Les Taxiphones, Publiphones et les Télécartes

 

Novembre 2013 Après la disparition du minitel l’année d'avant rudement mis à l’épreuve par Internet et la disparition de France Télécom remplacé par Orange, c’est à un autre objet de l’opérateur téléphonique de tirer sa révérence. la fin de la télécarte est annoncée prochainement.

Télécartes utilisées dans les cabines téléphoniques ou publiphones

Fin années 1970 : La Télécarte était un dispositif de pré-paiement de télécommunications reposant sur une carte en plastique PVC, le plus souvent de type carte à puce, servant de support technologique et pouvant tenir dans un porte-feuille.
Elle est apparue largement en Europe vers la fin des années 1970, pour proposer une alternative commode au paiement en monnaie dans les cabines téléphoniques publiques, sujettes au vandalisme. Les cartes de téléphone comportait toutes une valeur faciale (pouvant aller jusqu'à 15-20 euros) et leur fabrication nécessite donc des dispositions très strictes en matière de sécurité et de qualité pour éviter toute fraude et limiter les réclamations des utilisateurs.

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Un peu d'histoire à propos des cabines publiques

On a utilisé tour à tour ou simultanément les termes de : téléphone public, cabine téléphonique, téléphone automatique, téléphone à prépaiement, Taxiphone, Publiphone. Cette abondance de termes manifeste une hésitation sur l’identité de ce que nous appellerons « téléphone public », privilégiant dans notre définition une entrée par les usages. Le téléphone public sera pour nous celui qui, situé dans les lieux publics, est offert à l’usage public. Mais cet usage est dépendant d’une transformation technique de l’objet par rapport au simple appareil à communiquer à distance par la voix, puisque l’obtention d’une communication est subordonnée à son paiement préalable.
Le téléphone public est-il une simple déclinaison du téléphone « ordinaire » ou un nouvel objet technique ?

l’obligation de présenter un système de paiement intégré à la machine et celui de sa résistance particulière à la fois aux intempéries et aux éventuelles agressions des utilisateurs. A la fonction première de communication s’est ajoutée celle de paiement immédiat et intégré à la machine, c’est-à-dire une caisse recevant pièces ou jetons, ainsi qu’une qualité de résistance particulière aux agressions. Enfin l’obligation de protéger de la pluie l’appareil et les utilisateurs a donné naissance aux habitacles fermés. L’objet originel a donc été assez profondément modifié. L’automate destiné à permettre la transaction financière a complexifié l’appareil et en a alourdi la forme. L’habitacle est devenu un édicule urbain suffisamment visible pour qu’il suffise à sa propre signalisation.
Ainsi, ces nécessités découlant directement de l’utilisation des téléphones dans les lieux publics ont suffisamment influé sur l’identité technique de la machine pour qu’on puisse dire qu’elles ont donné naissance à un projet puis à un objet technique nouveau.
Il nous faut remonter aux origines, lorsque s’est posé le problème de l’utilisation autonome d’un téléphone dépourvu de tout système de paiement intégré. Dès 1879 un simple poste Ader mural était mis à la disposition du publique dans les bureaux de poste. En 1881 les premières cabines téléphoniques publiques sont implantées par la S.G.T ( Société générale des téléphones ) à l'exposition d'éléctricité et dans Paris.
Les premières cabines téléphoniques voient le jour en France le 1er janvier 1885. Elles sont installées à l’intérieur des bureaux de poste ou dans des lieux publics, par exemple les cafés.
Les premiers téléphones installés dans les cabines sont horizontaux, obligeant les utilisateurs à se pencher en avant. Le chapeau haut-de-forme que portaient les hommes à cette époque s'en trouvait écrasé. L'ingénieur Clément Ader, le précurseur de l'aviation, travaille alors à la Société Générale des Téléphones et met au point un téléphone mural vertical. En 1889, le service du téléphone est nationalisé
Jusqu’alors, les seuls téléphones à usage public nécessitaient la médiation de la « gestionnaire », une employée des PTT qui devait à la fois recevoir les demandes de communication des clients, appeler pour eux les destinataires, répartir les clients dans les cabines, surveiller les fins de communication, veiller à ce que personne ne parte sans payer, rendre la monnaie.
Ces communications, doublement médiatisées par la machine et par l’employée des PTT, ne pouvaient être obtenues qu’aux heures d’ouverture des bureaux de Poste et dès avant la guerre de 1914, l’administration s’est préoccupée de trouver une réponse au besoin de téléphone public en utilisation autonome et, en tout premier lieu, de régler le problème du paiement de la communication.

Une première solution, rapidement abandonnée, a été de s’en remettre à l’honnêteté des usagers en plaçant à côté de l’appareil un tronc qui devait recevoir le prix des communications. Il s’agit là, observons-le, du point extrême de la non-intégration de deux fonctions (communication et rétribution de l’opérateur) se traduisant par une simple juxtaposition de deux appareils aux fonctionnalités complémentaires. On peut imaginer l’existence d’une communauté sociale composée d’individus suffisamment honnêtes et soucieux des lois pour qu’il ne soit pas nécessaire d’aller plus loin que le tronc à côté du téléphone. Mais force est de constater que le degré, insuffisant, de responsabilité de la population, un élément éminemment social ou culturel, a imposé un procédé technique liant l’obtention d’une communication au paiement d’une redevance, ce qui a finalement donné naissance au téléphone public en tant qu’objet technique.

Le premier stade de l’intégration des deux fonctions a été conçu en 1922 par l’ingénieur anglais F.W. Hall qui vers 1923 a relié un encaisseur au téléphone.
Il ne s’agissait en l’occurrence que d’un lien assez fragile, un fil électrique, qui subordonnait l’obtention d’une communication à une opération de paiement. Les deux parties de l’appareil (mais ne s’agissait-il pas encore là de deux appareils séparés ?), étaient visiblement bien distinctes, bien que reliées par un mince fil.
Plus tard, en 1924, un inspecteur des téléphones français, M. Roussotte a amélioré le dispositif en intégrant l’encaisseur et le téléphone dans un même boîtier. On a, grâce à cette intégration, un premier degré de « concrétisation » d’un objet technique, objet qui a évolué à partir de « l’abstraction » que constituait la juxtaposition de deux fonctionnalités qui n’interagissaient pas l’une avec l’autre.
Dans cette logique, le téléphone « abstrait » est le téléphone privé, doté du seul pouvoir de faire communiquer à distance, et sa concrétisation est issue de la rencontre avec une réalité du terrain, son utilisation dans le cas concret d’un site non protégé et d’une absence de médiation humaine. Dans le cas qui nous intéresse, le premier téléphone public Hall/Roussotte peut être considéré comme une étape imparfaite de concrétisation puisqu’il s’agit de deux systèmes juxtaposés : un système communiquant et un système de paiement.
Lorsque le téléphone public a parachevé la synthèse de ces deux fonctions par l’intégration de deux systèmes, il a atteint cette concrétisation qui a donné naissance à un nouvel objet technique. Les fonctions de paiement seront alors si bien liées aux fonctions de communication qu’on ne pourra plus déterminer quels éléments de l’ensemble remplissent chacun de ces deux rôles, désormais étroitement imbriqués.

Ainsi, les nombreux modèles de téléphones publics qui se sont succédé depuis celui de Hall, malgré leur grande variété de conception, présentent-ils ces mêmes caractères et leurs différences ne sont-elles que des réponses particulières, propres à chaque contexte, correspondant à ces exigences fondamentales que sont la communication, la sécurité et le paiement. L’habitacle, par exemple, qui répond à l’exigence de sécurité (protection des appareils) autant qu’au confort de l’utilisateur a pu être une cabine en bois et verre complètement fermée, un simple chapeau posé sur un pied ou accroché à un mur dans les lieux semi-protégés, où même être complètement absent dans les lieux fermés, comme dans le cas des « pointphones » posés sur le comptoir de certains cafés. La sécurité de ce dernier appareil est alors assurée, mais pas le confort des utilisateurs qui doivent téléphoner dans le bruit et en public. Quant à la fonction de communication remplie par l’appareil téléphonique lui-même, elle a surtout été modifiée en même temps que le réseau se perfectionnait en assurant automatiquement les tâches auparavant dévolues à des opérateurs (plus souvent des opératrices). Le téléphone a matérialisé ces évolutions par la disparition de la manivelle et l’introduction du cadran, par l’utilisation puis l’abandon du bouton poussoir. Le tableau 1 met en évidence la chronologie de l’évolution technique des téléphones publics et ses liens avec son histoire sociale ...

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En France bien avant les publiphones à pièces ou à carte prepayée il y avait des cabines publiques pour permettre aux abonnés de Paris et au public de téléphoner.
En 1880, les timbres-téléphone font leur apparition. C’est le premier moyen de paiement des communications.

Dès 1881 des premières cabines téléphoniques publiques sont implantées par la S.G.T ( Société générale des téléphones ) à l'exposition d'éléctricité et dans Paris. La S.G.T était la seule entreprise privée offrant un service de communication téléphonique aux particuliers, qui avait eu l'idée d'isoler ses 30 téléphones en démonstration dans des guérites en chêne capitonnées.
Les cabines téléphoniques à proprement parler se limitent longtemps à des cabines installées à l'intérieur des bureaux de Postes, télégraphes et téléphones
Première cabine Timbre téléphone
Le"timbre téléphone", qui apparut en 1880-1881 constituait le premier moyen de prépaiement des communications téléphoniques,

En 1883, 9 premières cabines téléphoniques sont exploitées à titre expérimental à Reims, dans bureaux de poste, les pavillons de l'octroi ou les
stations d'omnibus.

Avant la fin de 1884, on commença l'installation de cabines téléphoniques publiques à Paris et dans quelques villes de province.
Le service fut ouvert au public le 1er janvier 1885. Fin 1885, Paris compte 35 cabines enregistrant chacune une trentaine de communications hebdomadaires . Les cinq minutes de communication coûtent à Paris 50 centimes de francs.

Fin 1885,
Paris compte 35 cabines enregistrant chacune une trentaine de communications hebdomadaires.
Pour les utiliser, il fallait posséder une carte d'abonné
Le gouvernement délivre aux abonnés de Paris
, sur la présentation de leur contrat, une carte d'abonnement, dont le prix est de 40 francs par an, et qui leur permet de communiquer dans tous les bureaux téléphoniques et bureaux de quartiers de la Société générale des Téléphones indistinctement. La Société générale des Téléphones remet à tous ses abonnés, sur la présentation de leur contrat d'abonnement, des cartes de communication, leur donnant droit de communiquer gratuitement dans tous les bureaux de quartiers de la Société générale des Téléphones, mais dans ses bureaux seulement. Chaque abonné a droit à autant de cartes qu'il a d'abonnements.
Les cercles et les établissements publics, tels que cafés, restaurants, hôtels, etc, abonnés aux réseaux téléphoniques concédés à l'industrie privée, sont autorisés à mettre le téléphone à la disposition de leurs membres ou clients, moyennant le payement d'un abonnement double de celui qui est fixé par le tarif applicable aux abonnés ordinaires.

Anciennes cartes d'abonnement de ma collection.

Les premières cabines téléphoniques voient le jour en France le 1er janvier 1885. Elles sont installées à l’intérieur des bureaux de poste ou dans des lieux publics, par exemple les cafés.

Le 24 février 1887, à huit heures du matin, a été inauguré le service de la correspondance téléphonique entre Paris et Bruxelles. La distance est de 333 kilomètres. A la Bourse de Paris, le public a l'usage de deux cabines dont l'une est affectée aux communications d'une façon permanente.
A Bruxelles, une cabine accessible jour et nuit est installée au bureau du dépôt des télégrammes. Une seconde cabine, établie près de la grande salle des réunions, est ouverte au service pendant les heures de la Bourse seulement.
Une seconde ligne téléphonique directe, de Paris à Bruxelles, a été ouverte au public le 13 mars 1888. Le nombre des cabines aux Bourses des deux villes a été doublé.

En province, dès les années 1890, l'État incite les communes à troquer leurs systèmes télégraphiques contre des cabines dans leurs bureaux de poste. Les habitants des zones rurales ne disposaient pas de téléphone chez eux. Les postes d’abonnement publics sont installés dans les commerces, en façade desquels on trouvait la fameuse plaque téléphonique émaillée de dimensions 40X36 cm « CABINE TÉLÉPHONIQUE », plaque qui était aussi apposée en façade des bureaux de poste.
En 1885, on le renommera « bulletin de conversation », puis en 1897, « bulletin de communication ». Ils disparaissent le 1er janvier 1911.

En 1889, le téléphone public à pièces est inventé par William Gray, un scientifique américain. Son premier modèle fut installé dans une banque au Connecticut.
...

A l'exposition universelle de Paris 1900 Le public est admis à communiquer, à partir des 82 cabines mises à sa disposition dans les bureaux de l'Exposition ou en dehors de ces bureaux, avec tous les abonnés de Paris et toutes les localités qui sont en relations téléphoniques avec Paris. Des cartes permettant de téléphoner gratuitement, à partir de ces cabines, avec tous les abonnés ou les postes publics de Paris, valables pour toute la durée de fonctionnement des cabines, sont délivrées séance tenante, au prix de fr. 20, contre remise d'une photographie de l'intéressé au bureau central de la Porte Rapp ou au bureau ordinaire des abonnements, rue de Grenelle.

Dès 1923 les premiers taxiphones apparaissent à Paris – ils fonctionnent avec des pièces de 25 centimes.
L’Administration des PTT décide de confier l’exploitation des cabines téléphoniques munies d’appareils à encaissement automatique à la compagnie du taxiphone, créée en février 1923 pour l’achat et l’exploitation des brevets concernant le taxiphone. Ils sélectionnent plus précisément un modèle conçu par FW. Hall en 1922, nommé le taxiphone. Celui-ci est adapté pour la France par M. Roussote, inspecteur des téléphones, sous la direction de M.Drouet, ingénieur en chef et directeur des services téléphoniques de la région de Paris.

...
En 1924 est créée la société le Taxiphone qui fabrique les téléphones publics à encaissement électromécanique, elle signe avec l’administration des PTT une convention lui permettant non seulement de construire ces postes téléphoniques mais également de les exploiter. Elle installe ses appareils dans les cafés et les restaurants.
Parallèlement, les PTT ouvrent leurs propres cabines publiques dans les bureaux de poste et dans certaines gares.
Modèle 24 1925 Modèle pour Paris
Les taxiphones Hall

Les premiers taxiphones, au nombre de 50, apparaissent à Paris. Ils fonctionnent avec des pièces de 25 centimes.


Les 2 Modèles 24
Type SAINT-CYR BL
( Batterie Locale), interurbain, manuel à monnaie 10F et 20F, à manivelle et à timbres d’encaissement (1924) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréées des PTT 1924. Ce modèle a notamment équipé les campagnes demeurées tardivement en manuel et à batterie locale (pile électrique installée chez l'abonné) .
Shéma dusaint cyr BL
Il y avait aussi le modèle Type SAINT-CYR BCI (Batterie au Central Intégrale), interurbain, manuel à monnaie 10F et 20F, à timbres d’encaissement (1924) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréées des PTT 1924.
Ce modèle a notamment équipé les villes de province, non reliées au réseau téléphonique automatique. (Sans manivelle).
Les premiers à fonctionner avec un jeton téléphonique apparaissent en 1937.
Shéma dusaint cyr BC

Vers 1930 les premiers taxiphones urbains munis d’un cadran, compatibles avec les premiers réseaux automatiques sont installés en France. Désormais, dans les grandes villes où le réseau urbain est automatisé, l’usager se passe à présent des services des opératrices.
Le principe technique est que pour obtenir la tonalité dans le but de téléphoner à un abonné à l'aide du cadran téléphonique, il faille d’abord introduire au préalable un jeton ou une pièce de monnaie dans l’appareil.
En revanche, ce type de téléphone ne permettait l’encaissement que d’un seul jeton (ou d’une pièce de monnaie) pour chaque conversation établie. Ainsi, les taxiphones n’étaient autorisés que pour établir des communications locales ou urbaines, c'est-à-dire dont l’abonné demandé fût situé dans la même circonscription de taxe. (Communications urbaines d’ailleurs facturées sans limite de durée).
L’utilisation de ces lignes de taxiphones est restreinte par l’Administration aux seules communications urbaines. Il est alors hors de question de pouvoir appeler dans une autre ville via le réseau interurbain.

Le Type PARIS, urbain, automatique à jetons PTT, à bouton d’encaissement (circa 1937 jusqu’en 1947) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés des PTT 1924.
Conformément à l'avenant du 9 avril 1925 entre l'Administration des P&T et la Compagnie Le Taxiphone, le Taxiphone Urbain de type Paris est conçu avec une structure interne dite « Monobloc », qui est en quelque sorte une structure modulaire, montée sur gonds articulés et débrochable, particulièrement ingénieuse pour l'époque.

Une convention est passée entre l’Etat et la compagnie du Taxiphone le 15 mars 1923 : l’administration s’attribue un droit de regard exclusif sur ces cabines. Elle perçoit le prix des communications et ne laisse qu’un léger pourcentage à la compagnie privée. Cet appareil fonctionne au moyen de jetons sur un réseau équipé en automatique. La compagnie devient par la suite la Société Anonyme Française des Appareils Automatiques (SAFAA).
De 1925 à 1955, la SAFAA exploite toute une série d’appareils dérivés du premier modèle de taxiphone. Outre l’équipement des villes, ces appareils automatiques sont rapidement installés le long des routes. Ils connaissent un grand succès : ils demeurent en exploitation pendant de très nombreuses années et le terme taxiphone passe dans langage courant avant d’être remplacé, dans les années 70, par le terme de publiphone.

Les premiers taxiphones à encaissement automatique de technologie Hall, ainsi que toute la lignée qui va en découler sont donc des Taxiphones de type Urbain.

L'encaissement se fait par inversion de polarité de la ligne téléphonique.
En effet, lorsque le correspondant appelé a décroché son téléphone, le commutateur téléphonique inverse, au central, la polarité de la ligne téléphonique du taxiphone (dans le cas où il s'agisse bien du taxiphone ayant appelé), et dans chaque publiphone urbain de type Hall, un gros électroaimant se retrouve de ce fait actionné ce qui entraîne 3 conséquences :
- l'électroaimant autorise l'encaissement du jeton,
- l'électroaimant décourt-circuite le microphone du combiné du taxiphone afin que les correspondants puissent converser,
- l'électroaimant court-circuite le temps de la conversation le cadran téléphonique afin d'éviter toute fraude dite "au cadran".
Au raccrochage, le commutateur téléphonique rétablit la polarité dans son sens initial, ce qui fait revenir l'électroaimant au repos, court-circuite le microphone et libère le cadran d'appel : le taxiphone est alors prêt à traiter un nouvel appel...

En province à partir de 1935 à l'établissement du téléphone automatique-rural, ces installations se répartissent en 276 groupes et portent sur 7.054 autocommutateurs ruraux, qui desservent 55.888 abonnés et 9.302 cabines.

A partir de 1947, c'est "la compagnie le taxiphone" qui est en charge de s'occuper du téléphone public.
A
partir 1957, des systèmes de comptage de pièces permettent aux cabines téléphoniques de revenir à la monnaie.

BENJAMIN 1946 BENJAMIN 2
Les cabines installées dans les bureaux de poste, établissent un ticket pour chaque communication établie.
Ces tickets (imprimé 1392-19B), sont ensuite envoyés avec un bordereau (imprimé 1392-66) au Centre de Comptabilité Téléphonique, qui deviendra Centre régional d'Informatique des Télécommunications (C.R.I.T.) avant de prendre le nom, dans les années 80 de Centre de Facturation et de recouvrement des Télécommunications (C.F.R.T.).


1946 Type BENJAMIN urbain, automatique à jetons PTT, à bouton d’encaissement .
1955 - 1963 Type BENJAMIN (type2) urbain, automatique à jeton, puis à monnaie 50F, puis 20c, avec puis sans bouton d’encaissement (circa 1955 - 63) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés U43. Ce modèle de poste a vu beaucoup de changements au niveau du monnayeur : d'abord à jetons Taxiphone, puis en anciens francs, puis en nouveaux francs. Il y a eu des variantes avec boutons d'encaissement et d'autres sans ce bouton.

Le Type Benjamin 2 est un Taxiphone Urbain, adapté ultérieurement en appareil interurbain, de 3 manières possibles :

Variante 1 : Taxiphone Urbain Automatique + Taxiphone Interurbain Manuel.
Il s'agit de l'hybridation du taxiphone cumulant le fonctionnement initial du Taxiphone Benjamin 2 avec un Taxiphone Interurbain Manuel de Type Saint-Cyr BCI, par l'adjonction, en plus du monnayeur à Jetons, de deux monnayeurs de pièces de monnaie et de deux timbres d'encaissement internes, couplés avec un microphone interne au compartiment technique.
Ainsi en Taxiphone Urbain, il fonctionne en mode automatique habituel par introduction d'un jeton, décrochage combiné et numérotation, puis encaissement du jeton en cas de réponse du demandé, assurant dans la circonscription locale de Paris, la conversation sans limite de durée.
Mais pour appeler en dehors de la circonscription locale de Paris, donc en interurbain, le Type Benjamin 2 en est bien incapable.
Lorsque l'on souhaite joindre un correspondant lointain, l'on introduit d'abord un jeton de taxiphone, puis l'on décroche le combiné et l'on appelle à l'aide du cadran une opératrice sur le central Provence (au numéro PROvence 71.39).
Sur ce numéro spécifique qui n’est pas taxé, l'on donne alors le numéro du correspondant souhaité puis l'on raccroche. Le jeton est alors rendu à l'appelant.
Puis, l’opératrice va établir au central Provence la communication avec le correspondant interurbain, puis si elle l’obtient, met le correspondant appelé en attente, et rappelle alors le Taxiphone Benjamin 2 demandeur.
L'opératrice demande alors au Taxiphone demandeur d’introduire des pièces de monnaie qu’elle va entendre tomber dans l’appareil, grâce au microphone interne, qui va capter le son des pièces de monnaie tombant sur l’un ou l’autre des deux timbres métalliques. Une fois la somme perçue, l'opératrice met les deux correspondant en relation pour la durée prépayée.
À une époque où la retransmission des impulsions de taxation n'était pas encore inventée/diffusée, cette adaptation hybride permet alors aux parisiens de joindre, via une opératrice manuelle, un correspondant éloigné. Cet artifice n'a pas duré, le type Benjamin 2 ayant été, pour certains d'entre eux, entièrement transformé en automatique intégral.

Variante 2 : Taxiphone Urbain Automatique + Taxiphone Interurbain Manuel.
Idem à la variante 1, mais pour les appels interurbains, en dehors de la Circonscription de Paris, il y a la présence d'un deuxième bouton en bas à gauche de l'appareil (Bouton B) qui permet d'obtenir l'opératrice manuelle sans introduction de jeton.

Variante 3 : Taxiphone Urbain et Interurbain Automatique.
vers 1960, transformation en appareil interurbain entièrement automatique, par adjonction d'un détecteur de taxes périodiques à 50Hz et adjonction d'un signal lumineux avertissant l'usager de la coupure imminente, qui donnait un délai de quelques secondes pour réintroduire une nouvelle pièce de 50c pour prolonger la conversation.

Blu 700
Taxiphone Blu (fin 1950) de la SAFAA et taxiphone 700 type FGBS de la SAFAA

Type 100 et le T300

Le Type 100 urbain, automatique à monnaie 20c Lagriffoul (1957) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes U43.
Ultérieurement dans les années 1970, ce modèle est modernisé et comporte désormais un circuit téléphonique identique à celui des postes S63. Ce modèle est livré neuf jusques en 1976. Environ 25.000 Taxiphones Type 100 furent installés dans les bureaux de poste ou en cabine publique.

Le Type 200 urbain, automatique à jetons (1957) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés U43. En fait, le taxiphone type 200 est identique au type 100, excepté qu'il est pourvu d'un monnayeur à jetons. Ce modèle est livré neuf jusques en 1969. Environ 5.000 Taxiphones Type 200 furent installés dans les bureaux de poste. Ce modèle a en outre été largement déployé dans le Métropolitain Parisien.

Le Type 300 urbain, automatique à monnaie 20c Lagriffoul, sans bouton d'encaissement (1974) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés S63 autorégulé.
Descendant direct des Types 100 et 200, le Type 300 a profité de perfectionnements mécaniques, en termes de renforcement face aux effractions. Ce modèle est livré neuf jusques en 1977. Environ 7.500 Taxiphones Type 300 furent installés dans les bureaux de poste ou parfois en cabine publique.

Jusqu'en 1955 le taxiphone fonctionnera avec des jetons; à partir de cette date, les téléphones à pièces de monnaie vont prendre le relais.

1955 Taxation à distance et à la durée

Aussi appelé Télétaxe / Télécomptage

Mise en service le 13 novembre 1952 à titre expérimental, puis le 8 janvier 1955, appliquée à la publiphonie.
Les commutateurs téléphoniques sont en mesure de retransmettre, via la ligne téléphonique, les impulsions de comptage pour les pupliphones comme pour les abonnés abonnés qui souscrivent au service spécifique de Dispositif de Renvoi des Impulsions de Comptage sur un compteur spécial prévu à cet effet.

Les premiers appareils à encaissement périodiques, permettent enfin établir des communications interurbaines à partir d’un taxiphone. L’ordre d’encaissement est envoyé par la ligne téléphonique de manière automatique par le commutateur de rattachement, à la fréquence modulée en mode commun de 50Hz par rapport à la terre.

Le service de retransmission des impulsions de taxes est primordial pour le fonctionnement des taxiphones et publiphones interurbains, qu'ils soient à pièces ou à cartes prépayées.

1er dispositif 50Hz :
techniquement, le commutateur envoie par la ligne téléphonique des impulsions périodiques modulées en mode commun à la fréquence de 50Hz, via la terre utilisée en 3ème fil fantôme (ou réel lorsque la terre chez l’abonné est très mauvaise). Ce système est utilisé pour assurer l’encaissement des publiphones à jeton ou à monnaie des classes urbaine et interurbaine, La première impulsion de taxation est dédoublée par une inversion de la polarité de la ligne téléphonique, afin de permettre le fonctionnement des plus anciens types de téléphones à encaissement de monnaie ou de jeton qui font appel à un électro-aimant d’encaissement spécifique. Le procédé 50Hz est le seul procédé à pouvoir couvrir les longues distances.

2ème dispositif 12Khz :
à partir de Juillet 1977 et jusqu’en 1983, pour cause de fraude massive dite « fraude au 50Hz » dans les téléphones publics, le dispositif à 50Hz est progressivement remplacé par une modulation d’impulsions périodiques de 12KHz réalisée entre les deux fils de chaque ligne téléphonique. En plus des publiphones à monnaie ou à jeton, les publiphones à cartes reliés à une ligne analogique utilisent également ce dispositif. La première impulsion de taxation à 12Khz est également dédoublée par l’inversion de polarité pour permettre le fonctionnement des anciens téléphones à monnaie ou à jetons.

Sur ces appareils, la tonalité est obtenue dès le décrochage du combiné sans introduction d'argent, ensuite numéroter normalement et une fois que l'usager a obtenu son correspondant, il dispose d'un délai de 4 à 5 secondes pour introduire la monnaie dans l'appareil, sous peine d'être coupé dans le cas contraire. Durant ce laps de temps de quelques secondes, le microphone du publiphone est shunté, ce qui empêche toute conversation.

BENJAMIN 3
Le Type BENJAMIN modifié, interurbain, automatique à monnaie, avec ou sans bouton d’encaissement (circa 1960) équipé soit d'un circuit téléphonique des postes agréés PTT1924 ou d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés U43. (Il s'agissait d'adaptations à partir du parc de taxiphones urbains existants, d'où plusieurs variantes possibles).

T400
Type 400 Urbain automatique et Interurbain manuel, à monnaie 20F, 50F et 100F Guiraud (circa 1957) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés des U43. Reprend les caractéristiques de fonctionnement du type Benjamin 2 modifié, dans un nouvel habillage. Se serait écoulé à quelque 4.000 exemplaires... Éclipsé par l'arrivée du Type 700.
- A aussi existé le Type 500 dérivé du Type 400 dans le même boîtier, mais dépourvu de cadran. Il s'agit d'un Taxiphone Interurbain Manuel fonctionnant sur le même principe que le Type Saint-Cyr avec accès direct à une opératrice des PTT.
- A aussi existé le Type 600.


- Type 700 interurbain, automatique à monnaie, via 3 sélecteurs de pièces différentes 20c Lagriffoul, 1/2F et 1F semeuse Roty (1965) équipé d’un circuit téléphonique identique à celui des postes agréés S63 non régulés.
Cet appareil est équipé d'un comparateur de taxes (équipé d'une fenêtre d'affichage des taxes créditées restantes) et d'un mécanisme de crédit développé par M. Jean Briend, Ingénieur en chef des télécommunications.
Le détecteur d'impulsions de taxe fonctionne aussi bien en 50Hz modulé par rapport à la terre, qu'en 12kHz.
En cas de solde débiteur de taxes, la conversation est brouillée de telle sorte que la conversation devienne impossible, jusqu'à ce que l'usager introduise de la monnaie et que le solde redevienne créditeur. Si le solde demeure débiteur plus d'une dizaine de secondes, le taxiphone est raccroché automatiquement, en interne. Premières mises en service, à Paris, le 15 octobre 1965. Les disques d'appel métalliques en zamac chromé remplacent les disques d'appel en plastique à partir de Mars 1974 par déploiement sir le terrain et livrés avec tout taxiphone ou publiphone neuf à partir de Septembre 1974 quel que soit le modèle. Les derniers exemplaires du modèle Type 700 sont tous mis hors service au 31 décembre 1982.
Modèle présent très longtemps dans les bureaux de postes. Au moins 16.000 Type 700 ont été déployés en bureaux de poste ou en cabine publique.
les Taxiphones de Type 700 encore en service à la fin des années 1970 se verront équipés d'un nouveau comparateur de taxes entièrement électronique, en remplacement du comparateur de taxe électromécanique d'origine.

Par la suite ce sont de nombreux autres modèles qui vont se succéder suite aux améliorations techniques.
Au milieu des années 1960, la France accuse un sérieux retard en matière de téléphonie. En 1966, il faut attendre trois ans pour être raccordé au
téléphone, contre trois jours aux États-Unis. L'État lance une grande politique de rattrapage : l'âge d'or du publiphone peut commencer.
L'administration des PTT décide alors de mettre en place dans la rue, des bureaux de poste muets abritant une boite aux lettres, un distributeur de
timbre et un publiphone à pièces de couleur jaune (série 300).

Le
mot Taxiphone a progressivement disparu de l’usage, car en 1970, les PTT n’ont pas renouvelé la concession avec la Compagnie le Taxiphone. Pour éviter les conflits juridiques, l’administration a inventé le terme PUBLIPHONE pour remplacer le bon vieux taxiphone (Nom de marque déposé le 29 juillet 1974). Il désigne les téléphones publics disposés sur la voie publique ou dans des lieux semi-privés mais ouverts, fabriqués après 1970 par de nouvelles compagnies.

En 1973, apparaissent les premières cabines téléphoniques dans les abribus (séries 800 et 900).

En 1975, sont installées les premières cabines fermées et entièrement vitrées, dites « de Paris ». La situation du téléphone public devient difficile, en raison des 10.000 tonnes de pièces à collecter et du vandalisme.

Vers 1980 autre grande étape, essentiellement pour limiter le vandalisme, des cabines à cartes, cartes magnétiques d'abord, puis cartes à puce sont mises en place. Cela permet de sortir les cabines des bureaux de poste.

TE900 TE80
Publiphone à pièces: le TE900 à touches, TE900 à cadran et publiphone TE80.
PF32 Pc31P à volet Pc31P à platine d'introduction de la carte.

PF32 de Schlumberger, le premier publiphone à carte. Publiphone à carte PC31P (Monetel) de Landis & Gyr, Schlumberger et de Crouzet.

PF16 IPT 701 FTA 704

PF16 de Schlumberger. Publiphone IPT 701 de Monétel et FTA 704 de Monétel.

1983, les cabines téléphoniques affichent leur numéro de téléphone et peuvent être appelées.
1984, les premiers tests de la télécarte ont lieu à Blois (test de la puce CP8 de Bull) et à Lyon (test de la puce Schlumberger), 10 ans après l’invention de la carte à circuit intégré par Roland Moreno.
En juin 1985, les télécartes sont conditionnées sous plastique, le « blister ».
Un nouveau test est organisé à Grenoble en 1986.
La télécarte (dites « pyjama » en raison de leur visuel rayé bleu et blanc ) est commercialisée à partir de 1984.
La première production de masse de la carte « pyjama » a lieu en 1987.
Certains TGV ont même été équipés à partir de 1989 de téléphones publics.

Apparu en 1985, POINTPHONE ce nom de marque est utilisé pour nommer ces petits téléphones publics d’intérieur (Nom de marque déposé le 19 juin 1985). Il y a eu aussi les Téléphones Intérieurs à Cartes, similaires aux Pointphones à cartes, bien que simplifiés…
Ce sont des petits publiphones destinés à être installés dans des locaux intérieurs et surveillés, comme sur des comptoirs de bars, ou dans des hôtels, gîtes ruraux.


Puis des Téléphones public à usage spécifique : .
bornes d'appel d'urgence SNCF

La cabine téléphonique

Une cabine téléphonique est un édicule situé sur l'espace public (typiquement, le trottoir), muni d'un téléphone permettant d'émettre et, éventuellement, de recevoir des communications qui sont réglées avec une carte à puce (carte prépayée, carte bancaire), des pièces de monnaie ou des jetons.

Contrairement au téléphone public sans cabine, la cabine téléphonique permet à celui qui téléphone ou y reçoit un appel, de s'isoler du bruit ambiant, d'y tenir une conversation privée, tout en étant abrité des intempéries.
Elle permet également de téléphoner à toute heure, ce que ne permettaient pas les téléphones publics et cabines situés dans des bars, restaurants, hôtels et bureaux de poste, etc.

Une cabine téléphonique peut recevoir des appels entrants grâce au numéro de téléphone fixe qui lui est affecté.

Certains pays ont disposé de cabines téléphoniques particulièrement iconiques, à l'instar des cabines téléphoniques rouges britanniques, des cabines jaunes en Allemagne, des cabines et téléphones publics américains popularisés par le cinéma, et des cabines norvégiennes, par exemple.

En raison de la généralisation des téléphones portables, la plupart des cabines ont disparu ou sont en voie de disparition et de démantèlement, mais par culture ou nécessité certains pays les maintiennent, et dans les pays qui ont cessé d'en faire usage certaines cabines restent en place ou sont réinstallées pour d'autres utilisations, recyclées en mini-bibliothèque, en bornes d'accueil pour défibrillateurs3, en micro-restaurants, en locaux de concessionnaires à Londres ou, au Japon, en téléphone pour parler aux morts, par exemple.

L'une des plus anciennes mention connues d'un service téléphonique date de 1878. Cette année-là Thomas Doolittle met en place une ligne téléphonique payante entre Bridgeport and Black Rock (Angleterre) à l'aide de deux cabines en bois et d'un câble télégraphique de remploi. Le premier brevet d'un “cabinet téléphonique” date de 1883.
Comme nous l'avons vu,e en France, les premières cabines téléphoniques sont exploitées à titre expérimental à Reims en 1883. Dans la foulée des cabines sont implantées également à titre expérimental à Lille, Roubaix et Tourcoing. L'acte d'officialisation de l'existence des cabines téléphoniques en France date de la publication du bulletin officiel du 31 décembre 1884 et du décret du 9 janvier 1885 .


Ces appareils munis de dispositifs de paiement se nomment le plus souvent du nom de la compagnie exploitante qui les exploite, tels que Taxiphone (1924), Pointphone (1985) ou Publiphone (1974), cette dernière dénomination étant celle de la compagnie exploitante des publiphones jusqu'à la fin de la commercialisation des télécartes.

A partir de 1975 et l'annonce d'un grand plan de développement pour la publiphonie française (Plan 100 000 cabines), des modèles standardisés de cabines téléphoniques vont être très rapidement déployées en France et devenir partie intégrante de l'espace public.
L'année 1975 marque aussi la fin de l'utilisation des jetons de téléphones dans les taxiphones ; dès cette année, seules les pièces de monnaie ayant cours légal en France sont utilisées dans les publiphones français.

Le
parc atteint les 102.300 cabines téléphoniques au 31 décembre 1980.
La 100.000ème Cabine Téléphonique est fêtée officiellement en Janvier 1981, dans la ville d'Épône.
En 1984, les Cabines Téléphoniques peuvent enfin être rappelées. En effet, au départ de la publiphonie sur voie publique, l'on ne pouvait qu'uniquement téléphoner à partir des taxiphones, mais pas être rappelé.

Durant la première décennie de ce plan et malgré l'engouement qu'il suscite, ce déploiement se heurte aux vols et au vandalisme massif mais l'apparition de publiphones à cartes puis le remplacement systématique des appareils à monnaie par ces publiphones permettent un plein essor du parc de cabines téléphonique jusqu'en 1997.

L'apogée des cabines téléphoniques à carte est en 1996 et 1997, avec 115 millions de télécartes vendues !
En 1997, le réseau des publiphones comporte 250 000 cabines. Le parc français est alors le plus dense d'Europe, avec 4 cabines pour 1 000 habitants. Début 1991, les cabines se dotent d'un équipement de téléphonie sans fil et servent de relais aux premiers téléphones sans fil Bi-Bop.

Mmais le développement dès lors très rapide de la téléphonie mobile et de l'accès à Internet pour le grand public condamnent déjà la publiphonie à une fin inexorable, seulement ralentie par les obligations de services public de l'opérateur. La disparition graduelle de cette contrainte sonnera la dépose et le démantèlement de masse de la quasi-totalité des installations.

En 2002, au 1er janvier, le passage du Franc Français à l'Euro provoque la mise à l'arrêt de la totalité des publiphones de Type 900 . Une grosse partie des publiphones TE80 étant soit retirée de la voie publique, soit transformée en uniphones, seule une portion congrue de publiphones TE80 exploités sur la voie publique est convertie à l'Euro.

En 2004, en raison de la décroissance massive et généralisée du trafic publiphonique, la situation devient intenable, l'opérateur historique décide officiellement le démantèlement progressif de la totalité du parc de publiphones installés sur la voie publique qui sont placés en dehors du régime du Service Universel.

En 2005, la fin de cette année voit la mise à l'arrêt de la totalité des publiphones à pièces exploités sur la voie publique par France-Télécom (Publiphones Type TE80), et c'est ainsi qu'ont lieu en France, entre Novembre et Décembre 2005, les derniers relevages de Caisses et les derniers retours/échanges de la monnaie collectée dans les succursales de la Banque de France.

En 2013, le parc de cabines installées sur la voie publique redescend en dessous du seuil mythique des 100.000 cabines.

En 2014, la commercialisation des Télécartes cesse à partir du 14 avril. La validité de ces ultimes cartes émises est fixée au 28 février 2016. Cet arrêt de commercialisation précipite la fin de facto de l'utilisation des cabines téléphoniques en France.

Septembre 2017 la suppression des 5 450 cabines encore en service en France est planifiée pour la fin de l'année.

En 2021, au 31 décembre, il ne resterait plus que 25 cabines téléphoniques implantées sur voie publique dans les quelques villages sis en zones blanches dépourvues de GSM (2G, 3G, 4G).

En 2022, au 31 décembre, il est prévu que plus aucun publiphone ne soit encore en service en France. Ne substeront que quelques centaines de cabines vides, converties en bibliothèque/boîte à livres ou en espace social alternatif...

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La télécarte :

Hommage à Roland Moreno, qui était l'inventeur français de la carte à puce, en 1974.
Parmi les applications de la carte à puce mémoire sans microprocesseur, citons la carte téléphonique, la carte SIM des téléphones portables, ainsi que la carte Navigo pour les transports publics parisiens qui utilise les puces lisibles à distance créées initialement par Innovatron lors d'un partenariat avec la RATP. ( Le brevet a été déposé en France , 1er semestre 1975 )
L'invention de la carte à puce, avant qu'elle n'entre dans le domaine public en 1998, aura rapporté à Innovatron l'équivalent de 150 millions d'euros.


1977 Carte téléphone magnétique qui a été expérimentée au Frantel Windsor de Paris

Les Télécartes étaient émises par des opérateurs publics de téléphonie puis, prennaient pour certaines la forme de cartes prépayées, émises par des sociétés privées et dont l'utilisation se faisait par la numérotation d'un code secret (PIN). Elles étéient toujours au format carte de crédit et devenues rapidement devenues un support publicitaire.

A cet époque, les télécartes produites par France Télécom étaient essentiellement à puce.
Les premiers essais de télécartes en France ont été des tickets thermo-magnétiques, des télécartes magnétiques et des télécartes optiques (ou holographiques).

En 1984 les cartes à puce ont été introduites sur les nouvelles cabines à carte : les pubiphones.
Puis les cartes à puce ont été introduites en 1984 tout d'abord sous la forme de télécartes rayées appelées "Pyjamas" car rayées, il y a des centaines de variantes collectionnées en fonction des puces, des types d'impression, numérotation au verso, etc.

Parallèlement les télécartes holographiques sont testées et commercialisées.

Nous pouvons également citer les tickets thermo magnétiques Publiphone, testés en 1984 en France et aux Etats Unis, sans succès.
C’est la fin des tâtonnements, et la carte à puce va définitivement s’imposer à la fois comme moyen de paiement, comme support publicitaire et comme objet de collection.

En 1985 apparaît le film plastique transparent, le "blister" qui emballait la carte.

En 1986 après une nouvelle alternance politique Gérard Longuet Secrétaire d’État à la Poste et aux Télécommunications, ouvre ce qu'il dénomme des "chantiers de liberté", qui consistent, sur des périmètres bien délimités, à tester la mise en concurrence de la Direction Générale des Télécommunications par des exploitants du secteur privé qui se porteraient candidats. Le premier chantier visait les Cabines Publiques - projet abandonné en 1988, nonobstant le lobbying zélé de deux élus qui déjà en 1985 ne juraient que par la privatisation des cabines téléphoniques, comme si par magie, le vandalisme allait miraculeusement cesser -,

Les premières télécartes illustrées ont été introduites fin 1986 : France Telecom a commandé des illustrations à 4 artistes, qui ont donné naissance à 8 superbes et très rares télécartes appelées "précurseurs".

Avant même les premières télécartes à puce, le Minitel se développe fortement et avec lui des idées d'applications de commerce électronique.
Et, France Télécom a développé fin des années 2000 une nouvelle Télécarte où s'affichent des messages de la sécurité routière.

L'année 1988, est celle de la naissance de la deuxième génération de visuels grand public : les "cordons"

La télécarte pouvait s'acheter, notamment dans les bureaux de tabac, les épiceries et chez les marchands de journaux.
Pour un tarif compris entre 3 et 12,30 euros, il estait possible de disposer d'une carte de 25, 50 ou 120 unités permettant de passer des appels depuis une cabine téléphonique.
Souvent ornée d'un visuel promotionnel ou commercial, la télécarte est également devenu un objet de collection de choix, traqué par les collectionneurs. Une situation qui risque de s'accentuer un peu plus du fait d'un nouveau motif de rareté.

Le troisième type de visuel grand public, les "600 agences", intervient quant à lui en 1990.

Octobre 1991 : la position ISO va remplace la position AFNOR

F222C Ski acrobatique puce SC7 - carte en plexiglas avec autocollant au verso - première apparition de la puce SC7.

EnMai 1993 : apparition de la première télécarte T2G

la première T2G offrait une promotion de 20% sur l'ensemble des communications.
Enfin, en
1995 apparaît un nouveau composant : la télécarte de deuxième génération ou "T2G"

Novembre 1999 : le cap du milliard de télécartes vendues est atteint. A cette occasion des lots sont à gagner sur 5 visuels de 51 unités par grattage au verso de la carte.

F1018A Milliardième -Ford Ka - 51 unités dont 1 gratuite.


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Novembre 2013 La Télécarte tire discrètement sa révérence chez Orange.

Vestige de l'ère des cabines téléphoniques, la télécarte était sur le point de disparaître en 2013 : Orange a annoncé qu'il ne distribuerait plus les fameuses cartes à puce prépayées. Buralistes et autres commerçants vivaient sur leurs stocks, qui devaient durer jusqu'en 2016.

Avec le déclin progressif de la présence des cabines téléphoniques en France - il n'en resta que quelques-unes à Paris fin 2015 - et la multiplication des téléphones mobiles, la télécarte a vu son intérêt fortement décliner. A tel point qu'Orange a amorcé, l'arrêt de la distribution de cette carte à puce chez les grossistes en charge de sa commercialisation.
"Rappelons que pour l'année 2013, les cabines téléphoniques ont représenté un coût de 11,6 millions d'euros prélevé sur un budget total de 30,7 millions d'euros alloués au service universel, selon des chiffres avancés par l'ARCEP. Et cette somme devrait grimper en 2014, atteignant les 12,3 millions d'euros. Des sommes importantes sont en effet à prévoir pour rénover et entretenir le parc actuel, particulièrement vieillissant".
De son côté, Orange a estimé « inopportune une reconduction du service universel, compte tenu des investissements qui seraient nécessaires ». De l'avis de Lorraine Lépine, directrice de la publiphonie chez l'opérateur et dont les propos sont rapportés par Le Parisien, « on a un parc qui est obsolète et totalement disproportionné par rapport aux usages qu'on constate aujourd'hui ».

L'annonce de l'arrêt de la commercialisation des télécartes chez Orange remonte à novembre 2013, avec la publication d'un très court communiqué. La date du 14 avril 2014 était alors fixée.
Orange n'a pas fait de nouvelles communications sur ce point. Néanmoins, l'opérateur expliquait qu'il restait suffisamment de stock aux commerçants pour vendre des télécartes jusqu'en 2016.
Depuis, les cartes disponibles sur le marché affichaient une date de fin de validité renvoyant, au maximum, au 26 février 2016, date butoir après laquelle plus aucune télécarte ne fonctionnera.
Pourtant, les publiphones n'étaient pas encore voués à disparaître du mobilier urbain. La loi du service universel des communications électroniques stipulait en effet que chaque commune française devait être équipée a minima d'une cabine. Pour les communes de plus de 1 000 habitants, la présence de deux cabines était rendue obligatoire de par la loi.
Ce service universel n'a plus été plus assuré par Orange depuis le 14 février dernier. En effet, le mandat qui faisait de l'opérateur le gestionnaire unique des publiphones est arrivé à son terme. L'État doit depuis désigner le nouveau fournisseur du service universel.
Enfin, l'opérateur souligna qu'il était possible d'utiliser une carte bancaire ou un ticket téléphone pour utiliser une cabine téléphonique : la télécarte n'est donc pas le seul moyen de paiement.

Des centaines de millions de cartes ont été distribuées, une nouvelle génération a vu le jour avec une authentification cryptographique de la carte : nom de code T2G (Télécarte 2ème génération). Une famille d’algorithmes et de protocoles sur la rive droite du Rhin avec les industriels allemands et une autre avec nos industriels, ont augmenté la sécurité de ce type de carte… au final il s’en distribuera en France un milliard.

Plus de service universel :
Concernant le service universel, destiné à fournir publiquement un annuaire papier atait un service téléphonique de renseignement dans les cabines téléphoniques, il n'a plus été assuré par Orange depuis le 14 février. « Les usages étant de plus en plus rares, il convient aux autorités publiques de renouveler ou pas un appel d'offre concernant le service universel dans les cabines après février 2014 » explique l'entreprise, qui n'exclut pas d'éventuellement participer à une telle démarche.

La disparition des télécartes ne sonna pas le glas de la présence des cabines téléphoniques pour autant. Il y en avait encore plus de 100.000 en France. Il n’y avait pas de certitudes qu’elles soient toutes en état de fonctionnement optimal. On pouvait toujours les utiliser grâce au “ticket téléphone”, qui est une carte prépayée avec code PIN. Certaines acceptent également les cartes bleus ou les pièces de monnaies.

Alors que l'année 1997 marquait l'apogée de la télécarte en France, son utilisation a depuis décliné de 90 % en 10 ans et, une cabine téléphonique servait en moyenne 3 minutes par jour.
« L'obsolescence du lecteur à carte et la baisse de fréquentation des cabines téléphoniques ont motivé l'arrêt de la commercialisation »

Le coupable de cette disparition annoncée est indiscutablement la téléphonie mobile.

Le début de la fin pour les cartes prépayées avait commencé avec le Bi-Bop. Il s’agissait d’un premier modèle de téléphonie mobile: le téléphone 1G ! Pour accéder au réseau il fallait rester immobile dans un rayon d’action assez serré autour de l’antenne. Ces antennes étaient disséminées dans les villes pilotes qu’étaient Paris, Lille et Strasbourg ainsi que leurs banlieues.
Elles étaient repérables par une pancarte ou un bandeau horizontal composé de 3 couleurs: bleu, blanc et vert. Ces bandes colorées étaient disposées sur les mobiliers urbains ou encore les conduits de gouttières pour indiquer la présence des antennes. 0n peut encore fréquemment voir ces signalisations car toutes ces marques n’ont pas été enlevées..

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Télécarte objet de collections

Rapidement la télécarte a été recherchée par les télécartophiles.
Le développement rapide à la fin des années 1980 de la télécarte et son usage comme support publicitaire ont vite fait de la télécarte un objet de collection.
Ces collectionneurs de télécartes recherchent sans cesse la perle rare tout comme leur cousin le numismate recherche les pièces et le philatéliste examine attentivement les timbres postaux. Les télécartes se distinguent en fonction de leur visuel, mais également en fonction de leur tirage, de leur date d’édition (ou de réédition) et de leur puce. Certains modèles édités en série très limités peuvent avoir des valeurs marchandes très élevées. C’est également le cas des cartes présentant des défauts ou des erreurs

L'éditeur Infopuce publie le Phonecote, un guide annuel de cotation des télécartes.
Cependant, il faut admettre que l'explosion de la téléphonie mobile depuis la fin des années 90 a limité l'utilisation de la télécarte dans les pays les plus développés et donc l'essor de la télécartophilie. A contrario, certains pays émergents voient une explosion de la demande en télecarte.

Quelques télécartes de ma collection

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En complément vu dans "la science et la vie" de mars 1924.

DES CABINES TÉLÉPHONIQUES POUR LES PASSANTS VONT ÊTRE ÉRIGÉES SUR LAVOIE PUBLIQUE: C’EST LE « TAXIPHONE »

C’est une heureuse innovation que nous avions prévue, il y a plusieurs années déjà, à la suite de notre étude sur les appareils téléphoniques à paiement préalable, à prépaicmcnt, connue il est admis de dire dans la technique téléphonique.

Nous croyons inutile d’insister sur les avantages que présente, pour le public, l’installation de cabines téléphoniques sur les places fréquentées, aux carrefours des grandes artères, dans les gares, dans les stations principales du chemin de fer métropolitain, voire à tous les coins de rues. Celles qui fonctionnent actuellement à Paris sont très fréquentées ; elles recueillent une clientèle tout heureuse de trouver, à portée de la main pour ainsi dire, l’appareil téléphonique logé jusqu’ici exclusivement dans les bureaux de poste. Le passant, certain de rencontrer une cabine sur son chemin, appréciera cette heureuse amélioration introduite dans le service téléphonique, puisqu’elle lui évitera de nombreux dérangements et des pertes de temps.
Rompant avec les traditions, l'administration a consenti à traiter avec une compagnie privée (Compagnie pour l’exploilalion en France des téléphones aulomaliques "Le Taxiphone") pour l’installation de ces cabines. Elle en a surveillé jalousement la construction, surtout pour ce qui concerne les appareils, inventés par M. Hall ; ils ont été mis au point, en vue de leur application en France, par un inspecteur des téléphones, M. Roussotte, sous la direction de M. Drouet, ingénieur en chef, directeur des services téléphoniques de la région de Paris.
Car, est-il nécessaire de rajouter que l’administration s’est attribué un droit exclusif de «regard» sur les cabines nouvelles, droit qui comporte avant tout celui de percevoir le prix des communications, laissant, cependant, un léger pourcentage à la compagnie d’exploitation. Comme celle-ci n’espère pas distribuer de gros dividendes à ses actionnaires sur cette recette, elle s’est réservé le droit, cpii lui a été également reconnu, de transformer les cabines en « véhicules » de publicité. Ne le regrettons pas trop, puisque le public en bénéficie directement.

LES NOUVELLES CABINES DU « TAXIPIIONE » SONT ÉQUIPÉES AVEC DES APPAREILS AUTOMATIQUES QUI PERMETTENT AU PUBLIC DE DEMANDER LUI-MEME SES COMMUNICATIONS TÉLÉPHONIQUES DANS LES BUREAUX CENTRAUX DE LA CAPITALE.
Les nouvelles cabines de la compagnie du Taxiphone se présentent à peu près sous la forme de celles appartenant au type administratif,surtout lorsqu’elles sont destinées à des lieux publics couverts. Les autres, qui bientôt apparaîtront sur nos boulevards, seront de véritables petits pavillons d’une architecture sobre et suffisamment élégante.
Habitués aux services des gérantes des cabines qui nous invitent à entrer q uand le correspondant est au bout de la ligne, nous allons nous trouver livrés à nos pro-presmoyens. Or, nous sommes, en général, peu patients ; les appareils pourraient devenir les victimes inconscientes d’accès de mauvaise humeur, si nous ne nous imposions la tâche, qui n’a rien d’ingrat, d’observer les recommandations placées sous nos yeux dans la cabine même.
Car le téléphone automatique exige une manœuvre préalable à laquelle il convient de se soumettre : le versement d’une somme de 25 centimes sous la forme d'une de nos pièces de monnaie de nickel et une attente généralement de courte durée.
L’«automate» demande donc le dépôt préalable d'une pièce de 25 centimes dans la fente percée dans la paroi supérieure. On décroche ensuite le « combiné » (appareil à poignée comportant le microphone devant lequel on parle et le récepteur téléphonique) et on attend. La téléphoniste répond ; c’est le moment de lui donner le numéro de l'abonné avec lequel on désire causer.
Les manœuvres s’arrêtent là jusqu’à ce que le correspondant fasse entendre sa voix ; avant de lui répondre, le « patient » devra appuyer sur un bouton désigné par la lettre A pour effectuer lui-même l’encaissement de sa monnaie. S’il omettait ce simple geste, le microphone resterait muet, de quelques objurgations qu’on l’abreuve. L’encaissement opéré, les deux correspondants sont libres de se dire tout ce qui leur plaît.
Mais si le correspondant n’est pas là, ou bien si la ligne est occupée, le signal bien connu se fait entendre et le demandeur, appuyant sur le bouton désigné par la lettre B, rentre aussitôt en possession de sa pièce de monnaie.
Donc, l’automate joue jeu loyal ; s’il ne peut donner satisfaction, il rend aussitôt l’argent.
Les premiers appareils ont été construits avec une ouverture de réception unique au calibre des pièces de 25 centimes ; les nouveaux modèles comportent une deuxième fente, voisine de la première, destinée à recevoir les pièces de 1 franc. Dès que ces derniers seront en service, il sera alors possible de demander, depuis les cabines .
SCHÉMA DES CONNEXIONS ÉLECTRIQUES INTÉRIEURES DU « TAXIPHONE »

L, pièce de 25 centimes arrêtée à l'extrémité du levier terminé par le contrepoids Z ;
F et E, contacts fermés par la chute de la pièce et son arrêt en L ;
G, crochet du combiné ;
P, batterie alimentant le relais d'appel ;
B, batterie centrale; N, bobine de résistance;
M, microphone ;
A, armature du relais polarisé T ;
D, bouton mis à la disposition de Vopératrice du central téléphonique pour mettre momentanément le \microphone à la disposition de Vabonné en inversant le sens du courant ;
S, relais de supervision:

FIG. 3.-ENSEMBLE DES APPAREILS CONSTITUANT LE POSTE AUTOMATIQUE d’une CABINE « TAXIPIIONE » En haut, la sonnerie; au milieu, le relais; en bas, la cage du mécanisme à laquelle est accroché le « combiné »


Avec la seule ouverture de 25 centimes, il est d’ailleurs possible d'effectuer un versement de 1 franc ou plus, en ajoutant autant de pièces de 25 centimes qu’il est nécessaire, mais le procédé est véritablement trop lent et peu pratique, sauf pour les taxes de 50 et 75 centimes.
Nous étudierons plus loin la partie mécanique ; disons seulement ici que les ouvertures d’introduction des pièces sont exactement calibrées aux dimensions des pièces
de 25 centimes et de 1 franc. Si on introduisait des pièces tant soit peu petites, elles feraient une chute en pénétrant dans les glissières conductrices et seraient rejetées au dehors. Chaque pièce ne parvient donc à destination, ou plutôt en position d’attente, à l’entrée de la caisse, que si elle est de dimensions convenables.
Sur notre dessin schématique (fig. 2), nous voyons la pièce arrêtée en L, à l’extrémité d’un levier terminé par le contrepoids Z. Ce levier, basculant sous le poids de la pièce, ferme deux circuits par les contacts F et E. La butée E ferme un court-circuit local et l’autre va à la terre. Si, dès que la pièce est arrêtée sur l’extrémité du levier, on enlève le combiné de son crochet G, on ferme un circuit constitué par le fil 1 de la ligne, la batterie d’appel P, le relais d’appel et deux prises de terre, l’une à la cabine, l’autre au multiple.
La téléphoniste du bureau central verra alors la lampe d’appel s’allumer.
Mais le demandeur ne pourra se faire entendre de l’opératrice parce que son microphone a été mis en court-circuit, ainsi qu’il est facile de le voir sur notre schéma en suivant la direction des flèches en traits pleins. C’est pourquoi, à l’apparition de l’appel, la téléphoniste enfonce sa fiche de réponse dans le jack spécial de la cabine correspondant à la lampe (jack local) et envoie dans le circuit le courant de la batterie h dont nos lecteurs suivront aisément la marche indiquée par les flèches en traits pointillés. On remarque cpie ce courant ne passe pas par la bobine N, trop résistante (600 ohms) ; il s’ouvre un passage à travers un des enroulements du récepteur téléphonique (17 ohms), contourne le microphone M et, passant par l’armature A du relais polarisé T, fait retour à la batterie B par le contacté1, la résistance de 50 ohms placée aux bornes du relais T, le fil de ligne 2, le ressort du jack local, la fiche de réponse et enfin le groupe de ressorts qui vont nous permettre d’inverser le courant afin d’introduire en temps utile le microphone dans le circuit.
Il faut, en effet, que la téléphoniste entende la personne de la cabine : aussi lui donne-t-elle momentanément le microphone en appuyant sur le bouton D, placé en face d’elle, et qui, écartant les ressorts qu’il commande, change le sens du courant dans le circuit. Aussitôt, le relais polarisé T, qui n’avait pas agi sous Faction du positif, attire son armature A et ouvre le court-circuit du microphone. Comme il faut au courant une issue, il ne peut que traverser la résistance que lui opposait précédemment le microphone. Le demandeur peut alors annoncer le numéro du poste téléphonique de la personne avec laquelle il désire causer.
Aussitôt, l'opératrice, abandonnant le bouton D, rétablit le circuit normal dans le poste de la cabine (flèches pointillées) qui permet au demandeur d’entendre la conversation entre la téléphoniste et son correspondant, mais à laquelle il lui est encore interdit de prendre part, puisque son microphone est de nouveau mis en court-circuit.
Quand le correspondant est là, le demandeur, qui, rappelons-le, a tout entendu, doit appuyer sur le bouton d’encaissement (indiqué par la lettre A sur l’appareil) pour se donner à lui-même du courant de conversation dans son microphone, car la téléphoniste, ayant effectué la liaison, n’interviendra plus.
FIG. 3

L’action d’appuyer sur le bouton A a pour effet d’ouvrir la porte de la caisse à la pièce de monnaie. En même temps, le levier de balance sur lequel elle reposait se relève et les deux contacts E et F s’ouvrent. Le courant de la batterie centrale B devra donc, de nouveau, passer par le microphone pour faire retour à cette batterie par le deuxième fil de ligne ; mais, cette fois, le court-circuit du microphone est coupé en E.
La conversation engagée s’arrêtera lorsque l’un des deux correspondants aura raccroché son >, coupant ainsi la ligne 1, au moyen de son crochet de suspension G. Le relais de supervision S allumera la lampe dite également de supervision, qui, pour l’opératrice, indique la lin de conversation.
Supposons maintenant que la ligne de l'abonné demandé ne soit pas libre. Le demandeur en est avisé aussitôt par le signal spéeial que l’on connaît. Il ne lui reste plus qu’à raccrocher son récepteur et à appuyer sur le bouton (indiqué par la lettre B sur l’appareil) pour rentrer en possession de sa pièce de 25 centimes.
Quand on appuie sur le bouton B, on coupe en même temps le circuit d’appel, mais le contact F seul s’ouvre : E reste donc établi jusqu’à ce qu’une nouvelle demande suivie d’elict ait eu lieu. L’interruption du circuit a pour but de provoquer l’allumage fugitif de la lampe de supervision afin (pie la téléphoniste ]misse contrôler aussitôt le remboursement.
On remarque, sur notre schéma, une rupture de communication en K. Elle a été voulue parce que, si elle n’existait pas, l'occupant de la cabine serait en relation permanente avec la téléphoniste et, par conséquent, avec son correspondant, sans le secours de la pièce de 25 centimes, solution par trop élégante, on en conviendra sans peine.
Nous avons dit plus haut, que l’on pouvait ajouter une ou plusieurs pièces de 25 centimes pour obtenir une communication interurbaine. Lorsque le cas se présente, la téléphoniste, avant toute chose, invite le demandeur à verser les pièces supplémentaires ; celles-ci frappent sur un timbre en sortant de la glissière de réception et l’opératrice peut compter le nombre de coups grâce à un petit microphone auxiliaire installé dans le même circuit que le microphone principal, mais qui n’agit (pie sous l’action du timbre. La téléphoniste ayant ainsi contrôlé la recette peut appeler ou faire appeler le poste demandé. Toutes les opérations se succèdent comme nous l’avons décrit.
Les pièces de 1 franc, qui sont reçues dans une glissière voisine de la précédente, frappent sur un gong dont le son est très différent de celui du timbre des pièces de 25 centimes. L’opéi'atrice ne peut donc commettre d’erreur à ce sujet.

L’étude de la partie mécanique du taxiphone sera moins technique que celle des circuits. Nous allons, d’ailleurs, en indiquer simplement les organes essentiels.

Les lettres portées sur cette photographie indiquent les mêmes pièces que celles qui figurent sur le schéma 6.


La fenêtre E (fig. 4 et 6), par laquelle on introduit la pièce de monnaie, se prolonge par une glissière oblique I jusqu’au bord du timbre W que la pièce frappe avant de tomber dans une glissière verticale. Celle-ci, dissimulée derrière la plaque S, mobile sur l’axe J, est solidaire de la glissière qui épouse par conséquent toutes ses oscillations.
La pièce ne pénètre dans l’appareil que sous l’action d’un léger effort destiné à faire basculer le système de leviers I1D. Dans ce but, une goupille C s’oppose au passage et ne cède que sous l’effort, en se portant vers la droite. II est ainsi entraîné. En même temps, un talon K, fixé sur un demi-cercle également solidaire de II, vient appuyer contre le ressort R pour le porter vers la gauche et mettre ainsi le microphone en court-circuit.
Nous savons déjà, par les explications précédentes, que la pièce est en attente tant (pie l’on n’a pas appuyé sur l’un ou l’autre des boutons A et B. Elle reste dans cette position à l’extrémité recourbée du levier A", mobile autour de l’axe N, et dont le contrepoids V règle la descente. On la voit nettement dans l’encoche Y pratiquée dans la base de la plaque mobile S. Pour la faire tomber dans la caisse, il sullit, avons-nous dit, d’appuyer sur le bouton A. Cette pression fait basculer les deux petits leviers Z qui impriment un commencement de rotation au levier P, lequel, par un autre petit levier L, agit sur un ressort M pour faire osciller brusquement la plaque S. Celle-ci entraîne donc la glissière vers la gauche et la pièce, abandonnant l'extrémité recourbée du levier X, tombe dans la caisse placée sous l’appareil. C’est à ce moment que le microphone est mis en circuit pour permettre la conversation par l’ouverture des ressorts du contact O commandée par le levier X, l’extrémité de X s’étant relevée flans l’encoche Y de la plaque S ; celle-ci revenue à sa position de repos dès que l’on a cessé d’appuyer sur le bouton A.
les ressorts connecteurs O à leur position de repos. Tout cela est relativement simple.
Ajoutons que la tige coudée F est destinée à la commande d’un compteur des unités de conversation et (pie, derrière l’appareil, existe un second timbre, ou plus exactement un gong, sur lequel frappent les pièces de 1 franc dont la chute doit être également entendue par la téléphoniste. Les deux gonds G G servent à fixer tout le mécanisme électrique.


L'appareil lui-même a tourné sur ses deux gonds et montre la face opposée êt celle que représente notre figure 4. La liaison entre les connexions fixes (répartiteur ) et, les connexions fixées sur F arrière du mécanisme connexion s'effectue simplement par contact de ces plots sur des ressorts lames, non visibles sur notre photographie, en rentrant par rota'ion le mécanisme dans la boite.

Si l’abonné demandé n’est pas libre, l’occupant de la cabine doit appuyer sur le bouton B pour se faire rembourser. Dans ce cas, l’extrémité de B commande le levier coudé U dont la grande branche se dégage du talon de S sur lequel elle appuie normalement et permet à cette plaque, toujours soumise à l’action du ressort M, de porter l’extrémité de la glissière vers la droite. La pièce quitte encore l’extrémité coudée de X, mais tombe, cette fois, dans l’ouverture de sortie où l’intéressé peut la reprendre. Le frein à air comprimé. Q, qui a été mis en action en même temps, ramène lentement à l’intérieur de la boîte ; il tourne sur eux comme une porte et peut être enlevé sans effort et sans outil, si on doit le remplacer.
La description (pie nous venons de faire du taxiphone est celle d’un poste à batterie centrale intégrale, ne comportant, par conséquent, aucune pile d’appel ni de conversation, le courant étant fourni par le central téléphonique. On le transforme aisément en poste à batterie locale en vue de son utilisation dans les moyennes et les petites localités. Enfin, le taxiphone peut encore se combiner avec un dispositif d’appel à cadran pour être utilisé sur les réseaux desservis par un central automatique.

FIG. 6. - PARTIE MÉCANIQUE DU «TAXIPHONE»

E, fenêtre d’introduction des pièces de monnaie ; I, glissière ; W, timbre ; S, pièce oscillant autour de J et portant la glissière verticale dans laquelle tombe la pièce de monnaie ; H D, système de leviers basculant lorsque Von introduit la pièce de monnaie dans ia fenêtre E, en forçant sur la goupille C ; K, talon entraîné par le mouvement de bascule qui chasse le ressort R vers la gauche pour mettre le microphone en court-circuit ; Y, encoche pratiquée dans S pour recevoir Vextrémité du levier X sur laquelle la pièce de monnaie reste en position d attente; A, bouton d encaissement qui fait basculer les deux leviers Z ; le levier P tourne légèrement, entraîne le levier L qui appuie sur le ressort M pour faire osciller la pièce S, laquelle entraîne la glissière verticale vers la gauche pour faire tomber la pièce de monnaie dans la caisse. En même temps, les ressorts O, commandés par le levier X dont Vextrémité s'est relevée dans Vencoche Y (la pièce S est revenue à la position verticale après la chute de la. pièce de monnaie) mettent le microphone en circuit pour la conversation. — B, boulon de remboursement de la monnaie ; U U, levier coudé actionné par le boulon B, qui dégage S. (Cette pièce, sous l'action du ressort M, oscille, vers la droite cl laisse tomber la pièce de monnaie dans la sébille de remboursement). Q, frein à air qui ramène lentement les position de repos; F, tige coudée commandant le compteur (cette tige est solidaire oscillation du levier X ; G G, gonds supportant toute la partie mécanique du « Taxi-phone » autour desquels elle tourne.
On voit que l’appareil se prête à toutes les combinaisons possibles qu’il était, d’ailleurs, indispensable de remplir en vue de sa mise en service sur tous les réseaux actuels. Le système d'exploitation de ces réseaux peut même être modifié sans que le Taxiphone en ait à supporter le moindre inconvénient, sans imposer l’étude d'une nouvelle manœuvre au public.

L. Fournier

sommaire


Une approche sociotechnique de l'histoire du telephone public ( Par Fanny Carmagnat)

Les téléphones placés dans des cabines situées dans des lieux ouverts ont connu diverses désignations au cours de leurs quelques 120 années d’existence. On a utilisé tour à tour ou simultanément les termes de : téléphone public, cabine téléphonique, téléphone automatique, téléphone à prépaiement, Taxiphone, Publiphone. Cette abondance de termes manifeste une hésitation sur l’identité de ce que nous appellerons « téléphone public », privilégiant dans notre définition une entrée par les usages. Le téléphone public sera pour nous celui qui, situé dans les lieux publics, est offert à l’usage public. Mais cet usage est dépendant d’une transformation technique de l’objet par rapport au simple appareil à communiquer à distance par la voix, puisque l’obtention d’une communication est subordonnée à son paiement préalable. Le téléphone public est-il une simple déclinaison du téléphone « ordinaire » ou un nouvel objet technique ? L’étude des conditions de naissance du téléphone public, sa « genèse » selon la formule de Gilbert Simondon, apparaît de nature à répondre à cette question.

GENESE ET VARIATIONS D’UN OBJET TECHNIQUE
La notion de concrétisation est sans doute l’un des apports essentiels de Gilbert Simondon, à la connaissance de la technique puisqu’elle est au cœur de sa conception de la vie de l’objet technique. Marquant la genèse de l’objet technique, elle constitue sa première évolution vers une intégration de ses fonctions, une économie des échanges qui lui donne sa meilleure cohérence interne. C’est précisément cette notion que nous allons examiner à travers l’évolution des tout premiers appareils à communiquer dans les lieux publics.
Le processus de singularisation du téléphone public

L’installation des téléphones dans les lieux publics a suivi de près leur utilisation dans les entreprises et chez les particuliers, ce qui a immédiatement contraint l’appareil originel à se modifier pour répondre à ces deux exigences qui vont créer le téléphone public en tant qu’objet technique : l’obligation de présenter un système de paiement intégré à la machine et celui de sa résistance particulière à la fois aux intempéries et aux éventuelles agressions des utilisateurs. A la fonction première de communication s’est ajoutée celle de paiement immédiat et intégré à la machine, c’est-à-dire une caisse recevant pièces ou jetons, ainsi qu’une qualité de résistance particulière aux agressions. Enfin l’obligation de protéger de la pluie l’appareil et les utilisateurs a donné naissance aux habitacles fermés. L’objet originel a donc été assez profondément modifié. L’automate destiné à permettre la transaction financière a complexifié l’appareil et en a alourdi la forme. L’habitacle est devenu un édicule urbain suffisamment visible pour qu’il suffise à sa propre signalisation.
Ainsi, ces nécessités découlant directement de l’utilisation des téléphones dans les lieux publics ont suffisamment influé sur l’identité technique de la machine pour qu’on puisse dire qu’elles ont donné naissance à un projet puis à un objet technique nouveau.

Pour mettre en évidence ce processus de singularisation d’un objet technique se distinguant des téléphones privés, sous l’effet des conditions de son utilisation dans les lieux publics, il nous faut remonter aux origines, lorsque s’est posé le problème de l’utilisation autonome d’un téléphone dépourvu de tout système de paiement intégré. Jusqu’alors, les seuls téléphones à usage public étaient placés dans les bureaux de Poste et nécessitaient la médiation de la « gestionnaire», une employée des PTT qui devait à la fois recevoir les demandes de communication des clients, appeler pour eux les destinataires, répartir les clients dans les cabines, surveiller les fins de communication, veiller à ce que personne ne parte sans payer, rendre la monnaie. Ces communications, doublement médiatisées par la machine et par l’employée des PTT, ne pouvaient être obtenues qu’aux heures d’ouverture des bureaux de Poste et dès avant la guerre de 1914, l’administration s’est préoccupée de trouver une réponse au besoin de téléphone public en utilisation autonome et, en tout premier lieu, de régler le problème du paiement de la communication.

Une première solution, rapidement abandonnée, a été de s’en remettre à l’honnêteté des usagers en plaçant à côté de l’appareil un tronc qui devait recevoir le prix des communications. Il s’agit là, observons-le, du point extrême de la non-intégration de deux fonctions (communication et rétribution de l’opérateur) se traduisant par une simple juxtaposition de deux appareils aux fonctionnalités complémentaires. On peut imaginer l’existence d’une communauté sociale composée d’individus suffisamment honnêtes et soucieux des lois pour qu’il ne soit pas nécessaire d’aller plus loin que le tronc à côté du téléphone. Mais force est de constater que le degré, insuffisant, de responsabilité de la population, un élément éminemment social ou culturel, a imposé un procédé technique liant l’obtention d’une communication au paiement d’une redevance, ce qui a finalement donné naissance au téléphone public en tant qu’objet technique.

Le premier stade de l’intégration des deux fonctions a été conçu par l’ingénieur anglais F.W. Hall qui a relié un encaisseur au téléphone. Il ne s’agissait en l’occurrence que d’un lien assez fragile, un fil électrique, qui subordonnait l’obtention d’une communication à une opération de paiement. Les deux parties de l’appareil (mais ne s’agissait-il pas encore là de deux appareils séparés ?), étaient visiblement bien distinctes, bien que reliées par un mince fil. Plus tard, en 1924, un inspecteur des téléphones français, M. Roussotte a amélioré le dispositif en intégrant l’encaisseur et le téléphone dans un même boîtier. On a, grâce à cette intégration, un premier degré de « concrétisation » d’un objet technique selon la vision de Gilbert Simondon, objet qui a évolué à partir de « l’abstraction » que constituait la juxtaposition de deux fonctionnalités qui n’interagissaient pas l’une avec l’autre. Dans cette logique, le téléphone « abstrait » est le téléphone privé, doté du seul pouvoir de faire communiquer à distance, et sa concrétisation est issue de la rencontre avec une réalité du terrain, son utilisation dans le cas concret d’un site non protégé et d’une absence de médiation humaine. Simondon explique que l’objet abstrait « analytique » est composé d’éléments qui sont des systèmes complets seulement juxtaposés les uns aux autres, ce qui fragilise l’ensemble. Dans le cas qui nous intéresse, le premier téléphone public Hall/Roussotte peut être considéré comme une étape imparfaite de concrétisation puisqu’il s’agit de deux systèmes juxtaposés : un système communiquant et un système de paiement. Lorsque le téléphone public a parachevé la synthèse de ces deux fonctions par l’intégration de deux systèmes, il a atteint cette concrétisation qui a donné naissance à un nouvel objet technique. Les fonctions de paiement seront alors si bien liées aux fonctions de communication qu’on ne pourra plus déterminer quels éléments de l’ensemble remplissent chacun de ces deux rôles, désormais étroitement imbriqués. Nous pouvons donc suivre Simondon qui établit une hiérarchie dans le niveau de concrétisation des objets techniques.

Comment et pour quelle raison s’opère cette concrétisation, qui nous est présentée comme un progrès de l’objet technique ? Le raisonnement de Simondon semble s’orienter dans le sens d’une personnalisation de l’objet technique auquel il prête une direction, sinon une volonté. On constate d’ailleurs qu’il abandonne très vite le terme « d’objet » pour celui d’« individu technique ». Le processus d’individuation de la technique est, selon lui, rendu possible par « la récurrence de causalité dans un milieu que l’être technique crée autour de lui-même et qui le conditionne comme il est conditionné par lui. Ce milieu, à la fois technique et naturel, peut être nommé milieu associé ». Simondon ne dit certes pas que cet « individu technique » est autonome et indépendant de l’homme et sa critique de la pensée cybernétique est une réfutation de l’idée qu’il pourrait y avoir identité sur ce point entre êtres vivants et êtres techniques. Mais il suggère qu’il puisse exister une logique technique intrinsèque qui dirigerait l’évolution de l’objet dans le sens d’une plus grande intégration de ses différents éléments, d’une interrelation de ses fonctionnalités, d’une économie des échanges.

Dans le cas du téléphone situé dans les lieux publics, si l’objet technique a bien évolué dans le sens indiqué par G. Simondon, c’est plutôt sous la pression de l’usage qu’à cause d’un impératif interne à la technique. Après l’intégration dans l’appareil téléphonique d’un système de paiement, une autre nécessité s’est imposée aux promoteurs du téléphone public, découlant directement de sa localisation dans des lieux non protégés. En sortant des bureaux de Poste, le téléphone se trouve privé de l’aide de l’opératrice et livré aux dangers de l’extérieur. D’une part, l’usager reste seul face à la machine pour le meilleur, une communication obtenue, ou pour le pire, l’échec dans l’utilisation, un usage frauduleux ou même une tentative de destruction. D’autre part, lorsqu’il est situé à l’extérieur, le téléphone public ne peut être utilisé que s’il est protégé des intempéries. Dès lors, pour accéder à l’existence, cet objet technique a été amené à se différencier encore davantage du téléphone privé puisqu’il est désormais composé de trois éléments : un téléphone pour la partie communication, un système de paiement intégré, et enfin un habitacle. Il faut ajouter que ces divers éléments doivent avoir des qualités particulières de solidité pour résister aux attaques humaines et climatiques. Ces trois éléments (un téléphone, un système de paiement, un habitacle), auxquels s’ajoute cette qualité (la solidité) serviront de socle, de façon durable, à l’identité technique du téléphone public et seront en même temps les points-clés de son existence sociale.

Ainsi, les nombreux modèles de téléphones publics qui se sont succédé depuis celui de Hall, malgré leur grande variété de conception, présentent-ils ces mêmes caractères et leurs différences ne sont-elles que des réponses particulières, propres à chaque contexte, correspondant à ces exigences fondamentales que sont la communication, la sécurité et le paiement. L’habitacle, par exemple, qui répond à l’exigence de sécurité (protection des appareils) autant qu’au confort de l’utilisateur a pu être une cabine en bois et verre complètement fermée, un simple chapeau posé sur un pied ou accroché à un mur dans les lieux semi-protégés, où même être complètement absent dans les lieux fermés, comme dans le cas des « pointphones » posés sur le comptoir de certains cafés. La sécurité de ce dernier appareil est alors assurée, mais pas le confort des utilisateurs qui doivent téléphoner dans le bruit et en public. Quant à la fonction de communication remplie par l’appareil téléphonique lui-même, elle a surtout été modifiée en même temps que le réseau se perfectionnait en assurant automatiquement les tâches auparavant dévolues à des opérateurs (plus souvent des opératrices).
Le téléphone a matérialisé ces évolutions par la disparition de la manivelle et l’introduction du cadran, par l’utilisation puis l’abandon du bouton poussoir. Le tableau 1 met en évidence la chronologie de l’évolution technique des téléphones publics et ses liens avec son histoire sociale.

Si l’on prend l’évolution majeure que représente, dans la décennie 1980, l’abandon des appareils à pièces pour ceux fonctionnant avec les cartes, l’élément déterminant ce changement apparaît bien éminemment social. Rappelons, qu’en 1970, le plan de rattrapage de l’équipement téléphonique en France s’est traduit, concernant le téléphone public, par la multiplication de cabines dans les lieux ouverts alors qu’elles n’existaient pratiquement jusqu’alors que dans les cafés, les bureaux de Poste ou les gares. La conséquence a été une forte utilisation de ces cabines dont les appareils se remplissaient rapidement de pièces de monnaie mais aussi une vague sans précédent de vols de caissettes, bris d’appareils et donc un nombre élevé de cabines hors d’état de fonctionner. Le téléphone à carte est alors apparu capable d’être la solution technique à ces dysfonctionnements. C’est bien l’extension et la forte utilisation du parc des cabines téléphoniques qui a, indirectement, provoqué leur modification et non un défaut technique intrinsèque à l’appareil qui troublerait son bon fonctionnement. Ces modifications ne doivent rien non plus à la propension qu’aurait cet objet technique à tendre vers un idéal de simplicité ou de « beauté » technique tel que le suggère Simondon, mais à des considérations d’exploitation d’un parc trop important pour qu’on se satisfasse d’un mode de gestion artisanal.
Les variations d’un objet technique

Le téléphone public, et notamment son terminal apparaissent comme un appareil continuellement modifié. Si l’identité technique du téléphone public s’est bien fixée autour des éléments principaux qui le caractérisent : un système de communication à paiement préalable, un habitacle, le tout devant résister aux intempéries ou aux agressions, chacun de ces éléments s’est modifié, a évolué tout en conservant à l’ensemble les caractères essentiels qui lui donnent son identité. Le téléphone public s’est constitué autour de différentes fonctions (prépaiement, communication) correspondant à des ensembles distincts d’éléments techniques pouvant être modifiés séparément les uns des autres.

REFLEXION SUR LA NOTION DE FILIATION TECHNIQUE

La notion de filiation dans la succession des appareils téléphonique à prépaiement est particulièrement présente à l’esprit des ingénieurs et techniciens qui, lorsqu’ils doivent faire une présentation des produits dans une publication destinée au grand public, allient les noms de références techniques à une abondance de termes empruntés à la métaphore familiale. On relève ainsi dans les pages X à XXVII du dossier « Publiphone » de la revue interne DAAT Info les expressions suivantes : « les descendants directs », « les derniers de la lignée » (modèles urbains type 100,200 et 300), « les faux jumeaux » (modèle 900 et modèle 820), « le costaud de la famille » (modèle TE 80), « un demi-frère » (Publiphone de salle de presse), « deux frères de lait » (Publiphone TGV et Publiphone à carte magnétique), « un cousin » (téléphone d’intérieur à carte), etc. Ainsi les ingénieurs ont-ils enrichi la notion de filiation technique qui n’est plus comprise comme une évolution linéaire des modèles selon une progression descendante (père, fils, petit-fils), mais évoquent une diversification des modèles coexistant au même moment et entretiennent une relation de parenté horizontale (frère, demi-frère, cousin).
L’administration prend bien soin de marquer dans ses catalogues de produits l’existence de ces relations de parenté. Malgré de nombreuses modifications, un appareil garde son nom de modèle, son numéro de référence complet n’étant modifié que de quelques chiffres à chaque modification. Ainsi en est-il du « Modèle urbain type 100 », construit par la SAFAA, qui a été utilisé de 1957 à 1976 et qui a gardé sa référence bien que certains de ces éléments aient été remplacés par des équivalents plus robustes.
Il s’agit là de modifications d’appareils de la même gamme (appareils à pièces) et non du passage d’une gamme à l’autre, comme le serait l’adoption d’un modèle à carte. Mais l’accélération du rythme de ces modifications laisse présager l’essoufflement de la technologie employée et l’avènement probable d’une autre technologie et d’une autre gamme. En effet, ces modifications qui ont été produites en rafales sur une période de deux ans, vont toutes dans le sens d’une sécurisation, d’un renforcement de l’appareil.

Le dossier technique de la DAAT en donne la liste :
carter en tôle mécano soudée au lieu d’alliage aluminium, renforcement de la caisse et de la porte de caisse (à partir de 1972/1973), modification du sélecteur de pièces (1974/1976), encastrement du cadran d’appel (1975), plaque antipoussière (1975), disque métallique à trous borgnes (1975),
nouvel embout, nouveau flexible (1975).

Le modèle urbain type 100 a servi pendant dix-sept ans, sans qu’on éprouve le besoin de le modifier, la montée du vandalisme dans les années 1970 provoquant la vague de modifications que l’on vient de citer.
Concernant la succession des modèles d’appareils, la métaphore de la filiation apparaît tout à fait impropre. Il n’y a pas en effet continuité entre évolution biologique et évolution technique, et ceci non pas seulement à cause d’une différenciation radicale entre le vivant et l’inanimé, mais à cause de l’extrême complexité de nos sociétés. Les raisons qui font qu’un objet se transforme, ou plutôt, est transformé par ses concepteurs appartiennent à des champs divers. Des critères réglementaires, sociaux, politiques, etc. interviennent, pour orienter le changement technique au même titre que les lois de la physique et les progrès de technologies. S’il a fallu dix-sept ans pour que le téléphone public urbain évolue, c’est bien parce que ce n’est pas la technique qui mène l’évolution en une sorte de darwinisme technologique mais pour des raisons qu’il faut trouver en dehors d’elle. Le Modèle 100 ne donne pas naissance au modèle 101 comme on l’exprime improprement, mais le modèle 101 a été construit par des ingénieurs qui ont modifié le modèle 100 parce que celui-ci ne pouvait pas résister à de nouvelles conditions d’usage.

Gilbert Simondon postule l’existence d’une perfectibilité intrinsèque de l’objet technique qui tendrait, modification après modification vers un idéal de « beauté » et de simplicité technique. Mais à la différence de l’objet artistique, on ne fera pas une œuvre technique pour faire une œuvre technique. Les ingénieurs ont peut-être soupçonné depuis longtemps qu’il pourrait y avoir un téléphone public « techniquement meilleur » que l’urbain 100 mais tant que ce dernier remplit correctement son office, ils ne trouveront personne pour les autoriser à passer du temps sur la conception d’un nouvel appareil.

LE MODELE SOCIOTECHNIQUE EN QUESTION

Le téléphone public n’est pas seulement une technique, une modalité spécifique du réseau téléphonique associée à un type de terminal. Il rassemble également des éléments non techniques qui, comme les technologies employées, ont évolué chaque fois que le système s’est trouvé en situation de crise. Ses modes de gestion et d’exploitation, les règlements internes ou les articles de lois régissant sa diffusion sur le territoire, ses usages prescrits ou effectifs, les débats autour de la forme et de la situation de ses habitacles dans les villes, sa place dans l’imaginaire collectif, sont autant d’éléments qui interagissent les uns sur les autres et sur ses caractéristiques techniques, au point de permettre plus une réponse univoque à la question de la causalité sociale ou technique de chaque évolution.

La réflexion théorique sur la technique où se sont illustrés les historiens ou technologues Maurice Daumas, Bertrand Gille, Gilbert Simondon et Jacques Lafitte, s’est enrichie depuis les années 1980 de nouveaux courants, que l’on désigne sous les appellations de socioconstructivisme, nouvelle histoire des techniques ou sociologie des techniques. Refusant aussi bien un déterminisme technique de la société qu’un déterminisme social de la technique, la nouvelle histoire des techniques voit dans l’innovation et dans l’évolution des systèmes techniques un processus dynamique où éléments techniques et non techniques, humains et non humains interagissent les uns sur les autres en se modifiant eux-mêmes. D’un point de vue méthodologique, ce courant appelle les analyses microhistoriques plus que les vastes fresques comparatives et le contexte social, culturel, politique, etc. n’est pris en compte que lorsqu’il se manifeste à travers le comportement, les débats, les choix stratégiques des acteurs.

C’est à n’en pas douter le système explicatif le plus capable de rendre compte de l’évolution d’un système sociotechnique complexe, tel que nous avons identifié le téléphone public. Le grand mérite de Gilbert Simondon a été de comprendre intimement les aspects techniques d’un système et leur évolution interne. Mais, s’il n’ignorait pas l’importance de « l’environnement » des technologies, son étude s’est peu attachée à ces déterminants sociaux, politiques, économiques ou organisationnels. Quant à Bertrand Gille, son système explicatif qui s’attache à déterminer, sur de longues périodes, des correspondances entre les connaissances techniques disponibles d’une même époque, donne peu de place aux composantes sociales de l’histoire des techniques, même s’il n’ignore pas leur importance.

Toutefois, malgré le grand intérêt que nous trouvons à la nouvelle sociohistoire des techniques, nous ne pensons pas que la vaste culture technique des historiens de la période antérieure (Daumas, Gille) est totalement inutile et inapte à rendre compte du réel. Nous suivrons sur ce point Antoine Picon qui souligne l’aspect lacunaire des productions du courant de la sociohistoire des techniques. Les microrécits focalisés sur quelques phases particulières de l’évolution d’un système sociotechnique, s’ils permettent de comprendre finement les interactions entre tous les acteurs à quelques moments précis, notamment ceux de crise ou de changement, laissent dans l’ombre la plupart des autres périodes de la même technique, souvent les périodes d’équilibre, et ignorent les apports des analyses de la longue durée.

Une remarque sur un jugement d’un courant théorique qui paraît comme une sorte de leitmotiv dans la réflexion sur la technique, au point d’apparaître comme un lieu commun. On observe que, depuis que les sciences sociales s’intéressent à la technologie, la notion de déterminisme technique est présentée comme un repoussoir absolu, plus encore que celui qui rejette son symétrique, le déterminisme social de la technique. Les étudiants sont priés de traquer dans leurs raisonnements toute trace de cette tare conceptuelle, marque d’une pensée naïve. Il y a de la part des sociologues de la technique, une grande méfiance, sinon un véritable a priori contre une prise en compte des effets structurants de la technique considérés comme antinomiques avec ceux des logiques sociales, seules à pouvoir légitimement être étudiées. On peut se demander si une telle vigueur dans l’opposition ne révèle pas une défense contre une idée d’autant plus dangereuse qu’elle est proche du « bon sens » et vient spontanément à l’esprit, y compris à celui des sociologues eux-mêmes. L’attirance même pour la notion expliquerait la force de son rejet. Une autre explication tiendrait dans la position des sociologues eux-mêmes qui ne peuvent que refuser une approche qui donne si peu d’importance à leur terrain d’étude, la société, les usages, et trop à celui des ingénieurs, la technique, sur lequel ils ont moins de compétence. Il n’y a certes pas que des mauvaises raisons au rejet du déterminisme technique. Il faut noter également les nombreux exemples d’inventions n’ayant pas rencontré le succès prévu, qui relativisent le poids déterminant des techniques. Mais le danger d’un rejet a priori est celui d’une amputation de l’analyse constructiviste de sa composante technique, de crainte de lui donner trop d’importance face aux forces de la société.

Ajoutons toutefois que les écrits plus récents du courant de la sociologie des techniques évitent ces analyses par trop stéréotypées.
Car le problème est qu’on a du mal à trouver un seul théoricien se présentant comme un pur déterministe technique. Bertrand Gille ou Jacques Lafitte, qui sont en France peut-être les plus proches d’un éventuel « courant déterministe » n’ignorent pas les interactions entre la technique et son environnement, même s’ils n’en font pas leur sujet d’étude. La nécessité pour un nouveau courant théorique de se positionner contre ses prédécesseurs peut entraîner des jugements excessifs, comme celui qui rejette comme sans intérêt les œuvres monumentales des historiens de la technique de la longue période et placent au pinacle des études « micro » de type ethnologique posant pourtant le problème de la généralisation des analyses qu’elles produisent.

Les travaux de Thomas Hughes, qui appartient à la nouvelle sociohistoire des techniques, ne sont pas pour autant des microrécits présentant l’aspect lacunaire évoqué par A. Picon, et l’étude qu’il a produite sur l’électrification de l’Amérique, ainsi que le modèle théorique qu’il a forgé à partir de ce cas, suscite, à juste titre, un grand intérêt chez les sociologues et historiens des techniques.

Dans un article daté de 1998, Thomas Hughes explique que son modèle rend particulièrement bien compte de l’histoire d’une technologie en constante évolution et convient à l’observation de l’action des innovateurs et des développeurs dans leurs démêlés avec les obstacles qui s’opposent à leurs desseins. Bien que l’on puisse a priori hésiter à identifier le téléphone public comme un « macrosystème technique » autonome en raison de sa dépendance envers le réseau téléphonique, l’analyse que Hughes a produite à partir de l’histoire de l’électrification de l’Amérique apparaît propre à inspirer la réflexion sur notre sujet. La nature réticulaire du téléphone, le poids des contraintes de tous ordres qui ont orienté son évolution, l’identifient à un de ces systèmes industriels qui sont autant de « tissus sans couture » composés d’éléments hétérogènes, suivant la métaphore employée par Thomas Hughes. Si le réseau est un tissu sans couture, on peut s’interroger sur ses dimensions, et se demander où se situent ses interconnexions avec d’autres réseaux. Le modèle de Hughes est très opératoire mais pose pourtant un problème méthodologique. L’image du réseau permet de prendre en compte de multiples causalités ou interrelations réciproques dans la vie d’une innovation. Mais où va-t-on arrêter la chaînes des causalités ? Comment circonscrire un objet d’analyse dont les dimensions sont celles d’une chaîne de réseaux ? Est-il possible de tenir à la fois le proche et le lointain, le macro- et le micro-, le technique et le social ?

Reverse salient et momenta du téléphone public
La vitalité d’une approche théorique originale ne se mesure jamais aussi bien que lorsqu’on la soumet à d’autres objets que ceux qui ont été l’occasion de son élaboration. Pour approcher les concepts de la sociohistoire des macrosystèmes techniques tels qu’ils ont été formulés par Thomas Hughes, l’histoire du téléphone public servira en quelque sorte de « terrain d’expérimentation théorique ».

Si le modèle proposé par Hughes pour décrire l’évolution des systèmes sociotechniques se présente comme une classique courbe en S, son originalité réside dans la description des phases de crise (reverse salient) et des périodes d’équilibre (momentum) qui se succèdent et de la conception de l’innovation qui en résulte.

Hughes utilise l’image du reverse salient, que l’on traduit par « saillant inversé » (Alain Gras) ou « saillant rentrant » (Madeleine Akrich), pour décrire les épisodes critiques de la vie d’une innovation, les moments où certains éléments s’étant jusqu’alors combinés sans problèmes aux autres pour faire fonctionner le système, connaissent un changement de nature à en menacer le développement. Hughes estime que l’image du reverse salient permet d’éviter deux écueils :
celui de la seule prise en compte des éléments proprement techniques dans la vie d’une innovation ;
celui d’évoquer des situations de blocages et des rigidités plutôt que les phénomènes d’évolution des ensembles sociotechniques.

Le momentum est la période d’équilibre entre les éléments hétérogènes composant un système sociotechnique. C’est une phase d’incertitude où l’innovation exposée à l’environnement social peut se développer, évoluer ou bien disparaître. Nous avons choisi de décrire une de ces phases d’équilibre et de crise parmi celles que nous avons identifiées dans l’histoire du téléphone public.

L’EQUILIBRE : 1920-1950

L’époque des téléphones publics à jetons des années 1920 à 1950 est, de fait, une phase de momentum, d’équilibre entre les éléments techniques ou sociaux qui composent ce secteur de la téléphonie. Toutefois cet équilibre contient, en germe, les éléments de la crise future. Cette situation d’équilibre associe, outre la technologie mise au point par W.F. Hall et ses successeurs, une pratique réduite du téléphone dans la société française, avec notamment une demande assez faible de communications interurbaines et internationales, un consensus entre les pouvoirs publics locaux et les débitants de boissons des villes pour que ces derniers conservent un quasi-monopole du téléphone public, un partage de l’exploitation entre le secteur public et le secteur privé, un contrôle étroit de l’administration des PTT, une concession de l’Etat à une seule entreprise, des réseaux téléphoniques ne permettant pas une gestion spécifique des communications passées dans les cabines. Il s’agit là de l’organisation d’une pénurie téléphonique dans les lieux publics correspondant à celle qui sévissait dans toute la téléphonie en France. Mais dans le cas des cabines urbaines, elle semble avoir un caractère assez délibéré. En effet, en accord sur ce point avec les débitants de boissons qui souhaitaient conserver le monopole des « Taxiphone » dans leurs établissements, la préfecture de la Seine avait fixé le nombre de cabines de rues à Paris à soixante, nombre à ne pas dépasser, alors que la ville de Londres, à la même époque, en comptait plusieurs milliers.

Cet équilibre et l’expansion du téléphone public vont se trouver menacés par la poussée de la demande mettant à jour l’insuffisance des équipements téléphoniques et faisant apparaître les téléphones publics comme un palliatif nécessaire du manque d’abonnements privés. Néanmoins, ce déséquilibre ne se transformera pas immédiatement en crise dans la mesure où la décision ne sera pas prise par l’administration de répondre pleinement à la demande latente. La transformation de certains appareils qui passent du jeton aux pièces et l’apparition d’appareils à plusieurs fentes permettra, provisoirement, de colmater quelque peu les brèches de l’équilibre menacé. La volonté de l’administration de maintenir le statu quo et sa position dominante lui permettant de l’imposer, ont permis de prolonger la situation d’insuffisance et de crise larvée qui caractérise cette période.

Rupture de l’équilibre antérieur de 1970
La crise, qui couvait depuis les années 1950 s’est manifestée ouvertement à partir des années 1970, lorsque la décision a été prise de multiplier les cabines sur la voie publique. Plusieurs équilibres ont alors été rompus :
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entre l’administration et les fournisseurs habituels d’habitacles (Outelec notamment) dont les modèles et les modes de production ne convenaient plus à une diffusion massive ;
- entre débits de boisson et pouvoirs locaux, ces derniers voyant dans un premier temps de façon plutôt positive l’éclosion de nombreuses cabines sur les trottoirs des villes, ce qui a provoqué le mécontentement des patrons de cafés ;
entre usages prescrits et usages effectifs des téléphones publics, l’importance de la fraude et du vol des pièces suivant la montée de l’équipement en cabines sur la voie publique ;
- entre une technologie de terminaux convenant à des sites abrités et surveillés et l’exposition des appareils dans des lieux ouverts ;
- entre un fournisseur et opérateur concessionnaire « historique » en pleine expansion (la société Le Taxiphone SAFAA) et l’administration des PTT qui souhaitait reprendre l’entière responsabilité de l’exploitation du téléphone public et diversifier ses fournisseurs.

Ces éléments, et d’autres plus inattendus, comme les grandes grèves anglaises de 1972-1973 mettant au jour la dépendance de la SAFAA à l’égard de son alliée britannique, se sont combinés pour produire la crise la plus durable du téléphone public. En poursuivant la métaphore guerrière, qui correspond bien à l’état d’esprit des acteurs du téléphone public de cette époque, on pourrait identifier plusieurs fronts, par ailleurs interdépendants, dans cette crise :
– Sur le front de la technique, les recherches concomitantes d’un nouveau modèle d’habitacle et d’un nouveau terminal téléphonique ont connu des problèmes similaires. Le lancement des deux concours a certes amené de nouveaux modèles et de nouveaux fournisseurs. Mais les modèles retenus se sont révélés défectueux ou bien les fournisseurs incapables d’en honorer la commande. Dans le cas des habitacles, un nouveau modèle a été conçu et réalisé par l’administration. Dans le cas des terminaux, un second concours a été lancé et de nouvelles commandes d’appareils SAFA type 700 et d’appareils suisses Landis et Gyr ont dû être passées pour parer au plus pressé. Notons que, dans ce cas, ce qui est un « rentrant » pour l’administration est un « saillant » pour la SAFAA qui a encore pu vendre ses appareils 700 pourtant jugés dépassés.

Sur le front de la diversification des acteurs du téléphone public voulue par l’administration, l’alliance avec J.-C. Decaux qui devait équiper ses Abribus en cabines téléphoniques a connu des difficultés, entraînant un retard considérable du programme d’équipement : refus de certaines villes de signer des avenants au contrat avec J.-C. Decaux, réticences de certaines directions régionales des télécommunications à s’effacer devant Decaux pour l’installation de cabines, manque de coordination entre les deux entités qui doivent collaborer pour que soient connectés des appareils dans les Abribus.
Sur le front de l’exploitation, les efforts déployés pour juguler le vol des pièces de monnaie n’ont connu que des échecs ou des semi-échecs. Le nombre de cabines hors d’usage ne cessait de croître malgré les diverses mesures instaurées : collaboration avec la police, appel au civisme des riverains ou des usagers, formation des personnels, changements organisationnels, modifications des appareils, sophistication des performances du réseau.

Un nouveau momentum est survenu et la crise a été surmontée lorsque les appareils à carte ont remplacé progressivement le parc de cabines à pièces. Avec le recul, vingt ans plus tard, la carte à puce nous apparaît comme un outil idéal, puisqu’elle s’est montrée capable à elle seule, de dépasser un reverse salient particulièrement épineux. Pourtant le choix de cette technologie était, en 1982, problématique, et est d’ailleurs resté quelques années une spécificité française. L’existence de technologies concurrentes comme la carte holographique, qui a été utilisée pendant plusieurs années et qui aurait pu, elle aussi, faire l’objet d’une production de masse, nous interdit de raisonner en termes de déterminisme technique. Il ne nous appartient pas de décider que, si la carte à microprocesseur a connu le succès, c’est la preuve qu’elle était la meilleure, comme nous ne pouvons ignorer les conditions autres que techniques qui ont présidé à son avènement. Les conditions de l’abandon de la carte holographique au profit de la seule carte à microprocesseur n’incitent pas à penser qu’on a simplement constaté la supériorité de l’une sur l’autre avant de se déterminer. Le fait que la carte holographique ait été utilisée pendant une période trop longue pour n’être qu’une expérimentation en vraie grandeur nous fait croire davantage à une concurrence entre deux technologies de taille à répondre également au problème posé (la création d’une télécarte téléphonique prépayée), départagées par d’autres arguments que les performances techniques. Quand on connaît la suite de l’histoire et la postérité qu’a eue la carte à puce, on est tenté de dire que le Directeur Général des Télécommunications a fait le bon choix avec cette technologie. La carte téléphonique a été l’amorce du lancement d’une nouvelle filière industrielle dont la téléphonie n’est qu’une des applications. Mais nous avons vu précédemment que la plupart des pays développés ont préféré pendant plusieurs années se contenter de la carte magnétique et ne sont venus que bien plus tard au microprocesseur, ce qui montre qu’on pouvait répondre à un même problème par différentes solutions.

Ainsi, plutôt que de raisonner en termes de déterminisme technique, il est préférable de parler d’une recomposition du paysage du téléphone public autour du dépassement de la crise par le changement des technologies, du modèle économique et des acteurs concernés :
les difficultés de l’alliance avec Decaux ainsi que l’échec de la tentative de vente du parc des cabines à cet industriel ont replacé durablement l’opérateur national aux commandes de ce secteur de la téléphonie ;
la SAFAA n’ayant été retenue ni comme fournisseur d’habitacles ni comme fabriquant d’appareils, a presque totalement abandonné son activité dans la téléphonie;
les usages de la carte téléphonique ne se sont pas installés sans quelques résistances. Elle est tout d’abord apparue moins « démocratique » que la pièce de monnaie que l’on introduit dans la machine pour téléphoner, dans la mesure où il faut acheter un nombre relativement important d’unités téléphoniques avant toute utilisation, ce qui a provoqué les protestations d’élus et de personnalités politiques de gauche.

Si l’on s’en tient à l’exemple de la téléphonie publique, les deux références théoriques que nous avons choisies pour éclairer le développement d’une technologie apparaissent singulièrement antagonistes. La première, celle de Gilbert Simondon, postule une avancée linéaire et continue de la technique vers son apogée, et son remplacement lorsqu’elle ne peut plus progresser. Celle de Thomas Hughes, tout au contraire, ne laisse à l’argument technique qu’une place limitée dans l’explication des tribulations d’une technologie. La suite de l’histoire semble lui donner raison. Les débats actuels sur les cabines téléphoniques, ne sont plus guère du domaine de la technologie. Tout se passe comme si, la préférence pour la cabine à carte à puce étant définitivement établie, les questions autour de la téléphonie publique changeaient totalement de nature. En effet, le développement du téléphone portable, en tant qu’outil individuel de communication affaiblit la position du téléphone public comme instrument collectif de communication dans les lieux publics. Son utilité sociale se conjugue désormais au négatif : il est le téléphone des zones non couvertes par les réseaux radio ou bien le téléphone de ceux qui n’ont pas de téléphone portable. Le débat sur la technique disparaît, remplacé par celui sur l’évaluation des coûts de maintien du parc et du montant de la contribution de chaque opérateur au financement du service universel.

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