De la mise en scène de l'écoute aveugle.
De la mise en scène de lécoute aveugle
: Coraggi !Ricominciamo la lettura! de Giusy Pisano
Résumé de l'article
Le Théâtrophone, le téléphone, le phonographe
et le gramophone, reposaient sur le principe de lécoute
aveugle dont les effets dramaturgiques ont été particulièrement
exploités par la radio et le théâtre, mais aussi
le cinéma. Ici, loin des yeux, loin des corps, les sons et les
voix reproduits et transmis à travers des haut-parleurs sont
désincarnés. Le fantôme de cette écoute persiste
et ressurgit dans les mises en scène contemporaines où,
notamment, la voix est séparée du corps et les bruits
nont pas de décor. Elle est au travail dans les pièces
de Maurice Maeterlinck (Les Aveugles, L'Intruse, Intérieur, La
mort de Tintagiles), de Samuel Beckett (La dernière bande, Dis
Joe, Pas moi, Berceuse, Cendres), de Carlo Emilio Gadda (Eros et Priape,
Saint Georges chez les Brocchi), Ibsen (Un ennemi du peuple, Les Revenants,
Solness le constructeur, Quand nous nous réveillons dentre
les morts), de Jean Tardieu (Une voix sans personne), de Marguerite
Duras (LAmante anglaise, India Song, Savannah Bay) et sans doute
dans bien dautres qui mériteraient dêtre analysées
sous cet angle. Ce texte présente quelques pistes pour une archéologie
de la mise en scène de cette écoute particulière
à travers quelques dispositifs de la fin du XIX° siècle,
période cruciale, car elle recèle bon nombre dinventions
techniques.
sommaire
Quimporte en effet le silence de toute une contrée,
si jentends frémir mes passions ? Il est nuit : tout sendort
dans un profond repos.
Erreur! Nul repos nest profond, hors celui que la raison sait
établir : la nuit nous ramène nos déplaisirs, elle
ne les chasse point; elle nous fait passer dun souci à
un autre. Même quand nous dormons, nos songes sont aussi turbulents
que nos veilles. La vraie tranquilité est celle où sépanouit
une bonne conscience. Vois cet homme qui appelle le sommeil par le vaste
silence de ses appartements : pour quaucun bruit neffarouche
son oreille, toute sa légion desclaves est muette; ce nest
que sur la pointe du pied que lon ose un peu lapprocher.
Et néanmoins il se tourne en tous sens sur sa couche, cherchant
à saisir à travers ses ennuis un demi-sommeil; il nentend
rien, et se plaint davoir entendu quelque chose. Doù
penses-tu que cela provienne ? De son âme, qui lui fait du bruit
: cest elle quil faut calmer, dont il faut comprimer la
révolte; car ne crois pas que lâme soit en paix parce
que le corps demeure couché.
Sénèque (1914 : 125)
Dès la fin du XIXe siècle, le phonographe
(2), le téléphone (3), les tuyaux acoustiques (4) , le
disque (5), la radio (6) sont introduits sur la scène et sur
lécran (7), pas simplement comme des accessoires sourds
destinés à décorer des salons bourgeois. Les sons
de ces appareils, au contact avec des médias, sont adaptés
ou réinventés donnant ainsi lieu à des nouvelles
écritures scénique, écranique, radiophonique et
phonographique.
Très vite lintérêt de lécoute
acousmatique que ces appareils autorisaient, grâce à la
dissociation entre la vue et louïe, a été saisi
et mis au service des arts du spectacle : dès 1881 avec le Théâtrophone,
plus tard avec le disque de théâtre et les pièces
radiophoniques. Sur la scène, despièces font la part belle
à la mise en scène du son, quelques exemples :
Un ennemi du peuple (Ibsen, Théâtre de luvre
1893), LAffaire des poisons (Sardou, Porte St. Martin 1907), Anna
Karénine (Guiraud, Théâtre Antoine 1907), Au téléphone
(Foley/Lorde, Théâtre Antoine 1901), etc. Nul doute quen
dépit de loubli dont le son reproduit au théâtrea
fait lobjet (Mervant-Roux 2010 : (9) cest bien sur la scène
que ses possibilités dramaturgiques ont été tout
dabord expérimentées. (8) Des résistances
médiatiques, comme la si bien affirmé Jean-Marc
Larrue (2010 : 53-59; 2015 : 27-56), ont entravé les études
sur des recherches incroyables pour lépoque, revisitées
ensuite à laide des techniques sonores analogiques, voire
banalisées par celles numériques. La radio et le cinéma
se sont nourris de ces expériences scéniques. Rick Altman
nhésite pas à affirmer que pour comprendre
la diversité des pratiques sonores au cinéma, il est nécessaire
de comprendre lévolution du rôle du public dans lensemble
de lespace et de lactivité théâtrale
(2015 : 43).(9)
Le son reproduit étant par essence intermédial, circule
entre les formes; il a fait aussi, historiquement, son entrée
sur scène bien avant les images projetées. Cependant tant
que lartifice sonore demeurera caché dans les décors,
tant que le discours essentialiste prôné par Peggy Phelan
(10) ne sera pas éradiqué profondément, tant que
la mise en scène continuera à être réfléchie
quen termes de scénographie essentiellement visuelle, et
je dirais même, tant quon ne sera pas libéré
de la quête du réalisme alors quau
pays de la technique, la saisie immédiate de la réalité
comme telle est désormais une fleur bleue (Walter Benjamin
: 196), le son du théâtre (et du cinéma) continuera
à être le parent pauvre de la mise en scène et de
la pensée théorique.
Néanmoins, depuis une quinzaine dannées nous assistons
à un tournant : désormais il fait lobjet détudes
très conséquentes et de projets collectifs, tant en Europe
quen Amérique du Nord. Cest dans ce cadre que jai
eu loccasion de mener des recherches sur le Théâtrophone
et dautres dispositifs sonores. Celui-ci, ainsi que le téléphone,
le phonographe et le gramophone, reposait sur le principe dune
écoute aveugle (11) dont les effets dramaturgiques ont été
particulièrement exploités par la radio et le théâtre,
mais aussi le cinéma. Loin des yeux, loin des corps, les sons
et les voix reproduits et transmis à travers des haut-parleurs
sont désincarnés et leur lécoute, de facto,
aveugle. Le fantôme de cette écoute persiste et ressurgit
dans les mises en scène contemporaines (12) où, notamment,
la voix est séparée du corps et les bruits nont
pas de décor. Elle est au travail dans les pièces de Maurice
Maeterlinck (Les Aveugles, L'Intruse, Intérieur, La mort de Tintagiles),
de Samuel Beckett (La dernière bande, Dis Joe, Pas moi, Berceuse,
Cendres), de Carlo Emilio Gadda (Eros et Priape, Saint Georges chez
les Brocchi), Ibsen (Un ennemi du peuple, Les Revenants, Solness le
constructeur, Quand nous nous réveillons dentre les morts),
de Jean Tardieu (Une voix sans personne), de Marguerite Duras (LAmante
anglaise, India Song, Savannah Bay) et sans doute dans bien dautres
qui mériteraient dêtre analysées sous cet
angle. Ce texte présente quelques pistes pour une archéologie
de la mise en scène de cette écoute particulière
à travers quelques dispositifs de la fin du XIXe siècle,
période cruciale, car elle recèle bon nombre dinventions
dont on a peine à croire quelles sont si anciennes
.
Au commencement était le Théâtrophone
(13)
Le Théâtrophone nest ni un simple téléphone
ni un télégraphe, néanmoins il partage avec dautres
technologies de son époque le principe du son transmis à
distance permettant ainsi son éloignement de sa source démission.
Il est, en effet, le résultat dune série dexpériences
qui vont des recherches sur le télégraphe à celles
concernant lélectricité.
Pourtant, il constitue le premier véritable exemple dutilisation
de la recherche scientifique et technique en vue de la réalisation
dun dispositif voué manifestement au divertissement dun
public. Mais si le Théâtrophone mérite lattention
des historiens du théâtre, du cinéma et de la radio,
cest en raison du fait quil faisait de lécoute
aveugle lenjeu même du spectacle.
La première manifestation a eu lieu en effet, dans le cadre de
lExposition Universelle organisée à Paris en 1881,
pour laquelle Clément Ader conçoit
un système permettant la diffusion de concerts ou pièces
de théâtre joués à plus de deux kilomètres
du lieu de lExposition. Ici, les visiteurs pouvaient entendre
en direct, pendant toute la durée de lExposition, les représentations
données le soir aux théâtres de lOpéra,
de lOpéra-Comique, du Théâtre-Français.
Une gravure publiée dans un ouvrage de Théodore du Moncel
montre la disposition sur la scène de lOpéra de
24 transmetteurs microphoniques étaient rangés le long
de la rampe de la scène, 12 de chaque côté du trou
du souffleur. Ces transmetteurs sont groupés par paires, lun
étant sensiblement éloigné de lautre, pour
permettre ainsi de suivre la marche des acteurs sur la scène.
Les transmetteurs sont reliés chacun à une pile; celles-ci
étaient à leur tour raccordées aux bobines dinduction
qui, en rejoignant les fils souterrains, permettent de mettre ces transmetteurs
en communication avec le commutateur placé près de la
grande salle téléphonique du Palais de lExposition.
Ici, une vingtaine de téléphones était accrochée
autour des chambres par deux : chaque personne reçoit limpression
des deux transmetteurs distincts par lune et lautre oreille
(V.F.M. 1889), plus ou moins fort selon les déplacements sur
la scène, de la même manière que la voix dun
acteur, se trouvant à droite du souffleur, actionne le microphone
de droite plus énergiquement de celui de gauche : cest
le principe sur lequel repose la stéréophonie. Au milieu
de la salle était placée une installation téléphonique.
De ce poste, un opérateur pouvait prévenir le public du
commencement des pièces et aussi effectuer les coupures du circuit
au moment du renouvellement des auditeurs qui se pressaient aux portes
de la salle. Le succès écrit Du
Moncel de ces auditions théâtrales a été
très grand. Tous les soirs dOpéra, on faisait la
queue pour y assister, et cette vogue a continué jusquà
la fin de lExposition. Bien que des esprits chagrins aient voulu
jeter de leau sur ce succès et protester au nom de lart
contre ses reproductions musicales, presque toutes les personnes de
bonne foi ont été ravies
(T. du Moncel 1887
: 125).
Après le succès de lExposition de lÉlectricité,
on passera à la réalisation dun service public,
chargé de la distribution au domicile des abonnés et dans
des lieux publics, les auditions des principaux théâtres
parisiens. À partir de ce moment, le spectacle, accessible exclusivement
dans les salons où le procédé était installé,
sintroduit également dans la sphère du privé.
Dès 1899 un chroniqueur écrit : (
) le Théâtrophone
ne sera plus un mythe, cest-à-dire ce quil est à
présent. Maintenant ça va changer : réunis comme
des conspirateurs dans une pièce, fumant des cigarettes ou se
coupant les ongles, étendus dans des fauteuils et rêvassant,
les spectateurs pourront croire quils se sont séparés
de la scène que par une cloison! (LEst républicain
21 juin 1899 : 3).
Le théâtre à domicile est né et fonctionnera
environ jusquen 1932.
Des dispositifs semblables au Théâtrophone sont diffusés
dans les grandes villes européennes auxquelles sajoutent
les villes Outre-Atlantique, plusieurs expérimentations ponctuelles
ont lieu aux États-Unis dès 1890, et de manière
plus décisive à partir des années 1910.
Au Canada, le Montréal Gazette du 12 janvier 1911, annonce :
the Telephone Herald Company may soon establish a plant in Montréal.
Néanmoins, lexpérience la plus importante a eu lieu
à Budapest. Ici, le Telephon Hirmondó, mis au point en
1892 par Tivadar Puskás, na cessé
daugmenter le nombre dabonnés jusquaux années
1920 lorsque les exploitants obtiennent lautorisation de fonctionner
comme une radio (1925). À la fin des années 1920, le Théâtrophone
servira de modèle pour un art radiophonique : en 1929, Paul Deharme,
auteur du premier manifeste français pour un art radiophonique
écrit : Les postes démission ne sont que de
curieux et nouveaux centraux téléphoniques, les postes
de réception ne sont que des phonographes dont les disques sont
gratuits, la T.S.F. nest quun vaste théâtrophone
(1928 : 415). (14)
Vers le Théâtrophone visuel
Après les années 1930, le Théâtrophone est
oublié pendant plusieurs décennies pour refaire surface
dans la presse en tant que premier outil ou médium de retransmission
à distance dun spectacle.
En effet, depuis le 30 décembre 2006 le Metropolitan Opera de
New York renouvelle lexpérience du Théâtrophone
et de la Radio-Téléphone en proposant cette fois-ci les
voix et les images des opéras joués dans ce théâtre,
retransmis en direct et en haute définition dans les salles de
cinéma. (Kitsopanidou & Pisano 2013). En France, cest
la société CielEcran qui a lancé en 2008 MET
: live en HD devenue de nos jours Pathé Live
offrant de grands spectacles en direct à travers les opéras
du Metropolitan Opera de New-York. Depuis, ses programmes se sont multipliés
et en 2010 le Ballet du Bolchoï présente les grands classiques
(Casse-Noisette, La Belle au bois dormant, Le Lac des cygnes), ses créations
(LÂge dor, Le Clair Ruisseau, un Héros de notre
temps) et pour la saison 2016-2017 une soirée inédite
consacrée à la danse contemporaine (Soirée Contemporaine).
À cela, il faut ajouter la retransmission de pièces de
boulevard de salles parisiennes vers celles de Province, les concerts,
les matchs de football, des expositions filmées et dautres
événements culturels diffusés dans les 423 salles
du réseau Pathé Live. La saison 2016-2017
sest ouverte avec Tristan et Isolde, le 100e opéra retransmis
en direct dans les salles obscures. Pour cette saison, pour la première
fois, la Comédie-Française saffiche dans les salles
de cinéma avec trois incontournables à vivre en
direct depuis la salle Richelieu : Roméo et Juliette, Le
Misanthrope, Cyrano de Bergerac, diffusés dans plus de 1600 salles
de cinéma de plus de 60 pays.
Par ce Théâtrophone visuel, le public du théâtre
et de lopéra sest élargi dautant si
lon prend en considération les auditeurs qui suivent ces
spectacles depuis leur poste de radio (en France, Radio Musique), leur
iPod et ceux qui visionneront le DVD issu de la retransmission dont
lédition est assurée par Virgin Classics pour lopéra,
tandis que dautres exploitent les spectacles qui vont du théâtre
aux matchs de football. Cest ainsi que ce nouveau
spectacle permet de réunir artificiellement divers publics dans
un espace élargi, mais contrôlé par
le réseau satellite et de les faire assister à un ici
et ailleurs (Pisano 2012). En effet, les espaces publics/privés
se confondent entre la salle du Metropolitan de New York, celles de
Pathé live et des divers pays, les lieux doù
on écoute la radio (via internet, le téléphone
mobile, le iPod, le poste de radio classique, etc.), mais il nen
reste pas moins que le critère du live, avec toutes ses implications
culturelles, sauvegarde la valeur de performance, ce qui explique en
partie le succès de lopération. La performance
nest pas simplement technique puisque ces retransmissions ne constituent
pas une banale captation, comme jadis pour celles réalisées
par la télévision. Elles font lobjet dune
fine mise en scène réalisée à laide,
pour le moment, de 15 caméras et donc un montage en direct
, du b.a.-ba du langage cinématographique immersif (des
mouvements de caméra suggestifs, effets de profondeur, montage
dans le plan, etc. et même un retour des gros plans qui avaient
presque disparus dans le cinéma classique), dun
son dont la qualité se doit dêtre irréprochable
pour des spectacles où il joue un rôle essentiel et enfin
par la réalisation des bonus donnés à
voir et à entendre pendant lentracte, dignes des meilleurs
DVD (interviews, reportages en coulisse, etc.). Nous pouvons même
supposer que lespace scénique, les décors, les lumières,
les déplacements des personnages, la restitution sonore, sont
forcement le résultat dun compromis entre les exigences
requises pour satisfaire le spectateur de théâtre et celui
de cinéma. Par conséquent, du travail du metteur en scène
dopéra, de la pièce de théâtre, il
ne resterait que la direction de chanteurs et dacteurs. Nous voilà
donc face à une hybridation entre écoute aveugle, mise
en scène théâtrale et mise en scène cinématographique
qui donne à ce spectacle un plus que lopéra,
le théâtre, le film, lécoute radiophonique
et cybernétique, habituels. Et cest bien cette hybridation
qui fait si peur aux mélomanes des deux médias qui nont
pas hésité à manifester leurs réticences.
Néanmoins, le public est au rendez-vous, car ces spectacles ne
cessent pas de remplir les salles de cinéma.
Lécoute aveugle du Théâtrophone sest
transformée en une écoute hyper-médiatique. Lexpérience
engendrée par ce dispositif constitue un seuil fondamental dans
lhistoire du son du théâtre et de manière
plus générale pour létude de la formation
à lécoute de lactuel auditeur funambule. Sa
portée navait pas échappé ni à Marcel
Proust, subjugué par lécoute à distance permettant
dabolir labsence et de créer par là-même
un espace à part15 ni à Jules Verne, Ouida, Eça
de Queiroz, Edward Bellamy, Octave Uzanne et bien dautres qui
lui rendent hommage, directement ou métaphoriquement, dans leurs
textes. Robida avec son Téléphonoscope
préfigure même une sorte de dispositif entre le Théâtrophone
et le cinématographe (et plus tard la télévision),
grâce auquel les sons et les images sont transmis en direct dans
tous les foyers des abonnés, respectivement via le téléphone
et une plaque de cristal : Auteurs dramatiques, musiciens
des siècles écoulés! ô Molière, ô
Corneille, ô Hugo, ô Rossini! quauriez-vous dit au
rêveur qui vous eût annoncé qu'un jour cinquante
mille personnes, éparpillées sur toute la surface du globe,
pourraient de Paris, de Pékin ou de Tombouctou, suivre une de
vos uvres jouées sur un théâtre parisien,
entendre vos vers, écouter votre musique, palpiter aux péripéties
violentes et voir en même temps vos personnages marcher et agir?
(Robida 1883 : 53-57)
Ailleurs, jai avancé lhypothèse que le renversement
de léchelle de valeurs habituelles entre son et image pourrait
permettre de discerner dans lémergence des dispositifs
visuels, tels que le cinématographe et la télévision,
la réponse au désir de donner des images aux sons du Théâtrophone
(Pisano 2012 : 80-98). La littérature fantastique évoque
le Théâtrophone visuel, la presse convoque
son fantôme. Ainsi en 1928 dans Cinémagazine, on pouvait
lire que chercher à faire du cinéma parlant une
sorte de Théâtrophone auditif et visuel serait une hérésie
(Marquet 1928 : 56) et dans la même année sous la plume
de Paul Valéry :
Nos Beaux-Arts ont été institués, et leurs types
comme leur usage fixés, dans un temps bien distinct du nôtre,
par des hommes dont le pouvoir daction sur les choses était
insignifiant auprès de celui que nous possédons. Mais
létonnant accroissement de nos moyens, la souplesse et
la précision quils atteignent, les idées et les
habitudes quils introduisent nous assurent de changements prochains
et très profonds dans lantique industrie du Beau.
Il y a dans tous les arts une partie physique qui ne peut plus être
regardée ni traitée comme naguère, qui ne peut
pas être soustraite aux entreprises de la connaissance et de la
puissance modernes. Ni la matière, ni lespace, ni le temps
ne sont depuis vingt ans ce quils étaient depuis toujours.
[
].
Sans doute ce ne seront dabord que la reproduction et la transmission
des uvres qui se verront affectées. On saura transporter
ou reconstituer en tout lieu le système de sensations
ou plus exactement, le système dexcitations que
dispense en un lieu quelconque un objet ou un événement
quelconque. Les uvres acquerront une sorte dubiquité.
[
] Nous sommes encore assez loin davoir apprivoisé
à ce point les phénomènes visibles. La couleur
et le relief sont encore assez rebelles. [
]. Cela se fera. [
].
Mais quant à lunivers de louïe, les sons, les
bruits, les voix, les timbres nous appartiennent désormais. Nous
les évoquons quand et où il nous plaît. (1960 :
1283-1287)
Valéry fait-il référence
au Théâtrophone, aux disques, aux deux ? Une chose est
certaine : ce texte témoigne dun bouleversement de lécoute.
En effet, si depuis Pythagore les pouvoirs de la voix cachée
de sa source sont connus, le Théâtrophone par son écoute
médiatisée en a permis son ubiquité dans une temporalité
simultanée : de lartiste à lauditeur, le disque
prolonge cette illusion. Carolyn Marvin a souligné le passage
de la communication orale à la voix médiatisée,
elle écrit : The Telefon Hírmondó was a hybrid
of Newspaper practices, conventional modes of oral address, and telephone
capabilities that anticipated twentieth-century radio (1988 :
231), mais le Théâtrophone, comme nous venons de le constater,
est bien plus quune anticipation de la radio. Dune manière
générale, ce dispositif a contribué à la
désacralisation du concept dici et maintenant
en introduisant le principe de la médiation technique (lélectricité)
entre lartiste (voix) et le public par lequel la valeur traditionnelle
de la scène commence à perdre son importance et par conséquent
lubiquité culturellement acceptée. Aux modèles
séculaires de la voix et du savoir-faire naturels comme uniques
garants de la performance artistique, sy ajoute la performance
de la voix médiatisée et séparée du corps.
Son écoute deviendra au XXe siècle un enjeu de la mise
en scène.
Des voix sans corps, des lieux sans décor
Dans Le mythe de la coquille. Notes sur lexpression radiophonique,
rédigé en 1946, Pierre Schaeffer voit dans lécoute
de voix sans visages, de musiques sans orchestre, de pas sans
corps, de grondements sans foule, les vertus de la radio (1970
: 110-113). Nul doute, cette cécité intrinsèque
à la radio pouvait constituer la matière dun art
nouveau indépendant des arts visuels, du théâtre,
du cinéma et même de la musique. Toutefois, cest
dabord au théâtre, par le disque et le téléphone,
que ce nouveau modèle a été expérimenté.
En effet, comme le soutient Isabelle Krzywkowski le téléphone
contient un potentiel dramaturgique et dramatique certain, car il pose
des problèmes de jeu de mise en scène, de théâtralité,
voire décriture. Dans la mesure, en effet, où il
est lié à la voix, il se devait dintéresser
le théâtre; mais dans la mesure où il suppose une
voix absente, il ouvre sur une situation théâtrale paradoxale
qui obligera les auteurs à trouver des mises en forme (en scène
ou en écriture) originales (Op. cit. : 3).
Par les sons à distance du téléphone
Ce simple appareil, le téléphone, a bien eu plus quune
vie. Élément du dispositif du Théâtrophone,
il sera ensuite relégué à un simple moyen de communication
rapide, pour devenir bien plus tard un hyper-média donnant la
voie daccès pour de nouvelles activités ludiques
accessibles en ligne (Internet, la télévision, la radio,
la musique, etc.); enfin son identité médiatique devient
floue lorsquun nouveau canal daccès simpose
(VDI). Durant ces évolutions, le téléphone a croisé
dautres médias et laissé ses marques. De retour,
ces médias ont trouvé dautres possibilités
esthétiques. Ce qui témoigne, dune part, du développement
incertain des médias conçus à la fin du XIXe siècle
(cf. Carré 1991 : 27-44) et, dautre part, de la circulation
des machines à communiquer (Flichy 1991 : 11). En effet,
dès la fin du XIXe siècle le téléphone marque
sa présence dans le théâtre populaire, notamment
le vaudeville et le mélodrame. Les pièces se succèdent
: Le Téléphone dHippolyte Raimond et Paul Burami
(1882), Par téléphone de Jules Legauc (1883), Allô!
Allô! de Pierre Valdagne (1886), Un Mariage au téléphone
de Maurice Hannequin (1888), La Demoiselle du téléphone
dAntony Mars et Maurice Desvallières(1891), Le téléphone
en amour de A. Samocèdes (1898), Par téléphone
de Maurice Marsan (1902), Le Gendarme au téléphone de
Jehan dAgno (1902), Allô, cest moi Edgar! de Suzanne
Chebroux (1904) et bien dautres. Ici le téléphone
est le perfide objet à lorigine de quiproquos amoureux,
de tromperies et intrigues ou encore de situations comiques engendrées
par un objet dont la maîtrise technique fait encore défaut.
Dès 1901, deux auteurs imaginent une pièce entièrement
construite autour du téléphone. Au téléphone
de Foley et Lorde représentée pour la première
fois le 7 novembre 1901 au Théâtre Antoine, dans une mise
en scène dAntoine lui-même raconte lhistoire
dun homme, Marex, qui part en voyage daffaires. Sa femme
Martha reste à la maison avec leur petit fils Pierre et la gouvernante,
Nanette, et le téléphone pour seul moyen de communication
avec le monde extérieur. Les deux femmes, une fois toutes seules,
commencent à entendre des bruits dans le jardin, puis derrière
la porte. Suit une série dépisodes autour de ces
bruits, puis sous lemprise de la panique, Martha téléphone
à son mari tout juste arrivé chez des amis installés
à 70 kilomètres de leur maison. Plusieurs appels téléphoniques
se poursuivent montrant en alternance tantôt Martha, tantôt
Marex. Après plusieurs échanges où, incrédule,
Marex essaie de la tranquilliser, il finit par entendre en direct son
assassinat.
Celui-ci nest donc pas réalisé sur scène,
mais perçu à travers le téléphone : lassassinat
a lieu hors scène, car lespace scénique représente
de la mise en scène de l'écoute aveugle...
lespace du mari. Les archives de cette pièce conservées
à la BHVP, dont la conduite rédigée par Antoine
lui-même, montrent que toutes les indications sur les bruits sont
soulignées : les éléments sonores orchestrent les
actions, et indiquent le temps qui passe.
Cette pièce fait de lécoute aveugle tout son enjeu
esthétique et narratif. La mise en scène repose sur le
choc entre ce qui se passe sous les yeux du spectateur et ce qui échappe
à son regard, entre la scène et le hors-scène.
Dès lors, la scène sélargit, les coulisses
deviennent lieu de dialogues et dactions simultanés; elles
deviennent une scène parmi dautres qui prend vie grâce
aux bruits. Il faut en effet ajouter que toute la pièce est sous
le signe du sonore; dans les didascalies les indications sonores sont
abondantes, en voici quelques exemples :
Prêtant loreille :
la voiture est là
Le bruit de grelots qui sétait approché, cesse
sous la fenêtre
Bruits de grelots, un coup. Les chevaux secouent la tête
quand le cocher monte sur le siège. Puis les grelots séloignent
dans les couloirs du jardin. Pluie plus forte
Les grelots cessent
Vent commence doucement, pluie diminue
Pluie cesse
Rafale de vent 2 fois (A ce moment le vent souffle,
la pluie redouble)
(Vent un peu plus distinct chaque fois quon ouvre les fenêtres)
Vent cesse, on enlève sans bruit le mat découvert.
Toute la mise en scène de Au téléphone repose
sur lambiguïté des bruits que lon entend en
coulisse (dans les jardins) sans que ceux qui sont à lintérieur
de la maison et qui sont sur la scène (Martha et Nanette) ne
puissent en voir la source. Ces sons acousmatiques font parfaitement
écho à la séparation entre la parole émise
à travers ou par le biais du téléphone et
le corps qui est à son origine, la présence corporelle
nétant assurée que par lélément
sonore, qui contribue ainsi à un sentiment de présence,
à une impression de présence. Cette technique, qui sert
largement la dramatisation de laction et la création dun
sentiment dattente chez le spectateur, constituera lun des
effets que le cinéma, notamment de suspens, utilisera comme une
recette, datée depuis, mais toujours très efficace (Dussaiwoir
& Pisano 2013). Par ailleurs, pour augmenter limpression de
vérité et maintenir leffet de croyance, Antoine
pousse la précision du travail jusquà noter, dans
les relevés de mise en scène, les réponses des
personnages hors scène dans les coups de téléphone.
Il a exploité pleinement le potentiel dramaturgique et dramatique
du téléphone : celui-ci suppose un corps absent et ouvre
sur une situation théâtrale paradoxale, lambiguïté
de labsence/présence. Il permet de jouer entre le Présent
(sur scène) et lAbsent (hors scène) et, en même
temps, de présentifier lAbsent comme le suggère
cette réplique :
Téléphonez, ça nous fera de la distraction [
]
Dentendre sa voix au bout du fil là
ça sera
un peu
comme sil était au milieu de nous! [
]
Ah ! cet instrument, cest une belle invention tout de même
Vlà Monsieur à plusieurs lieues
et il va nous
causer comme sil était près de nous, dans cette
chambre! [
] Bien sûr quand jentendrai sa voix, ça
me calmera
je naurai plus peur
cest déjà
comme si Monsieur était là La présence/absence
que le téléphone autorise permet déviter
le changement dacte nécessaire au changement de décor
et en même temps de créer une continuité apparente
par le montage des divers lieux ou situations sur la même
scène ou entre la scène et la coulisse.
Le téléphone contient un potentiel dramaturgique que certains
auteurs ont su exploiter. Il peut, par exemple, permettre le traitement
de la parole en monologue, comme un effet de surprise, comme un élément
de distanciation en brisant la proximité entre spectateurs et
acteurs par lintervention dun autre lieu sur la scène.
Il peut au contraire permettre détablir une complicité
avec le spectateur, qui est le seul à pouvoir saisir lécart
entre ce qui est dit et ce qui est fait, tout comme pour un tour de
magie. Il se prête aux équivoques, aux subtilités
entre présence (sur scène) et absence (hors scène),
entre action et parole, entre corps et voix, engendrant des situations
théâtrales paradoxales qui ont vraisemblablement modifié
les mises en forme sur le plan de lécriture et de la mise
en scène. Cette présence que le téléphone
autorise est possible dans la mesure où il est plus facile
pour le son quà limage de produire un effet de présence,
car le son na pas besoin de support, comme le rappelle Marc
Boucher (2006 : en ligne). La fonction du téléphone au
cinéma a fait lobjet de plusieurs études, mais à
ma connaissance le sujet demeure encore assez peu inexploré dans
les recherches théâtrales.(16) Et pourtant, là aussi
le théâtre avant le cinéma a su saisir
entièrement les potentialités dramaturgiques de lécoute
aveugle proposée par ce simple instrument de communication à
distance. Daprès Jean Cocteau, à la fin des années
1920 le téléphone est laccessoire banal des
pièces moderne (1995 [1930] : 1093). Ce nest pas
étonnant, car dès la fin du XIXe siècle le théâtre
introduit dans sa dramaturgie et sa praxis dautres technologies
sonores que le téléphone : lécoute aveugle
par les cylindres et les disques est au travail sur scène, mais
aussi dans la mémoire sonore des artistes-auditeurs, comme la
prouvé la thèse de doctorat de Melissa Van Drie (2010)
: Théâtre et technologies sonores (1870-1910).
Une réinvention de la scène, de lécoute,
de la vision.
Par lécoute du disque et du cylindre Linvisible parlant
dans Les Aveugles et LIntruse (1891) de Maeterlinck ou encore
loeuvre dAlfred Jarry peuvent être mises en relation
avec lintroduction des technologies sonores sur la scène
ou leur présence dans limaginaire des textes théâtraux;
la pantomime prise comme modèle inversé de lespace
monogal; la voix de lécriture des poètes tels quApollinaire,
Émile Verhaeren, René Ghil, Paul Fort, etc., analysée
au travers de lintérêt que ces auteurs portent au
phonographe; lémergence de la forme du monologue, pour
laquelle la figure de Charles Cros est incontournable, avec les formes
courtes proposées par les enregistrements phonographiques de
Félix Galipaux, Maurice Feraudy, Coquelin Cadet, etc. Le jeu
même de certains acteurs Sarah Bernhardt, Cécile
Sorel, mais aussi du spécialiste du répertoire shakespearien,
Henry Irvin peut être étudié en relation
avec les mondes auditifs des années 1880-1910 et notamment avec
la question du malaise de ces voix dor face au cornet
du phonographe dont le son était considéré trop
mécanique : lacteur nest pas un simple traducteur,
un phonographe, plus ou moins exact, mais un collaborateur, un associé,
soulignait Gabriel Trarieux (Anne Penesco 2005 : 429). Antoine, lui-même
utilisait le phonographe pour mémoriser les vers en écoutant
sa propre voix enregistrée (Van Drie 2010 : 42).
En effet, entre la fin du XIXe siècle et les années 1930
deux pratiques de lutilisation du cylindre et du disque, lune
sur scène, lautre chez soi, marquent lhistoire sonore
du théâtre. Le cylindre dabord, puis le disque donnaient
à entendre les voix célèbres, aimées, imitées,
que seuls quelques initiés pouvaient aller applaudir dans les
salles de théâtre, music-hall, café-concert, etc.
Les autres la masse loreille collée au pavillon
du phonographe devaient simplement se contenter dimaginer les
mimiques et les jeux de scène de leurs chanteurs et acteurs préférés.
Les catalogues des éditeurs phonographiques proposent désormais
des enregistrements parlés : monologues ou duos le
plus souvent axés sur le comique, le grivois; déclamations
(dont les plus fameuses étaient celles de Sarah Bernhardt); comptines
pour enfants (et/ou petites formules, salutations, anniversaires
);
récitations de fables et de poèmes (en France, surtout
celles de La Fontaine) ainsi que des pièces et tragédies
complètes (Andromaque, Cyrano de Bergerac, Le Cid, Horace, Phèdre,
Imprécations dAthalie, Fureur dOreste, Monsieur de
Pourceaugnac, Le Malade imaginaire, dipe Roi, Phèdre, La
Robe, Ruy Blas, Tartuffe). Cest dans ce contexte découte
médiatique hyper-publique que le cylindre et le disque
de théâtre ont trouvé inéluctablement leur
place : dans les foyers où le cylindre dabord, puis le
disque, prolongent hors des théâtres et des music-halls
le souvenir dune pièce, dune chanson, et sur la scène
elle-même en ce qui concerne le premier, et bien souvent caché
derrière les coulisses pour le second. (cf. Pisano 2016b : 331-349;
Mervant-Roux 2016 : 349-371).
Cest également à la fin du XIXe siècle quau
savoir-faire des bruiteurs et des musiciens sajoute la maîtrise
technique des sons reproduits mécaniquement : le phonographe
joue le rôle dun personnage à part entière
et entre en dialogue avec les acteurs (par exemple dans Le Phonographe
de Paul Siraudin et Victor Bernard, Théâtre du Palais-Royal
le 13 mai 1878 et La main passe de Georges Feydeau, Théâtre
des Nouveautés le 1er mars 1904); des disques profèrent
les sons sensés provenir dun poste TSF placé dans
les décors, des bruits enregistrés évoquent des
lieux lointains ou/et remplacent foules invisibles et objets tels que
lautomobile, le téléphone, le train, etc., tandis
que la musique du gramophone est déclenchée par lun
des personnages sur scène.
La recension des disques musicaux joués dans les pièces
(Samson 2014 : 43) prouve quentre 1911 et 1945 le son live et
le son reproduit coexistent sur scène et avec des effets propres
à chacun; le bruitage par les disques - sonnette, sonnerie, cloche,
klaxon, verre brisé, détonation, pluie, aboiement, vent,
tonnerre, grelot et bien dautres - également (Barnier 2014
: 27-41).
Néanmoins, cest à partir de la fin des années
1920 avec lapparition du disque électrique supplantant
définitivement le cylindre que la mise en scène du son
se complexifie donnant les bases à des formes que lon constate
encore de nos jours. Deux historiens du son écrivent :
Comme le téléphone et la radio, le disque a dabord
joué un rôle discret dans les pièces de théâtre.
Il a créé une atmosphère; il y a souligné
un moment psychologique : le disque aimé qui se casse
est, pour le Jean de la Lune de Marcel Achard, le symbole moderne du
cur brisé. Puis il est devenu, comme un créateur
de bruits : mouvements de foule, jeux de fond, murmures évocateurs.
(Coeuroy & Clarence 1932 : 194)
Désormais, avec lappareil caché derrière
les coulisses, à labri du regard du spectateur, (17) les
annotations sonores sur les conduites de mise en scène font état
dextraits musicaux auxquels sajoute le bruitage stylisé
par le disque. Les sons traditionnels (cloche, calèche, vent,
tonnerre, grelots, sifflets, etc.) se complètent de nouveaux
sons aveugles : sonneries de téléphones, radio, bus, automobiles,
moteurs dusine, avions, vagues, pluie et surtout bruits de foule
(Mott 1993) animant des lieux sans ni corps ni décor. La conduite
de Louis Jouvet pour la mise en scène de Judith de Jean Giraudoux
(Sebald & Soret 2011 : 17-27), créée au Théâtre
Pigalle le 5 novembre 1931, constitue un parfait exemple de lyrisme
sonore, avec ses indications de musiques et des bruits minutés
pour le passage de chaque disque, lusage dun double gramophone
pour des fondus, voire des mixages. Quant à Raymond Rouleau pour
Les Races, (18) il emploie le son métallique des haut-parleurs
symbolisant la voix haineuse des nazis, tandis que les disques donnent
à entendre les murmures dune foule agitée est progressivement
privée de parole, immergée dans une musique on the
air : un continuum sonore allant dune source invisible à
une autre sinstalle, comme en témoigne Jacques Copeau :
La circulation, le mouvement et la diversité de la vie y sont
continuellement maintenus, sans que jamais lintérêt
dramatique nen soit dérangé ou étouffé.
Les bruits, les clameurs et les chants sinsèrent dans le
dialogue sans altérer laccent distinct des répliques
individuelles. (1934 : 35)
Continuum sonore, mixage, glissements entre musique et bruits : il sagit
de pratiques très proches de la mise en scène du radio-drame,
comme on le verra plus loin.
Après le Théâtrophone et le téléphone,
un nouveau seuil de lécoute aveugle est atteint avec le
disque électrique. Désormais, les bruits reproduits au
théâtre passent de la simple lillustration dun
lieu ou dune voix absents à leur organisation en relation
à lintrigue et à lespace scénique.
Que sest-il passé? Comment un simple objet technique peut-il
bouleverser ainsi la mise en scène du son? En réalité,
hors de la scène théâtrale et des salles de cinéma,
dans des studios les expérimentations radiophoniques avaient
permis, enfin, de théoriser lécoute aveugle et de
lenvisager comme à la base dun art nouveau dépassant
le théâtre, le cinéma. Avec le théâtre
radiophonique grâce à sa cécité, son
évanescence et son immatérialité, peut donc fournir
une solution valable aux enjeux auxquels le théâtre scénique
faisait face dès le début du XXe siècle. Cest
dans le théâtre poétique et le théâtre
de labsurde, qui se situent tous les deux dans une continuité
avec le surréalisme, quon discerne des développements
particulièrement adaptés à la radiodiffusion tels
que lunion des contraires, lérosion des catégories
dramatiques traditionnelles et la valorisation du langage par rapport
à la mise en scène (S. Becker 2015 : en ligne).
Lacmé de lécoute aveugle : le radio-drame
Alors, la radio serait-elle le Huitième art suivant
le Septième, le cinéma, comme le préconisait
L'Impartial Français (26) en 1924? Or, Tim Crook rappelle que
la narration par les sons reproduits du cylindre, du disque et du Théâtrophone,
précède le Cinématographe. Dès la moitié
des années 1920, le drame radiophonique a atteint son indépendance
artistique comme dimension du théâtre, avant le film(19)
et cela dans un laps de temps relativement court. En effet, dès
la fin des années 1920, avant les écrits sur la radio
de Pierre Shaeffer, bien des textes, parfois encore inédits en
France, car en langue allemande, ont débattu et théorisé
les possibilités dramaturgiques offertes par lécoute
aveugle de voix et bruits. Ainsi, la revue italienne Il Convegno où
Enzo Ferrieri publie en 1931 le Manifesto della radio come forza
creativa; larticle de Umberto Bernasconi où il présage
de lépanouissement dun art éminemment
moderne : lart radiophonique ou aveugle, comme on préfère
la définir en opposition au cinéma muet (Bernasconi
1929 : 3); louvrage Broadcasting de Hilda Matheson (1933) où
lauteure préconise de nouvelles formes décritures
pour la radio; ou encore le fameux texte La radia de Filippo Tommaso
Marinetti & Pino Masnata paru dans La Gazetta del Popolo en 1933
par lequel on affirme ce que la radio ne doit pas être (ni théâtre,
ni cinématographe, ni livre), ce quelle doit abolir (le
temps, lunité daction, le personnage théâtral,
le public entendu comme masse juge auto-élue systématiquement
hostile et servile toujours misonéiste toujours rétrograde)
et ce quelle sera libre de la tradition littéraire et artistique;
un Art nouveau qui commence où cessent le théâtre
le cinématographe et la narration; une immensification de lespace
non plus visible ni cadrable la scène devient universelle et
cosmique; captation amplification et transfiguration de vibrations émises
par les êtres vivants par les esprits vivants ou morts drames
détats dâme bruitistes sans paroles; captation
amplification et transfiguration de vibrations émises par la
matière; pur organisme de sensations radiophoniques; un art sans
temps ni espace sans hier ni demain; synthèses dactions
infinies et simultanées; art humain universel et cosmique comme
des voix avec une vraie psychologie-spiritualité des bruits de
la voix et du silence; vie caractéristique de chaque bruit et
variété infinie de concret-abstrait et réalisérêvé
au moyen dun peuple de bruits; luttes de bruits et déloignements
divers cest-à-dire le drame spatial ajouté au drame
temporel; paroles en liberté; parole isolée répétition
de verbes à linfini; art essentiel; musique gastronomique
amoureuse gymnastique, etc.; utilisation des bruits sons accords harmonies
simultanéité musicale ou bruitiste des silences tous avec
leurs gradations de durée de crescendo et de diminuendo qui deviendront
détranges pinceaux pour peindre délimiter et colorer
linfinie obscurité de La radia en donnant cubicité
circularité sphérique au fond géométrie;
utilisation des interférences entre stations et du lever et de
lévanescence des sons; délimitation et construction
géométrique du silence; utilisation des différentes
résonances dune voix ou dun son pour donner le sens
de lampleur de la pièce dans laquelle elle est exprimée;
élimination du concept ou prestige dun public qui a toujours
aussi pour le libre arbitre une influence déformante et aggravante.
(ibid. : en ligne) (20)
Ce texte résume toutes les possibilités créatives,
certes parfois utopiques, que lécoute aveugle autorise.
Privée de sa relation visuelle de cause à effet, du corps
et la matière qui produisent les sons, en effet, elle instaure
une autre relation au temps et à lespace. Sa portée
na pas échappé aux auditeurs attentifs (musiciens,
dramaturges) et à Rudolf Arnhein, lui qui était mieux
connu pour ses réflexions sur le cinéma; dès les
années 1930, consacre un livre à la radio dans lequel
il a analysé les implications esthétiques et sociales
de cette écoute aveugle. Arnhein remarque quune nouvelle
distance entre les artistes et le public est offerte par le microphone.
Une distance qui est à lorigine dun paradoxe depuis
totalement intégré par les techniques numériques
et dont les retombées sont aussi bien esthétiques que
culturelles : dune part la distance créée par linterposition
dun appareillage technique entre la voix (le corps source de lémission)
et le public/auditeur, et dautre part la proximité desprit
et dhumeur entre lémetteur et lauditeur
(1936 :95). Cest la notion despace qui est totalement bouleversée
: ces sons médiatisés sont réduits et en même
temps éclatés puisque le micro a permis de les faire circuler
et les faire parvenir jusquà des millions de foyers. Cet
espace nest plus seulement modulable par les décors, les
déplacements des acteurs, etc., mais aussi par lemplacement
des microphones, par lutilisation de leurs effets sonores (de
profondeur et de perspective avant tout), en définitive par la
prise en compte de la distance par rapport au microphone comme
moyen de création (ibid. :101). Arnhein fait du déficit
de la radio sa grande force pour une nouvelle forme artistique : le
spectateur délivré du visuel pourrait ainsi approcher
un espace sensoriel plus riche et donnant place à la réflexion
et à la pensée. Renonçant à lil,
il accède à un monde organisé par loreille;
contrairement aux arts optiques mais nous pourrions aussi ajouter
le théâtre pour lesquels lappréhension
de lespace en trois dimensions passe par la couleur, les formes,
la lumière, la perspective, etc., lart radiophonique a
un seul espace : celui qui se crée par lair.
Lorsque Arnhein écrit son texte, le radio-drame avait déjà
fait ses épreuves. Presque trente ans après la transmission
des sons à distance par le Théâtrophone, sous limpulsion
des recherches effectuées par Guglielmo Marconi et Theodor Puskàs
les premières expérimentations radiophoniques ont lieu.
Ainsi, l'ingénieur canadien Reginald Fessenden réalise
en 1906, à Brant Rock (Massachusetts), la première émission
d'un enregistrement phonographique; le 13 janvier 1910 sont transmis
via radio depuis le Metropolitan de New York deux opéras, la
Cavalleria rusticana et Pagliacci. Mais les débuts du théâtre
radiophonique (21) commencent véritablement dans les années
1920 : au Royaume-Uni, le 17 octobre 1922, celui qui deviendra un mois
plus tard lingénieur en chef de la BBC, Peter Eckersley,
transmet une courte scène de Cyrano de Bergerac dEdmond
Rostand. Un an plus tard, les ondes de CKAC diffusent la première
pièce jouée à la radio : Félix Poutré,
un classique de la littérature québécoise du dramaturge
Louis Fréchette.
Lannée 1924 semble être celle décisive puisque
trois pièces mises en ondes vont marquer lhistoire du théâtre
radiophonique. Le 15 janvier 1924, la BBC propose la première
pièce écrite et conçue pour la radio : A Comedy
of Danger. Lintrigue permet à son auteur une mise en abyme
de lécoute aveugle : suite à un accident, les personnages
sont plongés dans lobscurité dune mine de
charbon; rien ne leur est visible, comme pour les auditeurs de la pièce
radiophonique. Ainsi, la mise en scène de Richard Hughes reposait
entièrement sur des effets sonores donnant une large place aux
bruits dont labsence des sources offrait des nouvelles possibilités
dramatiques : all who heard this first attempt at building up
a really dramatic situation entirely by sound effects will admit that
it was very thrilling and opened up a wide range of possibilities,
constatait lun de ses auditeurs, Arthur Burrows, directeur des
programmes de la BBC (Burrows 1924 : 81). Le 21 octobre 1924, les auditeurs
de Radio-Paris peuvent écouter la première pièce
écrite pour la radio : Maremoto de Gabriel Germinet et Pierre
Cusy (Grizet 1986; voir aussi Méadel 1992 : 75-94 [incluant le
manuscrit de la pièce Réseaux]). La répétition
en direct est si réaliste quelle sème
la panique et engendre la décision den interdire la diffusion.
Trois jours après, Zauberei auf dem Sender (Magie sur les ondes),
le tout premier Hörspiel, est mis en ondes.
En 1929 Bertolt Brecht renouvelé lexpérience du
Théâtrophone grâce à lapport de la radio
: sa pièce Der Lindberghflug (Le Vol de Lindbergh) est retransmise
depuis le Festival de musique de chambre de Baden-Baden, dont le thème
portait sur Lart radiophonique pour les masses à
lère de la technique. (22) À la fin de la
décennie, les pièces radiophoniques se succèdent
un peu partout dans le monde et la mise en scène peut désormais
compter sur une variété de sons enregistrés et
sur des techniques permettant, en direct, des effets de continuité,
de superposition, de fondus : par lutilisation du disque électrique
préexistant que le théâtre avait déjà
expérimenté comme nous lavons auparavant remarqué;
lenregistrement sur disque instantané (23) et par le Dramatic
Control Panel (BBC 1928) qui complètent, anticipent, soulignent,
chevauchent, etc. les voix et bruits réalisés en direct
dans le studio. Ainsi, la performance sonore (24) est à la fois
manuelle et mécanique. Les Hörspiele de Walter Benjamin
(ca. 1932) (Baudouin 2009), le radioromanzo I quattro moschettieri de
Angelo Nizza e Riccardo Morbelli (1934), The War of the Worlds (La Guerre
des Mondes) mis en ondes par Orson Welles (1938), La coquille à
planètes (Pierre Schaefffer (créée en 1942 et diffusée
en 1946), La Princesse Maleine et Service des mines, pièces radiophoniques
mises en scène par Max Ophuls (respectivement 1931 et 1949) et
plus tard Une larme du diable réalisée par René
Clair (1950) sont redevables de ces nouvelles possibilités et
des vieilles recettes du théâtre. (25).
Cest néanmoins la bande magnétique qui jouera un
rôle déterminant dans les mises en scène du Spectacle
pour aveugles selon lexpression de Carlos Larronde (1936)
et ensuite de la bande-son au théâtre (et au
cinéma). Rappelons que si le magnétophone a été
imaginé en Allemagne en 1935 par la firme AEG, sa généralisation
passera, à la fin de la même décennie, dabord
par la radio où les pièces-radiophoniques expérimentent
des collages entre bruitages et musiques, des montages sonores faits
de plans sonores, effets de perspective et de fondus, puis
à la fin des années 1940 et au début 1950, par
le théâtre et le cinéma. Cest à partir
de ce moment que lexpérience de lart radiophonique
devient une force créatrice pour repenser la mise en scène
de lécoute aveugle au théâtre, car à
travers le radio-drame cest aussi la figure archaïque du
conteur qui simpose retrouvant ainsi laura de la voix du
narrateur des temps anciens si chère à Walter Benjamin
(Baudouin 2011 : 76). Or, le principe daccéder à
lespace et à la narration par une écoute médiatisée
peut sétendre au-delà de la création radiophonique.
Les sons de la radio au théâtre
De facto, dès 1954, du moins en France, Fred Kiriloff (26) propose
sa première véritable bande-son (cf. Andrieu-Guitrancourt
& Bouillon 2006 : 230-231) pour ladaptation du roman dAndré
Malraux La Condition humaine, dans une mise en scène de Marcelle
Tassencourt au Théâtre Hébertot. La désignation
décor sonore laisse place à celle de création
sonore (cf. Mervant-Roux 2009 : 82),(27) reprenant ainsi une terminologie
employée pour les créations radiophoniques. Lexemple
qui est resté vif dans les mémoires - non seulement en
raison du succès que la pièce a connu, mais aussi grâce
aux traces que lon retrouve dans les archives de la BHVP, telle
la bande magnétique elle-même est celui de Deux
sur la balançoire/Two for Seesaw.
En 1958, Luchino Visconti (26) De la mise en scène de l'écoute
aveugle... exploite les potentialités de continuum sonore de
ce nouveau support pour cette pièce de William Gibson, mise en
scène à Paris, au Théâtre des Ambassadeurs.
Le duo Visconti/Kiriloff, imagine une bande-son qui diffuse en aveugle
et en continu des morceaux de musique en alternance avec des bruits
de la ville de New York et dautres éléments sonores
: passage de voitures, klaxons, ambiance rue portuaire, cloches et carillon,
publicité radio pour le New York Times, ambiance gare, sirène
de pompier, etc. Le relevé de mise en scène analysé
par Geneviève Mathon (2015 : 101-108) en précise les entrées
et les bruits de ville peuvent alors séloigner ou séteindre.
Autrement dit, il y a alternance, plus précisément tuilage,
fondu-enchaîné.(28)
Il y a bien là une pratique théâtrale, mais qui
doit son existence aux expérimentations radiophoniques. Elle
est banalisée de nos jours par les techniques numériques,
car le théâtre est à la pointe des logiciels de
diffusion et régie, de virtualisation des sources sonores (IRCAM)
mises au service des créations sonores apparentées, désormais,
au design sonore.
Deux exemples parmi dautres : la pièce Lenz, Léonce
et Léna mise en scène par Matthias Langhoff en 2002 et
Les Aveugles dans la mise en scène de Denis Marleau (2002). Pour
le premier, cest Jean-Luc Ristord, régisseur à la
Comédie-Française et réalisateur de créations
sonores, qui explique la complexité de lappareillage technologique
nécessaire à créer un espace sonore à la
fois distant (la source étant invisible) et sensible :
nous avions installé un système de diffusion au dernier
étage, maintenant dévolu à la technique. Pour le
prologue, par exemple, où la toux du conférencier était
spécialisée. Cette toux était multipliée
électroniquement et diffusée dans les haut-parleurs placés
dans lex-poulailler. Ce système dirigé vers le plafond
de la salle utilisait celui-ci comme réflecteur. Dans la fosse
dorchestre, on avait ajouté un caisson dévolu aux
graves, pour un effet très particulier, à la fin du spectacle,
un effet de tremblement de terre, un son dont on ne localisait pas la
source, qui était ressenti plus quentendu. (2011 : 42)
En ce qui concerne le deuxième exemple, Nancy Tobin qui assure
depuis 1990 tous les projets de la compagnie Ubu, nous livre la genèse
dun décor de bruits dont la démarche rappelle irrésistiblement
celle de chasseurs de bruits des pièces radiophoniques
:
Respiration, vents, océans, oiseaux, marches, feuilles et ETOILES!
Je ne savais pas comment jallais le faire. Mais je savais que
je ne croyais pas à lefficacité dutiliser
simplement des effets sonores préenregistrés sans aucune
pensée ou concept. Il était très important pour
moi de trouver un moyen dintégrer les sons que lauteur
mentionnait. Je voulais faire cela dune manière où
il y aurait une sorte de contenu émotionnel lié à
laction de la pièce. Je cherchais une interprétation
auditive possible des sons très réalistes de la pièce.
Après plusieurs heures découte des enregistrements
deffets sonores dans une bibliothèque et laudition
de plusieurs océans différents, les vents et les oiseaux,
jai eu une idée. Je me suis rendue compte que dune
manière ou dune autre, tous ces sons avaient quelque chose
en commun bien quils soient tout à fait différents.
Ils se sont tous en commun des registres très hauts et très
bas. Je me suis rendue compte que tous les sons que Maeterlinck voulait
inclure dans sa pièce pourraient, en quelque sorte, venir dun
seul instrument. Les vents, le vent et les feuilles, locéan,
tous ces sons sont assez semblables aux extrêmes du spectre audio
humain. Encouragée par cette idée, jai décidé
de suggérer au réalisateur Denis Marleau que la texture
de chaque son pouvait être accentuée soit dans les basses
fréquences, soit dans les hautes fréquences. Non seulement
cette approche a donné une certaine homogénéité
à tous les sons, mais a également aidé à
trouver des idées pour les sons plus poétiques comme le
son de la nuit étoilée! (Jacques 2010 : 256) (29)
Nul doute que dans lune et lautre réalisation nous
sommes loin de la quête de réalisme, pas de
recherche de proximité entre les sources et les sons émis,
mais des sons sans sources, clairement artificiels et sollicitant le
spectateur, car demandant une écoute attentive, déplaçant
lil vers loreille. Ces principes peuvent être
observés dans bien dautres créations sonores faisant
partie intégrante des mises en scène de créateurs
contemporains comme Jean Bellorini, Romeo Castellucci, Heiner Goebbels,
Camille de la Guillonnière, Matthias Langhoff, Robert Lepage,
Denis Marleau, Joël Pommerat, Jean-François Peyret, Gisèle
Vienne, etc.30 Certes, elles se sont dotées de techniques numériques
qui ont démultiplié les possibilités de mise en
scène du son, néanmoins, dans les principes, elles poursuivent
les expérimentations de lart radiophonique et même
celles précédentes. Ainsi, le fantôme de lécoute
aveugle persiste et ressurgit dans les mises en scène les plus
audacieuses. Alors, faudrait-il réapprendre à réécouter
le théâtre du passé et mieux tendre loreille
aux expériences radicales actuelles? Une pièce comme Les
Aveugles de Maurice Maeterlinck dans la magistrale mise en scène
de Denis Marleau (2002) a fait lobjet à juste titre de
nombreuses analyses passionnantes, dont celle très conséquente
effectuée par Hélène Jacques dans le cadre de sa
thèse de doctorat en 2010. Or, toutes ces analyses, ne gagneraient-elles
pas à être mises en relation avec lécoute
aveugle par le phonographe, le Théâtrophone, proches du
monde auditif de Maeterlinck? Lorsque lacteur-marionnette se fait
le porte-voix, comment ne pas penser au cornet du phonographe? Maeterlinck
affirmait lui-même que Lart semble toujours un détour
et ne parle jamais face à face. On dirait lhypocrisie de
linfini. Il est le masque provisoire sous lequel nous intrigue
linconnu sans visage. Il est la substance de léternité
introduite en nous, à la suite dune distillation de linfini
(Maeterlinck 1999 : 457) et poursuit la représentation
dun chef-doeuvre à laide d'éléments
accidentels et humains est antinomique. Tout chef-duvre
est un symbole et le symbole ne supporte jamais la présence active
de lhomme (1999 : 461). Comment ne pas mettre en relation
ce désir datténuer la présence trop humaine
de lacteur avec le théâtre sans corps proposé
par le Théâtrophone? Pour prendre un autre exemple : ne
serait-il pas intéressant danalyser la pièce Merz
Opera, mise en scène par Marleau en 1987, constamment mise en
relation avec les techniques de collage du dadaïsme, des numéros
de cabaret, de music-hall, au regard des collages sonores de la radio,
clairement évoqués?
La voix sans corps du radio-drame pourrait être mise en parallèle
à lanalyse de la voix à source invisible,
souvent inaudible pour le public qui opère en même
temps une expropriation effective de la voix de lacteur
par la technologie sonore quHelga Finter remarque dans le
théâtre de Robert Wilson, de Richard Foreman, de Lee Breuer
et plus généralement du théâtre américain
de années 1970 (2013 : en ligne).
Plus tard, lapport des techniques numériques les plus avancées
de spatialisation du son et acoustique virtuelle (WFS) permettra de
créer une audibilité augmentée (Bovet
2011 : 101) et une distance des sources accrue tout en donnant lillusion
de la proximité, tel pour Mage en été, création
dOlivier Cadiot, mise en scène par Ludovic Lagarde, réalisation
sonore de David Binchidaritz, 2010. Cette surenchère technologique
nest-t-elle pas une réponse au rendez-vous manqué
par la radio? Si le fantôme de lart phonographique est si
présent sur scène cest quau théâtre
il ny a pas de proximité possible : pas de gros plans sur
les appareils, sur les visages qui écoutent ou parlent, pas de
synchronisme, mais une diffusion médiatisée par des haut-parleurs.
Lexpérience de terrain de Daniel Deshays, réalisateur
sonore pour le théâtre, la musique, le cinéma depuis
1974, et théorique (auteur de plusieurs ouvrages sur lécriture
sonore : cf. 2006 et 2010) vaut cette longue citation :
Introduits au théâtre, les sons placés sous
les images, comme on dit ces images qui assemblent corps et décors
et prétendent, hors le texte, figurer à elles seules lacte
théâtral , débordent ce qui est soumis à
la vue.
Limaginaire est à lécoute, il étend
ses territoires aux contrées les plus lointaines de la scène,
vers les espaces arrière au plateau. Cest là que
le sonore du théâtre aime se tenir, loin des yeux. Les
sources, placées en coulisses ou insérées dans
les loges et couloirs, dans les réserves et ateliers, simulent
limminente entrée en scène dévènements
prometteurs. Voilà un sonore qui se glisse clandestinement, rampant
comme un bruit de fond (
). Le son, pour trouver son espace, serait-il
contraint de se tenir aux abords de ce monde des bruits, de ce sédiment
de fond? Nest-ce par cette tenue aux abords de la lie, son lieu
de camouflage, quil peut valoriser sa distinction, révélée
dans linstant de son émergence? Tenir cette place, où
il se laisse supposer exister et où il sabîme de
nouveau : voilà le lieu actif du sonore. (
). Contrairement
au cinéma qui ne tient le plus souvent un hors synchronisme
que dans les instants dexistence démissions sonores
situées hors champ, le théâtre tient couramment,
si ce nest toujours, un rapport non synchronique avec ses constructions
sonores. Le théâtre effectue sa construction à partir
des données démontées de limaginaire. Il
se bâtit en établissant des liens, chacun est une proposition
offerte à limaginaire de chaque spectateur et de chaque
acteur assemblés dans ce lieu de partage.
Il se bâtit dans lentrecoupement, dans des évanescences
silencieuses dont les durées se révèlent à
chaque réveil du rêve induit par lécoute.
Le théâtre est un lieu dhypothèses, lhypothèse
sonore y est la plus souterraine, mais elle nen est pas moins
active. (
). Sil faut souvent sapprocher de sa source
pour enregistrer la spécificité dun bruit, si la
proximité au bruit est toujours nécessaire à son
usage, et à la jouissance toujours renouvelée de sa singularité
plastique, la confection sonore au théâtre consiste à
replacer cet objet à distance pour pouvoir lapercevoir
dans son éloignement. Les bruits, enregistrés de très
près pour quils soient sentis dans une tactilité
aguichante, doivent être éloignés pour pouvoir être
inscrits dans la scène.
Ils doivent être remis à léchelle de la scénographie
et cest cette procédure déloignement
qui constitue lune des actions décisives de la mise en
scène du sonore. Cette mise à léchelle peut
être confectionnée par réenregistrement éloigné
des bruits, diffusés sur un haut-parleur placé dans un
nouvel espace résonnant. Celui-ci va nourrir le son de proximité
avec les réverbérations propres à ce lieu. Cest
une patine acoustique de résonance qui permettra de réintégrer
ce son sur le plateau. Cette mise en bruit dans une nouvelle
acoustique constitue une mise à léchelle relativement
à la distance du regard dans lequel nous tient le théâtre.
Le théâtre est offert dans un plan densemble, dans
un éloignement nécessaire à notre distanciation
davec la crise qui sy joue et sy perpétue.
Dans cette confrontation éprouvante quest le théâtre,
les sons doivent se tenir à une même distance que le drame
pour pouvoir y agir. (2015 : 91-92. Cest moi qui souligne)
Ainsi, au théâtre tous les sons reproduits
sont à distance; les sources de bruits et voix placées
en coulisses sont loin de la vue et même celles sur scène,
mais, amplifiées, ne parviennent au spectateur quà
travers des haut-parleurs placés à distance, au mieux
près de lui ou alors cachés dans les décors pour
préserver lillusion dun tout du corps et de la voix.
Peu importe que les microphones couleur peau, pour mieux
les cacher de la vue, sans fil, soient collés au corps du comédien
(Bursten 2011 : 95) : la voix passant par un dispositif technique est
forcement indirecte et dérivée. Tant quil y a un
microphone, il y a forcément un système damplification
et diffusion et par conséquent reproduction et écoute
à distance.(31) Doù ce sentiment dexpropriation
de la voix de lacteur par la technologie sonore. Doù
les résistances théoriques évoquées en introduction
de ce texte et cela en dépit dune part de la pratique théâtrale
qui a su, comme nous lavons vu, faire de cette distance un enjeu
de la mise en scène du son et, dautre part, de lexpérience
du spectateur dont lécoute sest accoutumée
à un espace organisé par les sons reproduits du cylindre,
du Théâtrophone, du disque, du téléphone
et enfin du cinéma. Dans cette histoire de lécoute
aveugle, de léducation de loreille médiatisée,
il faut accorder une place centrale à la radio. Car, cest
bien par la radio quémerge le rêve fou
de faire dun défaut de perception une grande force pour
imaginer une nouvelle forme artistique par laquelle le spectateur -
délivré du visuel dominant - pourrait, grâce à
une séries dactions de continuité apparente
(De Ascanio 1997 : 75) avoir accès à un espace et une
temporalité interrompus. Cette illusion, cet hypnotisme auditif
et rêverie radiodiffusée (Bachelard 1949) basée
sur la dissonance entre la perception dune situation et les connaissances
du spectateur, aurait pu constituer lacmé de lécoute
aveugle.
Les débuts de la radio sont chargés de promesses et despoirs,
la suite en sera autrement. Happée par les événements
historiques et politiques de lavant, pendant et après la
Deuxième Guerre mondiale; reléguée à outil
de communication, voire propagande; bousculée par des modalités
de lattention privilégiant de plus en plus limage;
critiquée par les réfractaires du microphone; amalgamée
au sentiment de menace sonore quanime la croisade antibruit
conduite par une élite peu réceptive aux formes dexpression
mécanisées (cf. Timponi 2016 : 292-313), la radio
tentera pourtant de résister. Les recherches expérimentales
de Pierre Schaeffer et dautres ont trouvé des suites de
nos jours, les créations sonores radiophoniques subsistent, des
projets de recherche collectifs sy intéressent, des historiens
du théâtre et des médias persévèrent.
Malgré tout, la radio nincarne plus lespoir dun
Art nouveau, lutopie dun art aveugle : elle nest plus
invoquée pour répondre à lurgenza di
unArte nuova che comincia dove cessano il teatro, il cinematografo
e la narrazione.(32) Néanmoins, le désir datteindre,
les yeux fermés, des espaces organisés par loreille
persiste. Pourquoi ?
Cest que le sommeil volontaire fabrique des sons particuliers;
le sommeil a des sonneries à lui, et nous y sommes quelquefois
violemment réveillés par un bruit de timbre, parfaitement
entendu de nos oreilles, quand pourtant personne na sonné
(Proust 1999 : 1493). Sénèque a beau à résister,
dans lobscurité de la chambre magique de Marcel
Proust : on écoute et on entend. Les bruits et les voix détachés
de leur source dépassant les frontières étroites
de la chambre, donnent accès à un espace interdit ou inatteignable;
un espace donc à la fois proche et lointain. Ce monde est formé
de bruits concrets (pas, sonneries, cris, rires, voitures, vent, pluie,
tramway, horloge, etc.) stockés par la mémoire volontaire
mais qui, de surimpressions en surimpressions, finissent par se détacher
de leur source contingente, tourner le dos au réel, afin de retrouver
les sensations vécues. Par cette écoute aveugle, la relation
entre leffet sonore et la cause est brouillée, formant
ainsi un son inédit et innommable car étrangère
à nos impressions véritables (ibid. : 656). Ce désir
de mise à distance, est si profond et complexe que lusage
du masque dans le théâtre car masquer cest mieux
entendre, voir et ressentir. Les Aveugles dans la mise en scène
de Denis Marleau ne sont-ils pas des visages plongés dans le
noir, sans corps, filmés et projetés sur des masques dont
la voix enregistrée parvient au spectateur par des haut-parleurs?
Comme les personnage du radio-drame A Comedy of Danger prisonnières
dans une mine, ils sont plongés dans lobscurité
totale, le monde autour deux, lîle, ne leur parvient
que par des bruits et des sensations :
PREMIER AVEUGLE-NÉ
II tonne !
DEUXIÈME AVEUGLE-NÉ
Je crois que cest une tempête qui sélève.
LA PLUS VIEILLE AVEUGLE
Je crois que cest la mer.
TROISIÈME AVEUGLE-NÉ
La mer? -Est-ce que cest la mer? -Mais elle est à deux
pas de nous ! -Elle est à côté de nous ! Je lentends
tout autour de moi -Il faut que ce soit
autre chose !
LA JEUNE AVEUGLE
J'entends le bruit des vagues à mes pieds.
PREMIER AVEUGLE-NÉ
Je crois que cest le vent dans les feuilles mortes. (Maeterlinck
1999b : 288)
Quant au spectateur, il regarde cette écoute
aveugle et il en partage les émotions.
En 2001, sur invitation de Nicole Brenez, javais écrit
un texte dont le titre était : Au commencement était
le son : un siècle dexpérimentation sonore avant
le parlant (20). À lépoque je pensais, bien
évidemment au cinéma, mon objet détude :
cest avant davoir croisé les recherches en théâtre,
notamment celles de Jean-Marc Larrue, Marie-Madeleine Mervant-Roux et
toute léquipe des projets collectifs à laquelle
ce texte est redevable.(33) Depuis, la lettura est loin
dêtre finie.
sommaire
Notes
1. Mots que Aby Warburg prononça en italien
à la fin dune conférence proférée
à Florence : cité par Didi-Huberman (2002 : 514).
2. La pièce de théâtre de Georges Bernard
Shaw, Pygmalion (1912), nous en donne un savoureux exemple mais également
des pièces oubliées, telles : Les Deux Monsieur de Madame
(Gandera 1921), Les Vignes du seigneur (de Fleurs & de Croisset
1923), LAmant de madame Vidal (Verneuil 1928), Château en
Espagne (Guitry 1933), Trois
six
neuf (Duran 1936), dont
les relevés de mise en scène sont disponibles à
la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP).
3. Un article écrit par Isabelle Krzywkowski souligne
la présence à la fin du XIXe siècle de nombreuses
pièces répertoriées dans le fichier titres
de la Bibliothèque nationale de France où
non seulement le téléphone est un élément
de la narration mais il est jugé assez expressif pour en faire
le titre dune oeuvre. Certes, cela concerne avant tout le
théâtre de Boulevard et le théâtre comique
en général et, sous un autre registre, lexception
qui confirme la règle, La Voix humaine de Cocteau (1927). Le
téléphone au théâtre (1880-1930), Festival
La Voix au téléphone, I.N.S.A.-Lyon, 22-26 mai 2000
4. Par exemple La Maîtresse de Bridge de L. Verneuil ou
encore Ma Bru de F. Carré & P. Bilhaud (1899).
5. Voir à ce sujet : Les archives de la mise en scène
théâtrale. Hypermédialité du théâtre
(Larrue & Pisano 2014). Chapitre : Esthétique et technologie
du son où un nombre assez important des pièces citées
comportent lusage de disques.
6. Par exemple : la pièce Durand bijoutier de L. Marchand
(1928), Adam de M. Achard mise en scène par H. Bernstein en 1938;
Les Races de F. Bruckner mise en scène par R. Rouleau en 1934.
7. Rien que pour le téléphone à lécran,
citons : Are You Here? (Williamson 1901),
Terrible angoisse (Nonguer Pathé 1906), Le Médecin du
château (Pathé 1908), Heard over the Phone (Porter, Edison
1908), The Medecine Bottle (Griffith 1909), Max et son chien Dick (Linder
1912), Max au couvent (Linder 1913), The Lonely Villa (Griffith, Biograph
1911), An Unseen Enemy (Griffith, Biographe 1912), Suspence (Weber,
Smalley, Rex 1913).
8. Et non pas sur la scène du Music-Hall. Sur cette question,
je me permets de renvoyer le lectuer à mon texte : Lintroduction
du microphone dans le processus de création artistique : une
approche anthropologique des relations entre arts et technique,
The Ages of the Cinema. Criteria and Models for the Construction of
Historical Periods (L. Quaresima, L. Ester Sangalli & F. Zecca 2008).
9. Je souhaiterais signaler ce petit ouvrage : Les Bruits de
coulisses au cinéma/ S. De Serk, Patris, Charles-Mendel, 1914
qui montre à quel point les bruits du théâtre ont
été un exemple pour le cinéma.
10. Only life is in the present. Performance cannot be
saved, recorded, documented, or otherwise participate in the circulation
of representations of representations : once it does so, it becomes
something other than performance (
) To the degree that perfomance
attempts to entrer the economy of reproduction, it betrays and lessens
the promise of its owen onthology. Dans Peggy Phelan (1993 : 146).
11. Ecoute réduite, écoute souterraine,
écoute performative : malgré des approches
théoriques diverses (Pierre Schaeffer, Michel Chion, etc.), elles
reposent toutes sur lécoute dun son obligatoirement
enregistré et reproduit. Quant à l écoute
acousmatique et lécoute éveugle,
elles ont la caractérique de donner à entendre un son,
pas forcement médiatisé, dont la source, la cause, est
incontestablement cachée. Néanmoins, les premières
recurrences de lexpression écoute aveugle sont
en relation à lécoute radiophonique : dès
1924 on parle dun gigantesque théâtre pour
aveugles (LImpartial Français, n° 78, 21 juin
1924 : 13) et en 1936 R. Arnheim lui consacre un ouvrage. Par conséquence,
elle sadapte mieux à la démonstration qui est la
mienne, basée sur les sons médiatisés par des dispositifs
techniques.
12. Jean Bellorini, Romeo Castellucci, Roger Bernat, Robert Cantarella,
Riccardo Caporossi, Nina Conti, Peter Handke, Heiner Goebbels, Camille
de la Guillonnière, Joris Lacoste, Matthias Langhoff, Robert
Lepage, Liberovici, Alvin Lucier, Denis Marleau, Christophe Marthaler,
Dario Monfredini, Jean-François Peyret, Joël Pommerat, Jean-François
Peyret, Edoardo Sanguineti, Raffaello Sanzio, Gisèle Vienne,
Robert Wilson ou encore du Théâtre du Radeau et du Autoteatro
de la compagnie Rotozara, Fanny & Alexander de Luigi de Angelis,
Chiara Lagani, etc.
13. Je précise que jai étudié de manière
plus approfondie ce dispositif pour le texte The Théâtrophone,
an Anachronistic Hybrid Experiment or One of the First Immobile Traveler
Devices? (The Blackwell Companion to Early Cinema 2012).
14. Sur lart radiophonique, voir Les images sonores,
naissance du Théâtre radiophonique (Cécile
Méadel 1991, n°16 : 1-23).
15. Jai étudié la mémoire sonore dans
luvre de Proust dans À lécoute
de La Recherche du temps perdu. Bruits, sons et voix dans le roman proustien
(Classiques Garnier 2016a).
16. Je fais ici référence à lépoque
dont il est question dans ce texte : fin XIXème/1950.
Pour le théâtre contemporain voir : Drames téléphoniques/corps
fantasmés (Martinez 2014).
17. Les disques sont manipulés pour les extraits musicaux
de Amour à tous les étages de G. Wissant (créé
le 20 mars 1925 au Théâtre de Cluny); Enfin seuls dA.
Sablons (créé le 10 septembre 1925 au Théâtre
Michel); LArpète dY. Miranda (créé
le 7 septembre 1927 au Théâtre de la Scala); LAmant
de Mme Vidal de L. Verneuil (créé le 6 mars 1928 au Théâtre
de Paris); Amis comme avant dH. Jeanson; Enfin seuls dA.
Sablons (créé le 18 décembre 1929 au Théâtre
Antoine); Jean de la lune de M. Achard (créé le 16 avril
1929 à la Comédie des Champs-Élysées); etc.
Recherches sémiotiques / Semiotic Inquiry68
18. Pièce de F. Bruckner représentée pour
la première fois au Théâtre de luvre,
8 mars 1934. Fonds ART, cotes : 4-TMS-02544-1 (RES) et 4-TMS-02544-2
(RES). Martin Barnier décrit précisément les techniques
sonores employées dans Les Races au sein de son article Pratiques
du son électrique au théâtre et au cinéma,
1920-1940 (op. cit. : 37-40).
19. However, it is my belief that rather than audio drama
becomming lart huitième, the position of media nascence
should be reversed. Sound art or storytelling througt recorded and transmitted
sound was spawned before the technological gestation of film. Sound
drama achieved its artistic independence as dimension of theatre before
film (Crook 1999 : 7).
20. Je me suis permise de sélectionner les points plus
importants du texte dont la version originale, en italien, est accessible
en ligne : http://www.radiospeaker.it/ blog/manifesto-della-radia-futurismo-radio.html
(visité le 26-11-2015).
21. Il est impossible, dans le cadre de ce texte, de résumer
en quelques ligne lhistoire de la radio, la littérature
étant très abondante sur le sujet, quoique pas assez exploitée
par les historiens du théâtre et du cinéma. Ne serait-ce
que pour lhistoire des débuts de la radio en Angleterre,
lune des pionnières de la mise en scène radiophonique,
les titres sont nombreux, parmi lesquels : A. Beck, Radio Acting, (A
& C Black 1997); A. Beck, The Invisible Play BBC Radio Drama
1922-1928, University of Kent, Sound Journal, 2001; A. Briggs, The History
of Broadcasting in the United Kingdom : Volume I : The Birth of Broadcasting,
Oxford University Press, 1995; R. H. Coase, British Broadcasting : A
Study in Monopoly (1950), (Routledge 2013); J. Cape, The Power Behind
the Microphone, (Peter Pendleton Eckerslye 1941); J. Drakakis, British
Radio Drama (Cambridge University Press1981); F. Felton, The Radio-Play
: Its Techniques and Possibilities (Sylvan Press 1949); C. R. Gibson,
W. Beale Cole, Wireless of Today : Describing the Growth of Wireless
Telegraphy & Telephony from Their Inception to the Present Day,
the Principles on which They Work, the Methods by which They are Operated,
& their Most Up-to-Date Improvements, All Told in Non-Technical
Language (Seeley, Service & Co. ltd. 1924); R. J. Hand, Listen in
Terror : British Horror Radio from the Advent of Broadcasting to the
Digital Age (Oxford University Press, 1 nov. 2015); B. Hennessy &
J. Hennessy, The Emergence of Broadcasting in Britain (Southerleigh
2005); D. McWhinnie, The
Art of Radio (Faber & Faber 1959); L. Sieveking, The Stuff of Radio
(Cassell Limited 1934); V. Gielgud, British Radio Drama 1922-1956 (G.
G. Harrap & Co., Ltd. 1957); etc.
En ce qui concerne les débuts de la fiction radiophonique en
France, après les ouvrages fondateurs Théâtre radiophonique.
Mode nouveau dexpression artistique (Cusy & Germinet 1926);
Pour un art radiophonique (1928) (Deharme 1930); Panorama de la radio
(Coeuroy 1930), des ouvrages plus généraux ont suivi Histoire
générale de la radio et de la télévision
en France, (Brochand 2006); Histoire de
la radio en France (Dual 1980); Histoire de la radio : ouvrez grand
vos oreilles! (Glévarec 2011); dautres encore seront consacrés
à une période précise, tels : J. Thoveron, Les
débuts du théâtre radiophonique, Études
de radio-télévision, numéro sur La fiction,
avril 1978, n°25 : 31-40 et C. Méadel, Histoire de la radio
des années trente. Du sans-filiste à lauditeur,
(INA& Anthropos-Economica 1994). Ce dernier auteur a établi
une bibliographique sur le sujet : C. Méadel, La radio
: bibliographie critique, Vibrations, (3) n° 1 : 207-223 (1986).
Le site internet du COHIRA (Comité dHistoire de la Radiodiffusion)
et GRER, (Groupe de Recherches et dÉtudes sur la Radio)
présente des ouvrages et des activités de recherche sur
la radio en France. Enfin, je renvoie le lecteur également à
la chronologie et aux articles publiés in : http://syntone.fr/chronologie-de-la-fiction-sonore.
Pour le radio-drame en Italie, les textes qui suivent sont incontournables
: La radiofonica arte invisibile (Sacchettini 2011); Radiodramma e arte
radiofonica. Storia e funzioni 69De la mise en scène de l'écoute
aveugle... della musica per la radio in Italia (De Benedictis 2004);
Cinquantanni di teatro radiofonico in Italia 1929-1979 (Malatini
1981); Per solo voce. Il radiodramma nel Novecento italiano
(Monteleone 2001); Storia del teatro moderno e contemporaneo (Alonge
& Davico Bonino 2001 : 1175-1192); Panorama dellarte radiofonica
(Rocca 1938).
22. Pour une étude approfondie sur cette pièce
voir le très beau texte de Jeanne Bovet : Faire voir lécoute.
Le dispositif de démonstation du Vol de Lindbergh de Brecht (Baden-Baden
1929) (2014 op. cit. : 315-328).
23. Autour de 1934 (la date exacte est à trouver
..
les recherches sur ce support pourtant important sont encore assez lacunaires)
un nouveau support est imaginé : le disque à gravure directe,
disque souple servant à enregistrer un son en direct, sans devoir
passer par les phases habituelles (gravure sur le support-matrice, puis
pressage pour reproduction en série), doù lexpression
anglaise instantaneous discs. Par conséquent avant la généralisation
de la bande magnétique, ce support permettait aux stations de
radio denregistrer de manière ponctuelle des émissions
(un drame, un concert) ou encore des bruits réalisés en
studio et ensuite employés pour les besoins de mise en scène.
Il sagit dun support professionnel dont la fragilité
explique peut-être le nombre limité conservé dans
les archives sonores. Il est connu en France sous le nom de disque
Pyral, en Angleterre et aux USA on le définit comme un
acetate disc electrical transcription ou encore avec son
abréviation disc e.t.. Cest grâce à
ce support que lon peut encore entendre The War of the Worlds
mis en ondes par Orson Welles (1938).
24. Je souligne cette expression afin de préciser que
le principe de performance sapplique aussi bien aux bruiteurs
manipulant un tas dobjets quà ceux manipulant les
disques. Sur la non-opposition entre bruitage (= artisanal) et Design
sonore (= technologique), je renvoie le lecteur au très beau
texte de Katarina Rost : Design sonore contre Bruitage?
(2006 : 501-518).
25. Le film de 9 minutes produit par Chevrolet Radio Show Sound
Effects : Back of the Mike et daté de1938 constitue
une parodie assez fidèle du travail de mise en scène
sur les ondes : disques, vieilles machines théâtrales,
manipulation dobjets variés
tout est bon pour saisir
lattention dun jeune auditeur. Il est accessible sur Youtube.
26. Fred Kiriloff (1928-2012) fait ses classes dingénieur
du son à la Radio notamment avec Etienne Bierry. Il travaille
avec Raymond Rouleau, Peter Brook, Visconti, Jean Mercure, François
Maistre, Jean Le Poulain, Jean-Marie Serreau, etc. Qualifié de
magicien du son, il est un pionnier au théâtre et notamment
de lémission Au théâtre ce soir.
En 2012, peu avant sa mort, il fait don à Danielle Mathieu-Bouillon
et à lART (Association de la Régie théâtrale)
de toutes ses archives.
27. Élaborer ce quon appelle désormais
le son dun spectacle devient un vrai métier,
une compétence technique spécifique, et une dimension
importante de la mise en scène à une époque où
mettre en scène ne signifie plus seulement diriger des comédiens
mais maîtriser lensemble des éléments scéniques
à partir dun point de vue unique. Notre travail,
disait Serré, est un art daccompagnement. Cest
dune part parce que Serré, Bergel, Cacchia, Deshays, etc.
ont réinventé, de spectacle en spectacle, la relation
du visible et de laudible au théâtre, devenant ainsi
eux-mêmes des inventeurs et des artistes, mais aussi parce que
le son ne sest jamais tenu tranquille dans son statut décoratif
.
28. Quelques exemples, écrits à la main, tirés
du premier acte : Fondu-enchaîné lumière
Radio le 2e Tableau commence sur des bruits de ville (19);
du deuxièmeacte : Elle allume le poste et progressivement
les bruits de ville disparaissent BHVP. 4-TMS-03383 (RES).
29. Breathing, winds, oceans, birds, steps, leaves and
STARS ! I had no idea how I was going to go about it. But I knew that
I just did not believe in the effectiveness of simply using pre-recorded
sound effects without any thought or concept. It was very Recherches
sémiotiques / Semiotic Inquiry70 important for me to find some
way to integrate the sounds the author mentioned. I wanted to do this
in a manner where there would be some kind of emotional content related
to the action of the play. I was searching for a possible aural interpretation
of the very realistic sounds of the play. After several hours of listening
to sound effect records in a library and hearing several different oceans,
winds and birds I
had a thought. I realized that somehow all these sounds had something
in common although they are quite different. They all met in the very
high and very low registers. I realized that all the sounds Maeterlinck
wanted included in his play could somehow come from a single instrument.
Winds, wind and leaves, the ocean, all these sounds are quite similar
at the extremes of the human audio spectrum. Stimulated by this thought,
I decided to suggest to the director Denis Marleau that every sound's
texture could be emphasized either in the low frequencies or in the
high frequencies.
Not only did this approach gave a certain homogeneity to all the sounds,
but also helped to find ideas for the more poetic sounds like the starreath-night
sound!.
30. Je renvoie le lecteur à une étude récente
consacrée très précisement à c sujet : Écouter
la scène contemporaine, LAnnuaire théâtral,
SQET/Université de Montréal, nos 56-57, automne 2014-printemps
2015.
31. Il y a urgence dun art nouveau qui commence là
où finissent le théâtre, le ciné-matographe
et la narration. Dans La Radia, op. cit.
32. Au cinéma, cette distance est attenuée par
lillustion cinématographique elle-même : les corps
sont faits dombres et de lumière, de pixels la voix quon
entend est, en soi, celle dun non-corps.
33. Notamment les projets suivants : Le cinéma a
la parole : pratiques de sonorisation et de verbalisation des films
muets (CNRS, ARIAS 2002-2004, codirigé par Pisano &
Pozner); Intermédialité et spectacle vivant : les
technologies sonores et le théâtre (XIXe-XXIe siècles)
(ARIAS/CRI 2008-2011, codirigé par M.-M. Mervant-Roux & J.-M.
Larrue); La mise en scène théâtrale et les
formes sonores et visuelles : emprunts esthétiques et techniques
(UPEMLV/Université de Montréal 2011-2014, codirigé
par J.-M. Larrue & G. Pisano); ECHO [Écrire lhistoire
de loral]. Lémergence dune oralité et
dune auralité modernes. Mouvements du phonique dans limage
scénique (1950-2000) (programme ANR 2014-2017, ARIAS [puis
THALIM, équipe RIAS]/BnF/LIMSI-CNRS (dirigé par M.-M.
Mervant-Roux); Les Arts trompeurs. Machines. Magie. Médias
(Labex Arts-H2H et CRIalt, 2015-2018, codirigé par J.-M. Larrue
& G. Pisano); Le son du théâtre : mots
et concepts, glossaire multilingue raisonné (ARIAS
[puis THALIM, équipe ARIAS], dirigé par M.M. Mervant-Roux
& E. Vautrin, LabEx TransferS, CNRS/ENS/Collège de France,
2011-2018).
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