INDE FRANCAISE

L'Inde française regroupe différentes possessions coloniales françaises en Inde entre 1668 et 1954.
À partir de 1816, elles portent le nom d'Établissements français dans l'Inde (EFI) et incluent Pondichéry, Karikal et Yanaon sur la côte de Coromandel, Mahé sur la côte de Malabar et Chandernagor au Bengale.

Le premier comptoir est installé à Surate en 1668 par la Compagnie française des Indes orientales, puis c'est le tour de Pondichéry en 1673, de Chandernagor en 1686, de Mahé en 1721, de Yanaon en 1725 et de Karikal en 1739, constitués en districts d'un même territoire, auxquels s'ajoutent les comptoirs (ou loges) de Balasore, Cassimbazar, "Yougdia" (près de Sandwip).
L'apogée de l'Inde française se situe vers 1750, sous Dupleix, pendant le règne de Louis XV, où la France gère des colonies, sur la côte de Coromandel (séparées par Madras, colonisée par les Anglais), et des protectorats avec des statuts divers dans l'intérieur des terres (dont Hyderabad, une grande partie du Deccan, etc.). Avec la bataille de Plassey (1757), le royaume de France commence à perdre ses possessions en Inde, pendant la guerre de Sept ans, et ces pertes sont actées par le traité de Paris, en 1763, après lequel la France ne conserve plus que cinq comptoirs en Inde.
En 1936, la population est estimée à 298 851 habitants (la grande majorité étant constituée d'indigènes), dont 187 870 (63 %) pour Pondichéry, dont 70 français permanents (administrateurs, négociants, et religieux) et un peu moins de 130 occidentaux d'origine européenne (dont Britanniques), américaine ou australienne. Chandernagor est rendue à l'Inde dès 1950, le reste devenant indien en 1954.
La superficie de ces possessions est alors de 492 kilomètres carrés en 1954 (contre 510 kilomètres carrés, en 1949, avec Chandernagor), dont 293 km2 pour Pondichéry.

La France est la dernière puissance maritime européenne du XVIIe siècle à fonder une compagnie des Indes orientales pour commercer avec l’Orient. Alors que les compagnies anglaise et néerlandaise des Indes orientales sont fondées en 1600 et 1602 respectivement, la Compagnie française des Indes orientales n'est formée qu’une soixantaine d’années plus tard. En 1626, Richelieu tente bien de « faire de grandes Compagnies » pour commercer avec les autres continents et sous son impulsion des compagnies plus ou moins actives voient le jour pour commercer avec l’Afrique et l’Amérique mais, face à la grande réticence des négociants des villes portuaires, son projet échoue complètement en ce qui concerne l’Orient. Il revient finalement à Colbert en 1664 de créer d’autorité la Compagnie française des Indes Orientales afin de « procurer au royaume l’utilité du commerce des Indes et empêcher que les Anglais et les Hollandais n’en profitassent seuls ». Le Roi, qui nomme tous les directeurs, est le premier actionnaire de la nouvelle compagnie dont les assemblées et les activités sont et restent étroitement contrôlées par l’État.

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Expansion au XVIIIe siècle

En 1667, la Compagnie envoie une expédition commandée par François Caron, accompagné de l'Arménien persan Marcara Avanchiz, qui rejoint Surate en 1668 et y établit la première factorerie française en Inde.
En 1669, Marcara réussit à établir une autre factorerie à Masulipatam; les chofelins, les Arméniens de Marseille, importent la technique des « indiennes de Masulipatnam », et vont contribuer à l'Histoire des indiennes de coton en Europe, en l'enseignant aux maîtres cartiers de la ville. En 1672, Saint-Thomas (San Thomé aujourd'hui dans Madras) est prise par les Français de l'escadre de Perse commandée par Jacob Blanquet de la Haye, mais ils en sont chassés par les Néerlandais. Chandernagor est établie en 1692, avec la permission du nawab Shaista Khan, le gouverneur moghol du Bengale.
En 1673, les Français acquièrent la zone de Pondichéry du qiladar de Valikondapuram, Sher Khan Lodi (Chircam Loudy) sous l'autorité du sultan de Bijapur. Vers 1720, les Français perdent leurs factoreries de Surate, Masulipatam et Bantam au profit des Britanniques.
Le 4 février 1673, Bellanger de L'Espinay, un officier français de l'escadre de Perse, prend résidence dans la loge danoise de Pondichéry : c'est le début de la période française de Pondichéry.
En 1674, François Martin, le premier gouverneur, commence la construction de la ville et sa transformation d'un port de pêche en un port important. Les Français sont alors en conflit constant avec les Néerlandais et les Britanniques. En 1693, les Néerlandais prennent et fortifient Pondichéry. Les Français regagnent la ville en 1699 par le traité de Ryswick signé le 20 septembre.
Jusqu'en 1741, les objectifs français sont purement commerciaux. Durant cette période la Compagnie française des Indes orientales acquiert pacifiquement Yanaon (Yanam), Mahé et Karikal en 1739.

Apogée :Au début du XVIIIe siècle, la ville de Pondichéry est dotée d'un plan en damier et s'accroît considérablement. Des gouverneurs comme Pierre-Christophe Lenoir et Pierre-Benoît Dumas agrandissent la ville. Les Français étendent leur influence à la cour du nawab du Bengale et augmentent leur volume de commerce dans ce pays. De 1747 à 1753, la majeure partie de la péninsule indienne au sud de la plaine indo-gangétique est tombée dans la mouvance française. L'ensemble de la superficie est égale à deux fois la France, et est peuplée d'environ 30 millions d'habitants.
Déclin : En 1756, les Français encouragent le nawab Siradj al-Dawla à attaquer et conquérir le fort William britannique à Calcutta. Cela débouche sur la bataille de Plassey en 1757 au cours de laquelle les Britanniques battent le nawab et ses alliés français, avant d'étendre leur emprise sur tout le Bengale.
La France envoie ensuite Lally-Tollendal en 1758. Après des succès initiaux – le fort Saint-David à Cuddalore est rasé – il perd la région de Hyderabad, la bataille de Wandiwash et le siège de Pondichéry en 1760. En 1761, Pondichéry est rasée par les Britanniques et reste à l'état de ruines pendant quatre ans. Les Français perdent ainsi leur emprise sur l'Inde du Sud.
L'incendie et la démolition de Pondichéry en 1761 sont une grande perte pour les historiens, car l'essentiel des archives relatives à la colonisation de l'Inde par la France entre 1675 et 1761 sont détruites. Ainsi, par exemple, on ignore en partie de nombreux aspects de la colonisation française, comme les rapports des colons ou militaires français avec la population, la vie culturelle, l'administration, etc.
En 1765, Pondichéry est rendue à la France après un traité de paix avec la Grande-Bretagne.
Le gouverneur Jean Law de Lauriston rebâtit la ville.
En 1769, la Compagnie française des Indes orientales endettée est dissoute par la Couronne, puis refondée en une nouvelle compagnie, la Compagnie des Indes orientales et de la Chine, qui prend la responsabilité de l'administration des colonies françaises en Inde ; elle disparaît en 1793. Entre 1770 et 1814, Pondichéry change plusieurs fois de mains entre la France et la Grande-Bretagne. Elle est occupée par les Britanniques de 1774 à 1776, et de 1778 à 1783, puis, de 1785 à 1787, avec les 4 autres comptoirs.

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Du XIXe siècle au XXe siècle

Les 5 comptoirs sont tous occupés par les Britanniques sous la révolution française et l'Empire, soit entre 1793 à 1816.
La France ne reprend possession des comptoirs qu'à partir du début de l'année 1817, avec l'arrivée d'un gouverneur et d'un administrateur.

En 1816, après la fin des guerres napoléoniennes, les cinq établissements de Pondichéry, Chandernagor, Karikal, Mahé et Yanaon ainsi que les loges de Machilipatnam, Kozhikode et Surate sont rendus à la France. Cependant Pondichéry a perdu beaucoup de sa gloire passée et Chandernagor perd de son importance commerciale au profit de Calcutta.
À partir de 1868, les Français abandonnent tout espoir de reconquêtes en Inde, et se tournent vers l'Indochine, où ils font la conquête de Saïgon et de la Cochinchine.

Après 1870, et surtout, à partir de 1883, l'attention des Français en Asie se tourne pratiquement exclusivement vers la construction de l'Indochine Française. Les comptoirs français sont dès lors vus comme un « boulet » par l'administration coloniale française, qui souhaitait plutôt placer l'argent de la gérance des comptoirs français en Inde en Indochine Française, pour consolider le nouvel espace colonial.
Un échange des comptoirs était souhaité, mais n'aboutit pas. Une cession de facto des comptoirs était envisagée, mais en 1905 et 1906, avec l'entente cordiale, et l'alliance des Français avec les Britanniques, les Français vont faire le choix de rester symboliquement en Inde.

À la même époque, et depuis 1919, les Britanniques étaient confrontés à des vagues de nationalisme, en Inde, qui demandaient l'indépendance et le départ immédiat des Anglais. Le leader indépendantiste pacifiste Gandhi commence à être connu. Les Britanniques refusaient le départ des Français, et un éventuel abandon des comptoirs français, ce qui aurait été vu comme un acte de faiblesse des Européens, et ceci aurait accentué le nationalisme indien. Mais pour le ministère des Colonies français, les problèmes vont rester les mêmes, et ces comptoirs vont toujours coûter aussi cher à administrer, alors que cet argent pouvait servir en Indochine, qui à la même époque, aussi, commençait à connaître des mouvements nationalistes.
Avec la crise économique des années 1930, le ministère des Colonies constate que le statut de zone franche des comptoirs ne va favoriser que quelques Européens fortunés, majoritairement Britanniques, ou Américains, ce statut n'apportant strictement rien à la métropole, alors qu'en 1940 les Japonais menaçaient d'envahir l'Indochine française.

Entre 1900 et 1940, les comptoirs français en Inde, dont surtout Chandernagor, vont voir les séjours de nombreux nationalistes indiens, dont par exemple : Charu Chandra Roy, Sarala Devi Ghosal, et Aurobindo Ghosh. L'asile des nationalistes indiens par les autorités coloniales françaises était l'un des rares aspects où l'on pouvait déceler la souveraineté française en ces enclaves, quand de nombreux observateurs ou visiteurs voyaient une présence symbolique de la France une présence de façade, ou sa quasi-absence en Inde.
Sous l'influence du gouverneur Louis Bonvin, l'Inde française se rallie dès 1940 à la France libre. Elle devient territoire d’outre-mer en 1946.

Quand l'Inde devint indépendante en 1947, la France se trouva dans un douloureux jeu de géopolitique : si elle restituait immédiatement les 5 comptoirs à l'Inde, elle n'allait que renforcer la position des nationalistes en Indochine, qui se battaient pour leur indépendance.
En conservant les 5 comptoirs, elle se mettait à dos non seulement l'Inde, mais aussi les États-Unis, la Chine, ainsi que de nombreux pays des Nations unies. Si elle conservait les 5 comptoirs, c'était pour montrer qu'elle restait une grande puissance mondiale, même si les cartes étaient en train de changer.

Un accord entre la France et l'Inde en 1948 permet un vote dans les possessions françaises afin que celles-ci déterminent leur avenir.
Un groupe de six hommes est assis à une table, l'un d'entre eux signe un document ; ils sont observés par trois hommes debout sur la gauche.
L'administrateur Tailleur signant le 2 mai 1950 le transfert de Chandernagor à l'Union indienne.
L'administration de Chandernagor est cédée à l'Inde le 2 mai 1950 avant que la ville intègre le Bengale-Occidental le 2 octobre 1955.
Le 18 mars 1954, les membres de l'exécutif municipal, le maire de Pondichéry et sept communes attenantes proclament leur décision de fusionner avec l'Union indienne sans passer par un référendum. Toutes les communes de Karikal font de même. Cette décision devait être confirmée par l'Assemblée représentative, mais au moment où les membres du Parti socialiste de l'Inde française veulent passer cette résolution au vote, le gouverneur ajourne la séance. Les dirigeants socialistes décident de prendre les communes avoisinantes l'une après l'autre puis de revenir à Pondichéry. Suivant ce plan, des dirigeants du parti socialiste hissent le drapeau national indien sur le poste de police de Nettapakkam le 31 mars 1954 et y installent un gouvernement provisoire.
Dans la nuit du 11 avril 1954, à la conférence de Kandamangalam, le consul général indien, Kewal Singh, conclut que « pour libérer les colonies, il faudrait attaquer l'un des quatre principaux Établissements français » puisque les Français se moquent du gouvernement provisoire installé à Nettapakkam. Suivant son idée, le consul demande à M. Dadala de préparer un plan pour la libération de Yanaon, dont la population et la superficie sont modestes. Cela aboutit au coup d'État de Yanaon.
Un piquet de grève du mahajana sabha sous la direction d'I. K. Kumaran à Mahé, le 16 juin 1954 force l'administrateur colonial à remettre la ville à ses habitants.

En novembre 1954, les quatre établissements de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon sont transférés de facto à l'Inde.
L'intégration de jure des établissements à l'Inde a lieu en 1956. En raison du caractère sensible de cette cession, alors que la France traverse les fortes turbulences de la décolonisation, ce n'est qu'en 1962, au moment où survient l'indépendance de l'Algérie, que la cession devient effective en droit français lorsque l'Assemblée nationale ratifie le traité de 1956.
L'Inde attend jusqu'à 1963 avant de créer le Union Territory of Pondicherry (Territoire de Pondichéry) englobant les 4 anciens établissements français.
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