l'histoire des câbles sous-marins

La France s'est toujours intéressée aux câbles sous-marins. Et pour cause, elle fut l'une des deux grandes puissances coloniales, et les câbles télégraphiques apportaient la solution pour diriger les colonies à partir de la métropole.
Le développement du réseau fut modeste au tout début, mais à compter de 1893 et jusqu'en 1914 l'effort fut considérable, et permit de s'affranchir des Anglais pour relier métropole et colonies. En 1939, le réseau français comptait environ 60 000 km et était essentiellement orienté vers la Méditerranée et vers l'Afrique occidentale, avec deux traversées Atlantique Nord et Atlantique Sud. Le réseau mondial, quant à lui, cerclait le globe d'environ un demi-million de kilomètres de câbles télégraphiques.
Les câbles de télécommunications sous-marins installés entre 1850 et 1956 ont servi au réseau mondial de télégraphie par câblogrammes, ils utilisaient d'abord une technologie de câbles binaires en cuivre pur isolés à la gutta-percha, puis coaxiale à partir de 1933 grâce à la découverte du polyéthylène.

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Dès le début, avant tout il fallait résoudre le problème de l'isolation de l'âme du câble en cuivre :
En 1838, premiers essais de câbles sous-marins isolés avec du caoutchouc.
En 1841 un ingénieur, Wheatstone, propose à la Chambre des Communes de relier par câble l'Angleterre à la France.
En 1842, Samuel Morse réussit à installer un câble sous le port de New-York, prouvant ainsi que le concept de câble sous-marin est faisable.
En 1843, à Singapour, découverte de la gutta-percha, isolant naturel, par le docteur William Montgomerie.
En 1845, l'allemand Werner von Siemens invente l'extrusion et le collage de la gutta-percha sur un fil de cuivre.
En 1847 William Siemens, alors officier de l'armée de Prusse, posa avec succès le premier câble sous-marin utilisant une isolation à la gutta percha, à travers le Rhin entre Deutz et Cologne .
En 1849, Charles Vincent Walker , électricien du South Eastern Railway, a submergé un fil de deux miles enduit de gutta-percha au large de Folkestone, qui a été testé avec succès.

Si la maitrise des problèmes technologiques appartient aux anglais la première liaison franco-anglaise, est financée par des capitaux français.

C’est dès 1845 que deux entrepreneurs anglais, les frères John-Watkins et Jacob Brett, proposent au Government Registration Office de réaliser une liaison Europe / Amérique, puis à l’Admiralty une liaison Grande Bretagne / colonies, enfin comme premier test une liaison plus modeste en France et en Prusse et finissent par obtenir en 1847 une autorisation de Louis-Philippe pour un câble trans-Manche, mais ils ne parviennent toujours pas à réunir les fonds privés nécessaires.
Peu après, le 10 août 1849, c’est Louis Napoléon, à cette date « Prince Président », très anglophile et passionné de nouvelles technologies, qui leur concède un droit d’atterrissement d’un câble sous-marin de télégraphie électrique.
Le 28 août 1850, la English Channel Submarine Telegraph Company de John Watkins Brett, à bord du remorqueur Goliath, pose le premier câble sous-marin entre le cap Gris-Nez, en France, et le cap Southerland, en Royaume-Uni, mais il fonctionne à peine 11 minutes car il se rompt à de nombreux endroits. Il s'agit simplement d'un fil de cuivre enduit de gutta-percha, sans aucune autre protection.
Le Goliath Le Blazer
Le 25 septembre 1851, un second câble à quatre conducteurs renforcé à 8 tonnes, est construit par les frères Brett et, le 19 octobre 1851, est posé par le remorqueur Blazer, entre Calais et Douvres, il fonctionnera commercialement durant 40 ans !…
Il sera retenu par l'histoire comme le premier câble commercial sous-marin télégraphique.

Les grands noms de cette nouvelle industrie sont donc à partir de 1850 tous anglo-saxons: Gisborne (à l’origine du projet transatlantique de Cyrus Field), Charles T. Bright, John Pender (que l’on surnommera « the cable king » vers 1872), sans compter Newall et tous ses collègues qui développent à partir de 1864 sur les bords de la Tamise la célèbre TelCon (Telegraph Construction & Maintenance Co Ltd).

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Le 1er décembre 1852, les équipements intermédiaires de Douvres et Calais sont supprimés pour établir une liaison télégraphique directe entre les deux capitales. Les messages sont transmis en moins d'une heure entre la bourse de Paris et celle de Londres au lieu de trois jours auparavant
Le premier télégramme expédié le soir même, ne reçut pas de réponse : un pêcheur de Boulogne avait coupé. le câble avec son chalut croyant avoir pêché une algue d'or.

En 1853, des câbles plus performants ont été posés, reliant la Grande-Bretagne à l'Irlande , la Belgique et les Pays-Bas et traversant Les Ceintures au Danemark . La British & Irish Magnetic Telegraph Company a achevé la première liaison irlandaise réussie le 23 mai entre Portpatrick et Donaghadee en utilisant le William Hutt. Le même navire a été utilisé pour la liaison de Douvres à Ostende en Belgique, par la Submarine Telegraph Company. Pendant ce temps, la Electric & International Telegraph Company a posé deux câbles à travers la Mer du Nord , de Orford Ness à Scheveningen , Pays Bas. Ces câbles ont été posés par le câblier Monarch, un bateau à aubes qui est devenu plus tard le premier navire à disposer d'un équipement permanent de pose de câbles.

Le 10 juin 1853, Napoléon III accorde une seconde concession aux frères Brett. Ils relient la Corse et l'Algérie à la France.
Très vite en France, les financiers, le gouvernement, s'intéresse au problème des liaisons télégraphiques. Napoléon III qui vient, en 1851, d'accéder au pouvoir, est déjà entouré de ceux qui deviendront les barons de l'empire industriel français. L'heure est à la mobilisation des capitaux et à l'exaltation de l'effort industriel.
L'Etat soutient vigoureusement les efforts des Compagnies (Compagnie du télégraphe sous-marin, Compagnie de la méditerranée, Compagnie du câble transatlantique) qui se créent pour poser et exploiter les câbles.
Les raisons de cet intérêt croissant pour les câbles sous-marins sont multiples : d'abord parceque cela touche au monopole. Le monopole de la transmission des signaux tel qu'il avait été défini par la loi du 2 mai 1837 et le décret loi du 27 décembre 1851 était formulé d'une manière assez large pour que tous les progrès techniques puissent être repris en compte tour à tour.
Mais il s'agit aussi et surtout d'une politique d'état.
Les câbles sous-marins représentent au moment où la rivalité franco-anglaise est plus vive que jamais un enjeu politique, commercial et militaire (notamment lors des opérations de conquête) dont on mesure tout de suite l'importance. Londres est alors la première place financière du monde et les milieux d'affaires français par exemple ont intérêt à connaître au plus vite le cours de la bourse de Londres, plus d'intérêt en tout cas que leurs collègues anglais le cours de la bourse de Paris. C'est ce qui explique l'intérêt porté par les financiers français à l'établissement de la liaison Douvres-Calais.

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Souvenons-nous que les frères Brett (qui géraient l’entreprise familiale de leur père, fabriquant de meubles et tapissier à Bristol) ont proposé sans succès en 1845 au gouvernement britannique un projet de liaison Amérique / Europe qui aurait suivi la route du « Atlantic Cable » finalement adoptée 12 ans plus tard. En janvier 1849, l’avocat de Philadelphie Horatio Hubbell soumet aux deux chambres des USA un mémorandum proposant d’établir un câble entre Terre-Neuve et l’Irlande, câble qui serait suspendu dans l’océan par environ deux cents bouées. Il passera ensuite son temps à se défendre des attaques juridiques de Morse qui lui conteste une telle antériorité d’un projet transatlantique. En décembre 1849, le docteur en homéopathie J.H. Pulte de Cincinnati propose de raccorder les deux côtés de l’Atlantique en installant un câble essentiellement terrestre via l’Alaska, Bering and la Russie, totalisant 18,500 miles depuis Little Rock (Arkansas) jusqu’à Londres mais il ne parvient pas à intéresser le gouvernement américain à son projet.
Un projet analogue sera repris par l’entrepreneur américain Perry Collins en 1861 en partenariat avec la Western Union – qui à cette date avait achevé la liaison San-Francisco / New-York – mais sera abandonné en 1866 après le succès final de l’Atlantic Cable.
Notons que c’est sur la base d’un télégramme transmis par les constructeurs de cette ligne télégraphique en Alaska et mentionnant la présence de mines d’or dans cette région, que le secrétaire d’état US William Seward négocie le rachat de l’Alaska au Tsar russe en 1867 !
C’est en 1852 que naît le vrai projet transatlantique:
Frederick Newton Gisborne, ingénieur télégraphiste de l’ « Amérique du Nord Britannique », témoin du succès des frères Brett dans le câble Douvre / Calais, constitue une compagnie pour établir une ligne télégraphique terrestre traversant Terre-Neuve de St Jean au Cap Ray et pour poser un premier câble entre l’ile du Prince Edouard et l’ile du Cap Breton.
Mais la liaison Terre-Neuve / New-York reste très incomplète; or, l’idée était la suivante: lorsque les paquebots atterrissent sur St-John et recalent leur navigation après la grande traversée en provenance d’Europe, d’abord on peut estimer avec précision leur ETA à New-York mais surtout, de petits voiliers ou vapeurs peuvent s’en approcher, récupérer des messages dans des containers ou des bouteilles balancées par dessus bord par des informateurs et télégraphier à New-York les « time-sensitive news » des finances et de la presse avec plusieurs jours d’avance sur la remise normale de ces nouvelles à l’arrivée des bateaux au west side de Manhattan.

La route Trinity Bay (Terre-Neuve) - New-York télégraphie terrestre télégraphie sous-marine
En fin 1853, les finances de Gisborne sont à sec et celui-ci recherche de nouveaux financements à New-York et c’est là qu’il rencontre le fameux Cyrus Field. Cyrus Field , le plus jeune de sept frères, né en 1819 dans le Massaschussets « monte » à New-York à 15 ans avec 8 $ en poche et réalise une fortune telle dans l’industrie du papier qu’il peut se permettre de prendre sa retraite à l’âge de 33 ans ! Field est interessé par l’idée de Gisborne, à condition de ne pas s’arrêter à Terre-Neuve, d’aller jusqu’au bout et de traverser l’Atlantique jusqu’en Irlande et en Angleterre avec le câble télégraphique. Il commence par écouter des conseillers prestigieux, comme le Cdt Maury, Directeur de l’observatoire national des USA (qui vient justement de présenter au Secrétaire d’état à la Marine les résultats d’une campagne de sondages éxecutés sur le trajet Irlande / Terre-Neuve) et bien sûr, l’incontournable Pfr Morse qui confirme, sans autre argument que son inoxydable confiance en son propre génie, qu’un tel projet hante ses nuits et ses jours depuis 1843…
Field, une fois convaincu que son projet devrait être viable, s’attaque à la réalisation de la section New-York / St John: il achète à Morse les droits de ses brevets, et rachète pour 40 000 $ à Gisborne les privililèges et droits que sa Newfoundland Electric Telegraph Company avait obtenus du parlement canadien (exploitation pendant 50 ans de la télégraphie terrestre et sous-marine à Terre-Neuve, au Labrador, dans la province du Maine, de la Nouvelle Ecosse et dans l’Ile du prince Edouard). Il s’attache aussi à réunir des soutiens financiers et politiques en vue de son projet: la New-York, Newfoundland and London Telegraph Company est constituée le 6 mai 1854 et un capital de 1 500 000 $ est aussitôt souscrit.

A l’automne 1854, Field va à Londres commander le câble de la liaison cap Ray / cap North (il y rencontre John W Brett et William Thomson): le câble y est fabriqué et chargé sur une barque à voiles vers Terre-Neuve : la barque aidée d’un remorqueur entame la pose à partir de cap Ray mais une tempête combinée à une sous-estimation du poids du câble oblige à couper celui-ci pour éviter de faire couler la barque.
Field retourne à Londres, commande un nouveau câble qui est posé (par un steamer) et par ailleurs, sur l’ile, malgré d’énormes difficultés, la ligne terrestre St John – cap Ray est également achevée en 1856.
Field obtient du gouvernement britannique une subvention annuelle de 14 000 £/an pour l’usage du futur câble, ainsi que le prêt de navires de la Royal Navy pour effectuer de nouveaux sondages. Il a plus de mal à Washington mais obtient finalement qu’une loi soit votée lui accordant les mêmes avantages qu’à Londres, soit 70 000 $/an et la mise à disposition de deux vaisseaux de l’US Navy pour les opérations de pose. Cette aide substantielle des deux gouvernements à une entreprise purement privée et commerciale est symptomatique de l’importance aux niveaux diplomatique, stratégique, scientifique et économique que ces pays accordent à ce projet, pourtant encore bien utopique aux yeux de beaucoup.
Les 2 500 nm de câble sont produits en 6 mois à Londres, en parallèle par Glass Elliot & Co et par R.S.Newall & Co (qui toutes deux sont à l’origine des fabriquants de câbles de mines) sur la base d’une âme centrale de 7 brins de cuivre fournie et isolée par la Gutta Percha Cy.

Fabrication du câble.

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La pose est entreprise dès 1857 : un départ en fanfare des 4 navires (les mêmes que ceux de 1858 dont nous avons parlé au début) est organisé le 5 août depuis Valentia bay en Irlande, tous les bateaux naviguant cette fois vers l’ouest de concert mais, dès le 10 août, un défaut d’isolation est constaté puis un arrachement du câble dans la machine de pose qui oblige à renoncer à cette campagne. Comme nous l’avons vécu en introduction, la nouvelle campagne de 1858, avec toutes ses péripéties, semble « successful » mais échoue in fine au milieu de la fête…

Le 29 juillet 1858, 4 navires sont réunis par 52°02' de latitude Nord et 33°18' de longitude Ouest, c’est à dire au milieu de l’atlantique Nord, à égale distance de l’Irlande vers l’Est et de Terre-Neuve vers l’Ouest.

Trois de ces navires appartiennent à la Royal Navy, le quatrième à la US Navy: Mise à disposition par sa très gracieuse majesté Victoria, reine du Royaume-Uni, de Grande-Bretagne et d’Irlande.
Le 5 août 1858, à l'initiative de Cyrus Field, Charles Bright et John Brett, le premier câble transatlantique est posé entre Valentia (Irlande) et Trinity Bay (Terre-Neuve), par les deux navires militaires reconvertis en câbliers, les Niagara et Agamemnon.

L'Agamemnon
HMS Agamemnon, une frégate à trois mâts « man-of-war » de 2ème classe, deux ponts, 91 canons, 860 hommes, 70 m de long, 3 200 tonneaux, construite en 1852, qui s’est couverte de gloire en bombardant Sébastopol lors de la guerre de Crimée (« Russian war« ); il y a 2 ans, en 1856,

l’Agamemnon a été désarmé et motorisé à Portsmouth avec deux lignes d’arbres d’hélice. l’Agamemnon est commandé par le Captain Moriarty et accompagné et assisté par HMS Valorous, bâtiment de servitude et d’aide aux manœuvres, mise à disposition par la US Navy,

 

 


L'USS Niagara
L
a frégate à vapeur USS Niagara, 5 630 tonnes de déplacement, plus de 100 m de long (record du monde à l’époque), construite en 1855 par le chantier George Steers (constructeur du célèbre yatch America qui rapporta l’America’s Cup au New-York Yatch Club en 1857), et la plus rapide aussi, puisqu’atteignant 12 nœuds sur son unique ligne d’arbre.
Le Niagara est commandé par William L. Hudson (1794 – 1862) qui s’est rendu célèbre, à l’issue des guerres napoléoniennes, en bataillant en méditerranée contre les pirates barbaresques et les ottomans (« US second barbary war« , 1815). Le Niagara est assisté par HMS Gorgon (mise à disposition par la Royal Navy).

L’ensemble de cette manœuvre est réalisée en pleine mer, par houle de 3 à 5 m.

L’Agamemnon et le Niagara sont chargés chacun de 1 200 nm de câble et équipés sur le pont d’une machinerie spécifique (mise au point par le remarquable ingénieur William E. Everett) pour laisser filer leurs câbles respectifs au fond de la mer tout en les retenant mais sans risquer les rompre.
Avec l’assistance des bateaux accompagnateurs et de plusieurs chaloupes, l’extrémité du câble stocké sur le Niagara est hissé sur le pont de l’Agamemnon et une épissure est soigneusement réalisée entre les deux sections de câble, puis cette jonction est délicatement mise à l’eau et coulée jusqu’à toucher le fond (1500 brasses ou fathom soit 1 829 m de hauteur d’eau) grâce à une fonte en plomb.

Et c’est la quatrième fois en un mois que ce rendez-vous des divers bâtiments et cette manœuvre acrobatique ont ainsi lieu au milieu de l’Atlantique: La première fois, début juin 1868, avant de d’atteindre le point de rendez-vous midatlantique, un véritable ouragan – l’un des pires de toute l’histoire de l’atlantique nord – s’est déchaîné sur la flotte.

Machineries du Niagara

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Carte du câble télégraphique transatlantique de 1858.

Les bateaux ont néanmoins pu continuer leur navigation jusqu’au point prévu mais, après la pose de l’épissure au fond, pendant la pose des deux demi-câbles, la liaison électrique s’est rompue quand les deux bâtiments poseurs n’étaient séparés que de 12 (=2X6) nm. Donc, on coupe ces petites sections que l’on abandonne au fond et on recommence la manœuvre; la deuxième fois, c’est quand 2X80 nm de câble ont été posés que la rupture électrique se produit. On recoupe, on recommence la manoeuvre, l’épissure, etc. et cette troisième fois, c’est après un total de 2X250 nm de pose après l’épissure que le défaut se reproduit, ce qui contraint l’ensemble des bâtiments à revenir à Queenstown en Irlande après avoir coupé et abandonné au fond les poses effectuées. Le découragement ne faisant pas partie des équipements embarqués, après un réapprovisionnement, la flotte repart de Cork le 17 juillet, avec moins d’enthousiasme qu’en juin mais, cette fois-ci, il semblerait que la malchance se soit éloignée: à bord des deux navires poseurs, on sait tout de suite si la pose est réussie ou pas: même avec la moitié de l’atlantique entre eux, les deux bâtiments sont toujours reliés par les sections de câble déjà posées de chaque côté de l’épissure: ils ont d’importante batteries à bord et peuvent donc en permanence communiquer ou tout au moins vérifier la réalité de la continuité électrique sur toute la longueur du câble posé et à poser.

La pose se conclut le jeudi 5 août par deux atterrissements triomphaux à quelques heures d’intervalle, l’un à Trinity bay à Terre-Neuve et l’autre à Valentia bay en Irlande. La liaison télégraphique entre Terre-Neuve et New-York avait été préalablement réalisée et c’est donc dès le 5 aout 1858 que Cyrus Field, le patron de ce fantastique projet « The Atlantic Telegraph Company« , expédie de Terre-Neuve à New-York et en relai à toutes les grandes villes américaines déjà raccordées par télégraphie terrestre, un message triomphant clamant sa réussite historique.

Au total, 4 200 km de câble, d’un poids de 7 000 tonnes, sont posés. Le câble est constitué d'une âme composée d'un toron de sept fils de cuivre pur gainé de trois couches de gutta-percha (12,2 mm de diamètre). Il est armé de 18 torons formés chacun de sept fils de fer, le tout enrobé d'une mince couche de toile goudronnée.


La pose se conclut le jeudi 5 août par deux atterrissements triomphaux à quelques heures d’intervalle, l’un à Trinity bay à Terre-Neuve et l’autre à Valentia bay en Irlande. La liaison télégraphique entre Terre-Neuve et New-York avait été préalablement réalisée et c’est donc dès le 5 aout 1858 que Cyrus Field, le patron de ce fantastique projet « The Atlantic Telegraph Company« , expédie de Terre-Neuve à New-York et en relai à toutes les grandes villes américaines déjà raccordées par télégraphie terrestre, un message triomphant clamant sa réussite historique.

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Le 10 août 1858, Le message, envoyé depuis l'Angleterre, était : « L'Europe et l'Amérique sont unies par la télégraphie, Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix et bonne volonté aux hommes sur Terre ». La transmission du message de 100 mots dure 67 minutes.

La reine Victoria envoya ensuite un télégramme de félicitations au président James Buchanan dans sa résidence d'été à l'hôtel Bedford Springs en Pennsylvanie et exprima l'espoir que le câble constituerait « un lien supplémentaire entre les nations dont l'amitié repose sur leur intérêt commun et leur estime réciproque ».

Le président lui répondit que « c'est un triomphe plus glorieux, parce que beaucoup plus utile à l'humanité, que ceux gagnés par des combattants sur le champ de bataille. » et « Que le télégraphe transatlantique, avec la bénédiction du ciel, se révèle être un lien perpétuel de paix et d'amitié entre les nations apparentées, et un instrument destiné par la Divine Providence à répandre la religion, la civilisation, la liberté et la loi dans le Monde ».
On ne peut imaginer l’explosion d’enthousiasme provoqué par cette annonce dans tout le pays: saluts au canon, pavillons envoyés, cloches sonnant des heures durant, poèmes et chansons spécialement composés et entonnés sur les places, célébrations religieuses, banquets géants, etc. Des orateurs exaltés parlent du « roi Cyrus » ou de « Cyrus le Grand », l’un d’eux déclamant: « Colomb dit: il y a un monde, faisons-en deux, mais Field dit: il y a deux mondes, n’en faisons qu’un! ». Le 16 août, on publie les messages suivants échangés via le câble entre la reine Victoria et le Président américain James Buchanan. Ces premiers messages, codés en Morse ont été difficiles à déchiffrer.
Ces messages ont engendré une explosion d'enthousiasme. Le lendemain matin, un tir de salut de 100 canons retentit à New York, les rues étaient décorées de drapeaux, les cloches des églises sonnaient, et la nuit la ville était illuminée. Le 1er septembre, il y eut un défilé suivi d'une procession aux flambeaux et de feux d'artifice, qui provoquèrent un incendie dans l'hôtel de ville.

La ligne ne fonctionne que vingt jours, jusqu'au 1er septembre : Wildman Whitehouse, ingénieur de la société Newall, pensant accélérer la transmission, provoque le claquage de la liaison en appliquant une tension de pile destructrice.
Le fonctionnement du nouveau câble fut compromis par le fait que les deux principaux ingénieurs électriciens de la société avaient des idées très différentes sur la façon dont le câble devait fonctionner. Lord Kelvin et le Dr Wildman Whitehouse se trouvaient aux extrémités opposées du câble, ne communiquant que par le câble lui-même.

Lord Kelvin, situé à l'extrémité ouest (Terre-Neuve), pensait qu'il était suffisant d'utiliser une tension basse et de détecter seulement le front montant du courant qui sortait du câble et qu’il était inutile de surveiller la suite du signal (le code Morse utilisait un courant électrique positif pour un « point » et un courant négatif pour un « tiret »). Lord Kelvin avait inventé un galvanomètre à miroir précisément optimisé pour détecter rapidement le changement de sens du courant.
À l'extrémité est du câble (en Irlande) se trouvait Wildman Whitehouse. Il était l'électricien en chef de la compagnie et docteur en médecine – c’était un autodidacte dans le domaine de l’électricité. Whitehouse estimait que, pour que la détection du changement du sens du courant en réception soit la plus rapide possible le câble devrait être alimenté à partir d'une source à haute tension (plusieurs milliers de volts venant de bobines d'induction).
La situation a été aggravée par le fait que alors que du code Morse intelligible était vu sur le galvanomètre à miroir à l'extrémité coté est, Whitehouse insistait pour que le galvanomètre de Kelvin soit déconnecté et remplacé par son propre enregistreur télégraphique breveté qui était beaucoup moins sensible.
Les conséquences de ces mauvaises manipulations et de la conception imparfaite du câble, conjuguées aux tentatives répétées de Whitehouse d’alimenter le câble sous haute tension, ont compromis l'isolation du câble ; il fallait de plus en plus de temps pour envoyer les messages. Vers la fin, l'envoi d'une demi-page de texte de message prenait jusqu'à un jour.

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1858 le télégraphe à Jersey :

La plupart des premiers circuits télégraphiques ont été construits sur terre à l'aide de poteaux et de fils ouverts, mais le premier câble sous-marin réussi a été posé en 1851 de Douvres à Calais.
Les frères John et Jacob Brett ont proposé en 1845 d'établir un système général de communication télégraphique pour la Grande-Bretagne, et en 1847 ont obtenu une concession du gouvernement français pour établir un câble entre l'Angleterre et la France.
Comme nous l'avons déjà évoqué, le câble de Bretts de 1850 n'a pas fonctionné, mais une deuxième tentative entre Douvres et Calais en 1851 s'est avérée un succès durable : le premier câble télégraphique sous-marin commercialement viable au monde.
En 1858, il y avait des lignes télégraphiques partout, y compris quelques câvles sous-marins, une expansion grandement encouragée par les compagnies de chemin de fer qui utilisaient elles-mêmes la télégraphie de manière intensive et fournissaient également les routes sur lesquelles les systèmes télégraphiques pouvaient être érigés. C'est dans ces circonstances que le désir d'une connexion télégraphique avec le Royaume-Uni a grandi.

Les hommes d'affaires de Jersey, toujours soucieux de profiter de tous les avantages, étaient très enthousiastes à l'idée d'une connexion quasi instantanée avec la bourse de Londres ou leurs partenaires commerciaux. Fin juin 1858, le fabricant et entrepreneur de câbles, W T Henley d'East Greenwich, arriva à Guernesey prêt à préparer les tranchées pour la partie terrestre du câble et il était attendu à Jersey peu après. Le 6 juillet, la London Shipping Gazette rapportait : " Initialement destiné à aller de Weymouth via Alderney à Jersey puis Guernesey, le câble ira désormais Aurigny-Guernesey-Jersey, atterrissant à l'Ancresse Bay Alderney et St Martins Point Jersey. La dernière route maritime empruntée était de l'île de Portland.
Le câble a été posé par le navire câblier Elba qui appartenait au fabricant de câbles R S Newall and Company, l'Elba était peut-être le premier navire correctement équipé pour la pose de câbles ayant des réservoirs circulaires, des cônes ... qui sont devenus l'équipement standard pour les opérations de câble.
Le 3 août, l'Elba est arrivé de Birkenhead
pour poser le câble télégraphique de Jersey à Guernesey , à Aurigny puis à Weymouth.
Le câble
était recouvert de gutta percha et roulé dans un grand tambour dans la mer et sur le rivage. La gutta percha est une substance naturelle obtenue principalement à partir du latex du genre malais Sapotaceae d'arbres à caoutchouc. Il est plus dur que le caoutchouc normal et beaucoup moins flexible. Il est cependant étanche, très résistant aux courants électriques et très résistant à l'usure et a été largement utilisé comme matériau isolant au début des équipements électriques et a continué à être utilisé pour le câble sous-marin dans le XXe siècle.
L'opération sera terminée avec succès en septembre 1858. Des problèmes se sont développés rapidement avec onze ruptures survenues en 1860 en raison des tempêtes, des mouvements de marée et de sable et de l'usure des roches. Un rapport adressé à l'Institution of Civil Engineers en 1860 expose les problèmes pour aider aux futures opérations de pose de câbles.

En septembre 1858, après plusieurs jours de détérioration progressive de l'isolant et de corrosion du câble, le câble tomba en panne.
Dans l'enquête qui s'ensuivit, le Dr Whitehouse fut jugé responsable de l'échec et la société n'a pas échappé aux critiques pour avoir employé un ingénieur électricien sans qualifications reconnues.
Certains ont aussi fait valoir que la fabrication, le stockage au soleil et la manipulation défectueuse du câble de 1857/1858 auraient de toute façon conduit à une défaillance prématurée.
La défaillance rapide (3 semaines) de ce premier câble mina la confiance du public et des investisseurs et retarda les efforts pour établir une nouvelle connexion transatlantique. La Guerre de Sécession, entre 1861 et 1865 contribua aussi à retarder les projets de nouveaux câbles.
La tentative suivante ne fut entreprise qu’en 1865 avec des matériaux très améliorés ; après quelques échecs, la liaison fut achevée et mise en service le 28 juillet 1866. Ces nouveaux câbles s'avérèrent plus durables.

Câble Jersey France
Dès 1858, il y avait des rumeurs selon lesquelles un câble serait posé de Jersey à la France.
La Submarine Telegraph Company, fondée par Thomas Crampton, avait posé le premier câble télégraphique à travers la Manche en 1851. En 1858, il y avait déjà un transporteur télégraphique international qui avait posé plusieurs câbles pour la France et détenait une licence du gouvernement français pour transporter des télégraphes sur le territoire français. Au cours de l'été 1859, la Submarine Telegraph Company a demandé aux gouvernements britannique et français l'autorisation de faire passer un câble de Jersey à la France.
Au début, la Channel Islands Telegraph Company et leur société mère, l' Electric and International Telegraph Company , qui étaient des rivales de la Submarine Telegraph Company, ont soulevé des objections à la pose d'une extrémité à terre à Jersey.
En conséquence, les États ont d'abord été avisés par les autorités britanniques d'empêcher tout câble d'atterrir à Jersey. Après de nouvelles négociations, cependant, la Channel Islands Telegraph Company a retiré son objection et la Submarine Telegraph Company a obtenu une licence du gouvernement britannique.

En septembre 1858 , le gouvernement de Sa Majesté a nommé le comte de Malmesbury pour diriger les négociations avec la France au nom de la Submarine Telegraph Company pour renouveler la licence d'exploitation sur le sol français et pour l'autorisation du câble de Jersey. Le gouvernement français a d'abord été réticent à renouveler ce qui était un monopole virtuel mais a finalement concédé et renouvelé la licence pour 25 ans, la moitié de la période initialement demandée. Cela a en effet ouvert la voie au câble français.
L'itinéraire à emprunter par le nouveau câble allait de la baie de Fliquet à Jersey à Pirou, sur la côte normande au sud de Lessay, et jusqu'à Coutanches.

Le 10 janvier 1860, le câblier Resolute est affrété pour poser le câble.
Le câble utilisé sur cette route était plus important que celui utilisé par la Channel Islands Telegraph Company. Une description contemporaine indiquait que le câble était composé de 7 brins de cuivre recouverts de gutta percha et ayant les mêmes dimensions que le câble atlantique posé en 1858. La gaine extérieure est composée de 12 fils fils de fer de calibre n°5. Le câble résultant était légèrement plus important que celui de la Manche.
La ligne terrestre à Jersey a été posée sous terre par le fabricant et entrepreneur de câbles, WT Henley de Woolwich, depuis le débarcadère à Fliquet, via StMartins Church, Five Oaks, St Saviors Road, James Street, Colomberie, Hill Street jusqu'au télégraphe de Church Street bureau.

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Voilà donc une entreprise gigantesque, quatre années d’efforts et d’investissements réduits à néant, plus de 2 200 nm de câbles irrécupérables, perdus au fond de l’océan. Et pourtant, loin de désespérer et de jeter l’éponge, la même équipe va évaluer les raisons de l’échec, les corriger et recommencer, réunir à nouveau les hommes, les techniques, les dollars et les livres et va finir par réussir lors des nouvelles campagnes de 1865 / 1866.

Comme nous l’avons vécu en introduction, la nouvelle campagne de 1858, avec toutes ses péripéties, semble « successful » mais échoue in fine au milieu de la fête… Nous constations plus haut, qu’à l’issue de cette campagne de 1858, jusqu’en1865, on ne constate plus de projet de câble sous-marin transatlantique :
- Côté US, la « civil war » bloque toute nouvelle entreprise et l’éloquence et les allers-et-retours incessants de Cyrus Field entre les USA et Londres (la guerre renforce selon lui le besoin d’une telle liaison) ne suffisent pas à remobiliser de nouveaux investisseurs sur le projet.
- Côté UK, face à un bilan global désastreux (à peine 25% des 11 000 nm posés dans tous les océans par l’industrie britannique sont opérationnels), le Board of Trade (ministère du commerce) organise avec l’Atlantic Telegraph Co une commisssion d’experts (la Commission « Galton« ) qui analyse scientifiquement les raisons techniques des échecs et produit en 1861 un remarquable « parliamentary bluebook« , véritable audit technologique proposant un ensemble de recommandations de sélection de matériaux, de méthodes de fabrication, de techniques de pose et de réparation, … Pendant ce temps, dans les chantiers Millwall au bord de la Tamise, le « petit géant » Isambard Kingdom Brunel [ il mesure 1m.59, il a construit des résaux ferroviaires, des tunnels, des ponts, des quais et de grands bateaux à vapeur en acier] fait construire le fameux Great Eastern (211 m, 22 500 tons), qui se révèle un excécrable paquebot – qui cause la faillite de ses 3 premiers armateurs – mais un excellent navire câblier !
Construction du « Leviathan » de 1854 à 1858 il devient le « Great Eastern » en 1858

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De 1858 à 1865, plus d’activité de câble sous-marin transatlantique chez les anglo-américains: en effet, en 1859, nous sommes en pleines crises annonciatrices de la « civil war« , la guerre de sécession, la première guerre « moderne » qui éclate en juillet 1861 et qui s’achèvera en avril 1865 après le massacre de 617 000 combattants.
Avec moins d’incidences directes sur les câbles sous-marins, la période 1861 – 1867 est également celle de la calamiteuse intervention française au Mexique qui conduit les USA à s’opposer à la France pour chasser du Mexique nos soldats, au moment même où la guerre prusso-autrichienne se conclut par une victoire claire de la Prusse à Sadowa (1865) et laisse donc la France isolée face à la Prusse. Dans l’ambiance de relations internationales aussi tendues et complexes, de nouveaux accords et investissements pour des câbles télégraphiques intercontinentaux deviennent donc des exercices de diplomatie voués à l’échec.

Isambard Brunel Finalement, en 1864, Field obtient la participation à son projet de John Pender, le patron de The Telegraph Construction & Maintenance Co Ltd (issue de la fusion de Gutta Percha Co et de Glass Elliott & Co) qui s’engage comme fournisseur du câble; puis il trouve un accord avec Daniel Gooch, le dernier en date propriétaire du Great Eastern.
En mai 1865, 2 300 nm de nouveau câble ont été fabriqués selon un cahier des charges très rigoureux, résultant, mais en les améliorant encore, des recommandations de la Commision Galton de 1861.
Ils ont été chargés et lovés soigneusement dans les gigantesques cales du Great Eastern: au centre de l’illustration jointe, on reconnaît, avec canne et haute-forme gris, le Prince de Galles, futur Edouard VII, en visite durant cette opération, nous vous retrouverons bientôt en France, Monseigneur…

Entretemps, Field s’est rendu sur l’invitation de Ferdinand de Lesseps, à l’inauguration du canal de Suez, en tant que représentant de la Chamber of Commerce in New-York.
Le Great Eastern appareille de Valentia (Irlande) le 17 juillet 1867 pour cette nouvelle campagne de pose, le 23 juillet 1865 : après 84 nm posés, incident électrique localisé environ 10 nm derrière la poupe – demi-tour, récupération de 12 nm de câble posé: on découvre une pointe de métal qui a percé l’isolant et atteint l’âme de cuivre: on croit à un sabotage mais, en fait, c’est un brin d’acier cassant détaché des filins de l’armature lors des manoeuvres qui expliquera l’incident; tout va bien ensuite mais à 600 nm du but, nouveau défaut, cette fois la machine de pont pour relever la section en cause se révèle insuffisamment puissante et le cable explose et plonge par 3600 m de fond. On localise, on drague, on tente de relever trois fois mais les attelages se rompent l’un après l’autre. Il n’y a plus qu’à marquer le point d’une belle bouée et à rentrer à la maison !
Mais tout le monde y croit encore ! Field reprend ses navettes entre Londres et New-York; et, pour des raisons fiscales anglaises, il constitue une nouvelle société – The Anglo-American Telegraph Cy – , puis il lève £ 600 000 de nouveau capital, on redéfinit les spécifications du câble, on améliore les machines et méthodes pour tenir compte des derniers incidents, on lance les fabrications (on commande la totalité du futur câble et on garde à bord les 750 nm non posés à l’été 1865, on refait un carénage soigné du Great Eastern, on charge 8 500 tonnes de charbon et la nouvelle campagne de pose transatlantique démarre le 13 juillet 1866; tout se passe alors tellement bien (même la météo) que l’équipage s’ennuie et consulte constamment les parliamentary & financial news retransmises depuis Valentia en temps réel.
L’arrivée à Heart’s Content – le nouveau point d’atterrissement à Terre-Neuve – le 27 juillet 1866 est évidemment un triomphe.

La liaison Europe–Terre-Neuve se trouvait ainsi assurée.

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Cerise sur le gateau, au retour vers l’europe, le Great Eastern et ses navires accompagnateurs retrouvent le point où le câble de 1865 s’est cassé et fin août, après 30 essais manqués de manoeuvres et d’acrobaties, on parvient à remonter le câble à bord du Great Eastern; on vérifie que tout fonctionne OK vers l’Irlande, une bonne épissure et cap vers l’Ouest, on repart vers Terre-Neuve pour finir en beauté la pose débutée en 1865.
Le Great Eastern à Heart’s Content en 1866 La queen Victoria échange à nouveau des congratulations avec le président US qui est cette fois Andrew Johnson! On a désormais deux cables USA / Europe en bon état de fonctionnement, l’ère des échanges d’informations entre les deux continents va démarrer « full speed » et constituer un colossal marché de services qui continue encore aujourd’hui de croître.

A ce point, une remarque: ces campagnes de pose successives de 1857 à 1866 démontrent que les débuts de la télégraphie intercontinentale constituent un exploit humain fantastique reposant non seulement sur les découvertes scientifiques de savants, les réalisations remarquables d’ingénieurs, les paris financiers hors normes d’entrepreneurs ambitieux et opiniâtres, les soutiens de politiques visionnaires (oui, ça existait à l’époque!) mais aussi et enfin j’allais dire surtout de marins exceptionnels; et, quand on parlera des progrès fabuleux des liaisons par câbles, on pensera aux télécoms, canaux téléphoniques, répéteurs immergés, numérisation, fibres optiques, etc. et on pourra avoir tendance à oublier l’aspect purement maritime de cette industrie: « y’a qu’à » dérouler le câble au fond de l’eau depuis un gros bâteau, où est le problème ?
Détailler les véritables exploits maritimes qui ont été réalisés durant ces campagnes sortirait du cadre de cet exposé, mais le lecteur un tant soit peu sensibilisé aux métiers de la mer aura certainement réalisé que les problèmes étaient multiples et d’une complexité hors normes, surtout avec les équipements et moyens disponibles au milieu du XIXe siècle ! Quelques exemples pratiques de difficultés:
1/ la précision de navigation nécessaire (alors qu’on fait le point au sextant) pour retrouver un tronçon de câble de 5cm de diamètre par 3000 m de fond: les bouées de marquage ne résolvent pas tout: leurs ancres peuvent déraper ou les filins se casser…
2/ même si l’on arrive à crocher le câble au fond, imaginer et mettre en oeuvre des grapins, filins et attelages capables de le saisir et de le remonter sans le massacrer sous des tensions de plusieurs tonnes, la limite de rupture du câble de grands fonds de 1865 étant théoriquement de 8 tonnes.
3/ les machines et freins contrôlant la sortie à l’eau du câble imposent une vitesse constante d’environ 6 nm de câble par heure en pose normale: donc, c’est la vitesse du navire par rapport au fond qu’il faut réduire quand le fond descend et augmenter quand le fond remonte!…Allez faire cela avec un sondeur à huile de coude et un moteur mû par une machine à vapeur de 1860 !
Et, de fait, cet aspect purement maritime a connu autant de difficultés vaincues et autant de progrès – sinon plus – que l’industrie des câbles elle-même: des navires câbliers construits exclusivement pour la pose et les réparations de câbles se sont révélés indispensables dès 1873 et l’on est passé en 160 ans de l’Agamemnon, avec son gréément de marine à voile et ses machines à vapeur fraichement installées pour les campagnes de 1857/58, à des navires câbliers de la classe « Pierre de Fermat » (lancé en 2014 dans un chantier norvégien pour la filiale Orange Marine de France Telecom), bâtiments bourrés de technologies ultra-modernes qui en font les navires civils les plus chers à la tonne.

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Le galvanomètre à miroir Kelvin


Le galvanomètre à miroir est breveté en 1858 par Thomson, c'est un instrument pour lire les courants de signal faible sur de très longs câbles télégraphiques sous-marins . Cet instrument était beaucoup plus sensible que tous les précédents, permettant la détection du moindre défaut dans l'âme d'un câble lors de sa fabrication et de sa submersion.

Gravure galvanométre Kelvin, modèle Chauvin-Arnould, Modèle H von Helmotz


Thomson a décidé qu'il avait besoin d'un instrument extrêmement sensible après avoir participé à l'échec de la tentative de pose d'un câble télégraphique transatlantique en 1857. Il a travaillé sur l'appareil en attendant une nouvelle expédition le l'année suivante.
Il a d'abord cherché à améliorer un galvanomètre utilisé par Hermann von Helmholtz pour mesurer la vitesse des signaux nerveux en 1849.
Le galvanomètre de Helmholtz avait un miroir fixé à l'aiguille en mouvement, qui était utilisé pour projeter un faisceau de lumière sur le paroi opposée, amplifiant ainsi considérablement le signal.
Thomson entendait rendre cela plus sensible en réduisant la masse des pièces mobiles, mais dans un éclair d'inspiration tout en regardant la lumière réfléchie par son monocle suspendu autour de son cou, il se rendit compte qu'il pouvait se passer de l'aiguille et son montage dans son ensemble. Il a plutôt utilisé un petit morceau de verre miroir avec un petit morceau d'acier magnétisé collé au dos.
Celui-ci était suspendu par un fil dans le champ magnétique de la bobine de détection fixe. Pressé d'essayer l'idée,
Thomson a d'abord utilisé un poil de son chien, mais a ensuite utilisé un fil de soie de la robe de sa nièce Agnès.
Galvanomètre par HW Sullivan, Londres. Fin du 19e ou début du 20e siècle.
Ce galvanomètre a été utilisé à la station de câble transatlantique, Halifax, NS, Canada

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Le câble télégraphique transatlantique : suite

Pour la France, l
a voie de communication entre Londres et New–York présentait un point faible : c’était la ligne aérienne de Terre-Neuve.
Cette ligne établie dans une région presque déserte était sujette à de nombreuses interruptions à cause des tempêtes qui règnent dans cette région surtout en hiver. Les réparations y étaient difficiles par suite du manque de communications. C’est pour remédier à cette situation que la « New-Newfoundland-London C » décida de poser un câble sous-marin de Plaisance à Saint-Pierre, d’une part, de Saint-Pierre à Nord-Sydney, d’autre part. Deux vapeurs, dont le Chiltern, opérèrent la pose.

Le 30 Août 1867 le premier câble venant de Plaisance était amené à l’Anse à Dinan où cet événement avait attiré une foule de curieux.
C’était la première fois que Saint-Pierre se trouvait en communication télégraphique avec la France.
Le Journal Officiel de l’époque relate cet événement mémorable avec force détails. Puis on procéda à la pose de la section Anse à Dinan–Sydney. Le bureau du câble se trouvait à l’emplacement de la maison de Mme Cazier, près de la route du Cap à l’Aigle. Les deux câbles étaient joints au bureau part deux lignes aériennes. A cause de la difficulté du creusage, on se contente de soutenir les poteaux par des amas de pierres amoncelées à leur pied. On peut encore voir quelques-uns de ces tas de pierres.

Le succès du câble transatlantique fit abandonner un grandiose projet de liaison Europe–Amérique.
L’idée était d’établir une ligne aérienne le long du Pacifique jusqu’en Alaska, de traverser le détroit de Behring par un câble et de continuer par une ligne aérienne traversant toute la Sibérie.
Deux expéditions avaient déjà commencé l’érection de deux lignes aériennes et le vapeur Egmont était rendu sur les lieux, prêt à poser la section de câble. Quand on apprit le succès des deux câbles transatlantiques, le projet fut abandonné et le vapeur revint avec son câble encore à bord.

En 1868 fut fondée la « Compagnie du câble transatlantique français ».

En 1869, le Great Eastern partit de Brest le 15 Juillet et arriva à Saint-Pierre le 23 Juillet, ayant posé le premier câble Brest–Saint-Pierre.
Le câble atterrissait à l’Anse à Pierre où l’on avait construit une maison qui existe encore aujourd’hui.
C’était la première liaison directe avec la France et elle fut inaugurée par un message à l’adresse de l’Empereur. Trois vapeurs : le Cory, le Scandinavia et le Chiltern posèrent la section Saint-Pierre–Duxbury (Cap Cod) près de Boston.

"En ce jour de juillet 1869, ce n’est pas vers le quai que se dirige la foule. Elle escalade les collines et se répand sur le petit sentier qui mène à l’anse à Pierre. C’est là, en effet, que le Great Eastern posera une des extrémités du câble transatlantique qui, de Brest à Saint-Pierre, reliera l’Europe à l’Amérique. Des photos sont prises. Malheureusement, la journée est brumeuse, les clichés ne sont pas bons. Et c’est dommage car nous aurions une image exacte de la société saint-pierraise de ce temps. Le lendemain, l’empereur Naopléon III et le Président des États-Unis échangent les premiers messages télégraphiques officiels entre les deux continents."

Au début les communications se faisaient directement de l’Anse à Pierre. Mais on travaillait à la pose de quatre câbles souterrains pour relier l’Anse à Pierre au bureau de la ville. C’étaient des câbles non armés, logés par paires dans deux canalisations en fonte.
Le tracé des câbles, battu par les allées et venues des travailleurs, fut adopté comme route de l’Anse à Pierre, au lieu du sentier précédemment utilisé et qui partait de la caserne, passait à l’ouest de la vallée des Sept Etangs pour aboutir derrière l’ Etang de l’Anse à Pierre.

Le 28 Août, les manipulations se firent à partir de la ville. La Compagnie des Câbles avait acheté l’immeuble inachevé du notaire, Mr Salomon, la partie en pierres du bureau actuel de la Western–Union.

En 1872, la « New–York–Newfoundland–London C° » acheta le terrain avoisinant et construisit un immeuble en bois qui constitue aujourd’hui la partie en bois du bureau de la Western Union. Ils y transférèrent leur bureau. La proximité des deux bureaux facilitait l’échange des télégrammes d’une compagnie à l’autre.
La même année, elle doublait ses câbles en posant un câble de Plaisance à l’Anse à Dinan et un autre de l’Anse à Ravenel à Sydney.
Deux souterrains constitués par deux câbles non armés dans une conduite en bois furent posés entre l’Anse à Dinan et le nouveau bureau. Cette conduite passait dans l’étang qui en a tiré son nom d’ Etang du Télégraphe.
Entre Ravenel et le bureau, on plaça deux câbles armés du type du câble de 1867. Ces câbles partant du bureau montaient à l’emplacement actuel de la T.S.F., descendaient à l’abattoir, puis gagnaient la vallée de Ravenel en longeant le bas du cimetière.
Cette même année, la société du Câble Transatlantique Français avait projeté la pose de deux nouveaux câbles : un câble de gros type allant de Brest à Halifax et un autre de petit type d’Halifax à New–York. Les câbles étaient embarqués et les navires prêts à partir quand arriva l’ordre de surseoir à la pose.
En effet, à cette époque, les deux câbles transatlantiques de 1865 et 1866 laissaient à désirer ; des fautes s’y étaient déclarées qui gênaient les communications. D’autre part, l’accord n’était pas parfait entre, l’Atlantic Cable C° et l’Anglo–American. Cette dernière compagnie entra en pourparlers avec la société du Câble Transatlantique Français.
Au début de 1873, on arriva à une entente : le projet primitif était abandonné. Au lieu de la ligne Brest–Halifax–New–York, on revint à la ligne Valentia–Heart’s Content–Sydney.
Le câble de petit type permit de poser deux câbles entre Terre-Neuve et Sydney. Ils sont connus sous les noms de Southern et Northern. Ce dernier passait par la Baie et en 1917, on le coupa et on l’amena à l’Anse à Pierre. Le Southern passe à quelques milles au Sud de St Pierre.
Le câble de gros type permit cette année 1873 la pose d’un câble entre Valentia et Heart’s Content.
Le parcours étant plus court que celui de Brest–Halifax, il restait une grande longueur de câble. La Compagnie fit fabriquer une longueur supplémentaire et en 1874, elle posait un deuxième câble entre Valentia et Heart’s Content.

A cette époque, deux compagnies de câbles travaillaient dans l’immeuble actuel de la Western Union.

L’Anglo-American, occupant la partie en pierres, exploitait les câbles Brest–Saint-Pierre et Saint-Pierre Duxbury. A l’origine les signaux étaient reçus au miroir. C’était un galvanomètre muni d’un petit miroir. La lumière d’une lampe était réfléchie et, suivant ses mouvements, se déplaçait sur le mur. Un déplacement dans un sens correspondait à un point et un mouvement dans le sens contraire à un trait de l’alphabet morse. Un opérateur suivait ces déplacements et épelait les lettres des mots transmis, qu’un deuxième opérateur écrivait sous sa dictée.
Dans la suite, Lord Kelvin inventa le « recorder » qui enregistrait les signaux sur un bande de papier que l’on interprétait ensuite, interprétation souvent délicate et qui demandait une longue formation. Ceux qui ont jadis travaillé au Câble Français en savent quelque chose.

La deuxième compagnie, La New–York–Newfoundland–London C°, avait son bureau dans l’immeuble en bois qui est aujourd’hui la salle des accumulateurs de la Western Union. Elle exploitait deux câbles de Saint-Pierre à Nord–Sydney.
Ces câbles étant relativement courts, les courants qu’ils laissaient passer étaient assez forts pour permettre de travailler le morse ordinaire. Lorsque l’Anglo-American absorba la deuxième compagnie, les deux bureaux furent d’abord maintenus et gardèrent leur nom propre : bureau du câble et bureau du morse avec leurs employés propres : employés du câble et employés du morse.

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En 1866, le câble de Brest fut abandonné et le bureau de morse fut transféré au bureau du câble dans la salle d’opération actuelle.

En 1878 se fonda une nouvelle compagnie de câbles : La Compagnie Française du Télégraphe de Paris à New–York, communément connue sous le nom de P.Q. (du nom du fondateur, Pouyer-Quartier) ou simplement de Télégraphe Français.

En 1879 L’année suivante, la compagnie posait un câble de Brest à Saint-Pierre avec atterrissage à l’Anse à Ravenel et deux câbles pour relier Saint-Pierre au Continent Américain : l’un allant à Canso et l’autre à Cap Cod. Le bureau, d’abord situé Rue Nielly, fut ensuite transféré au Quai de la Roncière. Les souterrains étaient constitués par quatre câbles armés.
Le câble de Canso se terminait dans le bureau de la Compagnie Mackay–Bennet souvent connue sous le nom de « Commerciale ».
Deux opérateurs furent détachés de Saint-Pierre à Canso et quand le câble fut abandonné, il furent embauchés par la compagnie Mackay-Bennet.

Le New York Times a rapporté l'atterrissage du câble le 17 novembre 1879

THE NEW OCEAN CABLE IN PLACE
THE FINAL SPLICE MADE—A CONGRATULATORY DISPATCH TO FRANCE.

NORTH EASTHAM, Mass., Nov 17, 1879. The steamer Faraday returned at 7:30 A.M. Sunday, and anchored a mile off the beach. George Van Chauvin [actually von Chauvin], cable engineer, boarded the steamer, followed soon after by President Bates and vice-president Thomas Swinyard, who went on board to welcome Capt. Trott, of the Faraday, and L. Loeffler, the agent of Siemens Brothers. The work was immediately commenced on the shore end of the cables and at 6 P.M. it was on the beach and laid through a trench dug to receive it, and signals exchanged with the Faraday from a temporary building on the beach. The shore end being landed, the officers connected with the cable company and the American Union Telegraph Company, with M. P. Magno, Inspector of French telegraph lines, and Count von Hoff, went on board of the steamer, and she proceeded to the spot where the cable is buoyed, about 10 miles off shore. To-day the final splice was made, and the cable was worked throughout the entire circuit from Cape Cod to Brest. About 1,000 people visited the beach yesterday from adjoining towns, many of whom went on board the Faraday.

The first dispatch over the new cable to Brest, from this station, was the following:

NANSET BEACON LIGHT, CAPE COD.
NORTH EASTHAM, Mass., Nov. 17, 1879.

To President of Compagnie Francaise du Telegraph de Paris et New-York:

It gives me unbounded pleasure to send to you, through your own cable, this moment completed, the warmest congratulations of my company upon an achievement in respect of which, both as regards rapid construction and the laying, as well as perfect insulation, there is no parallel in cable history, it being only just seven months from this very day, the 17th of November, since the concession to your company was granted by the French Government. Messrs. Siemens Brothers, Mr. Loeffler, Capt. Trott, and Mr. George Von Chauvin, your worthy representatives in this country, deserve the highest praise for the energetic and able part each has taken in this great enterprise, through the success and instrumentality of which, it is devoutly hoped, that national friendship and commercial intercourse between our two Republics, as well as between the Old and New Worlds generally, will be still further strengthened and advanced.

D.H. BATES
President American Union Telegraph Company.

The steamer Faraday arrived back from making the final splice at 3:30 P. M. The entire party soon after assembled on the beach, where mutual congratulations were exchanged. All the business having been finished, a final departure from the beach took place, and, at a few minutes before 6 o'clock, the party started from North Eastham Station, by special train, for Boston. Previous to starting, Cable Director Brugiere and Engineer Von Chauvin telegraphed their thanks, on behalf of the French Cable Company, to Secretary Evarts for the liberal action of the American Government, by means of which the cable was landed under very favorable circumstances.

BOSTON, Nov. 17. The officers of the new French Cable Company and the American Union Telegraph Company, who assisted at the landing of the cable at North Eastham arrived here at 9:45 P. M., and left here in a later train for New-York

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En 1880, l’Anglo-American avait en projet la pose d’un troisième câble transatlantique (1PZ) entre Valentia et Heart’s Content, puis un quatrième (2PZ) pour 1882. Elle se trouverait ainsi avoir à Terre-Neuve quatre câbles transatlantiques et seulement deux câbles pour les joindre au continent
américain : le Northern et le Southern (1873).
Ces câbles ne touchaient pas Saint-Pierre. Des deux câbles de la New–York–Newfoundland–London C°, celui de 1867 était abandonné et celui de 1872 était en bien mauvais état. Il fut décidé de poser deux câbles à deux âmes, l’un de Plaisance à Saint-Pierre et l’autre de Saint-Pierre à Sydney. Mais on s’aperçut qu’un câble à trois âmes coûterait moins cher et c’est à cette solution qu’on se rallia et en 1880 on posa le « tricore » ou câble à trois âmes, avec atterrissage à l’Anse à Pierre. Les souterrains de l’Anse à Pierre en ville furent constitués par deux câbles du même type mais non armés. Ils étaient disposés dans une conduite en fonte rappelant le canon d’un fusil à deux coups.

À partir de 1897, un troisième câble français de l'Atlantique, le premier câble direct de la France aux États-Unis, a été fabriqué et posé par La Société Industrielle des Téléphones entre Deolen (Brest) et Orléans en utilisant le CS François Arago de la société comme navire de tête, ensemble avec les navires britanniques affrétés CS Dacia et CS Silvertown.

Avec 3 173 milles marins pour 4600 tonnes, le Direct était le plus long câble à travée unique posé jusqu'à cette époque.

Exemple de mallette pour le câble Brest-Cape Cod 1897-98 Image courtoisie et copyright 2008 François de Nerville
Le bâtiment de la gare vers 1905.

En 1911, la Compagnie américaine Western Union conclut un accord avec l’Anglo–American.
Par cet accord, la compagnie anglaise abandonnait à la Western Union l’exploitation de ses câbles contre l’assurance d’un dividende fixe versé à ses actionnaires. C'est ainsi que l’Anglo–American fit place à la Western–Union .
En même temps s’opéraient des progrès techniques.



En 1916, les vieilles piles au bichromate et celles au sulfate de cuivre furent remplacées par des accumulateurs au plomb. Un groupe électrogène fut monté pour les charger, puis un deuxième en 1920.

En 1918, le câble appelé « Northern », posé en 1873 entre Heart’s Content et Sydney, fut coupé dans la Baie et les deux bouts amenés à l’Anse à Pierre.

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En 1920, on posait un nouveau câble entre Saint-Pierre et Plaisance. Pour ce câble on avait utilisé les trente premiers milles du vieux câble
de Brest de 1869. On l’avait continué jusqu’à Plaisance par des sections récupérées au cours des campagnes précédentes. Pour relier ces nouveaux câbles au bureau on posa un souterrain de sept conducteurs enfermés dans un tube de plomb.
Une révolution se produisait dans le travail des câbles. Jusqu’à ce moment, les télégrammes étaient transmis sur une section de câble et retransmis sur une autre section, ce qui nécessitait deux opérateurs.
Entre Londres et New York il y avait plusieurs sections de câbles ce qui nécessitait de nombreuses retransmissions de câbles nécessitant l’emploi d’un grand nombre d’opérateurs et entraînant un grand retard et de nombreuses erreurs.

Le nouveau plan était de remplacer le relais humain par un relais mécanique, ce qui supprimait les retards et permettait une communication presque instantanée entre Londres et New–York. Mais à cause des déformations des signaux dans les diverses sections, on était obligé de restreindre le plus possible le nombre de relais. On décida donc de créer une ligne directe Londres–New-York ne comportant que trois relais, l’un à Penzance (Angleterre), l’autre à Bay Roberts (Terre-Neuve) et le troisième à Saint-Pierre.
Pour cela il fallait un câble Saint-Pierre–New-York. Le câble de Duxbury n’étant guère utilisé, on décida de le couper au large de Canso et de le jonctionner à un autre câble qui allait de Canso à Hamel près de New–York.
Le nouveau câble ainsi obtenu fut connu sous le nom de câble « Saint-Pierre–Hamel ».
De nouveaux progrès vinrent bientôt changer la situation du tout au tout. On avait imaginé des relais qui régénéraient les signaux en supprimant toutes les déformations dues à la ligne. Ceci permettait d’augmenter le nombre des relais sur une ligne sans amener de distorsions.
Le but à poursuivre désormais était d’augmenter la vitesse des câbles en coupant en sections plus courtes.

Dans ce but, en 1922, on décida de créer une nouvelle station à Canso. Le câble Saint-Pierre–Hamel fut de nouveau coupé et les deux bouts amenés à Canso. La station n’ouvrit qu’au printemps 1923.

En 1929, le tremblement de terre n’affecta pas les câbles de la Western Union passant à Saint-Pierre, mais le câble de Cap Cod de la Compagnie Française fut coupé et sérieusement endommagé.
Quelques mois plus tard celui de Brest était aussi interrompu. La Compagnie n’ayant pas les fonds nécessaires pour la réparation de ses câbles décida de fermer son bureau en 1932.

Pendant ce temps, la technique des câbles évoluait rapidement. La Western Union posait de nouveaux câbles dont la vitesse était considérablement augmentée par l’adjonction d’un ruban de ferro–nickel enroulé en spirale sur l’âme en cuivre du câble. Ces nouveaux câbles permirent, aux
essais, une vitesse de 3200 lettres par minute.

En 1930, on avait préparé les plans pour la pose de deux câbles de ce genre entre Sydney et Terre-Neuve en passant par Saint-Pierre.
La vitesse des anciens câbles fut aussi augmentée par l’emploi d’amplificateurs à lampes.

D’autre part, le vieux code des câbles était abandonné et remplacé par un système à cinq impulsions par lettre, genre Baudot.
Avec ce système, le télégramme s’imprimait en caractères d’imprimerie sur une bande de papier.

Pendant la dernière guerre, la station de Saint-Pierre joua un rôle important en relayant une grande partie des communications entre l’Amérique et l’Angleterre. Pour mieux assurer ces communications deux nouveaux câbles souterrains de sept conducteurs chacun furent placés en 1944 entre l’Anse à Pierre et le Bureau en remplacement des anciens souterrains devenus défectueux.

Aujourd’hui, la Western Union reste la seule compagnie de câbles à Saint-Pierre, où elle exploite dix câbles : cinq venant de Terre-Neuve, quatre de North-Sydney et un de Canso. Huit de ces câbles sont munis d’amplificateurs à lampes.
La raison d’être de la station de Saint-Pierre est de servir de relais pour les circuits Europe–Amérique.

Mathurin Le Hors

Nota : texte intégral retranscrit par Georges Le Hors d’après un document dactylographié par l’Auteur qui, après avoir assuré pendant de nombreuses années la maintenance de l’ensemble des installations de la station de Saint-Pierre, a terminé sa carrière au poste de Directeur.
Bien que non daté, la description des lieux permet de situer sa rédaction aux années 1950/1951 lors de sa prise de retraite.
Certains barbarismes peuvent s’expliquer par la traduction d’un texte d’abord écrit en anglais.

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Les câbles sous-marins transatlantiques français

Depuis le succès des frères Brett sur le Calais – Douvres de 1851, l’administration française reconnaît que l’industrie des câbles sous-marins est 100% anglaise, et a donc recours aux divers fournisseurs britanniques (y compris Siemens & Halske) pour des liaisons locales avec nos îles (la Corse d’abord) et avec l’Algérie. Beaucoup d’échecs, la longueur cumulée du réseau sous-marin gouvernemental français n’est que de 320 km en 1866. [à noter le Pirou (Coutances) – Jersey en 1859 et le Anse du Verger – Chausey en 1865].
Erlanger Reuter

La France décèle également vite les liens existant entre le développement de la télégraphie sous-marine et la constitution d'un empire colonial.
En effet, après celui qui traverse la Manche, le premier câble commandé par le gouvernement français est un câble vers l'Algérie en 1861.
C'est dans ce même esprit deconquêtes coloniales que l'Angleterre esquisse en 1859 un projet vers la Mer rouge
.

C’est en 1868, qu’apparaît à Paris dans notre récit un personnage pittoresque: le banquier francfortois Frédéric Émile Erlanger: il s’associe avec Julius Reuter (le fondateur de l’agence anglaise de presse et d’informations financières Reuters qui existe toujours) dont il est le courtier et il obtient le 6 juillet 1868 de Napoléon III, auprès de qui il a ses entrées, une concession de 20 ans pour la pose et l’exploitation d’un câble entre la France et les USA via St-Pierre au profit de la Société du Câble Télégraphique Français (la SCTF, qu’il a créée avec son associé):
Comment est-ce possible ? Pour ce qui concerne Reuter, jusqu’en 1851 (date de création de la ligne télégraphique Bruxelles / Aix-la-Chapelle), son agence de presse doit avoir recours à 200 pigeons voyageurs pour acheminer les messages entre ces deux sites. En 1863, il est installé à Londres: des bateaux venant des États-Unis jettent des bidons contenant les dépêches au large de Cork, les bidons sont récupérés et les informations télégraphiées de Cork à Londres où elles arrivent avant les navires. Il n’est donc pas étonnant que Reuter trouve intéressant de faire des affaires avec un banquier qui propose d’établir une ligne directe entre Paris et New-York Friedrich Emil Erlanger (1832-1911), est le fils aîné du comte Raphael von Erlanger (1806-1878), banquier et homme politique installé à Francfort.
Dès 1848, Emile est associé dans la banque de son père. En 1853, le gouvernement d’Othon Ier de Grèce le le recrute comme consul général et agent financier sur la place de Paris. Il négocie alors pour d’autres cours royales divers emprunts: la reine Marie II de Portugal lui octroie en remerciement le titre de baron. Lors d’un voyage en Égypte, il croise Ferdinand de Lesseps et lui offre de l’aider à trouver des financements pour le canal de Suez. Le 30 juin 1858, il épouse Florence Louise Odette Lafitte (1840–1931), la petite-fille du célèbre banquier français Jacques Laffitte. En 1859, il prend officiellement la tête de la banque Erlanger à Paris, puis fait franciser son nom, se faisant appeler « Frédéric Émile Baron d’Erlanger ». Il est considéré comme l’inventeur des emprunts à haut-risque sur les pays en voie de développement (autrement dit, « junk bonds« ), qui vont se multiplier sur les places européennes jusqu’au scandale des emprunts russes. Parmi eux, des emprunts pour le Bey tunisien (auquel il vend par ailleurs pour 1 million de Francs une centaine de canons défectueux) et surtout sur le coton américain: Erlanger réussit par cet emprunt à créer durant les deux dernières années de la guerre de sécession une véritable monnaie indexée sur le coton qui permet aux sudistes d’acheter des bateaux, des approvisionnements et des armes, pour lutter contre le blocus (« blockade runners« ) imposé par les nordistes. En prétendant que ces bons seront remboursés à valeur faciale même si le Sud perd la guerre il fait une fortune en ruinant les naifs qui l’ont cru.

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En 1861 pour la pose du câble d'Algérie, l'administration français achète spécialement le Deux-Décembre, un vieux vapeur anglais qu'il faut transformer. Elle transforme de même, en 1874, la Charente.

En 1963 Le premier service des câbles sous-marins est créé à Toulon,
Une usine de fabrication fut construite sur un terrain militaire adossé aux remparts du Mourillon aujourd'hui disparu, à peu près à la hauteur de l'actuel stade Mayol. Modeste, 55 mètres de long sur 22 mètres de large, elle abritait une câbleuse de petit modèle, mue à la vapeur et capable de fabriquer des câbles de faible longueur destinés aux liaisons côtières ou aux réparations des câbles de grand fond déjà en service avec l'Algérie.
Deux entrepôts installés, l'un à Brest, l'autre au Havre, permettaient de stocker les câbles de réserve.
Par contre, les tentatives de pose de liaisons directes vers la Corse et l'Afrique du Nord ne sont pas à la hauteur des espérances du pouvoir politique de l'Empire.

En France, l'hostilité de la Chambre à la politique coloniale par d'abord par le refus de voter les crédits télégraphiques. Le lien existant entre l'utilisation des câbles sous-marins et l'extension de l'empire colonial constitue donc à la fois un frein et un moteur au développement de la télégraphie sous-marine en France.
Cependant l'administration du télégraphe, alors puissante (elle dépend jusqu'en 1876 du ministère de l'Intérieur) et assurée de l'aide efficace de l'armée et de la marine s'oppose aux parlementaires.

La collaboration entre l'Etat et les compagnies privées de télégraphie sous-marine s'intensifie. Une usine d'état est créée à La Seyne sur Mer.

Domination britannique des premiers câbles
Des années 1850 à 1911, les systèmes de câbles sous-marins britanniques dominent le marché le plus important, l' océan Atlantique Nord .
Les Britanniques avaient à la fois des avantages du côté de l'offre et de la demande. En termes d'approvisionnement, la Grande-Bretagne avait des entrepreneurs disposés à investir d'énormes quantités de capitaux nécessaires pour construire, poser et entretenir ces câbles.
En termes de demande, le vaste empire colonial britannique a conduit à des affaires pour les câblodistributeurs d'agences de presse, de sociétés de commerce et de transport maritime et du gouvernement britannique.
De nombreuses colonies britanniques comptaient d'importantes populations de colons européens, ce qui rendait les informations à leur sujet intéressantes pour le grand public du pays d'origine.
Les responsables britanniques pensaient que dépendre des lignes télégraphiques qui traversaient un territoire non britannique posait un risque pour la sécurité, car les lignes doivent être coupées et les messages doivent être interrompus pendant la guerre. Ils cherchaient à créer un réseau mondial au sein de l'empire, connu sous le nom de All Red Line , et, à l'inverse, préparaient des stratégies pour interrompre rapidement les communications ennemies.

En 1865 et 1866, deux nouveaux câbles télégraphiques transatlantiques sont posés par le Great Eastern.

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Avec l’expérience du câble de 1858, un câble amélioré fut conçu sous la responsabilité de Samuel Canning. Le noyau consistait en sept brins torsadés de cuivre très pur pesant 300 livres par mille marin (73 kg/km), enduits d’un composé de Chatterton, puis recouverts de trois couches de gutta-percha, alternant avec trois couches minces d’un composé cimentant l'ensemble et portant le poids de l'isolant à 400 lb/mille marin (98 kg/km). Le noyau était recouvert de chanvre saturé d’une solution de conservateur ; sur le chanvre étaient enroulés en spirale dix brins de fils d'acier à haute résistance produits par Webster & Horsfall Ltd de Hay Mills (Birmingham), chacun recouvert de fins filaments de manille imprégnés de conservateur. Le poids du nouveau câble était de 35,75 quintaux (4 000 lb) par mille marin (980 kg/km), soit près du double du poids de l'ancien câble.
L’usine de Hay Mills a réussi à fabriquer en 1865 30 000 milles (48 000 km) de fils métalliques (1 600 tonnes) fabriqués par 250 travailleurs en onze mois.
Le navire câblier Great Eastern, le plus long du monde à cette époque (211 m), avait la capacité d'emporter toute la longueur de câble nécessaire ; il réalisa seul la pose de deux nouveaux câbles transatlantiques durant les années 1865 et 1866.
Le câblier était commandé à l'époque par le capitaine Sir James Anderson. Le navire disposait de trois espaces de stockage en cale pour les câbles, le stockage s'effectuant sur de grosses bobines. Ce câblier pouvait transporter une longueur de câble de 2 300 milles nautiques (4 300 km).

À minuit le 15 juin 1865, le Great Eastern quitta l'estuaire de la Tamise en Angleterre pour rejoindre l’Île de Valentia là où se trouvait la connexion avec le câble télégraphique reliant l'Irlande à l'Angleterre.
Le 31 juillet après avoir posé 1 062 milles (1 968 km) de câble, ce dernier s’est rompu.
Le Great Eastern rentra en Angleterre, puis se vit confier deux nouvelles missions par l'Anglo-American Telegraph Company.
La première était la pose d'un nouveau câble entre l’Angleterre et le Canada (Heart's Content à Terre-Neuve), la seconde étant de terminer la pose inachevée du câble de 1865. Le Great Eastern fut modifié pour améliorer les équipements du pont qui manipulaient le câble.

Le 13 juillet 1866, il débuta la pose d'un nouveau câble. Malgré une météo difficile et peu de visibilité, le navire mena à bien sa mission durant la journée du 27 juillet 1866, en atteignant le port de Heart's Content à Terre-Neuve (Canada). Le matin suivant à 9 heures un message extrait de l'édito du Times en provenance d’Angleterre arriva au navire : « C'est un grand travail, une gloire pour notre nation ainsi que pour les Hommes qui ont rendu cela possible ». La connexion avec la terre fut effectuée dans la journée.
Il s'ensuivit le 29 juillet un échange de télégrammes entre la Reine Victoria et le président des États-Unis Andrew Johnson.

Le 9 août 1866, le Great Eastern reprend la mer avec pour mission de retrouver le câble perdu en juillet 1865, puis de poursuivre sa mise en place jusqu'à Terre-Neuve. Retrouver un câble perdu au milieu d'un océan s’apparente à chercher une aiguille dans une botte de foin. Robert Halpin, capitaine du câblier durant cette mission, retrouva la zone où le câble avait cassé. Pendant plusieurs jours le navire ratissa lentement le fond marin à l'aide d'un grappin relié au navire. Le câble fut une première fois ramené jusqu'à la surface avant de malheureusement se décrocher du grappin et repartir au fond. Quatre jours plus tard le câble fut une nouvelle fois accroché, l’opération de levage aura duré 26 heures avant de voir le câble sécurisé à bord du navire. Après que l’intégrité du câble eut été contrôlée par des électriciens, l'ancien câble fut connecté au câble présent dans la cale du câblier. Le navire reprit sa route en déroulant le câble vers le Canada. Heart's Content, petit village Canadien situé à Terre-Neuve, fut atteint le samedi 7 septembre 1866.
Le Great Eastern avait mené sa mission à bien ; il y avait maintenant deux lignes transatlantiques de télégraphe opérationnelles.

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Le câble « français » de 1869
La concession de 1868 impose à la SCTF que son câble ne touche que la France et les USA. Le tracé sera donc Brest (Le Minou) / St-Pierre / Duxbury (Massachusets).

En 1869, la société du câble transatlantique français SCTF avec le navire britannique SS Great Eastern pose un câble reliant la France au lieu-dit Petit Minou commune de Plouzané à environ 10 km à l'ouest de Brest et aux États-Unis à Duxbury sur la presqu'île du Cap Cod via Saint-Pierre-et-Miquelon au large de Terre-Neuve.

Le constructeur est anglais bien sûr (TelCon) le poseur aussi (Great Eastern + 4 navires acompagnateurs) mais, plus surprenant, le financement également (60% souscrits à la bourse de Londres en moins de 8 jours) et le siège social est établi à Londres. Tout va très vite, mais une semaine avant la fin de pose prévue le 23/07/1869, on n’a toujours pas le droit d’atterrissement sur la côte américaine. Grâce à des pressions de Cyrus Field, le Président américain Ulysse S. Grant donne son feu vert mais il exige une réciprocité de droit d’atterrissement en France pour les projets américains, ce qui fait tomber la clause d’exclusivité que la SCTF prétendait obtenir.
Par ailleurs, le gouvernement du Massachusets – dont plusieurs élus ont laissé des plumes dans l’emprunt coton d’Erlanger – fait obstacle à la remise de la « landing license« , ce qui oblige Erlanger à activer ses réseaux et, via l’entrepreneur new-yorkais James Scrymser, il graisse la patte à deux représentants du New Jersey ($ 10 000) et obtient du Gouverneur le droit d’atterrissement sur la côte de cet Etat (ce qui aurait été très avantageux car bien plus près de New-York). Du coup, l’autorisation d’atterrir à Duxbury tombe du ciel immédiatement. Ces nouveaux frais, augmentés des ponts d’or attribués aux ingénieurs anglais et à Sir James Anderson, le commandant du Great Eastern, font exploser le budget. Le complément de financement n’est souscrit que par entités anglaises déjà actionnaires de l’Anglo.
Dès la mise en service,le concurrent Anglo-American divise ses tarifs par quatre, SCTF ne peut pas suivre et signe en janvier 1870 un accord d’intégration dans le pool transatlantique anglais, Reuter leur revend ses parts et ce câble soit-disant français est racheté en 1873 par l’Anglo.
Suite à la mise hors service en 1872 du câble de 1866, John Pender fait poser en 1873 et 1874 deux nouveaux câbles Valentia / Hearts Content. En réaction, une nouvelle tentative de concurrencer l’Anglo est initiée par les anglais Siemens Brothers: ils posent le « direct US » avec leur propre câblier le Faraday, premier du nom le Faraday, 1er navire câblier spécialisé, pose en 1874 le Direct US States Cy cable (Siemens Bro)

Le direct US n’est pas plus direct que les autres: pour « bypasser » le Canada il aurait fallu plus de 3 000 nm de câble et, avec les techniques disponibles, la vitesse de tranmission aurait été trop basse. Le direct US touche donc Tor Bay (Nouvelle Ecosse) car l’Anglo a l’exclusivité des atterrissements à Terre-Neuve. Derechef, dès la mise en service du direct US, l’Anglo lance une guerre des tarifs, met la Direct US States Cy en difficultés financières et l’intègre dès 1875 dans le système du globe telegraph trust cy. Compte tenu de la mise hors service en 1877 du câble de 1865, et de la pose en 1880 d’encore un câble Valentia / Hearts Content, ce seront donc en 1880 pas moins de 5 câbles transatlantiques en exploitation opérationnelle que contrôle Pender il mérite bien désormais son titre de « the cable king« !
Où en sommes-nous côté France, maintenant ?
La guerre de 1870 et la chute de l’empire, suivies de la commune sont bien sûr des traumatismes mais, dès 1873, le territoire est libéré (sauf l’Alsace et la Lorraine), les indemnités dues aux allemands sont payées plus vite que prévu (nous allons en reparler) et l’économie repart de plus belle en croissance jusqu’à l’exposition universelle de 1878, elle-même suivie de la crise financière de 1880-1882.
Les grands investissements d’infrastructures comme les chemins de fer se multiplient en France dans les années 1870 et les entrepreneurs industriels et leurs banques, bien que de sensibilité royaliste ou bonapartiste, semblent très bien s’accommoder du nouveau régime républicain.
En 1877, le réseau mondial de câbles sous-marins totalise 118 500 km dont 103 000 km anglais, 1 250 km français 750 km allemands, 400 km italiens et aucun câble international américain.

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Depuis que le câble ex-« français » de 1869 est passé sous pavillon britannique, plusieurs voix s’élèvent en France dans la sphère publique comme dans la sphère privée pour considérer comme inadmissible que nos communications diplomatiques et commerciales avec l’Amérique du Nord soient tributaires de l’étranger.
Mais une seule de ces voix va passer à l’acte: il s’agit d’Augustin-Thomas Pouyer-Quertier, un industriel normand qui a fait une brillante carrière politique, est sénateur et ex-ministre des finances de Thiers lors de la négociation du traité de Francfort avec Bismark en 1871. « PQ », comme on l’appelle, fonde la Cie Fse du Télégraphe de Paris à New-York en 1879 et va réaliser le premier câble transatlantique vraiment français. C'est un personnage hors du commun :

Pouyer-Quertier est une force de la nature, commerçant rusé, industriel audacieux, orateur redoutable, bon vivant (et même très au-delà).
Augustin-Thomas Pouyer-Quertier (« PQ ») né en 1820, cet industriel normand du textile est formé au petit séminaire d’Yvetot et au collège royal de Rouen – il n’est pas polytechnicien, contrairement à ce que disent certaines biographies – il se forme sur l’industrie textile en Angleterre et en Allemagne et installe une filature à Fleury sur Andelle, député de la Seine-Inférieure en 1857, il combat les accords commerciaux de libre-échange avec les anglais qui causent une grave crise cotonnière: il est un ardent protectionniste, anti-monopoles, dès 1845 il est ami avec Comte Louis Alexis Léon de Valon et la Vicomtesse Appolonie de La Rochelambert (liée aux Hohenzollern) c’ est un invité habituel du chateau de Rosay dans l’Eure (le 1er departement industriel de France), il devient légitimiste, marie à grands frais ses 2 filles aux fils des familles Lambertye et de La Rochelambert, il rachète en 1859 l’usine La Foudre au Petit-Quevilly et obtient le vote d’une loi sur les chemins de fer d’intérêt local il est ministre des finances de Thiers dès le 25/02/1871 il négocie le traité de Francfort avec Bismarck il participe avec les Valon à la tentative de restauration du Comte de Chambord « Henri V » en 1873 il est élu sénateur de la Seine-Inférieure en 1876 il décline en 1877 la proposition de Mac Mahon de former un gouvernement après Gambetta il est président en 1879 de la Cie Fse du Télégraphe de Paris à New-York qu’il vient de créer sa société de filature passe en S.A. en 1883, signe de sérieuses difficultés financières il est éjecté de la présidence de la CFTPN en 1887 ,en1891, il décède en laissant 4 millions de dettes Négociations avec Bismarck du traité de 1871.
PQ
PQ nommé par Thiers ministre des finances est envoyé à Berlin pour négocier, d’abord accompagné de Jules Favre ministre des affaires étrangères, puis seul : en effet, on a vu que pour marier ses filles jumelles dans la noblesse PQ est devenu très proche d’Appolonie de la Rochelambert dont les amitiés de jeunesse avec la famille royale de Prusse ne peuvent que donner confiance à Bismarck.

PQ embarque avec Favre à Berlin comme secrétaire particulier Bertrand de Valon fils d’Appolonie. Bismarck fait de la surenchère au début et refuse brutalement toute concession. PQ obtient une entrevue avec l’empereur Guillaume Ier et la suite des négociations se passe mieux et même étonnamment bien. PQ a fini par bien plaire à Bismarck, par sa brutalité oratoire dissimulant une rouerie bien normande, son caractère bon-vivant, seul capable de lui résister et même le battre dans des concours de beuveries.
Bismarck
Lettres et notes intimes, 1870-1871, recueillies par A. de Mazade .
1 - Sur l’évacuation du territoire.
C’était, disait Pouyer-Quertier, à l’Hôtel de France, à Berlin; j’étais couché; vers 5 heures du matin, bruit de bottes et cliquetis d’armes dans les couloirs. Je me redresse et j’écoute. On frappe fortement à la porte — Entrez— Bismarck parait, en grande tenue de cuirassier blanc— Vous ! Prince ? à cette heure ? — Oui, moa ! J’ai passé la nuit près de mon Empereur pour traiter nos grandes affaires. — Eh bien ? — Eh bien ! bonne nouvelle, et j’ai voulu être le premier à vous l’annoncer: L’Empereur accepte toutes vos conditions. __ Je n’attendais pas moins de vos influences. __ J’ai dit simplement : L’Empereur etc. __ Eh bien, Prince, veuillez passer dans mon petit salon; je me lève pour télégraphier à mon Gouvernement. — Vous pouvez vous lever devant moi; j’ai été soldat, J’endosse une robe de chambre. — Et maintenant, dit Bismarck, avant tout, rédigeons nos conventions. Sur une méchante table, à la lueur d’une bougie, Bismarck en grande tenue, moi en costume de nuit, nous rédigeons en double: « Demain, à midi, les troupes prussiennes auront évacué le territoire Français etc. « __ Quand partez-vous, Monsieur le Ministre ? __ Mais demain, Prince. __ Eh bien puisque nous voilà bons amis, je veux que tout le monde le sache: je vous accompagnerai au départ. A propos, combien vous a coûté votre voyage à Berlin ? — Mille francs. — Vous vous trompez; les chemins de fer allemands coûtent bien moins que les chemins de fer français ! Au départ. Bismarck et moi causions sur le quai de la gare de Berlin,. — Salignac dis-je au colonel Salignac-Fénélon qui m’accompagnait, voulez-vous aller régler le retour ? Salignac revient. — Monsieur le Ministre, nous avons payé l’aller et le retour. — Vous voyez bien, dit Bismarck, que nos chemins de fer coûtent moins que les vôtres ! Trois fois, en route, aux buffets, déjeuners et diners plantureux, parfaitement servis; et quand Salignac se présente pour payer, toujours cette réponse: C’est pour Monsieur le Ministre plénipotentiaire français. C’est compris dans l’aller et le retour ! Nous finissons par nous apercevoir que les serviteurs du Prince et sa cave nous suivent depuis Berlin. Et je rédige cette dépêche: « Dans ces conditions, les chemins de fer allemands coûtent moins que les chemins de fer français ».
2 - Sur le paiement de l’indemnité de guerre.
M. Thiers m’envoie en Allemagne, en me disant de m’adjoindre, si je veux, Jules Favre; Jules Favre et moi: nous nous donnons rendez-vous à Pantin. J’y arrive assez facilement. Mais Jules Favre, au sortir de Paris, est reconnu par les fédérés qui veulent le jeter à la Seine; il leur échappe et se fait escorter jusqu’à Pantin par un escadron prussien. A Berlin, Bismarck nous invite tous les deux. Il offre un cigare à Jules Favre. — Merci ! Je ne fume pas. Puis dans une énorme chope, il lui offre un mélange de bière, d’eau-de vie, etc. mis en ébullition fervente par un tisonnier rouge. – Prince ! Je ne bois pas !! – Si vous ne buvez ni ne fumez, eh bien, allez-vous coucher ! Jules Favre part en effet. Au nom de la Patrie, j’avale d’un trait l’affreux breuvage, à la satisfaction du Prince, qui dit à Guillaume: « Il ne faut rien lui refuser ».
3 - Sur la délimitation du territoire
Je refusais d’accepter la délimitation proposée par Bismarck, parce que, pour arriver à Belfort qui nous restait, il fallait passer par une langue de terre étroite comme une large rue, entre deux longues frontières prussiennes. — Après tout, Prince, dis-je au bout d’une grande discussion, je ne veux pas que mes enfants soient Prussiens, et ils le deviennent par votre délimitation qui met chez vous les propriétés de mon gendre,.. — Ah ! Question de gentilhommerie entre nous ! Où commencent les propriétés de votre gendre ? dit Bismarck en appuyant un crayon sur la carte. Il promène son crayon sur les points que j’indique et si violemment qu’il le casse. — Enfin ! dit-il, il en a donc bien grand, des propriétés, votre gendre ? Et il cède. J’ai conservé la carte et le crayon. En fait, mon gendre, M. de Lambertye n’était pas encore mon gendre, mais devait le devenir et l’est devenu. J’ai eu le bonheur de conserver ainsi à la France cinq ou six mille habitants et des mines importantes.

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Au bout de quatre ans, l'entreprise fut absorbée par l'Anglo-American Telegraph Company.

1870 "Les câbles éléctriques sous marins (pdf)" Hédouin
1869
"Manuel Pratique de Télégraphie sous-marine (pdf)" Ternant.
On peut lire en détail la conception et la pose des câbles sous-marins de cette époque.

La Marine Impériale prêta un navire câblier construit en Angleterre en 1862 sous le nom d' « Electric Pacha » puis rebaptisé « Dix Décembre » et enfin « Ampère » en 1870. Navire aux moyens limités, il posa néanmoins, après maintes péripéties, le câble Oran-Carthage en 1864.
Câblier Ampère.

En 1870, à la demande du gouvernement britannique, Bombay est relié à Londres par un câble sous-marin posé par le Great Eastern, opération combinée de quatre compagnies de câbles.

En 1870, La Société du Câble Transatlantique Français, SCTF pose un câble reliant la France depuis Brignogan (29890) en Bretagne à Salcombe en Grande-Bretagne. Le câble fonctionnera jusqu'en 1900.

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En juin 1871, la Grande-Bretagne est reliée à Hong Kong et, un an plus tard, à l'Australie.

En 1873 Un second navire, La Charente, est affecté au service des câbles sous-marins en 1874 et basé à Toulon. L'Ampère (ex Dix décembre) rejoint la base du Havre. Il a été construit en Angleterre en 1862 et aménagé en câblier par la Compagnie des Forges et Chantiers de la Seyne sur Mer.
Mis en service en 1874, il posa et répara de nombreux câbles tant en Méditerranée que dans l'Atlantique et fut déclassé en 1931, après 69 ans de service.
Câblier La Charente 1874

Ces navires étaient armés par un équipage militaire, les travaux dirigés par un ingénieur des Télégraphes. Cette situation dura jusqu'en 1885 ; les équipages militaires retirés, l'administration dut s'occuper du recrutement et de la formation de son personnel. Les besoins de communications rapides devenant de plus en plus impérieux, l'industrialisation accélérée de la France, le développement des relations commerciales internationales rendaient indispensable un changement des structures. Dans cette perspective, un décret du 27 février 1878 avait réalisé la fusion des services postaux et télégraphiques sous l'autorité du ministère des Finances .


En 1877, les réseaux télégraphiques britanniques ont une longueur de 103 068 km sur les 118 507 km du réseau mondial. 43 câbles atterrissent en France.

Des câbles transatlantiques supplémentaires ont ensuite été posés entre Foilhommerum (île de Valentia, Irlande) et Heart's Content (Terre-Neuve) en 1873, 1874, 1880 et 1894 ; d'autres ont été posés entre les États-Unis (Duxbury dans le Comté de Plymouth et Cap Cod) et la France (Brest-Déolen), le Portugal ou la Belgique.À la fin du XIXe siècle, des câbles britanniques, français, allemands et américains reliaient l'Europe et l'Amérique du Nord et constituaient un réseau sophistiqué de communications télégraphiques.
Dans les années 1870, des systèmes de transmission duplex et quadruplex (multiplexage) ont été mis en place pour pouvoir transmettre simultanément plusieurs messages sur chaque câble.

En 1874 Le câblier Faraday, est construit comme le premier navire conçu spécifiquement pour la pose de câbles.

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La nouvelle concurrence américaine et ses conséquences sur la « PQ Cable » :
Les américains débarquent : Jay Gould All America Cables 1881, J.W. Mackay et J.G.Bennett Jr Commercial Cable Cy 1883

Jusqu’à présent les américains sont absents du marché des câbles télégraphiques – ils ont développé un ensemble considérable de réseaux terrestres désservant la plupart des centres importants de l’immense pays. Western Union en contrôle l’essentiel et se connecte à l’Anglo American pour les échanges de trafic avec l’Europe.
Un concurrent de la WU est L’American Union Telegraph Cy qui est le partenaire choisi par la PQ pour s’interconnecter avec les territoires US.
Les nouveaux intervenants sur l’atlantique sont:
1 - Jason « Jay » Gould, (1836, Roxbury N.Y. – 1892, NYK city) qui a fait fortune dans les tanneries et le commerce du cuir, puis dans les Chemins de fer: il prend le contrôle de WU puis en 1881 rachète les droits et actifs de l’American Union, enfin il crée All America Cables et contracte avec Siemens Brothers pour 2 cables en service en 1882;
2 - John William Mackay (1831, Dublin – 1902), ouvrier de chantier naval à New-York, puis matelot en 1851sur un clipper pour rejoindre via le cap Horn la ruée vers l’or (mais il y arrive trop tard), on le retrouve à Virginia City où, après des coups de bourse chanceux, il fait fortune dans les mines d’argent. Puis il s’installe à Paris en 1876 et continue de fructueuses affaires qui lui permettent de racheter en 1883 la Postal Telegraph (dernière concurrente sérieuse de la WU); à cette occasion, il se lie d’amitié avec James Gordon Bennett Jnr (qui a épousé la fille Reuter et a fondé le International Herald Tribune), ils créent ensemble la CCC (Commercial Cable Cy) et contractent aussi avec Siemens Bro pour deux autres nouveaux câbles en 1883 et 1884.

Inutile de dire que, si cette nouvelle concurrence d’origine américaine pose de sérieux problèmes à l’Anglo-American, elle s’avère totalement catastrophique pour la PQ, dont la situation est fragile à bien des points de vue, en particulier financier; en effet, la PQ a eu « le flair » de choisir comme banque l’Union Générale qui disparaît dans le crach boursier français de 1882.
Ces épreuves amplifient la zizanie évoquée plus haut et provoquent un véritable éclatement du Conseil et de la Direction de la Société, le ministère des P&T intervenant de plus à contre-temps. Une partie de l’équipe PQ souhaite avec le Comte Dillon profiter de la situation pour s’allier aux américains contre les anglais et l’autre partie (Pouyer-Quertier, Collignon,..) licencient Dillon et veulent continuer à négocier les tarifs et quotas dans le cadre du pool de l’Anglo.
Finalement c’est le clan Dillon, supporté par la CCC, Siemens et le ministère qui l’emporte : Dillon revient en force dans la société, Pouyer-Quertier est « démissionné » de la présidence et les accords avec l’Anglo sont dénoncés.
Notons au passage que le Comte Dillon est à partir de 1886 un important support du Général Boulanger et que, convaincu d’avoir utilisé les ressources de la Société pour financer le mouvement boulangiste, il devra démissionner de la PQ en juillet 1888. L’Anglo poursuit la PQ devant les tribunaux français: une longue procédure s’en suit à partir de 1887 avec l’intervention de ténors du barreau: l’avocat de la PQ n’est autre que Waldeck Rousseau (qui a été déjà 2 fois ministre) et l’avocat de l’Anglo est maître Barboux (de l’Académie française), qui défend aussi de Lesseps dans l’affaire de Panama.
Le nouveau président de la PQ Cable Cy est l’ex-Capitaine de Frégate Brueyre-Dellorier qui négocie une nouvelle convention d’échange de trafic avec la Commercial mais, avec ce changement d’alliances, PQ n’est plus que le bureau français de la CCC.
La guerre des tarifs entre anglais et américains s’arrête en 1888, mais le niveau atteint de 1Sh. ou 1,25F par mot ne permet plus à PQ d’équilibrer son compte d’exploitation. Pire, l’interruption du câble de PQ pendant plusieurs mois en 1894 fait encore plonger les recettes.
La PQ couverte de dettes est déclarée en faillite en décembre 1895 [Pouyer-Quertier est mort le 2/4/1891, lui aussi criblé de dettes] Pendant ce temps-là, une autre entité française la Sté Fse des Télégraphes Sous-Marins à laquelle participe la Société Générale des Téléphones (réseau nationalisé en France) a déployé et exploite un réseau de câbles sous-marins dans les Antilles et un magnifique projet de câble Brest/Lisbonne/Açores/Haïti soutenu par le gouvernement français est bloqué en 1892 par la chute de ce même gouvernement et le changement de ministre des P&T.

Les avoirs de la PQ et de la SFTSM sont fusionnés dans une nouvelle société: la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques, CFCT créée en début 1896 et présidée par le Contre-Amiral Jules Caubet.

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1877 l'année ou le téléphone de Bell commence à être exploité, faisons le point (Supplément au Numéro 29 (vol. III) du Journal télégraphique).

EXTRAIT DU TABLEAU DES CABLES TELEGRAPHIQUES SOUS-MARINS.

Pour chaque câble ou section de câble la Nomenclature fait connaître les points d'atterrissement, l'époque de la pose, le nombre des fils conducteurs, la longueur en milles nautiques du câble et du développement des conducteurs qui le composent et, enfin, au moyen d'une des quatre lettres A, B, C et D, la nature du service applicable.
Sous la lettre A, comme le fait connaître l'explication des signes placée en tête du tableau, nous comprenons tous les câbles exploités par une des Administrations contractantes ou par une Compagnie ayant officiellement accédé à la Convention et, pour qui, par conséquent, le régime conventionnel est obligatoire.
Les lettres B, C et D sont réservées aux exploitations privées on gouverne-, mentales restées indépendantes de la Convention.
De ces Offices, les uns admettent, en fait, toutes les dispositions du Règlement international, leurs câbles sont désignés par la lettre B ; les autres les acceptent également comme règle générale, mais avec quelques dérogations de détail, à leurs lignes s'applique la lettre C; enfin, les câbles indiqués sous la lettre D sont ceux des exploitations qui suivent un régime spécial, sensiblement différent de celui de la Convention.


Regardons la fin de l'inventaire des administrations gouvernementales : la France a 26 câbles sous marins pour 673 milles.




Détail des câblesdu réseau de l'état, en direction des différents pays ou îles Françaises.


Dans l'autre sens en provenance de Grande Bretagne il y avait 24 câbles de compagnies privées.


Dans cet état des lieux en 1877 on y trouvera aussi les câbles :

Du Réseau international. de St-Sébastien à Ondarraizu (France) en 1875.
De Direct àpanish Telegraph Company
entre Barcelone et Marseille en 1874.
De Det Store Nordiske Telegraph Selskab (Great-NortheriiTelegraph Company) de Fano (Danemark) à Calais (France) en 1873.
Du Réseau occidental de Malte de Marseille (France) à Bone (Algérie) en 1870.
Du Réseau Eastern Extension Australasiaand China Telegraph Cyde de Singapore à Saigon (Cochinchine française) 1871.
Du Réseau Anglo-Anierican Telegraph Company du Minou près Brest (France) à St-Pierre (îles St-Pierre Miquelon) 1869.
Du Réseau Anglo-Anierican Telegraph Company de Salcombe (Angleterre) à Brignogan (France) 1870.
De Central .American Telegraph Company de Demerara(Guyane anglaise) à Cayenne (Guyane française) 1875 et de Cayenne à Para (Brésil) 1875

Tableau pour les compagnies privées dans le monde

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En Angleterre et en France, Bell enchaîne les démonstrations et fait parler la presse scientifique, il ètablit la première liaison téléphonique intercontinentale (36 Km) entre Douvres et Calais sur un seul fil (télégraphique) et retour par la terre.
Dans
l'univers illustré page 754
du 1 décembre 1877, nous lisons dans "la France" que le téléphone vient de fonctionner entre la France et l'Angleterre. Deux cornets acoustiques aimantés ont élé placés la semaine dernière a Saint-Margaret, sur la côle anglaise, près de Douvres, et a Sangatte, près de Calais, puis reliés entre eux par un fil métallique.
Des conversations ont été échangées ainsi à travers le détroit, les résultats obtenus ont paru très satisfaisants aux inspecteurs des lignes de Douvres et de Calais.

Les téléphones qui ont servis à cet événement sont aujourd'hui chez un collectionneur Australien


En 1878
, le gouvernement décide de créer un secrétariat d'Etat aux Postes et Télégraphes, rattaché au ministère des Finances.
Celui-ci définit une politique de câbles sous-marins pour la Méditerranée et sur l'Atlantique Nord. Au secteur public, le réseau des îles côtières, les liaisons franco-anglaises et les câbles de la Méditerranée ; au secteur privé, dans le cadre d'une convention avec l'Etat, les réseaux de l'océan Atlantique.

Les premiers câbles directs Antibes - Saint Florent (1878) et Marseille - Alger (1879) permettent de sécuriser les liaisons posées respectivement en 1866 et 1871.

En 1879, un nouveau câble français est posé. Son propriétaire était La Compagnie Française du Télégraphe de Paris à New York, qui a passé un contrat avec la société anglaise Siemens Brothers pour fabriquer et poser le câble.
La commande a été passée en mars 1879 et Siemens a commencé à la poser en juin, en utilisant son câblier Faraday , construit en 1874 comme le premier navire conçu spécifiquement pour la pose de câbles.
Le câble s'étendait sur 2 242 milles marins à travers l'Atlantique de Deolen (environ 17 km à l'ouest de Brest) à Saint-Pierre et 827 milles marins de là à Cape Cod, Massachusetts, atterrissant à une station construite sur mesure près du phare de Nauset Light Beach à North Eastham. qui a été utilisé pendant les douze années suivantes.

Le Direct Brest France à Orléans MA 3174 Miles
Cette station, lorsqu'elle était en service, était le terminus américain d'un câble télégraphique qui arrivait directement à Orléans depuis la France. Il s'appelait "Le Direct" le câble direct. Il a été installé en 1898 et mesurait près de 3200 miles de long.
(En 1929 Le câble est trop endommagé par un séisme et ne sera pas réparé.)

En 1880, la compagnie française du télégraphe de Paris à New York pose le câble reliant la France (station de Brest-Déolen) à Porthcurno en Grande-Bretagne. Le câble est coupé en 1940 puis réparé en 1947. La ligne est fermée en 1962 en même temps que la station de Brest-Déolen où il atterrit.

En 1881 Deux usines privées sont construites à Calais par la société industrielle des Téléphones et à Saint-Tropez par la société A. Grammont.
Elles se partageront le marché.
Pendant 80 ans, l'usine de La Seyne fabrique ou rénove les câbles usagés relevés au cours des réparations entreprises sur le réseau gouvernemental.


Les différents câbles transatlantiques.
1883
Carte des pôles montrant les câbles sous-marins et, en rouge, les principales lignes télégraphiques, 1883

En 1891, le premier câble téléphonique sous-marin entre Sangatte et St-Margaret est posé par le câblier Monarch : il s'agit d'une liaison simple voie inaugurée le 19 mars par le ministre Jules Roche et son homologue britannique, M. Raikes.
Orleans Cable Station under construction in 1891
La gare de North Eastham était quelque peu isolée et difficile d'accès en hiver, c'est pourquoi en 1891 une nouvelle gare fut construite à Orléans, près du quartier commercial de la ville. Un câble de l'ancienne station de Nauset a été posé à travers Nauset Marsh jusqu'au pied de Town Cove à Orléans, puis jusqu'à la nouvelle maison de la station de câble. L'entretien de la grande et ancienne gare uniquement comme point de connexion s'est avéré trop coûteux et, par conséquent, la maison de la gare de Nauset a été vendue en 1893. En même temps, une petite cabane qui mesurait environ dix pieds sur quinze a été construite près de l'ancienne station comme point de connexion pour le câble. Cette cabane fait actuellement partie de la structure connue sous le nom de French Cable Hut.

Le 1er juillet 1891, la Chambre des députés se penche sur la politique française de télégraphie par câbles sous-marins.
Plus généralement, faut-il confier la construction d’un réseau public, en l’occurrence celui des télécommunications nationales au secteur privé ou au service public ? L’avenir de l’usine à câble de La Seyne-sur-mer est posé pendant la longue séance parlementaire qui se déroule ce jour là.

Entre 1871 et 1887, la longueur du réseau français passe de 1.000 Km à 12.000 Km, 6.000 Km de câbles achetés en Angleterre pour la PQ et 6.000 Km de câbles gouvernementaux fabriqués en partie à La Seyne. Le secteur public n’a pas failli, un câble Toulon – Ajaccio a été fabriqué à La Seyne et posé par la Charente au début de 1891.
Par contre, la PQ est en difficulté puisque son président fondateur est mis en minorité et écarté par son conseil d’administration en 1891. La PQ doit répondre devant les tribunaux de sa nouvelle attitude vis-à-vis des compagnies transatlantiques, qui l’accusent de rupture de contrat. Elle
se dirige vers une faillite.

Il était évidemment nécessaire de s'affranchir en partie de la tutelle britannique.
D'autre part, l'explosion
des besoins favorisait la création d'une industrie purement française. L'usine fut conçue en raison de deux objectifs :
- assurer la fabrication d'une grande partie de nos câbles côtiers et de grand fond ;
- créer un marché de référence permettant d'agir sur les prix proposés par les anglais ou l'industrie française : Société Industrielle des Téléphones,
installée à Calais ou la Société Grammont dont la création était projetée.
Aucune extension n'étant possible à Toulon par manque de terrains appropriés, le choix se porta sur la Seyne sur Mer, où la partie marécageuse, encore vierge, de la place des Esplageolles à l'enceinte de BrégailIon, réunissait les conditions souhaitées.
Les travaux furent rondement menés grâce à la collaboration active de toutes les administrations intéressées, en particulier de la municipalité de la Seyne.

Cartes des câbles, publiées par le Bureau télégraphique international de Berne en 1897, montrent le tracé du câble de 1879 de Brest à Saint-Pierre et Miquelon, continuant jusqu'à Cape Cod.

Ces cartes de 1897 montrent le tracé du câble de 1879

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Section de câble télégraphique sous-marin Rattier-Menier 1895


En 1898, la compagnie française des câbles télégraphiques (CFCT) pose un câble reliant la France (station de Brest-Déolen) aux États-Unis (Orleans sur la presqu'île de Cap Cod) sans passer par Saint-Pierre-et-Miquelon. Le câble est surnommé le « Direct », il est long de 6 000 km. Il sera coupé en 1940, rétabli en 1952 et fermé en 1959.

En décembre 1899, après avoir expérimenté avec succès l'appareil entre Marseille et Alger, un vœu est adopté pour développer l'usage de l'appareil Baudot sur les câbles sous-marins d'Algérie.

Evolution des réseaux de câbles sous-marin

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Réseaux de télécommunications Anglaises

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En 1901, l’Anglo-American exploite 6 câbles transatl. la CFCT exploite 2 câbles transatl. la WU (All Americas) exploite 2 câbles transatl. la Commercial CC exploite 5 câbles transatl. la Deutsche Atl Tel exploite 2 câbles transatl.
Après la domination anglaise totale de 1866 à 1879, seule l’arrivée des entreprises américaines en 1881-1884 a donc réussi à imposer un minimum de concurrence réelle.

En 1902 et 1903, premier câble télégraphique transpacifique, reliant les États-Unis à Hawaï, à Guam et aux Philippines en 1903. Pose d'une liaison Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Fidji.

En 1905, l'administration des Postes, Télégraphe et Téléphone (PTT) pose un câble reliant la France (Brest-Petit Minou) à Dakar-Yoff (Sénégal).
Il est posé en quatre expéditions par le câblier François Arago. Il permet de communiquer avec l'Afrique de l'Ouest et l'Amérique du Sud via Dakar-Yoff. Sa gestion est confiée à la Compagnie française des câbles sud-américains (SUDAM). Il est coupé en 1940, rétabli et dérouté sur la station de Brest-Déolen en 1945. Il est fermé en 1961.

Câblier François Arago de 1882-1914

En 1905, Marseille est reliée à l'Afrique du Nord par 5 câbles sur Alger, Oran et Bizerte. Marseille est reliée à Dakar via Oran, Tanger, Cadix et les Canaries.
Les navires se succèdent : l'Ampère 2 remplace la Charente en 1930 puis la darse accueille l'Emile Baudot, l'Arago, l'Alsace et le d'Arsonval.

La conduite des navires est confiée à des états-majors et des équipages de la Marine marchande et la conduite des réparations et des poses à des fonctionnaires de l'administration.

La France peut être considérée, loin derrière l'Angleterre, comme la seconde puissance mondiale en matière de câbles sous-marins. Elle possè 18 % du kilométrage mondial (la Grande-Bretagne 53 %). La particularité française est l'importance relative de son p.arc de lignes administratives, le poids de la seule société privée française de câbles sous-marins (qui assure la liaison transatlantique) restant faible.
La mise au point des câbles sous-marins améliore de manière foudroyante les relations télégraphiques. La croissance du réseau est continue jusqu'au moment où se manifeste la concurrence de la radio.
Depuis, le rôle des câbles télégraphiques n'a cessé de diminuer (notamment en ce qui concerne le colume de trafic effectué plus que la longueur du réseau lui-même).
Les câbles cependant continuèrent d'être utilisés. Ils présentent en effet, par rapport la TSF, de multiples avantages : exploitation plus régulière, moins entachée d'erreurs, délais de transmission précis, faibles dépenses d'exploitation. Les réparations sont pourtant longues et coûteuses et l'exploitation d'un prix de revient élevé pour de longues distances .

Navire Câblier Edouard Jeramec construit en 1913 pour la CFCT .
La CFCT va réaliser en 1897 – 1898 le plus long câble sous-marin jamais construit à cette époque: le Direct Déolen/Cape Cod, 6 000 km.
C’est enfin un câble de technologie française, car il existe désormais trois usines de fabrication de câbles sous-marins en France : La-Seyne/mer (1881, administration française), Calais (1891, SIT filiale de SGT) et St-Tropez (1892, A. Grammont). La pose échoue en 1897 mais réussit en 1898. Ce retard, cumulé avec la catastrophe de 1902, l’éruption de la Montagne Pelée provoque de sérieuses difficultés financières à la CFCT et une nouvelle intervention de l’état avec un nouveau montage financier est nécessaire. En Martinique : le réseau antillais de la CFCT est dévasté, le câblier Pouyer-Quertier sauve 1855 vies. C’est sous la direction d’Edouard Jeramec (ex-administrateur de la Cie des Chemins de Fer du Nord), nommé président de CFCT en 1903, que la CFCT se rétablit progressivement et retrouve en 10 ans une profitabilité normale qui lui permet en 1913 de lancer un nouveau navire câblier qui prend le nom du président, comme au temps de Pouyer-Quertier.

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câbles télégraphiques transatlantiques en 1912 : atterrissements nord-européens

câbles télégraphiques transatlantiques en 1912 : atterrissements nord-américains Nous n’avons considéré que les trajets sur l’atlantique nord.

Câblier Arago 1914-1950

En 1917, 21 câbles transatlantiques franco-anglais en service permettent théoriquement d'acheminer 1,2 million de mots par semaine dans les deux sens.

En 1928, il y avait 21 câbles télégraphiques transatlantiques entre l’Europe et le Canada ou les États-Unis

En 1929, 12 câbles transatlantiques sont rompus au sud de Terre-Neuve à la suite du séisme de 1929 aux Grands Bancs le 18 novembre et du glissement de terrain sous-marin généré.

Câblier Ampère 2 1930-1944

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En 1943 : les premiers répéteurs immergés (adaptés à des profondeurs de 200 brasses) sont placés en mer d'Irlande entre Anglesey et l'île de Man et permettent un développement considérable des câbles coaxiaux sous-marins reliant le Royaume-Uni avec l'Allemagne , les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark. Une fois ces projets expérimentaux réalisés avec succès, il est alors possible de commencer un projet transatlantique plus ambitieux.

Après 1945, pendant que les navires Alsace, d'Arsonval et Emile Baudot remettent en état le réseau télégraphique, le personnel de l'usine de Toulon est très impliqué dans la définition des premiers répéteurs téléphoniques et les expérimentations de l'administration et de l'industriel français (CIT et Câbles de Lyon). Les deux premières liaisons téléphoniques expérimentales sont réalisées entre Toulon et Ajaccio en 1946 et entre Cannes et Nice en 1950. L'usine cesse la production de câbles télégraphiques dans les années 50 car la nouvelle technologie des câbles téléphoniques assure la relève et conduit à l'abandon des réseaux télégraphiques en 1962.

En 1950, première liaison téléphonique sous-marine entre Key West (Floride, États-Unis) et La Havane (Cuba). Sa capacité est de 24 circuits et chacun des deux câbles contient quatre répéteurs

En 1953 : le Postmaster General annonce que l'accord pour le premier câble téléphonique transatlantique est signé (le 1er décembre). Une des premières difficultés rencontrées est le choix d'un itinéraire pour les 2 câbles nécessaires, comme le plus court, et peut-être le meilleur, est déjà occupé par des câbles télégraphiques.
Fin 1953, des sites adaptés à la pose de câbles sont choisis à Terre-Neuve et en Écosse. L'ensemble du câble transatlantique est posé par le câblier ‘’Monarch‘’, construit pour le bureau des postes en 1945. Il est le seul capable d’installer les 3 000 km de câble qui doivent être déposés en une seule pièce à travers la partie la plus profonde de l'Atlantique. Lors de la pose des répéteurs rigides, il est nécessaire pour un navire câblier de s'arrêter à chaque fois.

En 1955, mise au point définitive des amplificateurs répéteurs immergés permettant des liaisons téléphoniques modulées à très grande distance.
En 1955 : les premières longueurs de câble sont fabriquées et en mars le câblier, équipé de nouveaux engins de pose, entreprend des essais au large de Gibraltar. Peu après, il commence à travailler sur la pose du premier câble transatlantique, d'ouest en est.

A la fin de juin 1955 le '’Monarch'’ pose le câble de Clarenville.

Après un nouvel approvisionnement, il y revient en évitant les icebergs de l'Atlantique nord, pose le câble à travers l'Atlantique jusqu’à Rockall Bank. Le voyage se déroule sans incident, en dehors de violentes tempêtes près de Rockall. Dans l'intervalle le câblier 'Iris' pose les câbles écossais.
Le '’Monarch'’ rechargé en câble, retourne à Rockall Bank afin de poser les 1 000 derniers kilomètres vers Oban où la jonction finale est effectuée le 26 septembre 1956 . TAT 1 est terminé trois mois avant la date prévue.

Mise en service de TAT1, premier câble transatlantique téléphonique à technologie coaxiale et à modulation de courant et de fréquences.

La communication télégraphique est relativement facile car elle est établie dès la détection des impulsions électriques à l’autre extrémité et quelles que soient la distorsion de ces impulsions et les variations de leur amplitude avec le temps.
Par contre, l’intelligibilité de la parole téléphonique nécessite un traitement des signaux judicieux et dépend de la précision avec laquelle sont reproduites les variations de l’amplitude et de la fréquence des sons. Même si, les plans de réalisation de cette liaison ont été arrêtés dès 1953, le premier câble téléphonique sous-marin transatlantique le TAT 1 (Transatlantique 1), a été inauguré le 25 Septembre 1956,
Il a été salué comme le départ de l'ère moderne de la communication globale.

Le câble a été conçu pour relier les États-Unis et le Canada au Royaume-Uni, avec des possibilités pour que des circuits puissent être loués à d'autres pays d'Europe occidentale.

Installation du câble Transatlantique téléphonique TAT1, Oban, Scotland, 1955.

Le câble fournissait 30 circuits téléphoniques vers les États-Unis et six vers le Canada. La plupart étaient pour les communications avec le Royaume-Uni, le reste était relié par Londres pour donner un accès direct à l'Europe.

Entrepris par les prédécesseurs de BT, le Département d’Ingénierie de la British Post Office, avec l'American Telegraph and Telephone Company, les laboratoires de la Bell Telephone et la Canadian Overseas Telecommunications Corporation (Société canadienne des télécommunications d’outre-mer), le projet de £ 12,500,000 a demandé trois ans pour le parachever.
Pendant ce temps, le système a été étudié, fabriqué et installé, ce qui a nécessité le développement de nouvelles techniques pour placer le câble dans les eaux profondes.
Les liaisons télégraphiques entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis existaient depuis le milieu du siècle dernier, mais il a fallu attendre 1927 pour voir le premier service de radiotéléphonie commerciale entre les deux pays. Initialement 2.000 appels par an étaient faites à travers
l'Atlantique, mais le coût était prohibitif - en 1928, le taux de base pour les appels vers New York était de 9 £ pour trois minutes.
C’est seulement avec le développement de nouveaux équipements, tels que les câbles coaxiaux avec l'isolation au polyéthylène, et les répéteurs immergés à large bande et l’équipement de la fréquence porteuse, que la téléphonie transatlantique par câble a pu être réalisée. Ces nouvelles technologies ont été développées juste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Un point essentiel pour la Post office a été le développement de répéteurs sous-marins qui étaient suffisamment robustes et fiables pour les zones autour de la côte et l'Europe continentale.

Construction des répéteurs
Hommes tirant le premier segment à terre à Clarenville, Newfoundland, Canada, 1955.

Mis à part le court atterrissement, l'ensemble du câble téléphonique transatlantique a été posée par le navire câblier de la Post Office Monarch.
Il était le seul navire à être capable de réaliser les 1500 miles nautiques de câble qui devait être posés d’une seule pièce dans la partie la plus
profonde de l'Atlantique, entre Oban en Ecosse et Clarenville, Terre-Neuve. Le câble ensuite a traversé le détroit de Cabot à Sydney Mines, en Nouvelle-Écosse.
Lors de la cérémonie inaugurale à Lancaster House à Londres le 25 Septembre 1956, le service a été ouvert par le ministre des Postes, qui a parlé au Président de AT & T à New York, et au ministre des Transports du Canada.


Carte de l’itinéraire du câble d’Oban à Clarenville et diagramme topographique du fond de l’océan.

Au cours de sa première année de service, le TAT1 a effectué deux fois plus d'appels que les circuits de radio n’en avaient réalisé en un an environ 220 000 appels entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, et 75 000 entre la Grande-Bretagne et Canada - générant 2 millions de livres à se partager entre les trois pays.

En 1956, le premier câble téléphonique transatlantique a été considéré comme une réussite technologique majeure, rien de moins qu’une base solide pour la recherche et l'amélioration future. Il a ouvert la voie à de nouveaux développements tels que les câbles transatlantiques sophistiqués à fibre optique numérique, qui peuvent passer des dizaines de milliers d'appels simultanément.

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Câbles sous-marins en Méditerranée


De 1850 à 1860 la longueur totale des câbles sous-marins s’élève à 20,826 km, dont 5,173 km en Méditerranée et en Mer Noire.
En 1860. Abandon des câbles posés par plus de 300 m de profondeur après leur premier dérangement.

De 1860 à 1878. Echecs français. Monopole britannique.

La Métropole était liée à la Corse par l’Italie et à l’Algérie par l’Espagne. 4 lignes sont créées et sont des échecs.
1860. Câble Toulon-Alger.
1861. Toulon-Minorque. Glass Elliot & Cie. Abandon.
1861. Port-Vendres-Minorque. Glass Elliot & Cie. Abandon.
1861. Câble Toulon-Ajaccio. Glass Elliot & Cie. Abandon.

1863. 1er navire câblier français le Dix-Décembre et création d’un atelier à Toulon.
1863–1865. Réalisation du plan pour relier les îles côtières provençale au Continent.
1864. Echec de la pose d’un câble entre Oran et Carthagène par le Dix-Décembre.
1866. Réseau de 194 km installé par le Dix-Décembre : Livourne-Macinaggio (11,396 km) et Bonifacio-Santa Teresa (14,816 km)ainsi que des liaisons côtières.
1870. 5 février. Installation de la liaison Marseille-Bône-Malte (828,022 km) avec de la technologie britannique.
1870–1878. La IIIe République renégocie avec l’Eastern le contenu des conventions des câbles de Méditerranée sur des bases plus équitables;
1871. Adolphe Thiers renégocie le contrat pour constituer le 1er câble direct Marseille-Alger (921,999 km) qui est posé un an après la liaison Marseille-Bône-Malte de l’Eastern Telegraph.
1872. Absorption de la compagnie Marseille Algiers Malta Company par l’Eastern.
1873. Un second navire, la Charente est basé à Toulon en complément de l’Ampère (ex Dix-Décembre qui rejoint Le Havre).
1874. Bonifacio-Sta Theresa. 14,816 km.
1874. Marseille-Barcelone N°1. 407,410 km.
1877. Marseille-Bone N°2. 857,513 km.
1878. Première ligne directe avec la Corse posée entre Antibes et Saint-Florent. 238,908 km.
Une politique de câbles sous-marins est définie en lien avec les ambitions coloniales de la France.
1879. Marseille-Alger N°2. 927,482 km.
1890. Marseille-Alger N°3. 903,707 km.
1891. Bonifacio-Sta Theresa. (Fournisseur La Seyne). 14,816 km.
1891. Toulon-Ajaccio. (Fournisseur La Seyne). 319,540 km.
1891. 1er juillet. La Chambre vote un crédit de 5.000.000 francs pour l’installation de 2 câbles : 1 1892. Marseille – Oran N°1. 1097,564 km. 2 Marseille-Tunis. Les Liaisons sont adjugées à la SIT et à A. Grammont (usine de Saint-Tropez).
1893. Marseille-Bizerte N°1. 986,322 km.
Développement de câbles vers : La Nouvelle Calédonie, Madagascar, La Réunion, l’Indochine et, surtout, l’Afrique du Nord.
1900. Premiers câbles enterrés à faible affaiblissement, sur des courtes distances.
1901. Oran-Tanger (fournisseur La Seyne). 516,880 km.
1905. Tanger-Cadix (fournisseur La Seyne). 145,212 km.
1905. Marseille-Barcelone N°2. 407 km.
1913. Marseille-Alger N°4. 890,879 km.
1923. Menton-Gênes.
1926. Marseille-Philippeville. 845,834 km.
1928. Paris est relié à Alger.
1931. Marseille-Bizerte N°2. 957,867 km.
1932. Pose d’un câble vers l’Afrique du Nord. Marseille-Oran N°2. 1178,816 km.
1936. Nabeul-Igalo. 1495,914 km.
1938. Câble Marseille-Bizerte N°3. 889,715 km.
1938. Nabeul-Beyrouth. 2496,866 km.
1939. Câble Marseille-Oran. N°3. 1080,446 km.
Dans cette période : 9 câbles entre Marseille et les principaux ports africains : Alger, Oran, Bizerte…
1940–1945. Guerre Mondiale. Un navire câblier allemand est basé à Marseille afin de couper les câbles posés entre Gibraltar et Alexandrie.
Des sous-marins allemands doivent détruire les atterrissements en Méditerranée et en Atlantique. Les destructions sont rapidement réparées.

Autres réseaux méditerranéens :
Italie. 12 câbles. 404 km. 1886. Usine Pirelli de La Spezia. Navire-câblier Pirelli : Citta di Milano.
Espagne. 3 câbles avec les Baléares. 239 km.
Réseaux anglais en Méditerranée Orientale sécurisés par la France jusqu’à Malte.
La ligne Gibraltar-Alexandrie est renforcée par les Anglais : 1897, 1889, 1912 , 1921 avec 2 navires câbliers basés à Malte et en Grèce.
Les anglais construisent un réseau mondial exploité par des compagnies privées très liées à leur gouvernement.

Premiers systèmes modernes. 1945 – 1988
1946. Premiers câbles avec répéteurs : Toulon-Ajaccio.
1946. Prototype de répéteur sous-marin posé par 2500 m de profondeur. Construits par Câble de Lyon, à Bezons et qualifié à La Seyne.
1950. Liaison prototype avec un répéteur posée entre Cannes (06) et Nice (06). Fonctionne jusqu’en 1958. Ouvre la voie à l’industrie française.
1956. Le réseau de câbles sous-marins téléphoniques se développe parallèlement à celui des satellites géostationnaires.
1956–1963. Systèmes de réseaux de première génération. Amplificateurs à lampes, répéteurs souples, capacités inférieures à 120 circuits téléphoniques, fréquence maximum transmise de l’ordre du Mhz.
1957. Nouveau câble Marseille-Alger. 30 octobre. L’Ampère pose la partie sous-marine. 1ère liaison téléphonique équipée de répéteurs bidirectionnels posée par grande profondeur. 60 circuits d’excellente qualité sont acheminés.
1961. Nouveau câble Perpignan-Oran.
1964–1970. Systèmes de réseaux de la seconde génération. Amplificateurs à lampes, répéteurs rigides et articulés, câbles coaxiaux à porteur central, capacités 120 à 360 voies à 4 kHz, systèmes multiplicateurs de circuits.
1988. Le réseau des câbles téléphoniques sous-marins en Méditerranée atteint sa longueur maximum : 51 561 km soit près de 14% du réseau mondial.

1988–2002. L’ère des fibres optiques
La France pose 2 liaisons expérimentales afin de qualifier les types de cables :
1982. Cagnes–Juan-les-Pins (06).
1984. Antibes (06) –Port-Grimaud (83).
1986. 1ère liaison commerciale Marseille (13)–Ajaccio. EMOS est la 1ère grande artère méditerranéenne.
L’Angleterre est exclue d’une coopération franco-italienne impliquant Pirelli. 3 840 circuits téléphoniques acheminés par paire de fibres.
1995. Nouvelle génération avec des pompes optiques afin d’amplifier le signal. Le secteur des télécommunications est dérégulé aux Etats-Unis, puis en Grande-Bretagne. Arrivée des carrier’s carriers qui créent la confusion. Plusieurs éléments du marché ont des influences majeures :
La demande est croissante, elle connaît même des exponentielles avec internet. L’offre technologique ne cesse d’évoluer augmentant la concurrence et tirant les prix vers le bas. La mise en service du T.A.T. 12 améliore la qualité de la transmission de façon exponentielle.
Le multiplexage de plusieurs ondes est facilité. A certains égards, l’offre pose d’énormes problèmes aux exploitants et aux industriels en développant une offre de capacité considérable faisant baisser les prix de vente et obligeant au renouvellement fréquent des équipements.
1996. FLAG est posé entre l’Angleterre et le Japon en passant par la Méditerranée.
2003. Le réseau Méditerranée comprend 6 artères en service reliant Gibraltar à la Méditerranée Orientale.
L’Italie et la Grèce développent des réseaux côtiers.
Le réseau italien est devenu majoritaire en Méditerranée.
La Sicile, par sa position géographique, est devenue le centre du réseau méditerranéen.
1992. 25 novembre. Le Mediterranean Cable and Maintenance Agreement représente un accord global pour l’entretien du réseau.
Un navire italien est désigné. Une boucle à fibres optiques relie les Iles d’Hyères au continent. 2 liaisons sur La Corse existent.
Les câbles à fibres optiques sont ensouillés au fond de la mer dans les zones à risque. L’entretien des réseaux nécessite l’utilisation d’outils d’intervention performants .

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Ce n'est qu'avec le développement des câbles coaxiaux avec isolation en polyéthylène, de l'équipement à large bande de fréquence porteuse et répéteurs immergés que la téléphonie par câble transatlantique peut être réalisée et progressivement mise en place juste avant et pendant la seconde guerre mondiale.
Lorsque le premier câble téléphonique transatlantique est inauguré le 25 septembre 1956, il est salué comme une percée majeure dans les télécommunications. Il est conçu pour relier les États-Unis et le Canada au Royaume-Uni, avec des facilités pour des circuits destinés à être loués à d'autres pays d'Europe de l'Ouest.
A partir de Londres, des circuits directs sont connectés en permanence vers l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Suisse, et un circuit pour le Danemark prolonge le trafic américain vers la Norvège et la Suède.
L'ensemble du projet a pris 3 ans pour un coût de £ 120 000 000.


En 1959
, mise en service de TAT2, (Penmarc'h Terre Neuve). Cette nouvelle station française entraîne la fermeture de l'ancienne station de Déolen en Locmaria-Plouzané (France).

De 1960 à 1970, mise au point du câble à porteur central, réalisation de nouvelles enveloppes mécaniques des répéteurs, création de nouvelles machines de pose et perfectionnement des méthodes de contrôle de pose.

En 1965
, transistorisation des répéteurs.

En 1966, le dernier câble télégraphique Bay Roberts-Horto est débranché.

Les nouveaux câbles coaxiaux et les satellites se partagent le marché du téléphone à grande distance.
Ils conduisent l'Administration à décider la rénovation du domaine en le spécialisant dans l'entretien du réseau de Méditerranée.
A Toulon, la reconversion permet de construire successivement : le central téléphonique, la darse des navires câbliers avec deux quais dans le cadre de la construction du port de Brégaillon, un grand entrepôt couvert de 18 cuves de stockage et un bâtiment pour les équipements de nouveaux câbles sous-marins atterrissant aux Sablettes.
L'industrie française se lance à la conquête du marché des câbles sous-marins. La politique industrielle de l'Administration est claire : l'industriel construit des liaisons téléphoniques clés en main qui sont posées par le navire de pose de l'administration, d'abord le Marcel Bayard (1961-1981) puis le Vercors à partir de 1974.
L'administration définit les nouvelles technologies dans ses laboratoires de recherche (CNET) et entreprend la promotion des nouveaux câbles.

Le centre de La Seyne met au point les techniques d'après-vente. Deux navires câbliers entretiennent les réseaux d'Atlantique et de Méditerranée (Ampère 3) dans le cadre d'Accords de maintenance.
Le personnel de la base La Seyne est renouvelé. Les marins, souvent Pieds-Noirs et africains (du fait de la suppression de la base de Dakar), ont remplacé les équipages corses et marseillais de l'époque du télégraphique.
La mise en service du Vercors, en 1974, permet à l'idustrie française de conquérir progressivement la Méditerranée autrefois acquise aux intérêts britanniques.

A la fin de l'ère du coaxial, le réseau a été construit à Calais à plus de 50 %. Il est entretenu par les navires de La Seyne sur Mer. Le centre de Marseille est saturé par 7 câbles en service.

Les dernières liaisons atterrissent à Martigues et à La Seyne à partir de 1977. Ainsi, les câbles La Seyne-Bastia (1977), La Seyne-Tripoli (1979),
La Seyne-Grèce (1981) et La Seyne-Palerme- Alexandrie (1986) permettent à la base de La Seyne de devenir un complexe unique au monde qui participe au rayonnement de la technologie française. Des techniciens étrangers viennent se former aux techniques de jointage.
Des équipes d'intervention sont envoyées pour remettre des câbles en service à Beyrouth et à Alexandrie mais également à Colombo et à Singapour. D'autres équipes arment des navires de circonstance en câbliers pour poser des câbles en Chine. D'autres enfin se succèdent à bord du navire câblier Vercors qui assure un programme de pose soutenu.

En 1977 l'administration des P. T. T. possédait encore 23 câbles télégraphiques (télégraphie-harmonique) utilisés en même temps pour la téléphonie, la plupart à répéteurs immergés : 12 pour le réseau méditérannéen, 7 câbles franco-anglais, 1 vers l'Afrique et 3 vers l'Amérique.

Les premiers câbles sous-marins à fibres optiques sont posés à partir de 1982. Comme pour la génération précédente, l'administration des P & T et l'industriel français installent leurs premières liaisons expérimentales en Méditerranée : A ntibes - Nice (1982), Antibes - Port Grimaud (1984) et Marseille - Ajaccio (1987).
Du côté industriel, Alcatel signe avec Pirelli un accord de coopération dès 1987, ce qui permet aux deux industriels d'éliminer le constructeur britannique de Méditerranée. Pour Alcatel c'est un premier pas avant de s'implanter en Australie et aux Etats-Unis.
En 1984, après l'achat du constructeur britannique STC, Alcatel devient le premier constructeur mondial.

En 1985, pose du dernier câble analogique de grande capacité Sea-Me-We 1 - Marseille-Singapour - 13 500 km en huit segments - 1 380 voies téléphoniques. Boucle le premier tour de la Terre.

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1986 : les câbles à fibre optique
Ils sont conçus pour transmettre les signaux numériques : les 0 et les 1 du code binaire sont codés sous la forme de très brèves impulsions lumineuses, émises par des diodes laser microscopiques.
Ils sont constitués d’une, deux ou trois paires de fibres placées dans un bloc optique recouvert d’une armature d’acier, d’une enveloppe de cuivre pour l’alimentation électrique, d’une gaine d’isolation en polyéthylène. Le tout est protégé par une à trois armures d’acier, au voisinage des côtes.
Le premier câble transatlantique à fibres optiques, le TAT 8, est posé en 1988, et permet, grâce à une unité de branchement en mer, de relier simultanément la France, l’Angleterre et les U.S.A. Ce câble offre une capacité de 40 000 communications téléphoniques simultanées.
Comme les câbles coaxiaux, les câbles optiques sont équipés de répéteurs (à partir des années 1990, ils sont espacés de plus de 100 km). Depuis 1995, des régénérateurs "tout optique" compensent l’atténuation du signal dans la fibre, ce qui permet d’augmenter considérablement le nombre des circuits (le TAT 14 posé en 2001 a une capacité de plus de 7 000 000 de communications simultanées.

En 1988, mise en service de TAT8, premier câble transatlantique à fibres optiques (2 × 280 Mbit/s) équivalent à 40 000 circuits téléphoniques.

En 1990, mise au point de la fenêtre 1 550 nm, longueur d'onde dans le verre de la fibre optique minimisant les effets de la diffraction. La bande passante utile est portée à 12,5 THz (soit 12 500 GHz).

En 1995, génération tout optique des liaisons avec la mise au point de l'amplification optique dans les répéteurs par fibres dopées à l'erbium. Technique EDFA (Erbium Doped Fibre Amplified). Mise en service des câbles transatlantiques TAT12, TAT13 et TPC5 à amplification optique à correction d'erreurs. La capacité passe de la technologie 560 Mbit/s par fibre à 60 Gbit/s.

En 1998
, première génération de système de filtrage optique WDM (multiplexage en longueurs d'onde où plusieurs couleurs portant chacune un signal différent sont transmises simultanément). La capacité par paire de fibres est de 20 à 40 Gbit/s. Pose du câble AC1 États-Unis-Allemagne utilisant cette technique, avec deux fibres et 16 couleurs, transporte 160 Gbit/s.

A partir de 1998, après la construction du transatlantique TAT 8, un troisième réseau se met progressivement en place.
Le 23 août 1999, mise en service de Sea-Me-We 3, premier câble à technologie WDM, relie tous les pays d'Europe et tout l'océan Indien jusqu'au Japon. 40 atterrissements, 40 000 km, permettant une capacité initiale de 500 Mbit/s. La modularité des équipements terrestres permettant des mises à niveau des terminaux sans toucher à la partie maritime, ce câble a aujourd'hui une capacité de 130 Gbit/s par paire de fibres, soit 260 fois sa capacité initiale.

En 2000, nouvelle amélioration de la technologie EDFA, la capacité passe à 10 Gbit/s par couleur, soit 160 Gbit/s par paire de fibres

En 2001, mise en service du câble TAT-14, États-Unis - Grande-Bretagne - Allemagne - France. Technique : amplificateurs optiques EDFA (Erbium Doped Fiber Amplifier) sur 64 couleurs, capacité : 5,12 térabits par seconde.

En 2001, après une production de 70.000 Km dans ses trois usines de Calais, Sydney et Portland, Alcatel doit faire face à la crise des télécommunications.
France Télécom connaît une évolution différente du fait de la dérégulation des télécommunications dans la communauté européenne (1995).
La direction de l'opérateur s'impose de nouveaux objectifs : s'implanter dans le monde entier et construire deux réseaux terrestres en Amérique du Nord et en Europe reliés par des câbles sous-marins. Simultanément, des secteurs d'activité sont abandonnés (Enseignement et Recherche), d'autres sont filialisés.
C'est ainsi que France Télécom Marine est créée le 1er janvier 2000 avec pour objectif d'assurer la rentabilisation des quatre navires câbliers.
La base marine de La Seyne sur Mer perd sa fonction d'accueil des câbles sous-marins. Ceux-ci quittent le littoral français puisque deux grandes liaisons à fibres optiques ont été installées entre 1990 et 2003 : SEA-ME-WE 2 (1994) et France - Grèce (1996).

La Sicile est actuellement le centre du réseau méditerranéen. Deux causes à cela : la nouvelle réglementation française pour l'attribution des concessions d'atterrissement et le manque d'investissement des opérateurs français dans le réseau. Le réseau italien stratégiquement placé au centre du réseau méditerranéen possède également un réseau national de câbles sous-marins longeant la côte occidentale.
Le réseau français est plus réduit : outre les deux câbles internationaux, il ne comporte que la boucle des îles d'Hyères, deux liaisons sur la Corse et deux câbles côtiers en Corse.

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Le réseau mondial a atteint 650 000 à 700 000 Km en 2002, sensiblement plus qu'à l'époque du télégraphique.

Deux navires de pose sont en activité : le Vercors, qui sera remplacé en 2002 par le René Descartes, et le Fresnel, nouveau navire construit en 1996. Comme les câbles à fibres optiques sont systématiquement ensouillés au fond de la mer au moment de leur pose, le développement des techniques d'ensouillage avait été anticipé par les équipes de La Seyne sur Mer.
L'ensouillage

Déjà utilisé dans les zones à risque à partir de 1970, l'ensouillage a demandé un effort de recherche pour maintenir l'outil à niveau.
Tout commença en 1974, à la mise en service du Vercors. L'opérateur américain AT&T cherchait un navire de pose capable de tirer la charrue et trouva un écho favorable auprès de son partenaire français.
L'administration accepta également de participer au programme de recherche du sous-marin télécommandé SCARAB, lancé en 1975 et définitivement opérationnel en 1980.

En 1980, le Vercors, seul navire à exploiter la charrue américaine, est équipé d'une charrue fabriquée par deux entreprises locales, SIMEC (Fuveau) et ECA (La Garde).
D'autres charrues suivront : Elise 2 et 3, les tracteurs autonomes CASTOR 1 et 2 et enfin les sous-marins télécommandés (ROV) SCORPIO et HECTOR. France Télécom privilégie les engins télécommandés de préférence aux engins habités et les rades des Sablettes, de La Ciotat ou du Prado sont les lieux d'expérimentation des nouveaux outils.
Il y a une grande coopération entre tous les utilisateurs du milieu sous-marin situés sur le littoral de la Méditerranée, entre les donneurs d'ordre, la Marine Nationale (Certsm ou Gismer), Comex et l'industrie pétrolière, EDF, France Télécom.
Ils ont des objectifs différents et permettent aux nombreuses entreprises spécialisées de participer à la conquête des abysses : Comex, Eca, Simec, Travocéan, Intersub, Cybernetic, Sermar, Muller. Toutes ont apporté leur compétence, certaines sont toujours en activité.

Depuis 1990, les navires de pose Vercors et Fresnel mis en œuvre par les ingénieurs et marins seynois posent les grands systèmes de câbles sous-marins dans tous les océans du globe aussi bien pour Alcatel que pour les constructeurs américains ou japonais.
Entre 1997 et 2001, ils ont installé plus de 50% des 40.000 Km du SEA-ME-WE 3, mais aussi des liaisons reliant le Japon aux Etats-Unis et l'Australie à Hawaï. On reproche souvent à France Télécom de ne pas faire connaître localement les réussites accumulées pendant cette décennie.
C'est sans doute exact mais les déplacements du personnel, les changements de programme et les nombreux séjours à la mer des navires perturbent les opérations de relations publiques.

En 2002, en conservant les terminaux à 10 Gbit/s, les systèmes multiplexent jusqu'à 100 couleurs par paire, capacité de l'ordre de 1 térabit/seconde.
En 2002, pose du câble Apollo, de Cable & Wireless, constitué de deux câbles (Apollo North et South), contenant quatre paires de fibres optiques. Chaque câble a une capacité de transmission de 3,2 térabits par seconde.

En 2005, conception du système DWDM (de l'anglais Dense Wavelength Division Multiplexing). Technologie à 10 Gbit/s par couleur avec environ 100 couleurs par fibre.

En 2010
, systèmes sous-marins avec technologie 40 Gbit/s utilisant la détection cohérente, environ 100 longueurs d'onde par fibre optique.

En 2012, un million de kilomètres de câbles à fibre optique sont au fond de la mer.

En 2015, deux projets de câbles sous-marins concernent la France et l'Europe :
un câble pacifique doit relier la Polynésie française à la Chine et à l’Amérique du Sud, sans passer par les États-Unis20 ;
le câble AEConnect doit relier New-York à Londres avec un débit de 52 Tbit/s21.

En 2017 et 2018, achèvement de la construction commune et mise en service par Microsoft et Facebook, d'un câble sous-marin à fibres optiques, qui traverse l'océan Atlantique pour relier Virginia Beach (États-Unis) à Bilbao (Espagne). Ce lien numérique représente 6 600 km de câbles. Baptisé Marea, le câble dispose de huit paires de fibres et a une capacité initiale estimée de 160 térabits par seconde qui peut augmenter facilement grâce à une interopérabilité avec des équipements réseaux multiples.

En avril 2019, Google a terminé l'installation du câble Curie (nom choisi en honneur de Marie Curie) reliant Los Angeles à Valparaiso, avec un débit de 72 Tbps. La mise en service est prévue en 2020.

En 2020, Google déploie, en partenariat avec Orange, le câble Dunant prévu pour l'été 2020. Le nom est un hommage à Henry Dunant, fondateur de la Croix Rouge. Ce câble sous-marin aura une vitesse de transmission de 300 térabits par seconde et reliera, sur 6 600 km, Virginia Beach, sur la côte est des États-Unis, à Saint-Hilaire-de-Riez, en France, une commune proche des Sables-d'Olonne. Cette installation du câble Dunant est significative, avec Marea et Curie, de la place prise par les GAFAM sur les réseaux de câbles sous-marins en ce début de XXIe siècle.

Le 28 juillet 2020, Google annonce qu’il va déployer un nouveau câble transatlantique pour le transit des données Internet. La date de mise en service est prévue pour le courant 2022. Cette nouvelle infrastructure, nommée Grace Hopper, en hommage à l’informaticienne américaine, doit relier New York à Bude au Royaume-Uni et à Bilbao en Espagne. Il sera équipé de 16 paires de fibres (à comparer aux douze paires de fibres du câble Dunant).

En 2021, un consortium mené par Facebook, Microsoft, Vodafone a prévu le déploiement du câble « Amitié » long de 6 600 km, qui reliera Lynn (Massachusetts) aux États-Unis, au Royaume-Uni à Bude et en France, à la commune Le Porge proche de Bordeaux (atterrissage du câble confié à Orange28). Le câble devrait être constitué de 16 paires de fibres et permettre un transit de données de 320 Tbit/s.

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En 2023 : 552 câbles sillonnent le fond des océans et sont devenus les liaisons vitales de nos vies numériques. Ils sont au cœur d’enjeux à la fois techniques, économiques et géopolitiques . câbles sous-marins existants ou en projet.
Les câbles d’aujourd’hui envoient jusqu’à 250 térabits par seconde de données,
La fibre optique est idéale pour la transmission de données haut débit et longue distance, mais la technologie a ses limites. C’est pourquoi il est nécessaire d’augmenter la force du signal à l’aide de répéteurs disposés tous les 50 à 100 km.
Les répéteurs doivent être alimentés, et c’est là qu’une autre partie de la construction du câble entre en jeu. À l’extérieur des brins de fibre optique, une couche de cuivre transporte l’électricité jusqu’à 18 000 volts. C’est suffisant pour alimenter des répéteurs tout au long de l’océan Pacifique à partir d’une seule extrémité du câble, bien que l’alimentation soit généralement disponible aux deux extrémités pour une plus grande fiabilité.
Ces câbles, aussi épais qu’un tuyau d’arrosage, sont des merveilles de haute technologie. Le plus rapide, le câble transatlantique Amitié, récemment achevé et financé par Meta, Microsoft et d’autres géants du secteur de la Tech, peut acheminer 400 térabits de données par seconde.
Les câbles actuels utilisent 16 paires de fibres, mais un nouveau câble que NTT est en train de construire entre les États-Unis et le Japon utilise 20 paires de fibres pour atteindre 350 Go/s. Un autre géant japonais de la technologie, NEC, utilise 24 paires de fibres pour atteindre des vitesses de 500 To/s sur son câble transatlantique.
Parallèlement à l’installation de nouveaux câbles, il est parfois possible de moderniser les câbles existants en les dotant d’un nouvel équipement réseau. Selon Brian Lavallée, une récente mise à niveau effectuée par Ciena a permis de quadrupler la capacité des lignes à fibre optique sans rien changer sous l’eau.
Microsoft mise également sur une amélioration des fibres optiques elles-mêmes. En décembre, il a acquis une société appelée Lumenisity qui développe des fibres creuses avec un minuscule canal d’air central. La vitesse de la lumière dans l’air est 47 % plus rapide que dans le verre, ce qui réduit la latence, qui est une limite essentielle à la performance des réseaux.
Les câbles transpacifiques ont un temps de latence d’environ 80 millisecondes. La réduction du temps de latence est importante pour les interactions informatiques sensibles au temps, comme les transactions financières. Microsoft s’intéresse également aux fibres optiques creuses pour les lignes à courte distance, car la réduction de la latence permet de rapprocher les centres de données et d’assurer un basculement plus rapide en cas de défaillance de l’un d’entre eux.

Pourtant, ces câbles sous-marins sont aussi étonnement rudimentaires : ils sont enduits de goudron et déroulés par des navires selon le même procédé que celui utilisé dans les années 1850 pour poser le premier câble télégraphique transatlantique. SubCom, fabricant de câbles sous-marins basé dans le New Jersey (Etats-Unis), était à l’origine un fabricant de cordages dont l’usine était située à proximité d’un port en eau profonde pour faciliter le chargement sur les navires.
552 câbles sous-marins existants ou en projet
Bien que les liaisons par satellite gagnent en importance grâce à des constellations comme Starlink de SpaceX, les câbles sous-marins sont vitaux aux commerce et communications mondiales, acheminant plus de 99 % du trafic entre les continents. TeleGeography, un cabinet d’analyses qui suit l’évolution de ce secteur, a recensé 552 câbles sous-marins existants ou en projet, et d’autres sont en cours de déploiement à mesure que l’Internet se répand dans toutes les régions du globe et tous les pans de nos vies.
On sait que les géants de la Tech comme Meta, Microsoft, Amazon et Google gèrent des centaines de centres de données remplis de millions de serveurs. On les surnomme les « hyperscalers ». Ce que l’on sait moins, c’est qu’ils gèrent également de plus en plus le système nerveux de l’Internet que sont les câbles sous-marins. « L’ensemble du réseau de câbles sous-marins est l’élément vital de l’économie », explique Alan Mauldin, analyste chez TeleGeography. « C’est grâce à lui que nous envoyons des courriels, des appels téléphoniques, des vidéos YouTube et des transactions financières. »

Selon ce cabinet d’analyse, les deux tiers du trafic Internet proviennent des hyperscalers. D’après David Coughlan, directeur général de SubCom, la demande de données des câbles sous-marins de ces acteurs incontournables augmente de 45 % à 60 % par an. La demande de données des hyperscalers n’est pas seulement motivée par leurs propres besoins en contenu, comme les photos Instagram et les vidéos YouTube visionnées dans le monde entier. Ces entreprises gèrent aussi souvent des services de cloud computing, comme Amazon Web Services et Microsoft Azure, qui sont à la base des opérations mondiales de millions d’entreprises. « La demande mondiale de contenu ne cessant d’augmenter, il faut disposer de l’infrastructure nécessaire pour pouvoir y répondre », explique Brian Quigley, qui supervise les réseaux sous-marins et terrestres de Google.

Mais l’augmentation du trafic internet via les câbles sous-marins suscite également des inquiétudes. L’année dernière, le sabotage à l’explosif des gazoducs Nordstream 1 et 2 reliant la Russie à l’Europe a été beaucoup plus difficile sur le plan logistique que de sectionner un câble internet de l’épaisseur d’un pouce. Des soutiens de Vladimir Poutine ont laissé entendre que les câbles sous-marins pouvaient être attaqués. Par exemple, Taïwan possède 27 câbles sous-marins que les militaires chinois pourraient considérer comme des cibles en cas d’invasion de l’île.

Les risques de perturbations sont bien réels. Ainsi, les performances de l’internet au Vietnam ont souffert des pannes sur cinq câbles pendant des mois au début de l’année. Sur l’île de Tonga, une éruption volcanique l’a privé de la plupart des communications pendant des semaines.
Mais ces risques sont éclipsés par les avantages très réels, qu’ils soient macroéconomiques ou purement personnels. Le réseau devient plus fiable et plus performant grâce à des débits plus rapides et à la multiplication des nouveaux câbles, ce qui incitera de plus en plus de pays à s’y joindre.
Les avantages économiques sont considérables. Selon McKinsey, les liaisons par câbles sous-marins se traduisent par des vitesses d’accès à l’Internet plus élevées, des prix plus bas, une augmentation de 3 à 4 % de l’emploi et une hausse de 5 à 7 % de l’activité économique.
Au moment où la demande de trafic des hyperscalers a explosé, les entreprises de télécommunications qui installaient traditionnellement les câbles sous-marins se sont retirées du marché.
« Il y a environ 10 ans, un grand nombre de fournisseurs de télécommunications traditionnels ont commencé à se concentrer sur le sans-fil et sur ce qui se passait dans leurs réseaux du dernier kilomètre », explique Frank Rey, qui dirige la connectivité des réseaux à grande échelle pour le service cloud Azure de Microsoft. Les délais d’attente pour le déploiement de nouveaux câbles se sont allongés, la phase de planification s’étendant à elle seule sur trois à cinq ans. Les hyperscalers ont alors décidé de prendre les choses en main.
Ils ont d’abord commencé par investir dans des projets tiers, une démarche logique étant donné que les câbles sous-marins sont souvent exploités par des consortiums regroupant de nombreux partenaires. Mais les hyperscalers construisent désormais leurs propres câbles.
TeleGeography prévoit que 10 milliards de dollars seront investis pour de nouveaux câbles sous-marins entre 2023 et 2025 dans le monde. Google a déjà déployé plusieurs câbles nommés Curie, Dunant, Equiano, Firmina et Grace Hopper. Deux câbles transpacifiques sont également en cours de construction : Topaz cette année et, avec AT&T et d’autres partenaires, TPU en 2025.

L’installation d’un câble transatlantique coûte entre 250 et 300 millions de dollars, selon TeleGeography. Mais ces infrastructures sont essentielles. Si une région de Microsoft Azure tombe en panne, les centres de données d’une autre région sont sollicités pour garantir que les données et les services des clients continuent de fonctionner. Aux États-Unis et en Europe, les câbles terrestres supportent la majeure partie de la charge, mais en Asie du Sud-Est, ce sont les câbles sous-marins qui dominent.

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Historiquement, l’amélioration technologique des câbles sous-marins se fait sur les câbles eux-mêmes.

Les câbles à paires de cuivre utilisés pendant près d’un siècle sont remplacés par des câbles coaxiaux à partir de 1956, année de la pose du premier câble téléphonique transatlantique (TAT-1). Ces derniers permettent d’avoir plusieurs circuits téléphoniques simultanés, mais seront supplantés à leur tour par les câbles en fibre optique à partir de 1988 (pose du TAT-8).

Orange est l’un des leaders du secteur avec, à son compteur, une participation dans 450 000 km de câbles à travers le monde. « Les équipes en charge de la stratégie d’investissement, du pilotage, du déploiement et de l’exploitation des câbles sous-marins peuvent réaliser un investissement soit en propre, soit dans le cadre d’un consortium où plusieurs acteurs co-investissent », souligne Carine Romanetti. Le secteur vit aujourd’hui une évolution majeure avec l’entrée des GAFAM, et en particulier Google, Facebook, Amazon et Microsoft, sur le terrain. Ces acteurs, à l’origine de 70 % de l’augmentation du trafic mondial d’après Cisco, jouent en effet un rôle de plus en plus important en investissant massivement dans le déploiement de leurs propres infrastructures afin d’interconnecter leurs data centers.

Orange Marine, filiale d’Orange, qui a déjà déposé plus de 180 000 km de câbles en fibre optique au fond des océans, se charge de la pose et de la maintenance des câbles grâce à une flotte câblière, composée de six navires, qui représente 15 % de la flotte mondiale et qui est l’une des plus expérimentées au monde.

La pose d’un câble se déroule en plusieurs étapes et prend en général quelques mois. Il faut tout d’abord obtenir les autorisations des pays concernés afin d’effectuer une reconnaissance des fonds marins permettant de réaliser des cartes détaillées de la zone de pose. Le câble et les répéteurs, qui sont disposés tous les 50 à 100 km afin de retraiter et réémettre le signal qui se dégrade après une certaine distance, sont ensuite chargés à bord d’un navire câblier. Après avoir raccordé le câble à la station terrestre du pays de départ, celui-ci le dépose sur le sol marin jusqu’au pays d’arrivée. Dans les zones où le câble est susceptible d’être endommagé par l’activité humaine, une charrue creuse un sillon et y enterre le câble. Cette opération, appelée ensouillage, lui assure une certaine protection contre les ancres et chaluts. Une fois la traversée du navire terminée, le câble est raccordé à la station terminale télécom, bâtiment technique du réseau du pays d’arrivée, et la connexion entre le réseau domestique et le réseau international est réalisée.

Bien que protégés par une gaine résistante et ensouillés dans les zones les plus sensibles, les câbles peuvent être endommagés. Les causes de dysfonctionnement sont multiples : séismes, glissements de terrain, ancres, filets de pêche,… Lorsqu’un défaut est repéré, il est crucial d’y remédier au plus vite, car c’est la connectivité internationale d’un ou plusieurs pays qui peut se trouver affectée. Une réparation peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines en fonction de la disponibilité d’un navire de maintenance et du temps de transit pour arriver sur la zone de réparation. De plus, son coût est très élevé, et peut atteindre le million d’euros dans les pires scénarios. Par ailleurs, lorsqu’un câble est détérioré et que la connexion ne peut pas être redirigée sur une autre route, des millions de personnes sont privées de connexion Internet.

« Pour éviter ce scénario, les routes sont doublées ou triplées, c’est ce qu’on appelle la sécurisation du trafic, explique Carine Romanetti. Orange mène actuellement un projet pour améliorer la sécurisation de la Guyane, dont 85 % à 90 % du trafic est à destination des États-Unis, et qui est principalement desservie par le câble AMERICAS-II, avec une sécurisation partielle par un lien passant par le Suriname. Le nouveau câble Kanawa, en cours de pose, fait 1 700 km de long, possède deux paires de fibres optiques, et a une capacité maximale de 10 térabits par seconde par paire de fibres. Sa mise en service est prévue pour début 2019. »

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Un réseau mondial vital

Au-delà de l’interconnexion des plus de 4 milliards d’internautes à travers le monde, le réseau sous-marin assure aussi environ 8 000 milliards d’euros de transactions quotidiennes. On comprend donc aisément son aspect géopolitique et pourquoi il est parfois la cible d’actes de piraterie. À noter que la législation qui régit le partage des fonds marins entre les différents acteurs et pays est écrite par les Nations unies.

« Le réseau de câbles sous-marins joue également un rôle clé dans le désenclavement numérique de l’Afrique, ajoute Carine Romanetti. Orange fut notamment à l’initiative du câble Africa Coast to Europe (ACE) reliant, depuis 2012, l’Europe à la côte ouest de l’Afrique, et continue de contribuer activement au développement du câble ACE avec la mise en service du dernier segment jusqu’à Cape Town en Afrique du Sud prévue pour mi-2019. Pour améliorer la sécurisation de ses filiales et accompagner la forte croissance du trafic sur cette route, Orange poursuit ses investissements stratégiques dans la zone et a conclu un partenariat avec MainOne, qui prévoit l’acquisition de capacité et la construction de deux nouvelles branches vers Dakar (Sénégal) et Abidjan (Côte d’Ivoire) d’ici mi-2019, sur le câble de plus de 7 000 km de long qui relie le Portugal au Nigéria. »

Les câbles sous-marins, avec leur positionnement stratégique au fond des océans, pourraient bientôt avoir de nouveaux usages. L’Union internationale des télécommunications coordonne en effet, avec une centaine de partenaires, une initiative qui vise à mettre en place des capteurs sur les câbles sous-marins afin de mesurer, en temps réel, les facteurs du changement climatique liés à la circulation des océans. Giuseppe Marra, du National Physical Laboratory au Royaume-Uni, propose, quant à lui, de les utiliser comme sismographes, ce qui pourrait notamment contribuer à améliorer la détection des tsunamis.

D’autres utilités seront sans doute découvertes dans les années à venir, car il est certain qu’avec une progression du trafic de données de 35 % par an, les câbles sous-marins demeureront des réseaux de communication essentiels.

Les câbliers, installés au fond de la rade de Toulon depuis 1860, concentrent leur activité maintenant sur la pose et la maintenance de câbles à fibre optique à haut débit.

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Problèmes de bande passante

Les premiers câbles télégraphiques sous-marins longue distance exposés de redoutables problèmes électriques. Contrairement aux câbles modernes, la technologie du 19ème siècle ne permettait pas de répéteurs amplificateurs en ligne dans le câble. De grandes tensions ont été utilisées pour tenter de surmonter la résistance électrique de leur énorme longueur mais la capacité distribuée et l'inductance des câbles se combinées pour déformer le télégraphe impulsions dans la ligne, à la bande passante du câble , limitant sévèrement le débit de données pour l’opération télégraphique à 10-12 mots par minute .

Dès 1816, Francis Ronalds avait présenté que les signaux électriques étaient retardés lors du passage à travers un fil ou un noyau isolé posé sous terre, et a souligné la cause de l'induction, en utilisant l'analogie d'un long pot de Leyde . Le même effet a été remarqué par Latimer Clark (1853) sur les noyaux immergés dans l'eau, et en particulier sur le long câble entre l'Angleterre et La Haye. Michael Faraday a montré que l'effet était supérieur par la capacité entre le fil et la terre (ou l'eau) qui l'entourait. Faraday avait remarqué que demandé fil est chargé à partir d'une batterie (par exemple en l'air sur une touche télégraphique), la charge électrique dans le fil induit une charge opposée dans l'eau lors de son déplacement. En 1831, Faraday a décrit cet effet dans ce que l'on appelle maintenant la loi d'induction de Faraday . Lorsque les deux charges s'attirent, la charge d'excitation est retardée. Le noyau agit comme un condensateur réparti sur la longueur du câble qui, couplé à la résistance et inductance du câble, limite la vitesse à laquelle un signal traverse le conducteur du câble.

Les premières conceptions de câbles n'ont pas réussi à analyser correctement ces effets. Célèbre, E.O.W. Whitehouse avait écarté les problèmes et insisté sur la faisabilité d'un câble transatlantique. Lorsqu'il est devenu par la suite électricien de la Atlantic Telegraph Company , il a été impliqué dans un différend public avec William Thomson . Whitehouse pensait avec une tension suffisante, n'importe quel câble pourrait être requis. Thomson pensait que sa loi des carrés montrait que le retard ne pouvait pas être surmonté par une tension plus élevée. Sa recommandation était un câble plus gros. En raison des tensions excessives recommandées par Whitehouse, le premier câble transatlantique de Cyrus West Field n'a jamais fonctionné de manière fiable et a finalement été court-circuité vers l'océan lorsque Whitehouse a augmenté la tension au- au-delà de la limite de conception du câble.

Thomson a conçu un générateur de champ électrique complexe qui minimise le courant en résonnant le câble, et un galvanomètre à miroir sensible à faisceau lumineux pour détecter les faibles signaux télégraphiques. Thomson est devenu riche sur les redevances de ceux-ci, et plusieurs inventions connexes. Thomson a été élevé au rang de Lord Kelvin pour ses contributions dans ce domaine, principalement un modèle mathématique précis du câble, qui a permis de concevoir l'équipement pour une télégraphie précise. Les effets de l 'électricité atmosphérique et du champ géomagnétique sur les câbles sous-marins ont également motivé bon nombre des premières expéditions polaires.
Thomson avait produit une analyse mathématique de la propagation des signaux électriques dans les câbles télégraphiques en fonction de leur capacité et de leur résistance, mais comme les longs câbles sous-marins fonctionnaient à des vitesses lentes, il n'a pas inclus les effets de l'inductance. Dans les années 1890, Oliver Heaviside avait produit la forme générale moderne des équations du télégraphe , qui incluaient les effets de l'inductance et qui étaient essentiels pour étendre la théorie des lignes de transmission aux fréquences supérieures requises pour les données et la voix haute vitesse.

Téléphonie transatlantique

La pose d'un câble téléphonique transatlantique a été sérieusement envisagée à partir des années 1920, la technologie requise pour des télécommunications économiquement viables n'a été développée que dans les années 1940. Une première tentative de pose d'un câble téléphonique pupinisé a échoué au début des années 1930 en raison de la Grande Dépression .

TAT-1 (Transatlantique n ° 1) a été le premier transatlantique système de câble téléphonique . Entre 1955 et 1956, un câble a été posé entre la baie Gallanach, près de Oban , en Écosse et Clarenville, Terre-Neuve-et-Labrador . Il a été inauguré le 25 septembre 1956, transportant 36 canaux téléphoniques.

Dans les années 1960, les câbles transocéaniques étaient câbles coaxiaux qui transmettaient signaux de bande vocale multiplexés en fréquence . Un courant continu haute tension sur les répéteurs alimentés par le conducteur interne (amplificateurs bidirectionnels présentés à intervalles le long du câble). Les répéteurs de première génération restent parmi les amplificateurs à tube à vide les plus fiables jamais représentés. Les derniers ont été transistorisés. Beaucoup de ces câbles sont encore utilisables, mais ont été abandonnés car leur capacité est trop petite pour être commercialement viables. Ont été utilisés comme instruments scientifiques pour mesurer les ondes sismiques et autres événements géomagnétiques.

Autres utilisations

En 1942, Siemens Brothers de New Charlton , Londres, en collaboration avec le Royaume-Uni Laboratoire national de physique , a adapté la technologie des câbles de communication sous-marins pour créer le premier oléoduc sous-marin au monde dans l'opération Pluton pendant Seconde Guerre mondiale .

Câbles de télécommunications optiques

Dans les années 1980, des câbles à fibres optiques ont été développés. Le premier câble téléphonique transatlantique à utiliser la fibre optique a été le TAT-8 , qui est entré en service en 1988. Un câble à fibre optique comprend plusieurs paires de fibres. Chaque paire une fibre dans chaque sens. TAT-8 avait deux paires opérationnelles et une paire de secours.

Les répéteurs à fibre optique modernes utilisent un amplificateur optique à semi-conducteurs , généralement un amplificateur à fibre dopée à l'erbium . Chaque répéteur contient un équipement séparé pour chaque fibre. Ceux-ci comprennent le reformage du signal, la mesure des erreurs et les contrôles. Un laser à semi-conducteurs envoie le signal dans la longueur de fibre suivante. Le laser à semi-conducteurs excite une courte longueur de fibre dopée qui agit elle-même comme un amplificateur laser. Lorsque la lumière traverse la fibre, elle est amplifiée. Ce système permet également le multiplexage par répartition en longueur d'onde , ce qui augmente la capacité de la fibre.

Les répéteurs sont alimentés par un courant continu constant transmis le long du conducteur près du centre du câble, de sorte que tous les répéteurs d'un câble sont en série. Des équipements d'alimentation électrique sont installés dans les stations terminales. Généralement, les deux extrémités de la génération de courant avec une extension réalisée une tension positive et l'autre une tension négative. Un point de terre virtuel existe à peu près à mi-chemin le long du câble en fonctionnement normal. Les amplificateurs ou répéteurs tirent leur puissance de la différence de potentiel entre eux. La tension transmise par le câble est souvent comprise entre 3 000 et 15 000 V CC à un courant pouvant atteindre 1 100 mA, le courant augmentant avec la tension décroissante; le courant à 10 000 VDC est jusqu'à 1 650 mA. Par conséquent, la quantité totale de puissance envoyée dans le câble est souvent jusqu'à 16,5 kW.

La fibre optique utilisée dans les câbles sous-marins est choisie pour sa clarté exceptionnelle, permettant des cours de plus de 100 kilomètres (100 km) entre les répéteurs pour minimiser le nombre d'amplificateurs et la distorsion qu ' ils provoquent. Les câbles non répétés sont moins chers que les câbles répétés, mais leur distance de transmission maximale est limitée, mais leur distance de transmission maximale a augmenté au fil des ans; en 2014, des câbles non répétés d'une longueur maximale de 380 km étaient en service; Cependant, ceux-ci impliquent que des répéteurs non alimentés soient positionnés tous les 100 km.

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Les câbles pendant la Première Guerre mondiale

Tous les plans stratégiques de toutes les grandes puissances avant la guerre de 1914-1918 se révélèrent chimériques, avec une seule exception : le plan stratégique anglais de câbles sous-marins fonctionna sans accroc du début jusqu’à la fin de la guerre.

Le matin du 5 août 1914, quelques heures seulement après la fin de l’ultimatum anglais, le navire câblier Telconia coupa les cinq câbles qui liaient l’Allemagne au monde extra-européen. Pendant les mois qui suivirent, les forces anglaises, françaises, et japonaises coupèrent les câbles allemands dans l’Atlantique sud et dans le Pacifique et capturèrent les émetteurs de TSF dans les colonies allemandes. À partir de 1915, l’Allemagne ne pouvait communiquer avec le monde extra-européen qu’avec la TSF depuis son territoire ou avec l’aide de pays neutres.

La politique anglaise de contrôle des câbles était devenue beaucoup plus subtile depuis 1899. Les Anglais censurèrent les télégrammes privés, commerciaux et de presse, mais n’essayèrent pas d’interrompre les communications des pays neutres comme la Suède, les Pays-Bas, ou les États-Unis. Au lieu d’imposer la censure sur les télégrammes diplomatiques ou d’exiger qu’ils soient rédigés en clair ou dans un code commercial connu, ils laissèrent passer les messages des gouvernements neutres en code, mais les observèrent soigneusement tout en apprenant à les déchiffrer. Afin de mettre à exécution ce plan de captation et de déchiffrement des télégrammes étrangers, ils recrutèrent les employés à la retraite des compagnies de câbles et les envoyèrent dans les stations de câbles autour du monde13.

En comparaison avec le succès de la politique agressive des Britanniques, les essais allemands d’interrompre les communications entre les membres de l’Entente cordiale furent rares et restèrent sans effet. La ligne terrestre entre la Grande-Bretagne et l’Inde fut coupée, ainsi que les câbles dans la mer Baltique entre la Russie et ses alliés occidentaux. De même, quand l’Empire ottoman se joignit aux puissances centrales en novembre 1914, l’Entente perdit ses câbles dans la mer Noire. Les communications avec la Russie furent temporairement détournées vers la TSF jusqu’en janvier 1915 quand un navire câblier anglais posa un nouveau câble anglo-russe passant au nord de la Norvège.

Les Allemands n’eurent pas plus de succès dans les autres mers. Des croiseurs allemands attaquèrent les stations de câble anglais de l’île Fanning dans l’océan Pacifique et de l’île Cocos dans l’océan Indien, mais causèrent peu de dégâts et les interruptions de service furent très brèves. À part de rares exceptions, les communications des membres de l’Entente entre eux et avec leurs colonies et le reste du monde restèrent intactes pendant toute la guerre. Bien au contraire, elles furent même améliorées par la saisie des câbles allemands qui furent détournés pour servir aux besoins de l’Entente.

Bien entendu, les câbles ne suffirent pas à transmettre tout le trafic commercial et les informations en augmentation à cause de la guerre. C’était surtout le cas dans l’Atlantique nord après l’entrée des États-Unis dans la guerre au début de 1917. Pour suppléer aux câbles, les puissances alliées, et surtout les États-Unis, construisirent de puissants émetteurs de TSF. Mais les messages les plus importants et les plus secrets furent envoyés par câble, et les services de renseignements allemands n’obtinrent aucune information de valeur en interceptant les messages transmis par TSF.

Pendant ce temps, les services de renseignements de la marine anglaise purent intercepter et déchiffrer les messages allemands transmis par des voies détournées sur les câbles anglais. Le plus célèbre de ces télégrammes fut celui envoyé par le ministre allemand des Affaires étrangères Arthur Zimmermann à son ambassadeur de Mexico Heinrich von Eckhardt, lui ordonnant d’inciter le Mexique à attaquer les États-Unis. Ce télégramme fut envoyé dans le code diplomatique suédois superposé au code diplomatique allemand et passa de Stockholm à Buenos Aires par un câble anglais, et de Buenos Aires à Washington par un câble américain. L’idée saugrenue de Zimmermann fut connue des Américains quand les Anglais déchiffrèrent le message et l’envoyèrent au président Wilson, le persuadant de déclarer la guerre à l’Allemagne.

L’entre-deux-guerres

Après quelques querelles au lendemain de la guerre, l’industrie des câbles retourna à son fonctionnement normal en 1922-1923. On répara les vieux câbles, les anciens câbles allemands furent remis en service par leurs nouveaux propriétaires, et la demande en communications outre-mer ne fit qu’augmenter. Dans les années 1920 par conséquent, les compagnies câblières posèrent de nouveaux câbles plus efficaces à travers l’Atlantique nord. Les compagnies de câbles américains dominèrent cette partie du monde, mais elles furent également rejointes par des compagnies anglaises, françaises, allemandes, et même italiennes. Les Anglais posèrent un câble nouveau et bien plus rapide à travers l’océan Pacifique. Dans les autres océans, où la demande était moins intense, les vieux câbles, aidés par de puissants émetteurs de TSF, suffirent à transmettre le trafic.

L’introduction de la radio à ondes courtes en 1927, suivie par la dépression économique en 1929, faillit ruiner les compagnies de câbles. Les directeurs de la compagnie anglaise Eastern and Associated, qui dominait l’industrie des câbles dans toutes les mers du monde sauf l’Atlantique nord, comprirent que leur commerce n’avait plus d’avenir. Ils proposèrent de vendre les câbles de leur compagnie, de distribuer ses réserves financières à ses actionnaires, et de clore ainsi ses affaires. Seule l’intervention du gouvernement britannique sauva le réseau de ce sort ignominieux. En fusionnant tous les intérêts de câbles et de radio dans une seule compagnie contrôlée par le gouvernement et appelée Imperial and International Communications Ltd., le gouvernement veilla à ce que les bénéfices obtenus par la radio maintiennent en vie le réseau des câbles.

La raison pour laquelle le gouvernement entreprit de sauvegarder une technologie périmée était entièrement stratégique. Les stratèges anglais savaient très bien que le trafic par radio était vulnérable au déchiffrement et, contrairement aux Allemands, ils n’étaient pas convaincus que les machines à chiffrer représentaient une garantie de sécurité. Comme tous les stratèges, ils pensaient à la guerre précédente. Dans leur cas, c’était une bonne attitude à prendre.

Les câbles pendant la Seconde Guerre mondiale

À partir de la Première Guerre mondiale, l’histoire des télécommunications militaires se concentre presque exclusivement sur les communications par radio. La technologie de la radio fit un bond en avant avec l’introduction des émetteurs à ondes courtes qu’on pouvait installer dans n’importe quel véhicule, et même cacher dans une valise, et qui pouvaient pourtant transmettre à longue distance. À partir de ce moment-là, la radio devint indispensable aux opérations des forces mobiles sur terre, en mer, et dans les airs. Mais les transmissions par radio avaient un gros défaut : on pouvait les intercepter. Pour pallier ce défaut, les inventeurs s’efforcèrent de construire des machines à chiffrer comme l’Enigma des Allemands, la machine Typex britannique, et la M-109 américaine. Les renseignements militaires, l’issue des batailles, et peut-être la guerre elle-même dépendirent alors de la capacité des belligérants à intercepter, situer et déchiffrer les messages de leurs ennemis transmis par radio. Comme l’histoire de la radio et des codes secrets est parmi les plus passionnantes de la Seconde Guerre mondiale, les historiens ont plus ou moins ignoré le rôle des câbles. Pourtant les câbles jouèrent un rôle tout aussi crucial que la radio pendant ce conflit.

Quand la Seconde Guerre mondiale commença en septembre 1939, les Anglais avaient bien préparé leurs communications télégraphiques. Afin de protéger leurs câbles, ils avaient placé la plupart de leurs stations de câbles dans des abris antiaériens. Ils avaient aussi remplacé tous les employés étrangers des compagnies de câbles par des sujets britanniques et avaient équipé toutes les stations de câbles avec des émetteurs à ondes courtes en cas de panne.

Du côté offensif, ils étaient prêts, comme pendant la première guerre, à couper tous les câbles ennemis. Les télégraphistes en retraite ou sans emploi furent recrutés pour censurer tous les messages privés et commerciaux entre les diverses possessions britanniques. Les messages entre pays neutres passant par les possessions britanniques furent examinés, mais pas censurés. Les communications avec les ambassades de pays neutres en Irlande, maintenant un pays indépendant, mais lié au reste du monde par des câbles anglais, furent retardées d’un jour. En prenant ces mesures, les Anglais s’assurèrent qu’un nombre maximum de messages passeraient par radio. Pour les capter, la marine anglaise construisit des stations d’interception en Grande-Bretagne, en Méditerranée, et en Extrême-Orient. Ils étaient encore loin de pouvoir déchiffrer les messages ennemis, mais ces efforts, entrepris dès le début de la guerre, furent couronnés de succès pendant les batailles aériennes au-dessus de l’Angleterre et pendant la guerre sous-marine dans l’océan Atlantique.

Dès que la guerre commença, des navires câbliers britanniques coupèrent les câbles allemands dans la Manche, comme ils l’avaient fait vingt-cinq ans avant. Cela ne gêna pas les Allemands, qui avaient d’excellentes communications par radio avec le monde. Un an plus tard, quand l’Italie entra en guerre, les navires anglais coupèrent aussi les câbles italiens. En revanche, les Italiens coupèrent tous les câbles entre Gibraltar et Malte et deux des câbles reliant Malte à Alexandrie, mais ils en manquèrent trois autres. Ainsi, les Anglais restèrent en communication avec Malte par les câbles qui contournaient l’Afrique, ce qui leur donnèrent un avantage important dans les batailles en Afrique du Nord.

En dehors de la Méditerranée, les seules pertes importantes de câbles alliés se produisirent dans le Pacifique occidental, où les Japonais s’emparèrent des stations de câbles et coupèrent les câbles à Hong Kong, Shanghai et Singapour et en Indochine et dans les Indes orientales néerlandaises. Bien qu’ils eussent saisi presque trente mille kilomètres de câbles et onze stations, ils ne les utilisèrent pas. Au début de 1942, un navire de guerre japonais bombarda la station de câbles de l’île Cocos dans l’océan Indien, un nœud important dans le réseau de câbles entre la Grande-Bretagne, l’Inde, et l’Australie, mais causa peu de dommages. Le câble résista et continua à transmettre pendant toute la guerre, à l’insu des Japonais dont les photos aériennes montraient des bâtiments endommagés et qui pensaient que la station avait été abandonnée.

À part dans l’océan Pacifique occidental, les Alliés gardèrent l’usage de leurs câbles et les employèrent efficacement pendant toute la guerre. Dans certaines circonstances, leur emploi fut décisif. En mai 1942, le service de renseignements de la marine américaine envoya un message par câble à la garnison de l’île Midway, leur ordonnant d’envoyer un message en clair par radio disant que leur installation à distiller l’eau était en panne. Le jour suivant, la marine japonaise, ayant intercepté le message, informa ses navires que l’endroit qu’ils étaient sur le point d’attaquer et qu’ils appelaient « AF » manquait d’eau. Grâce à ce stratagème, la marine américaine savait vers où se dirigeait la flotte japonaise, et put la surprendre à la bataille de Midway.

Pendant la campagne nord-africaine de 1942, la Grande-Bretagne avait toujours l’avantage des communications secrètes avec l’Égypte et Malte. Pendant plusieurs mois, le général Rommel obtint d’excellents renseignements sur la disposition des forces britanniques grâce aux dépêches que l’attaché militaire américain en Égypte envoyait tous les soirs à Washington. Quand les Anglais découvrirent la fuite, l’avantage des renseignements passa de leur côté, car les forces allemandes et italiennes en Afrique du Nord ne possédaient pas de câbles et se fiaient entièrement à leurs messages chiffrés envoyés par radio que les Anglais apprirent à déchiffrer. Les batailles dans le désert libyen se gagnèrent autant sur les renseignements qu’avaient les Anglais et les Allemands que sur les armes ou la qualité des généraux.

Alors que les Allemands et les Japonais n’avaient que la radio comme moyen de communiquer, les États-Unis et la Grande-Bretagne envoyaient la plupart de leurs messages secrets par câble. Pour s’assurer que leurs communications resteraient secrètes, ils posèrent des câbles nouveaux à chaque débarquement en territoire ennemi : en Afrique du Nord en 1942, en Sicile et en Italie en 1943, et en Normandie en 1944. L’avantage des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale ne reposait pas seulement sur le fait qu’ils avaient déchiffré les codes ennemis, comme l’ont affirmé beaucoup de livres récents, mais aussi parce qu’ils avaient réussi à maintenir des communications plus sûres que les puissances de l’Axe.

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LES NAVIRES-CABLIERS DANS LA GUERRE 1939-1945

En septembre 1939, la flotte câblière comprend l’Emile Baudot (1917) basé à Brest, l’Ampère (1930) basé à La Seyne et l’Arago (1914) désarmé à La Seyne sur Mer. Par ailleurs, une quatrième unité, l’Alsace, est en construction à Rouen et destiné à être basé à Dakar en remplacement de l’Arago. Dans les mois qui précèdent la guerre, les navires posent des câbles microphoniques au large des ports métropolitains pour assurer leur
protection contre les sous-marins ennemis.
Dès l’invasion allemande, la Direction des Câbles sous-marins, suivant le plan de mobilisation déménage de Paris (rue du Cherche-Midi) à Montpellier (27 bis rue Gambetta).
L’effectif est réduit, le directeur René Couderc nommé en 1929, 5 ingénieurs, 2 rédacteurs et 3 agents.

Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée entre l’Allemagne et les alliés franco-anglais. Comme rien ne se passe sur le front Ouest, on assiste à une « drôle de guerre ».
Le 10 mai 1940, l’armée allemande envahit la Belgique et les Pays-Bas puis la France. Paris est déclaré « ville ouverte » le 15 juin 1940. Brest est occupée le 20 juin. Le 22 juin, l’Armistice est signé à Rethondes. La France métropolitaine est partagée en deux parties, la zone occupée et la zone libre, siège du gouvernement de Vichy. Pétain engage la France dans une politique de collaboration avec l’Allemagne. Les conditions imposées à la
France provoquent qui entraîne la chute du gouvernement Paul Reynaud remplacé par P Laval.
Le général De Gaulle, membre du gouvernement Reynaud, est à Londres et constate qu’il ne fait plus partie du nouveau gouvernement de Pierre Laval. Il lance son appel (du 18 juin) sur les ondes de la BBC.
Inquiet du contenu des accords avec l’Allemagne, Churchill ordonne le 3 juillet 1940 l’opération « Catapult » pour neutraliser la flotte française. Elle comporte 3 phases :
- la saisie des navires réfugiés en Grande Bretagne (dont l’Emile Baudot)
- la neutralisation de la flotte française basée à Mers El Kébir (Amiral Gensoul)
- la neutralisation de la flotte française d’Alexandrie (Amiral Godfroy).
Reprenons les journaux de bord des navires. L’Arago est à La Seyne sur Mer et attend son remplaçant, l’Alsace. L’Ampère traverse le détroit de Gibraltar, venant de Calais et se dirigeant vers La Seyne. Il arrive le dimanche 27 août et après une réparation du câble de Porquerolles, il est transformé en croiseur auxiliaire et être armé d’un canon de 100 mm, deux canons de 75 (anti-aériens) et une mitrailleuse lourde (du 13 septembre au 12 octobre 1939).
La pose du câble Marseille – Oran n° 3 est réalisée de nuit tous feux éteints entre le 1er et le 9 novembre sous la protection d’escorteurs de la Marine Nationale. En janvier 1940, l’Ampère pose un câble entre les îles Planier et Pomègues pour la Marine. Il est à Casablanca le 15 janvier, à Oran du 18 au 27 janvier. Le 28 janvier, le navire commence la pose d’Oran – Gibraltar, opération interrompue plusieurs fois par le mauvais temps est terminée le 27 février. On ignore s’il fonctionna un jour (officiellement non mais la vérité attend peut-être les historiens). Les opérations s’enchainent puisque le navire change les atterrissements du Marseille – Oran 1932 à Ain El-Turk (Oran) et est envoyé pour réparer la liaison Istanbul – Constanza (Roumanie) et la prolonger sur Izmir. G Bourgoin note le caractère spécial de cette mission. Le 7 mai, le navire quitte Istanbul et arrive à La Seyne le 11 mai 1940. Le 23 juin 1940, l’Ampère protège un convoi partant de Marseille à destination d’Oran. Il y arrive le 26 juin. Le commandant Pelletier hésite entre mouiller à Oran ou à Mers El Kébir. Le choix du Cdt Pelletier est particulièrement judicieux. Il choisit Oran, remplit les conditions de l’Armistice en désarmant le navire et débarque son personnel.
La construction de l’Alsace s’achève le 25 avril 1940 à Rouen. Il rejoint Brest le 8 mai après les essais à la mer et sa transformation en croiseur auxiliaire à Cherbourg. Il doit remplacer l’Emile Baudot prévu en arrêt technique. Le 1er juin, le navire appareille pour travaux sur le Brest – Dakar sous protection d’un escorteur au Nord de l’île de Sein. Il est de retour le 11 juin5, réparation terminée après 18 dragues, 3 bouées-câbles et 3 bouées marques ! Le 16 juin, la ville de Brest est bombardée, le navire reçoit son baptême du feu.
Le 17 juin, l’Alsace appareille de Brest pour une effectuer une réparation sur le Brest – Fayal – New York au large des Açores. La réparation de l’Alsace terminée, sans information de Paris, les principaux du navire décident de rejoindre Dakar. Le navire est à quai à Dakar le 29 juin 1940.
L’Emile Baudot pose des câbles d’écoute sous-marine le long des côtes. Il rentre à Brest début 1940 pour une visite d’entretien. Le 19 juin, l’Emile Baudot reçoit l’ordre de l’Amirauté de se joindre au dernier convoi de navires de guerre et de commerce pour rejoindre l’Angleterre (Plymouth) avec 80 personnes à bord. A Plymouth, le désordre est indescriptible.
Le 12 juin, l’Italie déclare la guerre à la France et à la Grande Bretagne. L’Amirauté demande l’appareillage de l’Arago pour couper le câble Gênes – Barcelone au large des Baléares. Le câble est coupé mais la crainte de navires ennemis pousse le navire et ses deux navires de protection à rejoindre Port-Vendres pour se mettre à l’abri. Quelques jours plus tard, il appareille en convoi pour Oran où il est mis en réserve.
Les accords franco-allemands d’armistice prévoient la démobilisation de l’Armée Française et la neutralisation de la Marine Nationale. Ainsi, Paul Leca, aviateur en formation à Gaillac comme tous les appelés de l’Armée est démobilisé et renvoyé dans ses foyers à Marseille. Il reste disponible pour tout embarquement dans la Marine Marchande.
Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1940, l’Emile Baudot toujours à Plymouth est saisi par un commando militaire. Le personnel à bord est envoyé à Liverpool. Quant au navire saisi et désormais britannique, il sera basé en Inde. Il sera rendu à Gibraltar le 22 décembre 1944 dans un état déplorable et sans archives ce qui ne permet pas de reconstituer son emploi du temps au service de la Grande Bretagne.
Le lendemain, le 3 juillet 1940, la flotte anglaise de Somerville détruit l’escadre de l’Amiral Gensoul basée à Mers El-Kébir (1297 morts côté français). Une première tragédie pour la Marine Nationale française !
Par contre devant Alexandrie, les deux amiraux Cunningham et Godfroy qui se connaissent évitent l’affrontement et s’accordent pour neutraliser la flotte française. Stationné ne Egypte, elle pourra reprendre le combat à partir de juillet 1943.
Après l’opération « catapult », le personnel de l’Emile Baudot est envoyé à Liverpool en vue d’un rapatriement en
France. Le 24 juillet, il embarque sur le Meknès de la Cie Générale Transatlantique, torpillé au large d’Ouessant.
Le navires britanniques d’escorte sauvent la plupart des naufragés à l’exception de deux matelots et du boulanger qui périssent dans le naufrage. Les rescapés retournent à Liverpool. Cinq jours plus tard, ils embarquent sur l’Aveyron et rejoignent la France sans incident.
Les trois autres navires-câbliers français sont démilitarisés sur place. L’Alsace est à Dakar le 1 août 1940,
l’Ampère est à Oran 11 août et l’Arago à Casablanca. René Couderc retrouve son autorité sur la flotte câblière. La vie continue La reconquête des colonies françaises par les FFL commence à partir l’été 1940 et la résistance s’organise en métropole. Dès le 27 mai 1940, le Gal de Gaulle affirme son autorité sur les territoires libérés et Brazzaville devient la capitale de la France Libre. Des territoires choisissent la France Libre dès juin 1940 : Tchad, Cameroun, AEF mais également les territoires du Pacifique (Nouvelles Hébrides, Tahiti et Nouvelle Calédonie), les Antilles et les
comptoirs de l’Inde (officiellement le 9 septembre 1940). Par contre, La tentative de reprise de Dakar le 23 septembre 1940, mal préparée localement, est un échec et l’Indochine passe bientôt sous contrôle japonais .
Le 27 octobre 1940 à Brazzaville, De Gaulle affirme son manifeste, acte fondateur de la France Libre. Ce choix n’est pas anodin, car Brazzaville est l’un des 4 centres radiotélégraphiques de l’espace colonial et l’information « libre » sera diffusée de Brazzaville et de Londres.
Pendant cette période, la vie continue pour l’Alsace. Il est démilitarisé à Dakar le 1 août 1940 et répare le Casablanca – Dakar du 19 au 29 août 1940 sous protection. Son chef de mission M Miramont décède le 2 septembre. Le 23 septembre 1940, le navire se trouve en première ligne lorsque les FFL appuyés par une force britannique attaquent la ville de Dakar. René Couderc décide alors d’envoyer le navire à Casablanca qui semble offrir plus de sécurité et surtout moins d’intérêt pour les britanniques. Il appareille le 9 janvier 1941 et y arrive le 14 janvier 1941 e l’Arago le rejoint le 19 janvier. En février et L’activité principale des navires est de récupérer le cuivre en « épluchant » les câbles abandonnés.
Des opérations côtières (avec l’Alsace) sont menées sur le câble microphonique avec récupération de nombreuses ancres mais entre le 24 janvier et le 10 mars. Ensuite, on enregistre de nombreux actes d’indiscipline de l’équipage sénégalais et des cadres européens (qui réclament le long cours) entre avril et juillet 1941 assortis de sanctions diverses dont des séjours en prison de quelques jours à six mois). Apparemment, le navire a peu d’activités jusqu’en juin 1942. L’Alsace appareille de Casablanca le 8 juin 1942 pour Oran (arrivée le 11 juin). Il réduit son équipage et attend...
Le 31 octobre, il fait route sur Alger et entre au bassin de carénage à Alger. (ordre de la direction). Une grande fébrilité est notée à bord avec débarquement de matériel, destruction de documents secrets et des alertes annonciatrices de l’opération « Torch ». Il est à flot le 12 novembre mais sans remorqueur pour déhaler. A sa sortie, il complète son équipage car il doit se rendre à Casablanca Un complément d’équipage est embarqué le 2 décembre pour un appareillage en convoi le 20 décembre. Ainsi, Paul Leca embarque comme graisseur le 3 décembre 1942 se trouve toujours à bord le 20 décembre.
Paul Leca se souvient de cette période qui suit l’Armistice et sa démobilisation. « Je suis à Marseille depuis ma démobilisation de l’Armée de l’air le 10 septembre 1941. Muni de mes certificats de mécanicien et de pilote, je réussis grâce à un ancien Corse à embarquer sur le Djebel Amour, moutonnier de la C° de Navigation Mixte qui assure les transports entre Marseille et l’Afrique du Nord. Tout un programme .... Mon plan initial est d’embarquer sur un autre navire rapatriant des prisonniers de Syrie. »
Au retour du Djebel Amour, les prisonniers sont tous rapatriés et Paul embarque à nouveau. L’inspecteur des Affaires maritimes visant le livret s’étonne de me voir embarquer comme nettoyeur sur ce navire compte tenu de mon niveau d’études et de ma qualification de mécanicien:
« Avec un emploi à terre, je gagne 600 francs par mois alors que j’en gagne 800 à bord, tous frais payés, répond Paul.
Bien que peu convaincu, l’inspecteur me laisse embarquer. Une première campagne du 10 au 20 septembre 1941 est suivie d’un second embarquement de 3 mois jusqu’au 17 décembre 1941 et enfin d’un embarquement de 6 mois sur l’El Kantara jusqu’au 2 juillet 1942.
Le 8 juillet 1942, pas de sursis, je dois faire mon service national dans les chantiers de Jeunesse. Grâce à ma qualification d’inscrit maritime, j’ai le choix entre Port la Nouvelle et Cap Matifou. Je choisis le chantier de la Marine Nationale en Algérie où je séjourne jusqu’en novembre 1942, où j’embarque sur l’Alsace.
Revenons à l’Arago. Il est réarmé en mars 1941 puis désarmé. Après réarmement, il quitte Casablanca pour Oran le 7 novembre 1941. Le navire est prêt à appareiller d’Oran pour Dakar mais il faut compléter son équipage. Cette décision viendra un an plus tard mais ce sera l’Alsace qui partira à Dakar. En attendant le navire restera au fond du port de commerce avec son équipage réduit.
En fait, les NC Arago et Alsace et leurs équipages, dont Paul Leca sur l’Alsace sont rattrapés par l’opération « Torch » qui va modifier le cours de la guerre. La longue période d’inaction est terminée.
A la Seyne sur Mer, l’Ampère assure l’entretien des câbles qui relient Marseille à l’Afrique du Nord, les deux parties de la zone libre. Après sa démilitarisation en août 1940, Il enchaîne les opérations sous protection qui sont décrites dans les journaux des travaux n° 10 et n° 11 de l’Ampère 2: Ces réparations sont séparées par des routes en convois .
Le 8 novembre 1942, à l'aube, les premiers vaisseaux alliés de l'opération Torch (en français Flambeau) abordèrent les plages d'Afrique du nord de ses différents objectifs (Alger, Oran et Casablanca), à la surprise de ses équipages, sans avoir été inquiétée par les sous-marins de l’Axe, qui attendaient plus loin, du côté de Malte. Ce débarquement marque un tournant de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental, conjointement avec les victoires britanniques d’El Alamein (24 octobre 1942 au 8 novembre 1942) et soviétique de Stalingrad (17 juillet 1942 au 2 février 1943).
Par contre, il n’était pas prévu que les généraux de Vichy accueillent les Alliés à coups de canon à Oran et sur les plages du Maroc où ils ne se rendent que le 11 novembre 1942. La prise d’Alger se fait en un jour, le 8 novembre 1942 grâce à la résistance française. Au soir du 8 novembre, Juin obtint de Darlan l'autorisation d'ordonner le cessez-le-feu, ce qui permet aux troupes alliées de pénétrer dans Alger sans trop de problèmes. Du même coup,
les Alliés disposent, le soir même du 8 novembre, d'un grand port intact, où troupes et matériels vont pouvoir immédiatement débarquer sur une grande échelle. Le bilan des opérations est de 1346 morts chez les français et 479 morts du côté allié.
La prise de contrôle de l'Afrique du Nord entraîne le ralliement à la France Libre de l'ensemble des colonies africaines. Le général de Gaulle n'avait été ni consulté ni mis au courant du débarquement par les alliés. Il se rend à Alger pour empêcher que le pouvoir ne lui échappe et constitue, avec le général Giraud le Comité français de la Libération nationale (CFLN). L’amiral Darlan, fidèle au gouvernement de Vichy est assassiné le 24 décembre 1942.
L'établissement d'une tête de pont alliée en Afrique permet de préparer le débarquement de Sicile et d’ouvrir en 1943 la campagne d’Italie .
Le 27 novembre 1942, Hitler décide l’invasion de la zone libre. La flotte se saborde lorsque l’occupant prend Toulon .
G Bourgoin note dans son étude6 que la Direction décide d’envoyer le navire à Dakar pour le protéger et que les britanniques décident alors de le réquisitionner. Apparemment, les deux autorités ont besoin du navire et le programme qui va suivre montre une activité ininterrompue du navire jusqu’à la fin de la guerre sur les câbles français ou anglais de la côte d’Afrique. L’arrêt à Gibraltar est justifié par des raisons de sécurité et peut-être pour embarquer des documents concernant les câbles britanniques.
L’Alsace appareille en convoi le 20 décembre 1942, le navire mouille devant Gibraltar le 23 décembre en rade extérieure de Gibraltar. Il appareille le 2 janvier sous escorte et arrive à Casablanca le 3 mars 1943. Retrouvant l’Arago, il est prévu de permuter les câbliers Arago et Alsace et de baser l’Alsace à Dakar avec l’équipage de l’Arago. Paul et plusieurs membres des chantiers de jeunesse refusent les conditions de vie à bord du vieil Arago .
Ils débarquent au dépôt de la Marine Marchande de Casablanca. Ils restent mobilisables dans la Marine Nationale.
L’Alsace est à Dakar le 19 mars 1943. Revenant à Paul. Après son débarquement, il reprend contact avec l’aviation militaire (parc régional 94 de
Casablanca) et quitte la marine marchande le 18 avril 1943. Il réussit à se faire affecter dans l’aviation (du 20 avril 1943 au 25 août 1943) et part pour les Etats-Unis le 15 octobre 1943. Il en revient muni de ses brevets de mitrailleur et de mécanicien sur l’appareil Maraudeur et prend une part active dans la campagne contre l’Allemagne.
Il est démobilisé le 28 mai 1947 avec le grade de sergent–chef de réserve et recherche un travail.
Enfin, l’Ampère est à La Seyne sur Mer, sous le commandement de Jean Pelletier. Il est sur rade le 27 novembre 1942 et le seul à arborer le drapeau tricolore. Pourtant les autorités allemandes commencent à s’intéresser à lui et finissent par le réquisitionner le 20 décembre 1943 puis l’envoyer à Marseille.
A partir de Mars 1943, l’Alsace et son équipage africain se lancent dans la remise en état des câbles de la cote d’Afrique .
L’Ampère 2 est réquisitionné par les Allemands le 20 décembre 1943. Le navire est transformé en croiseur
antiaérien. Le personnel a le choix entre un emploi à terre dans un service des PTT, ce qui le soustrait au STO et
de conserver sa solde. Ou de reprendre sa liberté. La majorité conserve leur emploi dans les PTT.
L’Arago est remis aux Domaines en 1946 et acheté par la Marine Nationale, puis revendu à un chantier de démolition Seynois en 1950. La Marine le renomme le Scaphandrier Van Oudenhove.
Enfin, les autorités britanniques remettent l’Emile Baudot à l’Ingénieur en Chef Michel et au commandant Jean Pelletier le 24 décembre 1944 à Gibraltar.
Le 6 juin 1944, les troupes alliées débarquent sur les plages de Normandie. Paris est libéré le 25 août 1944.
Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquent sur les plages de la Côte d’Azur, les villes de Marseille et Toulon sont libérées le 25 août mais les autorités allemandes avaient décidé de détruire leurs forces vives.
Les chantiers et la ville de La Seyne, l’arsenal de Toulon, le port de Marseille et son pont transbordeur sont minés et détruits. Enfin, le 8 mai 1945, l’Allemagne signe sa capitulation.
Dans les ruines du port de Marseille, on retrouve deux navires-câbliers parmi toutes les unités coulées par les Allemand entre le 15 et le 25 août 1944. Ils sont coulés le long du quai Jamet et il s’agit du Giasone 2, navire câblier italien et l’Ampère 2. Après une inspection du navire, ce dernier est irrécupérable. Le Giasone 2, par contre, semble offrir quelques perspectives de récupération après renflouement.

La guerre est finie et des quatre navires en service en septembre 1939, l’armement des PTT n’en possède plus que deux capables de remettre en état un réseau particulièrement éprouvé. Le directeur René Couderc commence à réfléchir au devenir de sa flotte mais également à ses hommes. Il a été promu Inspecteur Général Adjoint en 1942, puis Inspecteur Général et peut compter sur son adjoint, l’IGC Michel. Il perd deux chefs de
mission, Miramont, chef de mission des navires de la côte d’Afrique est décédé le 2 septembre 1940 et l’ingénieur en chef Arnold Hanff9 s’est réfugié dans sa faille à La Souterraine (Creuse) puis a choisi le maquis10. Il a été capturé et fusillé le 14 mars 1944 à Brantôme par les allemands. Par ailleurs, il récupère un ingénieur11 qui avait choisi tardivement le régime de Pétain et se trouve dégradé par la Commission d’épuration instituée au sein du ministère des PTT et muté d’office à la DCSM le 12 juillet 1945.
Quant à René Couderc, l’administration décide de le placer mis en position de détachement au titre de l’article 33 de la loi du 30 décembre 1913 au commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux. Elle le réintégre dans les cadres de l’Administration à partir du 1er août 45 et il est admis d’office à faire valoir ses droits à la retraite, à compter de la même date. Il n’aura donc pas la charge de remettre le réseau en état.

Revenant à Paul Leca. Après son débarquement de l’Alsace à Casablanca et son refus d’embarquer sur l’Arago, il reprend contact avec l’aviation militaire (parc régional 94 de Casablanca) et quitte la marine marchande le 18 avril 1943. Il réussit à se faire affecter dans l’aviation (du 20 avril 1943 au 25 août 1943) et part pour les Etats-Unis le 15 octobre 1943. Il en revient muni de ses brevets de mitrailleur et de mécanicien sur l’appareil Maraudeur et prend une part active dans la campagne contre l’Allemagne. Il est démobilisé le 28 mai 1947 avec le grade de sergent–chef de réserve et recherche un travail....
De retour à Marseille... Plusieurs voies s’ouvrent devant lui. Son expérience dans l’aviation lui permet d’obtenir du secrétariat de l’aviation civile une licence de mécanicien d’aéronefs à compter du 7 septembre 1947 (valable jusqu’au 28 mars 1948). Il se rend à Paris au siège d’Air France en pensant à tous ses camarades du groupe Franche Comté dont beaucoup sont disparus. Il constate que la compagnie nationale est peu sensible aux états de services légaux et il se tourne alors vers les navires câbliers.
Il embarque sur le d’Arsonval le 23 avril 1948 comme graisseur. Il est nommé chauffeur le 9 juin. Le 3 mai 1951, il est affecté sur l’Ampère à Rouen jusqu’en novembre 1952. Le 12 juillet 1952, il est nommé Officier Mécanicien de 3ème classe et est embarqué sur l’Alsace à La Seyne.
Marcel Bayard remplace René Couderc à la direction des câbles sous-marins. Il complète la flotte câblière et s’attelle à la rénovation des réseaux d’Atlantique et de Méditerranée. Le réseau de la Côte d’Afrique avait été remis en état en 1943-1944. Des prélèvements importants ont été saisis par les câbliers britanniques et américains, les câbles ennemis devenant la principale source de réapprovisionnement de câbles de réserve puisque toutes les usines à câbles étaient détruites .

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La création de l'usine de la Seyne sur Mer

Un décret du 10 janvier 1881 affecta au service, un terrain de 10.654 mètres carrés appartenant à l'État.
Les travaux commencèrent aussitôt ; il s'agissait de creuser une darse et son chenal d'accès, de construire une usine avec ses dépendances, hangars, magasins, ateliers, pavillon administratif.
Fin 1881, les bâtiments étaient terminés, la darse et le chenal en voie d'achèvement. On avait installé : deux chaudières, une machine motrice, une câbleuse (tout ce matériel provenait de l'atelier du Mourillon) et trois tours à bobiner le fil de fer, un tour à bobiner le fil de caret, un tour à bobiner les bandes de toile. Les établissements Mouraille et Cie de Toulon avaient réalisé et mis en place trois nouvelles chaudières, une machine motrice et les systèmes de transmission pour les câbleuses à venir. Deux câbleuses (ou machines à revêtement), l'une pour les câbles côtiers et atterrissements, l'autre pour les câbles grands fonds et intermédiaires, avaient été commandées en Angleterre à la compagnie The India Rubber Gutta Percha and Telegraph works.

Le marché avait été conclu le 27 octobre 1880
, et les machines arrivèrent à la Seyne le 1er octobre 1881 sur le vapeur « Venetia ».
Le montage effectué par les ouvriers anglais débuta le 25 décembre de la même année et fut achevé le 7 mars 1882. Les deux machines rendues à quai coûtèrent 95.000 F. Les fabrications commencèrent aussitôt.
Une cableuse de l’usine des câbliers à La Seyne

La fabrication des câbles télégraphiques Le câble était constitué d'un conducteur électrique et d'une armature.
Le conducteur électrique ou âme en cuivre pur était formé de plusieurs fils de 1 millimètre de diamètre environ, câblés autour d'un fil central de 3 millimètres. Le toron ainsi obtenu, souple et supportant bien les efforts de traction et de lovage, passait dans un bac contenant la matière isolante maintenue à une certaine température (mélange de gutta-percha, goudron et résine; cette dernière facilitant l'adhésion de la gutta sur le cuivre). Au
sortir du récipient à composer, le toron passait dans le bac à gutta-percha gardée liquide par la chaleur et sortait par une filière, de telle façon que la couche de gutta fut homogène et exempte de bulles d'air. Cette couche était ensuite refroidie sous une rampe à eau avant que le câble soit enroulé sur bobines et soumis à diverses mesures électriques sous une température constante (résistance, isolement, capacité).
Ces mesures permettaient d'établir les caractéristiques du câble au mille marin et de vérifier s'il ne présentait pas de défaut.
Les proportions entre la quantité de fil de cuivre et de matière isolante étaient déterminées au Mille Nautique selon le type de câble à fabriquer et la vitesse de transmission désirée Pour les câbles de moyenne longueur, cette proportion s'établissait à 59 kilogrammes de cuivre pour 59 kilogrammes de gutta. Mais pour les câbles de grande longueur (transatlantique, par exemple) les poids variaient entre 160 kilogrammes de cuivre pour 140 kilogrammes de gutta et 300 kilogrammes de cuivre pour 180 kilogrammes de gutta.
La gutta extraite de la sève ou des feuilles de l'arbre à gutta qui pousse en Malaisie ou en Amérique du Sud est un isolant très convenable (lui a été utilisé jusqu'à une date récente. Il a maintenant été remplacé par le polyéthylène.On passait ensuite à la protection du câble. L'âme était dirigée sur une câbleuse où elle était recouverte de deux couches de fil de jute tanné, successivement enroulées en sens inverse, afin de la protéger de l'armature de fil de fer qui allait la recouvrir. On soudait les différentes longueurs d'âme entre elles (opération très délicate) et l'on passait au recouvrement en fil de fer de l'âme ainsi recouverte. Parfois avant la mise sous jute, on enroulait autour l'âme un mince ruban en cuivre destiné à la protéger de la gourmandise des tarets, petits vers des eaux chaudes particulièrement friands de la gutta.
Suivant la profondeur à laquelle la section fabriquée devait être immergée, on la recouvrait d'une ou de deux couches de fil de fer et de deux couches de toile de jute goudronné, fil de fer et jute toujours enroulés en sens inverse, la toile de jute évitant en partie le glissement sur les poulies et daviers.
Personnel d’encadrement de l’usine des câbliers.

Au cours de ces opérations, on disposait une couche de goudron de Norvège froid sur l'armature en fil de fer et une couche de composé bitumeux chaud sur chaque ruban goudronné dans le but de préserver le câble de la corrosion. A la sortie de la câbleuse, le câble était lové dans des cuves de stockage emplies d'eau en attendant son chargement sur le navire câblier.

En 1892, l'installation de machines complémentaires s'avéra nécessaire. Les consultations lancées auprès des industriels français ne donnèrent aucun résultat et force fut de se rabattre sur India Rubber à Londres. Le 28 octobre 1892 un marché fut passé avec cette société pour la fourniture de deux câbleuses légères de grand fond. La première fut construite en quatre mois, la seconde en cinq mois et demi, pour un prix global de 54.520 F, livrées à Marseille.
L'installation fut effectuée par le fournisseur et la mise en service eut lieu en octobre 1893.
En 1894, l'usine dans son ensemble était achevée. Elle devait rester ainsi jusqu'à la fin de son activité, à part quelques acquisitions de terrains, adjonctions ou améliorations. L'éclairage, au gaz l'origine, fut électrifié en 1895, l'énergie était produite par l'usine En 1929-1930, l'enceinte du domaine, consumée par une palissade en pitchpin, fut remplacée par un mur, le sol du hall des machines cimenté, un château d'eau édifié et le raccordement à la voie ferrée desservant les Forges et Chantiers, réalisé. Le 27 novembre 1942, les forces allemandes occupèrent la poche de
Toulon et l'usine par la même occasion. Toute activité arrêtée, il ne restait plus qu'à protéger les installations et les réserves, ce à quoi, le personnel se consacra avec beaucoup d'application. Les occupants ne tardèrent point à lorgner du côté du navire câblier « Ampère » qui séjournait dans
la darse, avec l'idée de le transformer en croiseur auxiliaire. Malgré les ruses de l'État Major et de l'équipage qui avaient entrepris des démontages inutiles et sans fin, le navire fut saisi le 20 décembre 1943. On parvint à mettre à l'abri à Salernes certaines machines et appareillage, ainsi que les instruments de mesure et le contenu des magasins.
Grâce à ces précautions, les fabrications purent reprendre dans un délai record à la libération du territoire. En août 1958, l'activité de l'usine fut définitivement arrêtée ; le câble télégraphique avait fait son temps et les machines étaient impropres à la fabrication des câbles téléphoniques. Elles
furent remises aux Domaines pour la vente.
Ainsi avec l'abandon des câbles télégraphiques, disparaissait l'usine de la Seyne sur Mer, l'usine, car le service des câbles sous-marins lui même repartait pour un avenir différent, mais aussi prometteur.

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La concurrence du privé (1891-1918).

Le grand décollage de l’activité câblière démarre en 1892 avec les deux autres usines construites par le secteur privé : l’une est construite en 1888 à Calais par la Société Générale des Téléphones, l’autre installée en 1892 à Saint-Tropez par le Société Grammont. La SGT achète également un navire de pose : le François Arago. La Société Industrielle des Téléphones, constituée en 1895, regroupe toutes les activités câbles sous-marins de la SGT : les deux usines de Bezons et Calais et le François Arago. Elle construira des liaisons dans le monde entier : un transatlantique, un réseau aux Antilles, des câbles côtiers, méditerranéens et sur la Côte d’Afrique mais également des liaisons destinées à raccorder les territoires français au réseau mondial : Nouvelle Calédonie, Madagascar, Indochine ….

1891 est une année clé dans l’histoire des câbles. Le 19 avril 1891, un dimanche, la presse nationale et toutes les Autorités civiles et militaires inaugurent l’usine de Calais. Le Westmeath (futur François Arago) est amarré au quai de la Loire avec son chargement de câbles du réseau des Antilles. Il appareille le 21 avril à 11 heures du soir compte tenu de la marée.

Le 21 juillet 1891, un curieux débat se déroule à la Chambre des députés. On vote un crédit de 5.500.000 francs pour construire des liaisons Marseille-Oran et Marseille-Tunis. Millerand et la gauche défendent la construction des câbles à La Seyne mais le Ministre Freyssinet sort un lapin : la construction d’une seconde usine privée entre Toulon et Marseille. Il ajoute : " c’est à la Chambre de juger où est l’intérêt de l’Etat et si c’est à elle de dire si elle voit cet intérêt dans la mainmise de l’Etat sur une fonction industrielle nouvelle ou au contraire dans une porte plus largement ouverte à l’initiative privée ". La Chambre suit le Ministre du Commerce et de l’Industrie, les crédits sont votés mais l’attribution des marchés fera l’objet d’un appel d’offres entre les sociétés privées. Ainsi, chaque industriel aura la responsabilité de l’installation d’une liaison : à l’usine de la SIT de Calais, la liaison Marseille-Oran et à l’usine Grammont de Saint-Tropez, la liaison Marseille-Bizerte-Tunis.

L’usine de La Seyne continue ses fabrications de câbles à partir d’âmes (fils isolés à la gutta) approvisionnées dans le secteur privé en Angleterre ou en France (Bezons) ou reconstitue des r&serves à partir de câbles relevés sur réparation. Ils sont utilisés sur le réseau côtier. Pendant toute cette période, la fumée qui sortait de la cheminée de l’ usine donnait le signal d’une fabrication et les travailleurs seynois accouraient pour trouver une embauche temporaire en complément de leur activité.

En 1895, Paul Bayol est remplacé par Charles Morris à la tête du service des câbles sous-marins. Les responsables de la Charente cèdent également leur place. M Phillipot succède à M Guisolphe. M. Augustin prend une seconde retraite en 1908 et est remplacé par M Durbec. En 1902, Henri Reynouard est sanctionné pour avoir distribué le Pèlerin à des ouvriers et à des marins et il est muté disciplinairement à Vannes. On ne badine pas avec les principes sous le Ministère Combes ! Le domaine bénéficia de deux agrandissements en 1896 et surtout en 1904 (5.485 m2).

Lorsque les autres usines sont trop occupées à construire le réseau d’Atlantique Nord de la CFTC ou le réseau colonial d’Afrique de l’Ouest (Brest-Dakar 1905) et de l’océan indien, l’usine de La Seyne fabrique des liaisons importantes. Les deux câbles Oran – Tanger (1901) et Tanger – Cadix (1905) ont été fabriqués à La Seyne. De Cadix on peut rejoindre Saint-Louis et Dakar, et disposer d’une liaison de secours en cas de rupture du Brest-Dakar.

Nous disposons du témoignage de Louis Roussel qui embarqua sur presque toutes les campagnes du François Arago comme second Ingénieur en tant qu’ adjoint de Louis Rouillard (inventeur d’un grappin toujours en service). Au départ de L. Rouillard, il est chef de mission et il rend compte du travail à bord de ce navire poseur de câbles sous-marins. Entre 1893 et 1914, un siècle avant le Vercors, le François Arago a parcouru le monde : des Antilles en Nouvelle Calédonie, d’Atlantique Nord en Chine, de Madagascar à la Côte d’Afrique.

La Direction quitte La Seyne pour Paris (1905). La Seyne de 1905 à 1919.

La Direction du service quitte La Seyne en 1905 pour la capitale. M Laroze est nommé directeur du service. Il n’a pas laissé le souvenir d’ un homme dynamique. Le directeur de l’usine est alors M Pasquion qui conserva ses fonctions jusqu’à la retraite prise à La Seyne.

Un quatrième Marseille – Alger est posé en 1913. Le remplacement de la Charente est programmé. On commande le navire en Angleterre sur les plans d’un navire existant pour réduire les coûts d’étude et de fabrication. Mais la guerre éclate et le navire n’est livré qu’en 1918 : ce sera l’Emile Baudot. La charge de maintenir le réseau d’Afrique du Nord sera encore assurée par la Charente, qui ne chômait pas.

La guerre des réseaux sera une constante des guerres mondiales. La Convention Internationale du 14 mars 1884 sur la protection des câbles sous-marins n’est pas applicable en temps de guerre. C’était la volonté des Britanniques. Ainsi, ceux qui ont la maîtrise des mers ont également celle des réseaux télégraphiques. Après les deux conflits mondiaux, les vainqueurs se partageront les câbles et les navires des vaincus au titre des dommages de guerre.

Au début de la guerre, les alliés ont reconfiguré le réseau Allemand. Le câble Emden – Ténériffe - Monrovia est
transformé en Brest – Casablanca – Dakar. A la fin de l’opération, le navire-câblier Dacia est coulé en décembre 1915 par un sous-marin allemand en rade de Funchal (Madère). A la fin de la guerre, l es dépouilles sont partagées à partir du Cap des Palmes entre les Anglais (à l’Ouest) et les Français (à l’Est).

Michel Zunino embarque mousse le 16 octobre 1916 sur la Charente, il a 13 ans et son certificat d’études en poche. Présenté par ses parents, il découvre le monde du travail dans toute sa rigueur. La journée de travail est longue et dure. M Zunino terminera sa carrière premier maître soudeur à la fin des années 60, en étant chargé du contrôle en usine des fabrications de câbles.

Lorsque la radiotélégraphie commerciale apparaît dans les années 20, cette nouvelle technique est plus complémentaire que concurrente. Elle permet de relier les villes de l’intérieur. La radiotéléphonie grande distance transatlantique ne se développe qu’à partir de 1935. Elle n’a jamais été une véritable concurrente de la télégraphie.

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L’entre deux guerres et la seconde guerre mondiale (1919-1945).

L’Empire Colonial soutient la politique industrielle du secteur des câbles sous-marins. En 1922, le réseau français représente 25% de la longueur totale du réseau mondial (76.000 MN / 318.158 MN). Le réseau public comprend les câbles côtiers, le réseau de Méditerranée et les anciens câbles allemands alloués en 1919 au titre des dommages de la guerre. Deux sociétés privées, la CFCT et la SUDAM exploitent leurs réseaux en service respectivement sur l’Atlantique Nord (CFCT) et l’Afrique et l’Amérique du Sud (SUDAM).

Au lendemain de la première guerre mondiale, l’activité se réduit. M Laroze n’a pas laissé une bonne image de son passage.
Original et peu ambitieux, il a laissé son nom dans les tables du Conseil d’Etat où sont enregistrés les recours pour " excès de pouvoir ". On raconte qu’il s’installait dans le wagon réservé aux Parlementaires lorsqu’il prenait le train pour venir à Toulon. Il déjeunait en commençant de préférence par un saucisson à l’ail qui décourageait toute intrusion dans son compartiment, y compris celle des contrôleurs qui ne lui demandaient que rarement de justifier de sa condition de Parlementaire. A un contrôleur insistant, il répondait invariablement : Vous m’insultez mon Ami ?

Il faut rappeler, à sa décharge, que les investissements publics sont orientés vers le développement de la radio à partir de 1920.

L’Emile Baudot ne comble pas les espoirs mis en lui. Le modèle assurait l’entretien du réseau de la Manche par petits fonds et près des côtes. Or, on lui demande d’essuyer les coups de Mistral et la mer Méditerranée. En 1925, la société
A. Grammont est choisie pour la construction du câble Marseille-Philippeville. La pose est confiée à un navire anglais le Silvergray. Ce sera la dernière fabrication de l’usine qui cesse son activité en 1926. Sur ce navire, deux représentants du service, le commandant de Pontbriant et son lieutenant M Pelletier. Ce dernier a écrit l’histoire détaillée de son passage aux câbles sous-marins entre 1926 et 1960 et collabore à l’ouvrage de Louis Baudoin sur " L’histoire Générale de La Ville
de La Seyne sur Mer ".

En 1930, la dégradation de la qualité du service et les interruptions trop fréquentes des liaisons sur l’Algérie provoquent
des remous au Parlement. L’Administration prend plusieurs mesures : La nomination d’un nouveau directeur : M Couderc et le lancement d’un navire : l’Ampère 2. Le navire est construit à La Ciotat et, à sa mise en service, l’Emile Baudot est envoyé au Havre pour l’entretien des câbles côtiers et des câbles avec l’Angleterre.
L’arrivée de l’Ampère sonne le glas de la Charente, restituée à la Marine Nationale. Les usines de Calais et La Seyne reprennent une activité soutenue. Il s’agit de renforcer du réseau de Méditerranée et de redéfinir la configuration du réseau
de Cote d’Afrique.

Un navire-câblier supplémentaire, l’Arago est acheté en Angleterre et basé à Dakar en 1932. L’équipement de tous les
navires est modernisé et des sondeurs électriques remplacent les sondeurs acoustiques. Chaque pose est précédée d’une
campagne de sondage et le meilleur tracé possible est recherché. Les fabrications s’améliorent, le réseau est rénové, les réparations sont moins nombreuses.

En 1935, l’Administration des PTT reconfigure le réseau de la côte d’Afrique. La liaison Lomé – Douala est utilisée pour en faire un Cotonou–Douala et la liaison Monrovia–Lomé (partie Est) pour un nouveau Grand Bassam– Cotonou. Le reliquat (partie Ouest du Monrovia – Lomé) est utilisé comme câble de réparation. Il s’agissait de câble de grand fond mais les besoins étaient surtout par petits fonds, ce qui eut des résultats assez catastrophiques. Ce travail demandera six mois à l’Arago sous la direction de l’Ingénieur Miramont.

Les câbles Bizerte 1931, Oran 1932 et Oran 1939 sont construits à Calais. Pour fabriquer le câble Marseille-Bizerte 1938, les âmes sont fournies par l’usine de Bezons et le câble est armé à La Seyne. On commande le câble Nabeul - Beyrouth 1939
en Angleterre puisque l’usine de Calais fabrique du câble microphonique pour la Marine. Les câbles Nabeul-Beyrouth et Nabeul-Igalo sont opportunément installés à la veille de la seconde guerre mondiale pour permettre à la France de rester en relation avec ses alliés balkaniques sans avoir à passer par l’Allemagne et ses alliés.

Pour l’inauguration de la liaison Nabeul–Igalo à Cattaro, le ministre Jardillier fait le déplacement avec l’Ampère. Le chef cuisinier Poly se souvient d’un homme simple venant aux cuisines demander un changement de menu, préférant les haricots et les pommes de terre du menu de l’équipage à la place de la langouste servie au carré des officiers. Le Président du Conseil, Léon Blum devait apprécier cet homme qui savait se faire apprécier du personnel des PTT.

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La guerre (1939 – 1945).

A la veille de la Seconde guerre, le réseau français est équilibré. Le remplacement de l’Arago est commandé au chantier de Normandie à Rouen : ce vaisseau sera l’Alsace. Il est livré par les chantiers de Rouen quelques semaines avant l’invasion allemande. Après son armement à Brest, il est envoyé réparer un câble aux Açores. A la fin des travaux, il rejoint Dakar et y passera la guerre. Ce sera le plus chanceux de tous les navires-câbliers. Compte tenu de la rapide défaite de la France, le réseau n’est plus utilisable dans les zones occupées.

Les Anglais coupent les câbles atterrissant à Brest et réquisitionnent l’Emile Baudot " manu militari " dans le port de Plymouth.

Les activités de la base de La Seyne sont réduites. L’usine manque de matières premières. Les câbles du réseau méditerranéen sont toujours en exploitation jusqu’au moment de l’ invasion de la zone occupée. Devant les risques causés par les bombardements alliés, le personnel et les archives sont transférés à Salernes.

La Direction des Câbles est transférée de Paris à Montpellier. L’Ampère 2, basé à La Seyne, reste au port comme la flotte de Marine Nationale de Toulon. Le navire est d’ailleurs militarisé et son Commandant prend ses instructions de l’Amirauté.

Après l’occupation de la zone libre, les Allemands saisissent l’Ampère 2 et l’envoient à Marseille rejoindre un navire Italien : le Giasone. Ils sont chargés de détruire le réseau anglais. Mais les Anglais, maîtres sur mer, ne leur laissent pas la possibilité de sortir. De leur côté, ils coupent tous les câbles étrangers, y compris certains câbles français et en prélèvent
des sections pour rénover le réseau.

A la Libération, l’Ampère et le Giasone sont sabordés par les Allemands dans le port de Marseille. Seul le Giasone est récupérable. L’usine de La Seyne est miraculeusement préservée de la destruction en août 1944. Les chantiers navals proches sont pourtant entièrement détruits avant le repli allemand. On doit ce miracle à M Thole, un Allemand du service des PTT, qui protége l’usine de sa destruction car il savait que la coopération entre les deux pays reviendrait avec la
paix. Il sut s’opposer aux officiers SS.

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L’après-guerre : rénovation du réseau (1945-1960)

L’activité reprend dès la fin de la guerre à l'arrêt définitif de l'usine en 1956.

Les fabrications cèdent progressivement la place. Les ateliers développent les parties mécaniques des répéteurs et
de nouvelles procédures de pose des câbles téléphoniques. On forme le personnel soudeur aux méthodes de raccordement des câbles coaxiaux et d’énergie (IFA par exemple).

Cette époque n'est pas une période d’inaction :
il s’agit de développer la nouvelle technologie de câbles sous-marins téléphoniques et des répéteurs souples et de trouver des activités à un personnel qualifié.

Il faut également remettre en état le réseau avec une flotte nombreuse mais peu appropriée. En Méditerranée, l’Alsace assure le travail, bientôt rejoints par l’Emile Baudot et le d’Arsonval après leur remise en Etat. Ensuite on envoie l’Emile Baudot à Brest car il est le plus adapté à l’entretien du réseau côtier. Après la construction de l’Ampère en 1951 (qui remplace le Baudot), les deux navires Alsace et Ampère 3 veillent sur le réseau côtier et sur les câbles de Méditerranée et de la côte d’Afrique. Le d’Arsonval rejoint Brest.

L’ère du téléphonique des premières générations (1956 - 1970).

En 1956, apparaissent les premiers câbles téléphoniques : Marseille-Alger, Kélibia - Bou Ficha posés par l’Ampère 3, modifié spécialement.

Lorsque les deux liaisons téléphoniques sur Alger (1957) et Oran (1961) sont mises en service, elles sont fiables et assurent le trafic vers l’Algérie. C’est la fin des liaisons télégraphiques … Pour poser la liaison Perpignan – Oran, un nouveau navire est mis en service : le Marcel Bayard. C’est le premier câblier moderne à propulsion diesel-électrique. Il possède une machine de pose à l’arrière adaptée aux poses de répéteurs. Il est basé & agrave; Brest avec le d’Arsonval.

1965, avec la pose de la liaison Cannes–Ile Rousse, marque le démarrage d’une période de pose. Chaque année, une nouvelle liaison sera posée vers le Maroc, la Tunisie, Israël et le Liban. Mais cette année-là, rares sont ceux qui parient sur l’avenir des câbles sous-marins. Les premiers satellites sont lancés et leur principale fonction civile est de transmettre les communications (téléphone et télévision). Le câble sous-marin, une technique ancienne, semble être dépassé.

La direction cherche des solutions pour diversifier les activités : campagnes océanographiques, pose de câbles d’énergie, campagnes " spot " (recherche des débris de la caravelle Ajaccio-Nice – pose de matériel de recherche civile ou militaire). Il s’agissait de tenir…

Le développement des techniques de pêche au large de Terre Neuve donne une opportunité. Les premiers transatlantiques de 1961 et de 1965 demandent deux ou trois réparations par mois. Les PTT français et britanniques sont co-propriétaires de ces câbles et obtiennent de l’ATT une présence de navires-câbliers européens. Une nouvelle aventure commence lorsque, chaque année entre 1965 à 1972, l’Ampère effectue une campagne d’été de six mois sur les bancs de Nerre Neuve.

Sous la direction de G. Baron, chef de mission et de M. Paglia, directeur de l’usine, l’Ampère effectue sa première campagne en 1965. Etat-major, équipage et mission se rendent compte du décalage entre les méthodes de réparation appliquées par le service et celles des Anglo-Saxons. L’Ampère répare un câble en 48 heures contre 16 heures au Cyrus Field ou au Lord Kelvin qui assuraient le travail. Il faut apprendre à se servir du matériel et appliquer les méthodes de réparation développées par le British Post Office. Pour les ingénieurs et les techniciens navigants, Terre Neuve est un laboratoire et un bon moyen de se perfectionner dans la langue de Shakespeare.

M. Paglia se chargera de l’approvisionnement du matériel de mesure et de jointage, du transfert de technologie et de la formation de la mission technique. Les commandants moderniseront les équipements du navire. Il faut apprendre pour préparer l’avenir. Les équipages connaissent un renouvellement complet. Une nouvelle génération embarque sur les navires du midi, du personnel inscrit maritime rapatrié d’Afrique du Nord rejoint les équipages corses, marseillais et la vieille garde africaine embarquée sur le navire de garde à Dakar. Les nouvelles équipes se forment dans les brumes des bancs de Terre Neuve et du Groenland, parmi les icebergs et les ours blancs. Avec des fortunes diverses, tout le monde se mettra à l’Anglais. Quelques années plus tard, certains marins se fixeront dans le Nouveau Monde et quelques Seynois trouveront des épouses qui vivent actuellement dans la région. La refonte des statuts du personnel inscrit maritime (Etat-major et Equipage) est nécessaire, de même que le régime de l’indemnité de mer des fonctionnaires embarqués.

A toutes ces questions, des solutions seront trouvées. Cinq ans plus tard, l’acquis doit être transféré en Méditerranée.
En 1970, la mutation de La Seyne est décidée avec la transformation de l’usine en base de maintenance.

 

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LE CONTRE AMIRAL JULES CAUBET AU COEUR DES DEBATS POLITIQUES ET DES DECISIONS

La France ne maîtrise pas davantage le développement du téléphone, invention récente (1876), confiée au secteur privé. La France a accumulé les retards et les mécontentements des milieux d’affaires. Après un long débat public, la Chambre adopte la loi du 16 juillet 1889 qui met fin au monopole de fait de la SGT (Société Générale des Téléphones) dont les réseaux téléphoniques sont rachetés par l’Etat.

La SGT recherche des débouchés pour ses usines et multiplie les investissements dans les Antilles (Haïti, Saint Domingue, etc).
Elle fonde une filiale : la Société française des télégraphes sous-marins (SFTSM) pour relier tous les réseaux des îles par des câbles sous-marins.
Mais en 1891, la SFTSM rencontre des difficultés pour rentabiliser l’ambitieux réseau construit dans les Antilles. La SGT, son actionnaire principal, se tourne vers l’Etat en faisant remarquer qu’elle avait construit l’usine de Calais et acheté le câblier François Arago pour satisfaire les besoins de l’Etat et de la politique coloniale.

Le débat du 1er juillet s’inscrit dans un contexte politico-industriel complexe et le ministre du Commerce et des P&T, Jules Ribot, est député du Var. En souhaitant confier la construction des deux câbles Marseille – Oran et Marseille – Tunis au secteur privé, il songe à la SGT (Société
Générale des Téléphones), et à un nouveau venu, l’industriel Grammont, qui projette d’installer une usine à Saint Tropez.
Dans cette hypothèse, le gouvernement modifie l’équilibre entre secteur public et privé institué en 1863 et pérennisé en 1880 avec la construction de l’usine de La Seyne-sur-Mer .

L’affaire traîne depuis plus de deux ans, car les industriels refusent les conditions techniques de l’appel d’offres rédigé par les services du ministère des P & T. Il s’agit de spécifier un isolement inférieur à 1.000 mégohms pour se prévenir contre l’utilisation de la résine isolante qui
s’échappe du câble avec le temps. L’année 1890 est utilisée à la rédaction de conditions techniques acceptables par le constructeur.
Dans cette affaire, la SGT a retardé la mise en service des deux câbles attendus, sans doute pour que l’usine de Calais soit complètement opérationnelle.
Le député Bastid, rapporteur du budget, ne maîtrise pas bien ce dossier technique. Or, la commission doit présenter une politique de câbles sous-marins visant à définir des mesures pour réduire notre retard par rapport à la Grande Bretagne. Il cède ce dossier au jeune député socialiste de Paris Etienne Alexandre Millerand, élu pour la première fois en 1884.

La France vient alors de se doter d’une industrie bipolaire avec la Société Industrielle des Télécommunications et Alexandre Grammont.
Elle possède également deux opérateurs réseaux privés : la SFTSM et la Compagnie Française du Télégraphe de Paris à New York (PQ).

Le contre amiral Caubet est nommé président de la SFTSM en 1892
, puis devient président de la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques (CFCT) lorsqu’elle fusionne avec la PQ. Il donne son nom au câblier mis en service en 1896.
Le 17 mars 1902, lorsqu’il est remplacé à la présidence de la CFCT, il reste au Conseil d’Administration jusqu’à sa mort le 2 février 1912.
Rappelons qu’en 1876, date de la constitution de la PQ, le réseau télégraphique de la France la place très loin derrière la Grande Bretagne.


Pour celui-ci, l’objectif est simple : Comment utiliser au mieux l’argent public ?
Alexandre Millerand reprend et approfondit le dossier de son prédécesseur. Il demande un devis au directeur de l’usine de La Seyne et se déplace à La Seyne.
Lorsqu’il se rend à La Seyne le 11 mai, il vient de dénoncer vigoureusement à la tribune de l’assemblée le massacre de onze manifestants à
Fourmies, le 1er mai. Sa mission à La Seyne-sur-Mer lui permet d’interroger directement le directeur, le personnel de l’usine et celui du navire
câblier la Charente. Il estime qu’ils peuvent avoir des avis différents de ceux des bureaux du ministère. Il s’agit d’un dossier politique, l’article
du Vingtième Siècle en témoigne.
Millerand définit l’objet de son voyage dans Le Petit Var. Jules Ribot n’est-il pas l’élu du Var ?
Alexandre Millerand emporte l’approbation de la commission sur son projet de résolution par 14 voix contre 6. Il propose :
- l’achat des deux câbles, l’extension de la capacité de production de l’usine de La Seyne (deux nouvelles machines à câbler et trois nouvelles cuves de stockage de la production, l’élargissement de la darse pour l’accueil du navire de pose pour 3.500.000 francs) ;
- l’achat d’un nouveau navire pour 2.000.000 francs ;
Ce projet de résolution est en conflit avec les vues du ministre qui souhaite lancer un appel d’offres limité aux industriels français. Celui-ci inscrit le débat dans les derniers jours de la séance parlementaire, car la proposition de la commission ne satisfait pas ce vieux routier du parti Républicain. Jules Ribot ne manque pas de rappeler ses vues à ses services.
Avant le débat, Millerand convoque Morris, le directeur de l’usine de La Seyne, par la voie hiérarchique. L’entrevue est chaleureuse, car Morris reçoit deux lettres du cabinet du directeur général Mara datée des 16 et 17 juin. Il est chaudement félicité. Le ministre ne partage pas l’enthousiasme de son haut fonctionnaire car il souhaite élargir les activités du secteur industriel privé et éventuellement supprimer les activités de l’usine de La Seyne-sur-Mer.
La position du rapporteur l’inquiète car elle est en ligne avec la position traditionnelle du gouvernement : «A l’Etat la construction et l’entretien du réseau côtier et de la Méditerranée ; et au secteur privé le reste du réseau, en particulier le réseau concédé construit en Atlantique Nord et le
futur réseau colonial. »
Le 1 er juillet, trois députés soutenant le ministre ouvrent le feu contre le texte de la commission: Eugène Jolibois (républicain), le baron Jean Marie de Soubeyran (droite conservatrice) et le radical Frédéric Prévet. Ce sont des ténors du débat parlementaire. Eugène Jolibois, avocat Général, Préfet et Conseiller d’Etat sous le Second Empire, est député républicain de la Charente-Maritime depuis 1876. Frédéric Prévet, maire et conseiller général de Nangis qui siége au Conseil du Figaro, homme d’affaire, propriétaire de conserveries à Meaux et en Nouvelle Calédonie, député de la gauche radicale depuis 1885. Comme Jolibois, il défend la politique coloniale du gouvernement.
Le baron Jean-Marie de Soubeyran député sous l’Empire entre 1863 et 1870, représentant en 1871 et à nouveau député depuis 1876 connaît mal son dossier. Chef du Personnel au Ministère des Finances en 1854, sous-gouverneur du Crédit Foncier entre 1860 et 1878, il est élu dans la Vienne depuis 1871 .
Millerand saute sur l’occasion pour défendre l’existence de l’usine de La Seyne, construite sous le ministère Cochery, qui vient de construire et installer une ligne de 350 Km avec la Corse, et qui fabrique des câbles à un prix inférieur au secteur privé. Comme elle est utilisée à reconditionner les câbles relevés après une réparation et que le réseau s’étend, elle déborde d’activités Camille Pelletan, ami de Clemenceau et farouche adversaire de Gambetta, Ferry et Freyssinet, pose adroitement la question qui divise les républicains: Faut-il supprimer l’usine de La Seyne construite par eux dix ans plus tôt ?
Bien sûr que non et Millerand retourne les arguments de ses adversaires. Lorsqu’une industrie existe, il faut la nourrir. Pour l’usine d’Etat, les réparations sont quotidiennes.
L’usine travaille à un prix plus réduit que le privé. Par exemple, pour réparer le câble Marseille - Alger en 1871, un entrepreneur privé demande une provision de 100.000 francs avant de commencer les travaux. La réparation du câble par La Charente ne coûte que 80.000 francs.
La différence entre les opposants et la commission porte sur l’utilisation de 2 MF affecté au remplacement de la Charente. Ce navire, construit en 1862 en Angleterre, doit être remplacé. Ce crédit de 2 MF sera représenté l’année prochaine, ou dans deux ans, s’il n’est pas voté aujourd’hui. Cette demande s’appuie sur un document remis par Baron, directeur de la construction et de l’exploitation électrique à Bastid, précédent rapporteur de la commission.
Il y aura dans deux ans cinq câbles sur l’Afrique du nord et trois sur la Corse. De nombreuses réparations sont à attendre et le budget tunisien prendra en charge 0,5 MF du coût d’un navire neuf.
La question fondamentale est la suivante : Veut-on remplacer La Charente ou préfère t-on attribuer une subvention de 2 MF à l’industrie privée ?
Il s’agit, plus précisément de SGT/SIT, seul constructeur français, puisque le deuxième industriel, la société Menier n’a pas d’outil industriel et sert de faire valoir.
Le ministre Jules Roche, journaliste, qui a collaboré à La Justice de Clemenceau dès sa fondation, a été élu député de Draguignan en 1882 avec l’étiquette radicale. Opportuniste, il s’est séparé de Clemenceau pour se faire élire en Savoie en 1885 avec l’étiquette républicaine. C’est un spécialiste des affaires financières, longtemps rapporteur du budget des Finances, qui excelle dans la pratique des chiffres et brouille le débat en insistant sur la vanité des chiffres présentés par les intervenants. Pour lui, la question est simple.
L’affaire est en discussion depuis trois ans et le débat technique est terminé. L’intérêt supérieur de l’industrie, de la colonie exige ces câbles car il faut cinq heures pour atteindre l’Algérie alors que Londres atteint l’Inde en 25/30 minutes. On cite 0,5 MF ou 1,5 MF pour réparer le navire, 1,8 MF ou 2,5 MF pour construire un câblier neuf, 3,5 MF ou 4,2 MF pour construire les deux câbles selon que l’on s’adresse à un service ou un autre mais la question n’est pas là.
L’Angleterre a une industrie et il convient de suivre son exemple. J’ai fait venir le directeur de La Seyne, ajoutet-il, et lui ai demandé de me garantir les chiffres avancés pour m’engager devant vous. Je ne le peux pas.
En fait, le ministre fait souvent état de documents dont la commission n’a pas eu connaissance, ce dont s’étonne Millerand. Par exemple, lorsque le ministre précise que trois sociétés différentes sont intéressées, Menier, SGT/SIT et une troisième établie dans l’Isère et qui construira une usine entre Toulon et Marseille.
On procédera donc à un véritable appel d’offres entre trois compagnies françaises dans l’intérêt de la France. Il provoque encore l’étonnement du rapporteur qui n’a pas été informé de ce troisième constructeur.
Pour clore le débat le ministre indique que l’usine de La Seyne-sur-Mer sera cantonnée dans son rôle de remise en état des câbles relevés sur réparation et de petits câbles côtiers. L’usine est sauvée.

Dès lors, le président de la Chambre peut clore le débat et passer au vote.
Deux textes sont proposés. Ils diffèrent de cinq mots :
Art 1 : Il est ouvert au ministre du commerce, de l’industrie et des colonies (2ème section) sur l’exercice 1891, un crédit extraordinaire de 5.500.000 francs pour l’établissement des lignes sous-marines de Marseille à Tunis et de Marseille à Oran, et qui sera inscrit à un nouveau chapitre 27bis et intitulé : « Etablissement par l’usine de La Seyne, de lignes sous-marines entre Marseille et Oran et entre Marseille et Tunis.
Art 2. Il sera pourvu à cette dépense au moyen des ressources générales du budget ordinaire de l’exercice 1891.
Le texte prévoyant la construction à La Seyne-sur Mer est repoussé par 293 voix contre 223.
Le texte amputé de la référence à La Seyne-sur-Mer est accepté par 317 voixcontre 162.
Mais le débat avait démontré tout l’intérêt de l’usine de l’Etat.
Outre le recyclage des câbles usagés et la construction de liaisons neuves, elle permettait d’analyser les prix offerts par les industriels quand il était fait appel au secteur privé. Dans les années qui suivent, la quasi-totalité du réseau construit sera attribué aux deux industriels français.

Les difficultés du secteur concédé (1892-1900)
En 1892, la société Grammont construit une troisième usine de fabrication de câbles sous-marins à SaintTropez, aux Canoubiers.
La construction des deux câbles sur l’Afrique du Nord sont confiés à la SIT (Marseille – Oran 1892) et à Grammont (Marseille – Bizerte – Tunis
1893), posés par le navire câblier François Arago de la SIT.
A partir de 1893, le réseau français s’étoffe avec la mise en service de la liaison Australie – Nouvelle Calédonie (1893), puis Madagascar – Mozambique (1895), New York – Haïti (1896) et Brest – Cap Cod – New-York (1898).
Le programme des usines affiche complet.
Le secteur concédé est en difficulté. La PQ ne se remet pas de l’erreur stratégique commise en éliminant le président Pouyer-Quertier puis en quittant le pool des compagnies alliées au bénéfice de la compagnie américaine Commercial Cable.
Quant à la SFTSM, elle dessert les Caraïbes, une région en crise (crise du sucre) et desservie par deux compagnies anglaises et la Western Union.

L’Etat doit intervenir, regrouper les actifs des deux compagnies au sein d’une nouvelle société : la Compagnie Française des Câbles télégraphiques (CFCT), à compter du 1 er janvier 1896.
Le 24 juin 1899, Alexandre Millerand sera nommé ministre du Commerce, de l’Industrie et des P & T du gouvernement Waldeck Rousseau, l’un des plus longs ministères de la Troisième République (22 juin 1899 – 7 juin 1902). Le président du Conseil (qui a défendu la PQ dans son procès contre les membres du Pool) et Millerand défendront l’intérêt national.
Lorsque la CFCT est pratiquement en faillite et qu’il convient de sauver le réseau concédé d’un transfert à l’étranger ou de la faillite pure et simple, Millerand se heurtera encore aux intérêts des industriels. Cette fois, il n’y aura pas de débat à la Chambre mais chaque année le ministère des P & T étoffera le réseau gouvernemental, ouvrant de nouvelles lignes de crédits
pour l’achat de nouveaux câbles... au meilleur coût.

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Jules Caubet n’était pas le premier officier de marine impliqué dans le secteur des câbles sous-marins puisque les ingénieurs hydrographes François Delamarche (1815 – 1884) et Charles Martin Ploix (1824 – 1895) et le Lieutenant de vaisseau Antoine Alexandre Cavalier (1819 – 1882) ont été chargés de l’étude des tracés et de la pose des premiers câbles sous-marins, en faisant carrière dans l’administration des P & T.
Plus tard, trois officiers de marine se succédent au conseil d’administration de la PQ le vice amiral Charles Dompierre d’Hornoy (1816 – 1901), ministre de la Marine de septembre 1869 à mars 1871 (sous l’Empire) et de mai 1873 à mai 1874 (sous la République).

Le vice amiral Auguste Bosse, vice président de la PQ en 1879, et le capitaine de Frégate Bruyère Dellorier, président de PQ de 1887 à mai 1893 avant de laisser la place à un liquidateur.
Le CA Caubet est nommé au Conseil d’administration de la SFTSM en 1892 sur proposition du président Léauté.
L’année suivante, Léauté retournant dans le monde des affaires, le propose au Conseil d’Administration pour le remplacer. La construction du réseau dans les Antilles est terminée, les résultats de cette activité ne sont pas à la hauteur des espoirs des actionnaires. En faisant appel à un haut
fonctionnaire, il s’agit de repositionner les activités de la société dans le cadre de la politique du gouvernement. L’autre société, la PQ a connu une révolution de palais en 1886 avec l’éviction de son fondateur Pouyer Quertier.
Ses successeurs l’ont placée dans une situation inextricable vis-à-vis des sociétés étrangères en rompant unilatéralement tous les accords conclus. La société est au bord de la liquidation.
Ainsi, en 1895, lorsque Caubet arrive à la présidence alors que les deux sociétés sont pratiquement en faillite. Le contre amiral Caubet apparaît comme le représentant du Ministre de la Marine et des Colonies chargé de mettre de l’ordre dans un secteur en crise.
Résumé de la carrière du contre amiral Jules Caubet
Né le 1 février 1828 à Perpignan (Pyrénées Orientales).
Provenance : Ecole navale
Aspirant le : 1 août 1846
Enseigne de Vaisseau : 2 avril 1851
Lieutenant de Vaisseau : 27 novembre 1859
Capitaine de Frégate : 1 juin 1870
Capitaine de Vaisseau : 9 avril 1878
Contre-amiral : 20 mars 1886
Légion d’Honneur : (Chevalier : 15 septembre 1854, Officier 21 août 1874 et commandeur) Officier de l’Instruction Publique.
Médaille de la Baltique : 1854,
Médaille de Crimée : 1855 ;
Chevalier de l’Ordre de la Tour et de l’Epée (Portugal) ;
Décoré de la 5ème classe de l’Ordre du Medjidié (Turquie).
Administrateur de la SFTSM : 10 novembre 1892
Président de la SFTSM : 23 novembre 1893
Président de la CFCT : 1 janvier 1895
Administrateur de la CFCT : 17 mars 1902 au 2 février 1912.

L’amiral Caubet est un canonnier de valeur et un tireur émérite, et l’on raconte qu’il a fait autant de cas du second prix d’ensemble qui lui fut décerné en 1858, à l’Ecole de tir, lorsqu’il était enseigne de vaisseau détaché au bataillon d’apprentis fusiliers, que de ses deux citations à l’ordre du jour pour faits de guerre.
Il débuta, en 1886, aux Antilles sur la frégate la Danaïde, ou il servait comme aspirant. On le vit ensuite dans l’escadre de la Méditerranée, sur
l’Océan en 1849, sur l’Iphigénie en 1850, puis il passa sur la Minerve, bâtiment-école de canonnage. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’il fut promu enseigne de vaisseau.
Il partit alors pour le Sénégal, où il rejoignit le brick La Palinure, de la division des côtes occidentales d’Afrique et se distingua, aux mois de juin, juillet et août 1853, à l’attaque du fort de Bissao, à l’affaire de Boë et à la prise de Grand Bassam.
Il ne quitta le golfe du Benin qu’en janvier 1854, pour monter sur le vapeur le Duperré, vers lequel il fit la première expédition de la Baltique et une partie de la campagne en mer de Bomarsund. Le 30 mai 1855, il reçut le commandement de la canonnière la Stridente et, cinq mois plus tard, après l’évacuation de Sébastopol par les Russes, il était appelé à se rendre avec l’escadre française devant la ville de Kinburn, à l’embouchure du Dniepr; il coopéra à la prise de la place et fut mis encore à l’ordre du jour. Sa brillante conduite en cette affaire ne lui valut pourtant aucune récompense. Il était trop jeune enseigne et le tableau d’avancement était déjà, dit-on, trop rempli; d’autre part, il y avait à peine une année qu’il avait à l’occasion de la prise de Bomarsund, reçu la croix de chevalier de la Légion d’Honneur. Il semble cependant qu’en cette circonstance on fit preuve de mauvaise volonté. A cette époque, M Caubet avait 27 ans et demi ; or, beaucoup de ses collègues ont été lieutenant de vaisseau à cet âge et tous n’avaient pas, comme le commandant de la Stridente, quatre ans de campagne de guerre et deux citations En revenant en France, M Caubet passa dans l’escadre, à bord de l’Ulm, sur lequel il resta deux ans, puis fut envoyé au bataillon d’apprentis fusiliers, où il remporta le succès dont nous avons parlé plus haut. C’est peu de temps après avoir quitté l’école de tir, en novembre 1859, qu’il fut promu lieutenant de vaisseau.
On le renvoya dans l’escadre ou il servit sur l’Eylau d’abord, ensuite sur l’Alexandre et au mois d’octobre 1861, il entre à l’Ecole Navale en
qualité de professeur. Il y reste environ cinq années et en sortit pour prendre le commandement de l’aviso le Capelan, qui appartenait à la division du littoral nord de la France.
De là, – on était alors en 1868, - M Caubet partit, à bord de la Circé, pour les côtes du Brésil et l’embouchure du Rio de la Plata ; où il remplit,
pendant dix-huit mois à peu près, les fonctions de secrétaire du contre-amiral Fisquet, commandant en chef de la station française. M Fisquet, qui
avait connu et apprécié le lieutenant Caubet en Crimée, répara les injustices de ses prédécesseurs; il fit inscrire son secrétaire au tableau d’avancement et lui fit donner le commandement de l’aviso le Bruix.
Peu de temps après, la guerre éclatait, la France était envahie et M Caubet, qui avait reçu l’ordre de rentrer en France aussitôt après sa nominations de capitaine de Frégate, fut placé comme second à bord de la Couronne, dans l’escadre qui se formait à Toulon sous les ordres du vice-amiral Jurien de la Gravière. C’est ainsi que le commandant Caubet eut l’occasion de prendre part, en avril 1871, à la répression des troubles qui agitèrent alors Marseille.
L’année suivante, M Caubet devenait le second du Louis XIV, bâtiment-école de canonnage et, en 1873, il partait avec le transport l’Ardèche, qu’il commandait, pour visiter les côtes de l’Algérie et de nos colonies de l’Atlantique. Chargé ensuite de la direction du bâtiment central de la réserve à Brest, M Caubet rentra dans l’escadre d’évolutions, en décembre 1875, comme second du Desaix et il était, en 1878, aide-major au port de Brest, lorsqu’il reçu son brevet de capitaine de vaisseau. On lui donna alors le commandement du Tage, avec lequel il se rendit en Nouvelle-Calédonie, puis, celui du Suffren et du Trident dans l’escadre d’évolutions ; sur l’un de ces deux bâtiments, il fut capitaine de pavillon du commandant en
sous-ordre, le contre-amiral Paul Martin, aux côtés duquel il se trouva au bombardement de Sfax et à la prise de Gabès.
Au mois de février 1883, M Charles Brun, Ministre de la Marine, fit de Caubet son premier aide de camp et le nomma, dans les premiers jours du mois de septembre de la même année, au commandement de l’Ecole navale. M Caubet n’a quitté le Borda qu’en octobre 1885 et a reçu quelques mois après les étoiles de contre-amiral.
Un peu plus tard, il a été nommé major général de la marine de Rochefort où commande en chef l’excellent amiral Pritzbuer. Il est membre du
Conseil des Travaux de la Marine en 1988 et est affecté dans le cadre de réserve (2ème section) le 1er février 1890.
En 1912, il figure encore dans l’annuaire de la Marine en tête de liste du cadre de réserve (2ème section) du corps des contre-amiraux.

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LA CARRIERE DE JULES CAUBET AUX CABLES SOUS-MARINS
Entre 1888 à 1891, la Société Française des Télégraphes sous-marins (SFTSM) a construit un réseau dans les Antilles en bénéficiant des concessions obtenues par le comte d’Oksza. Ce physicien polonais, également diplomate négociait des concessions pour les offrir aux industriels. Il avait déjà contribué à la création de la West African Telegraph Co par un industriel britannique (Indian Rubber, Gutta Percha and Telegraph Works Company). Le réseau, installé en 1886 entre Dakar et Bonny (Angola), bénéficie de concessions obtenues auprès des gouvernements
français, portugais et britanniques.
D'Oksza réalise une opération semblable en obtenant des concessions avec le Venezuela, la colonie de Curaçao, Haïti, la République de Saint-Domingue (République Dominicaine) et le gouvernement espagnol pour Cuba. Cette fois-ci, il se tourne vers des financiers français, et la Société Générale des Téléphones (SGT) pour former la Société Française des Télégraphes sous-marins (SFTSM) le 1 août 1887.
La SGT gère des réseaux terrestres dans la région, en particulier en République Dominicaine. Plus tard, la SFTSM obtient des droits en Guyane
Hollandaise (Surinam) et au Brésil, assortis d’un droit d’exploitation exclusive pour le trafic entre le Brésil et les Etats-Unis. Ce privilège bloquera
les initiatives anglaises et américaines dans la région.
Entre 1887 et 1891, le réseau de la SFTSM est construit en plusieurs phases en faisant appel initialement à un constructeur britannique (W.T.Henleyand Company).
Ensuite, la participation de Société Générale des Téléphones consiste à armer le câble à Calais. Enfin, le câble de la dernière phase est fabriqué à
Bezons (partie électrique) et à Calais (armure), et posé par le navire Westmeath. Après ces opérations, la SGT achète le Westmeath, le rebaptise François Arago et filialise l’activité câbles sous marins en créant en 1891 la Société Industrielle des Téléphones (SIT).
La SFTSM pose ensuite la première grande liaison construite par la SIT entre la Nouvelle Calédonie à l ‘Australie (mise en service le 16 octobre 1893) et le président Leauté est sollicité pour devenir administrateur délégué de la Société Industrielle des Téléphones (SIT). Il juge cette fonction incompatible avec la présidence de la SFTSM et démissionne le 16 novembre. Il propose au Conseil d’Administration de désigner le contre amiral Caubet pour le remplacer. Celui-ci accepte en demandant que J. Dupelley, directeur de la compagnie, soit associé à son mandat. On et jamais trop prudent !
En effet, J Dupelley gère les réseaux des Antilles qui sont soumis à la concurrence des sociétés britanniques et aux réalités économiques locales : crise économique à Saint-Domingue, troubles politiques au Venezuela.
Il est incontournable car il négocie la jonction du réseau avec l’Europe mais se heurte à l’industriel britannique TCM qui vient d’obtenir du
gouvernement portugais un accord de principe pour un atterrissement aux Açores.
Le gouvernement français, en particulier le ministre des Affaires Etrangères Ribot, est très actif. Son intervention permet au gouvernement français de doubler les anglais et d’obtenir le 14 juin 1892 une concession valable jusqu’au 1 avril 1893.
L’idée est de construire une liaison reliant Brest – Lisbonne – les Açores et Haïti. Une convention pour réaliser cette liaison est signée entre l’Etat et la CFTSM le 25 juin 1892 mais le gouvernement tombe. Le nouveau ministre des P & T (Siegfried) bloque le projet. Elle coûte à la SFTSM le prix de la caution versée (400.000 francs) et contribue à maintenir isolé le réseau des Antilles.
Les britanniques obtiennent finalement la concession qui permet l’établissement de la liaison Porthcurno –Lisbonne – Açores – Saint Vincent – Saint Hélène – Le Cap.
En cette fin d’année 1893, La Compagnie Française du Télégraphe de Paris à New York (PQ - du nom de son ancien président Pouyer Quertier)
est en faillite et en procès avec la puissante société anglaise Anglo-Américan Telegraph. La cause de la PQ est, semble t-il, perdue d’avance mais le gouvernement souhaite sauver le réseau d’Atlantique Nord. Beaucoup d’argent public et privé a été dépensé pour atteindre un objectif jugé
indispensable : se doter d’un grand réseau de câbles sous-marins indispensable à ses ambitions coloniales.
La France vient de mettre en service deux usines de fabrication des câbles sous-marins à Calais (1891) et à Saint-Tropez (1892) et il n’est pas question de s’arrêter au milieu du gué. En 1892, les compagnies étrangères gèrent un réseau de 230.000 Km, et toutes les correspondances
officielles et privées des colonies lointaines empruntent le réseau britannique. J. Caubet et J.
Dupelley se chargent donc de la fusion des avoirs des deux sociétés au sein d’une nouvelle entité La Compagnie Française des Câbles Télégraphiques (CFCT).
Le nouveau schéma est cohérent. Jules Caubet préside la nouvelle société lorsqu’elle est nommée Compagnie Française des Câbles Télégraphiques (CFCT) est fondée le 1 janvier 1895. La convention du 28 mars 1896 est approuvée la loi du 2 juillet 1895 au terme d’un long cheminement. Cette convention annule la convention entre la SFTSM et ses créanciers. Aux termes de la nouvelle convention, la CFCT s’engage à établir, entretenir et exploiter une liaison directe entre Brest et Cap Cod, prolongée jusqu’à New York par la voie terrestre. à exploiter les lignes existante Brest – Saint Pierre – Canso et Cap Cod. à rattacher les deux réseaux d’Atlantique Nord et des Antilles dans un délai de deux ans.
Pour l’entretien du réseau, l’achat d’un second câblier est décidé. Comme le NC Pouyer Quertier, il portera le nom du président de la CFCT.
NC Julles Caubet 1905-1915.
Réunir les deux réseaux est la tache prioritaire.
La CFCT constitue immédiatement une filiale de droit américain, la United States and Hayti Telegraph Company. Celle-ci commande le câble à la Société Industrielle des Téléphones (SIT) en avril 1896 et la liaison est mise en service le 7 décembre 1896.. Ensuite, la CFCT commande une
liaison transatlantique à la SIT. C’est la plus longue jamais réalisée (6.000 km) et ce câble, appelé « Le Direct ». Il sera un bon argument commercial. Le 4 mai 1897, l’Ambassadeur de France à Washington dépose la demande d’atterrissement du câble direct au Cap Cod. La SIT installe les atterrissements en avril – mai et juin 1897 et confie la pose principale au navire britannique Silverston. La pose est un
échec et les opérations qui devaient être terminées avant le 16 décembre 1897 ne sont achevées que le 2 septembre 1898. Ces retards dans les mises en service entraînent des frais financiers qui hypothèquent la rentabilité de la nouvelle société. Pour faire face à la pression des créanciers
(banques, Société Générale des Téléphones et SIT), ceux-ci se regroupent au sein de la Société Générale française des Télégraphes (SGDF) et
accordent une avance 10 MF à la CFCT (accord du 31 janvier 1898). Les frais de remise en état du câble transatlantique de 1879 (Brest – Saint Pierre -Cap Cod) sont de 5,8 MF, somme très supérieure aux estimations et le trafic du réseau des Antilles stagne ; par contre le trafic transatlantique se développe avec la mise en service du « Direct ».
Cette hausse du trafic a une conséquence curieuse car la convention de 1895 prévoyait la suppression d’une subvention si le trafic transatlantique excède un certain seuil. Or, ce seuil est malheureusement dépassé dès 1900 et la société perd une source de revenus indispensable..
A cette époque, les relations franco-britanniques traversent une période de crise qui culmine lors de l’affaire de Fachoda (10 juin 1899).
Le gouvernement se trouve privé des communications officielles qui transitent dans les réseaux britanniques. J. Dupelley multiplie les articles dans
les revues pour attirer l’attention des dirigeants sur la fragilité des réseaux français et leur dépendance vis-à-vis des compagnies britanniques. En effet, en 1901, le réseau mondial se présente de la façon suivante

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1900 Les câbles télégraphiques en temps de guerre
de J. Depelley

Les premières paroles échangées entre l’Europe et l’Amérique, par le câble transatlantique de 1858, étaient des paroles de paix qui réclamaient la neutralisation des lignes télégraphiques.
Le Président des États-Unis demandait, dans sa dépêche de félicitations à la reine Victoria, « que toutes les nations civilisées déclarent spontanément et d’un commun accord que le télégraphe électrique sera neutre à jamais, que les messages qui lui seront confiés seront tenus pour sacrés même au milieu des hostilités. »

Ce vœu, échappé à l’enthousiasme que fit naître cette première communication télégraphique de la pensée humaine entre les deux continens, ne devait pas avoir de réalisation prochaine. Après quarante années, la neutralisation des câbles n’est pas encore reconnue. Elle sera vraisemblablement un progrès de l’avenir ; mais, pour l’instant, la télégraphie sous-marine est un puissant instrument de guerre, au profit du pays qui a eu la prévoyance de s’en assurer les services.

Dès que la possibilité de correspondre à grande distance, au moyen de câbles sous-marins, a été démontrée pratiquement, l’Angleterre a compris quelle prépondérance commerciale et politique devait lui donner la création d’un grand réseau restant sous sa domination. Sans se laisser décourager par les onéreux échecs du début, avec une persévérance que l’on doit admirer, elle est arrivée à créer et à développer, méthodiquement, sans bruit et sans arrêt, un réseau de câbles télégraphiques sous-marins qui couvre aujourd’hui le monde entier et l’enserre dans une immense toile d’araignée dont Londres est le centre. C’est là que les fils de cette toile convergent, et dans le monde, il ne se produit pas un incident, pas un fait politique ou commercial, dont la nouvelle ne soit d’abord transmise à Londres. C’est un merveilleux agent d’information et d’influence que l’Angleterre a entre les mains, agent d’autant plus redoutable que les autres pays en sont dépourvus.
Un simple examen d’une carte télégraphique montre l’enchaînement des câbles appartenant aux Compagnies anglaises ; explique certaines difficultés de notre politique coloniale ; et jette un peu de lumière sur des faits qui ont dû quelquefois paraître incompréhensibles.
- Du côté de l’Amérique du Nord, dix câbles transatlantiques relient l’Angleterre au Canada et aux États-Unis. Plus bas, vers l’Amérique du Sud, trois autres lignes anglaises traversent l’Atlantique et rattachent le Brésil au Portugal, à l’Espagne, et, par leurs prolongemens, à Londres même ; d’autres lignes anglaises s’étendent du Nord au Sud, le long du Pacifique ; d’autres encore enveloppent toutes les Antilles et l’Amérique centrale, et complètent ce premier réseau qui met l’Amérique entière à quelques secondes de Londres.
- Vers l’Orient, les lignes anglaises qui s’y dirigent, en partant de Londres, quadruplées sur certains points, tournent l’Europe par Gibraltar, touchent à Malte et à l’Egypte, longent la Mer-Rouge jusqu’à Aden.
- A Aden se trouve ce qu’on peut appeler un nœud de lignes télégraphiques, dont l’importance politique se révèle aujourd’hui. De là, en effet, part un premier faisceau de trois câbles qui se dirigent vers l’Inde, et se prolongent par d’autres lignes jusqu’à la Chine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ; une autre ligne part du même point, se dirige vers la côte orientale d’Afrique en desservant Zanzibar, Mozambique, Delagoa Bay, Natal et le Cap de Bonne-Espérance. Ce grand réseau oriental a son point central, où toutes les lignes viennent se nouer, à Aden.
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Vers la côte occidentale d’Afrique, les mêmes lignes anglaises qui relient Londres au Portugal et à l’Espagne descendent d’abord jusqu’à Bathurst, au-dessous du Sénégal, puis, de là, festonnent le long de la côte jusqu’au Cap, où elles rejoignent celles de la côte orientale, enfermant tout le littoral africain dans un cercle télégraphique anglais.
Mais, là aussi, il faut remarquer les conditions de complet asservissement vis-à-vis de l’Angleterre dans lesquelles ce réseau est constitué. De même que, pour l’Orient, Aden est le point où convergent les lignes qui rayonnent vers les Indes, la Chine et l’Australie, et vers l’Afrique jusqu’au Cap de Bonne-Espérance ; de même, sur la côte occidentale d’Afrique, un point de convergence de toutes les lignes existe en territoire anglais, à Sierra-Leone, et surtout à Bathurst ; c’est dans ces stations anglaises que passent forcément les correspondances du réseau qui s’étend le long de la côte jusqu’au Cap, en desservant des territoires français et portugais, qui le subventionnent d’ailleurs largement.

L’importance et le danger de cette organisation pour tout ce qui n’est pas anglais sauteront aux yeux dès que l’on connaîtra les clauses du cahier des charges que le gouvernement anglais impose à ses compagnies télégraphiques. En voici les principales ; elles suffisent pour accuser, d’une manière bien saisissante, les vues politiques qui ont guidé nos voisins dans la création si persévérante de leur réseau télégraphique :
« ART. 3. — Le câble proposé ne doit, en aucune station, posséder d’employés étrangers ; de même, les fils ne passeront dans aucun bureau et ne pourront être sous le contrôle d’un gouvernement étranger.
« ART. 5. — Le Gouvernement de Sa Majesté ne prendra aucun engagement ni aucune responsabilité en ce qui regarde le câble, au-delà du paiement du subside.
« ART. 6. — Le subside sera accordé pendant vingt ans, et payable à chaque période complète de douze mois, sous la condition que le câble sera maintenu en bon état et aura fait un bon service, et que ce service entre le Royaume-Uni et les colonies et protectorats anglais n’aura pas subi d’interruption.
« ART. 7. — Les dépêches du Gouvernement impérial et colonial doivent avoir la priorité lorsqu’elle est demandée. Elles seront transmises à demi-tarif qui n’excédera pas une somme à déterminer.
« ART. 9. — En cas de guerre, le Gouvernement pourra occuper toutes les stations en territoire anglais ou sous le protectorat de l’Angleterre, et se servir du câble au moyen de ses propres employés. »

Ainsi, en temps normal, le gouvernement britannique s’est assuré spécialement pour ses dépêches, partout où existe une ligne télégraphique anglaise, un droit de priorité qui appartient à toutes les dépêches d’Etat d’après les conventions internationales. L’inscription de ce privilège peut paraître naturelle, mais, en réalité, elle a pour but et pour effet de faire céder le pas aux dépêches anglaises, par les dépêches d’Etat de tous les autres pays. Il ne faut pas chercher ailleurs l’explication de difficultés ou de retards, singulièrement favorables aux intérêts britanniques, que subissent certaines transmissions télégraphiques.

Mais combien plus dangereuse est cette situation en cas de guerre !
Les événemens du Transvaal viennent de faire ouvrir les yeux sur un péril menaçant pour tous les pays qui ont des colonies à défendre. Non seulement la censure anglaise établie à Aden refuse les correspondances chiffrées venant de Lourenço-Marquès, de Durban et du Cap ; elle arrête aussi celles qui arrivent de Madagascar aussi bien que de l’Est-Africain allemand.
Que serait-ce si, au lieu d’une guerre entre l’Angleterre et le Transvaal, les hostilités existaient entre l’Angleterre et la France ?
C’est la question du rôle des câbles télégraphiques qui est posée brutalement par ces faits. Quel a été ce rôle jusqu’à présent ? Quel sera-t-il, dans l’avenir, pour un pays comme la France, qui a un immense empire colonial à défendre, et des intérêts traditionnels d’influence et de commerce à soutenir sur tous les points du globe ?
Bien que d’une origine très récente puisqu’elle remonte à quarante ans à peine, les câbles télégraphiques sont déjà mêlés si directement à la vie internationale maritime et coloniale de tous les pays, que l’intérêt et l’importance de leur existence ne peuvent plus être ignorés ou méconnus. En temps de guerre notamment, ils peuvent être un moyen d’action d’une telle portée que l’on a pu dire justement que la nation qui disposerait seule d’un réseau télégraphique sous-marin, pour renseigner ses escadres sur les mouvemens et la force de ses adversaires, serait maîtresse de la mer.

Ce qui se passe en ce moment pour les correspondances avec l’Afrique marque la dangereuse dépendance dans laquelle sont placés tous les pays, par le fait seul de l’état de guerre entre l’Angleterre et le Transvaal. Les événemens qui se sont déroulés l’année dernière, au cours de la guerre hispano-américaine, où deux puissances maritimes se sont trouvées aux prises, fournissent, d’une manière encore plus concluante, la démonstration de l’influence que doivent prendre les communications télégraphiques dans un conflit colonial. On constate, en effet, qu’une guerre télégraphique s’est engagée entre l’Espagne et les Etats-Unis, dès le début des hostilités, et s’est poursuivie parallèlement aux opérations militaires ; on trouve, pour la première fois, un ensemble de faits précisant et faisant en quelque sorte apparaître matériellement le rôle considérable que les lignes télégraphiques sous-marines pourraient avoir à jouer dans une grande guerre.

Avec une imprévoyance, dont toute la sympathie que méritent ses malheurs ne doit pas empêcher de voir aujourd’hui les conséquences, et qui devrait être une leçon pour les autres pays, l’Espagne est restée, jusqu’au moment de la déclaration de guerre, sans posséder de lignes télégraphiques indépendantes et sûres entre Madrid et la Havane. Elle soutenait depuis plusieurs années, contre l’insurrection cubaine, une lutte ouvertement favorisée par les Américains, et elle n’avait d’autres moyens de correspondre avec Cuba que les lignes télégraphiques américaines. Ses dépêches officielles, ses instructions secrètes parvenaient à la Havane par les fils qui reliaient New-York à la Floride en traversant les Etats-Unis, et par les câbles américains de la Floride. Cette imprudence nous frappe aujourd’hui, après les événemens qui l’ont révélée, et paraît incompréhensible ; pourtant, il faut être indulgent pour l’apprécier, car d’autres pays, parmi lesquels se trouve la France, sont, à l’heure présente, tout aussi imprévoyans, et seraient, pour leurs possessions coloniales, dans la même situation que l’Espagne, si la guerre venait à leur être déclarée.

C’est seulement au moment où les hostilités ont été ouvertes avec les Etats-Unis, c’est-à-dire à la veille de l’interruption des communications par le nord de Cuba, que l’Espagne entreprit avec quelque vigueur la recherche de moyens de correspondance autres et plus sûrs que les lignes américaines. Il était beaucoup trop tard. Ce n’est pas par des mesures improvisées qu’une organisation de service télégraphique peut être faite à d’aussi grandes distances. Les autres lignes qui desservaient Cuba sans toucher aux États-Unis venaient, par le Sud, aboutir à Santiago de Cuba, à 500 kilomètres de la Havane. Ces lignes n’étaient prolongées jusqu’à la Havane que par des fils terrestres déjà entre les mains des insurgés, et par des câbles immergés le long des côtes, par conséquent très exposés à être coupés. Du jour au lendemain, la Havane pouvait donc être isolée de Santiago, et l’Espagne était menacée de n’avoir aucune communication télégraphique avec le théâtre principal de la guerre où était engagée sa fortune coloniale.

Quelle différence de procédés et de situation du côté des États-Unis !
Le jour même où la guerre est déclarée, l’un des premiers actes du gouvernement est d’appliquer une censure étroite sur toutes les lignes télégraphiques qui peuvent atteindre Cuba. Les câbles de la Floride à la Havane, appartenant à une compagnie américaine, sont saisis et desservis militairement. Toutes les stations américaines, où touchent les autres lignes en relation même indirecte avec Cuba, sont également occupées par des télégraphistes militaires. Une prohibition complète s’applique aux dépêches espagnoles gouvernementales, aux dépêches codées ou chiffrées pour les Indes occidentales, enfin à toute dépêche en clair ayant une tendance hostile aux États-Unis.
Ces premières mesures, toutes rigoureuses qu’elles soient, paraissent insuffisantes. Les Américains veulent isoler complètement Cuba en coupant tous les câbles qui aboutissent sur les côtes de l’île, sauf les câbles de la Floride à la Havane, qui sont déjà entre leurs mains, et dont l’un, relevé à bord d’un navire de guerre, met en communication l’escadre chargée du blocus de la Havane et le gouvernement fédéral à Washington. Trois navires sont rapidement outillés pour couper les câbles : le Mangrove, l’Adria et le Saint-Louis. Dès le 25 avril, jour de la déclaration de guerre, le Mangrove quitte Key-West pour se rendre dans le sud de Cuba avec l’ordre de détruire les câbles qui atterrissent à Santiago, c’est-à-dire les câbles anglais de la Jamaïque et le câble français d’Haïti.
L’Adria et le Saint-Louis suivent quelques jours plus tard le Mangrove, pour l’aider dans ses opérations, au cours desquelles ces navires sont toujours protégés par des cuirassés. D’autres navires sont également munis d’outils et d : engins spéciaux pour rompre les câbles.

Malgré ce grand déploiement de forces, pendant plusieurs semaines les tentatives faites sont complètement infructueuses. Les dragages exécutés à quelque distance de la côte restent sans résultat. Les côtes cubaines présentent cette particularité, commune à presque toutes les Antilles, de descendre à pic à de grands fonds, de telle sorte qu’à une faible distance du rivage, on trouve déjà une grande profondeur de mer. Le dragage des câbles y est donc difficile, si l’on ne vient les chercher aux atterrissages. C’est ce que, après de nombreuses tentatives inutiles, les Américains doivent se résoudre à faire et, même dans ces conditions, ils n’ont obtenu des succès que par des coups d’audace et en courant de très sérieux dangers.
Le 18 mai, le Saint-Louis, voulant faire une tentative décisive pour couper, devant Santiago, les câbles de la Jamaïque, qui avaient été inutilement cherchés au large, avait commencé les dragages à 7 milles du feu de Santiago. Peu à peu, ne trouvant pas de câble, il se rapproche de la côte jusqu’à un mille de l’entrée de la passe de Santiago. A cet endroit, il croche un câble ; mais, au même moment, le feu des forts espagnols commence et l’opération devient dangereuse ; le travail se précipite, on monte le câble à bord, on le coupe et on en rejette hâtivement les bouts à la mer. Le Saint-Louis se retire bien convaincu qu’il a interrompu les communications avec la Jamaïque. La nouvelle en est donnée par toute la presse américaine : c’est un véritable exploit. On annonce, en même temps, que le câble français de Santiago a été coupé vers son atterrissage à Haïti et que, par suite, Cuba est complètement isolée.
Or, le câble relevé était un tronçon de vieux câble, abandonné dans une réparation ancienne ! Ce vieux câble, noyé depuis de longues années, ne devait plus s’attendre à revoir le jour dans une circonstance aussi glorieuse. Aucune des lignes télégraphiques de Santiago n’avait en réalité été atteinte. Quant au câble français, il n’a jamais été touché sur la côte d’Haïti.
Ayant reconnu le résultat négatif de l’expédition tentée à Santiago, les Américains ne se tinrent pas pour battus. Ils voulurent couper les câbles qui reliaient Santiago à la Havane, afin d’isoler, de toute communication par le Sud, le maréchal Blanco déjà sans communication avec le Nord. Ces câbles se développent le long de la côte sud de Cuba et ont plusieurs atterrissages. A l’un d’eux, celui de Cienfuegos, une tentative de rupture fut faite dans des conditions particulièrement audacieuses.
Cienfuegos est situé à l’intérieur des terres, au fond d’une baie dans laquelle on entre par un canal de 3 milles de longueur. A l’entrée du canal se trouve un phare placé sur une hauteur de 300 pieds, au bas de laquelle court une plage étroite couverte de sable ; à peu de distance du phare s’élevait la guérite d’atterrissage des câbles, visible de très loin en mer. Les forces américaines réunies devant ce point se composaient de quatre navires de guerre. Deux canots à vapeur et deux à rames furent mis à la mer ; chacun des canots avait un équipage de seize hommes armés et munis d’outils pour détruire les câbles ; les canots à vapeur devaient faire la remorque des barques jusqu’au rivage, pendant que les navires, placés à un mille environ, bombarderaient le phare et la guérite des câbles.
L’opération, commencée au point du jour, fut menée rapidement. Pendant que les navires dirigeaient un feu très vif sur le rivage, les canots s’approchaient de terre jusqu’à une distance de moins de 100 mètres de la guérite déjà presque détruite. La profondeur de l’eau était encore trop grande pour draguer les câbles. A la grande surprise des Américains, les Espagnols n’ouvrirent pas le feu ; les canots s’approchèrent jusqu’à quelques mètres du rivage, par des fonds de 20 pieds à peine, où ils crochèrent d’abord le câble allant vers l’Est, dans la direction de Santiago. Il fallut trente hommes solides pris sur les deux canots, pour hisser le câble à bord ; c’était un câble d’atterrissage, gros comme un bras d’homme, et le poids à sortir de l’eau semblait être de plusieurs tonnes. Après l’avoir mis à bord, on put le couper.
L’un des bouts, celui qui allait à la guérite, fut rejeté à l’eau ; on releva l’autre sur une longueur de 150 pieds, avec la pensée de l’amener à bord de l’un des navires, pour essayer de communiquer avec Santiago ; mais le poids était tel que le canot faillit chavirer. On dut rapidement faire une nouvelle coupure pour jeter le câble à la mer, en en gardant à bord environ 100 pieds. Toutes ces opérations s’étaient accomplies sans que les Espagnols eussent fait un feu sérieux sur les Américains.
Le même travail fut entrepris immédiatement sur l’autre câble allant dans la direction de la Havane. Ce n’est encore qu’à 60 pieds du rivage que ce câble put être croche, pendant que les navires redoublaient leur feu, en faisant passer les obus par-dessus la tête des hommes travaillant sur les canots. La position devenait cependant dangereuse, car les Espagnols commençaient à tirer vigoureusement sur les Américains ; les balles pleuvaient autour des canots et déjà quelques hommes étaient blessés. Le câble fut coupé de la même façon que l’autre, et rejeté à la mer. En le relevant dans ces petits fonds, on avait aperçu un troisième câble. Les Américains voulurent aussi le couper, et ils avaient déjà mis des grappins à la mer pour le crocher, lorsque le feu des Espagnols devint si vif que l’opération dut être abandonnée. Les canots furent ramenés aux navires, ayant perdu plusieurs hommes ; les navires eux-mêmes avaient été sérieusement éprouvés par le feu des Espagnols, puisque le commandant de l’un d’eux, le Nashville, avait été atteint. Mais, par une chance heureuse, les Américains avaient bien coupé les deux câbles qui desservaient Cienfuegos ; le troisième câble qu’ils n’avaient pu toucher mettait simplement en communication la guérite avec Cienfuegos, et n’avait aucune importance.
Le résultat de cette opération dangereuse était d’une valeur capitale. La rupture des câbles de Cienfugos isolait complètement la Havane, et privait de toute communication entre eux le maréchal Blanco et l’amiral Cervera, enfermé à ce moment dans le port de Santiago.
Mais, malgré tous ces efforts, Santiago restait encore en relation télégraphique avec l’extérieur, par les câbles anglais de la Jamaïque et par le câble français d’Haïti. Ce n’est que le 7 juin que le câble français put enfin être coupé. La nouvelle de l’interruption ne fut pas inexacte cette fois. La rupture eut encore lieu près de l’atterrissage et par de tout petits fonds, après un bombardement de la côte qui chassa les Espagnols vers l’intérieur. Les Américains débarquèrent aussitôt des troupes, et c’est à ce moment qu’ils commencèrent à occuper les environs de Santiago.

Quant aux câbles anglais de la Jamaïque, venant atterrir dans la passe de Santiago, sous la protection des forts espagnols, ils ne furent pas coupés, malgré plusieurs tentatives dont la première produisit l’erreur plaisante qui a été racontée. Tous les dragages faits en pleine mer furent sans aucun résultat, et, comme l’atterrissage ne pouvait être abordé, il fut impossible de couper la communication, qui n’a pas cessé de fonctionner jusqu’à la fin des hostilités. Elle semble d’ailleurs avoir été de peu d’utilité pour les Espagnols et avoir peu gêné les Américains, qui en étaient arrivés à organiser, sous la direction d’un homme du plus haut mérite, le brigadier-général A. W. Greely, un remarquable service de surveillance sur toutes les lignes télégraphiques qui pouvaient rejoindre Cuba. Ce service fut incontestablement un des élémens du succès des Américains, qui furent puissamment aidés par le désarroi et le découragement jetés parmi leurs adversaires, grâce à l’absence de nouvelles et de renseignemens exacts.

Un enseignement ressort, en tous cas, d’une manière frappante de l’ensemble de ces faits : c’est que, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, la rupture des câbles par des moyens improvisés offre de très grandes difficultés. Les Américains ont mis en œuvre des ressources et des forces considérables contre un pays mal défendu, et ce n’est qu’au prix de très grands dangers qu’ils ont réussi à rompre quelques lignes. Autant, en effet, il est facile, à un navire installé et outillé pour ce travail, et à un personnel expérimenté, de relever et de réparer un câble dont la position est exactement connue, autant il est difficile et peu pratique, en temps de guerre, de rechercher des câbles hors des points où ils viennent atterrir à la côte. C’est uniquement sur ces points qu’il a été possible d’arriver à quelques résultats, et encore le récit qui vient d’être fait montre combien certaines opérations ont été périlleuses.
Il semble, dès lors, que l’on trouverait des garanties de défense en gardant secret le tracé des câbles que l’on pose, et en dissimulant les atterrissages au lieu de les marquer, comme on le fait aujourd’hui, par des guérites et des balises visibles de très loin. Il semble aussi qu’il serait aisé de choisir l’emplacement des atterrissages, de manière à y organiser une défense qui en rendrait l’approche dangereuse en temps de guerre.

Une autre constatation ressort des mêmes faits : c’est l’intérêt que présentent les communications télégraphiques en temps de guerre. Isoler Cuba de l’Espagne et des autres pays a été le but qui, au commencement de la guerre hispano-américaine, attira tout d’abord les efforts des Américains. Leurs premières opérations furent engagées pour couper les câbles ; ils y ont réussi incomplètement puisque les câbles de la Jamaïque sont restés en service. Mais qui pourrait dire que, mieux informés de la marche de leurs propres opérations, mieux renseignés sur l’état et les mouvemens des forces américaines, les Espagnols n’auraient pu faire une plus longue résistance ?
Le rôle des câbles s’est donc affirmé d’une façon qui doit préoccuper tous les pays. Une nation qui a des escadres à faire mouvoir et des colonies à défendre, doit posséder, si elle veut tenir son rang, des « dépôts de charbon et des câbles télégraphiques. » On l’admet aujourd’hui comme une vérité. Un court exposé du progrès fait par cette idée dans les nations maritimes et coloniales, nos voisines et nos concurrentes, présentera peut-être quelque intérêt.

Si, au milieu des graves problèmes coloniaux devant lesquels se trouve une partie de l’Europe, un pays devait être à l’abri des inquiétudes que peut faire naître le rôle des câbles télégraphiques en temps de guerre, c’est assurément l’Angleterre. Nous avons vu qu’elle possède, par ses Compagnies de câbles, la plus grande partie du réseau télégraphique qui sillonne les mers ; qu’elle a entre les mains, avec ce réseau de plus de 250 000 kilomètres, un moyen de véritable domination sur le monde entier.
Pourtant, elle n’est pas encore rassurée, parce que certains de ses câbles touchent, sur quelques points de leur parcours, à des territoires non anglais. Elle veut, — et l’on sait ce qu’est la volonté anglaise, — un réseau de câbles prenant ses atterrissages exclusivement en territoire britannique. C’est une nouvelle expansion de son impérialisme, qu’elle veut étendre cette fois jusqu’aux profondeurs des océans. On pourrait croire à quelque fantaisie, si l’idée d’avoir des câbles « impériaux » n’était effectivement soutenue en Angleterre par des personnalités de tout premier rang, et si elle n’avait déjà fait naître des projets qui vont être réalisés.

Le gouvernement anglais a décidé, il y a quelques mois, qu’une subvention de 500 000 francs serait ajoutée par la Métropole aux subventions, atteignant un million, données par le Canada et l’Australie, pour l’établissement d’un câble transpacifique partant de Vancouver pour atteindre l’Australie en se dirigeant sur les îles Fanning et Norfolk, rochers à peu près déserts perdus dans le Pacifique, mais rochers anglais ! Ce câble est destiné à prolonger, par une ligne exclusivement britannique, les câbles anglais du nord de l’Atlantique et les lignes canadiennes. L’étude technique en est faite ; l’exécution demandera dix-huit mois, et tout récemment, le 19 octobre dernier, à propos de ce projet, M. Chamberlain faisait connaître à la Chambre des Communes que la direction de la nouvelle ligne transpacifique sera confiée à un Conseil de huit membres dont les réunions se tiendront à Londres. Le Gouvernement sera représenté, dans ce Conseil, par trois membres dont le président, le Canada par deux, l’Australie et la Nouvelle-Zélande par trois. Le Canada a déjà désigné lord Aberdeen et lord Strathcona ; les colonies australiennes et la Nouvelle-Zélande seront représentées par les agens généraux de la Nouvelle-Galles du Sud, de Victoria et de la Nouvelle-Zélande, et des négociations se poursuivent, entre le Chancelier de l’Échiquier et le Postmaster général, pour arrêter le choix des représentans de la Métropole. Ce projet doté, comme on le voit, d’un patronage très gouvernemental, forme une première partie du nouveau câble impérial qui doit faire le tour du monde.

L’autre partie est sortie de l’état de simple projet, et a déjà un commencement d’exécution ; elle consiste dans l’établissement d’une ligne nouvelle partant de la côte anglaise, touchant à Gibraltar, à Bathurst, aux Iles de l’Ascension et de Sainte-Hélène, et enfin au Cap. Du Cap, elle se dirigera sur l’île Maurice, dont on fait un dépôt de charbon et dont on veut faire aussi un grand centre télégraphique. De Maurice enfin, un câble sera posé vers l’Australie, et fermera le cercle dont on veut envelopper le monde entier. La première section de ce câble vient d’être immergée et ouverte au service entre le Cap et l’île de l’Ascension ; elle sera prolongée dans quelque semaines jusqu’à Bathurst.
Pour ce second projet, déjà si avancé, la dépense doit être de 125 millions de francs ; mais cela n’effraye pas nos voisins. Un journal de Londres dit à ce sujet : « La somme de 125 millions demandée pour ce projet suffirait pour construire 5 cuirassés, mais il faut comprendre qu’un tel réseau offrira l’avantage de rendre chaque navire de guerre cinq fois plus puissant et plus utile qu’il ne l’est à présent ».

Il faut supposer qu’après l’établissement de ces grandes lignes, l’Angleterre se sentira un peu rassurée et aura un moment de tranquillité. Mais quel enseignement n’y a-t-il pas pour la France à voir que l’importance du rôle des câbles en temps de guerre inquiète même le pays qui possède les quatre cinquièmes du réseau télégraphique existant aujourd’hui !

Si l’on passe aux États-Unis, qui viennent d’expérimenter, avec l’Espagne, l’usage que l’on peut faire des câbles en temps de guerre, on constate aujourd’hui le même désir de s’assurer le concours de ces moyens de défense et de lutte, et, dans la manière dont ce désir se manifeste, on reconnaît le sens pratique et prévoyant de ce peuple, pour qui la politique coloniale est cependant toute nouvelle. Il y a, en effet, une bien frappante leçon dans le projet présenté au Congrès, dès le 10 février dernier, pour la pose d’un câble transpacifique, destiné à relier les Philippines aux États-Unis, avant même que l’occupation fût effective.

Voici le message adressé au Congres par le Président, à l’occasion de ce projet :
« Comme conséquence de la ratification du traité de Paris par le Sénat des États-Unis et de la ratification présumée par le gouvernement espagnol, les États-Unis vont se trouver en possession des îles Philippines. Les îles Hawaï et Guam faisant partie du territoire américain et présentant des points intermédiaires d’atterrissage commodes pour la pose des câbles, le besoin d’établir des communications télégraphiques reliant les États-Unis et les îles du Pacifique s’impose absolument et dans le plus bref délai. Une telle communication devrait être établie de façon à se trouver entièrement sous le contrôle des États-Unis, en temps de paix comme en temps de guerre. A l’heure qu’il est, des télégrammes ne peuvent arriver aux Philippines qu’en empruntant les lignes de pays étrangers, et la navigation seule nous permet de correspondre avec les îles Hawaï et Guam, ce qui occasionne des retards de huit jours pour chaque courrier. Une pareille situation ne devrait pas être tolérée plus longtemps.

« Le moment est venu de poser, à travers le Pacifique, un câble allant jusqu’à Manille, avec relais aux îles Hawaï et Guam. Deux méthodes pour l’établissement d’une pareille communication s’offrent à première vue : d’abord, construction et entretien de ce câble par le gouvernement des États-Unis ; ou bien, construction et entretien de cette ligne par une compagnie américaine, à des conditions dictées par le Congrès.
« Je ne veux pas indiquer de préférence au Congrès sur l’une ou l’autre de ces méthodes. Un câble de cette longueur ne saurait être construit en peu de temps ; on pense qu’il faudrait au moins deux ans, à partir du moment où l’ordre aura été donné, pour que la ligne puisse être posée avec succès. En outre, des sondages sont encore indispensables à l’ouest des îles Hawaï, avant que le choix de la meilleure route ne soit définitivement arrêté.
« Etant données ces différentes circonstances, il devient absolument nécessaire que telles mesures soient prises par le Congrès avant la fin de la session, qui permettent de s’assurer les moyens d’établir ce réseau télégraphique. Je recommande cette question à l’attention du Congrès, en le priant d’agir avec toute la célérité que comporte un sujet aussi important.
« W. MAC KINLEY. »


Passant immédiatement aux actes, le gouvernement américain a déjà fait exécuter, avant le vote du Congrès, par un navire de guerre, une campagne de sondages pour l’étude de la route du nouveau câble. Ce travail est dès à présent terminé.
Pour leurs débuts dans la politique coloniale, les États-Unis montrent, par ce projet, une compréhension clairvoyante des nécessités qui nous ont longtemps échappé en France. Nous avons des colonies depuis des siècles. Depuis vingt-cinq ans, nous avons conquis un vaste empire colonial, et la plus grande partie de nos possessions ne sont encore reliées télégraphiquement à la métropole que par les moyens les plus précaires.

Un autre grand pays se prépare aussi à prendre une place parmi les nations coloniales par la création d’un réseau télégraphique sous-marin. L’Allemagne elle-même, malgré une situation géographique qui ne lui donne des côtes que sur la mer du Nord, veut avoir des câbles qui soient indépendans et lui assurent la sécurité pour ses correspondances télégraphiques, au moins avec l’Amérique. Elle va réaliser un projet sur lequel l’attention doit s’arrêter un instant. Il est, en effet, d’origine et de conception françaises. C’est le projet qui a été étudié en France, sous le nom de « projet des Açores, » et qui a été abandonné. Il est repris aujourd’hui et va être réalisé, de point en point, par l’Allemagne. Il consiste dans l’établissement de lignes nouvelles qui relieront l’Allemagne à l’archipel des Açores, et les Açores à l’Amérique du Nord, en créant au milieu de l’Atlantique le centre télégraphique que la France aurait pu établir elle-même, il y a quelques années.

On a remarqué, sans doute, l’information publiée, il y a quelque temps, par les journaux américains, annonçant que l’Allemagne avait obtenu l’autorisation de faire atterrir un câble sur le littoral des États-Unis. On a lu également les dépêches amicales qui ont été échangées à cette occasion entre l’Empereur allemand et le Président Mac Kinley. Or, cette autorisation et cet échange de télégrammes visaient ce projet. Dans dix-huit mois, deux ans au plus, un câble transatlantique sera posé entre l’Allemagne et l’Amérique, en passant par les Açores. Il sera établi par une compagnie allemande, avec le concours du gouvernement, et l’entreprise est placée, dès à présent, sous le plus haut et le plus officiel des patronages. Tous ces faits montreraient, si cela était encore nécessaire, l’importance donnée, dans tous les pays maritimes, à la question des câbles télégraphiques.

On serait injuste si, après avoir indiqué ce que font ou veulent faire les autres pays, on passait sous silence ce qui a été réalisé en France pour commencer au moins à garantir notre pays contre certains dangers.
Il y a trois ans seulement, il n’existait, comme entreprise télégraphique française, qu’un petit réseau de câbles reliant quelques-unes des Antilles entre elles et à l’Amérique du Sud ; puis une seule ligne transatlantique entre Brest et les Etats-Unis, sans débouchés assurés en Amérique, dépendant par conséquent des compagnies anglaises et américaines, et à peu près complètement asservie par elles.
Dans le courant de ces trois dernières années, un effort intéressant a été fait pour rompre le cercle d’hostilités concurrentes qui avait paralysé jusqu’alors toutes les entreprises françaises de télégraphie sous-marine.

Un premier câble a été établi entre Haïti et l’Amérique du Nord, pour relier le réseau des Antilles au câble transatlantique qui venait aboutir à Brest. Ce câble transatlantique a été lui-même doublé par une nouvelle ligne sous-marine qui relie directement Brest à New-York. La nouvelle ligne est la plus longue qui existe actuellement : elle a plus de 6 000 kilomètres ; sa construction et son immersion ont présenté des difficultés exceptionnelles, et, pour ses débuts, l’industrie française a accompli une œuvre audacieuse, à laquelle ses concurrens eux-mêmes rendent justice.

Aujourd’hui, un système télégraphique français fonctionne, avec ses ressources de trafic propres, avec des développemens de lignes qui lui permettent d’atteindre l’Amérique du Nord, toutes les Antilles et l’Amérique du sud jusqu’au Brésil. Ce système télégraphique comprend déjà 23 500 kilomètres de câbles ; il vient au troisième rang comme importance et étendue de réseau, et, seul jusqu’à présent, il se développe en face de l’énorme monopole des compagnies anglaises. Son point d’attache est Brest, son exploitation et sa direction sont françaises, et il apporte aux correspondances avec nos possessions américaines les garanties et les sécurités que l’on réclame pour toutes nos possessions coloniales.

Malheureusement, il n’en est pas de même pour l’Afrique, l’Orient et l’Extrême-Orient. Vers ces régions, nos correspondances ne peuvent être transmises par des lignes françaises que jusqu’à Marseille pour l’Orient, jusqu’à Alger ou Oran pour l’Afrique. De ce côté, rien n’a encore été entrepris et nous avons tout à faire.

Nous avons vu qu’un actif mouvement d’idées et de projets se produit dans tous les grands pays maritimes, en faveur de la création de réseaux de câbles. Les événemens de la guerre hispano-américaine avaient donné une poussée vigoureuse à ce mouvement ; les incidens plus récens de la guerre du Transvaal viennent de faire toucher du doigt le danger qu’il peut y avoir à laisser subsister le monopole britannique qui pèse sur toutes les nations[2]. La France particulièrement se trouverait menacée et atteinte, si les circonstances l’amenaient à soutenir une guerre contre l’Angleterre. La seule idée qu’il lui serait alors impossible de correspondre avec ses colonies et avec ses escadres en Orient et en Afrique éveille une poignante inquiétude.
Par quels moyens peut-on modifier cet état de choses ? Quelles mesures est-il encore possible de prendre ? Ces questions paraissent aujourd’hui de la plus pressante actualité. Elles ont surgi tout à coup devant l’opinion qui, surprise par la découverte d’une insuffisance nouvelle dans nos moyens de défense, n’est pas loin d’accuser nos pouvoirs publics d’imprévoyance.
Il est inutile de reprendre l’historique des tentatives faites, depuis une vingtaine d’années, pour constituer des réseaux télégraphiques français. Sauf la création du réseau qui relie maintenant la France aux États-Unis et à ses possessions américaines, elles ont toutes échoué lamentablement et ne fourniraient qu’une preuve de plus de l’ignorance où nous avons été de nos intérêts.

Quelques petits câbles ont cependant été immergés : entre Majunga et Mozambique, pour Madagascar[3] ; entre Nouméa et la côte Australienne pour la Nouvelle-Calédonie ; entre Saigon et Haïphong, pour le Tonkin ; entre les Canaries et Saint-Louis, pour le Sénégal ; enfin, entre Obock et l’île de Périm pour notre possession de la Mer-Rouge. Ces petits câbles, dont les plus importans sont exploités par des compagnies anglaises que nous subventionnons, aboutissent tous à des lignes anglaises et n’en sont en réalité que de simples annexes.

On doit d’autant mieux signaler cette situation qu’elle est le résultat d’une erreur, qui a dominé jusqu’à présent ce qu’on a voulu appeler déjà notre « politique des câbles, » et qui hante encore certains esprits. Afin de remettre au lendemain certaines charges budgétaires inévitables si l’on a quelque souci de l’avenir du pays, on a préféré les demi-mesures, si habituelles en France, en posant aux quatre coins du monde de petits bouts de câbles pour relier certaines de nos colonies au réseau télégraphique général. On oubliait que ce réseau appartient en fait aux compagnies anglaises, à qui l’on a confié jusqu’au soin déposer et d’exploiter certains de ces câbles. Celles-ci, heureuses de l’aubaine, reçoivent les subventions françaises et tirent tout le bénéfice de l’établissement du télégraphe dans les pays nouveaux que nous colonisons. Ces bouts de câbles éloignés les uns des autres, sans lien entre eux, sont une charge parfois lourde, qui ne donne aucune sécurité à nos correspondances et nous laisse toujours tributaires du réseau anglais.

C’est donc une conception erronée et dangereuse de la question des câbles que celle qui consiste à créer de petits réseaux locaux pour nos colonies. La conception vraie, celle qui seule peut conduire à une solution pratique, est la création de systèmes télégraphiques groupant nos possessions coloniales par régions, et les rattachant à la métropole par des câbles indépendans du réseau anglais. C’est le seul moyen d’avoir des réseaux de câbles qui puissent devenir productifs à un moment donné, en les constituant de telle façon que le trafic télégraphique créé par les nouvelles lignes ne soit plus détourné au bénéfice des lignes anglaises. C’est ce transit de la correspondance entre nos colonies et la France qui peut fournir la rémunération des nouvelles entreprises : il est naïf de l’abandonner aux entreprises rivales. C’est aussi à cette condition seulement que nous éviterons la domination anglaise, et que nous aurons entre les mains l’agent d’information et de défense qui nous est indispensable, surtout dans un moment où nous avons tant d’intérêts à surveiller en Chine, au Siam, à Madagascar, au Maroc et dans toute l’Afrique occidentale.

Il semble d’ailleurs que l’on doive, dans les circonstances actuelles et pour l’avenir, envisager la question des câbles avec une courageuse ampleur, si on veut la résoudre. Il existe aujourd’hui une lacune dans l’armement de la France pour la défense de ses intérêts dans les pays d’outre-mer, lacune qu’il faut combler sans perdre de temps, si l’on veut être prêt pour certaines éventualités menaçantes.
Il faut, par conséquent, se résoudre à procéder par mesures d’ensemble vigoureuses et rapides, comme on l’a fait lorsque des insuffisances ou des faiblesses ont été constatées dans nos arméniens, dans l’organisation de nos lignes de chemins de fer et dans la construction de nos navires. C’est à ce prix que nous pourrons regagner le temps si inutilement perdu depuis quelques années. L’étude et le choix d’un programme, dont l’exécution serait suivie avec la continuité de vues et la persévérance dont les Anglais nous donnent chaque jour l’exemple, seraient une chose aisée à l’heure présente, car les enseignemens de la guerre hispano-américaine et de la guerre du Transvaal paraissent avoir disposé le gouvernement et l’opinion publique elle-même à porter de ce côté leur attention et leur sollicitude.
Il ne s’agirait pas, au surplus, d’engager directement l’État dans les dépenses d’établissement des réseaux et d’en faire porter toute la charge au budget. L’intervention de l’initiative privée pourrait fournir en France, comme cela a eu lieu en Angleterre, les moyens de réaliser ces entreprises. Seulement, il faut bien comprendre et admettre que les nouveaux réseaux télégraphiques, n’ayant plus le choix des pays riches à desservir, ne seront d’abord et pour plusieurs années que des instrumens politiques établis en vue de défendre un intérêt d’ordre général pour le pays ; ils ne deviendront des instrumens d’industrie et de commerce, productifs de ressources suffisantes pour assurer leur existence, que progressivement, au fur et à mesure du développement de nos colonies et, partant, du trafic télégraphique. C’est seulement après quelques années qu’ils pourront vivre par eux-mêmes et se passer d’un concours gouvernemental.

Ce concours, qu’il soit donné sous forme de subventions, comme en Angleterre, ou de simples garanties, doit être fourni, pour les débuts, dans des conditions assez larges pour apporter au moins la sécurité aux capitaux engagés. Il serait amplement justifié par un intérêt politique dont on ne peut plus méconnaître l’importance. Cet intérêt est de la même nature, du même ordre que celui qui a fait, il y a cinquante ans, accorder les subventions postales. Aujourd’hui, la télégraphie complète la poste, la précède dans toutes les relations éloignées ; elle est, tout autant que sa respectable devancière, un moyen d’incontestable influence et elle peut être appelée à jouer un rôle autrement actif et utile dans la solution des questions qui intéressent notre avenir et notre défense en pays d’outre-mer. Pourquoi, dès lors, ne pas admettre l’idée d’un large concours de l’Etat en faveur des réseaux télégraphiques, pour les mêmes raisons qui ont fait inscrire les subventions postales au budget et les y font maintenir ?

Pour rassurer les esprits que l’équilibre de nos finances pourrait inquiéter, il faut se hâter de dire que cette participation de l’État serait vraisemblablement bien loin d’atteindre le chiffre des subventions actuellement attribuées aux services postaux. De plus, au lieu d’être permanente comme la charge des subventions postales, elle pourrait être réductible et même disparaître au bout d’un certain temps, lorsque, par le développement normal de la correspondance télégraphique, les réseaux auraient acquis des ressources d’existence assurées.
Par une heureuse fortune, l’établissement des réseaux de câbles, réclamés par notre défense, répond, en effet, la plupart du temps, à des besoins économiques et commerciaux d’une telle valeur que ces besoins, donnant une certitude d’avenir, suffiraient, dans un pays plus audacieux que le nôtre, à provoquer la création de ces réseaux.

La télégraphie sous-marine est un nouvel instrument de travail et de progrès, qui débute dans la vie internationale, et dont les applications peuvent avoir des développemens sans limites. Il y a quarante ans à peine que le premier câble transatlantique a été ouvert au service, et, l’année dernière, plus de 30 millions de mots ont été échangés entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Il est impossible d’apprécier ce que sera ce mouvement de correspondances dans quarante nouvelles années, alors que l’usage du télégraphe se propage chaque jour. Il atteindra peut-être 80 ou 100 millions de mots entre les deux continens, et c’est précisément dans cette merveilleuse expansion de la télégraphie sur tous les points du globe que la France devrait se trouver prête à prendre sa grande et légitime part.

Par conséquent, au simple point de vue économique, c’est un domaine nouveau qui s’ouvre devant l’activité française. Ce domaine a déjà été exploré ; de grandes entreprises télégraphiques se sont constituées dans d’autres pays : en Angleterre, pour rayonner sur le monde entier et le dominer ; en Danemark, pour desservir le nord de l’Europe et l’Asie. Toutes, elles ont eu des débuts laborieux ; cependant, aujourd’hui, elles en sont arrivées à un état de puissante prospérité, qui se traduit, pour l’ensemble de celles de ces entreprises qui ont acquis leur développement normal, par des recettes annuelles qui dépassent 110 millions de francs.

La situation géographique de la France, à l’extrémité de l’Europe continentale, en face de l’Amérique, avec des côtes sur l’Atlantique et la Méditerranée, se prête admirablement à la création de ces entreprises. Si nous avions eu un peu de hardiesse et de persévérance,, nous aurions, depuis plusieurs années, des câbles nous reliant avec nos colonies, ainsi que de nombreux câbles transatlantiques, et le grand centre des échanges télégraphiques entre l’Europe et le monde entier, au lieu de Londres, serait peut-être Paris.
N’y aurait-il pas, d’ailleurs, pour la France, un rôle intéressant à prendre dans le mouvement qui se manifeste aujourd’hui dans tous les pays, pour arriver à s’affranchir du monopole télégraphique anglais ?
Pour annihiler ce monopole et en supprimer le danger, il suffit qu’un réseau non anglais soit créé et puisse atteindre toutes les régions où l’Europe possède des intérêts. Peut-être serait-ce un acte de sage et prévoyante politique que d’associer à cette entreprise, dans les mesures conciliables avec les besoins de notre défense, les autres pays qui, ne pouvant eux-mêmes avoir des réseaux, veulent cependant échapper à la dépendance où ils se trouvent ?
Le caractère international ainsi donné aux nouveaux réseaux serait la meilleure des sauvegardes contre les ruptures en temps de guerre, et si, dans l’avenir, ces réseaux se multipliaient et formaient à leur tour, au fond des mers, une nouvelle toile d’araignée inoffensive et pacifique, on aurait fait le pas le plus décisif vers la neutralisation des câbles. Il y aurait assurément là une œuvre d’émancipation et de progrès dont la France devrait prendre l’initiative, et où elle se retrouverait fidèle à ses vieilles et historiques traditions.

J. DEPELLEY

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La CFCT se lance dans un plusieurs projets qui consiste à relier Oran à Saint Louis (Sénégal), Libreville à Porto Novo et Saint Louis à Para (Brésil) ; mais le gouvernement a changé. Depuis le 22 juin 1899, le nouveau ministre du Commerce, de l’industrie et des P&T est Alexandre Millerand. Il connaît bien la question des câbles sous-marins pour avoir souvent argumenté contre le « parti colonial » à la Chambre des députés. Il a d’autres vues et fait voter un crédit de 5.500.000 francs le 25 janvier 1901 pour le rachat de la compagnie britannique qui exploite le câble Dakar – Para (Brésil) ainsi que les câbles de la cote d’Afrique desservant la Guinée, la Cote d’Ivoire et le Dahomey (Bénin) à la compagnie West African Telegraph Co mais il souhaite que l’administration conserve l’exploitation des câbles tout en confiant l’entretien à des câbliers anglais.
Depuis la fin de l’année 1900, la CFCT connaît des difficultés financières. L’affaire est jugée par le tribunal de commerce et seul un concordat avec son principal créancier, la SGDF peut lui éviter la faillite. Jules Caubet négocie une aide de l’Etat mais il s’agit d’un nouveau plan de sauvetage. Il obtient 8 millions de francs pour l’amélioration du réseau, la construction d’un navire, et un rééchelonnement des dettes contre l’abandon de créance de la SGDF et un contrôle accru de l’Etat. Une nouvelle convention avec l’Etat est signée le 28 mars 1901, approuvée par la Chambre des Députés et ratifiée le 31 juillet 1901. Le concordat est signé le 9 novembre 1901 entre la CFCT (Caubet – Dupelley), le Ministère des
Finances (J Caillaux), le Ministère du Commerce, de l’Industrie et des P&T (A Millerand) et la SGFT, (Villars).
Caubet doit céder la place au représentant des créanciers. Il démissionne le 17 mars 1902 pour être remplacé par Villars. Celui-ci prend ses fonctions quelques semaines avant l’éruption de la Montagne Pelée, le 8 mai 1902. La CFCT doit faire face aux conséquences de l’éruption : les
câbles Martinique – Puerto Plata et Martinique – Guadeloupe sont coupés et la l’île est isolée du monde.
Face à la situation, la CFCT doit respecter la convention : affréter un service de navires pour remettre les messages privés à la société anglaise, payer 50% des frais d’installation de la liaison radiotélégraphique installée par le capitaine Férié entre la Martinique et la Guadeloupe pour acheminer le courrier officiel acheter du câble de réserve à la SIT alors qu’elle peut obtenir de meilleurs prix en Angleterre, se priver des subventions des conseils généraux des îles qui considèrent que le service public n’est pas assuré.
La CFCT est encore en cessation de paiement et l’Etat doit intervenir. Le 11 novembre 1903, Villars démissionne. Il est remplacé par Edouard Jéramec. Quant au contre amiral Caubet, il reste au Conseil d’Administration. Il assistera très ponctuellement aux Conseils d’Administration qui se réunissent tous les quinze jours jusqu’au 15 janvier 1912.
Le Conseil suivant (12 février 1912) est informé de son décès survenu le 2 février 1912.

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La CFCT à la veille de la guerre de 1914 –1918
Le nouveau président Edouard Jéramec mettra dix ans pour redresser la société. Il réussit à pacifier les relations entre la société,
l’administration et le constructeur. A partir de 1904, il est aidé par une croissance continue du trafic transatlantique. En 1913, l’administration l’autorise à construire le successeur du câblier Caubet. Cette mesure, la modernisation de l’équipement d’exploitation (installation en 1912
d’amplificateurs Heurtley sur le Brest – Saint Pierre) et l’installation de bureaux commerciaux à Londres et à New York permettent de revenir
progressivement à l’équilibre financier.
A la différence des compagnies étrangères, les sociétés privées françaises ont toujours été sévèrement encadrées par leurs ministères de tutelle. La CFCT, pas plus que ses devancières, n’a disposé de moyens pour investir et améliorer sa productivité. Par comparaison, les sociétés anglaises et américaines, moins encadrées par leurs gouvernements, peuvent facturer normalement le trafic officiel. Celles-ci reçoivent également des subventions pour maintenir en service des lignes coloniales non rentables.
Dans la thèse de M de Margerie publiée en 1909, l’auteur montre que les sociétés anglaises bénéficient d’un excédent annuel d’exploitation qui
permet de provisionner pour des investissements ultérieurs tout en distribuant des dividendes dans une fourchette de 5 à 9 % du capital investi.
Pourtant, tout en construisant un réseau à faible coût, la CFCT a permis à la France d’être présente dans le domaine concurrentiel alors que
l’administration, de par son statut de puissance publique, en est empêchée. Celle-ci ne sera pas récompensée puisque, après la présidence de Jules
Caubet, la longueur du réseau de la compagnie reste stable (21.204 Km en 1910 ; 20.853 Km en 1928).
Le réseau colonial construit à partir de 1900 câbles d’Indochine, de Madagascar, d’Indonésie et d’Afrique de l’Ouest) est construit par l’administration et concédé à des entreprises britanniques ou géré par la direction des câbles sous-marins (réseau côtier, câbles franco-anglais et
câbles sur l’Afrique du Nord.

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LE NAVIRE CABLIER « CONTRE AMIRAL CAUBET»
Le navire Contre Amiral Caubet a été construit en 1875 par les Forges et Chantiers de Méditerranée à Graville (Le Havre) sous le nom de « Portena ». Il est acheté le 9 juillet 1896 par la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques (CFCT) qui transforme le navire en câblier. La commande pour la transformation du navire en câblier est signée le 30 août 1896 avec le chantier britannique de Glasgow Johnson et Phillips pour un montant forfaitaire de 20.000 livres.
En décembre, le ministre de la Marine autorise le président Caubet à donner son nom au Portena et le Conseil du 22 octobre décide « toutes les mesures nécessaires pour changer le nom du navire ». Le navire quitte Glasgow le 26 février 1897 pour charger du câble à Calais puis rejoindre le Havre, son port d’attache le 2 avril 1898. Il rejoint Saint Pierre le 21 avril pour sa première réparation entre Saint Pierre et Cap Cod.
Si les équipements câbliers sont neufs, le navire a une coque et une machine qui ont plus de 20 ans de service. Pendant sa carrière, le navire sera souvent éprouvé par les conditions météorologiques régnant dans l’Atlantique Nord. En 1902 – 1903, lorsque les câbles atterrissant à la Martinique sont endommagés par les conséquences des éruption de la Montagne Pelée (mai à août 1902) et que la liaison New York – Cap Haïtien, le navire est en arrêt technique pour avoir brisé son arbre porte hélice.
La vie à bord était difficile. En 1905, Edouard Jéramec charge le docteur du Pouyer Quertier d’une évaluation des conditions de travail à bord des navires et accorde une prime de travaux câbles de 0,5 franc par jour. Les rapports du Conseil d’Administration indiquent qu’un matelot meurt du
scorbut en 1905, sa famille portant plainte contre la société pour manque de soins. En 1910, des incidents éclatent à bord sur la qualité du vin et de
la nourriture ; le commandant Villedieu jugé trop faible est débarqué. Son remplaçant rédige un rapport, débarque un graisseur qui sera puni de
deux mois de prison par le tribunal maritime.
Avant de démissionner en 1903, le président Villard avait inscrit au budget une provision pour l’acquisition d’un nouveau navire. Le Minia puis le
Viking ont été envisagés. Son successeur (Edouard Jéramec) avait reçu des assurances du ministre au moment de sa nomination mais il ne fut pas
autorisé à passer la commande d’un navire neuf à un chantier français. En février 1911, le navire avait alors 37 ans lorsqu'il rentre au port d'attache
très éprouvé par les glaces. Il ne sera plus chargé de travaux et servira de dépôt de câble jusqu’à son remplacement. C’est en 1913, à peine un an après la mort du contre amiral Jules Caubet, que l’administration accepte le remplacement du navire Celui-ci, construit à Granville est lancé le 28
novembre 1913, et reçoit le nom du président, comme ses prédécesseurs. Il effectue ses essais du 26/28 mars 1914 et rejoint son port d'attache
d'Halifax le 29 mai 1914 après être passé chargé du câble à Londres. Quand au câblier Caubet, il est vendu à une société américaine en 1915, rebaptisé Vigo, il quitta le monde des câbles sous-marins.
Ses caractéristiques sont les suivantes :
Jauge brute : 2.078 tonneaux
Port en lourd : 2355 tonnes
Longueur : 102 mètres.
Largeur : 10,60 mètres
Creux : 7,70 mètres
Hélice unique. Machine compound. Machines à câbles de Johnson and Phillips

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LE NAVIRE CABLIER D’ARSONVAL.
(Le nom d'arsonval est bien connu dans ce site, c'était un pionnier du téléphone.)

Initialement construit pour la marine italienne en 1941 aux chantiers de Gènes, le navire Giasone est destiné à plusieurs tâches différentes (navire de défense anti-aérienne, remorqueur, navire-câblier), sa première activité est de coupé les câbles alliés à partir de sa base de Gènes jusqu’en 1943.
Lorsque l’Italie abandonne l’Allemagne en 1943 et se range aux côté des alliés, le navire est réquisitionné et basé à Marseille. Il continue son activité de coupeur de câbles en arborant sa curieuse tenue camouflée.

Le 15 août 1944, dès le débarquement de Provence, l’occupant fait sauter les installations portuaires, plus de 200 navires et le pont transbordeur de Marseille. Parmi ces navires le Giasone et l’Ampère . L’Ampère se révèle irrécupérables mais pas son voisin qui est jugé digne d’être renfloué. La mise en service du NC d’Arsonval était annoncée avant la fin de l’année 1947 après de longs et coûteux travaux. Il faut ensuite avoir l’aval de la
Commission des réparations pour francisé le navire réclamé par son pays d’origine.
Après avoir pris connaissance du montant des travaux, l’Italie abandonne le navire et le navire commence une longue campagne accosté sur le quai des Belges à Marseille où il fête le 8 mai aux coté du navire britannique Sainte Margareth. Enfin prêt, son inauguration a lieu le 11 juillet 1948 à La Seyne sur Mer puis célèbre la fête nationale aux côtés de l’Emile Baudot. Sa mise en service comble à la fois le vide de trois navires perdus (Ampère 2) ou hors d’âge (Arago et Emile Baudot) et le besoin de navires est immense. Elle permet de remplacer l’Arago mais c’est l’Alsace qui est basé à Dakar.
Dès sa mise en service, il est basé à La Seyne sur Mer et participe à la remise en état du réseau en Méditerranée (4 réparations en 1950, 7 réparations en 1951 et 12 réparations en 1952). Il est appelé en Atlantique pour terminer la remise en état du Brest-Cap Cod (entre 1949 et 1952 avec l’Alsace, le Pierre-Picard et l’Emile Baudot).
En automne 1950, il est chargé de posé le premier répéteur sous-marin téléphonique entre Cannes et Nice par 2.200 mètres de profondeur fournissant 4 voies téléphoniques amplifiée et qui marchait encore sans défaillance pendant 4 ans avec une stabilité de gain remarquable comme le rappelait Mr Julien 13.
Pour le directeur du navire, « Ce navire jeune, qui n’était pas un câblier à sa mise en service et qui a été transformé à cet effet en 1947. Le résultat de cette adaptation ne donne que partiellement satisfaction. Les défauts majeurs du d’Arsonval sont son faible rayon d’action, partie arrière très mal défendue contre le mauvais temps et sa très faible économie. En Atlantique Nord, ses zones d’intervention sont limitées au plateau continental Est, à condition de ne pas s’écarter à plus de 150 nautiques d’un port d’abri et de mazoutage ».
En décembre 1964, l’administration se sépare de son navire. Il est alors basé à Brest près d’un nouveau navire, le Marcel Bayard adapté à la pose des nouveaux câbles coaxiaux. Pour l’entretien du réseau côtier et du réseau d’Afrique de l’Ouest, on fera appel aux navires de La Seyne sur Mer (Ampère ou Alsace). La flotte câblière est donc réduite de 4 à 3 unités.
On a ignoré que l’Administration met en service un premier navire océanographique, le Jean Charcot et la flotte est toujours de 4 navires. Le CNEXO, devenu IFREMER tire bénéfice de la compétence de l’Administration des PTT pour assurer les nombreuses missions qui lui sont confiées. Quant au D’Arsonval, vendu à un acheteur Belge, il sera démoli à Anvers à partir du 18 février 1965.

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Navire câblier L'Alsace

Ce navire câblier a été construit en 1938-1939 aux Chantiers de Normandie de GrandQuevilly, à Rouen.

Lancement du cablier "Alsace" aux Chantiers de Normandie à Grand-Quevilly le 20 juin 1939 en présence de Jules Jullien, alors ministre des postes, télégraphe, téléphone et transmissions.

Il était destiné à remplacer l' « Arago » stationné à Dakar et conçu pour naviguer sous les tropiques. Il fut lancé début 1940 en présence de monsieur Julien, ministre des PTT.
- Longueur hors tout : 88,05 mètres
- Largeur hors membrure : 12,10 mètres
- Déplacement : 2 092 tonnes
- Port en lourd : 1 500 tonnes
- Tirant d'eau : 5,30 mètres
- Puissance : 2 650 CV (deux machines à vapeurs alternatives, chauffées au mazout)
- Vitesse de croisière : 11,5 noeuds
- Vitesse maximum : 14,5 nœuds
- Trois cuves à câbles.
- Rayon d'action : 25 à 28 jours
Armé à Brest, il appareilla le 17 juin 1940 pour sa première campagne. L'armée allemande avançait rapidement et la veille, un violent bombardement sur la ville et la rade lui donna le baptême du feu. A noter qu'il traversa toute la guerre sans encombre, il en est des navires comme des hommes.
Chargé de réparer le câble Brest-Fayol-New York à la hauteur de Fayol, il gagna Dakar, sa réparation terminée, dans l'attente des ordres. Il rejoignit peu après Casablanca où il séjourna onze mois, contraint à l'inactivité par la pénurie de mazout.
Fin 1941, il appareilla pour Alger.
Au débarquement allié, il reprit ses activités et devait naviguer tant en Méditerranée, qu'en Atlantique Nord et Sud.

Il fut désarmé en 1973 à Brest et conduit à Landevennec (cimetière marin), puis remis aux Domaines qui le vendirent en juillet 1974, pour la démolition. Son compas de route et sa table de mesures sont visibles au musée des câbles sous-marins à la Seyne sur mer. Quant à l'appartement du Chef de Mission, conçu par un décorateur parisien, il a été démonté et remisé dans un entrepôt de la direction des télécommunications du réseau international à Brest.

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LE Navire Câblier FRANÇOIS ARAGO


Le NC FRANÇOIS ARAGO (1882 - 1944) a eu une carrière bien remplie.

• Initialement, ce câblier construit en 1882 par la Société anglaise WT. Henley's Telegraph Works Company s'appelait le Westmeath.


• Le navire est affrété en 1887 par la Société Générale des Téléphones.
Cette compagnie absorbe en 1888 une société locale : La Participation des Câbles des Antilles et crée la Société Française des Télégraphes Sous Marins. Le navire pose un vaste réseau de câbles entre le Brésil et les Caraïbes est réalisé.

• En 1893, le navire est acheté par la Société Générale des Téléphones et devint le "François Arago". Cette société filialise ses activités d'installation de câbles sous marins, le François Arago et la fabrication des câbles dans l'usi ne de Calais au sein d'une nouvelle entité : La
Société Industrielle des Téléphones.

• La liaison Australie - Nouvelle Calédonie sera le premier câble posé par le navire en 1893. Il terminera sa carrière de câblier en 1914.

• J.F. Guillaume, chef de service à FCR est particulièrement fier de rappeler à ses visiteurs que la photo de l'état major d'un navire des années 1900 qui est accrochée dans son bureau est celle du NC François Arago dont le Chef de Mission est un de ses parents par alliance.

• Photo de l'équipage avec le grand père Le Floch et son grand oncle Le Genziec.

Le François Arago ex Westmeath (à ne pas confondre avec l’Arago tout court) a été construit en 1882 pour W.T.Henley’s Telegraph Works Company et loué en 1887 à la société française des télégraphes sous-marins, puis acheté en 1893 par la société Industrielle des téléphones. Il sera utilisé comme câblier jusqu’en 1914. (d’après cableships and submarine Cables de K.R. Haigh) .

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Organisation administrative

En janvier 1988, La DGT prend le nom de France Télécom, et Radio France Câbles & Radio (FCR) devient FT Marine, puis en juillet 2013, La raison sociale et le nom juridique de France Télécom SA devient Orange SA et France Télécom Marine devient Orange Marine.

1886: Création de la Société Française des Cables sous-marins, avec l'apuis des PTT des déposa un projet de liaison entre la métropole et Madagascar via Tunis, Suez et Obok.

1892 la Société française des Télégraphes sous-marins (SFTSM) . Le contre amiral Caubet.

1892: Pose du câble télégraphique entre Marseille et Oran (Algérie).

1893: Pose du câble télégraphique entre Marseille et Tunis (Tunisie).

1895: PQ et SFTSM fusionnent pour dedenir la Compagnie Française des Câbles Télégraphique (C.F.C.T.).

1900: Création de la Société Française de Télégraphe et de Téléphone sans Fil.

1905: Un câble sous-marin est installé de Brest en France à Dakar, au Sénégal, sur une distance de 2847 nm.

1913: Suite à un accord entre le Maroc et la France l’Office Chérifien des Postes des Télégraphes et des Téléphones est créer.

1915: Le câble sous-marin Brest – Casablanca – Dakar est installé.

1945: Le gouvernement français met fin aux activités la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques et confie la gestion des câbles transatlantiques à la Compagnie des Câbles Sud-Américains (Sudam).

1952: Les PTT transférèrent leurs câbles africains à la Sudam.

1959: SUDAM et la CFCT fusionnent pour devenir Compagnie Française des Câbles Sous-marins et Radio.

1960: Le Cameroun deviennent indépendant de la France et confie l'exploitation des télécommunications internationales à la société France Câbles Radio.

1962: Création de l’office d’État des postes et télécommunications de la Polynésie française.

1971: Création de STIMAD (Société des Télécommunications Internationales de la République de Madagascar) pour les appels à l'international en par France Câbles Radio et de l’Etat malgache.

1972: Le Senegal et la France Câbles Radio font la création de Télésénégal.

1972: Création de la Société des Télécommunications du Cameroun (INTELCAM) pour prendre en charge l'ensemble des activités de France Câbles Radio.

1976: Les PTT fond la création de la Compagnie Française des Câbles Sous-marins et de Radio.

1977: Suite à l' indépendance de Djibouti, la Société des Télécommunications Internationales de Djibouti (STID) est créer, dont Compagnie Française des Câbles Sous-marin est actionnaire.

1979: Le Gouvernement Centrafricain et la Compagnie France Câbles Radio fond la création de la Société Centrafricaine de Télécommunications Internationales (SOCATI), pour exploiter les communications internationales et télex.

1981: Nationalisation de Télésénégal.

1982: La Compagnie Française des Câbles Sous-marins devient Radio France Câbles & Radio (FCR).

1985: FCR fait la création de FCR Nouvelle-Calédonie.

Janvier 1988: La DGT prend le nom de France Télécom, et Radio France Câbles & Radio (FCR) devient FT Marine.

Novembre 1989: DGT et de la SOCATI fusionnent pour devenir Société Centrafricaine des Télécommunications (SOCATEL). SOCATEL est détenue à 60 % par l’État et 40 % par France Cables & Radio.

Février 1992: France Câble et Radio fait l'acquisition de Maxwell Satellite Communications Ltd (Maxsat),

Mai 1993: France Câbles et Radio (FCR) fourni l’installation de la Mission d’Assistance Technique à SOTELGUI.

Mars 1995: Les télécommunications nationales du Ministère des PTT et STELMAD fusionnent pour devenir TELMA (SA). France Câbles Radio (France Télécom) 34 % du capital de TELMA et l’Etat malgache 66 %.

Juillet 1995: Création de Data Telecom Services (DTS), par Télécom Malagasy (TELMA) et France Câble Radio (FCR).

Janvier 1997: France Télécom Câble et Radio détenu par France Télécom fait l'aquisiton de 51 % de CI-Telcom.

Janvier 2000: France Câble et Radio céde sa participation de 25% de la Société des télécommunications internationales de Djibouti (STID) à la demande du gouvernement djiboutien.

Août 2004: France Télécom céde sa participation dans Telma.

Mai 2007: France Télécom fait l'acquisition de licences en Centrafrique. France Cables & Radio céde sa participation dans Socatel à l’État centrafricain.

Octobre 2010: Telecom Italia céde Elettra à France Télécom Marine.

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Juillet 2013: La raison sociale et le nom juridique de France Télécom SA devient Orange SA et France Télécom Marine devient Orange Marine.

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Le câblier Great Eastern fut le plus grand paquebot de son époque. Navire britannique au destin singulier, il prit pour nom Leviathan puis très vite fut rebaptisé Great Eastern par la société the Great Ship Company qui le rachète en 1858, après un lancement mouvementé.


Lancement du Great Eastern : Le monde illustré, du 14 novembre 1857.

Dès sa construction les problèmes s’accumulent : retards, incendies et décès de trois ouvriers. Le lancement prévu le 3 novembre 1857 devant plus de 100 000 personnes est un fiasco, son poids est tel qu’il ne peut être mis à l’eau. Ce n’est qu’au troisième essai, le 31 janvier 1858, qu’il est mis à flots

Paquebot de croisière destiné à rallier l’Australie sans escale, il devient navire câblier, puis termine sa vie comme salle de music-hall et de fête foraine, avant de finir à la casse.

Le monstre impressionne tant Victor Hugo qu’il lui consacre un poème dans La légende des siècles : " Le dernier siècle a vu sur la Tamise croître un monstre à qui l’eau sans borne fut promise, […] / Quand il marchait, fumant, grondant, couvert de toile, Il jetait un tel râle à l’air épouvanté que toute l’eau tremblait, et que l’immensité comptait parmi ses bruits ce grand frisson sonore "

Le Great Eastern
Le Great Eastern, conçu par Isambard Kingdom Brunel mesure 211 mètres de long, 25 mètres de large et 18 mètres de haut. Le tirant d'eau est de 6,1 mètres et 9,1 mètres à pleine charge, pour un déplacement de 27 000 tonnes. En comparaison, le Persia, lancé en 1856, ne mesure que 119 mètres de long pour 14 mètres de large.

L’exploitation commerciale du Great Eastern est loin d’être rentable, il ne fera jamais le plein de passagers. Plusieurs traversées sont émaillées d’accidents. Alors qu’il essuie une violente tempête, il perd une roue à aubes. Une autre fois, il heurte un récif près de Long Island.

Il est le premier paquebot géant et le plus grand navire jamais construit à son époque, avec une capacité d'embarquement de 4 000 passagers sans qu'il soit nécessaire de le réapprovisionner en charbon entre la Grande-Bretagne et la côte est des États-Unis. Il détient longtemps le record du navire le plus long (jusqu'en 1899) et le plus gros du monde (jusqu'en 1901).
Après des débuts difficiles comme paquebot, il est reconverti et pose le premier câble transatlantique sous-marin puis sert d'attraction publicitaire et touristique jusqu'à sa démolition en 1889.

Il est surtout célèbre pour avoir incarné le gigantisme des projets de Brunel, son « père » et concepteur qui l'appelait « mon gros bébé », et de la révolution industrielle du XIXe siècle. Il est aussi célèbre pour ses malheurs et ses échecs, de sa construction à son exploitation, qui lui ont donné la réputation d'un navire maudit, accentuée par les légendes qui l'ont entouré, dont celle qui rapporte que, lors de sa démolition, deux cadavres d'ouvriers emmurés vivants furent découverts dans la double-coque.

Après de nombreux déboires, le Great Eastern est vendu aux enchères en 1864 pour 25 000 £ (son coût de construction avait été de 1 000 000 £) à Daniel Gooch et ses associés.

Cyrus Field, un industriel américain qui s'est lancé en 1857 dans un pari gigantesque, la pose du premier câble télégraphique transatlantique entre l'Angleterre et l'Amérique du Nord décide de l'utiliser comme navire câblier et le rachète pour 50 000 £ avec l'Atlantic Telegraph Company.
Le Great Eastern est en effet le seul navire capable de transporter les 3 200 km de câble nécessaires.
En 1865, sous le commandement du capitaine Sir James Anderson, il pose le câble mais le perd dans l'Atlantique par plus de 3 000 mètres de fond au large de Terre-Neuve6.
Puis, en juillet 1866, il pose enfin un nouveau câble opérationnel, depuis l'Irlande jusqu'au Canada (Terre-Neuve) puis récupère le tronçon de câble perdu en 1865 et en achève la pose .
De 1866 à 1878, sa seconde carrière lui permet ainsi de poser près de 48 000 km de cinq autres câbles sous-marins, notamment quatre transatlantiques de Brest à Saint-Pierre-et-Miquelon, et un sous l'océan Indien d'Aden à Bombay.

Entre-temps, rééquipé par Forrester & Co. à Liverpool, il a également effectué deux traversées pour la Compagnie des Affréteurs du Great Eastern. En 1867 où une compagnie française l’armera pour transporter des visiteurs américains à l’exposition universelle de Paris. Jules Verne fait le récit de cette traversée dans son livre intitulé Une ville flottante.

Mais dans les années 1870, de nouveaux navires, spécifiquement construits pour la pose de câbles sous-marins rendent le Great Eastern obsolète. Il l'est aussi pour le transport de passagers, notamment sur l'Atlantique où toutes les grandes compagnies se sont lancées dans une course effrenée à la performance. Sa largeur l'empêche d'emprunter le canal de Suez alors mis en service.

Après une douzaine d'années passées à Milford Haven au pays de Galles, la compagnie décide donc de le vendre aux enchères.
Il est finalement acheté par Edward de Mattos en 1885 pour 26 000 £ afin de servir de gigantesque panneau publicitaire et attraction flottante.
Il sert de salle de spectacle, de cirque ou de music-hall flottant à Liverpool en 1886 mais aussi à Dublin et Greenock en 1887 (il parvient à attirer 70 000 spectateurs en un mois lors de la foire-exposition), de gymnase et d'attraction publicitaire le long de la Mersey pour les magasins Lewis's.


Ces derniers propriétaires de fait le vendent aux enchères en 1888 pour 16 000 £, un prix largement inférieur à sa valeur en métal (qui en rapporte 56 000) mais qui n'a même pas été rentable au vu des travaux de démolition.
Il est démoli à Rock Ferry, sur l'estuaire de la Mersey, près de Birkenhead par Henry Bath & Sons en 1889-1890.
La démolition a pris dix-huit mois et nécessité le travail de deux cents hommes. Un mât a été acheté par les propriétaires de l'Everton Football Club en quête d'un emblème pour leur stade d'Anfield, devenu peu après, en 1892, celui du Liverpool Football Club. Il orne toujours un des kops du stade.

À Saint-Pierre et Miquelon comme à Terre-Neuve, l’arrivée des communications via le câble transatlantique signifie un essor économique.câbles sous-marins. À Heart’s Content, par exemple, le câble emploie à son apogée, quelque 200 personnes (dans une communauté de 1500 âmes). La compagnie de câble construit des logements, une école.
Une aristocratie s’installe: on y joue au tennis et au criquet et les employés gagnent bien leur vie, surtout les femmes télégraphistes qui gagnent en général plus que les hommes à cause de leur rapidité et de l’exactitude de leur travail.

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LES ÉTABLISSEMENTS MENIER

Fabrication du caoutchouc et des câbles électriques

La fabrication du caoutchouc et de la gutta-percha dans l'usine de Grenelle datent des années 1860. De par son mariage, Émile Justin Menier accède à un environnement industriel qui ne peut qu'attirer sa curiosité et aiguiser son appétit d'extension. Le monde de la chimie est en ébullition, le caoutchouc associé à la vulcanisation démontre des propriétés encore inconnues susceptibles de créer une industrie nouvelle. La matière première ne manque pas chez les Menier : les terres américaines fournissent l'hévéa et la belle famille GÉRARD, le savoir-faire par l'intermédiaire des l'entreprise AUBERT & GÉRARD.

HISTORIQUE

En 1850, MM. Aubert et Gérard s'associent pour le commerce du caoutchouc. Peu de temps après, M. Garnier devient leur commanditaire. Puis, le 29 mars 4860, M. Garnier se retire, et MM. Aubert et Gérard continuent seuls sous la raison Alexandre Aubert et Gérard. En 1856, en dehors de ses droits dans la société française avec MM.Aubert et Gérard, M. Garnier fonde en Allemagne avec Albert et Louis Cohen, une autre société pour la fabrication du caoutchouc.
Le 22 avril 1859, une nouvelle société prend la suite de celle-ci. Elle se fonde entre MM. Albert et Louis Cohen, MM. Aubert et Gérard et M. Menier; ce dernier comme commanditaire pour 800.000 francs. Le 19 novembre 1860, un M. Vaillant, commis principal et factotum de M. Aubert, succède à M. Louis Cohen. En 1864, M. Albert Cohen est remplacé par un M. Julius Blanke. Au mois de juillet 1864, une nouvelle société prend la suite des affaires de celle créée le 22 avril 1859. Elle est formée entre MM. Julius Blauke et Vaillant, associés en nom collectif, MM. Aubert et Gérard, M. Menier, M. Anatole Gérard, madame veuve Gérard, M. Lapierre et M. Badon Pascal, commanditaires de 800,000 francs dans certaines proportions.
Enfin, dans la même année, les établissements de France et d'Allemagne sont fusionnés. Le 13 décembre, une seule société, pour leur exploitation, est formée entre Aubert et Gérard, associés en nom collectif, d'une part, M. Menier, M. Anatole Gérard et madame veuve Gérard, d'autre part, commanditaires pour 2.500.000 francs.

Telles sont donc les phases de ces deux affaires qui ont fini par réunir et confondre tous leurs éléments. Mais, en dehors des commandites, M. Menier avait, dans le cours de toutes ces mutations, rendu des services considérables à MM. Aubert et Gérard et sur leurs pressantes sollicitations. Ainsi, il débute le 26 mars 1859, par cautionner MM. Albert et Louis Cohen, jusqu'à concurrence de 375.458 francs. En 1860, il cautionne une indemnité de 400,000 francs à M. Louis Cohen. A partir de l'année 1862, M. Menier paye, tous les semestres, les termes d'une créance hypothécaire de 409,000 thalers (408,150 francs) en principal due à M. Kraun, représentant de la banque de Hanovre.

Le 30 mars 1859, il fait à MM. Albert et Louis Cohen une ouverture de crédit de 200.000 francs en acceptations payées par lui aux échéances. Le 11 décembre 1860, il rend un service de même nature pour 150.000 francs. En février 1862, un autre de même nature pour 450.000 francs. Au mois d'avril 1863, la banque de Brunswick ouvre un crédit de 500.000 francs sous le cautionnement de M. Menier. Ce crédit s'est élevé à 1.442.166 francs et a été remboursé par M. Menier. Au mois de juillet 1863, il cède à la banque de Hanovre la priorité de son rang hypothécaire sur les usines de Harbourg, et postérieurement il paye le solde de l'ouverture de crédit ouvert par cette banque.
Les 28 et 29 avril 1864, il devient acquéreur desdites usines, à la charge d'acquitter les créances hypothécaires. En outre, d'autres remises d'espèces et négociations de valeurs sont faites par M Menier à MM. Aubert et Gérard. En 1867, M Menier n'avait pu arracher de MM. Aubert et Gérard, ni comptes, ni argent ni loyers pour la fabrique même de Harbourg dont M. Menier, avait été forcé de se rendre propriétaire, loyers que MM. Aubert et Gérard s'étaient formellement engagés à payer à chaque-terme, suivant l'usage pays; il n'était dressé aucun inventaire des opérations sociales et les commanditaires n'avaient jamais été convoqués depuis la constitution de la Société.
Après avoir fait constater cette situation plus qu'anormale, il assigne MM. Aubert et Gérard, et par jugement du 26 mars 1868, le tribunal de commerce de la Seine prononce la dissolution et nomme un liquidateur. MM. Aubert et Gérard interjettent appel. M. Menier suit l'exécution provisoire, puis, le 19 janvier 1867, il intervient une convention aux termes de laquelle MM. Aubert et Gérard s'obligent à payer à M. Menier en principal, intérêts et frais toutes les sommes qu'il a versées dans les affaires précédemment citées. Par suite de cette transaction, tout l'actif reste entre leurs mains, et MM. Aubert et Gérard en abusent pour se lancer dans des affaires plus qu'aléatoires.

Le 28 février 1870, M. Menier, encore abusé sur la situation et continuant à ne rien recevoir, accepte la proposition de MM. Aubert et Gérard, consistant à soumettre à des arbitres l'apurement de leurs comptes et la solution de toutes les difficultés s'y rattachant. Maître Teulet, avocat à la Cour, Maître Cesselin, avoué près le tribunal, et M. Rousseau, expert-comptable et arbitre-rapporteur au tribunal de commerce, sont choisis pour " arbitres-amiables-compositeurs ".N'ayant pu amener une transaction, et le compromis prêt d'expirer, ces arbitres ont, le 15 février 1870, déposé leur sentence. M. Aubert a formé opposition à cette sentence le 6 décembre 1872. Et M. Gérard le 13 janvier 1873.

PROCÈS ET CONTENTIEUX

MM. Aubert et Gérard se sont associés pour faire commerce du caoutchouc en 1850. Ils étaient alors sans ressources. En 1858, lorsqu'ils se trouvent dans l'embarras, ils sollicitent M. Menier, leur ami, de leur rendre un service; il y consent et les cautionne pour une somme importante envers MM. Garnier et Clostre. M. Menier est obligé de payer les sommes cautionnées. Il continue ensuite à rendre des services à MM. Aubert et Gérard. Puis, il devient leur commanditaire. Ceux-ci abusent de son amitié et de sa confiance; ils ne cessent de le tromper à l'aide de manoeuvres frauduleuses et même de faux. Ils ont pour guide et pour instrument un homme d'affaires véreux, habile, tortueux, machiavélique, M. Leroy.

II capte M. Menier. Il est chargé pour lui de suivre un procès de chantage fort désagréable (affaire Tremplier). Il exploite ce procès avec une habileté infernale; il le complique; il l'embrouille; il empêche les transactions; il s'ingénie par tous les moyens à le faire traîner en longueur, et pendant tout ce temps, il leurre M. Menier avec l'affaire Aubert et Gérard; il le nourrit d'illusions et de mensonges, lui extorque toujours des sommes importantes; il endort sa vigilance et l'empêche d'exercer ses droits vis-à-vis de ses débiteurs et ses commandités.

MM Aubert et Gérard inspirent, excitent ces manoeuvres et ils en profitent. Ils poussent même les choses jusqu'à l'infamie : M. Leroy, conseil de M Émile Justin Menier, largement rémunéré par lui, et de plus, son obligé, avait, dans l'intimité des démêlés de famille. Il trahit ces secrets, et va, avec M. Aubert, les révéler aux adversaires de M. Menier dans le procès Tremplier, et leur remet des documents volés

Ils ont intérêt à déconsidéré l'homme dont ils serrent la main tous les jours, dont la caisse est toujours ouverte pour les obliger, mais avec lequel ils savent qu'il est impossible de n'avoir pas un jour des difficultés sérieuses. Aussi, à un moment donné, M. Menier, fatigué de donner de l'argent, demande des renseignements et des justifications sur la situation de la Société; tous les moyens dilatoires sont mis en oeuvre, et les calomnies, jusque-là occultes, souterraines, se produisent au grand jour.
M. Menier, disent-ils, agit pour s'emparer de l'affaire, parce qu'elle est prospère. MM. Aubert et Gérard ont fait sa fortune en l'aidant dans une circulation écrasante, qui les a obérés! MM. Aubert et Gérard l'ont, trompé et abusé pendant plus, de dix années. Avec des capitaux énormes, du crédit, une industrie prospère qui en d'autres mains, devait être l'instrument d'une grande fortune, ils arrivent à la ruine. Et lorsque que M.Menier s'aperçoit enfin que tout cela est dû a l'impéritie, au désordre, à l'incurie; que, sans soupçonner la fraude, on appréhende cependant une catastrophe, MM. Aubert et Gérard se jettent dans les aventures, ils jouent avec les affaires les plus scabreuses; ils gaspillent les fonds qui ne leur appartiennent pas, jusqu'à ce que, la vérité se faisant jour, ils soient, dans la nécessité d'abdiquer.

Alors, ils implorent M. Menier et ils le sollicitent en "pleurant" de les sauver du déshonneur. Mais, dès qu'ils ont recueilli les résultats de la mansuétude de M. Menier, c'est-à-dire, dès qu'ils sont parvenus à éviter la faillite avec le cortège qu'elle traînait pour eux, en raison du déficit, du désordre des écritures, des faux, des dépenses excessives, des moyens ruineux employés pour soutenir l'agonie, puis à faire payer par le gendre, les amis les plus intimes, les calomnies reprennent leur cours, et le procès commence.
En résumé, MM. Aubert et Gérard n'avaient rien; ils ont, pendant plus de dix ans, vécu avec plus de 50.000 francs par an; ils ont doté leurs enfants, acquis des propriétés; ils ont, par une série de manoeuvres frauduleuses, entraîné M. Menier à une perte de plusieurs millions, et ils se posent en victimes, ils sont spoliés.

Notes personnelles Menier 1878

Usine de Grenelle

En 1872, l'usine Menier au bord de seine près de la ligne du pont d'Alma aux Moulineaux est détruite par un incendie et reconstruite de telle manière que Julien Turgan en 1878 pouvait écrire dans son tour de France des usines françaises à la pointe du progrès, ceci : " L'usine de Grenelle est essentiellement moderne, où tout est nouveau, où tout est imprévu, intéressant, où le progrès est en quelque sorte quotidien". D'autres revues précisent que l'outillage est de fabrication Menier ; sans mot dire, on revendique pleinement l'appartenance de l'usine de Grenelle au patrimoine national. La guerre est encore présente dan bien des esprits ; il fallait éviter toute ambiguïté sur l'origine des lieux.
L'établissement livre au commerce toutes les pièces de caoutchouc nécessaires aux divers usages industriels, joints, rondelles, tuyaux d'arrosage, pour les chemins de fer, tampons de choc, rondelles de suspension, durites, etc. Mais les grandes spécialités de l'usine de Grenelle sont les courroies de transmission, la fabrication de l'ébonite, ou caoutchouc durci, et enfin les fils conducteurs de sonnerie et câbles sous-marins à partir de 1873.
La maison Menier fabrique pour la ville de Paris et en 1879 pour d'autres villes françaises les câbles pour la téléphonie souterraine.
En 1877, le câblier l'Ampère pose entre le Havre et Honfleur le premier câble de fabrication nationale sorti des Établissements Menier, d'un diamètre de 55 mm, son poids est de 10 tonnes au kilomètre il est capable de résiter sans se briser à un effort de 40 tonnes

Du câble à l'ampoule, il n'y pas grand chemin, les Menier s'intéressent également à la production d"énergie. En 1875 étaient installées 14 machines Gramme à Noisiel et à Grenelle. L'Exposition universelle de 1878 couronne Menier de deux médailles d'or pour le caoutchouc et la gutta-percha, la seconde pour les câbles électriques. A cette même exposition, l'autre grand fabricant de câbles éléctriques, Rattier, se fait remarquer En 1881, après l'Exposition d'électricité, Henri Menier reçoit la croix de la Légion d'Honneur.

La fabrique de Grenelle possède un atelier principal pour le caoutchouc ressemblant à un hall de plus de 1200 m², à mi hauteur, le long de ses murs, une galerie à jour d'environ 3 mètres de large. Une ligne de colonnes de fonte, élevée au centre dans le sens de la longueur, porte l'arbre de transmission des poulies. Un canal parallèle et médian conduit la vapeur partout où elle est nécessaire, car il est indispensable pour toutes les opérations que doit subir le caoutchouc, d'avoir à sa portée les moyens de se procurer la température voulue.

Le caoutchouc provient du Brésil, de Madagascar, des Indes, de Bornéo. Le Valle-Menier fondé au Nicaragua par Émile Justin Menier, fournit également une grande part des exportations. Le produit de l'hévéa arrive sous forme de grosses poires, celles-ci sont ouvertes et placées dans des sacs remplis d'eau chaude où elles se ramollissent de manière à faciliter les opérations ultérieures. Placées ensuite sous un laminoir formé de deux cylindres animés de vitesses inégales et arrosés d'un courant d'eau, elles sont arrachées, déchiquetées et débarrassées de toutes les matières terreuses qu'elles contiennent. Un second passage dans le déchiqueteur rend la gomme assez propre et assez ductile pour qu'elle puisse déjà, par son adhérence, former une guipure grossière.

On réitère l'opération jusqu'à ce que cette guipure soit transformée en feuille pleine à la surface rugueuse que l'on transporte dans un vaste séchoir, où elle se débarrasse complètement des eaux de lavage. C'est à ce moment que le caoutchouc, bien sec, est mélangé avec le soufre nécessaire à la vulcanisation ainsi qu'avec les différents corps qui en se mélangeant, doivent lui communiquer certaines propriétés, selon les usages auxquels on le destine. Chaque ouvrier travaille une masse de 20 Kgs et procède à son homogénéisation. Cette masse doit être parfaitement homogène dans toutes ses parties. La vulcanisation est découverte en 1842 par l'américain Gooyear et quelques temps après, par l'anglais Hancock. C'est la combinaison du soufre et du caoutchouc portés à la température de 170 degrés qui modifie profondément les propriétés du caoutchouc. Chimiquement pure, la résine de l'hévéa est blanche et solide à la température ordinaire, elle possède une grande élasticité qu'elle perd si on la refroidit à zéro degré, elle se ramollit à 50 degrés et les morceaux fraîchement coupés se soudent alors à eux-mêmes très facilement.


Fabrique de Caoutchouc Harburg-Wien Menier- JN Reithoffer

Combiné au soufre, le caoutchouc devient tenace et élastique, il ne durcit plus au froid et ne se ramollit plus à la chaleur, il conserve son élasticité jusqu'à 180 degrés sous zéro, il ne se soude pas à lui-même, il est insoluble dans tous les solvants connus, on comprend alors l'avenir d'un tel produit sur les multiples applications de la vie de tous les jours mais aussi militaires et industrielles. La vulcanisation poussée à l'excès donne l'ébonite ou caoutchouc durci. Ses qualités en font un isolant adopté presque exclusivement pour les pièces isolantes des appareils électriques.

Autre application, les courroies dont la réalisation par l'usine Menier est la grande spécialité. Vulcanisées par chaleur humide, elles conservaient des traces d'humidité rendant le produit peu stable et une durée de vie médiocre. Le procédé employé à l'usine Menier est celui de la vulcanisation par chaleur sèche ; on obtient alors des courroies parfaitement homogènes fabriquées au moyen d'une toile très solide, d'un tissu particulier que l'on enduit très fortement de caoutchouc sur les deux faces à l'aide d'une machine rotative. Caoutchouc et toile ont ainsi remplacé les traditionnelles courroies de cuir.

Pour l'Exposition universelle de 1878 Menier avait, pour le compte de MM. Geneste et Herscher, fourni toutes les courroies des appareils de ventilation de la salle des fêtes du trocadéro, disposées dans les caves en zone humide elles ne demandèrent aucune intervention particulière.

La fabrication des conducteurs et des câbles électriques est de beaucoup la partie la plus importante de l'usine de Grenelle. La fabrication en est complexe et délicate. Le fil métallique en cuivre passe dans un bain à base de résine destiné à faire adhérer la gaine de gutta-percha rendue demi fluide par la chaleur. Cette pâte est alors comprimée dans des filières de nickel d'où elle s"échappe en recouvrant le fil de cuivre qui passe exactement dans l'axe. Pour éviter toute déformation, on plonge le fil dans un bac d'eau froide et enroulé sur des tambours ou dévidoirs.


Exploitation Générale de Caoutchouc ancienne Maison Menier

C'est alors que le fil passe des mains de l'ouvrier dans celles du technicien qui le soumet aux premières épreuves électriques pour s'assurer qu'il est parfaitement isolé et qu'il ne se produit aucune déperdition de fluide dans toute sa longueur. Cette vérification toute scientifique est renouvelée jusqu'à cinq fois sur le même conducteur. Ce n'est qu'après que les conducteurs sont employés à la confection des câbles. On les enrubanne alors de trois couches protectrices de coton tanné enduites de goudron en un matelas de chanvre intermédiaire. Après chaque opération, les conducteurs sont renvoyés au laboratoire pour être soumis à de nouvelles épreuves électriques. Enfin, les faisceaux de fils sont recouverts d'une armature qui diffère suivant l'usage auquel on les destine.

Les câbles souterrains sont formés d'une enveloppe de plomb ou de fonte revêtue d'une épaisse couche de bitume afin de résister aux coups de pioche. Les câbles fluviaux et sous-marins sont recouverts d'un guipage de gros fils de fer réunis par torons de trois ou quatre fils. Pour les câbles affectés à la télégraphie aérienne, à la téléphonie et à l'éclairage électrique, l'enveloppe isolante des fils n'est plus en gutta-percha mais en caoutchouc.

Enfin, le laboratoire des essais possède une pile de 300 éléments Callaud, plusieurs galvanomètres à miroir du système W. Thomson, des condensateurs et des caisses de résistances de la plus grande précision. L'usine compte également 6 machines à vapeurs d'une force totale de 1.000 chevaux. Plus de 500 ouvriers hommes et femmes sont employés dans la manufacture qui traite en 1891 et par an 200.000 KG de caoutchouc brut

NAISSANCE DE LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DES TÉLÉPHONES

A partir des années 1890, le caoutchouc est entré dans la vie quotidienne, les entreprises doivent s'adapter aux demandes de plus en plus nombreuses et diverses, elles perfectionnent leur matériel pour proposer des produits de plus en plus attractifs. Mais cette rentabilité entraînent une surproduction des sociétés caoutchoutières de plus en plus nombreuses. Des rapprochements par fusion vont s'opérer.

Création de la société industrielle des téléphones en 1893 avec l'absorption de RATTIER située à Bezons depuis 1863, de la société générale des téléphones et de l'usine Menier de Grenelle, le capital est de 18 millions de Francs et 18 brevets, Henri Menier en est l'admnistrateur. La société possède également un câblier, le François Arago d'une valeur d'un million et demi de Francs. Pour mémoire, la société générale des téléphones était en 1880 la fusion de la Compagnie des Téléphones : Système Gower, et la Société Française des Téléphones : Système Edison.

SCANDALE

politico-financier dans lequel Gaston Menier n'est pas exempt de toute participation. Sous le titre "Les deux millions" le journal "Le Briard", le 27 juillet 1895 rapporte les faits : Gaston Menier est accusé d'avoir couvert de sa protection la candidature de Charles Prevert lors des élections sénatoriales de 1894.
Question :
"Pourquoi Gaston Menier a-t-il montré autant d'acharnement à soutenir la candidature de M.Prevert au sénat ?
Réponse : "Les deux millions" s'appuyant sur un article paru dans le journal Officiel du 1er juillet 1889, Le Briard découvre "le pot aux roses".
Charles Prevert, alors député au moment des faits, bataille à la tribune de la chambre afin que l'État fasse appel à la participation de l'usine de caoutchouc de Grenelle, propriété des Menier, pour la fabrication de câbles télégraphiques entre Marseille, Tunis, et Oran, dans le cadre d'une opération juteuse, puisque sur les cinq millions de francs de crédits demandés, deux millions de bénéfices nets sont à gagner.
Heureuses élues, la société des téléphones et la société Menier s'allient en 1893 pour l'occasion et se fondent en
"Société industrielle des téléphones".
" Veau d'or, que de bassesses, que de lâchetés, que de crimes tu fais commettre!" s'exclame la rédaction du Briard, outrée par ces arrangements Prevert-Menier.

Nouvelle fabrication pneumatique

En 1894 la présence d'un pneu de fabrication Menier est observée sur les vélodromes parisiens, le pneu possède des qualités de légèreté et de démontage remarquablement facile. La fixation sur la jante fait l'objet du brevet ci-dessous qui sera daté de 1899. Probablement une amélioration du système par l'entreprise de Wien Harburg, anciennement Menier.


Procédé de vulcanisation à plat et fixation. Les patins caoutchouc-fer MENIER

Ce patin dure cinq fois plus qu'une semelle en cuir, l'expérience qui en a été faite par de véritables marcheurs le prouve; en effet, nous avons des attestations données par ces derniers, qui ont porté pendant 10 mois la même chaussure, sans user complètement leur patin.

Société Industrielle des Téléphones
Rattier-Menier PARIS
Coupe du câble.
Au centre le "mono brin" de forte section entouré de ses 12 fils de cuivre. Protégeant l'ensemble, plusieurs couches de gutta-percha
.
 
Un conducteur central en cuivre de 2,5 mm² sous 12 conducteurs également en cuivre de 0.6 mm² torsadés. L'ensemble est isolé par de la gutta-percha et forme l'âme du câble, la partie conductrice diffusant le signal.
L'âme est protégée par une enveloppe de chanvre qui devait être imbibée de poix, de goudron, d'huile ou de suif.
 
15 Brins d'acier disposés en hélice pour la protection mécanique et servant de tenseurs
 
L'ensemble est recouvert de gutta-percha

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1898 – Installation d’une ligne téléphonique entre Saint-Pierre et l’Ile aux Chiens août 24, 2020

Samedi 25 juin 1898 – Journal Officiel des Iles Saint-Pierre et Miquelon

Ports et rades
Avis

Il a été immergé en tête de rade un câble téléphonique reliant St-Pierre à l’Ile-aux-Chiens.
Ce câble forme un angle dont le sommet est à l’Ouest du Petit St-Pierre, l’un des côtés atterrissant au Cap à l’Aigle, un peu à l’Ouest, et l’autre côté dans l’Anse à Tréhouart.
Les capitaines qui en mouillant dans ces parages viendraient à lever le câble, sont invités à se dégager en prenant toutes les précautions pour ne pas le couper.
Ligne téléphonique

– Dans quelques jours, le téléphone reliant l’île aux Chiens à Saint-Pierre sera installé .
Cette heureuse innovation a pu s’accomplir sans trop de frais, par suite de la gracieuseté de la compagnie française des câbles télégraphiques qui a fait don à l’administration d’une certaine quantité de câbles sous-marins.
Le câble a été mouillé, le 1er juin, en deça du « Petit Saint-Pierre.» Un armateur de l’île aux Chiens, M. Huet, qui en sa qualité de capitaine au long-cours connait les difficultés hydrographiques du fond, a su donner au parcours du câble une direction favorable à éviter des avaries.

Tout fait présumer que le câble est bien posé et que les accidents de rupture seront rares, surtout si les capitaines ou patrons veulent bien avoir le soin, quand leur ancre s’accrochera, de le dégager sans provoquer une cassure.
Un bureau central va être établi à l’île aux Chiens, qui sera le bureau de la poste. Ceux qui voudront avoir communication téléphonique avec Saint-Pierre et vice-versa paieront une taxe de cinquante centimes. Il a été entendu que les abonnés demeurant tant à Saint-Pierre qu’à l’île aux Chiens seront affranchis de cette taxe supplémentaire.

Gratitude. – M. le Gouverneur de la colonie a adressé à M. Betts, Directeur à St-Pierre de la compagnie française des câbles télégraphiques, la lettre suivante:

Monsieur le Directeur,
Par une communication en date du 13 juin 1897, la compagnie française des câbles télégraphiques a eu l’amabilité de céder gratuitement au Gouverneur de la colonie une longue étendue de cables sous-marins. L’administration vous remercie bien vivement de ce don, qui lui a permis d’utiliser un bout de câble servant à établir une ligue téléphonique entre St-Pierre et l’ile aux Chiens.
Je ne crois pas trop m’avancer en vous disant que la colonie vous gardera toujours un souvenir reconnaissant de la gracieuseté qui lui a été faite, alors qu’elle sait qu’il vous était loisible de faire ce cadeau à des particuliers, et que vous l’avez réservé à l’administration locale qui, d’ailleurs, en fait profiter le public.

Je vous prie d’agréer etc.
CAPERON

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2023 La carte mondiale des câbles de télécommunications sous-marins

99% du réseau internet passe par les câbles sous-marins

Des centaines de câbles de télécommunications longs de milliers de kilomètres assurent aujourd’hui les transmissions de données intercontinentales. Véritables autoroutes de l’information, ces câbles sous-marins, véhiculent environ 99% des communications mondiales et sont donc indispensables au fonctionnement d’un réseau comme Internet.
Le site Submarine Cable Map (TeleGeography) propose une carte intéressante qui offre une vue interactive de ces interconnexions :
Carte des câbles sous-marins réseau internet France
On peut y voir, notamment, que le câble sous-marin le plus proche de Villeneuve d’Ascq (où sont situés les bureaux d’Eurafibre) est celui reliant Ostende (BE) à Broadstairs (UK), il porte le nom de « Tangerine » et il est exploité par CenturyLink, une entreprise de télécommunications et fournisseur d’accès à Internet partenaire d’Eurafibre !

Le câble sous-marin en fibre optique le plus long.

Il existe plus de 420 câbles dans le monde, totalisant 1,3 million de kilomètres, soit plus de trois fois la distance de la Terre à la Lune. Le record : 39.000 kilomètres de long est pour le câble « SEA-ME-WE 3 » (pour South-East Asia – Middle East – Western Europe 3) qui interconnecte l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Europe de l’Ouest.
Sea-Me-We 3

Avec 36 nouveaux câbles, l'année 2020 fut marquée par un nombre record de déploiements.

Ces infrastructures sont aujourd'hui aussi cruciales que les gazoducs et les oléoducs. Mais sont-elles aussi bien protégées ?
Les câbles sous-marins modernes utilisent la fibre optique pour transmettre les données à la vitesse de la lumière. Or, si à proximité immédiate du rivage les câbles sont généralement renforcés, le diamètre moyen d'un câble sous-marin n'est pas beaucoup supérieur à celui d'un tuyau d'arrosage.

Depuis plusieurs années, les grandes puissances se livrent une "guerre hybride", mi-ouverte mi-secrète, pour le contrôle de ces câbles. Alors que l'Europe se concentre de plus en plus sur les menaces de cybersécurité, l'investissement dans la sécurité et la résilience des infrastructures physiques qui sous-tendent ses communications avec le monde entier ne semble pas aujourd'hui une priorité.
Or, ne pas agir ne fera que rendre ces systèmes plus vulnérables à l'espionnage et aux perturbations qui coupent les flux de données et nuisent à la sécurité du continent.
On recense en moyenne chaque année plus d'une centaine de ruptures de câbles sous-marins, généralement causées par des bateaux de pêche traînant les ancres. Il est difficile de mesurer les attaques intentionnelles, mais les mouvements de certains navires commencèrent à attirer l'attention dès 2014 : leur route suivait les câbles sous-marins de télécommunication.
Les premières attaques de l'ère moderne datent de 2017 : câbles Grande-Bretagne–USA, puis France–Etats-Unis, arrachés par les chalutiers d'une grande puissance coutumière de l'emploi de forces irrégulières lors de tensions internationales. Si ces attaques demeurent inconnues du grand public, elles n'en sont pas moins préoccupantes, et démontrent la capacité de puissances extérieures à couper l'Europe du reste du monde. On rappellera qu'en 2007, des pêcheurs vietnamiens ont coupé un câble sous-marin afin d'en récupérer les matériaux composites et de tenter de les revendre. Le Vietnam perdit ainsi près de 90% de sa connectivité avec le reste du monde pendant une période de trois semaines. Une attaque de ce type est extrêmement facile à réaliser, y compris par des acteurs non étatiques.

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