Les Réseaux réseaux de Télécommunications

À l’ère du WEB, du smartphone et de la 5G il est malaisé de comprendre certains évènements vieux de plus de 50 ans et des difficultés techniques qu’il fallait résoudre à l’époque. Les nombreux débats actuels sur l’histoire d’Internet entretiennent souvent la confusion sur ce qu’est Internet. Dans le sens commun d’aujourd’hui, Internet est égal au WEB, aux réseaux sociaux, à l'e-commerce et bien d'autres services apparus dans les années 1990. Rappelons l’étymologie d'Internet : de l'anglais internetwork, lui-même composé des mots inter et network. De même, le Minitel (Vidéotex) dont il est bon ton de se moquer aujourd’hui et d’opposer à Internet fut un service d’information décidé en 1978, bien après les faits dont il question ici.

Un peu de contexte historique

En 1970 le réseau mondial de télécommunications était essentiellement le réseau téléphonique : les terminaux étaient aussi rudimentaires que possible et toute l’intelligence du fonctionnement du système était dans le réseau.
Ce que l’on appelait téléinformatique était encore balbutiant. L’offre des opérateurs de télécom (les Telcos) était rustique et dérivée du téléphone. Une part importante du marché des transmissions de données était la connexion de terminaux à peine plus « intelligents » que les postes téléphoniques vers des serveurs. Les liaisons inter-ordinateurs balbutiaient et étaient essentiellement des transferts de fichiers.
Une révolution est apparue dans les années 50 : les réseaux informatiques.
Il resta à « inventer » le concept de réseau d’ordinateurs.

Les précurseurs en FRANCE

Janvier 1969 la solution de réseau indépendant est reprise en lançant le projet
CADUCÉE (Centre Automatique de Données Utilisant la Commutation Électronique et Électromécanique). Les études lancées par le CNET qui ont duré 6 mois s'avèrent concluantes.
- En Septembre 1969, M. le Ministre des P et T - Robert Galley prend la décision de construire le Réseau CADUCÉE.
- Le 14 janvier 1972, ouverture du Réseau Expérimental Téléinformatique CADUCÉE (autorisé rétroactivement par arrêté du 17 janvier 1972).
- Le 21 janvier 1972, raccordement du premier abonné au Réseau CADUCÉE, il s'agit du Centre de Promotion de la Téléinformatique sis dans le Centre Téléphonique Paris-Littré. 4 autres abonnés suivent quelques jours plus tard, dont deux à Nice.
Ce nouveau service, utilisant un ensemble de commutateur téléphoniques dédiés, de système crossbar CP400 permet d'atteindre des débits nettement supérieurs. En effet une transmission de données fiable peut désormais atteindre, suivant les options choisies les 2400 bit/s, 4.800 bit/s, 9.600 bit/s voire les 19.200 bit/s avec ce nouveau système, dès sa commercialisation.
L'on parvient à de tels débits sur des lignes analogiques par le biais d'emploi de lignes téléphoniques à 4 fils uniquement : 2 fils servent à l'émission de données, 2 autres fils servent à la réception de données. Les commutateurs CP400 sont aussi de types à 4 fils, ainsi que les équipements de Transmissions sur 4 fils également.
Le réseau CADUCÉE s'arrêta le 1er janvier 1990 et l'ensemble des commutateurs CP400 qui le composent sont mis à l'arrêt à cette date.

1975 arrive le projet du réseau COLISÉE : (contraction de COmmutation de LIaisons SpécialiSÉEs)

Ce projet est autorisée 4 octobre 1975 et la mise en service du réseau ouvre après l'ouverture des premiers commutateurs téléphoniques d'abonnés E10N3 en France,en empruntant des commutateurs E10N3 dédiés à 4 fils, tel le premier commutateur installé à Paris-Échiquier.
Techniquement, les communications de données commutées par COLISÉE doivent impérativement transiter au départ comme à l'arrivée par le biais de Commutateurs Électroniques Temporels.
Ultérieurement des commutateurs E10N1 dédiés seront utilisés, tels que celui de Chennevières-sur-Marne.
Le Réseau COLISÉE se substitue progressivement au Réseau CADUCÉE, ce qui permet un fonctionnement réellement fiabilisé et une meilleure maintenance. COLISÉE permet une certaine démocratisation de la transmission de données, jusqu'à 32.000 bit/s.
Le Réseau COLISÉE est catégorisé comme un Réseau Pré-Intelligent.

En Janvier 1992, le Service COLISÉE est modernisé et devient COLISÉE Numéris.
Courant 1993, Le Service COLISÉE Numéris fusionne avec le Réseau Téléphonique Commuté classique (désormais numérisé).
En outre, 2 Commutateurs MT25 supplémentaires sont mis en service à Paris-Échiquier (21 juillet 1991 puis Octobre 1993) et 2 Commutateurs MT 25 d'abonnés (CAA) de province sont reconvertis en commutateurs COLISÉE Numéris : 1 à Caen (en Septembre 1994) et 1 à Louviers (24 mai 1995).
Le 31 décembre 1999, cessation définitive du service COLISÉE Numéris.

sommaire

Les projets CYCLADES et ARPANET

Le modèle de réseau en tant que nœuds reliés par des liens apparaît dans les années 1950, avec la naissance de la théorie probabiliste des files d’attente. Le point clé pour pouvoir appliquer ces théories : le concept de routeur, soit un nœud capable de stocker un message en attendant que le lien sur lequel il doit être retransmis se libère. On trouve en filigrane, derrière le concept de message, celui de datagramme, c’est-à-dire un paquet élémentaire d’information qui circule de manière autonome dans le réseau. Cette idée va à l’inverse des réseaux téléphoniques reposant sur l’établissement de circuits où l’information circule sans jamais être stockée.

Le 29 octobre 1969, fut envoyé le premier message d’Arpanet entre un ordinateur de l’équipe du Professeur Leonard Kleinrock à UCLA (University of California at Los Angeles) et un ordinateur de l’université de Stanford, à environ 500 km. Cet envoi considéré plus tard comme marquant la naissance d’Internet (plus précisément d’Arpanet) reposait sur la technique dite de « commutation de paquets ».
Inventée dans les années soixante indépendamment par Paul Baran et Donald Davies, cette technique présentait une différence fondamentale par rapport à la « commutation de circuits » adoptée pour les réseaux téléphoniques. Jusqu’alors, avec la « commutation de circuits », les ressources de transmission sur les liens et de stockage en mémoire étaient réservées de façon exclusive pour toute la durée de communication. À l’inverse, en « commutation de paquets », les données à transmettre sont découpées en messages courts, appelés « paquets », envoyés sur les liens de communication entre ordinateurs. Cette technique permettait alors un partage efficace des liens en évitant qu’ils soient monopolisés par l’envoi d’un long message.

ARPANET, Packet Radio Net et SATNET, les trois premiers réseaux interconnectés grâce à l’utilisation du protocole TCP/IP, en novembre 1977. Schéma tiré d’un rapport technique du SRI technical « Progress Report on Packet Radio Experimental Network », février 1978.

Une mission commune CNET-IRIA dirigée par Alain Profit (Adjoint au Directeur du CNET, responsable du département téléinformatique) et Michel Monpetit (Directeur adjoint de l’IRIA et de la délégation à l’informatique) est allée s’informer et nouer des contacts avec l’équipe ARPANET. Quelques ingénieurs français y travaillaient dont Michel Elie faisait partie.

Les fondements théoriques de la commutation de paquets avaient été édifiés dans la thèse de Kleinrock alors étudiant au MIT en 1962. Les performances des réseaux à commutation de paquets ont été étudiées par l’équipe de Kleinrock, devenu professeur à UCLA.
Même si la commutation de paquets s’est imposée comme le mode de transmission privilégié pour les réseaux de transmission de données, deux variantes étaient étudiées par les chercheurs dans les années soixante-dix.
La première était le mode datagramme, selon lequel les paquets de données sont transmis indépendamment les uns des autres pour parvenir à la destination, en empruntant éventuellement des chemins différents, avant que le message d’origine ne soit reconstruit, en recourant à une retransmission des paquets perdus si besoin.
La seconde était le mode circuit virtuel proposé par les opérateurs de réseaux téléphoniques, proche de la commutation de circuit, dans lequel les paquets empruntent tous le même chemin bien identifié par les nœuds intermédiaires du réseau.
Hubert Zimmermann présente le projet CYCLADES aux ministres Hubert Germain, ministre des Postes et Télécommunications (à gauche de l’image) et Jean Charbonnel, ministre du Développement industriel et scientifique, lors de leur visite à l’IRIA (8 février 1974).

Les deux modes, datagramme et circuit virtuel, étaient adoptés par différents concepteurs de réseaux, ce qui a mené à la coexistence de deux « services réseaux » : le mode « sans connexion » ou datagramme et le mode « orienté connexion » ou circuit virtuel.
Dans le même temps, plusieurs formats de représentation des données et plusieurs mécanismes de synchronisation des échanges entre les ordinateurs étaient développés par les constructeurs des équipements de réseaux.
En effet, en 1974, IBM a annoncé son architecture de réseau propriétaire appelée Systems Network Architecture (SNA) pour l’interconnexion des ordinateurs et des ressources associées. Deux architectures concurrentes, DECnet et Distributed System Architecture (DSA) furent respectivement proposées par Digital Equipement Corporation et CII-Honeywell-Bull dans le même temps.
Les pouvoirs publics avaient lancé aux États-Unis le projet ARPAnet (1969) et en France le projet Cyclades (1971) dans l’objectif de réaliser une interconnexion des ordinateurs des universités fabriqués par des constructeurs différents.

Deux mondes
Les projets publics aux États-Unis et en France ont dans les deux pays adopté le concept de « datagramme » pour le service réseau, bien qu’il ait été fortement rejeté par les puissants opérateurs de télécommunications à l’époque.
Le projet français, avec en première ligne Louis Pouzin, a démontré assez rapidement la faisabilité du service réseau sans connexion.
Plus tard, les américains Vint Cerf et Robert Kahn ont défini un ensemble de protocoles de communication, appelé « la pile » TCP/IP, qui sera adopté pour l’ARPAnet. Le terme « pile » fait référence à la relation logique entre les deux protocoles : TCP utilise le « service rendu » par IP.
En effet, IP est implanté au niveau de tous les équipements du réseau et il est conçu pour rendre un service d’envoi de datagramme sans garantie de livraison des paquets. TCP quant à lui est implanté uniquement au niveau des équipements terminaux et il assure la fiabilité de la transmission et la régulation du débit en s’appuyant sur le service d’envoi de datagramme assuré par IP.
Il s’agit d’un protocole de « bout en bout » car les équipements intermédiaires du réseau (les routeurs) ne participent pas aux mécanismes de TCP. Cette approche connaîtra un succès mondial !

sommaire

TRANSPAC pour la France

Philippe Picard Ingénieur de formation, a passé près de vingt ans à la Direction générale des télécommunications, où il a contribué à démarrer les transmissions de données. Il a également piloté le projet Transpac avant d'en devenir directeur général jusqu’en 1982. Il a également passé dix-sept ans chez Bull, ou il a occupé les fonctions de directeur des produits de réseau du groupe (1984-1990) puis de responsable du secteur des télécom France puis Europe (1990-2001). Depuis, il est président de l’Association pour l'histoire des Télécommunications et de l'Informatique.

En 1972 le CNET et l’IRIA lancèrent presque simultanément leurs projets incluant la commutation de paquets.
Un accord de coopération fut signé. Mais la fausse bonne idée fut de croire que ces deux projets seraient complémentaires et permettraient une sincère coopération. L’IRIA étant censé sous-traiter au CNET la conception du réseau de télécom, et pas seulement la fourniture gratuite de circuits de transmission !

Pour le CNET, le projet RCP était un prototype destiné à préparer un futur service de transmissions de données par paquets nommé Transpac. Il s’agissait de rédiger un cahier des charges en vue d’une réalisation industrielle et d’acquérir les compétences pour prendre part aux travaux de normalisation internationale. L’objectif du futur service était de pouvoir combiner les avantages de la commutation par paquets (multiplexage statistique efficace, conversion de débit) et contrôle de la qualité de service (taux d’erreurs, congestion).

Le projet CYCLADES, inspiré d’ARPANET s’insérait dans l’écosystème du Plan Calcul. L’objectif était d’étudier une architecture de réseau d’échange de données entre ordinateurs hétérogènes et d’accès à des ressources distantes. Le réseau de transmission par paquets Cigale en était un sous projet. Le réseau CYCLADES est réalisé par Louis Pouzin. Il constitue la première réalisation d’interconnexion de réseaux et possède des idées novatrices par rapport à ARPANET qui seront reprises dans TCP et IP. Le plan d’adressage de CYCLADES est similaire à celui d’IP, les adresses des ordinateurs étant similaires à des numéros de téléphone. Sa gestion de la fenêtre pour le contrôle de flux est améliorée par rapport à l’algorithme NCP alors utilisé dans l’ARPANET. Elle est reprise et encore améliorée dans TCP.
Mais surtout, CYCLADES est le premier réseau fonctionnant uniquement par commutation de paquets. En effet, dans un flux de données, chaque paquet circule indépendamment. Le multiplexage devient alors facile : les paquets de divers flux peuvent s’entremêler sans problème. Par contre, les paquets peuvent arriver dans le désordre. Le récepteur d’un message doit donc être capable de réordonner les paquets. De ce fait, il s’agit forcément d’un ordinateur, c’est-à-dire une machine capable de manipuler l’information, et non d’un combiné passif. Ce qui peut paraître un défaut de prime abord sera une force d’Internet : repousser l’intelligence aux extrémités du réseau, ce qui permet une plus grande interopérabilité et un développement plus rapide et plus économique du réseau, une nouvelle technologie venant facilement remplacer la précédente .

Fin 1973, la DGT annonça son intention d’ouvrir rapidement un service de commutation par paquets. Cette annonce était due à plusieurs émulations, en particulier l’initiative d’un groupe de grandes entreprises françaises qui étudiait un réseau partagé en technologie de paquets … sans oublier la rivalité avec l’IRIA !

Fin 1974, un conseil interministériel donna un feu vert conditionnel pour le lancement de Transpac :

La Délégation à l’informatique qui soutenait le projet Cyclades est supprimée en 1974, ce qui entraîne l’abandon du projet en 1978.

En 1975 La société TRT, consciente de l'importance qu'allaient prendre les réseaux de données, répond à un appel d'offres des PTT pour la réalisation d'un commutateur de paquets destiné au réseau de transmission de données par paquets (TRANSPAC) que l'administration des PTT envisage de mettre en place. La réponse est faite en collaboration avec les sociétés T.I.T. et SESA (pour les logiciels) et c'est ce consortium qui est finalement retenu par les PTT.
L'étude débute en 1976 ; une équipe entièrement nouvelle est créée à TRT regroupant Edouard ASSÉO, Henri VANNETZEL, Pierre LAMOINE, Guillaume BROC...
La réalisation du commutateur CP50 est une des plus complexes qu'ait entreprise TRT et, grâce au concours de M.B.L.E. à Bruxelles, la fabrication de circuits imprimés multicouches est mise au point pour des cartes de très grande dimension (près de 400 x 400 mm), comportant de 150 à 200 circuits intégrés. Le temps du cycle du processeur central étant de 250 nanosecondes, des problèmes nouveaux devront être résolus (temps de propagation, impédance des circuits, échauffement, etc...).
Le CP50 permet le raccordement de 360 lignes synchrones et 128 lignes asynchrones et commute 1000 paquets par seconde (à partir de 1985).
Un centre peut compter jusqu'à 32 commutateurs CP50, raccordés entre eux par un bus temporel à 10 Mhz, avec un débit utile de 26 Mb/s.
Il contient 5 cartes processeur du type RISC, réalisées sans circuits LSI. Le commutateur est composé de 2 chaînes identiques, l'une étant opérationnelle et la 2ème en secours. Le basculement est commandé par l'ordinateur de supervision (MITRA 125).

Photo d'un centre TRANSPAC équipé de 3 CP50 avec à gauche, les armoires MITRA 125

Les 3 premiers commutateurs CP 50 permettront d'équiper le réseau expérimental début 1978 et le réseau a été mis en service à la fin de l'année.
Ce fut une performance remarquable. Le succès de TRANSPAC se traduira pour TRT par la livraison de plus de 200 commutateurs CP 50 ; en huit ans, fin 1986, 40 000 abonnés auront été raccordés à TRANSPAC !

sommaire

La recommandation X25 du CCITT fut approuvée en 1976, la réalisation industrielle du système fut confiée à la SESA, le service démarra officiellement fin 1978.
La recommandation X25 du CCITT, officialisée en 1976, fut finalement un compromis technique entre quatre opérateurs très motivés : PTT français, British Post Office, Bell Canada et Telenet (réseau de transmission de données américain créé par Larry Roberts…ancien chef de projet d’ARPANET). Rémi Després, chef du projet RCP, a été un acteur majeur de ce résultat.

La norme X.25 a été utilisée dans le réseau de données Transpac dont le Minitel fut l’application phare pour le grand public.
Le réseau a vécu pendant plus de 30 ans avec une vraie réussite commerciale pour les réseaux d’entreprise et permit ultérieurement le déploiement d’applications de très grande diffusion comme le Vidéotex (et ses Minitels) ou les terminaux de paiement électronique.

Le succès de Transpac était conditionné par la disponibilité des logiciels de connexion au réseau. IBM était incontournable compte tenu de sa domination du marché. Son attitude fut ambigüe : officiellement peu favorable à la commutation de paquets (non prévue dans SNA), IBM a participé très tôt à des expériences de connexion à RCP, grâce à son labo de Nice / la Gaude.
La CII travaillait étroitement avec Cyclades pour son architecture NNA . Après la fusion CII-HB et l’abandon des produits de la CII, la conception de DSA a mieux intégré que SNA l’usage d’X25. Les fortes compétences des équipes de réseau de la CII acquises avec NNA ont été essentielles.

Enfin les industriels de la péri-informatique, ne disposant pas d’architecture propre, étaient très motivés pour développer les connexions X25.
Pour conclure, les décisions de 1975 (Fusion CII-Honeywell-Bull et arrêt d’Unidata, suppression de la délégation informatique) ont retiré au projet Cyclades son support institutionnel.

Après l’aventure Cyclades, Hubert Zimmermann se consacra au développement et à la promotion de l’OSI (Open Systems Interconnection) : il était président du SC16 de l’ISO, ce qui lui a donné une grande visibilité internationale. Il avait pris des responsabilités au CNET et nous avons collaboré pour décliner l’OSI dans l’architecture du système d’information de France Télécom, (projet Architel). Il eut ensuite jusqu’à sa disparition en 2012, plusieurs autres rebonds remarquables : création de Chorus, poste stratégique chez SUN.

sommaire

Le débat à propos du « service réseau » — devrait-il être orienté connexion (comme X.25) ou sans connexion (comme IP) ? — n’ayant pu être tranché par la communauté scientifique, les deux piles protocolaires ont été standardisées par l’organisation internationale de standardisation dans le cadre de la norme pour l’interconnexion des systèmes ouverts. À l’époque, l’approche « datagramme » adoptée outre-Atlantique n’avait pas encore pris le dessus en Europe où les opérateurs de télécommunication soutenaient très fortement l’approche « circuit virtuel ».

Le rêve d’un réseau mondial interconnectant tous les ordinateurs semblait alors compromis. Pendant les années quatre-vingts fleurissent alors les fameux « convertisseurs de protocoles ». Il s’agissait de logiciels dont la finalité était d’assurer des « passerelles » pour l’interconnexion de parties du réseau adoptant des services réseaux différents (avec ou sans connexion).
Un polytechnicien français, Christian Huitema, maîtrisait bien les deux « mondes » : d’un côté, il avait participé, alors qu’il était au Centre national d’études des télécommunications (CNET) entre 1980 et 1985, à la mise en œuvre des protocoles réseaux de la station de travail SM90 de Bull. Ces protocoles étaient basés sur la norme X.25 et donc sur le service réseau orienté connexion en circuit virtuel. D’autre part, Christian Huitema avait travaillé sur l’évaluation des réseaux de communication par satellite (dans le cadre du projet NADIR) avec Jean-Louis Grangé, farouche défenseur du « datagramme », aux côtés de Louis Pouzin, face à l’approche « circuit-virtuel » des PTT. Dès son arrivée à l’Inria Sophia Antipolis en 1986, Christian Huitema avait d’ailleurs démarré la réalisation de plusieurs logiciels pour l’interconnexion des deux architectures TCP/IP et X.25 dans l’objectif de permettre leur interopérabilité.

Pendant ce temps-là, le département américain de défense avait commencé à exporter le modèle TCP-IP dans le cadre du projet NSFNET (réseau mis en place en 1985 aux États-Unis pour interconnecter les universités américaines en particulier). À ce moment, le mode datagramme avait clairement pris le dessus. On dira plus tard « IP over everything » pour signifier que l’approche Internet peut fonctionner avec n’importe quelle technologie de réseau sous-jacent mais aussi pour faire référence à sa « supériorité » par rapport aux autres approches comme X.25.

Un réseau astronomique

L’équipe du Professeur Lawrence Landweber à l’université du Wisconsin avait un projet collaboratif NSF-Inria avec l’équipe de recherche RODEO (Réseaux à hAUt Débit, réseaux Ouverts) de Christian Huitema à l’Inria Sophia-Antipolis sur les passerelles pour l’interconnexion de réseaux hétérogènes.

Dans le cadre de ce projet NSF-Inria, une passerelle de niveau application a été développée. Cette passerelle, qui assurait la conversion entre les deux services, Telnet du côté TCP/IP et Triple-X du côté X.25, permettait un accès à travers un terminal distant à des ordinateurs connectés à deux réseaux hétérogènes.
L’idée d’une connexion de la France au NSFNET était en discussion entre les deux équipes.
L’opportunité s’est présentée à l’occasion de l’assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale à Baltimore début août 1988. La NASA et la Fondation nationale pour la science (National Science Foundation, ou NSF) souhaitaient démontrer à cette occasion l’accès à la base de données SIMBAD (Set of Identifications, Measurements and Bibliography for Astronomical Data), probablement la meilleure base de données du genre au monde, hébergée à l’époque au centre de calcul de l’université d’Orsay et aujourd’hui par l’université de Strasbourg.
En effet, la base de données étant accessible par Transpac, les astronomes américains payaient plus de 100 dollars par accès pour la connexion internationale en X.25. La disponibilité d’une liaison TCP-IP jusqu’en France, d’une passerelle Telnet – Triple-X à l’Inria puis d’une liaison expérimentale en France au-dessus de Transpac représentait donc pour ces astronomes une alternative très intéressante.

Une liaison transatlantique

La décision fut donc prise : un circuit serait mis en place à travers une liaison satellite à haut débit (56 kbps, du haut débit pour l’international à l’époque !), puis des liaisons louées jusqu’aux locaux des deux équipes. La connectivité IP au NSFNET serait amenée à Sophia Antipolis. Les astronomes américains pourraient donc se connecter sur un ordinateur dédié à Sophia Antipolis, puis, en utilisant la passerelle applicative Telnet – Triple-X, ils pourraient prolonger la connexion vers la base de données. La passerelle était développée et tout semblait prêt pour la démonstration… sauf que l’établissement de la liaison par l’opérateur prit du retard et que les vacances de juillet arrivèrent avant la mise en place du « circuit » par les opérateurs. La passerelle avait été testée en local, mais pas à travers une liaison longue distance ni avec les implémentations de TCP-IP installées sur les ordinateurs américains.

Afin de concentrer les efforts, un étudiant de l’université du Wisconsin, Mitchell Tasman, fut dépêché à Sophia Antipolis pour participer aux tests préopérationnels. À quelques jours du colloque, la connectivité put être établie mais les performances restaient médiocres : on pouvait se connecter du côté américain à la base de données mais on ne pouvait pas vraiment l’exploiter, tellement le débit effectif était faible. La décision de la NASA tomba : annulation de la démonstration, retour de l’étudiant aux États-Unis. À peine Mitchell débarqua-t-il outre-Atlantique qu’un deuxième revirement survint : l’opérateur de téléphonie américain MCI, qui était chargé de la mise en place du lien de communication, demanda de reconsidérer la décision et mit en place les moyens, en termes de débit, pour réussir la démonstration. Mitchell Tasman retourna en France en Concorde, une équipe d’ingénieurs du centre d’opération réseaux (NOC) de l’opérateur MCI fut mobilisée et un pont téléphonique permanent permit de discuter les configurations et les ajustements (jusqu’à l’aube heure française). Parmi ces ajustements, on peut mentionner l’absence de compatibilité entre les deux implémentations de TCP installées sur les ordinateurs américains et français, qui fut détectée et contournée ainsi que la modification du code X.25 de la SM90 pour éviter les déconnexions. La démonstration fut un grand succès.
La France devint à ce moment-là le troisième pays après les États-Unis et le Canada à se connecter au NSFNET.

Plusieurs personnes participèrent à cette aventure côté français : Christian Huitema, l’instigateur et chef du projet, Luc Ottavj, le responsable du service des moyens informatiques et Walid Dabbous, alors jeune doctorant travaillant sur les architectures des réseaux hétérogènes, parmi d’autres.

Depuis 1988, des innovations incessantes

Depuis cette époque, les protocoles TCP/IP se sont imposés comme standard de fait avec le déploiement universel d’Internet.
Les avancées scientifiques ont permis la connectivité universelle, le support de la mobilité et de la vidéo dans le réseau. Là aussi, l’Inria fut un précurseur avec le logiciel de vidéo conférence multi-utilisateur IVS développé entre 1992 et 1994. D’autres activités furent réalisées pour faciliter l’intégration de réseaux satellite dans l’Internet à l’IETF et ont abouti au lancement de la start-up UDcast spécialisée dans la convergence des réseaux IP par liens numériques satellites et hertziens terrestres. Le souci d’interopérabilité avait pourtant mené à une ossification du protocole IP et du réseau. Afin d’assurer la compatibilité avec l’existant et de ne pas remettre en question les services fournis au dessus de TCP/IP, il n’était plus concevable d’ajouter de nouvelles fonctionnalités dans le réseau. Ceci a « poussé » l’innovation à l’extérieur du réseau vers les utilisateurs et des protocoles comme BitTorrent, l’un des protocoles phares des réseaux pair à pair, ont vu le jour. Des études sur les performances de ces protocoles et les risques de divulgation d’informations sensibles concernant la vie privée des utilisateurs de ces protocoles, mais aussi de Skype et de Twitter, ont d’ailleurs été réalisées au sein des équipes de recherche RODEO, PLANETE et DIANA et ont rencontré un écho mondial.

Ces dernières années ont vu une tendance forte vers la programmabilité des équipements réseaux avec les réseaux « logiciels » (Software Defined Networks ou SDN) et avec le déploiement dynamique de nouveaux services à travers la virtualisation des fonctions réseaux (Network Function Virtualization ou NFV). En effet, la complexité et la diversité des protocoles de la famille TCP/IP ont mené à une sorte de monopole des équipementiers. L’idée alors était de simplifier la conception matérielle des équipements réseaux et d’ouvrir aux fonctions réseaux logicielles. Et l’aventure continue.

Les deux géants

Plus tard, Internet est devenu aussi imposant que le réseau téléphonique, qui s’est lui-même considérablement développé.
Les deux géants sont maintenant interconnectés et partagent de nombreux liens physiques, mais l’un n’a toujours pas supplanté l’autre.
Les fibres optiques ont permis d’atteindre des débits de l’ordre de 100 milliards de bits par seconde. Ainsi, une seule fibre peut par exemple acheminer tout le trafic téléphonique de la France, ou encore, l’équivalent de 1000 milliards de lignes de sémaphores.

Les progrès les plus récents, dans les deux cas, concernent la mobilité. L’utilisation généralisée de liens radio permet de communiquer en se déplaçant. Les premiers réseaux radio remontent pourtant au début des années 1970 avec le réseau ALOHA dans les îles hawaïennes. Mais il n’était pas facile à l’époque de caser un ordinateur et un émetteur-récepteur radio dans sa poche !

sommaire

1978-2012 Transpac

Transpac a été un réseau public français de transmission de données à commutation de paquets qui a été ouvert par la société Transpac en 1978.
Il était fondé sur la génération de standard dit X.25, un standard . Ce réseau a été partie prenante du réseau mondial X.25 qui, avant Internet, a permis des transmissions de données dans le monde entier créé au départ pour une clientèle professionnelle, il a permis ultérieurement, avec les terminaux grand public Minitels, le développement en France de services télématiques précurseurs de ceux d'Internet.
Confronté à la concurrence d'Internet, alors que l'évolution de la filière technologique X.25 en fonction de l'évolution des besoins et des moyens n'avait pas eu lieu, et alors que l'utilisation du réseau par les Minitels s'amenuisait fortement, Transpac a été fermé en juin 2012.



Les standards utilisés
Les services offerts par Transpac étaient ceux des standards internationaux établis par le CCITT à partir de 1976, et fondés sur le principe des circuits virtuels. Souvent désignés globalement sous le titre global de «X.25», ils comprenaient :
(1) l'Avis X.25 proprement dit, pour l'utilisation du réseau par les ordinateurs aptes à formater eux-mêmes des paquets de données ;
(2) les Avis X.3, X.28 et X.299,10,11, pour l'utilisation du réseau par les terminaux «légers» fonctionnant en mode caractère, et pour les entrées d'ordinateurs faites pour accueillir directement ce type de terminaux ;
(3) l'Avis X.75 pour l'interconnexion des réseaux.

Le choix par le CCITT des circuits virtuels pour ses standards, de préférence à l'autre technique de commutation de paquets identifiée à l'époque, les datagrammes, résultait d'une initiative française pilotée par l'informaticien Rémi Després. Elle avait rapidement rencontré l'adhésion de futurs opérateurs de réseau à commutation de paquets au Canada, où les concepteurs du réseau Datapac avaient un temps envisagé d'offrir un service à base de datagrammes ; aux États-Unis, où le concepteur et directeur d'Arpanet, Larry Roberts, s'était indépendamment convaincu que les circuits virtuels étaient le service qui répondait aux besoins du marché ; au Royaume Uni, très impliqué dans le lancement du réseau européen Euronet ; au Japon avec le projet de la NTT.

Par rapport à d'autres réseaux qui, comme Datapac et Telenet, ont utilisé en interne un routage de datagrammes pour offrir le même service de circuits virtuels X.25, cela avait de plus les avantages de la simplicité, notamment pour rendre effective la différentiation des classes de service que proposait X.25. Le service offert par un réseau public se devait en effet d'être adapté à tous les types d'équipements utilisateurs, et donc à ceux qui, tout en étant privés, sont eux-mêmes des réseaux. Le protocole X.25 était donc, à quelque détails près, applicable à l'interconnexion de réseaux d'opérateurs (c'est l'Avis X.75). Mais il était donc aussi utilisable entre les nœuds voisins d'un même réseau. Avant de figurer dans les spécifications de Transpac, ce principe simplificateur avait été testé avec succès sur le réseau expérimental RCP.

Le lancement : En février 1975, un appel d'offres international a été lancé par la DGT.
Il faisait suite à l'annonce faite en 1973 par le Directeur général des Télécommunications Louis-Joseph Libois de faire étudier par le CCETT les « conditions dans lesquelles un réseau public utilisant la technique de commutation par paquets pourrait être lancé en France, et ce dès 1976 ».
Elles étaient techniquement très précises concernant la réalisation des circuits virtuels. Sur exigence du Ministère de l'Industrie, elles demandaient aussi aux soumissionnaires de proposer, à leur façon, un service de datagrammes. Au vu des progrès de la standardisation des circuits virtuels au CCITT, cette demande sera abandonnée avant même la réception des offres.
En décembre 1975, le consortium Sesa-TRT-TIT, qui était à la fois le mieux disant et déjà doté d'une expérience dans le domaine, a été choisi pour la réalisation des commutateurs du réseau.

Afin que les constructeurs d'ordinateurs soient prêts pour l'ouverture de Transpac, plusieurs actions préparatoires avaient été engagées.
(1) Des raccordements d'ordinateurs variés avaient été effectués, en mode paquet, sur le réseau expérimental RCP18 : un XDS 940, un Honeywell 6080, un IRIS 80 de la CII, des IBM 370/145 et 3271, un T 1600 de la Télémécanique, et un Modular One du britannique Computer Technology Limited. Ainsi avait-il été vérifié, d'une part la faisabilité à un coût raisonnable et avec une bonne fiabilité d'un service à base de circuits virtuels, d'autre part que, pour les constructeurs d'ordinateurs, utiliser un tel service était faisable dans de bonnes conditions.
(2) Des spécifications du protocole détaillé à respecter pour utiliser au mieux Transpac, avec les précisions à connaître au-delà des seuls standards X.25 et X.3-28-29, ont été mises à la disposition des constructeurs longtemps avant l'ouverture du réseau (les Spécifications Techniques d'Utilisation du Réseau, dites STUR).
(3) Un simulateur du comportement de Transpac, REX25, a été réalisé au CCETT sur un mini-ordinateur Mitra 125 (le successeur du Mitra 15, d'abord développé par la CII, puis commercialisé par la SEMS). Cet outil a été mis à la disposition des constructeurs pour des sessions de déboggage de leurs logiciels.

La croissance
Transpac a rapidement connu une forte croissance : ouvert en 1978 avec 1500 accès directs possibles, il atteint 5300 accès effectifs en 1981, puis 10000 en 1983, 21500 en 1984 (une année où Internet en est encore à 1000 ordinateurs raccordés), et 31000 en 1985.

Les applications professionnelles ont concerné tous les secteurs d'activité avec, en 1985, 22 % dans l'industrie, 17 % dans les assurances, 13 % dans les administrations, et 13 % dans les banques et la finance20. Dans le secteur bancaire, Transpac a été utilisé entre les distributeurs automatiques de billets et leurs serveurs par des liaisons permanentes. Il a aussi été le réseau via lequel les lecteurs de cartes bancaires des commerçants, qui y accédaient au réseau par des communications téléphoniques locales, consultaient les serveurs des banques sollicitées. Au niveau mondial, la société Swift, qui gérait les échanges interbancaires, a utilisé le réseau X.25 international, de 1991 jusqu'en 2004 ou il a basculé sur Internet.
Les applications résidentielles ont connu une croissance très rapide après que la Direction générale des Télécommunications ait distribué gratuitement à tous les abonnés au téléphone des Minitels. C'était au départ pour son Annuaire Électronique, grâce auquel les usagers pouvaient trouver les numéros des nouveaux abonnés au téléphone dès leur mise en service, mais aussi, dans un deuxième temps, pour promouvoir la création de nouveaux services dits Télétel. Ceux-ci étaient offerts sur des serveurs privées raccordés à Transpac, les Minitels accédant au réseau par l'intermédiaire de Points d'Accès Vidéotex, les PAVI21.
À la fin des années 1980, le trafic Teletel contribuait pour près à 50 % au trafic total du réseau. Selon une estimation citée par Altavista France et attribuée à France Télécom il y avait en 2000 « 9 millions de terminaux Minitel en service, dont un bon tiers sont en réalité des ordinateurs avec une émulation » et « 15 millions d'utilisateurs », au point que des sociétés américaines Yahoo et Altavista ont ouvert leurs moteurs de recherche à des accès en mode Minitel.

La qualité de service
La qualité de service a dès l'origine fait l'objet d'un suivi dont les chiffres étaient transmis au GERPAC, l'association des utilisateurs de Transpac (Groupement d’études pour l’Établissement du Réseau Transpac1. Sauf pendant deux périodes où des bogues de jeunesse ont porté atteinte à cette qualité, elle a atteint le niveau élevé que sa conception permettait d'attendre. Le premier incident a eu lieu en 1982 sous la forme de coupures aléatoires de communications. Dû à une mauvaise réaction des commutateurs à certains cas de charge exceptionnellement élevée, leur cause a été promptement diagnostiquée et éliminée. Le deuxième incident, plus grave, et de ce fait abondamment commenté dans les médias, a eu lieu en juin 1985 : de très nombreux utilisateurs des Minitels ont subi un arrêt complet de service pendant une quinzaine de jours. Une fois qu'a été corrigée la faute logicielle qui en était la cause dans la commande des commutateurs, le service est définitivement redevenu normal, et avec un bon niveau de sécurité.

Principes de fonctionnement du Protocole X25

Transpac a utilisé la « commutation d'étiquettes», une technique où tous les paquets d'une même communication suivent le même chemin, choisi au moment où celle-ci est établie. Cela lui assurait, par rapport à un fonctionnement interne en mode datagramme, une meilleure efficacité en transmission et en commutation. En transmission, grâce à la suppression du besoin de répéter dans chaque paquet une adresse de source et une adresse de destination. En commutation, grâce à la suppression du besoin d'analyser dans chaque commutateur traversé, et pour chaque paquet, la route à emprunter en fonction de son adresse de destination. C'est un principe qui a notamment été repris dans Internet pour son Multiprotocol Label Switching.

Comme sur le réseau téléphonique, le premier paquet échangé entre deux équipements informatiques (terminal distant et site central par exemple) est un paquet d'appel qui va permettre d'établir la route que vont emprunter les autres paquets de la communication de données dans tous les commutateurs utilisés pour cette communication. Les algorithmes de routage, qui vont déterminer vers quelle ligne de sortie il faut router le paquet d'appel pour qu'il arrive à destination, utilisent soit des tables de routage statiques soit des tables de routage dynamiques. Dans ce cas ces tables sont mises à jour par échange d'information entre les commutateurs à l'aide de protocoles propriétaires.
A l'inverse du réseau téléphonique il n'y a aucune réservation de puissance de commutation ou de bande passante sur les lignes de transmission entre les commutateurs. Ces ressources ne sont utilisées qu'en cas de transmission de données entre les abonnés. On a ainsi établit un circuit virtuel entre les deux abonnés.
Les commutateurs multiplexent les paquets de données des différents circuits virtuels sur les lignes de transmissions avec comme règle : premier arrivé, premier parti. Pour ce faire chaque paquet de données à une entête qui comprend un identifiant du circuit virtuel auquel il appartient et un numéro d'ordre afin d'être sûr de délivrer les paquets au destinataire dans l'ordre ou ils ont été émis.
Mais le multiplexage peut faire apparaître des engorgements dans le réseau suite à la saturation d'un commutateur ou d'une ligne de transmission. Afin de réguler ce phénomène, pour chaque paquet reçu, commuté et émis sur une ligne de transmission, le commutateur émet un acquittement à l'émetteur de ce paquet avec le numéro d'ordre du paquet reçu. Si l'émetteur ne reçoit plus d'acquittement, il va cesser d'émettre après avoir émis un nombre déterminé de paquets (pour ne pas freiner la transmission en temps normal), limitant ainsi la saturation du réseau. De plus, seuls les utilisateurs de la ressource saturée dans le réseau sont limités, les autres n'étant absolument pas affectés. Le dernier paquet de la communication de données est un paquet de libération qui va effacer la route dans tous les commutateurs du réseau traversés par cette communication. Ceci est le principe de fonctionnement du niveau Paquet (couche 3 du modèle OSI).

Avant d'être émis sur une ligne de transmission, chaque paquet est encapsulé dans une trame de manière à fiabiliser la transmission de données sur les lignes de transmission (entre l'abonné et son commutateur de rattachement et entre les commutateurs du réseau). Un nombre est calculé à partir des bits de la trame réellement émise sur la ligne et envoyés avec la trame. Ceci permet au commutateur qui reçoit cette trame, de faire le même calcul et de s'apercevoir d'une erreur de transmission, si le résultat de son calcul est différent de celui reçu.
Chaque trame, émise avec un numéro d'ordre, est conservée en mémoire jusqu'à la réception d'un acquittement du distant pour cette trame. Pour ne pas ralentir la transmission, un commutateur peut émettre un nombre de trames prédéterminé sans recevoir d'acquittement. Un commutateur qui reçoit des trames erronées, demande la réémission de cette trame et de toutes les suivantes qui ont été émises.
Ceci est le principe de fonctionnement du niveau Trame (couche 2 du modèle OSI).
Enfin, chaque port d'un commutateur contrôle le niveau Physique (couche 1 du modèle OSI), c'est-à-dire le fonctionnement avec l'équipement de transmission de données, principalement un modem.

Donc si une application informatique veut transmettre un fichier en X25 à un autre système informatique, elle doit : " découper le fichier à transmettre en paquets de données " demander l'établissement d'une connexion au niveau paquet, qui va générer un paquet d'appel " dès que la communication est établie avec le distant, transmettre les paquets au niveau paquet qui va rajouter l'entête paquet et gérer le protocole paquet " le niveau paquet va transmettre ces paquets au niveau trame qui va rajouter son entête et le nombre calculé sur les données à transmettre, pour contrôler les erreurs " le niveau trame va transmettre la trame ainsi constituée au niveau physique qui gère l'interface avec le modem et émet la trame sur la ligne de transmission. Ceci est schématisé par la figure ci-dessous.

Les commutateurs du réseau vont faire de même, c'est-à-dire : " recevoir la trame de la ligne du terminal distant, en gérant l'interface physique avec l'équipement de transmission " la transmettre au niveau trame qui va vérifier que les données reçues sont sans erreur de transmission et, si ce n'est pas le cas, demander au niveau trame du terminal distant la retransmission des données erronées " transmettre au niveau paquet qui va s'assurer du bon ordre de réception des paquets " transmettre le paquet au commutateur proprement dit qui va trouver, en fonction de la ligne et du numéro identifiant, le circuit virtuel en entrée, la ligne et le numéro identifiant le circuit virtuel en sortie, grâce à la table de routage établie lors du traitement du paquet d'appel " le commutateur va transmettre le paquet au niveau paquet qui va le traiter … " et ainsi de suite, jusqu'au niveau paquet du site central qui va pouvoir transmettre, dans le bon ordre, tous les paquets émis par le distant qui, une fois recollés, permettront de reconstituer le fichier transmis. Ceci est schématisé par la figure ci-dessous.

En résumé, voici les raisons du succès d'X25 :
- bien que tous les abonnés puissent être connectés au réseau simultanément, grâce au niveau paquet, le réseau limite l'émission des abonnés en cas de surcharge, sécurisant ainsi le fonctionnement du réseau
- l'intégrité des données transmises au réseau est garantie par la correction d'erreur du niveau trame.

sommaire

Le Réseau X.25 international
Liaisons Transpac avec d'autres réseaux en 1980 (NTI dérivé de REX25 au CCETT)
–USA: Telenet, Tymnet, via RCA, ITT, WUI (2 x 9600 bit/s chacun)
–Espagne: RETD, via CTNE (9600 bit/s)
–Anilles: 4800 bit/s
–Grande-Bretagne, Irlande, Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Belgique, Luxembourg, Suisse, Italie: via Euronet (2 x 9600 bit/s)
Extensions engagées
–Canada: Datapac et Infoswitch, via Teleglobe (9600 bit/s)
–Japon: DDX, via KDD
–Allemagne: Datex-P
–Pays-Bas: DN-1
–Grande-Bretagne: IPSS , et via IPSS
•Suède: Swenet
•Norvège: Norpac
•Australie: Austpac, via OTC
128 pays, ayant chacun de 1 à 65 réseaux, enregistrés au CCITT en août 2004 (Avis X.121)

– Grands Commutateurs
•SESA-TRT-TIT le CP50
•Luxembourg
– Commutateurs moyens
•SESA Gamme DPS 25
•Brésil, Australie, Chine, Nouvelle-Zélande, Ile Maurice, Taiwan, Sénégal
– Peits commutateurs pour réseaux privés
•TRT gamme Compac
•OST gamme Ecom (Thao Lane)
•SAGEM – gamme Megapac

La société TRT

La disponibilité des réseaux
L'utilisation du S9696 a été remarquable car il possédait la fonction de secours de la Liaison Spécialisée par le réseau téléphonique commuté. Les développements mentionnés ci-dessus ont permis de mettre en œuvre des secours en cas de panne de concentrateur, en raccordant les sites distants, via le réseau téléphonique, sur un concentrateur de secours au site central. On a également mis en œuvre des secours de LS numérique en utilisant l'accès RNIS développé sur la gamme MCX. Le résultat du calcul de disponibilité était toujours supérieur à 99,9 % du temps. Ces techniques de sécurisation sont illustrées par le schéma suivant

Forte de ses connaissances en commutation de paquets X25 (T.I.T. a repris son indépendance peu après 1979), TRT a développé pour les communications d'entreprise une gamme de matériels appelés COMPAC comprenant au départ deux commutateurs de faible capacité : le CP 8 et le CP 1. Ces deux commutateurs seront ensuite remplacés par le CP 9. L'arrivée en 1983 du processeur de réseau NPX 090 utilisant l'architecture SM 90 du CNET a permis de compléter la gamme COMPAC. Parmi les réalisations entreprises avec ces matériels, le changement de numérotation du réseau téléphonique français le 25 Octobre 1985 est une des plus spectaculaires. TRT assura la supervision de tous les centres principaux et régionaux et du centre national. En moins d'une heure 23 millions d'abonnés furent dénumérotés sans incident.

Auparavant, en 1982-1983, TRT avait participé à la réalisation du premier central du terminal annuaire à Rennes en fournissant les équipements frontaux. Ce fut une première mondiale et l'aventure du Minitel commençait : ce central était prévu pour accueillir 450 000 abonnés d'Ille et Vilaine.

Les réussites avec les Administrations

TRT, très présent sur le marché de l'administration, a heureusement pu compenser le chiffre d'affaire décroissant de la Banque, dans le début des années 1990, par de beaux succès dans l'Administration.
L'un des plus beaux contrats restera sans doute le réseau de La Poste. La Poste avait en effet décidé de réaliser un réseau privé, depuis sa séparation de France Télécom. La difficulté, pour les ingénieurs de La Poste, résidait principalement dans le manque de données concrètes sur les trafics de leur réseau. En effet, tant qu'ils étaient une Direction des PTT, le réseau était considéré comme de la consommation de ressources internes du Ministère, sans impact financier. Après leur séparation, il s'est avéré que La Poste devait toujours payer France Télécom en fin d'année, car La Poste consommait plus de ressources de télécommunications que l'inverse.
Il s'agissait donc de raccorder les 17 000 bureaux de Poste sur les différentes applications des différents métiers de La Poste. L'avant vente a construit, là aussi, une longue et fructueuse expérience. Environ deux ans de travail en commun ont permis de concevoir le plus grand réseau X25 privé européen.
L'optimisation de réseau, que nous avions pratiquée à grande échelle sur le secteur bancaire, les a évidemment séduits. Mais avec un niveau d'exigence que nous ne connaissions pas ! En effet gagner 1% sur le coût de fonctionnement du réseau, c'était économiser le coût de fonctionnement d'un département !
La sécurisation du réseau a également beaucoup intéressé La Poste, car c'est elle qui verse les aides sociales et qui avait déjà connu des débordements violents, dans certains bureaux de poste qui ne pouvaient pas verser ces aides à cause d'un problème informatique. La Direction du réseau ne voulait absolument pas être responsable de tels débordements.
En Octobre 1991, TRT a été retenue seule, suite à un appel d'offre pour réaliser un réseau Pilote sur le département de l'Ille et Vilaine avec les produits NPX09 et NPX90. Suite à la réalisation de ce premier contrat sans problème, La Poste a lancé un deuxième appel d'offre pour la généralisation. TRT a répondu avec des produits nouveaux de la gamme MCX 112, 212 et 212 redondant. Et nous avons été retenus avec la SAT. TRT fournissait plus de 1500 concentrateurs et la moitié des modems (17 000 Sematrans 256), la SAT fournissant l'autre moitié des modems, ainsi que l'intégration des équipements en baie et l'installation sur site.

Et il y en eut bien d'autres…, le Ministère des Affaires Sociales, la Direction Générale des Impôts, la RATP, le Ministère de l'Intérieur (après un premier échec face à la SAT), des hôpitaux comme le CHU de Lyon…


sommaire

1983 : Le cap des 10 000 abonnés est franchi en mai. Avec le boom du Minitel, Transpac assure l'acheminement de l'ensemble du trafic Vidéotex.

1987 : Les 50 000 raccordements sont atteints et la messagerie Atlas 400 est lancée, préfigurant le succès des messageries Internet.

1990 : Le cap des 3,5 Milliards de Francs de chiffre d'affaire est dépassé. Transpac devient la deuxième SSII française et exploite le premier réseau mondial de téléinformatique
Le développement rapide de l'international aboutira en 1993 à la mise en place de 17 filiales réparties sur l'ensemble de l'Europe.

1995 : Un nouveau service commercial est lancé s'appuyant lui aussi sur une technologie d'avant-garde : le Frame Relay. Ce service facilite l'introduction du multimédia dans les réseaux d'entreprise.

1996 : Transpac s'engage fortement dans le monde de l'Internet, avec l'annonce de Global Intranet, la première solution Intranet au monde, développée en partenariat avec Sprint et Deutsche Telekom dans le cadre de l'alliance Global One, et la commercialisation d'accès directs à l'Internet. Transpac rejoint la Branche Entreprises de France Télécom où elle participe à la Division Services et Réseaux de Données (SRD).

1998 : Bien qu'en situation concurrentielle depuis près de 5 ans (marché des données dérégulé en France depuis 1993), c'est au 1er janvier 1998 qu’apparaissent les concurrents les plus sérieux pour Transpac, notamment Cegetel avec le réseau SNCF et d'Equant (anciennement SITA/Air France) qui intensifie sa présence.

2000 : Le rachat de Global One (26 janvier 2000) et la mise en place des nouveaux principes d'organisation de la Branche Entreprises conduisent à la réorganisation des entités constitutives de la Division Services et Réseaux de Données (SRD).

Ainsi est créée une nouvelle entité dénommée SRI (Solutions Réseaux et Internet) -Transpac, responsable des activités Réseaux d'Entreprise et Internet Entreprise en France.SRI-Transpac est le plus important « Data provider » d’Europe.
.
Avec la généralisation du protocole IP dans tous les domaines (voix, données, images) et la reprise du réseau backbone IP par les entités réseaux de la maison mère, l'existence d'une filiale spécifique dans le domaine des transmissions de données ne se justifie plus. De ce fait au 1er janvier 2006 l'entité Transpac disparait et est complètement fondue dans la Branche Entreprises du Groupe.

Mai 2017 Arrêt du dernier commutateur X25 actif chez Orange

Dans un tweet, Jean-Luc Vuillemin, directeur des réseaux internationaux d'Orange, annonçait l'extinction définitive du dernier commutatif X25 encore en service chez notre opérateur historique. Il publiait à l'occasion la photo de cet équipement .
Alors que la direction générale de Transpac et ses équipes administrative, financière et commerciale étaient basées à Paris, les équipes d'exploitation technique et informatique étaient installées en Bretagne, à Rennes.

Transpac aura une croissance très rapide, puisque son réseau, ayant le monopole X25 en France, fut utilisé pour supporter toute l’architecture du système Minitel et les énormes volumes de trafic induits par l’annuaire électronique et les services 3615 poru le rand public.

Boosté par ces usages en pleine expansion le chiffre d'affaires de Transpac, qui était de 550 MF en 1984, quadrupla en 3 ans pour dépasser les 2 milliards de francs dès 1987. Transpac permettait la connexion de divers équipements et terminaux, à des débits que l’on trouve aujourd’hui ridicules : les Minitel se connectaient, via le réseau téléphonique commuté, à 1200 bits / seconde de débit descendant et 300 bits / seconde de débit montant. Les serveurs Minitel étaient capables de gérer plusieurs centaines de connexions simultanées sur une seule connexion Transpac d’un débit de 256 kb/s ! Et si chacune de ces connexions concernait un service Minitel 3615 facturé 1,29 F / mn, alors une ligne Transpac de 128 accès simultanés pouvait produire un chiffre d'affaires allant jusqu’à 1,29 x 60 x 24 x 128 = plus de 200.000 F par jour !

sommaire

Un document détaillé de la Recommandation UIT-T X.25 " l'interface entre équipement terminal de traitement de données et équipement de terminaison de circuit de données pour terminaux fonctionnant en mode paquet et raccordés par circuit spécialisé à des réseaux publics pour données" est disponible en ligne.