Le Téléphonoscope
Le téléphonoscope est un appareil de vision
à distance imaginaire, que l'on peut considérer comme
une anticipation de la visiophonie et de la télévision.
Le terme a été popularisé par Albert
Robida, qui le décrit dans son roman "Le Vingtième
Siècle "publié en 1883, et sa suite "Le Vingtième
Siècle : La Vie électrique" publiée en 1893.
C'est aussi le titre de la revue des amis d'Albert Robida.

« Le théâtre chez soi par le téléphonoscope
», dessin d'Albert Robida à la plume et lavis à
l'encre de Chine,
illustration de son roman Le Vingtième Siècle (1883).
Les merveilles du téléphonoscope
Extrait du livre d'Albert Robida : Le
vingtième siècle. Edition Georges Decaux, Paris 1884.
Cinquante mille spectateurs par théâtre
! L'orchestre unique. Le théâtre chez soi.
Une représentation de Faust ! Les Horaces améliorés.
Cinq actes et cinq clous.
Parmi les sublimes inventions dont les XXe siècle s'honore,
parmi les mille et une merveilles d'un siècle si fécond
en magnifiques découvertes, le téléphonoscope
peut compter pour une des plus merveilleuses, pour une de celles
qui porteront le plus haut la gloire de nos savants.
L'ancien télégraphe électrique, cette enfantine
application de l'électricité, a été
détrôné par le téléphone et
ensuite par la téléphonoscope, qui est le perfectionnement
suprême du téléphone. L'ancien télégraphe
permettait de comprendre à distance un correspondant ou
un interlocuteur, le téléphone permettait de l'entendre,
le téléphonoscope permet en même temps de
le voir. Que désirer de plus ?
Quand le téléphone fut universellement adopté,
même pour les correspondances à grande distance,
chacun s'abonna, moyennant un prix minime. Chaque maison eut son
fil ramifié avec les bureaux de section, d'arrondissement
et de région. De la sorte, pour une faible somme, on pouvait
correspondre à toute heure, à n'importe quelle distance
et sans dérangement, sans avoir à courir à
un bureau quelconque. Le bureau de section établit la communication
et tout est dit ; on cause tant que l'on veut et comme on veut.
Il y a loin, comme on voit, de là au tarif par mots de
l'ancien télégraphe.
L'invention du téléphonoscope fut accueillie avec
la plus grande faveur ; l'appareil: moyennant un supplément
de prix, fut adapté aux téléphones de toutes
les personnes qui en firent la demande. L'art dramatique trouva
dans le téléphonoscope les éléments
d'une immense prospérité ; les auditions théâtrales
téléphoniques, déjà en grande vogue,
firent fureur, dès que les auditeurs, non contents d'entendre,
purent aussi voir la pièce.
Les théâtres eurent ainsi, outre leur nombre ordinaire
de spectateurs dans la salle, une certaine quantité de
spectateurs à domicile, reliés au théâtre
par le fil du téléphonoscope. Nouvelle et importante
source de revenus. Plus de limites maintenant aux bénéfices,
plus de maximum de recettes ! Quand une pièce avait du
succès, outre les trois ou quatre mille spectateurs de
la salle, cinquante mille abonnés, parfois, suivaient les
acteurs à distance ; cinquante mille spectateurs, non seulement
de Paris, mais encore de tous les pays du monde.
Auteurs dramatiques, musiciens des siècles écoulés
! ô Molière, ô Corneille, ô Hugo, ô
Rossini ! qu'auriez-vous dit au rêveur qui vous eût
annoncé qu'un jour cinquante mille personnes, éparpillées
sur toute la surface du globe, pourraient de Paris, de Pékin
ou de Tombouctou, suivre une de vos oeuvres jouées sur
un théâtre parisien, entendre vos vers, écouter
votre musique, palpiter aux péripéties violentes
et voir en même temps vos personnages marcher et agir ?
Voilà pourtant la merveille réalisée par
l'invention du téléphonoscope. La Compagnie universelle
du téléphonoscope théâtral, fondée
en 1945, compte maintenant plus de six cent mille abonnés
répartis dans toutes les parties du monde ; c'est cette
Compagnie qui centralise les fils et paye les subventions aux
directeurs de théâtres.
L'appareil consiste en une simple plaque de cristal, encastrée
dans une cloison d'appartement, ou posée comme une glace
au-dessus d'une cheminée quelconque. L'amateur de spectacle,
sans se déranger, s'assied devant cette plaque, choisit
son théâtre, établit sa communication et tout
aussitôt la représentation commence.
Avec le téléphonoscope, le mot le dit, on voit et
l'on entend. Le dialogue et la musique sont transmis comme par
le simple téléphone ordinaire ; mais en même
temps, la scène elle-même avec son éclairage,
ses décors et ses acteurs, apparaît sur la grande
plaque de cristal avec la netteté de la vision directe
; on assiste donc réellement à la représentation
par les yeux et par l'oreille. L'illusion est complète,
absolue ; il semble que l'on écoute la pièce du
fond d'une loge de premier rang.
M. Ponto était grand amateur de théâtre. Chaque
soir après son dîner, quand il ne sortait pas, il
avait coutume de se récréer par l'audition téléphonoscopique
d'un acte ou deux d'une pièce quelconque, d'un opéra
ou d'un ballet des grands théâtres non seulement
de Paris, mais encore de Bruxelles, de Londres, de Munich ou de
Vienne, car le téléphonoscope a ceci de bon qu'il
permet de suivre complètement le mouvement théâtral
européen. On ne fait pas seulement partie d'un public restreint,
du public parisien ou bruxellois, on fait partie, tout en restant
chez soi, du grand public international !
Après dîner, comme on ne sortait pas, M. Ponto
s'étendit sans son fauteuil devant son téléphonoscope
et se demanda ce qu'il allait se faire jouer.
"Oh, papa ! surtout pas de tragédie, ou nous nous
en allons ! s'écria Barbe en allant s'asseoir à
côté de lui.
- Choisis toi-même, alors, dit M. Ponto ; tiens, voici le
programme universel que la Compagnie adresse chaque jour à
ses abonnés.
- Un peu de musique, proposa Hélène.
- C'est cela, dit M. Ponto, j'aime la musique ; elle m'endort
mieux que la simple prose ou les vers.
- Que joue-t-on à Vienne ? demanda Barnabette.
- Voyons : grand Opéra de Vienne... les Niebelungen de
Wagner.
- Ah ! mon enfant, à Vienne, c'est commencé ! l'heure
de Vienne avance de quarante-cinq minutes sur celle de Paris ;
il est donc huit heures quarante-cinq, nous n'aurons pas le commencement.
- A Berlin, alors ?
- Non, c'est commencé aussi.
- Voyons, l'Opéra de New-York, en ce cas !
- Non, il est trop tôt, ce n'est pas commencé. New-York
retarde, il nous faudrait attendre quelques heures.
- Restons à Paris, alors, dit Hélène ; que
donne-t-on à l'Opéra de Paris ?
- Faust, répondit Barbe.
- Va pour Faust ! dit M. Ponto, je ne l'ai encore entendu que
douze ou quinze cent fois... une fois de plus ou de moins !...
- Ah! dit Barbe consultant son programme, on a ajouté trois
grands ballets nouveaux et une apothéose.
- Très bien ! très bien ! dit M. Ponto ; attention,
mes enfants, je sonne. "
Et M. Ponto appuya sur le timbre de l'appareil et il prononça
ces mots dans le tube téléphonique :
"Mettez-moi en communication avec Opéra de Paris !
Un timbre lui répondit immédiatement.
"La communication est établie ! dit M. Ponto ; baissez
les lampes, nous n'avons pas besoin de lumière."
Une sorte d'éclair traversa la plaque de cristal, un
point lumineux se forma au centre, grandit avec des mouvements
vibratoires et des scintillements, puis brusquement la scène
de l'Opéra toute entière apparut avec la plus grande
netteté.
En même temps éclata
le tonnerre des cuivres de l'orchestre; les trombones, les saxophones
et les bugles, habilement perfectionnés et portés
à un très haut degré de puissance, rugirent
une phrase musicale à faire crouler un édifice moins
solidement construit que la maison Ponto.
Hélène sentit comme un grand souffle qui faisait
voltiger les cheveux, les lampes s'éteignirent tout à
fait et les faïences sur les dressoirs frissonnèrent.
"Je vais modérer un peu, dit M. Ponto en tournant
légèrement la clef du compteur ; l'orchestre nous
assourdirait".
Le tumulte musical baissa de quelques tons et les cloisons
de l'appartement cessèrent de vibrer.
Le docteur Faust en scène
venait d'évoquer le Maudit ; quand il acheva son grand
duo avec Méphistophélès, le téléphonoscope
transmit comme un écho lointain le bruit des applaudissements
de la salle.
"Ah ! on peut applaudir ? dit Barnabette
.
- Parbleu ! répondit M. Ponto ; les
spectateurs à domicile peuvent envoyer leurs applaudissements
aussi. Tenez, j'ouvre la communication avec la salle, vous pouvez
applaudir !
- Alors, fit Barbe en riant, on pourrait
aussi transmettre des sifflets en cas de besoin ?
- Ah ! mais non, fit M. Ponto, c'est défendu
! Vous comprenez que s'il était permis de transmettre des
marques d'improbation, des farceurs pourraient, du coin de leur
feu, troubler des représentations...
- Mais alors, reprit Barbe, quand une pièce
ennuie un spectateur à domicile, il n'a pas le droit de
le dire ? C'est fort désagréable, il faut refouler
ses sentiments et garder sa mauvaise impression pour soi.
- Mais non, petite sotte ; le spectateur
à domicile peut siffler tout à son aise quand une
pièce l'ennuie, mais il doit avoir soin de fermer la communication
avec la salle ; de la sorte, il satisfait sa mauvaise humeur sans
porter le désordre au théâtre ! Quand les
spectateurs de la salle...
(... ceci n'est qu'un bref extrait d'un ouvrage qui comporte plusieurs
centaines de pages et un grand nombre d'illustrations).
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L'Opéra est un des rares théâtre
qui ont conservé un orchestre particulier. Les théâtre
lyriques, on le conçoit, ne peuvent s'en passer, mais les
autres théâtres se sont entendus pour payer à
frais communs un seul orchestre établi dans un local spécial
construit selon des données scientifiques, et relié
à tous les théâtres par des fils téléphonique.
L'orchestre central joue chaque soir quatre morceaux que les fils
transmettent aux théâtres abonnés. Les théâtres
ne sont pas forcés de jouer tous à la même
heure ; par une combinaison phonographique, les morceaux sont
retenus dans les tuyaux jusqu'au moment où le souffleur
tourne le robinet placé dans le fond de sa boite.
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Dans les ouvrages de Robida : Le Vingtième Siècle
(1883), La Guerre au vingtième siècle (1883) et La Vie
électrique (1892), leur action se déroule dans les années
cinquante et soixante. Textes et illustrations dépeignent les
incidences des apports scientifiques dans le quotidien des gens. Robida
y aborde lart de la guerre et de nombreux thèmes de société
comme les transports, lalimentation, la place des femmes
Il
imagine aussi de multiples objets et techniques, et décline leurs
usages. Dans le domaine des communications, il conçoit le
téléphonoscope inspiré du téléphone
de Graham Bell. En 1876, le chercheur dorigine
écossaise brevète son invention capable de transporter
et de restituer le son sur de longues distances.
Albert Robida voit plus loin : après la diffusion du son viendra
forcément celle de limage. Perfectionnement suprême
du téléphone , le téléphonoscope est
une plaque de cristal de forme ovale rappelant les miroirs
de salon. Lappareil est mis en scène dans le roman La Vie
électrique, paru en 1892, et dont lintrigue débute
en 1955. Le Télé, abréviation habituelle
du nom de linstrument précise lauteur, sert
à la fois à dialoguer entre deux interlocuteurs et à
diffuser des contenus. Robida en décline les usages. Au fil du
roman, lappareil fait office tour à tour de visiophone,
de téléviseur, et même de poste Internet pour qui
samuse à trouver une correspondance moderne.
Avant la description du téléphonoscope par Robida en 1883,
la rumeur attribuait cette invention, sous le même nom, à
Thomas A. Edison.
En fait, Thomas Edison avait bien inventé un téléphonoscope,
mais ce nom avait fait travailler l'imagination, puisqu'il s'agissait
de ce que nous nommons aujourd'hui un mégaphone.
Dessins du
véritable téléphonoscope d'Edison.
Paru le 17 May 1878 dans "Technical Notes and Drawings" (Edison
Papers at Rutgers University, by courtesy of Swann Galleries).
George du Maurier, "Edison's Telephonoscope", Punch, 9 December
1878.
Premier dessin d'Edison 'un telephonoscope, 2 April 1878, Edison Laboratory
Notebook.

Dessins du véritable téléphonoscope d'Edison,17
May 1878 in Technical Notes and Drawings (Edison Papers at Rutgers University,
by courtesy of Swann Galleries).
Edison est bien l'inventeur d'un téléphonoscope,
qu'il présente à un de ses correspondants, Uriah Painter,
dans une lettre (perdue) du 5 mai 1878 , et que Painter propose immédiatement
de faire breveter, dans une lettre du 13 mai 1878. Mais il s'agit d'une
sorte de double cornet acoustique, permettant de transmettre des conversations
sur une distance de 1 à 2 miles.
Edison avait fait un premier dessin sur un carnet de note le 2 avril
1878. Le 10 mai, il fit des schémas en vue d'une demande de brevet.
Les dessins apparaissent dans un ensemble intitulé "Laboratory
Notebooks", réunis dans Notes and Drawings by Edison, propriété
de Swann Galleries qu'Edison aurait présenté à
l'artiste James E. Kelly en mai 1878.
Le projet de telephonoscope est cité dans le Boston Globe dès
le 24 mai 1878. Il apparaît aussi dans un ouvrage sur le phonographe
paru en 1878.
L'instrument fut ensuite connu sous le nom de mégaphone. Edison
étudiera par la suite les applications pour les mal-entendants
sous le terme d'auriphone. Divers articles sont parus
dans la presse américaine début juin 1878 sur le megaphone,
aussi appelé Edison's Ear Telescope.
En 1879, le journaliste et dramaturge Abraham Dreyfus
introduit le téléphonoscope, trois ans avant son ami Albert
Robida.
Avant Robida, le dessinateur anglais George du
Maurier propose dans Punch's Almanack for 1879 (Punch
du 9 décembre 1878) un dessin Edison's Telephonoscope,
qui est aussi un appareil de vision à distance. On y voyait un
couple, dans un salon à Londres, en visioconférence avec
leur fille jouant au tennis à Ceylan.

Dans l'Almanach for 1879 de Punch (paru le 8 décembre 1878),
George du Maurier fait écho à la rumeur selon laquelle
Edison venait de mettre au point le téléphonoscope, censé
permettre la communication visuelle à distance.
Le dessin de Du Maurier représente un couple de parents qui,
assis dans leur fauteuil, regardent leur fille jouer au tennis à
Ceylan et dialoguent avec elle. 'Notons que la jeune femme jouant au
tennis est un thème récurrant dans Punch en 1878). Comme
le père s'enquiert, en chuchotant, de la jolie compagne de sa
fille, celle-ci lui promet une présentation en fin de partie.
Voici le texte de la légende :
(Every evening, before going to bed, Pater and Materfamilias set
up an electric camera obscura over their bedroom mantel-piece, and gladden
their eyes with the sight of their Children at the Antipodes, and converse
gaily with them through the wire.)
Paterfamilias (in Willow Place): Beatrice, come closer, I want
to whisper.
Beatrice (from Ceylon): Yes, Papa dear.
Paterfamilias: Who is that charming young lady playing on Charlies
side!
Beatrice: Shes just come over from England, Papa. Ill
introduce you as soon as the games over!
Traduction :
(Tous les soirs, avant d'aller se coucher, le Père et la Mère
de famille installent une chambre noire électrique au-dessus
de la cheminée de leur chambre, se réjouissent de la vue
de leurs Enfants aux Antipodes et conversent gaiement avec eux par le
fil.)
Le Père (de Willow Place) : « Béatrice, approche,
je veux te murmurer. »
Béatrice (de Ceylan) : « Oui, mon cher Papa. »
Le Père : Qui est cette charmante jeune femme qui joue aux côtés
de Charlie !
Béatrice : « Elle arrive d'Angleterre, papa. Je te la présenterai
dès que le match sera terminé ! »
Resituer le dessin de du Maurier dans son contexte
Ivy Roberts a reconstitué, dans un très intéressant
article, le devenir de l'appareil durant le second semestre 1878. Elle
suggère le concept de «folklore technologique» pour
rendre compte des rumeurs, du ouï-dire et des commentaires des
journalistes qui ont contribué à la construction de représentations
culturelles du téléphone et de la lumière électrique.
«Edisons Telephonoscope» représente «discovery
mania» en négociant entre les prétentions exagérées
de linvention et le rejet satirique des nouvelles technologies
pour elles-mêmes. Elle encourage les historiens des médias
à nuancer la perspective présentiste, qui associe le dessin
de du Maurier à un écran de télévision ou
électronique, avec le point de vue du lecteur contemporain, qui
aurait compris la représentation non pas comme une prophétie
mais comme une spéculation et une critique. de la technologie.
Selon Roberts, "En associant le téléphone, un appareil
spéculatif, au personnage de l'inventeur américain Thomas
Edison, l'illustration de George Du Maurier fait la satire de la façon
dont chacune de ces nouvelles inventions a fait monter la barre. Il
signifie l'absurdité du progrès technologique futuriste
et insinue une attitude sceptique à l'égard de la surenchère
technologique."
Le scepticisme et les moqueries vis à vis des annonces d'Edison
semble avoir commencé lorsque The New York Daily Graphic publie
le 16 mai 1878 un article évoquant la discovery mania, article
qui sera reproduit dans de nombreux quotidiens locaux.

"The discovery mania...", The New York Daily Graphic, 16 May
1878
Le
téléphonoscope d'Edison mentionné dans The Daily
Evening Traveller, 23 May 1878
Une variante : le Telescopophone, The Sun, June 7 1878
Cet article fait suite à une annonce d'Edison, dans le Chicago
Tribune qu'il se faisait fort de mettre au point une "oreille artificielle",
affirmation implicite de sa philosophie des prothèses sensorielles.
Le journal new-yorkais en profitait pour ironiser sur la possibilité
d'un oeil artificiel (ce à quoi rêvait déjà
un journaliste du Scientific American en mai 1876 après la présentation
de l'oeil électrique au sélénium des frères
Siemens)...
A peine quinze jours après l'annonce du telephonoscope par le
Boston Globle, plusieurs journaux, dont The Sun dans l'article "Edison
Outdoing himself", le 7 juin 1878 - moquerie, simple erreur de
transcription - parlent de telescopophone. Dès le lendemain The
Sun rectifie le tir : le titre de l'article est "Edison's 'ear
telescope" et l'inventeur explique que telescopophone n'est pas
le nom de l'appareil, mais que celui-ci s'appelle megaphone. Fuite ou
coïncidence, le terme megaphone apparaissait déjà
dans une satire "A New Phone" publiée le 4 juin par
The Burlington Hawk-Eye (Iowa).
Les critiques sur le caractère peu opérationnel de l'appareil
se multiplient.
En septembre 1878, Edison présente son ampoule électrique
et ses théories sur l'intérêt de développer
l'énergie électrique, ce qui entraîne bientôt
l'electric light mania, qui se propage en Angleterre et fait la joie
des caricaturistes. Selon Roberts, le dessin de du Maurier, mais aussi
les autres dessins de l'Almanak for 1879 de Punch doivent se comprendre
dans ce contexte. Roberts avance l'idée que les lecteurs de Punch,
en voyant le dessin du telephonoscope étaient bien au courant
des déboires d'Edison avec son appareil. Le dessin de du Maurier
offre l'avantage de fournir un cadre à l'écran, à
une époque où le cinématographe n'existe pas encore.
Dès le début du 20ème siècle, le dessin
sera cité comme une anticipation de la télévision.
(Voir en particulier "Du Maurier's Cartoon in London "Punch"
34 Years ago Anticipated Edison", The Sun, New York, March 16,
1913).
Le dessin de Du Maurier va assurer le succès du terme téléphonoscope
dans le sens d'appareil de vision à distance.
"Telephonoskopikokosmos", Manchester Evening News 4 October
1879.
sommaire
L'attribution fantaisiste de l'invention du téléphonoscope
n'est qu'une illustration parmi d'autres du véritable mythe qui,
dès la fin des années 1870, entoure le "sorcier de
Menlo Park".
Wyn Wachhorstt a bien montré que ce mythe se constitue dès
les années 1877-1878, après l'invention du phonographe,
la "machine qui fait parler les morts", autour d'un certain
nombre d'anecdotes biographiques répétées à
l'envi mais aussi d'associations à des mythes pré-existants
(le magicien, Prométhée, Faust, Napoléon, le Professeur...).
L'attribution à Edison de pouvoirs surnaturels dans ses capacités
d'inventeurs est souvent illustrée par des plaisanteries telles
que celle publiée le 1er avril 1878 par le New York Daily Graphic
où on le crédite de l'invention d'une machine qui va "nourrir
la planète entière en fabriquant des biscuits, de la viande,
des légumes et du vin à partir de l'air, de l'eau ou de
la terre"...
En France, le mythe d'Edison est notamment véhiculé
par le magazine L'Illustration mais aussi par Le Figaro. Le roman L'Eve
future de Villiers de l'Isle Adam - dont la première publication
sous forme de feuilleton commence dans Le Gaulois en septembre 1880
- se présente explicitement comme un exercice sur ce mythe. Edison
y est présenté comme l'inventeur de l'andréide,
pure entité "magnéto-électrique" .
( Villiers de l'Isle-Adam, dont l'oeuvre s'inscrit dans le mouvement,
issu du romantisme, de critique du positivisme scientifique, s'était
documenté de manière assez précise sur les travaux
d'Edison avant d'écrire son roman. On ne trouve pas dans l'Eve
future de référence à un éventuel appareil
de transmission des images à distance. Pour une analyse de ce
roman, voir NOIRAY, J., Le romancier et la machine dans le roman français
(1850-1900). Tome II, Jules Verne - Villiers de l'Isle Adam, Librairie
José Corti, Paris, 1982.).
Albert Robida, directeur et principal auteur et illustrateur
du magazine "La Caricature", est un des plus imaginatifs pour
jouer du mythe.
La couverture du n°1 de cet hebdomadaire, paru le 3 janvier 1880,
croise d'ailleurs habilement le mythe d'Edison avec celui d'Emile Zola
: sous le titre "Nana-Revue" une pulpeuse Nana rousse se penche,
d'une manière assez allusive, sur un "photo-phonographe".
Dans le n°2, du 10 janvier 1880, on trouve, parmi les "Prédictions
pour l'année 1880" :

Albert ROBIDA: "Nana-Revue", La Caricature, n°1, 3 janvier
1880. "Le fidélimètre d'Edison", La Caricature,
n°25, 19 juin 1880
Le n°5 de La Caricature du 31 janvier 1880 évoque dans "Edison
for ever" l'invention de la lampe électrique.
Le n°25, du 19 juin 1880, se délecte d'une "Nouvelle
et merveilleuse invention d'Edison : le fidélimètre",
appareil permettant aux maris de mesurer à distance le degré
de fidélité de leurs épouses. Un Edison souriant,
en extension, est représenté en couverture et les cinq
lettres de son nom répétées à l'envi.
Dans le n°49, un article de Higrec, "Le téléphodore"
attribue à Edison l'invention d'un appareil permettant la transmission
à distance des odeurs .
"Le téléphodore,
La Caricacture", n°49, 4 décembre 1880
La réaction d'Edison au canular du dioscope
(décembre 1881)
La première intervention publique d'Edison est une réaction
au canular du dioscope, lancé début octobre 1881 par le
quotidien londonien Daily Telegraph et qui s'était rapidement
propagé aux Etats-Unis. Selon ce canular, le dioscope, présenté
dans le cadre du Congrès international d'électricité
de Paris, permet la transmission à domicile, par fil, de captation
de spectacle.
Le canular a probablement été inspiré
par la démonstration de télé-photographie réalisée
par l'électricien anglais Shelford Bidwell. En décembre
1881, une déclaration d'Edison sur la démonstration de
Bidwell et la rumeur du dioscope est rapportée par diverse journaux.
L'article le plus ancien que nous avons pu identifier est le "Another
Wonderful Invention" de The Courier Journal, 27 December 1881 (Louisville,
Kentucky), mais il est probable que celui-ci se base sur un article
paru dans un organe new-yorkais.
"Mr Edison, in reply to a question as what he thought of the
dioscope, said : "The ready imagination of the French has tinetured
most that has appeared in the papers regarding Mr. Bidwell's invention,
but I must admit that he has attained whatever success he claimed for
his instrument. Still, not enough is promised to justify the wild rumors
that orevail in some quarters. In turning sound into electricity you
are able to move matter, but to turn light into electricity is a very
different thing, especially as it would be necessary to transmit all
the hues of a picture or a scene of an opera. Still, it is not an unreasonable
plan, nor one impossible of accomplishment. But should it succeed, what
good would it do ? It has no commercial value, but is merely a luxury.
Until satisfied that I can do some good, I am unwilling to tackle such
a thing, but as soon as I al convinced that it can be useful, I shall
want nothing better".
L'inventeur reconnaît le succès de son
collègue britannique mais indique qu'on est loin des rumeurs
sur les capacités du dioscope, qu'il attribue à la fantaisie
des journalistes français. Selon lui, la transformation de la
lumière en électricité est beaucoup plus complexe
que celle du son. Le projet n'est cependant absurde et pourrait même
être réalisable. Cependant Edison n'en voit pas l'utilité
et la valeur commerciale et ne se penchera sur cette question que lorsqu'il
sera convaincu de son utilité.
La liste "Things doing and to be done" du
3 janvier 1888

Première page de la liste "Things doing and to be done"
d'Edison, datée du 3 janvier 1888.
Si l'on ne repère pas dans les archives Edison
de véritable dossier sur des travaux relatifs à la vision
à distance, on pourra néanmoins noter que sur sa fameuse
"things doing and to be done" du 3 janvier 1888 apparaissent
des termes qui peuvent laisser à penser que la diffusion à
distance des images ont effectivement fait partie de ses préoccupations
quelques mois avant son voyage en Europe. On trouve en effet dans la
liste des termes tels que photograph mirror, photograph relay, photograph
telephone practical, cable photograph,
Edison a commencé à travailler sur l'image
animée avec son assistant W.K.L. Dickson vers 1887 (5) En février
1888, il a reçu la visite d'Edward Muybridge et il semble que
les deux hommes aient discuté de la possibilité de combiner
le Zoopraxinoscope et le phonographe. Le 8 octobre 1888 rédige
un caveat où il annonce son projet de mettre au point un appareil
permettant la reproduction des images en mouvement, ce qu'il appelle
un kinetoscope et charge son assistant Dickson de travailler sur ce
projet.
La déclaration au Boston Journal, 12 mai 1889
: le projet de "far-sight machine"
Texte de l'article
"Edison's Latest", Boston Journal, May 12, 1889
Le 12 mai 1889, le Boston Journal publie les déclarations
d'Edison concernant ses projets pour l'Exposition universelle de 1892,
dont il était alors envisagé qu'elle se tienne à
New York, et qui en définitive aura lieu à Chicago. L'inventeur
annonce qu'il travaille sur pas moins de soixante-dix inventions différentes.
"Une des plus particulières et qui promet de grand résultats
est ce que j'appelle une machine à voir au loin (a far-sight
machine). Au moyen de celle-ci, j'espère être en mesure
d'accroître la portée de la vision par centaines de miles,
de manière telle qu'un homme à New York puisse voir les
images de ses amis à Boston avec une facilité similaire
à celle de voir une performance en scène. Ce serait une
invention valable pour une place proéminente à l'Exposition
internationale et j'espère l'avoir perfectionné bien avant
1892. Mais ce n'est pas tout. Je puis en toute tranquillité annoncer
de nombreuses améliorations aux inventions électriques,
de différentes espèces qui vont intéresser et instruire
les visiteurs de toutes les parties du monde".
Cette déclaration d'Edison, peu citée par ses biographes,
a cependant été largement reproduite ou citée par
la presse professionnelle et par la presse américaine (notamment
Electrical Review, 25 May 1899 ; Scientific American, 1st June 1889
La déclaration au Boston Journal arrive en Angleterre un mois
plus tard et suscite un certain scepticisme "Was Mr. Edison
in the Earnest ?" titre la St James Gazette (12 June 1889). "We
confess that a declaration attributed to Mr. Edison by the Electrical
Review rather tries our faith. (...) If this be acomplished the modest
request 'Yeah gods annihilate but time and space and make two lovers
happy' will not need to be repeated. By the aid of the phonograph or
the telephone and the 'long night machine' Edwin and Angelina will be
made happy at low cost" écrit The NottinghamEvening Post
(13 June 1889). "Mr Edison, who has become more deaf than ever...",
titre la Freeman's Journal, Dublin, Friday 21 June 1889. En juillet,
le magazine satirique britannique publie des dessins sur la "far
sight" machine" du Profesor Goaheadison qui permet de voir
entre "Schicago and Borston".
Les coupures de presse dans le scrapbook tenu par son assistant Bachelor
confirment l'intérêt de l'inventeur pour la vision à
distance.
La déclaration d'Edison sur le téléphote à
Paris en juillet 1889

"Conversations for the Times. Professor Goadheadison's Latest",
Fun, 3 July 1889
En France, le mythe d'Edison atteint son apogée
à l'occasion de la visite que fait l'inventeur à l'occasion
à l'Exposition universelle de 1889.
Edison visite l'Exposition universelle de Paris en août 1889 et
son guide n'est autre qu'Etienne Marey, qui lui fait visiter l'Exposition
française de photographie (où exposent entre autres Nadar
et les frères Lumière) et lui montre les résultats
qu'il avait obtenu avec son chronophotographe.
Avant l'arrivée d'Edison, Le Figaro et l'édition
parisienne du New York Herald rendent compte, le 23 juillet, d'un pli
qui aurait déposé à l'Académie des sciences
par un inventeur français, M. Courtonne, présentant les
principes d'un téléphote concurrent de celui d'Edison.
Cette information sera largement reprise dans la presse française
et états-unienne, sans qu'il soit possible d'identifier avec
précision ce M. Courtonne.
Une rumeur circule, dès avant l'arrivée
d'Edison à Paris selon laquelle il arrivait "avec le téléphote
dans la poche". Dans l'article "Sa Majesté Edison",
dans le Figaro du 8 août 1889, dans lequel il compare l'inventeur
à Zeus, Georges Robert écrit : "Edison a inventé
le téléphone, le phonographe, une lumière qui détrône
cette vielle lune cassée qui promène depuis des siècles
ses morceaux sur nos têtes. Il invente le téléphote.
Il fait tout pour nos. Ne faisons nous rien pour lui ?" Le
journaliste paraît bien informé : "Il travaille à
une talking doll, poupée qui parlera pendant une heure. Il vient
d'achever son séparateur de minerai de fer et il espère
inventer un bateau volant. Il ferait au dedans le vide par la compression
de l'air, qui actionnerait deux ailes. Enfin, il s'occupe du téléphote,
qui, justement retarde son arrivée parmi nous".
Lors de son arrivée au Havre, le 11 août,
Gaston Calmette observe l'enthousiasme du public : "Tous impatients
de saluer enfin Edison, le grand chercheur auquel la science moderne
doit ses progrès les plus surprenants, Edison qui n'est jamais
venu sur le continent européen et qui, chaque année, jette
sur ce vieux monde qui ne le connaît pas quelques-unes de ses
découvertes sublimes : hier, la lampe électrique incandescente
et le téléphone, aujourd'hui, le microphone et le phonographe;
demain peut-être, le téléphote, cet instrument merveilleux
au moyen duquel on pourra voir à dix mille lieues la personne
qui vous parlera !" Calmette rapporte même un entretien avec
le Dieu : "Quand on l'interroge sur le téléphote,
il répond que ses travaux sont en excellente voie et qu'avant
un an il en fera connaître les résultats. En attendant,
il va créer une Société des phonographes analogue
à la Société des téléphones"
(Le Figaro, 12 août 1889).
"G. Calmette, "Edison en France", Le Figaro, 12 août
1889.
Le 13 août, l'édition parisienne du New York Herald rapporte
un entretien que son journaliste a obtenu avec Edisoon dans son appartement
de l'Hotel du Rhin. Sous le sous-titre "A Seeing Machine", une
des questions porte explicitement sur la possible invention par Edison
d'"une machine à l'aide de laquelle un homme à New
York pourrait voir ce que faisait sa femme à Paris", comme
une sorte de reprise du fidélimètre de Robida. Edison répond
en riant : "Je ne sais pas si ce serait un réel bienfait pour
l'humanité. Les femmes protesteraient." Mais Edison confirme
qu'il travaille sur la question et que ce sera sa priorité en rentrant
aux Etats-Unis : "Cette invention-là serait utile et pratique
et je ne vois pas pourquoi elle ne deviendrait pas bientôt une réalité,
et une des premières choses que je ferai en rentrant en Amérique
sera d'établir cet appareil entre mon laboratoire et mes ateliers
de téléphone." De manière étonnante (car
on ne trouve pas de trace ailleurs de cela), il affirme avoir déjà
obtenu "des résultats satisfaisants en reproduisant des images
sur cette distance, qui est seulement d'un millier de pieds". Et
de manière tout aussi étonnante, il affirme qu'il serait
ridicule de parler de la possibilité de se voir de New York à
Paris, ce que la rotondité de la terre empêcherait de faire
!
Le 16 août, Le Figaro rend compte de cette conversation.
"Une conversation
avec Edison" (extrait), Le Figaro, 16 août 1889
The Brooklyn Citizen, en date du 7 octobre 1889, sous
le titre "Edison's Talk" fait référence à
l'entretien de Paris, et évoque, avec un certain scepticisme
son annonce de l'importance de son entreprise au pavillon américain
de l'Exposition universelle. "Au sujet d'autres propositions, nous
ne sommes pas aussi sûrs. Il adore titiller ses auditeurs avec
des déclarations extraordinaires, mais tellement extraordinaires
sont les choses qu'il a faites qu'on n'est sage à ne pas se prononcer
trop avant entre faits et plaisanteries. Il confie qu'il est en train
de travailler sur un instrument qui transportera sur la distance l'apparence
aussi bien que la voix d'une personne qui parle, ou, en d'autres mots
qui soumettra la photographie à la transmission électrique
de manière telle qu'on puisse voir aussi bien qu'entendre son
propre correspondant à des milliers de miles de distance. Pour
surprenante que soit cette proposition, elle ne l'est guère plus
que le phonographe ou le téléphone. De fait, cette proposition
serait seulement une modification du téléphone. Celui-ci
enregistre les variations des impulsions de l'air, ce qui produit sur
l'esprit, à travers l'oreille, l'impression du son. Le téléphote
transportera les impulsions beaucoup plus délicates de la lumière.
La différence entre les deux est la longueur d'ondes, mais leur
relation est établie de nombreuses manières bien que jamais
autant que par le fait que l'appareil auditif et l'appareil occulaire
dans la tête d'un homme sont interchangeables, en tout cas en
ce qui concerne les nerfs de transport et qu'ils sont analogues dans
la méthode de recevoir et de transmettre des sensations. Cela
ne devrait surprendre personne si dans un siècle on puisse voir
l'illumination de la cathédrale Saint-Pierre à partir
d'un bureau de téléphote (telephote office) à Brooklyn".
Si tel est bien ce qu'Edison a dit, il n'y a rien de
très original par rapport à ce qui s'écrivait depuis
1877 et le délai annoncé (un siècle) indiquait
clairement qu'il y avait beaucoup du concept à la réalité.
La rumeur de son invention va pourtant se propager. Dans l'article "Le
téléphote" paru dans Le magasin pittoresque (1889),
C.Colin rend compte de l'attribution intempestive à Edison de
l'invention d'un appareil permettant de transmettre les images à
distance. Il est piquant de constater qu'un historien contemporain tel
que Jacques Perriault, pourtant heureux précurseur de l'"archéologie
de l'audio-visuel", se base sur l'article de Colin pour attribuer
à son tour l'invention du téléphote à Edison.
("Nous terminerons par une autre invention de T.A. Edison, qui
montre, à son tour, combien les modèles technologiques
de ces hommes étaient en avance sur leur époque".)
The Star, Beattie, Kansas,
16 August 1889
L'Illustration,
14 septembre 1889
Edison's
Talk", Brooklyn Citizen, 7 octobre 1889
Après Paris, Edison part pour Berlin, puis Heidelberg et repasse
à Londres avant de s'embarquer pour les Etats-Unis. On retrouve
dans les clippings des archives d'Edison un article de l'édition
du 23 septembre 1889 du New York Herald faisant suite à un entretien
avec Edison, victime d'un refroidissement à Londres mais très
satisfait de son séjour à Paris. Interrogé sur
ses projets projets, il élude la question, mais indique que ses
prochains travaux ne sont pas sans rapport avec l'électricité.
Le 6 octobre, Edison est de retour à New York
et commente pour les journalistes les résultats de son voyage.
L'Exposition de Paris l'a enthousiasmé, mais il indique n'avoir
rien appris en matière d'électricité. Il confirme
qu'il travaille sur un appareil qui permettrait de voir son interlocuteur
au téléphone, mais qu'il n'est pas sûr qu'il y ait
un marché, or il ne s'intéresse qu'aux inventions qui
ont un débouché commercial. Ce pragmatisme a surpris ses
interlocuteurs européens.
Hertz, Liesegang et Marey
Ses déclarations au Pittburgh Dispatch, 7 octobre 1889 nous apprennent
qu'il a rencontré le Professeur Hertz. Celui-ci a publié
deux ans auparavant ses premiers articles sur les effets photoélectriques
de deux étincelles. Il indique que celui-ci conduit des recherches
abstraites qu'il n'est pas possible d'expliquer à un public non
familiarisé, mais Edison reconnaît que le professeur allemand
"va nous expliquer ce que c'est que l'électricité"
Il était cependant bien trop tôt en 1889 pour que soit
évoquée l'hypothèse de la transmission d'images,
et mêmes de sons, par les ondes hertziennes, dont Hertz n'avait
pas encore démontré le potentiel.
Il est possible qu'en Allemagne, Edison ait aussi rencontré le
chimiste Raphaël Eduard Liesegang Celui-ci, deux ans plus tard,
va lui dédier sa brochure Beiträge zum Problem des elektrischen
Fernsehen. Probleme der Gegenwart, la première publication en
allemand entièrement consacrée à la vision à
distance. Liesegang cite la déclaration d'Edison au New York
Herald. Il semble qu'une correspondance ait existé entre les
deux hommes en 1889-1890 et qu'Edison se soit intéressé
au Phototel proposé par Liesegang et même quil ait cherché
à acquérir l'appareil de télévision (Fernsehapparat)
du chimiste allemand. C'est du moins ce qu'atteste un article paru dans
la Deutsche Allgemeine Zeitung du 1er novembre 1939. C'est également
en 1890 que Liesegang déposera aux Etats-Unis une demande de
brevet pour son phototel. En 1890, Liesegang déposera une demande
de brevet aux Etats-Unis pour son Phototel.
La nouvelle du projet d'Edison arrive en Italie via la publication allemande
Electro Techniker (Il Progresso, Rivista italiana di scienze naturale,
10 Aprile 1891, p.49)
A Paris, Edison a également été
stimulé par ses discussions avec Etienne-Jules Marey, Edison
déposa quatre caveats relatifs à un appareil de cinéma.
La quatrième, déposée le 2 novembre 1889, est relative
à l'utilisation de film sensible et transparent, perforés
des deux côtés "comme sur les bandes du télégraphe
automatique de Wheatstone". Dès le 2 septembre 1889, Dickson
a commandé à George Eastman des rouleaux de films. Les
historiens du cinéma dans cette évolution des travaux
d'Edison, l'influence des recherches françaises.
L'annonce du 12 mai 1891 du kinetograph comme appareil
de vision à distance
Le troisième épisode se joue dans le contexte de la préparation
de la Columbian World Exhibition qui doit se tenir à Chicago
en 1893 pour célébrer le 400ème anniversaire de
l'arrivée de Christophe Colomb.. L'inventeur se rend à
Chicago pour la préparation de l'événement et,
le 12 mai, rencontre les journalistes, qui lui demandent quelles seront
les inventions qu'il apportera à l'Exposition..
Le premier article semble être celui du Chicago Evening Post du
12 mai 1891. De nombreux articles de presse rendent compte des déclarations
d'Edison, de manière plus ou moins complète. Les plus
complets sont ceux de The Wichita Daily Eagle (24 mai 1891), The Wheeling
Intelligence, (25 mai 1891) et Washington Post (27 juin 1891).
En combinant le contenu des différents articles, il est à
peu prêt possible de reconstituer la communication de l'inventeur
dans ses détails.
Edison annonce qu'il devrait venir à l'Exposition
avec "deux ou trois choses à montrer qui je pense seront
une surprise et plairont aux visiteurs du département Electricité
de l'Exposition, dont, en tout cas, je suis convaincu qu'elle sera un
grand succès. Deux de ces inventions ne sont pas encore prêtes
pour être décrites ni même caractérisées.
La troisième, cependant, est quasi parfaite et je n'hésite
pas à dire quelque chose à son sujet. Elle comprendra
des éléments à la fois du téléphone
et du phonographe, et sera égale, et même dépassera
la somme de leurs mystères combinés. Mais l'invention
n'aura pas de valeur commerciale. Elle aura plutôt une valeur
sentimentale. Elle n'est pas encore parfaite. Quand elle le sera, elle
vous surprendra.
J'espère être capable par cette invention de projeter (to
throw upon) sur une toile (canvas) l'image parfaite de n'importe qui
et de reproduire ses paroles. Ainsi, si Madame Patti devait chanter
quelque part, l'invention mettra son image complète (full-lenght
picture) sur la toile de manière si parfaite qu'elle permettra
de distinguer chaque détail et expression de son visage, de voir
toutes ses actions, et d'écouter la ravissante mélodie
de sa voix incomparable. L'invention fera pour l'oeil ce que le phonographe
a fait pour la voix, et reproduira la voix tout aussi bien; n fait de
manière plus claire.
J'ai déjà perfectionné l'invention à un
point tel qu'il est possible de représenter (picture) un combat
professionnel (prize-fight), les deux hommes sur le ring et l'intensité
des visages intéressés de ceux qui les entourent. Vous
pouvez entendre le son des coups, les acclamations d'encouragement et
les hurlements de déception. Et quand l'invention aura été
perfectionnée, ajoute M.Edison avec une trace de lueur d'enthousiasme
sur son visage, un homme pourra être assis dans sa bibliothèque
à la maison, et disposant d'une connexion électrique avec
un théâtre, il verra reproduit sur son mur ou sur un morceau
de toile les acteurs et entendra tout ce qu'ils disent. La seule chose
que l'invention requière est la finesse de reproduire les caractéristiques
et les expressions. C'est mon intention de tenir prêt pour l'Exposition
mondiale une telle combinaison heureuse de la photographie et de l'électricité
de manière à permettre un homme de s'asseoir dans son
propre salon et de voir représenté (depicted) sur un rideau
(curtain) devant lui les formes des interprètes dans un opéra
sur une scène distante, et d'entendre la voix des chanteurs.
Quand le système sera perfectionné, ce qui j'espère
sera le cas pour l'exposition, les muscles du visage du chanteur, chaque
regard de son oeil et chaque expression seront vues. Chaque couleur
dans les vêtements des interprètes sera également
reproduite. De plus, le spectateur, assis au coin du feu, verra chaque
personne dans la pièce bouger de sa position d'une manière
naturelle, juste comme si elles étaient les vraies personnes
elles-même.
Je peux placer un appareil de manière telle qu'il dominera (command)
un coin de rue et après l'avoir laissé enregistré
(register) les vues des passages (passing sights) durant un laps de
temps, je peux les projeter (cast) sur une toile de manière telle
qu'ils transportent (carry) ainsi chaque caractéristique et mouvement
des passants, même les tics sur les visages pourront être
vus et si un de vos amis passe durant ce laps de temps, vous pourrez
le savoir. L'invention sera appelée kinetograph. La première
partie du mot signifie "mouvement" et la seconde 'écrire"
et les deux ensemble signifient la représentation (portrayal)
du mouvement. L'invention combine la photographie et la phonographie".
De cette déclaration, il ressort plusieurs éléments
qui sont généralement occultés dans les histoires
du cinéma. Tout d'abord l'idée d'Edison est bien que le
kinetograph doit fournir une image projetée, sur une toile, un
rideau ou un écran. Certes, le kinetoscope d'Edison ne réalisera
pas ce projet, qui implique que le spectateur se penche sur une boîte
pour regarder des images microscopique, et il faudra attendre C. Francis
Jenkins et les frères Lumière, pour assister à
de véritables projections. Ensuite, l'idée est bien qu'il
y ait transmission des spectacles (d'opéra, de théâtre,
de sport) pour une consommation à domicile. Certes, l'idée
n'est pas neuve. Elle avait été formulée dès
1878 par le polonais Julian Ochorowicz (qui citait également
la cantatrice Adelina Patti), par Albert Robida en 1882 dans son roman
Le Vingtième Siècle ou encore, en 1888, par Edward Bellamy
dans sa dystopie Looking Backward: 20001887. .Mais il est important
de noter que la réflexion d'Edison a évolué par
rapport à sa déclaration de 1889, qui parlait plutôt
d'un complément visuel à la téléphonie,
mais pas de transmission de spectacles. Notons enfin qu'Edison parle
bien de transmissions en couleurs, ce qui est une innovation complète
par rapport à l'état de la photographie à cette
date.
Bien sûr, la proposition jetée en pâture aux journalistes
est exagérée, mais elle a le mérite de définir
un programme, que finalement d'autres réaliseront.
Les réactions dans la presse à ces déclarations,
entre le 12 et le 27 mai (date du dévoilement des caractéristiques
du kinetograph) sont très diverses. The Philadelphy Inquirer
- qui qualifie l'appareil de photo-phonograph - imagine la disparition
des théâtres, le problème que cela posera pour les
jeunes amoureux contraints de regarder les spectacles en famille, et
évoque la possibilité de diffuser les sermons. The Marville
Times fait de la surenchère et annonce qu'Edison a mis au point
un appareil qui permet d'entendre les sons qui sont émis sur
le soleil. "Bientôt ce gars communiquera avec les habitants
de la lune" (13 mai 1891). Le Prof. Wiggins, expert en prédictions
météorologiques annonce qu'il écrit un roman qui
décrira la vie sur Jupiter et qui intégrera l'invention
d'Edison (The Helena Independent, 24 mai 1891). La possibilité
de regarder les combats sportifs à distance va supprimer un tas
de problème pour la police, ironise le Saint Paul Daily (19 mai
1891). "Les amoureux pourront s'entendre et se voir à distance,
mais cela n'aura aucun charme, à moins de trouver un autre stratagème"
observe The Morning Call (21 mai 1891). De même The Wahpeton Times
écrit : "A moins que la machine de M. Edison ne transmette
l'odeur du blend de whisky, des oignons et du chou brûlé,
les clients des pugilats se plaindront de ce qu'une indéfinissable
essence manque pour la jouissance complète des démolitions
à longue distance" (28 mai 1891).The Sedalia Weekly Bazoo
note la concurrence que le kinetograph va représenter pour les
photographes "The man with the kodak may begin to tremble for his
occupation" (26 mai 1891).
En France, un billet du journal Le Mot d'ordre (28 mai
1891) compare cet appareil annoncé au téléphonoscope
qu'Albert Robida avait décrit dans Le Vingtième siècle
(1882). Dans Le Monde illustré (23 mai 1891), Pierre Véron
reprend la thématique classique du spectacle à domicile,
mais regrette que cet "inouïsme" ne sera pas disponible
avant sa mort. Le 1er novembre 1891, Ernesto Mancini, chroniqueur scientifique
de L'Illustrazione italiana, constate que, contrairement à ce
qui avait été annoncé, l'appareil du thaumaturge
Edison ne répond pas à l'objectif annoncé de la
vision à distance.
Mais divers commentateurs sont d'emblée séduits
par la proposition : "Si Edison réalise ses promesses à
l'Exposition mondiale, le mot "surprise" pourra être
rayé du dictionnaire. Les gens ne considérerons plus rien
comme impossible" (Pittsburg Dispatch, 27 mai 1891). The Morning
Call (21 mai 1891) évoque "la réalisation des rêve
des auteurs spéculatifs qui ont décrit la vie telle qu'elle
sera dans les siècles à venir" et The Indianapolis
Journal évoque le roman de Bellamy, dont Edison va réaliser
l'utopie (14 mai 1881). Pour The Wheeling Daily Intelligencer (25 mai
1891), "Edison n'est pas un jongleur et quand il dit quelque chose,
il sait de quoi il parle. Un dispositif (contrivance) qui apporte un
combat de boxe dans les plus humbles chaumières marquera une
avance remarquable pour notre civilisation".
Les plus enthousiastes auront certains dû déchanter,
malgré la nouveauté de l'appareil, lorsque le kinetograph
sera présenté.
L'article paru dans le numéro daté de
mai 1891 de la revue Phonogram est cité par les historiens du
cinéma (C. Musser, L.Mannoni) comme la seule source relatant
la première présentation du kinetoscope à bande
pelliculaire perforée, qui eût lieu le 20 mai 1891 lors
d'une visite du Women's Club au laboratoire d'Edison à West Orange,
soit huit jours après l'annonce faite le 12 mai à Chicago.
Le 28 juin 1891,
"Bavardage",
Le mot d'ordre, 28 mai 1891
Edison communique finalement à la presse la description technique
du kinetograph et son "téléphone cosmique".
Les deux articles les plus souvent cités par les historiens sont
ceux, plus détaillés, parus dans The Sun, du 28 mai 1891,
qui publie un schéma de l'appareil et dans le Scientific American
du 20 juin 1891, qui propose la première photographe d'un ruban
de pellicule.
Le kinetograph.
Schéma paru dans The Sun, 28 mai 1891.
Le 31 juillet 1891, Edison formule les demandes de brevet du kinetoscope
et du kinetograph. Une nouvelle présentation aux journalistes
a lieu le 29 avril 1893 et la première démonstration officielle
a lieu le 9 mai 1893 à la réunion annuelle du Départment
de physique du Brooklyn Institute of Arts and Sciences.
Le kinetograph
dit '1889" (en réalité datant probablement de 1891).
"Le téléphote n'a jamais existé que dans
l'imagination des news-paper men"
Le 28 avril 1893, dans son laboratoire de West Orange, Edison reçoit
l'envoyé du Figaro, l'écrivain et bibliophile Octave Uzanne.
Les deux hommes ont sympathisé lors de la visite de l'inventeur
à Paris, en 1889. Peut-être Uzanne avait-il évoqué
à cette occasion le génie prospectif de son ami Albert
Robida, qui, dans Le Vingtième siècle (1882) avait poussé
beaucoup plus loin que Du Maurier la déclinaison des usages possibles
du téléphonoscope ?
Uzanne, qui visiblement ignore les articles de la presse américaine
de mai 1891, demande à Edison si le kinetographe est la même
chose que le téléphote. La réponse, qui paraît
dans Le Figaro du 9 mai 1893 est cinglante.
Le 12 février 1896, Edison expérimente
la diffusion de photographies par rayons X sur câble téléphonique
Dans les versions précédentes de cette page, j'écrivais
: "L'interview de Uzanne est la dernière évocation
par Edison que nous connaissions des questions liées à
la vision à distance. Probablement a-t-il pris conscience que
la transmission des images était prématurée et
qu'il fallait d'abord perfectionner le kinetograph et assurer la production
de films. Mais a-t-il pour autant cessé de s'intéresser
à la question ?"
L'examen des articles de presse consacrés aux recherches menées
par Edison sur les rayons X, dès janvier 1896, m'a permis de
mettre en évidence un fait ignoré par les biographes d'Edison
et par les historiens de la téléphotographie et de la
télévison : le 12 février 1896, Edison a expérimenté
la transmission d'images par rayons X sur un câble téléphonique.
Cette expérience n'a donné aucun résultat probant,
mais elle est la première d'auutres investigations sur une telle
hypothèse, que d'autres explorerons : H.L. Smith (février
1896), J.G. Vine (févrer 1896), F.L. Close (1896), Robert D'Unger
(1896), Elias E. Ries (1896), Huber (1896), René Darmezin (1906),
Adriano Nisco (1924).
Edison mettra au point au printemps 1896 un fluoroscope, qui permet
d'observer le corps humain par rayons X sans recours à une plaque
photographique et qui est un des premiers appareils permettant d'observer
le mouvement en direct. Cet appareil rencontrera une forte audience
dans la presse.
A l'automne 1896 Edison proposera un télégraphe
autographique, qui permet la transmission de dessins par télégraphe.
Comme il le reconnaîtra lui-même, cet appareil n'est qu'un
perfectionnement du modèle de Caselli.
L'apport d'Edison au développement de la télévision
selon Vladimir Zworykin
Dans son livre Television. The Electronic of Image Transmission, Vladimir
Zworykin, l'inventeur de la télévision cathodique, crédite
Edison d'avoir découvert en 1883 qu'un courant négatif
pouvait circuler à partir d'un filament incandescent dans une
ampoule sous vide. Il a obtenu en 1984 le brevet US307 031, le premier
brevet américain pour un appareil électronique. appareil).
Edison ouvrait ainsi la voie aux recherches sur les émissions
thermioniques, développées par O.W. Richardson (Prix Nobel
de Physique 1928) qui allaient permettre le perfectionnement des tubes
à vide en vue de leur utilisation en T.S.F.. et dans la télévision
électronique. (ZWORYKIN and MORTON, 1940) . Les physiciens parlent
à ce sujet de l'"effet Edidon". Sur l'histoire de l'effet
Edison, voir Harold Gardiner BOWEN, The Edison Effect, Thomas A. Edison
Foundation, ca; 1951)
La relance du mythe en février 1904
En février 1904, un article du London Mail, qui va avoir
une diffusion internationale, Edison aurait fait dans les jours précédents
une nouvelle annonce d'un système de vision à distance
par fil et couple le mythe d'Edison avec celui de Jan Szczepanik, qui
date de 1898 et que l'on aurait pu croire éteint après
le fiasco de l'annonce de la démonstration de son Telelectroscope
à l'Exposition universelle de Paris.
Il serait d'ailleurs intéressant de savoir si Edison, en 1898,
s'est intéressé au Telelectroscope de Jan Szczepanik,
que Mark Twain avait surnommé l"Edison autrichien".
Plusieurs articles sur cet appareil sont parus dans la presse américaine,
et on n'imagine mal que Mark Twain, qui avait rencontré et soutenu
Szczepanik à Vienne, n'ait pas évoqué ses travaux
lorsqu'il rencontra son ami Edison. Et qu'a pensé du téléphote
du français Rignoux qui fit la une du Scientific American Supplement
le 22 mai 1915 ? Et comment reçut-il, en 1925, les succès
de C. Francis Jenkins dans la diffusion d'images à distance par
son Radiovision, ce même Jenkins, de vingt ans son cadet, qui,
dès 1894 avait obtenu un brevet pour son Phantoscope et avait
été un des principaux challengers sur le marché
des techniques cinématographiques ?
Faute de documents indiquant une évidence d'éventuels
travaux, il faut bien admettre que l'apport d'Edison est ténu.
La publication des archives Edison est en cours aux Etats-Unis, mais
il s'agit d'un projet immense. Les archives Edison représentent
environ quatre millions de pages. L'édition intégrale
n'en est qu'à son cinquième volume, correspondant aux
écrits d'Edison en 1879....
En attendant, le mythe continue : Internet, qui est
également le moyen le plus efficace de propager les mythes (et
les bêtises) fournit la possibilité à un quidam
d'écrire que "Plus récemment, les découvertes
de Thomas Edison, conjuguées à celles de Constantin Senlecq
donnaient naissance au tube cathodique, déjà baptisé
"télévision" lors de l'exposition universelle
de 1900."
sommaire
Le téléphonoscope d'Albert Robida
En France, le terme telephonosocpe devra sa fortune
au talent d'Albert Robida qui, dans Le Vingtième Siècle
et La Vie électrique va décliner les usages sociaux à
venir de ce qui ne s'appelle pas encore la télévision.
On retrouve le telephonoscope dans une fantaisie d'anticipation "Vienna
Century Hence"
Trois ans avant la publication du Vingtième Siècle
de Robida, un de ses amis, le journaliste et dramaturge Abraham Dreyfus
avait lui aussi proposé un téléphonoscope 'Le buste
de Dumas'. (Propos de l'an 2000), paru dans La Vie moderne du 22 novembre
1879. Dans ce texte, le téléphonoscope apparaît
plutôt comme une radio avec publicité.
L'action du Vingtième Siècle se déroule en 1952
et celui de La Vie électrique en 1955. Robida profite de l'intrigue,
assez simple, pour présenter un monde du futur très différent
de celui des lecteurs de 1883 : parmi les inventions qu'il décrit,
le téléphonoscope préfigure à la fois la
télévision, l'Internet et les appareils nomades.
Il s'agit d'un écran mural plat qui permet de communiquer à
distance et diffuse les dernières informations à toute
heure du jour et de la nuit, les dernières pièces de théâtre,
des cours et des téléconférences. Il permet la
visiophonie, mais il offre aussi des distractions (spectacles, feuilletons,
dont l'un intitulé Purée de poubelles, informations).
Les programmes sont entrecoupés de publicités obsédantes.
L'appareil est constitué d'un mince écran de verre accroché
comme un tableau au mur du salon, mais il existe aussi une version de
poche qui permet à chacun de suivre les programmes à tout
moment.
Robida écrit ainsi : « Excellent pour les
voyageurs, le téléphonoscope !... on ne craint plus de
sexpatrier, puisque tous les soirs on retrouve sa famille au bureau
du téléphonoscope ! ».
Comme pour la télévision moderne, le dispositif
est couramment désigné par l'abréviation «
télé » .
Illustrations d'Albert Robida pour ses romans Le
Vingtième Siècle (1883) et La Vie électrique (1893).
Le journal téléphonoscopique.

Les cours par téléphonoscope.
Sulfatin accapare la cabine du téléphonoscope.
Une erreur du téléphonoscope.

sommaire
La revue "Le Téléphonoscope "
Editeur : Association
des Amis d'Albert Robida
Le Téléphonoscope est édité par les amis
d'Albert Robida depuis mai 1998 ... Paraissant une fois par an au format
A4, réalisé en quadrichromie sur un papier glacé
beige, par offset ou impression numérique, ce qui lui confère
une qualité bibliophilique. Il contient de nombreux dessins souvent
inédits et reproduits à partir des originaux mis à
la disposition de l'Association par ses membres collectionneurs.
Le Téléphonoscope regroupe des articles autour d'un sujet
précis, ouvrage écrit et/ou illustré par Robida
ou un des thèmes de son uvre.

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