comme les sons trausmis étaient un peu bas, les sons reproduits l'étaient également, et même n'étaient pas toujours entendus. Je me propose d'entreprendre une série d'expériences avec un récepteur base sur le principe de l'expansion en me servant de différentes compositions.

- TH. A. EDISON, MAC BATCHELOB, J. ADAMS. (Extrait du registre d'expériences de M. A. Edison).
Je n'ai pas besoin de répéter que ces effets ont été également obtenus par MM. Blytli, Courtenay, Millar, Wiesendanger et une foule d'autres personnes. Aujourd'hui, ces appareils sont même très-perfectionnés et sont en vente chez MM. Chardin et Berjot, G-aiffe, etc.
Du reste il faut que M. Navez se familiarise avec ces sortes de reproductions de la parole, car, en outre des expériences rapportées dans ma dernière note, en voici plusieurs autres dont on vient de me donner connaissance.
1° Si dans un téléphone Bell ordinaire on supprime le noyau magnétique et qu'on le remplace par un tube de cuivre épanoui sur la bobine de manière à former un anneau de même diamètre que le diaphragme, on obtient, sous l'iufluence d'un microphone et d'une pile de 6 éléments Leclanché, la reproduction de la parole avec une force plus grande que dans les conditions ordinaires d'un téléphone Bell.
2° Si entre les pôles d'un aimant en fer à cheval on adapte un noyau de fer doux mis en contact avec ces pôles et sur lequel sera enroulée une hélice magnétisante, on pourra entendre parfaitement la parole en fixant cet aimant sur une planche et en amplifiant les vibrations communiquées par lui à la planche au moyen d'un microphone à charbon vertical. Suivant M. Hughes on entendrait avec cette disposition presque aussi bien qu'avec un téléphone Bell ordinaire.
M. P. Varley, dans une lettre publiée dans le Télégraphie Journal du 15 Septembre, a confirmé l'exactitude de celte expérience et en indique même plusieurs autres, en ajoutant qu'elles ont confirmé les travaux de M. du Moncel qui a fait, dit-il, avancer considérablement la question, en /jetant une grande lumière sur les actions, imparfaitement connues jusqu'ici, qui sont en jeu dans le téléphone articulant.
3° En adaptant sur une même planche deux microphones à charbon vertical et en les mettant en rapport, l'un avec un téléphone servant de récepteur, l'autre avec un autre microphone servant de transmetteur, on entendra dans le téléphone los paroles prononcées dans ce dernier microphone, et les deux antres formeront relais sans l'intervention d'aucun organe électro-magnétique. Il suffira pour cela d'une pile placée dans chaque circuit.
Je pourrais citer encore d'autres expériences, entre autres uue de M. Paul Roy (d'Alger) qui ferait croire que l'on peut toire parler un téléphone sans que le courant transmis passe travers la bobine de l'aimant, et rien qu'on traversant l'aimant dans sa longueur, mais je me borne aux précédentes parce qu'elles émanent d'expérimentateurs habiles qui pourront prouver à M. Navez, quand il le voudra, la vérité de leur dire.
Je dois encore ajouter que plusieurs expérimentateurs, entre autres MM. Millar, Buchiu et Lloyd, ont construit des téléphones sans diaphragme qui reproduisent très-bien la parole.
Enfin M. Navez n'a qu'à lire le Télégraphie Journal du 1er Septembre pour être convaincu que beaucoup de personnes ne partagent pas ses idées. Je renvoie du reste le lecteur aux trois articles qui ont été publiés dans le journal l'Electricité des 20 Août, 5 et 20 Septembre 1878, aux Comptes-rendus de l'Académie des sciences du 9 Septembre et à la Correspondance scientifique du 24 Septembre, pour qu'il puisse reconnaître que la majorité des savants dont parle M. Navez pourra bien se changer quelque jour en une très-graude minorité.

Je ne veux pas abuser de votre complaisance pour vous ennuyer davantage d'un débat dont M. Navez a voulu faire, bien malgré moi je vous assure, une affaire d'amôur-propro. Je termine donc ici ma plaidoierie en vous priant de me croire votre tout dévoué

TH. DU MONCEL.

Voici maintenant la lettre de M. Navez.

Bruxelles, 31 Août 1878. Monsieur le Directeur,

Du moment que M. du Moncel admettrait un déplacement de surface pendant la vibration do la plaque, nous serions bien près de nous entendre.
Voilà ce que j'écrivais en Mai dernier (Voir le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Mai 1878 et le Journal télégraphique, N° 6, page 115.), mais mon honorable contradicteur n'admettait pas, alors, un déplacement de surface pendant la vibration. Pour soutenir son opinion, M. du Moncel citait des expériences ; il avait placé sur la lame du récepteur Bell de l'eau, de la poudre de lycopode, des gouttelettes de mercure sans pouvoir constater la plus petite ride, même en employant un rayon de lumière pour amplifier les effets produits(voir le Journal télégraphique, N° 5, page 96).
Maintenant M. du Moncel écrit que « par le mot vibration « moléculaire il n'a jamais entendu parler d'une vibration exempte d'effets mécaniques Pour lui, comme pour M. Hughes, les vibrations longitudinales dont il a parlé doivent être accompagnées d'un mouvement vibratoire des surfaces .... une vibration matérielle peut résulter de contractions et de dilatations moléculaires quand ces actions peuvent se développer librement (voir le Journal télégraphique, N° 8 p158).
On voit que les idées de M. du Moncel sur les vibrations moléculaires se sont beaucoup modifiées et qu'il s'est mis d'accord avec M. Hughes et le mode d'action du microphone récepteur.
M. du Moncel n'est-il pas en contradiction avec lui-même, lorsqu'il nie l'existence de vibrations par attraction de la plaque du récepteur Bell, parce que ces vibrations ne sont pas décélées au moyen du lycopode, de l'eau ou du mercure, tandis qu'il admet, dans cette même plaque, des vibrations moléculaires avec déplacement de surface, lesquelles restent également sans effet visible sur le lycopode, l'eau ou le mercure? Moi, j'admets parfaitement des vibrations moléculaires avec déplacement de surface ; mais, je me hâte d'ajouter que ce ne sont pas ces vibrations qui font parler la plaque du récopteur Bell.
Je passe à la discussion de l'expérience réalisée par M. Hughes pour prouver que la plaque du récepteur Bell ne vibre pas par attraction (voir le Journal télégraphique, N° 8 p158)
La démonstration de M. Hughes repose sur ce fait : que les effets, par attraction, de deux téléphones Bell, identiques entre eux, mais agissant par leurs pôles contraires sur une même plaque et à petite distance l'un de l'autre, doivent se neutraliser. Or, l'expérience prouvant que ces effets ne se neutralisent pas, M. Hughes en conclut que le diaphragme ne vibre pas par attraction. Ce raisonnement serait quelque peu plausible si la plaque, pour vibrer, prenait appui sur le pourtour du téléphone. Mais on sait qu'il n'en est point ainsi puisque la hauteur du son, le ton, est indépendant de l'ouverture de la plaque. On peut donc considérer le système employé par M. Hughes comme étant composé do deux téléphones compris dans le même circuit électrique et agissant chacun par son organe électro-magnétique sur la partie de la plaque en regard de laquelle il se trouve pour y déterminer des espaces internodaux (concammératious) variables et indépendants pour chaque centre d'attraction.
Voici encore une autre explication du phénomène ; on pourra choisir. Avant le passage du courant, il y a équilibre entre les attractions qu'exercent les deux aimants et la réaction due à l'élasticité de la plaque. Aussitôt qu'un courant ondulatoire passe dans la bobine commune, les différentes forces en présence sont modifiées d'une manière continue et il on résulte, dans la plaque, des mouvements qui sont des vibrations. Il n'est pas du tout nécessaire, pour qu'une plaque do téléphone vibre utilement, que les vibrations soient symétriques par rapport au centre de cette plaque ; il suffit qu'elles résultent de l'action d'un courant ondulatoire.
Le mot ondulatoire caractérise parfaitement le mode d'action des éléments téléphoniques qui concourent à la reproduction de la parole. Ainsi, on peut fort bien dire que, dans le récepteur Bell, les attractions qui agissent sur la plaque sont ondulatoires. La parole n'est, après tout, que du son ondulatoire.
Rien n'est plus propre à donner des idées saines sur la théorie des téléphones que l'étude comparée de ces instruments sous le rapport des actions ondulatoires. Permettez-moi, Monsieur, d'en dire quelques mots.
Le téléphone Bell articule mieux qu'aucun autre parce que les courants d'induction qui le font parler sont parfaitement ondulatoires ; ces courants naissent et cessent d'exister en restant toujours dans un rapport constant avec la parole qui les produit et sans éprouver des ruptures accidentelles. Si le système Edison est moins parfait que le système Bell, sous le rapport de l'articulation, c'est que, dans le premier, l'organe qui produit l'ondulation, le charbon, bien qu'il soit très-sensible, fonctionne cependant avec moins de régularité que la plaque conductrice de l'envoyeur Bell.
Dans le microphone de M. Hughes, l'équilibre instable du léger cylindre en charbon renferme les variations ondulatoires entre des limites trés rapprochées qui correspondent respectivement à la pression maximum, qui est elle-même très faible, et à la rupture du circuit. Lorsque l'on fait usage de ce petit appareil dans l'obscurité ot en parlant près du cylindre oscillant, on voit des étincelles jaillir du sommet de ce cylindre, preuve que des disjonctions sont produites. Ces considérations font saisir la spécialité du microphone. Il amplifie les sons faibles et les reproduit d'autant mieux qu'ils sont moins articulés. La reproduction est au reste très imparfaite or, si la mouche que l'on entend, dit-on, marcher pouvait parler, on ne comprendrait certes pas un mot de son discours.
Très-sensible au rythme, le microphone peut reproduire les sons de la musique et dos chants d'ensemble émis à une distance suffisante pour que les ondes sonores ne l'attaquent pas trop brusquement. Mais quand il s'agit d'employer le microphone comme parleur, il faut lui faire subir des modifications ayant pour objet d'empêcher les disjonctions ot de régulariser les mouvements vibratoires. On y parvient, jusqu'à un certain point, en faisant usage d'un cylindre oscillant plus grand et plus pesant, ou bien en réglant la pression aux points de contact au moyen d'un ressort. Dès lors l'appareil envoyeur cesse d'être un microphone; il tombe dans le système Edison et présente une application de ce système peu heureuse.
Il y a cependant une différence importante et indépendante de la forme, entre l'envoyeur (transmetteur) Edison et le microphone ; dans le premier appareil, l'ondulation est obtenue par la compression d'un charbon entre deux pièces métalliques, tandis que dans le second l'ondulation résulte du contact de charbon à charbon, disposition beaucoup plus efficace.
C'est sur le principe de contact entre charbons qu'a été établi, par mon fils et moi, on Février dernier, alors qu'il n'était pas encore question du microphone de M. Hughes, l'envoyeur Edison modifié dont la description se trouve dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique du 2 Mars 1878 (Voir aussi les Comptes-rendus de l'Académie des sciences do Paris, séance du 18 Mars 1878).
Dans cet appareil, l'organe modificateur de l'intensité du courant électrique est une pile de rondelles en charbon solidaire de la platine vibrante et comprimée par une tige métallique libre dont 1" poids est réglé d'après les effets que l'on veut obtenir. L'intensité du son reproduit varie en raison inverse du poids de la tige tandis que l'articulation du son augmente avec le poids. On peut opérer, au moyen de cet envoyeur, en parlant sur le
flanc de la colonne de rondelles ; mais les résultats sont beaucoup plus intenses et surtout plus réguliers, lorsque l'on parle dans un cornet communiquant, par un tuyau acoustique, avec la plaque vibrante sur laquelle est établi l'organe modificateur du courant.
Un ancien et très habile constructeur d'appareils télégraphiques, M. Lippens, après avoir vu et entendu fonctionner notre envoyeur Edison modifié, s'est fait breveter pour un transmetteur qui, en principe, ne diffère pas de celui dont je viens de parler. Cet appareil auquel l'inventeur donne le nom de mégalophone, consiste eu deux plaques en ébonite placées aux deux extrémités d'une boîte cylindrique, en regard l'une de l'autre et dans une position verticale. Au contre de chaque plaque est fixée une pièce en charbon ; une troisième pièce de la même matière repose librement sur les extrémités des deux premières. On parle devant une des deux plaques. Le mégalophone, comme les autres parleurs, pour employer l'expression adoptée par M. Hughes, présentera des qualités qui le rapprocheront soit de l'envoyeur Bell, soit du microphone Hughes, suivant que la pièce libre ou charbon sera plus ou moins mobile sous l'action des vibrations.
L'emploi du contact entre charbons a certainement augmenté ce que l'on pourrait appeler le rendement économique du téléphone, c'est-à-dire la combinaison de l'intensité et de l'articulation du sou. Si les deux facteurs de ce rendement pouvaient être évalués en nombres, le produit que l'on obtiendrait du couple Edison modifié envoyeur et Bell récepteur, serait de beaucoup supérieur à celui qui représenterait la valeur de deux Bell conjugués. Dans un système téléphonique quelconque, il y a toujours un rapport entre l'intensité et l'articulation du son, plus avantageux que tout autre quant au but définitif que l'on veut atteindre ; c'est pour cette raison qu'un bon envoyeur doit comporter un moyen de réglage. Ainsi, dans l'envoyeur à colonne de rondelles eu charbon, le rapport entre l'intensité et l'articulation du son se régie par le poids de la tige métallique comprimant la pile de rondelles.
Au point où en est la question des téléphones, les recherches ayant pour objet l'amélioration de la qualité du charbon ou la découverte d'une matière plus efficace que celles employées jusqu'à présent pour rendre le courant électrique ondulatoire, présentent le plus grand intérêt. M. du Moncel dit, dans sa lettre, que par les expériences de M. Hughes, il est démontré que les sons articulés sont beaucoup mieux reproduits avec des charbons de sapin métallisés qu'avec des char« bons de cornue. Cela est exact ; je l'ai reconnu depuis longtemps et le fait se trouve consigné dans le N° 4 du Journal télégraphique, page 73. (Le charbon dont il s'agit est fabriqué pour l'éclairage métrique par M. Gaudain à Paris. On trouve sa fabrication sommairement décrite dans l'ouvrage de M. Fontaine ayant pour tltrc: Eclairage par l'électricité, Paris, Baudry, 1877.)

Je m'aperçois que je me suis beaucoup plus occupé des expériences de M. Hughes que de ma discussion avec M. du Moncel.
Mon honorable contradicteur me le pardonnera puisque, dans chacune de ses lettres, il a témoigné le désir d'eu finir.
D'ailleurs, ce que je pourrais encore répliquer se trouve déjà, en substance, dans les notes et lettres précédentes et je ne veux pas abuser de la bienveillance avec laquelle vous avez accueilli mes communications dans votre excellent journal.
Veuillez, Monsieur, avec nies remerciements, recevoir l'assurance de ma considération la plus distinguée.

NAVEZ.


Dans le Journal Télégraphie de Novembre 1878 on pouvait lire :

Nous avons reçu de M. le Professeur Zetzsche la lettre dont nous donnons ci-dessous la traduction.

Dans une lettre de l'éminent professeur Hughes relative à son différend avec M. Edison et qui a été reproduite par plusieurs journaux scientifiques, il s'est glissé une inexactitude que, sans vouloir en rien intervenir dans cette discussion, j'aurais cependant le désir et que j'ai le droit de rectifier, ma personne étant mise en cause. M. Hughes dit, en parlant des résistances du charbon ...... In the Journal télégraphique Berne, 1873, ........ the invention vras claimod by a Gerinan but on M. Clérac proving his priority, 1866, it was freely aceorded him (le mérite de cette invention avait été réclamé par un Allemand, mais M. Clérac ayant produit les preuves de priorité [1866], on le lui accorda sans réserve).
Evidemment, il s'agit ici de mon étude sur les résistances de charbon exposées à Vienne en 1873, qui a paru dans le Numéro de Février 1874 du Journal télégraphique (p. 406) et que visait la réclamation de M. Clérac insérée dans le Numéro do Mars de la même année, p. 425.
Je n'ai pas, il est vrai, répondu dans le Journal télégraphique à la réclamation de M. Clérac ; mais le fait que j'étais et que je suis bien éloigné de vouloir reconnaître la priorité de M. Clérac ressort de la note insérée à la page 69 du tirage spécial, plus développé, de mon rapport sur cette exposition historique, qui a été publié, cette même année de 1874, sous le titre de Kurzer Abiïss der Geschiclite der electr. Télégraphie (Petit abrégé de l'histoire de la télégraphie électrique), ainsi que de l'observation qu'on peut lire à la page 518 du 1er volume de mon Manuel de la télégraphie.
Voici la traduction des deux passages de ses ouvrages auxquels se réfère la lettre de M. le Professeur Zetzsche. On remarquera que tout en se montrant peu disposé à admettre les titres de M. Clérac à la priorité de l'invention des rhéostats de poudre de graphite comprimée, M. Zetzsche ne fait pas connaître quel serait, selon lui, l'inventeur de ceux de ces rhéostats qui ont été introduits dans le service des bureaux de l'Administration allemande :
1° Note du Kurzer Abriss,p. 69: Au sujet d'une réclamation de' M. Clérac, Directeur dés transmissions de lre classe à l'Administration des télégraphes français (Journal télégraphique, II, N° 27, p. 425) qui revendique le mérite de l'invention des résistances de graphite et en fixe l'époque à la fin de l'année
1865, tandis qu'ils n'auraient été employés en Allemagne qu'en 1866, on peut faire observer que déjà dans le cours des années 50 du siècle, le Dr. Werner Siemens avait beaucoup expérimenté les résistances de graphite. II employait de minces crayons de Faber dont il argentait ou métallisait la pointe mise à nu. Mais il ne trouva pas ces résistances assez sûres comme étalons de résistances. Il donna de beaucoup la préférence à des tubes de verre en spirale, que, pour obtenir de grandes résistances, il remplissait d'une solution de chlorure de zinc, avec des fils de zinc amalgamé dans le prolongement des spires. Pour de petites résistances ou des étalons exacts, au contraire, il remplissait les tubes avec du mercure.
2° Extrait du Handbuch der electrischen Télegraphie, page 518: .................. Déjà dans le cours des années 50 du.siècle, Werner Siemens a essayé d'employer des résistances de graphite (Zetzsche, Abriss, p. 69). En Allemagne, on a fait usage, dès 1865, dans les bureaux intermédiaires de résistances de poudre de graphite comprimée dans des tubes de verre. Vcrs la fin de cette même année, M. Clérac, Directeur des transmissions des télégraphes français, en vint aussi à faire usage du charbon pilé dans des tubes de verre, auxquels on substitua ensuite des tubes en ébonite avec de la poudre de graphite (Journal télégraphique, 2, 425) ...................


Le passage critiqué par M. Clérac était, d'ailleurs, un extrait textuel de la publication officielle de la liste des objets exposés par l'Administration des télégraphe allemands à l'exposition universelle de Vienne — Berlin, 1873 page 6 — et rien n'indique que cette Administration veut laisser supposer que ses données sur ce point sont inexactes

Dresde, Octobre 1878.

E. ZETZSCHE.

Puis en février 1879, toujours dans le Journal Télégraphie
Correspondance de Ed. ZETZSCHE.

Monsieur le Directeur,

Ce qui m'a engagé à faire les observations reproduites à la page 238 du IV 0 volume du Journal télégraphique, c'est uniquement l'assertion inexacte do M. Hughes que j'avais laissé sans réponse la réclamation de M. Clérac (volume II, page 425).
J'ai cru utile d'ajouter que je croyais devoir maintenir mon opinion basée sur la foi d'une publication officielle. Du reste, les déclarations plus explicites de MM. Clérac et Hughes (page 260) n'ont encore rien prouvé contre l'authenticité de ma source
Je crois devoir, toutefois, renoncer pour le moment du moins, à entrer dans une plus longue discussion pour établir définitivement quel a été l'inventeur (ou les inventeurs) des résistances de poudre de charbon, bien que M. Clérac m'ai remis le soin de cette recherche ( Après l'envoi de ees lignos, je vois que dans The Télégraphie Jourml M. Hughes nio demande de fournil' la preuve d'allégations que je n'ai jamais faites, d'aucune façon.).
La chose, en elle-même, est, d'ailleurs, d'une importance toute secondaire, car ces résistances — qu'on ne risque pas de confondre avec celles qui sont encore citées dans la note de la page 69 de mon abrégé (voir aussi page 238 de ce Journal) — ne sont plus depuis longtemps, à cause du peu de sûreté qu'elles offrent, employées dans la télégraphie.
D'un autre côté, le nom de l'inventeur des résistances de poudre de charbon est indifférent pour savoir si l'ajustement, au moyen de vis de pression, de ces rhéostats pour une résistance voulue, établit ou non par lui-même, le fait et la preuve que les compressions produites sous l'action des corps vibratoires d'une durée excessivement courte, donnent
naissance à des variations de courants aussi intenses et aussi constantes que l'exige le microphone.

Dresde, 1er Février 1879. Ed. ZETZSCHE.

Désirant beaucoup ne pas voir se prolonger dans notre Journal une polémique dont la continuation offrirait peu d'intérêt pour nos lecteurs, nous dégagerons sommairement les conclusions qui nous paraissent ressortir des lettres échangées entre MM. Zetzsche, d'une part, et MM. Clérac et Hughes, de l'autre.

S'appuyant sur le témoignage très-net de M. Hughes, M. Clérac affirme que les tubes de résistance en poudre de charbon comprimée, ont été inventés par lui en 1865 et importés par M. Hughes en Allemagne en 1866.
M. Zetzsche met en doute l'exactitude de ces assertions, en se fondant sur ce que ces tubes figuraient, avec la date de 1865, dans le catalogue officiel de l'exposition historique de l'Allemagne à l'Exposition universelle de Vienne de 1873.
A notre avis, cette inscription ne saurait constituer une preuve de nature à infirmer les déclarations très-précises de M. Clérac, corroborées par le témoignage désintéressé du Professeur Hughes.
Car il nous paraît très naturel d'admettre que dans la rédaction d'un document établi 7 ou 8 années après l'époque dont il s'agit et évidemment en dehors de toute idée du débat qui interviendrait, il ait pu se glisser, sur un fait d'une importance secondaire pour l'Administration allemande, une légère inexactitude de date.
Jusqu'à production d'une preuve plus convaincante, nous continuerons donc à reconnaître à M. Clérac, bien qu'il n'ait pris aucun brevet, le mérite de l'invention des tubes de résistance en poudre de charbon ou de graphite comprimée.

Maintenant la connaissance du principe sur lequel ces tubes sont établis était-elle suffisante pour que l'idée première du microphone de M. Hughes, en 1878, ait pu se produire, indépendamment des constatations faites par M. Edison lors de l'invention, en 1875, de son téléphone à charbon ?
Contrairement à l'opinion de M. Zetzsche, nous pencherions pour l'affirmative, mais c'est là une question toute différente de la première et qui n'a pas pris, comme elle, naissance dans notre Journal.
Nous tenons, pour le moment du moins, à rester étranger à la polémique qu'elle a soulevée dans d'autres organes scientifiques et qui se poursuit encore actuellement dans The Télégraphie Journal.
Dans ces conditions, regardant la première question comme élucidée et renvoyant la seconde aux journaux où elle s'est produite et soutenue, nous devons, en ce qui nous concerne, considérer le débat comme clos.


Mais malgré toutes ces correspondances, on retrouve aussi dans ce même journal de février 1879 un complément de Navez sur le microphone.
Note sur les caractères du microphone, par M. ÏJAVEZ.

Le dernier numéro du Journal télégraphique a publié une lettre de M. le Conseiller G. S. de Capanema, Directeur général des lignes télégraphiques du Brésil, rappelant un passage d'une de mes précédentes Notes sur la théorie du téléphone.
D'après cette citation, les nombreux lecteurs de votre Journal pourraient penser que je suis un adversaire du microphone, tandis que je me range parmi les admirateurs de l'importante découverte due au savant professeur Hughes.
Je viens de terminer une série d'expériences desquelles résulte, pour moi, la conviction que le principe sur lequel est établi le microphone indique la meilleure voie à suivre pour faire progresser la téléphonie.

Ce que dit le passage cité par M. de Capanema concerne seulement la reproduction des sons extrêmement faibles et articulés, rendus perceptibles au moyen d'un microphone amplificateur. L'emploi d'une plaque mince de caoutchouc appuyant contre le charbon mobile rentre dans les différents moyens employés depuis quelque temps déjà pour régulariser les effets de pression aux points de contact et empêcher qu'il se produise des disjonctions dans le circuit. Ce moyen pour la reproduction de la Parole, devait avoir le succès indiqué par M. de Capanema ; mais, ainsi modifié, le microphone devait perdre, sinon en totalité du moins en grande partie, son pouvoir d'amplification des sons très-faibles.

Lorsque M. Hughes donna à son premier appareil le nom de microphone, le célèbre inventeur visait certainement la propriété que possède l'instrument de reproduire amplifiés les sons très-faibles. Quand, pour régulariser l'action d'un microphone du modèle primitif ou de tout autre modèle, on augmente la pression aux points de contact des charbons au delà de celle qui résulterait du seul poids du charbon mobile, l'instrument peut-il encore être considéré comme fondé sur le principe découvert par M. Hughes et conserver, par extension, le nom de microphone ?
La réponse à cette question délicate est assez difficile; je vais tacher d'en trouver une qui satisfasse aux faits connus jusqu'à présent et aux usages qui sont établis.
Le principe découvert par M. Hughes peut se définir ainsi : Les variations apportées dans l'intensité d'un courant électrique par les variations de pression aux points de contact des charbons d'un transmetteur, sont d'autant plus grandes que la pression initiale est plus faible.
Les différents microphones qui ont été imaginés (il y en a beaucoup) peuvent être, presque tous, compris dans les quatre groupes suivants:

1er Groupe. — Une tige de charbon maintenue entre deux prismes de même matière, dans une position trèsrapprochée de celle de l'équilibre instable. La sensibilité dépend de l'inclinaison que peut prendre la tige. Ainsi, par exemple, avec une tige longue de 50 millimètres et pouvant s'écarter de 1 millimètre de la verticale, la pression initiale sera réduite au '/îoo du poids de la tige.

2' Groupe. — Un charbon fixe, l'autre suspendu au moyen d'un fil métallique très-fin donnant passage au courant électrique.
C'est cette disposition que j'ai imaginée immédiatement après la publication de l'invention due à M. Hughes dans le but de l'employer à des expériences sur les effets de la pression. L'appareil monté sur une planchette munie de vis calantes peut être incliné de manière à obtenir des pressions progressives depuis le simple contact sans pression.

3e Groupe. — Un charbon fixe, l'autre attaché à une bascule.

4e Groupe. — Des morceaux de charbon renfermés dans un tube dont l'axe est dans une position horizontale. La pression entre les morceaux de charbon est laissée au hasard; elle est cependant toujours, en plusieurs points, plus faible que si elle résultait du poids des morceaux de charbon agissant les uns sur les autres.

On voit que tous ces transmetteurs comprennent deux dispositions principales qui me paraissent caractériser les appareils basés sur le principe découvert par M. Hughes :
1° la pression est exercée de charbon à charbon;
2° cette pression est toujours plus faible ou peut être rendue plus faible qu'elle ne le serait si le
charbon mobile pesait librement sur le charbon fixe. Tous les appareils qui remplissent ces deux conditions me paraissent avoir droit à la dénomination de microphones parce que tous, convenablement réglés, pourront transmettre des sons faibles en les amplifiant.
Quant à la parole d'intensité ordinaire elle n'a pu, jusqu'à présent, être transmise sans perte considérable; mais les microphones sont en progrès et je pense que c'est dans cette catégorie d'appareils qu'il faut chercher le transmetteur de l'avenir.

M. de Capanema écrit qu'il a obtenu de meilleurs résultats des microphones à tige mobile, en parlant devant la face de la planchette opposée à celle sur laquelle est établi le microphone.
Cette observation confirme celles faites par M. Hughes et par moi. M. Hughes a constaté que l'effet du microphone augmente avec la surface de la planchette verticale; moi, j'ai démontré, par des expériences, que la surface du cylindre mobile n'a pas d'influence sur l'intensité du son reproduit. J'ai fait usage, à cet effet, de gros cylindres en moelle de sureau armés de deux poiutes légères en charbon mises en communication entre elles par un fil en platine très-fin. J'ai aussi constaté qu'un masque en papier collé sur la tige en charbon du microphone et recevant les ondes sonores dans la direction normale à sa surface, ne donne pas des résultats favorables. Toutes ces expériences sont concordantes et constituent d'utiles enseignements pour guider les chercheurs.

SchoerbecJc les Bruxelles, le 5 Février 1879




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On trouve bien entendu une description du principe du microphone de Hughes dans le premier premier ouvrage Français traitant du Téléphone en 1878 deu Comte Th. du Moncel , qui est reproduite ce dessous.

Le microphone n'est en réalité qu'un transmetteur de téléphone à pile, mais avec des caractères tellement particuliers qu'il constitue par le fait une invention originale qui méritait bien d'être désignée sous un nom particulier.
Dans ces derniers temps il s'est élevé, à l'occasion de cette invention, entre M. Hughes, son auteur, et M. Edison, l'inventeur du téléphone à charbon et du phonographe, une contestation regrettable que les journaux ont envenimée et qui n'avait pas réellement sa raison d'être; car, en définitive si le principe physique du microphone peut paraître le même que celui du transmetteur téléphonique à charbon de M. Edison, sa disposition est tout à fait différente, la manière d'agir sur lui n'est pas la même, et les effets qu'on lui demande généralement sont d'une toute autre nature.
C'est plus qu'il n'en faut pour constituer une invention nouvelle. D'ailleurs si on voulait bien examiner à fond le principe même de l'instrument, on pourrait s'étonner des prétentions que M. Edison a élevées. En effet M. Edison ne peut pas réclamer comme lui appartenant la découverte de la propriété que possèdent certains corps médiocrement conducteurs d'avoir leur conductibilité modifiée par la pression.
J'ai fait dès l'année 1856 et à diverses autres époques, par exemple en 1864, 1872, 1875, de nombreuses expériences à cet égard, qui sont consignées dans le tome I de la seconde édition de mon exposé des applications de l'électricité, p. 246 et dans plusieurs notes présentées à l'Académie des sciences et insérées aux comptes rendus.
D'un autre côté, M. Clérac s'était servi en 1865 d'un tube muni de plombagine avec une électrode mobile pour produire des résistances variables dans un circuit télégraphique. D'ailleurs, dans le transmetteur téléphonique de M. Edison, le disque de charbon doit être, comme on l'a vu, soumis à une certaine pression initiale afin que le courant ne soit pas interrompu par suite des vibrations de la lame contre laquelle il appuie, et il en résulte que les modifications de résistance du circuit qui donnent lieu aux sons articulés, ne sont produites que par des augmentations ou des diminutions plus ou moins grandes de pression, c'est-à-dire par des actions différentielles.
Or nous allons voir à l'instant qu'il n'en est pas de même pour le microphone.
D'abord, dans ce dernier appareil, le contact du charbon s'effectue sur d'autres charbons et non avec des disques de platine, et ces contacts sont multiples; en second lieu, la pression exercée sur tous les points de contact est excessivement légère, ce qui fait qu'on peut faire varier les résistances dans un rapport infiniment plus grand que dans le système de M. Edison, et c'est précisément ce qui permet d'amplifier les sons; en troisième lieu on peut employer d'autres corps que le charbon pour constituer un microphone; enfin pour faire agir le microphone, il n'est pas besoin de lame vibrante; le simple intermédiaire de l'air suffit, et c'est ce qui permet de faire fonctionner cet appareil à une distance assez grande de lui. Nous ne voyons donc pas de raisons qui aient pu motiver la réclamation de M. Edison et surtout les termes dont il s'est servi à l'égard de MM. Preece et Hughes qui sont des hommes considérables dans la science et très-respectables sous tous les rapports. Nous regrettons, je le répète encore, cette triste sortie de M. Edison qui ne peut que lui faire du tort, et qui n'est pas digne d'un inventeur de sa taille. Si maintenant envisageant la question sous un autre aspect, nous demandions à M. Edison pourquoi, puisqu'il a inventé le microphone, n'en a-t-il pas fait connaître les propriétés et les résultats?... Quelle réponse pourrait-il faire? Il fallait pourtant que ces résultats fussent bien saisissants puisque le microphone est devenu en peu de jours l'objet de la préoccupation du monde entier; or il est évident pour nous qu'avec le génie perspicace du célèbre inventeur Américain il aurait fait valoir cette découverte s'il l'eût faite réellement, et il en aurait évidemment tiré parti. Ce qui peut justifier la réclamation de M. Edison, c'est que, n'étant pas au courant des découvertes purement scientifiques faites en Europe, il a cru que son invention résidait toute entière dans le principe sur lequel elle repose et qu'il croyait avoir découvert.

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Dans l'appareil de M. Hughes, que nous étudions en ce moment, les sons, au lieu d'arriver très-affaiblis à la station de réception, comme cela a lieu avec les téléphones ordinaires, même avec celui de M. Edison, y sont comme je l'ai déjà dit, le plus souvent reproduits avec une amplification notable, et de là le nom de microphone que M. Hughes a donné à ce système téléphonique; on peut par conséquent l'employer à révéler des sons très-faibles. Cependant nous devons le dire dès à présent, cette amplification n'existe réellement que quand ces sons résultent de vibrations transmises mécaniquement à l'appareil transmetteur par des corps solides. Les sons propagés par l'air sont sans doute un peu plus intenses qu'avec le système ordinaire, mais ils le sont moins que ceux qui leur donnent naissance, et, en conséquence, on ne peut pas dire dans ce cas que le microphone agit par rapport aux sons comme le microscope le fait par rapport aux objets éclairés par la lumière. Il est vrai qu'avec ce système on peut parler de loin dans l'appareil, et j'ai pu même transmettre de cette manière une conversation à voix élevée étant placé à huit mètres du microphone. J'ai pu encore parler à voix basse près de ce dernier et me faire entendre parfaitement dans l'appareil récepteur, et même faire arriver les sons à une distance de dix à quinze centimètres de l'embouchure du téléphone récepteur, en élevant un peu la voix; mais l'amplification du son n'est réellement bien manifeste que quand celui-ci résulte d'une action mécanique transmise au support de l'appareil. Ainsi les pas d'une mouche marchant sur ce support s'entendent parfaitement et vous donnent la sensation du piétinement d'un cheval, le cri même de la mouche, surtout son cri de mort devient, suivant M. Hughes, perceptible; le frôlement d'une barbe de plume ou d'une étoffe sur la planche de l'appareil, bruits complétement imperceptibles à l'audition directe, s'entendent d'une manière marquée dans le téléphone. Il en est de même des battements d'une montre posée sur le support de l'appareil, que l'on entend même à dix ou quinze centimètres du récepteur. Une petite boîte à musique placée sur l'instrument donne des sons tellement forts par suite des trépidations qui l'agitent, qu'il est impossible de distinguer les sons, et pour les percevoir, il faut disposer la boîte près de l'appareil sans qu'elle soit en contact avec aucune de ses parties constituantes. C'est alors par les vibrations de l'air que l'appareil est impressionné, et les sons transmis sont plus faibles que ceux que l'on entend près de la boîte. En revanche les vibrations déterminées par le balancier d'une pendule mise en communication par une tige métallique avec le support de l'appareil, s'entendent admirablement, et on peut même les distinguer quand cette liaison est effectuée par l'intermédiaire d'un fil de cuivre. Un courant d'air projeté sur le système donne la sensation d'un écoulement liquide perçu dans le lointain. Enfin les trépidations causées par le passage d'une voiture dans la rue se traduisent par des bruits crépitants très-intenses qui se combinent à ceux d'une montre que l'on écoute et qui souvent prédominent.

Fig. 36.

Différents systèmes de microphones.—Le microphone a été combiné de plusieurs manières, mais la disposition qui a donné à l'instrument le plus de sensibilité est celle que nous représentons fig. 36. Dans ce système, on adapte l'un au-dessus de l'autre sur un prisme vertical de bois M, deux petits cubes de charbon A, B, dans lesquels sont percés deux trous servant de crapaudines à un crayon de charbon C en forme de fusée, c'est-à-dire avec des pointes émoussées par les deux bouts, et d'une longueur d'environ quatre centimètres; il ne faut pas qu'il soit trop grand afin d'avoir peu d'inertie. Ce crayon appuie par une de ses extrémités dans le trou du charbon inférieur et doit ballotter dans le trou supérieur qui ne fait que le maintenir dans une position plus ou moins rapprochée de celle de l'équilibre instable, c'est-à-dire de la verticale. En imprégnant ces charbons de mercure par leur immersion à la température rouge dans un bain de mercure, les effets, suivant M. Hughes, sont meilleurs, mais ils peuvent très-bien se produire sans cela. Les deux cubes de charbon sont d'ailleurs munis de contacts métalliques qui permettent de les mettre en rapport avec le circuit d'un téléphone ordinaire, dans lequel est interposée une pile Leclanché de 1 ou 2 éléments ou mieux de 3 éléments Daniell avec une résistance additionnelle intercalée dans le circuit.

Pour faire usage de l'appareil, on le place avec la planche qui lui sert de support sur une table en ayant soin d'interposer entre cette planche et la table, pour amortir les vibrations étrangères, plusieurs doubles d'étoffe disposés de manière à former coussin ou, ce qui est mieux, une bande de ouate ou deux tubes de caoutchouc; alors il suffit de parler devant le système, pour qu'aussitôt la parole soit reproduite dans le téléphone, et si l'on place sur la planche support la montre dont il a été question ou une boîte dans laquelle est renfermée une mouche, tous ses mouvements sont entendus. L'appareil est si sensible que c'est à voix peu élevée que la parole s'entend le mieux, et on peut, comme je l'ai déjà dit, l'entendre en parlant à une distance de huit mètres du microphone. Toutefois, quelques précautions doivent être prises pour obtenir les meilleurs résultats avec ce système, et, en outre des coussins que l'on place sous l'appareil, pour le soustraire aux vibrations étrangères qui pourraient résulter de mouvements insolites communiqués à la table, il faut encore régler la position du crayon de charbon. Celui-ci doit en effet toujours appuyer en un point du rebord du trou supérieur, mais comme le contact peut être plus ou moins bon, l'expérience seule peut indiquer la meilleure position à lui donner, et pour la trouver on peut employer avantageusement le moyen de la montre. On met alors le téléphone à l'oreille et on place le crayon dans diverses positions jusqu'à ce qu'on ait trouvé celle donnant les effets maxima. Pour éviter ce réglage, qui, avec la disposition précédente, doit être souvent répété, MM. Chardin et Berjot, qui construisent habilement ce modèle de téléphone, lui ont ajouté une petite lame de ressort dont la pression peut être réglée et qui appuie contre le charbon vertical lui-même. Ce système est très-bon.

Fig. 37.

M. Gaiffe de son côté a donné une forme plus élégante à l'appareil en le construisant comme un appareil de physique. La figure 37 représente l'un des deux modèles qu'il a combinés. Dans ce modèle, les cubes ou dés de charbon A et B sont soutenus par des porte-charbons métalliques, dont l'un, E, le supérieur, est mobile sur une colonne de cuivre G et peut être placé dans telle position qu'il convient à l'aide d'une vis de pression V. On peut de cette manière incliner plus ou moins le crayon de charbon et augmenter à volonté la pression qu'il exerce sur le charbon supérieur. Quand le crayon est vertical, l'appareil transmet difficilement les sons articulés, en raison de l'instabilité du point de contact, et des bruissements de toute nature se font entendre; quand il est trop incliné, les sons sont plus purs et plus distincts, mais l'appareil est moins sensible. Il est un degré d'inclinaison qui doit être recherché, et l'expérience l'indique facilement. Dans un autre modèle, M. Gaiffe substitue au crayon de charbon une lame carrée et très-mince de la même matière, taillée en biseau sur ses côtés inférieur et supérieur et pivotant dans une rainure pratiquée dans le charbon inférieur. Cette lame ne fait qu'appuyer contre le charbon supérieur sous une légère inclinaison, et dans ces conditions il transmet beaucoup plus fortement et plus distinctement la parole.

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Fig. 38.

Je dois encore parler d'une autre disposition combinée par le capitaine du génie Carette qui a donné pour les sons non articulés d'excellents résultats. Le charbon vertical a alors la forme d'une poire et repose par son bout le plus gros dans un large trou fait dans le charbon inférieur; son bout supérieur qui est pointu, vient s'engager dans un petit trou pratiqué dans le charbon supérieur, mais de manière à ne le toucher qu'à peine, et une vis de réglage permet de rapprocher plus ou moins ces deux charbons. Dans ces conditions, les contacts sont si instables qu'un rien peut les supprimer, et alors les variations dans l'intensité du courant transmis sont si fortes que les sons produits par le téléphone peuvent s'entendre à plusieurs mètres.

La figure 38 représente une autre disposition combinée par M. Ducretet. Les deux dés de charbon sont en D, D', le charbon mobile en C, le téléphone en T et les boutons d'attache du circuit en B, B'. Un détail du dispositif des charbons se voit à gauche de l'appareil. Le bras qui porte le charbon supérieur D est adapté à une tige munie d'un plateau P' à surface rugueuse, et une petite cage C' en toile métallique que l'on pose sur ce plateau permet d'étudier les mouvements d'insectes vivants.

Fig. 39. sommaire

Quand il s'agit de transmettre la parole assez fortement pour qu'un téléphone puisse se faire entendre dans toute une salle, le microphone doit avoir une disposition particulière, et la figure 39 représente celle qui a donné à M. Hughes les meilleurs résultats; il donne alors à l'appareil le nom de parleur.

Sous cette nouvelle forme le charbon mobile appelé à produire les contacts variables est adapté en C, à l'extrémité d'une bascule horizontale BA pivotant en son point milieu et convenablement équilibrée. Le support sur lequel cette bascule oscille est adapté à l'extrémité d'une lame de ressort pour rendre l'appareil plus susceptible de vibrer, et le charbon inférieur est placé en D au-dessous du premier. Il est constitué par deux fragments superposés afin d'augmenter la sensibilité de l'appareil, et nous avons représenté en E le fragment supérieur qui est soulevé pour montrer qu'on peut employer à volonté un seul des deux charbons. Ce charbon E, se trouve, à cet effet collé à une petite lame de papier fixée à la planchette et qui sert d'articulation. Un ressort antagoniste R, dont on peut régler la tension au moyen d'une vis t, permet de régler la pression des deux charbons. M. Hughes recommande l'emploi de charbons en sapin métallisé. Le tout est ensuite recouvert d'une enveloppe semi-cylindrique HIG en bois blanc, dont les parois sont très-minces surtout les deux bases, et on fixe le système accompagné d'un autre semblable dans une boîte plate MJLI qui présente du côté MI une ouverture devant laquelle on parle, en ayant soin de placer la lèvre inférieure à deux centimètre du fond de la boîte. Si les deux microphones sont réunis en quantité et si la pile employée se compose de deux éléments à bichromate de potasse, on agit assez fortement sur le courant, pour que, passant à travers une bobine d'induction de six centimètres seulement de longueur, il puisse faire parler un téléphone du modèle carré de Bell, de manière à être entendu de tous les points d'une salle. Il faut par exemple lui adapter un porte-voix de près d'un mètre de longueur. M. Hughes prétend que les sons produits dans ces conditions sont à peu près aussi élevés que ceux du phonographe, et M. W. Thomson m'a confirmé ce fait.

Le microphone peut être aussi constitué par des fragments de charbon entassés dans une boîte entre deux électrodes métalliques, ou enfermés dans un tube avec deux électrodes représentées par deux fragments de charbon allongés. Dans ce dernier cas, les charbons doivent autant que possible être cylindriques, et ceux que construit M. Carré pour les bougies Jablochkoff sont très-bons pour cela. Nous représentons fig. 40 un appareil de ce genre que j'ai fait disposer en instrument par M. Gaiffe, et qui peut, comme nous le verrons à l'instant, servir de thermoscope. Cet instrument est représenté fig. 41 et se compose d'un tuyau de plume rempli de fragments de charbon, dont ceux qui occupent les deux bouts sont montés dans des garnitures métalliques. L'une de ces garnitures se termine par une vis à large tête qui permet, au moyen des supports A, B, de pousser plus ou moins les charbons dans le tube et, par conséquent, d'établir un contact plus ou moins intime entre les divers fragments de charbon. Quand cet appareil est convenablement réglé, il suffit de parler au-dessus du tube pour que la parole soit reproduite. C'est donc un microphone aussi bien qu'un thermoscope. Une chose réellement curieuse que M. Hughes a remarquée, c'est que si on prononce séparément les différentes lettres de l'alphabet devant cette sorte de microphone, on constate qu'il en est qui se font beaucoup mieux entendre que d'autres, et ce sont précisément celles qui correspondent aux aspirations de la voix.

Fig. 40 et 41. sommaire

On peut encore obtenir un microphone de ce genre en remplaçant les fragments de charbon par des poussières plus ou moins conductrices, des limailles métalliques même. J'ai démontré, en effet, dans mon mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement conducteurs, que le pouvoir conducteur de ces poussières varie d'une manière considérable avec la pression et avec la température, et comme le microphone est fondé sur les différences de conductibilité résultant des différences de pression, on comprend facilement que ce moyen puisse être employé comme organe de transmission téléphonique. Dans une disposition récente de ce système, M. Hughes a aggloméré ces poussières avec une sorte de gomme, et il en a formé un crayon cylindrique qui, étant relié à deux électrodes bonnes conductrices, a pu fournir des effets analogues à ceux dont nous avons parlé précédemment. Comme on l'a vu, toutes les limailles métalliques peuvent être employées, mais M. Hughes donne la préférence à la poussière de charbon.

D'après M. Blyth, une boîte plate d'environ quinze pouces sur neuf, remplie de ces charbons échappés à la combustion que l'on appelle en Angleterre cinders gas, et aux deux extrémités de laquelle sont fixées deux électrodes de fer-blanc, est une des meilleures dispositions de microphones. Suivant lui, trois de ces appareils suspendus comme des tableaux contre les murs d'une chambre auraient suffi, sous l'influence d'un seul élément Leclanché, pour faire entendre dans le téléphone tous les bruits produits dans la chambre, et surtout les airs chantés. M. Blyth prétend même qu'on peut construire un microphone capable de transmettre la parole avec un simple charbon relié au fil du circuit par ses deux bouts, mais il faut que ce charbon soit un cinder gas; un charbon de cornue pourvu de pinces d'attache à ses deux extrémités, ne pourrait produire cet effet.

L'un des effets les plus intéressants de ces sortes de microphones, c'est qu'ils peuvent fonctionner sans pile, du moins, si on les dispose de manière à former eux-mêmes l'élément voltaïque, et pour cela, il suffit de verser de l'eau sur les charbons. M. Blyth qui a parlé le premier de ce système, n'indique pas nettement sa disposition, et on peut supposer que son appareil n'était autre que celui que nous avons décrit précédemment, auquel il aurait ajouté de l'eau. J'ai répété cette expérience en employant des électrodes zinc et cuivre et des fragments un peu gros de charbon de cornue, et j'ai parfaitement réussi. J'ai, en effet, pu transmettre de cette manière, non-seulement tous les sons de la montre et de la boîte à musique, mais encore la parole qui se trouvait même souvent plus nettement exprimée qu'avec un microphone ordinaire, car on n'entendait pas les crachements qui accompagnent souvent les transmissions téléphoniques de ce dernier. M. Blyth prétend aussi que l'on peut obtenir de cette manière la transmission des sons sans que l'appareil soit pourvu d'eau; mais il croit que c'est à l'humidité de l'haleine de celui qui parle qu'il faut attribuer ce résultat. Il est certain qu'il ne faut pas beaucoup d'humidité pour mettre en action un couple voltaïque, surtout quand on a pour appareil révélateur un téléphone. Du reste le microphone ordinaire peut être lui-même employé sans pile, si le circuit dans lequel il est interposé est en communication avec le sol par l'intermédiaire de plaques de terre; les courants telluriques qui traversent alors le circuit sont suffisants pour que les battements d'une montre posée sur le microphone soient parfaitement perceptibles. M. Cauderay, de Lausanne, dans une note envoyée à l'Académie des sciences, le 8 juillet 1878, annonce qu'il a fait cette expérience sur un fil télégraphique réunissant l'hôtel des Alpes à Montreux, à un chalet situé à 500 mètres de là, sur la colline.

Le microphone employé comme organe parlant.—Le microphone peut non-seulement transmettre la parole, mais il peut encore dans certaines conditions la reproduire et être substitué par conséquent au téléphone récepteur. Cette fois c'est à n'y rien comprendre, car c'est seulement dans des variations d'intensité de courant qu'il faut chercher une cause du mouvement vibratoire produit dans l'une des parties du circuit lui-même, et il n'y a plus alors à invoquer des effets d'attraction et d'aimantation. Est-ce aux répulsions qu'exercent entre eux les éléments contigus d'un même courant qu'il faut rapporter cette action? Ou bien faut-il la considérer comme étant de la même nature que celle qui fait émettre des sons à un fil de fer lorsqu'il est traversé par un courant interrompu? un courant électrique est-il lui-même un mouvement vibratoire, comme l'admet M. Hughes? Voilà des questions auxquelles il est bien difficile de répondre dans l'état actuel de la science; toujours est-il que le fait existe, et ce sont MM. Hughes, Blyth et Robert, H. Courtenay et même M. Edison, qui, chacun de leur côté, viennent de le faire connaître; moi-même j'ai pu le vérifier dans les conditions expérimentales indiquées par M. Hughes, mais je n'ai pas été aussi heureux quand j'ai voulu répéter les expériences de M. Blyth. Suivant ce savant il suffirait, pour entendre la parole dans le microphone, d'employer le modèle à fragments de charbon dont nous avons parlé précédemment, d'y joindre comme appareil transmetteur un second microphone du même genre, et d'introduire dans le circuit une pile de deux éléments de Grove. Alors si on parle au-dessus des charbons de l'un des microphones, on devrait entendre distinctement la parole en approchant l'oreille du second, et l'importance des sons ainsi reproduits serait en rapport avec l'intensité de la source électrique employée. Toutefois, comme je le disais, je n'ai pu, en m'y prenant de cette manière, entendre aucun son et encore moins la parole, et si d'autres expériences ne m'avaient pas convaincu, j'aurais douté de l'authenticité du fait annoncé. Mais cette expérience négative ne prouve en définitif rien, car il est possible que je me sois placé dans de mauvaises conditions, et que les escarbilles que j'employais ne fussent pas dans les mêmes conditions que les cinders gas de M. Blyth.

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Quant aux expériences de M. Hughes, je les ai répétées avec le microphone de MM. Chardin et Berjot, relié avec celui de M. Gaiffe employé comme transmetteur, et j'ai reconnu qu'avec une pile de quatre éléments Leclanché, seulement, tous les grattements effectués sur le microphone de M. Gaiffe et même les trépidations et les airs résultant du jeu d'une petite boîte à musique placée sur cet appareil, étaient reproduits, très-faiblement il est vrai, dans le second microphone; pour les percevoir il suffisait de coller l'oreille contre la planchette verticale. La parole n'était pas reproduite il est vrai, mais M. Hughes m'en avait prévenu; l'appareil ainsi disposé n'était pas évidemment assez sensible.

Fig. 42.

Pour reproduire la parole par ce système et pour la transmettre, il faut une autre disposition du microphone, et celle qui a donné les meilleurs résultats à M. Hughes est représentée, vue en coupe, figure 42. C'est un peu le microphone parleur de M. Hughes, disposé verticalement et dont le charbon fixe est collé au centre de la membrane tendue d'un téléphone à ficelle. Le cornet de ce téléphone est représenté en A, la membrane en DD, et le charbon en question en C; ce charbon est en sapin carbonisé et métallisé ainsi que le double charbon E qui est en contact avec lui et qui est adapté à l'extrémité supérieure de la bascule GI. Le tout est renfermé dans une petite boîte, et on règle la pression exercée au contact des deux charbons au moyen d'un ressort antagoniste R et d'une vis H. C'est alors le cornet du téléphone qui sert de cornet acoustique, et c'est le parleur de M. Hughes décrit page 169 qui sert de transmetteur pour entendre. Inutile de dire que deux appareils de ce genre sont placés aux deux bouts du circuit, que les charbons sont reliés aux deux pôles d'une pile de deux éléments à bichromate de potasse ou de Bunsen ou de six éléments de Leclanché, et que les deux appareils sont reliés par le fil de ligne.

Dans ces conditions, une conversation peut être échangée, mais les sons sont toujours beaucoup moins accentués que dans le téléphone.

J'ai pu constater ce fait avec un appareil grossier apporté d'Angleterre par M. Hughes. MM. Berjot, Chardin et de Méritens qui étaient présents aux expériences, ont pu comme moi parfaitement entendre la parole, et j'ai depuis répété moi-même l'expérience avec succès; mais elle ne réussit pas toujours et, dans ses conditions actuelles, l'appareil ne présente d'importance qu'au point de vue scientifique. On le construit chez MM. Chardin et Berjot.

On comprend facilement que l'appareil peut se passer de support, et la petite boîte forme alors le manche de l'instrument; les deux boutons d'attache sont disposés dans ce cas au bout de ce manche, comme dans un téléphone.

Les effets du microphone récepteur expliquent les sons souvent très-intenses déterminés par les bougies Jablochkoff quand elles sont actionnées par des machines magnéto-électriques. Ces sons vibrent toujours à l'unisson de ceux émis par la machine elle-même, et ceux-ci proviennent, comme je l'ai déjà démontré, des aimantations et des désaimantations rapides des organes magnétiques qui sont mis en jeu par cette machine. Ces effets, remarqués par M. Marcel Deprez, étaient particulièrement caractérisés avec les premières machines de M. de Méritens.

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Autres dispositions de microphones.—Une disposition du genre de celle que nous venons de décrire a été employée par M. Carette pour constituer un parleur microphone extrêmement énergique; seulement au lieu d'une membrane tendue, il emploie une plaque métallique mince; il colle l'un des charbons au centre de cette plaque et adapte devant lui l'autre charbon qui est taillé en pointe et porté par un système de porte-charbon à vis de réglage au moyen duquel on peut régler comme on le veut la pression exercée entre les deux charbons. Avec cette disposition, la parole peut être entendue à distance du téléphone récepteur. Elle est, du reste, analogue à celle du transmetteur téléphonique de M. Edison.

En exécutant dans de grandes dimensions le système représenté, fig. 42, et formant le cornet AB avec un grand entonnoir en zinc de près de un mètre de longueur, M. de Méritens a pu parvenir à amplifier assez les sons de la parole pour qu'une conversation faite à voix basse à trois ou quatre mètres de cet instrument, ait été reproduite dans un téléphone d'une manière plus sonore et plus distincte. L'appareil était placé sur le plancher de l'appartement, l'ouverture de l'entonnoir en haut, et le téléphone était dans les caves de la maison.

On a du reste varié de mille manières la forme du microphone suivant les applications auxquelles on veut l'appliquer. C'est ainsi que nous voyons dans l'English Mechanic and World of Science, du 28 juin 1878, les dessins de plusieurs dispositions dont l'une est spécialement applicable à l'audition des pas d'une mouche; c'est une boîte à la partie supérieure de laquelle est tendue une feuille de papier végétal; deux charbons séparés par un petit morceau de bois et mis en rapport avec les deux fils du circuit y sont collés, et un troisième charbon allongé, placé en croix sur les deux autres, se trouve maintenu dans cette position par une rainure pratiquée dans ceux-ci. Une pile très-faible suffit pour faire fonctionner cet appareil, et la mouche se promenant sur la feuille de papier détermine des vibrations assez fortes pour faire réagir énergiquement un téléphone ordinaire. Il faut alors recouvrir l'appareil d'un globe de verre. En plaçant une montre sur la membrane et en ayant soin d'appuyer son bouton sur le morceau de bois séparant les deux charbons, le bruit de ses battements peut être entendu dans toute une salle. On peut encore, au lieu de l'arrangement de charbons décrit plus haut, employer deux cubes de charbon juxtaposés et séparés seulement par une carte à jouer. Une cavité semi-sphérique pratiquée à la partie supérieure de cette masse entre les deux charbons et dans laquelle on place quelques petites boules de charbon d'une grosseur intermédiaire entre celle d'un pois et celle d'une graine de moutarde, permet d'obtenir des contacts multiples excessivement mobiles et éminemment propres à des transmissions téléphoniques. Ces dispositions ont été combinées par M. T. Cuttriss.

Il est encore beaucoup d'autres dispositions de microphones imaginées par différents constructeurs et inventeurs qui donnent des résultats plus ou moins satisfaisants, telles sont celles de MM. Varey, Trouvé, Vercker, de Combettes, Loiseau, etc., etc., mais comme elles se rapprochent plus ou moins des types que nous avons déjà décrits, nous n'en parlerons pas davantage.

Expériences faites avec le microphone.—Il me reste maintenant à indiquer les expériences intéressantes qui ont conduit M. Hughes à l'instrument remarquable dont nous venons de parler, et celles qui ont été entreprises par d'autres savants, soit au point de vue scientifique, soit au point de vue pratique.

Considérant que la lumière et la chaleur peuvent modifier la conductibilité électrique des corps, M. Hughes s'est demandé si des vibrations sonores transmises à un conducteur traversé par un courant ne modifieraient pas aussi cette conductibilité en provoquant des contractions et des dilatations des molécules conductrices, qui équivaudraient à des raccourcissements ou à des allongements du conducteur ainsi impressionné. Si cette propriété existait réellement, elle devrait permettre de transmettre les sons à distance, car de ces variations de conductibilité devaient résulter des variations proportionnelles de l'intensité d'un courant agissant sur un téléphone. L'expérience qu'il fit sur un fil métallique tendu n'a pas répondu toutefois à son attente, et ce n'est que quand le fil dut vibrer assez fortement pour se rompre, qu'il entendit un son au moment de la rupture. En rejoignant les deux bouts du fil, un son se produisit encore, et il reconnut bientôt que pour en obtenir, il suffisait d'un contact imparfait entre les deux bouts disjoints du fil. Il devint dès lors manifeste, pour M. Hughes, que les effets qu'il prévoyait ne pouvaient se produire qu'avec un conducteur divisé, et par suite de contacts imparfaits.

Il rechercha alors quel était le degré de pression le plus convenable à exercer entre les deux bouts rapprochés du fil pour obtenir le maximum d'effet, et pour cela il effectua cette pression à l'aide de poids. Il reconnut que, quand elle était légère et qu'elle ne dépassait pas celle d'une once par pouce carré, au point de jonction, les sons étaient reproduits distinctement, mais d'une manière un peu imparfaite; en modifiant les conditions de l'expérience, il put s'assurer bientôt qu'il n'était pas nécessaire, pour obtenir ce résultat, que les fils fussent réunis bout à bout, et qu'ils pouvaient être placés côte à côte sur une planche ou même séparés (mais avec addition d'un conducteur posé en croix sur eux), pourvu que les métaux en contact fussent du fer et qu'une pression légère et constante pût les réunir métalliquement. L'expérience fut faite avec trois pointes de Paris disposées comme on le voit fig. 43, et elle a été répétée depuis, dans de meilleures conditions par M. Willoughby-Smith, avec trois limes dites queues-de-rat qui permirent de transmettre le bruit d'une faible respiration.

Fig. 43. sommaire

Il essaya ensuite différentes combinaisons de ce genre présentant plusieurs solutions de continuité, et une chaîne d'acier lui fournit d'assez bons résultats; mais les légères inflexions, c'est-à-dire le timbre de la voix, manquaient, et il dut chercher d'autres dispositions. Il essaya d'abord d'introduire aux points de contacts des poudres métalliques; la poudre de zinc et d'étain connue dans le commerce sous le nom de bronze blanc, améliora beaucoup les effets obtenus; mais ils n'étaient pas stables à cause de l'oxydation des contacts, et c'est en essayant de résoudre cette difficulté, ainsi qu'en cherchant la disposition la plus simple pour obtenir une pression légère et constante sur ces contacts, que M. Hughes fut conduit à la disposition des charbons mercurisés décrite précédemment, laquelle donna les effets maxima.

L'importance de l'effet obtenu dans le microphone dépend du reste, d'après M. Hughes, du nombre et de la perfection des contacts, et c'est sans doute pour cela que certaines positions du crayon, dans l'appareil qui a été décrit plus haut, sont plus favorables que d'autres.

Pour concilier les résultats de ses expériences avec les idées qu'il s'était faites, M. Hughes pensa que si les différences de résistance provenant des vibrations du conducteur n'étaient pas produites quand ce conducteur était entier, c'est que les mouvements moléculaires se trouvaient arrêtés par des résistances latérales égales et contraires, mais qu'il suffisait qu'une de ces résistances n'existât pas pour que le mouvement moléculaire put se développer librement. Or un mauvais contact équivalait, selon lui, à la suppression de l'une de ces résistances, et du moment où ce mouvement pouvait se produire, les dilatations et contractions moléculaires qui étaient la conséquence des vibrations, devaient correspondre à des accroissements ou à des affaiblissements de résistance du circuit. Nous ne suivrons pas davantage M. Hughes dans cette théorie, qui serait assez longue à développer, et nous allons continuer notre examen des différentes propriétés du microphone.

Le charbon, comme nous l'avons déjà dit, n'est pas la seule substance qu'on peut employer à composer l'organe sensible de ce système de transmetteur, M. Hughes a essayé d'autres substances et même des corps très-conducteurs, tels que les métaux. Le fer lui a donné d'assez bons résultats, et l'effet produit par des surfaces de platine dans un grand état de division a été égal, sinon supérieur, à celui fourni par le charbon mercurisé. Toutefois, comme avec ce métal on rencontre plus de difficultés dans la construction des appareils, il donne la préférence au charbon qui, comme lui, jouit de l'avantage de l'inoxydabilité.

Nous avons dit en commençant que le microphone pouvait être employé comme thermoscope: mais il doit avoir alors la disposition particulière que nous avons représentée fig. 40. Dans ces conditions, la chaleur, en réagissant sur la conductibilité de ces contacts, peut faire varier dans de si grandes proportions la résistance du circuit, qu'en approchant la main du tube, on peut annuler le courant de trois éléments Daniell. Il suffit, pour apprécier l'intensité relative de différentes sources de chaleur, exposées devant l'appareil, d'introduire dans le circuit des deux électrodes A et B, fig. 40, une pile P de un ou deux éléments Daniell et un galvanomètre un peu sensible G. Un galvanomètre de cent vingt tours est suffisant pour cela. Quand la déviation diminue, c'est que la source calorifique est supérieure à la température ambiante; quand elle augmente c'est qu'elle est inférieure. «Les effets résultant de l'intervention du soleil et de l'ombre se traduisent sur cet appareil, dit M. Hughes, par des variations considérables dans les déviations du galvanomètre. Il est même impossible de le tenir en repos, tant il est sensible aux moindres variations de la température.»

J'ai répété avec un seul élément Leclanché, les expériences de M. Hughes et j'ai pour cela, employé un tuyau de plume rempli de cinq fragments de charbon, provenant d'un des charbons cylindriques de petit diamètre que fabrique M. Carré pour la lumière électrique. J'ai bien obtenu les résultats qu'il indique; mais je dois dire que l'expérience est assez délicate. En effet, quand les fragments de charbon sont trop serrés les uns contre les autres, le courant passe avec trop de force pour que les effets calorifiques puissent faire varier la déviation galvanométrique; quand ils sont trop peu serrés, le courant ne passe pas. Il est donc un degré moyen de serrage qui doit être effectué pour que les expériences réussissent, et quand il est obtenu, on observe en approchant la main du tube, qu'une déviation qui était de 90° diminue au bout de quelques secondes et semble être en rapport avec le rapprochement plus ou moins grand de la main. Mais c'est l'haleine qui produit les effets les plus marqués, et je ne serais pas éloigné de croire que les déviations plus ou moins grandes que provoquent les émissions des sons articulés quand on prononce séparément les différentes lettres de l'alphabet, proviendraient d'une émission plus ou moins grande et plus ou moins directe des gaz échauffés sortant de la poitrine. Ce qui est certain, c'est que ce sont les lettres qui provoquent les sons les plus accentués telles que, A, F, H, I, K, L, M, N, O, P, R, S, W, Y, Z, qui déterminent les plus fortes déviations de l'aiguille galvanométrique.

Dans mon mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement conducteurs, j'avais déjà signalé cet effet de la chaleur sur les corps divisés, et j'avais de plus montré que, après une certaine déviation rétrograde qui se produisait toujours au premier moment, il se manifestait un mouvement en sens inverse de l'aiguille galvanométrique qui accusait, au bout de quelques instants de chauffage, une déviation bien supérieure à celle indiquée primitivement.

Dans une note publiée dans le Scientific American du 22 juin 1878, M. Edison donne quelques détails intéressants sur l'application de son système de transmetteur téléphonique à la mesure des pressions, des dilatations et autres forces capables de faire varier la résistance du disque de charbon de cet appareil par suite d'une compression plus ou moins forte. Comme les expériences qu'il fit à ce sujet remontent au mois de décembre 1877, il en conclut encore qu'il a la priorité de l'invention du microphone employé comme thermoscope; mais nous devons lui faire observer que, d'après la manière dont M. Hughes a disposé son appareil, l'effet produit par la chaleur est précisément inverse de celui qu'il signale. En effet, dans le dispositif adopté par M. Edison, la chaleur agit par une augmentation de conductibilité qu'acquiert le charbon sous l'influence d'une augmentation de pression déterminée par la dilatation d'un corps sensible à la chaleur; dans le système de M. Hughes, la chaleur provoque un effet diamétralement opposé, parce qu'elle n'agit alors que sur des contacts et non par effet de pression. Aussi la résistance du microphone thermoscope se trouve augmentée sous l'influence de la chaleur au lieu d'être diminuée. Cet effet différent tient à la division du corps médiocrement conducteur, et j'ai démontré que, dans ces conditions, ces corps, quand ils ne sont chauffés que faiblement, déterminent toujours un affaiblissement dans l'intensité du courant qu'ils transmettent. Je crois du reste, que la disposition de M. Edison est meilleure comme appareil thermoscopique et permet de mesurer des sources calorifiques beaucoup moins intenses. S'il faut l'en croire, on pourrait avec son appareil non-seulement mesurer (p. 189) la chaleur du rayonnement lumineux des étoiles, de la lune et du soleil, mais encore les variations de l'humidité de l'air et de la pression barométrique.

Fig. 44. sommaire

Cet appareil, que nous représentons figure 44 avec ses différents détails et la disposition rhéostatique employée pour les mesures, se compose d'une pièce métallique A fixée sur une planchette C et sur l'un des côtés de laquelle est adapté le système de disques de platine et de charbon D décrit page. Une pièce rigide G munie d'une crapaudine soutient extérieurement ce système, et on introduit dans cette crapaudine l'une des extrémités effilées d'un corps susceptible d'être impressionné par la chaleur, l'humidité ou la pression barométrique. L'autre extrémité est soutenue par une seconde crapaudine I adaptée à un écrou H susceptible d'être plus ou moins serré par une vis de réglage. Si on introduit ce système dans un circuit galvanométrique a b c i g muni de tous les instruments de mesure électrique, les variations de longueur du corps interposé se traduisent par des déviations de l'aiguille galvanométrique plus ou moins grandes, qui sont la conséquence des différences de pression résultant de l'allongement ou du raccourcissement du corps dilatable interposé dans le circuit sur l'appareil.

Les expériences du microphone faites à la séance de la Société des ingénieurs télégraphistes de Londres, le 23 mai dernier, ont admirablement réussi et ont été l'occasion d'un article intéressant dans l'Engineering du 31 mai, dans lequel on constate que toute l'assemblée a pu entendre parler le téléphone, dont la voix se rapprochait beaucoup de celle du phonographe. Quand on annonça que ces paroles avaient été prononcées à une distance assez grande du microphone, le duc d'Argyle, présent à la séance, tout en admirant l'importance de la découverte, ne put s'empêcher de s'écrier que cette invention pourrait avoir des conséquences terribles, «ainsi, par exemple, dit-il, nous sommes à Downing-street, et je ne puis m'empêcher de penser que si un des appareils du professeur Hughes était placé dans la pièce où les ministres de Sa Majesté sont en conférence, nous pourrions entendre d'ici tous les secrets de cabinet. Si un de ces petits appareils pouvait être mis dans la poche de mon ami Schouvaloff ou bien dans celle de lord Salisbury, nous serions tout à coup en possession de ces grands secrets que tout ce pays et toute l'Europe attendent avec une si grande anxiété. Si l'assurance qu'on donne que ces appareils sont susceptibles de répéter toutes les conversations qui peuvent se faire dans une pièce où ils sont placés, cela pourrait constituer un véritable danger, et je pense que le professeur Hughes qui a inventé ce magnifique et en même temps si dangereux instrument, devrait rechercher maintenant un antidote à sa découverte.» D'un autre côté, le docteur Lyon-Playfair pense que le microphone devrait être appliqué à l'aérophone, pour qu'en plaçant ces instruments dans les deux chambres du parlement, les discours des grands orateurs puissent être entendus par toute une population sur une étendue de quatre à cinq milles carrés.

Les essais du microphone faits récemment à Harlifax et qui ont été rapportés dans les journaux anglais, montrent que les prévisions du duc d'Argyle étaient parfaitement justifiées. Il paraîtrait en effet qu'un dimanche un microphone ayant été placé sur la devanture de la chaire d'un prédicateur à l'église d'Harlifax, et cet instrument étant relié par un fil de 3 kilomètres à un téléphone placé près du lit d'un malade, habitant un château voisin, ce malade a pu entendre toutes les prières, les cantiques et le sermon. M. Hughes, qui m'avait communiqué cette nouvelle, m'assurait qu'elle lui avait été donnée par des personnes dignes de foi, et nous apprenons maintenant qu'il y a sept abonnés pour jouir de l'avantage d'écouter les offices d'Harlifax, sans se déranger.

Le microphone a été aussi appliqué dernièrement à la répétition à distance d'un opéra tout entier, et voici ce que dit à cet égard le Journal télégraphique de Berne du 25 juillet:

«Le 19 juin dernier a eu lieu à Billenzona (Suisse) une curieuse expérience micro-téléphonique. Une troupe italienne de passage devait donner ce jour-là, au théâtre de cette ville, l'opéra de Donizetti, Don Pasquale. M. Patocchi, inspecteur-adjoint du VIe arrondissement télégraphique de la Suisse, a eu l'idée de profiter de cette occasion, pour expérimenter les effets combinés du microphone à charbon de Hughes comme appareil transmetteur et du téléphone de Bell comme appareil récepteur. À cet effet, il installa dans une loge de premier rang, à côté du proscenium, un microphone Hughes qu'il relia au moyen de deux fils de 1.1/2 millimètres de diamètre à quatre récepteurs Bell disposés dans une salle de billard, au-dessus du vestibule du théâtre même, salle où ne parvient aucun des bruits de l'intérieur du théâtre. Dans le circuit, et près du microphone de Hughes, était intercalée une petite pile de deux éléments du modèle ordinaire de l'administration suisse.

«Les résultats ont été aussi heureux et aussi complets que possible. Les téléphones reproduisaient exactement, avec une clarté et une netteté merveilleuse, aussi bien les sons de l'orchestre que le chant des artistes. Plusieurs spectateurs ont constaté, avec M. Patocchi, que l'on ne perdait pas une note des instruments ou des voix, qu'on distinguait parfaitement les mots prononcés, que les airs étaient reproduits dans leur ton naturel, avec toutes leurs nuances, les piano comme les forte, les motifs doux comme les passage de force, et plusieurs dilettanti amateurs ont même assuré à M. Patocchi que, par cette seule audition au moyen des téléphones, l'on pouvait apprécier les beautés musicales, les qualités des voix des artistes et généralement juger de la pièce elle-même, comme pouvaient le faire les spectateurs à l'intérieur du théâtre.

«Les résultats ont été les mêmes en introduisant dans le circuit des résistances jusqu'à 10 kilomètres sans augmenter le nombre des éléments de la pile. C'est, croyons-nous la première expérience de ce genre qui ait été faite, en Europe du moins, dans un théâtre et sur un opéra complet; et ceux qui connaissent toute la légèreté et la grâce des mélodies de Don Pasquale, apprécieront à quelle sensibilité doit atteindre la combinaison du microphone de Hughes et du téléphone de Bell, pour ne rien laisser perdre des délicatesses de cette musique.»

Les expériences avec le microphone, quoique à leur début, ont été cependant très-variées, et nous voyons dans les journaux anglais, entre autres expériences curieuses, qu'on a voulu établir sur le même principe un appareil sensible téléphoniquement aux variations d'une source lumineuse. On sait que certains corps et particulièrement le sélénium sont impressionnables électriquement à la lumière, c'est-à-dire que leur conductibilité peut varier dans d'assez grandes proportions suivant la quantité plus ou moins grande de lumière qui les éclaire. Or si on fait passer brusquement un circuit dans lequel est interposé un corps de cette nature, de l'obscurité à un éclairement un peu intense, il doit résulter de l'augmentation subite de résistance qui en est la conséquence, un son énergique dans un téléphone interposé dans le circuit. C'est en effet ce que l'expérience a démontré, et M. Willoughby-Smith en tire la conséquence que, conformément à ce que nous avons dit plus haut, les effets produits dans le microphone sont la conséquence de variations de résistance dans le circuit par suite de contacts plus ou moins intimes entre conducteurs imparfaits.

Pour obtenir l'effet précédent dans ses meilleures conditions, M. Siemens emploie deux électrodes composées par des réseaux de fils de platine très-fins enchevêtrés les uns dans les autres, à la manière de deux fourchettes dont les dents seraient intercalées dans leurs intervalles réciproques. Ces électrodes sont introduites entre deux lames de verre, et une goutte de sélénium versée au centre de ces réseaux, les réunit sur une surface circulaire assez étendue pour établir une conductibilité suffisante dans le circuit. Or c'est sur cette goutte ainsi étendue qu'on doit projeter le rayon de lumière.

Une jolie expérience que l'on peut faire encore avec le microphone est celle-ci: vous placez sur une planche en bois un peu grande, une planchette à dessin par exemple, un microphone à charbon vertical dont les extrémités sont bien pointues et qui est placé tout à fait verticalement. On dispose dans le circuit un ou plusieurs téléphones, et si on les renverse sur la planche de manière que leur membrane soit en regard de celle-ci, on entend un roulement continu qui ressemble tantôt à un son musical, tantôt au bruissement de l'eau bouillant dans une chaudière, et ce bruit qui peut être entendu à distance, dure indéfiniment tant que la source électrique est en activité. M. Hughes explique ce phénomène de la manière suivante.

La moindre secousse qui mettra le microphone en action, aura pour effet d'envoyer des courants plus ou moins interrompus à travers les téléphones qui les transformeront en vibrations sonores, et celles-ci étant transmises mécaniquement par la planche au microphone, entretiendront son mouvement qui sera même amplifié et provoquera de nouvelles vibrations sur les téléphones; d'où il résultera une nouvelle action sur le microphone et ainsi de suite indéfiniment. D'un autre côté, en plaçant sur la même planche un second microphone correspondant à un autre circuit téléphonique, on peut en faire un appareil réagissant comme un relais télégraphique, c'est-à-dire répétant à distance les bruits transmis à la planche, et ces bruits répétés peuvent constituer soit un appel, soit les éléments d'une dépêche dans le langage Morse, si l'on place dans le circuit du premier microphone un manipulateur Morse. «J'ai fait, dit M. Hughes, avec cette disposition d'appareils, plusieurs expériences qui ont produit beaucoup d'effet, quoique n'ayant employé qu'une pile de Daniell de six éléments sans bobine d'induction. En adaptant au téléphone récepteur un cornet en carton de 40 centimètres de longueur, on a pu entendre dans toute une grande salle le bruit continu du relais, les battements d'une pendule et le bruit fait par la plume en écrivant. Je n'ai pas essayé de transmettre la parole parce que, dans ces conditions, elle n'aurait pas été reproduite avec netteté.»

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L'idée d'employer le microphone comme relais était, du reste, venue à l'esprit de plusieurs personnes et entre autres de M. Latimer-Clark qui proposait pour cela de faire réagir l'armature d'un électro-aimant introduit dans le circuit du microphone, sur un tube disposé comme on l'a vu fig. 40 et réagissant lui-même sur le second circuit, c'est-à-dire sur le circuit du téléphone. MM. Houston et Thomson en ont fait également un dernièrement.

D'un autre côté lord Lindsay a imaginé d'adapter au microphone une membrane résonnante, et il a obtenu par ce moyen une reproduction excellente des sons musicaux produits par un piano; mais lorsque les vibrations de cet instrument concordaient avec les vibrations fondamentales de la membrane, un bruit très-fort se faisait entendre dans le téléphone, et dans ce bruit, on distinguait non-seulement la note fondamentale de cette membrane, mais encore toutes les vibrations sympathiques déterminées par les cordes du piano réagissant les unes sur les autres.

Fig. 45.

En raison de son extrême sensibilité, cet appareil pourrait permettre de constater les bruits produits à l'intérieur du corps humain et servir par conséquent de stéthoscope pour l'auscultation des poumons et des battements du cœur. Le Dr Richardson en Angleterre, conjointement avec M. Hughes, s'occupe en ce moment de rendre pratique cette importante application; mais jusqu'à présent les résultats obtenus n'ont pas été très-satisfaisants. On espère toutefois y parvenir. En attendant M. Ducretet a construit un microphone stéthoscopique que nous représentons fig. 45 et qui est d'une extrême sensibilité. C'est un microphone à charbon CP, à simple contact, dont le charbon inférieur P est adapté à un tambour à membrane vibrante de M. Marais T. Ce tambour est relié par un tube de caoutchouc CC' à un autre tambour T' qui est destiné à être appliqué sur les différentes parties du corps à ausculter, et que l'on appelle en conséquence tambour explorateur; la sensibilité de l'appareil est réglée au moyen d'un contrepoids PO, qui se visse sur le bras d'un levier bascule LL, auquel est fixé le second charbon C. Tout le monde connaît la grande sensibilité des tambours de M. Marais pour la transmission des vibrations, et cette sensibilité étant encore augmentée par le microphone, l'appareil acquiert une impressionnabilité extrême, peut-être même une trop grande, car il révèle tout espèce de bruits qu'il est très-difficile de distinguer les uns des autres. Du reste, cet appareil ne peut donner de bons résultats que confié à des mains expérimentées, et il faudra évidemment une éducation auditive particulière pour qu'on puisse en tirer parti.

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Comme application de ce genre, la plus importante est celle que vient d'en faire, conjointement avec M. Hughes, M. Henry Thompson célèbre chirurgien anglais, pour l'exploration de la vessie dans la maladie de la pierre. Au moyen de cet appareil, on peut en effet constater la présence et préciser le siège des calculs pierreux qui peuvent s'y trouver, quelques petits qu'ils soient d'ailleurs. On emploie pour cela une sonde exploratrice composée d'une tige de Maillechort un peu recourbée par le bout et qui est mise en communication avec un microphone sensible à charbon. Quand, en promenant cette sonde dans la vessie, la tige en question rencontre des particules pierreuses, fussent-elles de la grosseur d'une tête d'épingle, le frottement qui en résulte détermine des vibrations qui se distinguent parfaitement, dans le téléphone, de celles qui se produisent par la simple friction de la tige sur les tissus mous des parois de la vessie. Toutefois, M. Thompson prétend que pour obtenir de bons résultats de cette méthode, il faut prendre certaines précautions. Il faut que l'instrument ne soit pas trop sensible afin que la nature des bruits soit bien distincte, la pile ne doit pas être trop forte, pour éviter les sons qui pourraient résulter des bruits extérieurs. L'appareil est du reste disposé comme on le voit fig. 46. Le microphone est placé dans le manche qui porte la sonde et n'est autre que celui que nous avons représenté fig. 39, mais avec de plus petites dimensions, et les deux fils conducteurs e allant au téléphone, ressortent du manche par le bout a opposé à celui bb où la sonde dd est vissée. Comme cet appareil n'est pas destiné à reproduire la parole, on emploie des charbons de cornue au lieu de charbons de bois.

Fig. 46. sommaire

On a pu encore par un moyen basé sur le principe du microphone, faire entendre certains sourds dont l'oreille n'était pas encore tout à fait insensibilisée. Pour obtenir ce résultat, on adapte devant les deux oreilles du malade deux téléphones, reliés entre eux par une couronne métallique appuyée sur l'os frontal, et on met les deux téléphones en rapport avec un microphone muni de sa pile, lequel pend à l'extrémité d'un double fil conducteur. Le malade conserve dans sa poche ce microphone, et il le présente comme un cornet acoustique à son interlocuteur quand il veut converser avec lui. Le microphone est alors constitué par le parleur de M. Hughes représenté fig. 39.

Le microphone peut avoir encore beaucoup d'autres applications, et voici ce que nous lisons à cet égard dans l'English Mechanic du 21 Juin 1878: «Au moyen de cet instrument, les ingénieurs pourront apprécier les effets des vibrations occasionnées sur les édifices anciens et nouveaux par le passage de lourdes charges; un soldat pourra reconnaître l'approche de l'ennemi à plusieurs milles de distance et distinguer même s'il aura affaire avec de l'artillerie ou de la cavalerie; la marche des navires dans le voisinage des torpilles pourra même être annoncée à la côte, et on pourra dès lors, à coup sûr, en déterminer l'explosion.»

On a aussi proposé d'appliquer le microphone comme un avertisseur des fuites de gaz dans les mines à charbon. Le gaz s'échappant des crevasses de charbon, produit un son sifflant qui par le moyen du microphone et du téléphone pourrait être entendu au haut des puits. D'un autre côté, on a eu l'idée que le microphone pourrait être utilement employé comme Séismographe pour signaler les bruits souterrains qui précèdent généralement les tremblements de terre et les éruptions volcaniques, et qui se trouveraient de cette manière notablement amplifiés. Cet appareil pourrait même être d'un usage utile à M. Palmieri pour ses études à l'observatoire du Vésuve.

Comme on devait s'y attendre, des réclamations de priorité devaient être la conséquence de la grande faveur qui a accueilli l'invention de M. Hughes, et même en dehors de la réclamation de M. Edison sur laquelle nous avons exprimé notre opinion, nous en trouvons plusieurs autres qui montrent que, si quelques effets du microphone ont été découverts à différentes époques avant M. Hughes, on n'y avait prêté qu'une très-médiocre attention puisqu'ils n'ont même pas été publiés.
De ce nombre sont celles de M. Wentwork Lacelles-Scott enregistrées dans l'Electrician du 25 mai 1878, et celle de M. Weyher présentée à la Société de Physique de Paris au mois de juin dernier; mais elles n'ont guère d'importance, attendu que les dates auxquelles remontent les expériences de ces savants sont encore postérieures à celles des premières expériences de M. Hughes; celles-ci datent, en effet, du commencement de décembre 1877, et ont même été montrées en janvier 1878 aux fonctionnaires de la Submarine Telegraph Company, ainsi que le publie M. Preece dans une lettre adressée aux différents savants.

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Avant de terminer avec le microphone, je crois devoir rappeler ici deux expériences intéressantes de M. Hughes, qui tout en montrant que l'attraction magnétique n'entre pour rien dans la reproduction de la parole, prouve que les effets électro-magnétiques peuvent se combiner aux effets microphoniques.

1- Si une armature de fer doux est appliquée sur les pôles d'un électro-aimant à deux branches solidement fixé sur une planche, et qu'on interpose entre cette armature et les pôles magnétiques des morceaux de papier afin d'éviter les effets de magnétisme condensé, on peut, en reliant cet électro-aimant à un microphone parleur du modèle de la fig. 39, entendre sur la planche servant de support à l'électro-aimant les mots prononcés dans le parleur.

2- Si on oppose par leurs pôles de noms contraires deux électro-aimants mis en rapport avec un microphone, en ayant soin de séparer ces pôles par des morceaux de papier, on obtiendra clairement la reproduction de la parole, sans qu'il y ait besoin d'armature ni de diaphragme. Ces deux faits peuvent encore être opposés à la théorie soutenue par M. Navez.

3- Si au lieu de faire passer le courant actionné par un microphone à travers l'hélice d'un téléphone servant de récepteur, on lui fait traverser directement le barreau aimanté de ce téléphone dans le sens de son axe, c'est-à-dire d'un pôle à l'autre, on peut entendre distinctement les paroles prononcées dans le microphone. Cette expérience, qui est de M. Paul Roy, indiquerait, si elle est exacte, que les ondulations électriques qui parcoureraient longitudinalement un aimant, en modifieraient l'intensité magnétique. Cette expérience est toutefois à vérifier.

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1879 La balance d'induction de Hughes :

Depuis un certain temps déjà, M. le Professeur Hughes se préoccupe d'éliminer les effets d'induction qui se produisent sur les lignes télégraphiques et deviennent d'autant plus sensibles que le nombre des fils s'accroît sur les mêmes rangées de poteaux, que les communications s'effectuent à de plus longues distances et, enfin, que l'on fait usage d'appareils plus rapides mais aussi plus compliqués et plus impressionnables. Les premières tentatives faites dans la pensée d'arriver à détruire les courants d'induction n'ayant pas été suivies de succès, il a imprimé à ses recherches une autre direction et a cherché à contrebalancer les effets qu'il ne pouvait détruire.
Si, au lieu d'employer la terre, l'on fait usage d'un second fil pour fermer le circuit et si les deux fils isolés l'un de l'autre sont tordus ensemble comme les fibres d'une corde, les courants circulant sur un autre conducteur ne sauraient jamais les influencer, puisque l'induction qui se produirait dans les deux fils agirait en sens contraire sur chacun d'eux et, par conséquent, s'annihilerait. Il ne serait même pas nécessaire de tordre les fils ensemble; il suffirait de les placer sur les poteaux de telle façon que leur position par rapport aux autres conducteurs changeât continuellement, c'est-à-dire qu'à de certaines distances, tous les deux cents mètres par exemple, ils fussent soumis à une torsion.
Mais l'emploi d'un pareil fil de retour a pour inconvénient de doubler la résistance du conducteur ainsi que les frais d'établissement et il est bien rare de trouver dans la pratique des circonstances où l'on pourrait y recourir avec avantage. Aussi, en s'inspirant des principes que nous venons d'exposer, M. Hughes est arrivé à contrebalancer par des moyens plus simples les effets d'induction et voici le procédé auquel il a recours à cet effet.
Disposons parallèlement à de petites distances l'ane de l'autre autant de bobines de fil fin qu'il y a de fils conducteurs sur les poteaux de la ligne. Relions à chacune de ces bobines un des fils de ligne avant de les conduire à la terre. Dans ces conditions, lorsqu'un courant traversera un fil de la ligne, la bobine à laquelle celui-ci est relié exercera sur les autres bobines une influence inductrice. Cette induction peut être de même sens que celle qui se produit sur les fils de la ligne, mais si l'on tourne la bobine où est engendrée le courant primaire, l'induction qu'elle produira dans les autres bobines sera de sens contraire à celle que le fil traversé par le courant exerce sur les autres fils parallèles. Ces deux inductions, celle de la ligne et celle des bobines, se produisent simultanément et l'on conçoit, dès-lors, la possibilité de. disposer les bobines de façon que les inductions produites se balancent complètement. La longueur des fils des bobines par rapport à celle des fils de ligne pourra être d'autant plus petite que l'espace e»tre les bobines sera moins grand, par rapport à la résistance réciproque des fils sur les poteaux.
Il en résulte que l'on peut réduire à des dimensions très-restreintes tout cet appareil accessoire d'induction. M. Hughes a appelé « balance d'induction » l'ensemble de cet arrangement qui nous paraît appelé à figurer dorénavant so«s ce nom dans la technologie télégraphique.
Il nous faut dire ici que le procédé imaginé par Hughes comme balance d'induction n'est pas nouveau.
Il avait déjà été indiqué par M. Ch. Wilson dans une remarquable étude publiée pour le Journal of the american électrical Society (N° 3 de 1878) dont M. Hughes paraît ne pas avoir eu connaissance. Mais ce qui, croyons-nous, appartient bien en propre à ce dernier, c'est le système ingénieux qu'il emploie pour établir la balance et dont nous allons essayer de donner une idée.
Supposons, pour plus de clarté, que la ligne comporte trois fils parallèles a, o et c, chacun de ces fils aboutissant dans la station S à une bobine d'induction. Les trois bobines sont disposées parallèlement sur un cylindre, de façon à pouvoir être rapprochées ou éloignées à volonté les unes des autres et leur intercalation, en outre, est telle que leur induction s'ajoute à celle qui se produit sur la ligne. Inversons maintenant la bobine du fil a et intercalons dans ce fil une pile de 2 ou 3 éléments ainsi qu'un microphone sur lequel repose une montre. Dans le fil b, intercalons un téléphone. On entend alors par induction le tic-tac de la montre dans le téléphone, parce que la balance n'est pas encore établie et l'on ignore encore si c'est l'induction du fil a sur le fil b ou l'induction contraire de la bobine a sur la bobine b qui prédomine. L'on éloigne ou l'on rapproche alors par tâtonnement la bobine du fil b de celle du fil a jusqu'à ce que l'on cesse de rien entendre dans le téléphone. Dès que ce résultat est obtenu, la balance d'induction entre les fils a et & est parfaitement établie et aucun appareil télégraphique, si délicat qu'il soit, n'accusera plus d'effet d'induction d'aucune sorte, le téléphone étant plus impressionnable que tout autre arrangement.
On établirait de la même manière la balance entre a et c et dès-lors il y aura indifférence électrique parfaite dans les fils & et c quand on travaillera sur a.
Il est à prévoir maintenant le cas où l'on travaillerait sur b ou sur c et où l'indifférence électrique devrait exister sur les deux autres fils. Il faut alors ramener la bobine de a à sa position primitive et inverser, au contraire, la bobine du fil sur lequel on travaille. Pour le fil a, la balance est déjà établie par le premier ajustement, mais tel n'est pas le cas entre les fils & et c et il faut, en éloignant ou rapprochant les deux bobines correspondantes, trouver également pour les fils b et c le point où la balance est établie.
Ici, il se présente un point délicat que les explications données par M. Hughes ne nous paraissent pas avoir complètement élucidé. En déplaçant la bobine de b ou de c on détruit la balance qui a été auparavant établie entre a, d'un côté, et b ou respectivement c, de l'autre. Nous ne nions pas qu'il soit possible de trouver pour les trois bobines une position telle que la balance d'induction soit établie entre les trois fils, sans distinction du fil sur lequel on travaille. Mais cette position n'est-elle pas bien difficile à trouver et les essais pour y arriver ne peuvent-ils pas dégénérer en tâtonnements indéfinis? Plus une ligne aura de fils sur les mêmes poteaux et plus la balance sera difficile à établir. Dans notre opinion, il conviendrait, outre l'éloignement ou le rapprochement des bobines, de pouvoir recourir à la faculté de raccourcir ou d'agrandir à volonté la longueur des fils des bobines mis en action. Nous n'avons pas fait d'expériences à ce sujet, mais il nous semble que la difficulté de l'établissement de la balance pour plusieurs fils pourrait devenir un obstacle pratique sérieux.
Le système de M. Hughes comporte une autre difficulté pratique, de moindre importance, et dont la solution pourrait consister dans un arrangement mécanique encore à trouver. Cette difficulté c'est l'opération de l'inversion des bobines. Au moment où l'on commence à travailler sur un fil, la bobine correspondante doit être inversée et, au moment où la transmission est finie, cette bobine doit être ramenée à sa position primitive. Cette inversion se fera-t-elle automatiquement par le manipulateur ou la combinaison qui le remplace ou bien doit-on avoir recours à un commutateur spécial? Que se produit-il, en outre, quand on travaille simultanément sur deux ou plusieurs fils? La balance n'estelle pas complètement détruite, alors même qu'elle serait bien correcte pour le travail sur un seul fil?

Ce sont là des questions qui nous paraissent encore douteuses et dont la solution pourra avoir une grande influence sur l'utilité pratique de la balance d'induction.

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