Le CNET Centre national d'études des télécommunications

Le Centre national d'études des télécommunications , le CNET, était un laboratoire de recherche français en télécommunications.

Le 1er mars 2000, les changements économiques intervenus dans ce secteur ont conduit l’État et France Télécom à fusionner le CNET avec diverses autres entités pour former France Télécom R&D, devenu Orange Labs en 2007.

Dans les années 1930, au sein de l'administration des PTT, deux petits organismes ont vocation à mener des recherches en télécommunications : Le « Service d'études et de recherches techniques » (SERT) et le Laboratoire national de radioélectricité (LNR).
Avec quatorze ingénieurs, le SERT, créé est une sorte de bureau d'études chargé d'établir les cahiers des charges (décret du 4 juillet 1916).
Le LNR, créé en 1931 et issu du laboratoire de télégraphie militaire créé par le général Ferrié en 1926, ressemble plus à un laboratoire de recherches car il regroupe des scientifiques reconnus dans un certain nombre de domaines comme la physique de la haute atmosphère ou la métrologie.
Ce laboratoire interministériel rattaché aux PTT est sollicité pour l'affectation de fréquences entre les différents acteurs, privés ou publics de la radiodiffusion.

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En 1940, après la défaite de juin 1940 et l'instauration de ce que l'on appellera le régime de Vichy, un comité de coordination des télécommunications impériales (CCTI) fut créé pour organiser les politiques de télécommunications.
Au cours de la période 1940-1944, l'administration des PTT sera d'ailleurs complètement remaniée, notamment dans le secteur des télécommunications. Le premier organe créé spécifiquement pour la recherche est la « Direction des recherches et du contrôle technique » ( DRCT ) qui regroupe l'ancien SERT et le service de vérification du matériel.
En 1941, elle compte 314 personnes dont 28 ingénieurs, dirigées par Jean Dauvin assisté de Charles Lange. Jean Dauvin s'emploie à développer un puissant centre de recherches PTT avec des ingénieurs dont la compétence doit égaler celles de leurs collègues d'entreprises privées comme la Société française radio-électrique (SFR).

À la suite de l'armistice du 22 juin 1940, les corps d'ingénieurs militaires ont été dissous et 80 ingénieurs et 100 agents des transmissions militaires trouvent refuge dans les diverses administrations des PTT dont certaines, comme le SERT de Lyon, n'étaient qu'une couverture pour effectuer des tâches militaires. L'invasion de la zone libre, en novembre 1942, conduira le SERT à abandonner les recherches militaires. La voie est alors ouverte pour que Jean Dauvin accélère l'évolution qui va mettre un terme aux pratiques d'avant-guerre où les techniciens de l'État se cantonnaient dans l'énoncé des problèmes, l'orientation des études et le contrôle des réalisations. Pour que les techniciens des administrations soient excellents, il faut qu'ils disposent de leurs propres laboratoires. Pour Jean Dauvin et Charles Lange, avec l'expansion rapide des télécommunications, un laboratoire d'État ne ferait pas concurrence aux laboratoires industriels privés.

Finalement, avec l'appui du ministre à la Production industrielle Jean Bichelonne, le CNET, créé par acte dit Loi n°102 du 4 mai 1944, regroupe la plus grande partie des services rattachés jusqu'alors à la DRCT, et reste, en principe, un organe interministériel.

À la Libération, par l'arrêté du 18 novembre 1944, Jean Dauvin, trop lié au régime de Vichy, est remplacé par Henri Jannès, responsable des télécommunications en Afrique du Nord en 1943 et ancien résistant gaulliste. L'ordonnance de validation n° 45-144 signé par le général de Gaulle le 29 janvier 1945 conserve le caractère interministériel du CNET.

La création du CNET par la loi du 4 mai 1944, confirmée quelques mois plus tard par le Gouvernement provisoire, marque un véritable tournant. Celui-ci n’est cependant pas dénué d’ambiguïté pour les ingénieurs des Télécoms. Si l’importance stratégique des télécommunications est reconnue par cette initiative, le statut interministériel du CNET ramène en revanche l’administration des PTT à un rôle de simple partenaire d’un projet plus large, impliquant notamment les militaires. Pierre Marzin, qui a été nommé au sein du CNET directeur de la « section particulière des PTT », s’oppose rapidement à ce principe. En 1946 cette section reprend officiellement son indépendance et devient le SRCT.

La question de l’articulation entre le CNET et l’industrie s’était posée dès sa création. Henri Jannes, le premier directeur, avait mis en place une politique autoritaire très mal perçue par les industriels. Sa doctrine était fondée sur la logique d’un opérateur soucieux d’obtenir les meilleurs prix de la part de ses fournisseurs. Non dénuée d’éléments idéologiques, la politique d’Henri Jannes tenta d’inscrire la relation avec les industriels comme la résultante d’un rapport de force favorable à la puissance publique. Pierre Marzin souhaitait au contraire un véritable partenariat entre opérateur et manufacturiers, susceptible de permettre la création d’un contexte favorable à l’émergence d’une industrie nationale puissante et autonome.

Jusqu'en 1954, le CNET dirigé par Henri Jannès devra coexister avec le Service des recherches et du contrôle technique SRCT, créé par le ministère des PTT le 25 avril 1946, et dirigé par Pierre Marzin, ancien adjoint de Jean Dauvin.
La Direction générale des Télécommunications (DGT) poussera à partir de 1953 à l'abandon par le CNET de son caractère interministériel et à son intégration de fait dans le SRCT. Les deux organismes fusionnés prendront le nom de CNET.

Cette rupture met en évidence plusieurs éléments qui marqueront les développements futurs. Elle signale tout d’abord que la recherche est devenue un point central pour le développement des télécommunications françaises, non seulement en termes opérationnels, mais également en tant que lieu de pouvoir. Elle place la question des relations entre recherche publique et industrie privée au cœur des débats. Désormais, c’est dans une large mesure de cette relation que résultera l’organisation de la recherche. Elle pose enfin la question des relations entre l’opérateur de réseau et le développement de cette recherche. Cette dernière question est résolue en 1954 lorsque le contraste entre la réussite du SRCT et les difficultés du CNET interministériel imposera un CNET « réunifié » sous l’autorité du ministère des PTT.

Pierre Marzin peut appliquer ces idées à la fin des années 1950. Les enjeux les plus importants étaient reliés au développement du téléphone dans l’espace national avec deux grands domaines, la transmission et la commutation. Les collaborations entre le CNET et l’industrie s’étaient développées de manière significative pour la mise en œuvre de technologies innovantes en transmission dès les années 1950..

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Le CNET s'est investi très tôt dans les semiconducteurs.

Dès la fin de la guerre, vers 1946-1947, le CNET avait fait son marché en Allemagne. Il avait récupéré deux scientifiques allemands H.Welker et H.Mataré et avait contribuéà leur installation dans un laboratoire de la Société des freins et signaux Westinghouse,à Aulnay-sous-Bois. Le CNET
finançait dans cette société des études sur les cristaux de Germanium et de Silicium afin de développer une fabrication française de détecteurs pour hyperfréquences. A la même époque le CNET avait pris en charge un petit laboratoire allemand de la Forêt Noire où un cristallographe, le Dr Emmanuel Franke, travaillait sur la synthèse hydrothermale du quartz, matériau stratégique dont les belligérants avaient été friands durant la guerre. Après quelques péripéties les deux opérations se rejoignent. D'une part, en 1948, le CNET rapatriéà Paris, rue Dussoubs, dans les greniers des magasins Réaumur, le laboratoire du Dr Franke . D'autre part la collaboration avec Westinghouse se détériore quelque peu. Les résultats des recherches menéesà Aulnay sont mitigés : les avis sur les performances telles que l'on peut les connaître à travers les archives sont divergents et, en tous cas, les militaires émettent des critiques sur la qualité des détecteurs fournis . Le soutien du CNET n'est plus garanti, tandis que l'industriel s'interroge sur son intérêt dans cette affaire. H.Welker, physicien de réputation mondiale ne tarde pas à retourner en Allemagne où Siemens lui propose de diriger les recherches sur les semiconducteurs. Quant à Mataré, il émigre aux EU où il fera parler de lui quelques années encore.
Marzin et Sueur ont une ambition nouvelle . Les détecteurs hyperfréquences que Westinghouse peine à développer sont certes bien utiles pour les futurs faisceaux hertziens (et plus encore pour les radars des militaires) mais les Bell Laboratories, pour lesquels Marzin et Sueur ont une admiration profonde, ont annoncé dans Physical Review, début 1948, l'invention, le 23 décembre 1947, d'une sorte d'effet triode dans l'état solide : deux pointes métalliques en contact avec soin sur une surface de Ge ont permis aux chercheurs américains de Muray Hill, d'amplifier des signaux électriques. L'invention du transistor à pointes, comme le soulignent Michael Riordan et Lillian Hoddeson , ne fait pas la une de la presse grand-public : elle n'apparaît qu'en page 46 du New York Timesdaté du 1er juillet 1948, lorsque le quotidien rend compte de la première conférence de presse faite, le 30 juin, sur le sujet par les Bell Labs. En France, l'invention n'échappe pas à l'attention de Sueur et de Marzin. Leur réaction est rapide, et ils chargent le Dr Franke de reprendre, à Issy-IesMoulineaux, où un nouveau bâtiment, le bâtiment B, vient de s'achever, les recherches sur le germanium financées jusqu'alors à Aulnay.Georges Petit Le Du qui a fait ses classes avec Welker est recruté par le CNET où il monte un laboratoire de croissance de cristaux semiconducteurs. Christian Licoppe a bien montré que ce pari technologique sert à merveille l'ambition de Marzin et deSueur de faire du SRCT l'aile marchante du CNET. Pour Pierre Marzin le caractère interministériel de celui-ci est une construction commode. La partie téléphone du CNET, financée sur le budget des PTT, est de loin la plus importante et dispose de moyens importants. Les membres de la meilleure équipe de l'ancien CNET, la Division tubes et hyperfréquences, installée à Neuilly, se sont dispersés. Le SRCT a, en outre, une mission claire,orientée vers le développement du réseau téléphonique; il est la partiemoderne de ce CNET dont Pierre Marzin deviendra, quelques années plus tard, le directeur.
En octobre 1953, le groupe du Dr Franke fait partie du "célèbre" Département Transmissions du SRCT : on y fabrique les premiers monocristaux de Ge. On sait en mesurer la résistivité électrique point par point, mais il faut monter la mesure de la durée de vie des porteurs minoritaires, celle de l'effet Hall, etc. Il faut surtout apprendre à faire des jonctions p-n, les caractériser et fabriquer en quelques exemplaires le transistor à jonction, ce nouveau composant qui vient de détrôner le transistor à pointe. René Sueur et Emmanuel Franke encouragent la petite équipe Ils partagent notre enthousiasme et nous donnent des moyens. Mais que savons-nous des semiconducteurs ? Rien, nous avons tout à apprendre .
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Ainsi débute au Cnet l'épopée des semiconducteurs racontée dans ce document .
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Jusqu'à sa nomination comme Directeur général des Télécommunications en 1965, Pierre Marzin a été la personnalité dominante du CNET. Son influence a eu des conséquences directes et indirectes sur l'implication du CNET dans le développement des semiconducteurs en France .

Le Transistron

L’invention du transistor à pointes en Amérique en décembre 1947 et sa révélation publique - après dépôt des brevets - le 30 juin 1948 font partie de l’histoire bien connue de l’électronique. Mais il est moins connu qu’en France, au même moment, nous étions de manière indépendante quasiment au même point. C’est cette histoire que nous nous proposons de ressortir de l’oubli, sur la base des documents d’époque, sans contester la paternité des brevets américains sur ce sujet…
En France, Eugène Aisberg donne l’information de l’invention du transistor dans le numéro de septembre 1948 de sa revue « Toute la radio ». Il sera le premier de la presse spécialisée en Europe à le faire. Les trois chercheurs américains des laboratoires Bell (John Bardeen, Walter Brattain et William Schockley) recevront le prix Nobel en 1956 pour leur travail. Ils ont été les premiers à faire fonctionner un transistor à pointes puis à jonction et sont à l’origine de l’industrie mondiale des transistors. Mais d’autres chercheurs dans d’autres pays ne sont pas restés inactifs, même si leurs travaux ont été éclipsés par l’équipe des Bell Labs…
En France, à la Libération, Henri Jannès, directeur du C.N.E.T fait le triste constat : « La technique française, en ce qui concerne la fabrication des petits tubes et des tubes spéciaux, est en retard de dix ans sur la technique américaine». La France n’avait pas en effet anticipé le développement des semi-conducteurs et n’avait pas comme en Allemagne ou aux Etats-Unis créé avant ou pendant la guerre des équipes de recherche travaillant sur le remplacement des tubes par des composants amplificateurs « solid state ».
Les détecteurs en germanium et silicium récupérés à partir de matériels militaires allemands et américains font l’objet d’études au SRCT (Service des Recherches et du Contrôle Technique), le service d’études propre au ministère des P.T.T., dont le directeur est Pierre Marzin. La possibilité de monter à des fréquences très élevées de l’ordre de 3 Mhz leur confère un intérêt certain pour les réseaux de télécommunications.
Comme dans beaucoup de domaines, des spécialistes allemands viendront après guerre renforcer les équipes scientifiques des pays vainqueurs. Les français arrivent à convaincre en 1946 deux chercheurs allemands spécialistes du domaine des semi-conducteurs de venir poursuivre en France leurs travaux initiés pendant la guerre [DUP 07]. Ils ont été comme d’autres scientifiques « débriefés » par les services de renseignements alliés. Le docteur Herbert Franz Mataré a étudié à Aix la Chapelle puis à Genève où il a aussi appris le français. En 1939 il rejoint le laboratoire de TELEFUNKEN à Berlin. Il se consacre durant la guerre à l’amélioration du récepteur à bande centimétrique. Il a travaillé sur des duo-diodes en cherchant à reproduire des caractéristiques proches entre les 2 pointes pour pouvoir éliminer le bruit. Après la guerre il devient professeur avant d’accepter de rejoindre en France début 1947 la Compagnie des Freins et Signaux Westinghouse (C.F.S.W).
Le docteur Heinrich Johann Welker a travaillé avec Sommerfeld pour obtenir son doctorat. Il publie avec lui des articles fondamentaux qui feront date. Pendant la guerre il travaille pour le service des recherches des transmissions, entre autres sur des détecteurs à cristal pour ondes centimétriques mais aussi sur un « cristal à 3 électrodes ».
Dans les conditions difficiles de l’après-guerre en Allemagne, il s’est établi comme ingénieur indépendant. Il rejoint comme Herbert Mataré la France début 1947 et travaille avec lui pour la Compagnie des Freins et Signaux WESTINGHOUSE, société française qui n’a plus après guerre de relation de dépendance avec l’ancienne maison mère américaine WESTINGHOUSE ELECTRIC INTERNATIONAL COMPANY.
Sous l’impulsion de Pierre Marzin et de son adjoint René Sueur, la Compagnie des Freins et Signaux WESTINGHOUSE a négocié et signé en novembre 1947 un contrat de 6 millions de Francs avec le SRCT pour développer et industrialiser des diodes au germanium et au silicium. Comme WESTINGHOUSE était déjà connue pour ses redresseurs et ses détecteurs WESTECTOR, ce contrat lui permettait d’élargir le champ d’activités vers les redresseurs très hautes fréquences. La compagnie n’a pas attendu la signature du contrat et a anticipé les travaux.
Il a fallu créer de toutes pièces un laboratoire séparé consacré au germanium et au silicium, indépendamment du sélénium. Les docteurs Mataré et Welker ont donc investi un petit pavillon d’Aulnay-sous-Bois pour en faire leur laboratoire,
Welker se chargeant de l’élaboration du germanium et Mataré de la technique de production des diodes et des mesures associées. L’objectif était de concurrencer les diodes américaines SYLVANIA telle la 1N34. Dés mi-1947 la production commence. Début 1948 3000 diodes sont réalisées mensuellement et ce volume passe à 10 000 / 20 000 par mois début 1949 avec des performances suffisamment bonnes pour atteindre 3 cm de longueur d’onde. Mais quand son travail lui laisse le temps, Mataré reprend ses travaux sur la duo-diode entamés en Allemagne durant la guerre. Début 1948 – donc un peu après les Américains - il arrive à piloter le courant dans une diode à partir de l’autre, même avec les 2 pointes distantes de 100µ. Welker essaie d’interpréter ces résultats sur la base de la théorie de Schottky. Ils sont eux aussi en présence d’un amplificateur solide, sur la même base que les Américains !
Et c’est ainsi que le 13 août 1948, les docteurs Herbert F. Mataré et Heinrich J. Welker déposent en France un brevet pour leur « Transistron », suite à leurs travaux pour le compte de la Compagnie des Freins et Signaux Westinghouse. Ces travaux ont été financés dans le cadre d’un second contrat par le ministère des P.T.T. qui recherchait le moyen de remplacer les amplificateurs relais à tubes dans les liaisons téléphoniques, beaucoup trop gourmands en énergie.

Le « Transistron » n’est rien moins que la version européenne du transistor à pointes dont le nom a été subtilement changé par René Sueur pour se démarquer du vocable américain de transistor. La photo ci-contre montre la première réalisation en Juin 1948 selon le docteur Mataré (donc un peu avant l’annonce officielle US du 30 juin 1948).



Premier transistor européen construit en juin 1948 au laboratoire de la
Compagnie des Freins et Signaux Westinghouse, Paris, par les docteurs H.F. Mataré et H. Welker (source Deutsches Museum)
Noter la similitude avec le type A de Bel

Ce dépôt de brevet est un baroud d’honneur en réaction à l’annonce américaine du 30 juin 1948 en vue de se préparer à une future guerre des brevets. Elle n’aura finalement pas lieu : les Bell Labs décideront en 1951 d’offrir des licences à des conditions très favorables. Les frais de licence seront faibles (25 000$) et rendront le transistor accessible y compris à de jeunes « start-up » tel TEXAS INSTRUMENTS aux Etats-Unis et SONY au Japon… qui se développeront comme l’on sait à partir de cette licence !
Il est cependant reconnu de nos jours par la communauté scientifique – américains y compris - que vu le secret ayant entouré l’invention des Bell Labs, l’invention du transistor à pointes de Mataré et Welker s’est faite de manière indépendante. Déjà en son temps l’indépendance de l’invention n’avait pas été contestée, voir par exemple ce qu’en dit Aisberg : « Aussi, jusqu’à preuve du contraire, devons-nous considérer comme acquis que l’étude de la triode au germanium a été accomplie au laboratoire des P.T.T. parallèlement avec le travail de recherche américain » .
L’existence du « transistor français » était parvenue aux oreilles des équipes américaines des Bell Labs qui ont détaché en 1949 l’un des leurs, Alan Holden, visiter le laboratoire d’Aulnay-sous-Bois. Il écrira dans une lettre du 14 mai 1949 à Schokley « Quand nous arrivâmes, ils étaient en train de transmettre à un petit récepteur radio situé à l’extérieur à partir d’un émetteur situé à l’intérieur et modulé par un transistor … Cette équipe des P.T.T. me semble très bonne. Ils ont de petits groupes dans toutes sortes de « trous de rats », maisons de fermes, fromageries et prisons dans la banlieue de Paris. Ils sont tous jeunes et enthousiastes ».
Cette invention « française » (on devrait dire franco-allemande car les travaux des 2 chercheurs allemands ont commencé en Allemagne avant et pendant la guerre 39-45) sera rendue publique le 18 mai 1949 – soit quatre jours après la visite des Bell Labs - et sera qualifiée par les autorités à juste titre de « brillante réalisation de la recherche française ». L’information était classée secret défense avant cette date.
La presse spécialisée n’est pas conviée à cette présentation officielle, ce qui provoquera le courroux d’Eugène Aisberg, directeur de la revue « Toute la Radio » dans son article « Transistron = transistor + ?» publié en août 1949.
C’est donc par la voie des quotidiens que la nouvelle est diffusée. Ils montrent la photo du Secrétaire d’Etat aux P.T.T., M. Eugène Thomas, tenant dans sa main une lampe et le nouveau Transistron


Le Transistron montré en comparaison avec une lampe PTT de la S.I.F. Photos du Transistron 1949 avec une règle pour l’échelle (source Patrice Zeissloff). Vue en coupe du Transistron 1949.
A cette présentation publique du « Transistron triode type P.T.T. 601 » seront montrés quelques appareils équipés de ce nouvel amplificateur « solide » : un poste récepteur radio, un poste émetteur, et des répéteurs téléphoniques.Voici la photo d’un répéteur téléphonique :

Répéteur auto-alimenté à 2 Transistrons (source Patrice Zeissloff)
Malgré les conditions difficiles dues à l’après-guerre, une production en quantité limitée est obtenue début 1949 et livrée aux services commanditaires des P.T.T. Le premier objectif industriel est d’équiper la ligne téléphonique Paris-Limoges de répéteurs à Transistrons. Voici une photo de cette version industrielle de 1949-50

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La première tâche du CNET est de rétablir un réseau de télécommunications (téléphone et télégraphe) en France. Sa première réalisation visible par le grand public est, en 1953, la retransmission par voie hertzienne du couronnement d'Élisabeth II.

Au cours des années 1950, les programmes de recherche sont prioritairement destinés à soutenir l’exploitation du réseau et à former les équipes en essayant de connaître, puis d’assimiler les recherches menées notamment aux États-Unis. La modernisation des lignes à longue distance grâce aux câbles coaxiaux, la mise en place des premières lignes à faisceaux hertziens, le développement des premiers semi-conducteurs français et des téléimprimeurs électroniques, la conception du premier câble sous-marin téléphonique français (Marseille, Alger) constituent quelques-uns des faits les plus marquants d’une recherche « raisonnable », à peine ternie par l’échec « flamboyant » du central L 43

En 1954, le Laboratoire national de radioélectricité (LNR), situé à Bagneux dans les Hauts-de-Seine, est intégré au CNET.
La mise au point, à la même époque, du Tecnetron par Stanislas Teszner, préfigure le transistor à effet de champ. La même époque voit l'émancipation des structures issues des PTT et l'éloignement, budgétaire et humain, des entités liées aux armées.

Les investissements dans le domaine spatial
La décennie suivante, de 1955 à 1965, marque l'essor des télécommunications spatiales, illustré en 1962 par la première liaison télévisée intercontinentale entre Pleumeur-Bodou en Bretagne et Andover.
Le CNET lance sa première fusée, Véronique, en 1957. La recherche spatiale s'est ouverte, avec le premier Spoutnik et, en 1959, un nouveau département est constitué au CNET avec François du Castel. Bientôt un groupe du CNRS, le GRI, est aussi hébergé au CNET.
Les deux groupes fusionneront ultérieurement pour constituer le CRPE, premier laboratoire commun CNET-CNRS.

En recherche spatiale, le CNET ajoute à ses compétences en radioélectricité sa technicité en matière de fusées puis de satellites. Il est ainsi capable de proposer rapidement au CNES naissant de premières réalisations, avec le premier satellite scientifique français FR-1 et avec le sondeur ionosphérique à diffusion incohérente. La complémentarité science-technologie donne au CRPE un poids considérable dans la recherche spatiale et il acquiert une très bonne réputation mondiale. Il est responsable du projet de satellite franco-soviétique Roseau, le premier satellite à ordinateur embarqué, malheureusement abandonné en 1968. Il lance le projet européen de sondeur à diffusion incohérente EISCAT en zone polaire.
Les investissements dans la commutation téléphonique

Au début des années 1960, deux filiales de ITT, la CGCT et LMT, ainsi que la société suèdoise Ericsson, contrôlaient plus de 65 % des commandes de l'Etat en matériel de commutation pour les services téléphoniques.
Le CNET est appelé par l'Etat à y remédier, dans le sillage de la commission de modernisation des télécommunications créée en 1947.

Dans sa configuration « réunifiée », le CNET monte en puissance au tournant des années 1950-1960. Il trouve sa place et accroît sa visibilité grâce à des projets efficacement menés.

En mars 1957, les laboratoires Bell invitent dans leurs laboratoires de Murray Hill, dans le New Jersey, tous les organismes et sociétés publics ou privés qui ont des accords de brevets avec Western Electric. Une démonstration d'une première maquette de central téléphonique électronique est effectuée devant les participants à ce colloque : des exposés sont faits et une abondante documentation est remise aux invités. Pierre Marzin, qui avait tenu à participer en personne à ce symposium, en revint enthousiasmé.

La commutation, presque totalement dépendante des brevets américains ou suédois, restait un point noir. En avril 1957, informé par une mission d’ingénieurs des progrès réalisés outre-Atlantique par AT&T en matière de commutation électronique, Pierre Marzin crée un nouveau département du CNET appelé RME,

Deux directions s’offraient aux chercheurs. La plus audacieuse rompait totalement avec les anciens centraux. La plus « raisonnable » s’appuyait sur les anciens équipements pour en améliorer les performances grâce à des calculateurs électroniques. Deux fers sont mis au feu. Le spatial (système intermédiaire) dans les laboratoires parisiens, le temporel (système radicalement neuf) au centre de recherche de Lannion.
L’équipe de Lannion, menée par Louis-Joseph Libois, développe le projet PLATON et le succès est au rendez-vous.

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En 1958, ayant mené à bien ses premières études de sous-ensembles (maquettes de mémoires, circuits logiques), le département RME du CNET décide de les réunir dans un ordinateur expérimental, "Antinea". Celui-ci permet de tester fiabilité et performances des circuits, et d'entraîner les personnels à la conception de systèmes et à leur programmation. "Antinea", qui commence à exécuter des programmes en 1960, fait partie de la nouvelle "génération" des ordinateurs transistorisés. C'est surtout, de notre point de vue, le premier calculateur électronique digital construit et mis en service opérationnel par un laboratoire français du secteur public.

L’opportunité de la décentralisation est saisie avec habileté et débouche sur la création du centre de recherche de Lannion.
La première pierre en est posée le 19 mai 1960 et le 8 septembre, le général de Gaulle visite le nouveau site.

"Antinea" sert de calculateur de commande à une maquette d'autocommutateur téléphonique, "Antarès", en 1961-1962.
L'étape suivante consiste à réaliser une machine plus puissante, "Ramsès", incorporée en 1964 au central "Aristote" qui desservira la zone téléphonique de Lannion.

Dans un rapport du Sénat n°53 de la COMMISSION DES FINANCES de 1961 on pouvait lire :
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A prpos du Cnet, les recherches ont notamment porté :
— en matière de recherche fondamentale : sur les transistors, sur les principes physiques aptes à procurer les composants utilisés dans le fonctionnement des grandes machines électroniques (électroluminescence), sur les amplificateurs à très faible bruit de type « laser » et « maser », qui seront utilisés pour les télécom munications de l'espace, sur la physique des plasmas ionisés ;
— en matière de recherche appliquée : sur les calculateurs qui, dans l'avenir, conduiront la commutation électronique à se substituer aux commutations mécaniques ou électromagnétiques (prototype « Antinéa »), sur le problème des concentreurs de lignes, sur le problème de la fusée postale..
Pour 1962, le programme comporte la réalisation du centre spatial de Pleumeur-Bodou (Côtes-du-Nord), qui communiquera dès le milieu de l'année avec une station analogue située dans le Maine, aux Etats-Unis, par l'intermédiaire de satellites artificiels : ce centre comportera une antenne mobile de 35 mètres de hauteur qui, à l'aide d'un calculateur, sera pointée sur les satellites et permettra d'établir 600 voies téléphoniques ou un canal de télé
vision. En outre, sont prévues la construction d'un prototype de commutateur électronique à 4.000 lignes ; l'expérimentation d'un dispositif permettant d'utiliser les temps morts des communications téléphoniques pour doubler le nombre de ces communications en les enchevêtrant ; l'ouverture à Lannion d'un laboratoire d'études de conversion en énergie électrique d'alimentation des énergies solaires, chimiques et nucléaires en vue d'une applica tion aux satellites de télécommunications et aux amplificateurs de câbles sous-marins.

La liaison entre cette cellule de recherches pures et appliquées qu'est le C. N. E. T. et l'industrie, dont l'administration des Postes et Télécommunications est cliente, se fait par l'intermédiaire de deux sociétés d'économie mixte où sont groupés les représentants de l'État et ceux des entreprises :
— la Société mixte pour le développement de la technique de la - commutation dans le domaine des télécommunications (SO. CO. TEL), société d'études et de recherches sans activité commerciale. En 1961 , la société a mis au point une gamme de commutateurs pour zones rurales expérimentés dans la région d'Orléans, procédé à l'adaptation du matériel Crossbar au réseau français et à l'étude d'un central électronique en liaison avec le C. N. E. T. et les constructeurs, mis sur pied les deux premières unités du laboratoire (bureau d'études et unité de réalisation). La troisième
unité (unité de contrôle et de mesures) verra le jour en 1962, année où il sera procédé à des études sur un nouveau poste téléphonique, sur les composants de l'électronique, la transmission de données...
— la Société mixte pour le développement de la technique des télécommunications sur câbles (SO. TE. LEC), qui a pour objet l'acquisition, la répartition et la défense des droits de propriété industrielle, la coordination technique et la constitution d'une documentation dans le domaine des conducteurs.
Ces liaisons Etat-secteur privé, en même temps qu'elles font progresser la technique, permettent un contrôle serré des prix.
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Le Rapporteur général s'étonne enfin de voir créer un emploi militaire dans un budget civil, celui de général de brigade au C. N. E. T. Sans doute le décret du 28 janvier 1954 précise-t-il que le directeur du C. N. E. T. est assisté d'un officier général ou supérieur, mais il aurait été infiniment préférable de donner une appellation civile à cet emploi, dans lequel le général aurait été détaché.
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En 1963
: Aristote, a été le premier commutateur téléphonique électronique de type spatial en Europe

Dès 1966, un séminaire international ISS (International Switching Symposium) rassemble les experts du domaine.
En mai 1965 Bell labs met en exploitation le premier système à commutation électronique temporel.

Depuis 1957, des équipes du CNET ont développé des ordinateurs et des systèmes de commutation numériques, suivant de près la conception des réseaux de données.

En 1970, le CNET réalise son système de commutation électronique temporelle, PLATON (Prototype Lannionais d'Autocommutateur Temporel à Organisation Numérique), qui va permettre de simplifier les centraux téléphoniques, teste les premières transmissions par fibre optique et commence ses travaux sur la visiophonie.
L'aide à la CGE (Compagnie générale d'électricité) pour les commutateurs spatial et temporel.
Mais du retard a été pris car en 1970, la France ne compte que 7,8 lignes principales de téléphone pour cent habitants. C'est très en dessous d'autres pays: 11,1 pour l'Italie, 12,3 pour la RFA, 15,3 pour le Royaume-Uni, 33,3 pour les Etats-Unis et 40,9 pour la Suède.

Pour la CIT, comme pour les autres fabricants de matériel téléphonique, on peut dire qu’il existe deux modèles d’usines.
Le premier est celui de l’usine à mono-activité (condensateurs, circuits imprimés, montage-câblage d’équipements cross-bar...) sans technicité et sans investissements importants.
Le second est celui d’une usine avec un service technique, notamment orienté sur les tests, et d’un service méthode qualifié permettant de s’adapter à de nouveaux modes de fabrication.
Pendant les années 1960-70 la CIT est restée sur le premier modèle, alors que LMT a évolué en ouvrant en 1972 l’usine d’Orvault. « Une décentralisation de la direction des fabrications de la division téléphonie et des services d’études de commutation téléphonique permettra à l’usine d’Orvault de disposer de l’infrastructure technique nécessaire au niveau technologique du système E11.

Après la création du centre de Lannion, deux équipes du CNET quelque peu en compétition se sont trouvées à travailler sur la commutation électronique : l’équipe de Lannion sur le projet de commutateur temporel à commande distribuée Platon, et l’équipe d’Issy-les-Moulineaux sur un projet de commutation spatiale à commande centralisée dénommé Périclès, qui fut mis en service au central Michelet à Clamart.
- Le projet Platon, avec sa structure de cœur temporel et concentrateurs distants, visait à couvrir les zones peu denses, en profitant des économies permises par l’intégration commutation temporelle/transmission numérique. Il fut industrialisé par la SLE (Société lannionnaise d’électronique), filiale de la CIT, sous le nom de système E10, dont la tête de série fut mise en service à Poitiers.
- Le projet Périclès visait à couvrir les besoins des grands centres urbains. Il ne fut pas industrialisé, mais ses enseignements conduisirent au système E11 (puis 11F), dont la tête de série fut mise en service à Athis-Mons.
La compétition entre les deux équipes ne fut pas tant une compétition entre nature du point de connexion, tout le monde étant d’accord sur le fait qu’à terme les progrès dans l’intégration des composants assureraient le succès des réseaux de connexion temporels, mais sur la structure de la commande. Les Lannionnais n’ont pas, au début, cru à la commande par des calculateurs de type universel, mais par des calculateurs très spécialisés, alors que les équipes d’Issy ont compris très rapidement que le poids des investissements en logiciel allait devenir prépondérant et que donc il était nécessaire d’utiliser les outils développés par l’industrie du software (méthodes de spécifications, langages de programmation de haut niveau, etc.) De fait, le logiciel des commutateurs électroniques a vite représenté des millions d’instructions, et des centaines « d’homme x ans » de programmation, et à chaque génération technologique des calculateurs, ce logiciel était porté sur les nouvelles machines

La réforme du CNET de 1970, en créant des « secteurs » technologiques transcentres, dont le secteur commutation, a mis les deux équipes sous les ordres d’une même hiérarchie, et a permis une certaine convergence, en définissant une gamme de systèmes, répondant aux mêmes spécifications fonctionnelles, mais technologiquement différentes, pour s’adapter aux divers besoins du réseau : E10 (temporel, commande distribuée) pour les petits centres d’abonnés, E11 (spatial, commande centralisée) pour les gros centres urbains, E12 (temporel, commande centralisée) pour les centres de transit. Les restructurations industrielles ont fait quelque peu éclater ce schéma, et sont restés le E10 (qui, après plusieurs générations successives, est devenu commutateur de très grande capacité) et la gamme MT20 (transit)/MT25 (abonnés), dérivée du point de vue du logiciel du E11 via le 11F, mais à réseau de commutation temporel. En effet, en 1978, à une conférence à Atlanta, la DGT a annoncé officiellement qu’elle faisait le choix du tout temporel pour son réseau. Mais pour des considérations industrielles et de développement, des commutateurs électroniques spatiaux ont encore été commandés pendant plusieurs années après cette date.

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En 1959, avait été créé la Socotel, société d'économie mixte réunissant l'administration et les industriels, et le CNET y exerce un rôle important, mais les industriels français comme les filiales d'ITT, « se montrèrent très réservés, voire hostiles », laissant l'Etat assurer tous les investissements.

Les industriels jugent trop ambitieux le commutateur spatial SE 400, et s'y opposent le 15 décembre 1960.

Le CNET n'en développe pas moins le central E10 doté de deux caractéristiques d'avant-garde : le recours à plusieurs processeurs spécialisés, et un calculateur commun à plusieurs commutateurs, dans le sillage des progrès de l'industrie mondiale des semi-conducteurs et de celle du logiciel, alors en pleine émergence. Il convainc la CIT (Compagnie industrielle des télécommunications), filiale de la CGE, d'adopter la technologie la plus en pointe, le commutateur temporel, alors qu'elle le voyait « avec peu d'enthousiasme », après avoir réalisé pour elle l'essentiel de l'effort de recherche, à des conditions « très favorables » qui mettent fin à ses réticences.
Par ailleurs, la CGE fonde une filiale, la SLE (Société lanionnaise d'électronique) pour l'industrialisation et la commercialisation des commutateurs électroniques de la famille E10 au début des années 1970, à Guingamp (avec des centres de production satellites comme Bégard, Pontrieux, Lanvollon, Bourbriac, Callac, Belle-Isle en Terre), qui récupère à bon compte les ingénieurs ayant développé le projet au sein du CNET, comme François Tallegas et Jean-Baptiste Jacob.
La « démarche suivie lors de cette étape cruciale du développement du temporel fut donc très pragmatique », selon l'économiste Pascal Griset.

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L'année 1974 voit le CNET atteindre son développement maximum avec environ 3 500 ingénieurs et techniciens. Il est alors placé sous la coupe d'un nouveau tuteur, la direction des Affaires industrielles, avec le changement d'esprit le plus important depuis la Libération.

Entre 1975 et 1985, le CNET, sur fond d'arrêt par l'Etat du projet concurrent Cyclades, de l'INRIA, continue ses recherches sur la numérisation du réseau de communication, avec en particulier la création de Transpac en 1978.

Le début des années 1980 est plus particulièrement marqué, pour le CNET, par les événements suivants :
la restitution au CNET, fin 1981, de son autonomie au sein de la DGT (fin de la tutelle de la DAII, instaurée en octobre 1974), la DAII conservant toutefois la responsabilité des relations avec les industriels pour les marchés de développement des nouveaux équipements, le choix des fournisseurs et le contrôle des équipements fournis ; les décisions gouvernementales pour la maîtrise de la filière électronique (26 juillet 1982), qui impliquent le CNET non seulement pour ses activités en télécommunications, mais aussi en composants et en informatique …

En 1977 le CNET révolutionne également les technologies de l’information, avec l’invention du Télétexte, service d’information sur les téléviseurs, et surtout du Minitel les écrans à cristaux liquides en 1980.
Parallèlement, le CNET innove en optoélectronique et le projet "Clématite" fondé sur l’élaboration d’une technologie originale d’écrans à cristaux liquides à matrice active est développé de 1984 à 1986, et récompensé en 1987.
Cette innovation, élaborée à l’origine pour les Minitels, est ensuite appliquée aux écrans d’ordinateurs et de télévision.


Les travaux portent, cependant, essentiellement, sur la promotion de la norme X.25.
Le Télétexte, date aussi de cette époque, ainsi que Numéris (RNIS), l'ATM, les premiers écrans plats à matrice active, et les publiphones à télécarte.

Le changement de majorité en France, en 1981, se répercute sur les télécommunications.
La nouvelle direction du CNET s'efforce de redonner au CNET son dynamisme, émoussé par les remises en cause antérieures. De nouvelles formes d'études coordonnées et finalisées, les projets-CNET se mettent en place ; un prix-CNET est institué, récompensant la meilleure étude.
Le CNET retrouve sa place au sein de la DGT et sa crédibilité au sein de la recherche.

Après 1985, le CNET prépare l'arrivée des communications par l'image et la vidéo, avec entre autres, le haut débit, le multimédia, et la reconnaissance automatique de la parole (en continuant des travaux entamés dès 1969).
Les premiers services mobiles sortent en 1985 avec Radiocom 2000 puis en 1990 avec Bi-Bop ; la première télévision numérique terrestre est testée en 1993.

Dans les premières années 2000, le CNET quitte définitivement les bâtiments situés à Issy-les-Moulineaux avenue du Général Leclerc ; ceux-ci ont été démolis à la fin de l'année 2017 pour laisser place à la construction du programme immobilier « Issy Cœur de Ville ».

Le CNET s’implante à Lannion (Côtes-d’Armor) en 1960, sous l'influence d'un enfant du pays, Pierre Marzin, qui dirige alors l'établissement d'Issy les Moulineaux, en région parisienne ; il a par ce biais contribué très largement au développement économique et démographique de la région du Trégor.

Au milieu des années 1990, la branche télécom des PTT emploie environ 1 730 salariés au CNET de Lannion et 500 autres au CCETT (Centre commun d'études de télédiffusion et de télécommunications) à Rennes, et pour l'ensemble de la région Bretagne « près de la moitié de sa matière grise et de ses études avec des spécialités comme le multimédia, les transmissions et la commutation large bande », entrainant l'ensemble des activités électroniques bretonnes qui emploient alors, privé et public confondus, environ 18 000 salariés, selon le quotidien.

Le CCETT avait été créé à Rennes en 1972 par le CNET et l’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Française) pour y conduire des études et recherches notamment dans les domaines des réseaux de Distribution de la Télévision par câble, de la Numérisation des images, des Terminaux et Services audiovisuels et des Réseaux et systèmes informatiques.
Les recherches menées au CCETT ont permis l’éclosion de quelques services opérationnels très innovants tels que Canal +, Transpac, Télétel/Minitel, la Télévision Numérique ou encore la diffusion de la TNT.
Il a été dissous en janvier 1997 dans le cadre de la réorganisation des Télécommunications consécutive à la privatisation de France Télécom

En 1996, il assure le lancement des services en ligne d’Internet de France Telecom, sous le nom de Wanadoo.

Le 1er mars 2000, le CNET devient France Telecom Recherche et Développement FTR&D.

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Le troisième pôle du CNET à Grenoble: le centre Norbert Ségard

L'idée de lancer au CNET un programme de recherche ambitieux en microélectronique silicium est naturelle. La DGT, maintenant riche, peut dégager des moyens importants pour essayer de rattraper, au moins en partie, en quelques années, le retard pris en matière de recherche. Où implanter un nouveau laboratoire CNET consacré essentiellement à la recherche en microélectronique ? Une rude dialectique s'engage entre le CNET et la DAII. Lannion revendique le privilège d'abriter un nouveau centre de recherche dédié au silicium, arguant de la vocation électronique de la Bretagne! Le point essentiel, aux yeux de la DAII et de la DIELI (direction des industries électroniques et de l'informatique) , au ministère de l'Industrie, est le couplage du futur centre avec les fabricants français, voire étrangers, associés au projet. Ce point est central et conditionne la réussite à long terme de tout plan de redressement.
La DAII estimait que la région de Lannion, malgré la présence des bonnes équipes systèmes du CNET, n'avait pas les avantages incomparables que pouvaient présenter des sites comme Grenoble ou Toulouse. Dans ces deux villes on trouvait un excellent environnement en matière de recherche et d'enseignement supérieur, une très riche présence industrielle, des communications nationales et internationales fréquentes. En outre les deux villes abritaient déjà au moins un fabricant de circuits intégrés.
Accroître l'effort français de recherche dans ce domaine, grâce au futur centre du CNET dédié au silicium, c'est à dire disposer en France d'équipes de chercheurs, d'ingénieurs, de techniciens, experts en micro-électronique silicium, était indispensable, mais cette compétence ne prenait tout son sens que si elle se traduisait dans des réalités industrielles. La rencontre avec Pierre Bonelli s'est avérée primordiale. Pierre Bonelli,récemment disparu, trop tôt lui aussi, étai tà l'époque Directeur général de la SEMA, société de conseil bien connue. Ayant occupé des positions importantes chez Texas Instruments, il connaissait aussi bien les problèmes techniques que le milieu industriel international.
Pierre Bonelli avait accepté, en décembre 2001, de prendre la présidence de Bull dont il tentait, avec courage, de réussir enfin le redressement.

Dans le courant de l'année 1976, Jean-Pierre Souviron, Directeur des affaires industrielles et internationales et Pierre Bonelli arrivent à la conclusion que la situation est favorable à des négociations avec les fabricants américains et japonais. La croissance rapide de la consommation de circuits intégrés, prévue par la DGT, doit permettre d'attirer certains d'entre eux dans des joint ventures avec des entreprises françaises.
Un marché d'études passé par la DAII à la SEMA permet à celle-ci, en quelques mois, de bâtir des scénarios précis de consommations de circuits intégrés, en fonction des commandes de la DGT en centraux téléphoniques, en péritéléphonie et en nouveaux services (en particulier le
télécopieur) et déclinées selon les principales filières technologiques, n-MOS, c-MOS, bi-polaires, etc.
La DGT dispose à l'issue de ce contrat d'une arme efficace pour négocier avec les fabricants et les amener, s'ils veulent bénéficier des commandes de la DGT, à accepter diverses conditions: prise de participation de capitaux français, accord de licence avec un fabricant français, localisation des fabrications, etc. Pour mettre en route le processus un tour de table réunit une dizaine d'industriels français dans une société d'études, la SECIMOS dont Pierre Bonelli est le président.
Une question essentielle se posait au préalable : un constructeur de matériel de télécommunications pouvait-il choisir librement les composants? En ces temps de néo-colbertisme, mâtiné de protectionnisme, qui aujourd'hui nous semble appartenir à un monde disparu, la DGT se réservait le droit d'agréer ou de ne pas agréer tel ou tel composant. Là encore le CNET et la DAII divergeaient. Pour les ingénieurs du centre de fiabilité de Lannion,
l'agrément n'était qu'un acte technique : les experts se rendaient chez les fabricants de composants, inspectaient les installations, se faisaient montrer les mesures de taux de défauts et rendaient leur verdict. Pour la DAII la complexité croissante des chaînes de fabrication de circuits intégrés devait conduire à exécuter des contrôles techniques beaucoup plus rigoureux et à agréer, non des composants, mais des filières. Et surtout l'agrément, pour être un acte politique efficace, devait être prononcé par une autorité disjointe de l'expertise technique. A cette époque la société américaine National Semiconductors avait éprouvé quelques déboires avec une certaine gamme de circuits. Les experts du CNET n'avaient pas très envie de sanctionner un industriel valeureux, qui ne "manquerait pas de s'améliorer". La DAII sans état d'âme retira l'agrément du fabricant. Ce fut un beau tapage, au CNET et dans le monde des circuits intégrés. Exactement ce que nous souhaitions pour rendre l'arme de l'agrément crédible en prévision des futures négociations.
La création d'un nouveau centre consacré à la recherche en micro-électronique silicium soulevait bien d'autres problèmes que celui de sa localisation.
En premier lieu il fallait que le principe même en soit acquis au niveau le plus haut: convaincre donc plusieurs structures administratives et éviter les embûches de certains lobbies.
Le Directeur des affaires industrielles et internationales, Jean-Pierre Souviron, le Directeur général des télécommunications, Gérard Théry, s'y employèrent et grâce aux relations qu'ils entretenaient avec les divers conseillers techniques, tout se passa au mieux. Ces conseillers
constituaient un réseau d'une exceptionnelle qualité où l'information circulait fort bien.
Deux obstacles étaientà redouter : l'opposition de la DATAR et l'éventualité d'une pression électoraliste : un député, ou pis un ministre, revendiquant pour sa circonscription la manne des emplois de haut niveau attendus!
Dès le 23 mai 1977, le Conseil économique et social avait décidé :
- la création d'une mission interministérielle pour les circuits intégrés,
- la création d'un troisième centre du CNET consacré à la recherche sur les circuits intégrés (aucune localisation n'était mentionnée),
- l'affectation de 120 MF au profit d'actions industrielles en microélectronique.
Pour convaincre les différentes instances compétentes, la DAII avait préparé un dossier qui écartait la solution bretonne et comportait une comparaison raisonnée des avantages et des inconvénients de quatre sites de province: Grenoble, l'Isle d'Abeau, Montpellier et Toulouse. Une
note de synthèse montrait que deux sites se détachaient nettement, Toulouse et Grenoble. Et entre ces deux villes Grenoble apparaissait comme l'implantation la plus favorableà ce que nous pensions être l'intérêt général .
Le conseil interministériel du 20 décembre 1977 décide la création d'un troisième pôle du CNET à Grenoble. Cette décision de caractère industriel et politique, avait été prise, pour une fois, sur des critères strictement rationnels. Le fait, assez rare en lui-même, mérite d'être noté.
En 1978 la DAII et le CNET prennent, dans ce domaine, deux décisions importantes.
Michel Camus, directeur du secteur composants du CNET est nommé, début 1978, directeur du futur centre de Grenoble (il le restera jusqu'en 1990). D'autre part la DGT acquiert un terrain sur la ZIRST (Zone industrielle pour la recherche scientifique et technique) de Meylan dans la banlieue de Grenoble.
Le LETI, laboratoire du CEA, implanté depuis les années 50 sur le site du CENG, le centre d'études nucléaire de Grenoble (créé après la guerre par Louis Néel) était consacré à l'électronique avec quelques compétences en micro-électronique. Il vivait en partie des crédits du CEA mais devait les compléter par des ressources sur contrats. L'irruption de la DGT dans un domaine technologique où le LETI détient une position significative est pour lui, tout à la fois, un motif de satisfaction, "la microélectronique enfin reconnue pour une technologie essentielle pour l'avenir", et une raison de redouter l'arrivée d'un concurrent, encore incompétent, mais riche et ambitieux! Le CEA propose très vite à la DAII de louer au CNET
un terrain sur le site du CENG. Une des raisons qui avait fait choisir Grenoble était précisément l'existence du LETI . Il ne paraissait pas très judicieux qu'une autre ville abrite un laboratoire qui serait vite apparu comme un concurrent du LETI et qu'ainsi, entre deux laboratoires, deux institutions, deux ministères, s'exacerbe peu à peu une lutte stérile. Si concurrence il devait y avoir nous avions la faiblesse de penser qu'elle serait plus facilement canalisée dans la même ville. Mais de là à ce que le CNET soit un sous-locataire du LETI il y avait un pas! La DGT fit rapidement l'acquisition d'un terrain de plusieurs hectares sur la ZIRST de Meylan et dès juillet 1978 Michel Camus s'installa à Meylan dans des locaux provisoires.
Les nombreuses discussions qui s'étaient tenues depuis plus d'un an entre Jean Pollard,
Robert Veilex, Pierre Bonelli et ses collaborateurs, la direction et les experts du CNET avaient permis à Jean Pierre Souviron, Michel Camus et moi de nous faire une idée claire (mais peut-être simpliste?) de la mission du futur centre. Il lui fallait se limiter à la microélectronique silicium, pour éviter la dispersion, remonter dans les recherches amont aussi loin que nécessaire et aller vers l'aval jusqu'à la création d'un atelier-pilote qui semblait indispensable pour que les chercheurs touchent du doigt les problèmes concrets et aussi pour faciliter les transferts ultérieurs à des
industriels. Une assistance informatique puissante, à la conception comme à la conduite des process, nous paraissait prioritaire. Acquérir en France des compétences dans le domaine des machines correspondant aux différentes étapes de fabrication ne devait pas être négligé.
Il était urgent, à nos yeux, de construire des bâtiments définitifs. Nous souhaitions marquer les esprits par la qualité de l'architecture et sa technicité mais aussi par l'esthétique et le symbole. Un concours d'architecture est lancé et le jury se réunit à deux reprises, les 13 et 28 juillet 1978. Le projet Herbert eut sans peine la faveur du jury. Ses modules accolés symbolisaient la répétition du motif cristallin constituant le silicium dont la couleur bleue métallique se retrouvait dans les façades faites de métal et de verre teinté. La qualité du projet Herbert nous parut si évidente que Gérard Théry souhaita que nous demandions à l'Élysée de choisir entre les six projets finalistes. Le Président Giscard d'Estaing voulut bien ratifier nos préférences!
La première pierre est posée le 13 novembre 1979 en présence de Norbert Ségard, l'inauguration est présidée par le nouveau Secrétaire d'État aux PTT, Pierre Ribes.
Les premières équipes qui avaient travaillé dès juillet 1978 dans les locaux provisoires loués à Meylan ont eu, dès le début, un esprit pionnier inspiré par Michel Camus. Celui-ci a eu le grand mérite de réunir autour de lui des équipes rapidement importantes et d'un excellent niveau.

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LE CNET ET LES DÉBUTS DE L'INFORMATIQUE (1944-1964)

De Pierre-E. MOUNIER-KUHN

Contrairement aux organismes équivalents existant hors de France, le CNET n 'a construit aucun ordinateur avant la fin des années cinquante.
Il sous-traite la plupart de ses calculs à des organismes extérieurs et se limite, en ce domaine, à réaliser quelques calculateurs analogiques et une machine digitale mécanique. A partir de ce constat et des comparaisons qu'il inspire, on peut jeter un éclairage nouveau sur la situation difficile du CNET au temps de la "Reconstruction ", sur ses relations avec ses partenaires extérieurs, sur son apprentissage de la "science lourde", sur l'évolution qui l'a mené au succès en commutation électronique. C'est aussi l'occasion d'évoquer les activités menées dans le même domaine par les filiales françaises d'ITT (LCT et LMT), jusqu'ici peu étudiées.
L'histoire de la recherche française en télécommunications, notamment de la commutation électronique, est aujourd'hui bien connue grâce à un remarquable effort d'enquête et de publication. Pourtant, un aspect en est resté jusqu'ici dans l'obscurité, c'est le rôle joué par les laboratoires de télécommunications dans le développement du calcul numérique — nous distinguerons nettement ici les machines destinées à ce type d'usage, qui pouvaient être construites pour répondre à des besoins techniques, dès le début des années cinquante, et les ordinateurs réalisés plus tard pour la commutation, qui exigeaient une fiabilité très supérieure.
Certes, réaliser des ordinateurs n'était pas un but assigné au CNET dans ses missions officielles. Mais les centres de recherche en télécommunications avaient besoin de moyens de calcul pour résoudre certains problèmes (conception de réseaux, etc.) ; d'autre part, en raison de leurs compétences, ils se voyaient souvent confier par les militaires le soin de développer des matériels "de pointe" (radars, automatismes, calculateurs). C'est ainsi que les Bell Labs en Amérique, le Telecom Research Establishment britannique, les PTT néerlandais et japonais ont construit plusieurs calculateurs électroniques après la Seconde Guerre mondiale.
Or, en France, c'est à l'industrie que les Armées ont commandé les premiers ordinateurs. Paradoxe, dans un pays où les conceptions dominantes d'alors considéraient volontiers l'industrie comme ringarde et malthusienne, tandis que l'Etat et ses experts entraînaient la nation vers un avenir meilleur ? Ou illustration d'une idée persistante depuis l'avant-guerre : l'innovation technique incombe aux entreprises, son contrôle aux organismes d'Etat ?
Notre article décrira d'abord la situation du calcul et du traitement de l'information au CNET dans les dix premières années de son existence. On esquissera ensuite une comparaison avec l'institution privée qui, à la même époque, fait figure de rivale du CNET : l'ensemble des laboratoires LMT-LCT, filiales françaises du groupe ITT (et dont l'histoire reste encore à écrire). On soulignera enfin le contraste entre le CNET des débuts et le CNET des années soixante. Ce dernier mène à bien un projet technique ambitieux, la mise au point de la commutation électronique et son transfert à l'industrie — opération typique de la "science lourde" qui semblait tout-à-fait hors de portée du "premier CNET".

Un parent pauvre de la recherche (1944-1954)
Fondé sous le régime de Vichy par une loi du 4 mai 1944, le CNET a pour mission de grouper et de coordonner les recherches en télécommunications de différents ministères, dont chacun avait jusque- là son laboratoire exclusif. Il est administrativement rattaché au Ministère des PTT mais consacre une partie de ses travaux.
Les Bell Labs construisent cinq calculateurs entre 1945 et 1954, dont le Complex number calculator de Stibitz destiné aux calculs de réseaux téléphoniques, un Ballistic computer et un ordinateur transistorisé TRADIC pour l'US Air Force. Au début des années cinquante, les Bell Labs employaient au calcul 60 personnes à plein temps, diplômées en mathématiques. Les Bell Labs, en plus de leurs machines "maison", acquirent des calculateurs IBM à partir de 1952. Deux ingénieurs Bell réalisèrent précocement un système d'exploitation permettant de faire travailler l'IBM 704 on/offline, sur bande magnétique : le Bell Operating System (BESYS), qui durera et aura longue influence.
Les PTT néerlandaises présentent les ordinateurs PTERA en 1953, ZEBRA en 1957. Le Telecom Research Establishment de Malvern réalise, entre 1947 et 1953, deux machines : MOSAIC (Ministry of Supply Automatic Integrator and Computer, incorporant 6000 tubes et 2000 diodes), destinée à traiter des télémesures de missiles, et TREAC, à usage interne, caractérisée par son architecture parallèle, sa mémoire à tubes de Williams et la haute fiabilité de ses composants. Nippon Telegraph & Telephon met en service en 1957 son ordinateur N1 (Parametron), dont s'inspirera la série Facom 200 de Fujitsu.

Défense nationale :
héritant du Laboratoire national de radioélectricité fondé en 1914 par le général Ferrie, il est l'un des principaux éléments du dispositif militaire de recherche en électronique et en télécommunications. Créé en réaction contre la dispersion et la duplication des études qui handicapent la recherche publique , le CNET réunit en principe les atouts nécessaires pour maîtriser l'évolution rapide des technologies : d'une part, il rassemble des compétences dans tous les domaines touchant aux télécommunications, favorisant le travail interdisciplinaire ; d'autre part, ses activités s'étendent de la recherche fondamentale au développement préindustriel. "D'une certaine façon, écrit A. Bertho, l'ambition est encore plus grande que celle du CNRS puisqu'il s'agit d'un organisme interministériel annonçant son souci de lier recherche publique et recherche d'entreprise, recherche et innovation".
De notre point de vue, le CNET dispose, peut-être plus qu'aucune autre organisation en France, des compétences et des techniques nécessaires pour construire un ordinateur. C'est du reste ce que souligne le physicien Léon Brillouin en 1947, lors d'une conférence sur Les grandes machines mathématiques organisée à l'École nationale supérieure des Télécommunications. Ses ingénieurs fabriquent des compteurs électroniques d'impulsions, mettent au point lignes à retard et matériaux magnétiques (ferrites), étudient la subminiaturisation des composants pour l'Armée de l'Air, travaillent sur la théorie de l'information, etc. Ils réalisent des tubes spéciaux à haute fiabilité (durée de vie moyenne : 30 000 heures), inaccessibles objets de rêve pour les constructeurs d'ordinateurs de l'époque. Pourquoi le CNET n'exploite-t-il pas ces atouts en se lançant dans la voie indiquée dès 1946 par Von Neumann et qui apparaît déjà à certains Européens comme devant être la voie royale du traitement de l'information ?
En fait, le CNET de 1944 est une juxtaposition de services géographiquement épars, conservant des tutelles administratives distinctes. Il mettra dix ans à construire son identité, dix ans de conflits internes marqués notamment par la sécession en 1946 du SRCT, dirigé par Pierre Marzin, qui ne réintégrera le CNET que lors de la réforme de 1954.
Ces conflits sont d'autant plus âpres que le CNET est pauvre, malgré l'ambition qui inspira sa création. Si un soutien financier appréciable est accordé au SRCT, voué en principe à la recherche appliquée pour les besoins urgents des PTT, en revanche le CNET proprement dit voit son budget en francs constants diminuer de 1946 à 1953, rongé par l'inflation : ainsi, en un an (1950-1951), les prix de cinq composants et appareils d'usage courant augmentent de 21 à 62 % selon le cas. Attributions tardives des crédits, lenteurs et formalités bureaucratiques pèsent sur la passation de marchés d'études à l'industrie. Plus grave encore, le budget de ces marchés d'études diminue de 76,8 % en volume de 1946 à 1953 ! Ce déclin de la puissance d'investissement du CNET oblige le Centre à réduire ses interventions industrielles d'envergure aux domaines jugés les plus vitaux : les tubes électroniques (partenaires : CSF et LCT), secondairement les radars. Cette situation reflète l'état général de sous-développement du téléphone français, auquel les ingénieurs ne peuvent remédier faute d'une politique suivie au niveau gouvernemental, que le régime parlementaire de l'époque ne permettrait pas.

La pénurie de personnel (moins de 300 salariés jusqu'en 1953) vient à la fois de la faiblesse de l'effectif titulaire et des obstacles administratifs qui entravent l'embauche de contractuels — seul moyen pourtant de recruter des spécialistes qualifiés en électronique, où le marché de l'emploi est très tendu. Les départs pour l'industrie sont nombreux, et le CNET de la Reconstruction vit même sous la menace d'une démission collective de ses laboratoires "Tubes et Hyperfréquences". Le CNET ne peut recruter directement des ingénieurs sortant de Polytechnique, ceux-ci étant alors obligés de rembourser leurs frais d'études. La "division Recherches mathématiques" est d'abord réduite à un seul mathématicien, Louis Robin.

Quatre entités nous intéressent particulièrement, qui se caractérisent par des besoins de calculs croissants. Certaines s'équipent de machines à calculer, mais sans aucune coordination, sans envisager un effort commun à la taille d'un "Centre national". Ce sont :
- le service de recherche des PTT (SRCT),
- la division "Tubes et Hyperfréquences",
- le département "Télécommande et contre-mesures",
- la division "Recherches mathématiques".

Le SRCT dispose, pour la conception des filtres téléphoniques, d'un bureau de calcul équipé de machines mécaniques Monroe, sous la direction d'un jeune ingénieur X-Télécom, Jean Carteron. Le SRCT s'installe en 1952 dans le nouveau bâtiment du CNET à Issy-les- Moulineaux, où il fait livrer par la Société d'Électronique et d'Automatisme un "corrélateur analogique et analyseur harmonique". Ce faisant, "le SRCT a voulu :
- appliquer à ses problèmes un outil de calcul moderne,
- acquérir dans ce domaine une expérience qui ne peut être obtenue que par la pratique de tels engins,
- acquérir vis-à-vis de ce type d'opérateur une expérience qui permettra peu à peu d'établir les bases d'un groupe de calcul plus important et correspondant plus précisément encore aux besoins de la technique développée dans nos laboratoires."

Toutefois cette machine ne suffit pas à étancher la soif de calcul des ingénieurs. Chiffrant en 1954 ses besoins d'équipement dans le cadre de la préparation du Ille Plan, le SRCT demande des crédits pour "étudier et construire des appareils mathématiques automatiques de calcul", appareils qui "devront être fort développés dans le cadre d'une coordination indispensable." "Un renforcement très sensible des moyens de calcul mis à la disposition des organismes de recherche s'impose de façon manifeste", concluent les rapporteurs .

La division "Tubes et Hyperfréquences" est l'une des plus actives du CNET. C'est une véritable pépinière de grands électroniciens : André Blanc-Lapierre, Georges Goudet, Pierre Lapostolle, Jean Voge, etc. Le CNET constitue dès l'origine un vecteur du transfert vers la France des technologies électroniques développées dans les pays anglo-américains depuis la guerre. C'est le cas notamment dans le domaine des composants. On s'efforce aussi de reconstruire une industrie française du radar, profitant de la mise hors jeu de l'Allemagne dans les hautes fréquences.

Pour étudier l'optique électronique des faisceaux dans les klystrons, la division DTH se dote vers 1947 d'un calculateur analogique constitué d'une cuve pleine d'eau et parsemée d'électrodes, procédé mis au point au milieu des années trente pour l'aéronautique par deux universitaires, Pérès et Malavard. Cette cuve sera transférée à Issy-les-Moulineaux en 1957 et restera en service jusqu'en 1965.

Le département "Télécommande et contre-mesures" est dirigé par Julien Loeb (X-1922), l'un des pionniers français de l'Automatique (travaux sur l'électronique, les ondes ultracourtes, les servomécanismes, la théorie de l'information) ; il a dès 1945 mis au point des "procédés mécaniques et électriques pour le calcul de la charge d'espace dans les tubes électroniques" ; il sera l'un des fondateurs de l'Association française de régulation et d'automatisme en 1956, et passera plus tard chez Schlumberger et à la Compagnie générale d'automatisation (CGA). Son successeur, le chef de la division "Télécommande" du SRCT, est Dickran Indjoudjian (X-1941). L'essentiel des activités du département est financé par la Défense nationale.

La division Servomécanismes du même département, dirigée par P. Blassel (X-1946), travaille notamment sur le guidage de fusées, jouant dans ce domaine un rôle de conseil et d'expertise vis-à-vis de la SNCASE qui construit les engins. Cette spécialité en fait une utilisatrice assidue des calculateurs analogiques (simulation de vol vertical, cinématique du guidage d'engins, étude des dispositifs stabilisateurs). Elle recourt d'abord à "l'Opérateur mathématique électronique" installé à la SEA aux frais du Service Technique de l'Aéronautique, et qui produit pour elle "des centaines de courbes". A partir de 1952, elle effectue maints calculs du SRCT. Cette expérience la conduit à réaliser elle-même un calculateur analogique dérivé des machines SEA, "d'une précision moyenne, mais d'un encombrement et d'un prix de revient réduits" , calculateur programmable par tableau de connexions ; l'appareil permet de tester le radioguidage du missile "Pénélope" à Colomb-Béchar avec un radar allemand Wiïrtz-burg. La division Servomécanismes prévoit d'en construire quatre exemplaires en 1954, et en a effectivement deux en service à cette date, servant à la simulation électronique de servomécanismes (étude RTD 33) ou à la simulation électronique de sous- marin. Grâce à ces machines, "on a développé des procédés électroniques de calcul qui permettent de traiter des problèmes comportant deux variables indépendantes. Des machines de cette nature ont permis de pousser jusqu'à un degré très avancé des questions de pilotage automatique. Parallèlement, on a développé des procédés de calcul mécanique qui permettent la mesure des fonctions de transfert d'organes non linéaires. On sera ainsi prochainement en mesure d'attaquer des problèmes inaccessibles au calcul humain, tels que les systèmes répondant à des équations dont les paramètres sont variables avec le temps".

L'aspect le plus étonnant des relations entre le CNET et la SEA est que l'organisme de recherche public construit des calculateurs analogiques, machines déjà classiques, et laisse à l'industriel le soin de faire le plus difficile, le plus aventureux : les ordinateurs ! Si le département "Télécommande" est axé sur les techniques analogiques, comme le montre un article publié à l'époque par D. Indjou- djian, ce n'est pas le cas d'autres services, comme en témoigne Libois (faisceaux hertziens) : "Dès 1946, nous travaillions sur les impulsions, non sur des circuits analogiques. On a collaboré avec Gloess, de la SEA — On pensait en numérique !" Le CNET contribue d'ailleurs à une démonstration de "télétraitement" lors d'un colloque de cybernétique à Namur (Belgique) en juin 1956, où un congressiste interroge via la ligne téléphonique l'ordinateur de la SEA installé à Courbevoie.

La division "Recherches mathématiques" est dirigée par Louis Robin, auquel se joignent deux autres ingénieurs, L. Collet et M. Poincelot. Cette division élabore sous forme mathématique des problèmes posés par les autres services du CNET, et effectue force calculs numériques, comme le signalent les rapports d'activité. Mais elle ne dispose pas des machines adéquates. Aussi voit-on, à travers les archives, L. Robin courir confier ses calculs à l'institut Henri- Poincaré (calcul des probabilités appliqué au fonctionnement d'un réseau téléphonique, en 1947), au bureau de calcul de l'institut d'Astrophysique (étude RM5/calcul de distorsion harmonique pour la division Radiocommunications), à Kuntzmann à l'université de Grenoble (pour la thèse de Poincelot, étude RM 15), à la société grenobloise Neyrpic, toujours avec Kuntzmann, en 1954 (traité des fonctions de Legendre, étude de la division Mathématiques), et même — pourquoi pas ? — sur l'OME 15 du SRCT (calcul d'une fonction de corrélation, étude RM 10). Cette attitude est surprenante pour qui connaît le rôle pionnier joué à l'étranger par les laboratoires de Mathématiques dans la réalisation des premiers ordinateurs.

En fait, Louis Robin incarne une pratique artisanale de la recherche, où les outils du mathématicien se limitent au papier et au crayon. Les témoins qui l'ont connu au CNET, tout en soulignant ses hautes qualités scientifiques, le décrivent comme "un mathématicien à l'ancienne mode" "qui écrivait à la plume sergent-major", "un savant isolé qui fut longtemps le chef du département — et son unique membre" et "ne s'intéressait pas aux machines". Robin s'intéresse à la partie noble de sa mission — élaborer sous forme mathématique les problèmes des ingénieurs du CNET — non au calcul et aux résultats pratiques. Membre du Comité national du CNRS, il siège dans la commission de Mathématiques pures, non en Mathématiques appliquées. Même au milieu des années soixante, lorsque le CNET possède un service de calcul bien équipé auquel Robin peut confier le traitement de fonctions de Bessel, "il faisait refaire les opérations à la main par un scientifique du contingent". Or Robin, loin d'être atypique, est bien représentatif des mathématiciens français de sa génération, celle du groupe Bourbaki, et, au-delà, d'un milieu savant qui n'a pas fait pendant la guerre l'apprentissage de la coopération avec l'Armée et l'industrie, en raison de la défaite de juin 1940. Les mathématiciens, en particulier, restent fort éloignés de la "science lourde", de la technologie, de la gestion de projets faisant intervenir d'autres disciplines. Ces caractères spécifiques suffisent à expliquer pourquoi les militaires ne s'adressent pas à la recherche "académique" pour construire des ordinateurs — contrairement à ce qui se passe aux États-Unis et en Angleterre.

L'examen des quatre départements ci-dessus montre donc que le CNET a d'importants besoins de calcul et dispose des techniques nécessaires pour construire un ordinateur. C'est faute de moyens matériels, et surtout faute d'une organisation lui permettant de mobiliser ses équipes sur un tel projet, qu'il ne le fait pas. En fait, personne jusqu'en 1954 n'imagine que le CNET soit capable d'une telle réalisation. Le premier réflexe du CNET lui-même est de se tourner vers l'institut Biaise-Pascal du CNRS, où un calculateur électronique digital a été mis en chantier depuis 1947 par un inventeur, Louis Couffignal, qui prétend posséder une "avance théorique" sur les Américains.

En décembre 1952, lors de la réunion du comité du CNET, "M. Loeb déclare que pour pouvoir étudier le comportement des servomécanis- mes réels, il est indispensable de créer une sorte de bureau de calculs analogiques disposant de machines à cartes perforées [sic]." "M. Robin, [...] constate avec regret que la France ne dispose d'aucun centre national de calcul numérique équipé de machines modernes, en particulier du type Couffignal, et d'un nombre suffisant de tables numériques. Seules quelques rares sociétés privées ont fait un effort dans ce domaine [SEA, Bull et IBM]. M. Goudet, à la demande du président, rend compte des possibilités du CNRS : les machines Couffignal ne seront pas au point avant deux ans ; cependant le CNRS dispose dès maintenant de machines à calculer du type à cartes perforées qu'il met à la disposition du CNET".

Personne, dans ce milieu informé, ne se fait plus d'illusions sur la machine de Couffignal, et Goudet le dit crûment au directeur du CNRS : "C'est le rôle du CNRS de constituer en France un centre national de calcul numérique, doté de tous les moyens modernes. Cependant, l'achèvement de la machine du centre Biaise-Pascal paraît si lointain qu'il faut s'organiser pour s'en passer." En conclusion, G. Goudet suggère "de demander aux nombreux services gouvernementaux qui sont représentés au CCTU leur contribution financière à l'équipement du Centre, dont l'intérêt national paraît évident à beaucoup".

La machine de Couffignal a visiblement suscité des espoirs, sans doute a-t-elle été pour le CNET une raison de s'abstenir de s'engager dans le calcul électronique jusqu'en 1952 ; de fait, un partage des tâches existe après la guerre entre le CNET et le CNRS, attribuant à l'institut Biaise-Pascal le monopole des techniques de calcul. Mais cette explication partielle ne suffit pas à dissiper le mystère de la non-construction d'un ordinateur au CNET après l'échec de Couffignal. On est tenté de songer que l'énergie et les moyens investis dans la construction de divers calculateurs entre 1950 et 1954 auraient permis de réaliser un ordinateur, si le CNET avait pu décider de les mobiliser en vue d'une oeuvre commune. Le problème est que "le CNET" n'est en 1950 qu'une expression administrative, comme l'Italie d'avant Cavour était une expression géographique. La division "Tubes et Hyperfréquences" est installée à Neuilly, la division "Antennes" est logée à Issy dans les locaux de la SEFT (Armée de Terre), la division "Télévision" est rue Cognaq-Jay à Paris, le SRCT ne s'installe qu'en 1952 dans la première partie achevée du bâtiment qui deviendra plus tard celui du CNET à Issy. En tout, le Centre rassemble quatorze implantations dans la région parisienne ! Pour l'essentiel, les équipes du CNET-SG restent de petits groupes chargés du suivi des marchés d'études passés par les ministères auprès des entreprises. Ainsi, le CNET-SG "tend de fait vers une logique de recherches externes, retrouvant dès lors la pratique de la recherche d'avant-guerre" (28).

L'exemple de l'unique calculateur digital construit au CNET sous la IVe République nous montre, mieux que tout ce qui précède, les limites dans lesquelles agissent les ingénieurs du Centre à l'époque. Entre 1949 et 1952, une équipe réalise en effet un calculateur numérique à Issy-les-Moulineaux. Il s'agit d'une machine électromécanique, constituée de relais et de sélecteurs rotatifs — composants de base des centraux téléphoniques d'alors, qui avaient l'avantage d'être robustes et peu coûteux : elle est comparable aux calculateurs conçus par Stibitz aux Bell Labs dix ans auparavant. Bien entendu il n'est pas question de programme enregistré. Elle a été conçue par Jean Rose (CNRS et faculté des sciences de Paris) en vue d'effectuer la sommation rapide des séries de Fourier pour calculer des densités électroniques en cristallographie. Le CNET n'intervient ici que comme constructeur, la machine étant destinée à l'usage de chercheurs universitaires. Le prototype effectue en une seconde un calcul tel que 64 x 64 = 4096. La partie électromagnétique est réalisée bénévolement par le CNET avec du matériel CGCT et un lecteur de bande perforée du commerce, la partie mécanique par le Laboratoire de minéralogie du Museum d'Histoire naturelle, avec l'aide de la firme d'horlogerie Jaeger pour les numérateurs : on est encore dans l'univers technique de Hollerith et de Torrès-Quevedo. Le coût de construction de la machine, hors dépenses de personnel, se monte à environ 800.000 F. Initialement manipulée par un opérateur, elle devait être ultérieurement automatisée. L'inventeur et le CNET en envisageaient l'industrialisation par une société privée car "avec quelques modifications, la machine serait applicable à maints autres problème de sommation à plusieurs variables." L'apparition de calculateurs électroniques universels Bull et IBM à cartes perforées, autour de 1953, mit un point final à ce projet.

Justifiant le choix d'une technologie classique dans la machine de Jean Rose, un commentaire de l'ingénieur général des Télécommunications G. Letellier, directeur du département Commutation, permet de mieux comprendre pourquoi le CNET ne construit pas d'ordinateur : "II existe des machines électroniques permettant de résoudre, parmi beaucoup d'autres, le problème ainsi posé, mais ces machines sont d'une complication et d'un prix tels qu'il n'en existe que très peu d'exemplaires dans le monde" .
Le CNET juge les ordinateurs hors de sa portée. De fait, vers 1955, un ordinateur moyen coûte 50 à 100 fois plus que la machine de J. Rose.

Un point de comparaison : le groupe LCT-LMT

Cette impression d'impuissance du CNET des débuts, face à l'informatique naissante, est confirmée a contrario par l'engagement précoce dans le "digital" de son équivalent privé, le Laboratoire Central de Télécommunications — l'une des quatre filiales françaises du groupe américain ITT, avec LMT, LTT et la CGCT. Lors de l'implantation du groupe en France, dans les années 1920, ITT a compris que, pour être accepté sur le marché, il fallait faire participer le milieu technique français à l'innovation. D'où la création en 1927 des laboratoires LMT, qui devient un centre de R & D bouillonnant de créativité, à la mesure des moyens dont il dispose et du talent de son directeur, Maurice Deloraine. C'est aux "Laboratoires LMT", avenue de Breteuil, qu'est inventée en 1938 par Alec Reeves la modulation par impulsions et codage (MIC), un principe de base des actuels systèmes de télécommunications. C'est au LCT que se forment nombre de spécialistes du radar, qui développeront ensuite des calculateurs électroniques dans d'autres firmes : P.-F. Gloess (SEA), ?. Leclerc et H. Feissel (Bull), etc.
Signalons au passage que le groupe ITT a construit le premier ordinateur d'Europe continentale vers 1951 dans son laboratoire d'Anvers, et que les ingénieurs des autres filiales européennes en avaient connaissance.

Comme le CNET, le LCT consacre une partie de ses recherches à la Défense. C'est ce qui l'amène à réaliser des calculateurs digitaux. "En 1954 nous avons reçu un contrat de la Marine pour étudier un calculateur de guidage de torpilles. C'était la suite d'un système de radioguidage que nous avions fourni vers 1950 : il s'agissait de placer un calculateur numérique, en amont de l'émetteur radio, qui fournisse des ordres à la torpille en fonction de la position de la cible. Nous avons développé un ordinateur à lampes (2000 doubles triodes AT7, importées je crois) et à tambour magnétique. Il pouvait recevoir ses données d'un radar, d'une gonio, d'un observateur visuel. Le prototype a été réceptionné en 1958 au STCAN de Toulon, mais j'ignore s'il a été embarqué : son MTBF [mean time between failures, temps moyen entre pannes] était faible, nous étions contents s'il ne tombait en panne qu'une fois par jour ! Il n'a pas été industrialisé.

A ce moment, on commençait à disposer de transistors et de tores de ferrites, que nous avons utilisés pour faire un calculateur de deuxième génération, le "L10", destiné à l'Armée de l'Air suédoise. Là aussi, LCT n'a fait qu'un prototype, mais le L 10 a peut-être été produit en série par la filiale d'ITT à Stockholm. Par ailleurs, en 1962 la Société d'études et de recherches d'engins balistiques (SEREB) a lancé un appel d'offres pour le calculateur de guidage des MSB S, et a contracté avec la SAGEM et le LCT. A cause de problèmes techniques, nous avons pris du retard. Notre prototype a été réceptionné par la SEREB, mais c'est la SAGEM qui a été retenue pour faire la série." Le groupe LMT-LCT ne se lance dans l'informatique civile que dans certains créneaux bien définis. Il se limite, en 1960, à inscrire à son catalogue commercial des ordinateurs construits par ses sociétés-sœurs anglaise et allemande : le Stantec Zebra et l'ER 56 de Standard Elektrik Lorenz, avec lequel il réalise le système SARI de réservation des places d'Air France. Puis il développe deux calculateurs pour la navigation aérienne (CS 2 et 825 P), produits à quelques unités, et un ordinateur destiné à facturer les notes de téléphone, (Automatic message accounting).

Parallèlement, la commutation électronique a fait très tôt l'objet de recherches au LCT, dont le directeur a déposé le brevet de base de la commutation temporelle en 1945, et fait un exposé sur la question en 1947 devant la Société française des radioélectriciens. LCT construit dès 1956 un autocommutateur électronique à 20 lignes pour la Marine, puis un central à 240 lignes.
Le résultat le plus important des développements d'ordinateurs au LCT a été la formation d'équipes expérimentées, au moment où ITT s'interrogeait sur la stratégie à suivre en vue de la commande électronique des centraux téléphoniques [commutation spatiale] : devions-nous acheter des ordinateurs IBM et les adapter, ou en développer nous-mêmes ?
On a choisi d'en développer. Le premier a été le LCT 3200, dont dix prototypes ont été construits en 18 mois. LMT l'a produit en série pour contrôler des centraux Metaconta ; le premier a été installé à Roissy en 1970. Son défaut était d'être trop volumineux (composants discrets), et nous lui avons fait un successeur en circuits intégrés, le LCT 3202. Parallèlement, le LCT développait depuis 1959 le système qui s'appellera plus tard le RITA, fondé sur ses brevets en MIC et en commutation temporelle. Thomson a longtemps payé des royalties à ITT sur le RITA et sur les centraux LMT 3202".

Un transfert recherche-industrie réussi : la commutation électronique

Tout change au CNET en 1954 lorsque Pierre Marzin y prend le pouvoir et le transforme en une véritable agence d'objectifs. Dres sant l'état des lieux, P. Marzin expose un cruel bilan du Centre : "d'un point de vue général un redressement s'impose dans l'élaboration des programmes des laboratoires du CNET. Ces programmes paraissent en effet avoir été établis jusqu'ici en accueillant toutes les suggestions extérieures et intérieures du CNET, sans considération suffisante des moyens matériels du CNET ni de la responsabilité des demandeurs [...] Ces moyens matériels limités devraient être concentrés sur un petit nombre d'études d'intérêt primordial. Il existe actuellement au CNET quelque 200 études pour un effectif de moins de 200 agents productifs. Elles traînent (jusqu'à 5 et 8 ans) et, lorsqu'elles aboutissent, elles n'intéressent plus personne. La division Tubes et Hyperfréquences a dépensé 100 MF par an depuis 8 ans, sans résultats satisfaisants, et a perdu ses meilleurs spécialistes des tubes (Goudet, Blanc-Lapierre)".

La réunion du SRCT avec le CNET aboutit à constituer un ensemble de 1 463 personnes dont 900 se consacrent à la recherche-développement. De plus, en 1955, le CNET absorbe le Service de prévisions ionosphériques militaires (SPIM), créé à partir d'un laboratoire militaire allemand transplanté en France après 1945, qui s'est doté depuis deux ans d'un calculateur électronique IBM 604 CPC installé au château de la Martinière à Saclay. Stabilisé sur le plan de son identité institutionnelle, sous l'impulsion énergique de P. Marzin qui obtient dès 1957 une croissance notable des moyens, le CNET entame une longue "montée en puissance", marquée par le développement des technologies informatiques pour la téléphonie. Les développements qui suivront concerneront la commutation électronique (machines "dédiées") : il ne s'agit pas pour le CNET de "faire de l'informatique", orientation que la hiérarchie écartera systématiquement.

Dès 1955, un nouveau texte de Letellier montre une rupture complète avec la résignation antérieure, et exprime une audace inconcevable jusque-là : "II est à prévoir que les organes centraux emprunteront beaucoup de leurs caractères aux techniques maintenant bien connues des machines à calculer électroniques. [...] la plupart des pièces détachées entrant dans sa constitution restent encore à créer sur le plan industriel", mais "on peut toutefois concevoir sur le plan du laboratoire l'essai partiel d'un tel système".
La même année 1955, le CNET confie à la SEA une étude à caractère prospectif sur la commutation téléphonique. Le rapport de fin d'étude (février 1956) propose la voie de la commutation temporelle : "Voie naturelle pour l'équipe SEA — et là s'arrêtèrent nos réflexions sur le "L 10", ce n'était pas notre métier". Les relations continuent cependant, par exemple à travers P.-F. Gloess qui, travaillant à la fois au CNET et à la SEA, dépose de très nombreux brevets en commutation et en électronique.

L'idée n'est pas entièrement neuve. On a mentionné le brevet Deloraine de 1945. Dès 1931 en Grande-Bretagne, T. H. Flowers avait entrepris des études sur la commutation électronique ; en 1935, un montage expérimental a fonctionné ; un premier système "opérationnel" est attesté en 1939. La recherche à grande échelle commence au cours des années cinquante aux Etats-Unis et en Grande- Bretagne. Un colloque international, tenu en 1957 à Murray Hill (NJ), suscite l'émulation des laboratoires à travers le monde.

L'électronique, qui depuis les années trente envahissait les techniques de transmission, fait donc son entrée dans les techniques de commutation. Ce progrès est illustré par l'évolution de l'équipe de Louis Joseph Libois, spécialisée depuis l'après-guerre dans le multiplexage pour les faisceaux hertziens. Sa transformation, en 1956, en groupe "Téléphonie électronique et faisceaux hertziens" amorce sa réorientation vers un pari technologique à long terme : la commutation électronique. Ce tournant se manifeste en 1957 par la création du département "Recherche sur les machines électroniques" (RME), qui comprend trois divisions : Calcul électronique, Commutation électronique, Energie et prototypes de laboratoire. En 1961 s'ajoutent deux nouvelles divisions (Service calculateurs et automatisme, Centre logique et programmation), illustrant le rapprochement de la commutation électronique avec l'informatique. Les modifications ultérieures accentueront cette symbiose. L'effectif du département RME doublera en dix ans (1958-1967), passant de 94 à 198 personnes, tandis que l'établissement du CNET à Lannion, particulièrement axé sur la commutation et des composants électroniques, passera de 140 à 809 salariés entre 1962, date de sa fondation, et 1967.

En 1958, ayant mené à bien ses premières études de sous-ensembles (maquettes de mémoires, circuits logiques), le département RME décide de les réunir dans un ordinateur expérimental, "Antinea". Celui-ci permet de tester fiabilité et performances des circuits, et d'entraîner les personnels à la conception de systèmes et à leur programmation. "Antinea", qui commence à exécuter des programmes en 1960, fait partie de la nouvelle "génération" des ordinateurs transistorisés. C'est surtout, de notre point de vue, le premier calculateur électronique digital construit et mis en service opérationnel par un laboratoire français du secteur public.

"Antinea" sert de calculateur de commande à une maquette d'autocommutateur téléphonique, "Antarès", en 1961-1962.
L'étape suivante consiste à réaliser une machine plus puissante, "Ramsès", incorporée en 1964 au central "Aristote" qui desservira la zone téléphonique de Lannion. Deux répliques, "Ramsès II" et "Ramsès IL", sont construites en 1965 pour servir au centre de calcul du CNET ; très rapides, munies d'un système d'exploitation permettant l'utilisation en temps partagé, reliées par une liaison à 50 000 bauds, les "Ramsès" fonctionneront à Paris et à Lannion jusqu'en 1973. Les tambours magnétiques sont fournis par la SEA, les unités de bandes par la Compagnie des Compteurs. Par ailleurs, deux petites maquettes d'ordinateurs, RME XI et X2, seront montées en 1968 pour tester des circuits intégrés TTL et des architectures logiques temps réel. Le CNET voit son rôle dans le dispositif français de recherche en informatique confirmé lorsqu'il crée à Lannion, avec l'appui de l'Armée, un "laboratoire d'essai des ordinateurs" chargé d'évaluer les périphériques magnétiques.

Conformément au mode de travail du CNET, ces recherches sont effectuées en coopération avec l'industrie. Ainsi, en 1961, les ingénieurs des télécom essayent divers circuits de composants logiques et de mémoires en liaison avec les constructeurs français de matériel informatique : SEA, Bull, Compagnie des Compteurs.

Les études de programmation, lancées lors du développement d'Antinéa, produisent des assembleurs, des compilateurs Fortran (le premier en 1963 pour Ramsès), des jeux de microprogrammes, et mèneront à des travaux sur la fiabilité du logiciel au début des années 1970. Pour la conception des systèmes informatiques, des programmes de tests de circuits logiques, puis de CAO de circuits intégrés sont développés au cours de la décennie 1960.

Toutefois, les ingénieurs du CNET qui seraient tentés de s'orienter vers une informatique déconnectée des besoins des télécommunications sont soigneusement remis dans le droit chemin par une hiérarchie attentive. A la fin des années soixante, le CNET restera en marge du Plan Calcul, bien que des liens institutionnels soient assurés — Alain Profit, chef du groupe "Informatique et transmission de données" du Centre, est membre de la Délégation à l'informatique. Le CNET se concentre sur sa participation à deux grands programmes technologiques, la conquête spatiale et surtout la modernisation du réseau téléphonique.

Grâce à l'expérience acquise avec "Antinea", "Ramsès" et les systèmes suivants, le CNET maîtrise les technologies nécessaires pour atteindre les objectifs essentiels qui avaient présidé à sa fondation : fournir les bases technologiques d'une industrie nationale des télécommunications indépendante. Le premier vecteur de transfert de technologie est la société mixte Socotel (1959-1977), qui coordonne les études effectuées au CNET et dans les laboratoires industriels. "Le rôle du CNET y a été déterminant car c'est lui qui, en les mettant en pratique, a démontré la validité des principes fondamentaux que l'on retrouve dans les systèmes modernes [...] la base même des réseaux intégrés .
En 1970, le central Platon, mis au point au CNET, industrialisé par la SLE-CITEREL (CIT-Alcatel et Ericsson), est mis en service à Perros-Guirec ; d'autres installations suivent. C'est le premier commutateur temporel au monde desservant les abonnés du réseau public.
Il apparaît que le CNET et la CIT ont deux ans d'avance en ce domaine sur leurs concurrents. La CGE (CIT-Alcatel) industrialisera ensuite le système E 10 fondé sur les recherches du CNET. Alcatel deviendra dans les années quatre-vingt le premier fournisseur mondial de matériel de télécommunications.

Résumons. Le CNET, vers 1950, a des besoins croissants de calcul, de simulation, de contrôle automatique de processus. Il possède les compétences techniques nécessaires pour construire des ordinateurs. Ce qui lui manque pour en réaliser, c'est principalement les aptitudes à gérer un grand projet technologique : aptitude à réunir les moyens financiers ; art de mobiliser des équipes pluridisciplinaires compre nant notamment des mathématiciens ; possibilité de définir sa propre politique scientifique, ses orientations de développement — ou à défaut, capacité de convaincre des acteurs extérieurs, en particulier l'Armée, de lui confier la réalisation d'un ordinateur. Bref, au temps de la reconstruction, le CNET, simple étiquette administrative recouvrant des laboratoires disparates, n'est pas encore tout-à-fait un organisme maîtrisant la Big Science.

D'autres institutions possèdent ces aptitudes à un degré plus élevé. Ce sont des entreprises, et nous avons vu l'exemple de l'ensemble LCT-LMT. C'est à ces firmes (LCT-LMT, SEA, IBM France aussi) que les militaires confient l'étude et la réalisation des premiers ordinateurs français. Ce n'est donc pas la recherche publique, mais les laboratoires industriels, qui sont en France à la pointe de l'innovation dans ce domaine porteur d'avenir : exception parmi les nations. Le résultat est le même du point de vue strictement technique. Mais, si l'on considère la diffusion ultérieure de l'innovation, les entreprises sont évidemment moins portées à faire partager leurs savoirs et savoir-faire acquis dans un tel développement que ne l'est la recherche publique (songeons à l'essaimage autour de Stanford et du MIT, voire des Bell Labs dont la logique de secret industriel est en partie neutralisée par les lois anti-trust). Ne bénéficiant en informatique d'aucune expérience concrète émanant des laboratoires d'État, la seule firme à capitaux français, la SEA, a donc pris tous les risques de l'exploration d'une technologie nouvelle, et l'a payé cher. Le résultat est, dès le début des années soixante, la domination d'IBM sur le marché du calcul scientifique et de la gestion, de LMT sur celui des simulateurs aéronautiques.

A ce moment, le CNET, désormais en pleine possession des moyens de sa mission, prend l'initiative dans le domaine de la commutation électronique, et assure ultérieurement le transfert de ses résultats vers l'industrie. Au-delà de la réussite technique, on peut admirer la gestion du temps, l'alliage expert d'audace et de prudence calculée qui permettent de réaliser les systèmes en adéquation avec le progrès des technologies : ni trop tôt (songeons aux échecs de tant de machines conçues prématurément par rapport aux performances des composants), ni trop tard. Bref, le succès d'une maîtrise à tous les niveaux, techniques et stratégiques, qui contraste avec les heurs et malheurs de l'informatique tricolore.

Le contraste est encore accentué par l'inégale efficacité des politiques gouvernementales, comme l'a montré Jean-Jacques Salomon. La "stratégie de l'arsenal" est adaptée à la réalisation de biens d'équipements destinés à un client unique, l'Etat, dans des situations de quasi-monopole ; d'où sa réussite lorsqu'il s'agit d'équiper des réseaux de télécommunications. Mais les causes de son succès dans cette configuration deviennent des handicaps lorsqu'il s'agit de vendre sur des marchés ouverts et très concurrentiels, exigeant un esprit commercial adaptable à une clientèle variée, internationale, plus sensible aux prix qu'aux qualités purement techniques ; tels sont par exemple les utilisateurs d'ordinateurs de gestion.

La période des "trente glorieuses" voit, en conséquence, se croiser deux évolutions inverses : l'industrie française du traitement de l'information perd progressivement son autonomie technique et financière au profit de groupes américains, tandis que l'industrie des télécommunications prend son essor et assure son indépendance.

sommaire

1974 Réorganisation du CNET

L’avènement d’un nouveau président, Valéry Giscard d’Estaing provoque la mise en place » d’une nouvelle équipe de la DGT en juillet 1974. Un nouveau directeur G. Théry est nommé à la tête de la DGT, décide de la mise en place d’une direction industrielle, appelée DAI, et nomme son Directeur, Jean-Pierre Souviron. On lui adjoindra assez rapidement la responsabilité des affaires internationales et il deviendra ainsi le DAII des
Télécommunications. Il prend des décisions importantes dans le domaine industriel, que nous examinerons ci-dessous, et il cherche à redéfinir le rôle du CNET devant permettre une relance de ses activités de recherche. Il part d’un constat sévère : « Je considère que la recherche au sein du CNET en novembre 1974 était mauvaise : les ingénieurs du CNET au lieu de faire de la recherche eux-mêmes, la faisaient faire par des industriels grâce des crédits d’études ».
Certes une bonne partie des travaux du CNET sont des contributions au développement industriel, mais à Lannion en particulier plusieurs projets de recherche sont menés en amont des développements industriels. Le positionnement en amont du projet Platon, jusqu’en 1972, a été emblématique. Mais il n’a pas été le seul. Les recherches engagées sur une transmission à un débit de 560 Mbit/s, un très haut débit pour l’époque sont menées d’abord sur un plan théorique : travaux de théorie des communications de Michel Joindot appliqués à un canal à 40 GHz via un guide d’ondes circulaire de 50 mm de diamètre. Par ailleurs le CNET Lannion réalise les maquettes de toute la partie « numérique et fréquence intermédiaire », y compris l’appareillage de caractérisation, introuvable à cette époque, notamment un générateur numérique pseudo-aléatoire et un analyseur de canal de transmission à large bande. Puis il assure l’intégration d’ensemble du numérique au millimétrique.
Un transfert technologique, sur le modèle du transfert PLATON, est engagé. « En ce qui concerne les équipements en fréquence intermédiaire et en bande de base numérique, le développement industriel débute en 1973-74.
L’équipe du CNET Lannion transfère tout son savoir-faire à des équipes de la CIT et de la SAT, qui lui sont proches, car installées à Lannion. Ces deux équipes industrielles travaillent dans une certaine coopération, avec une dose d’émulation, et en lien avec le CNET Lannion, responsable des marchés d’études et rédacteur des spécifications techniques des sous-ensembles ». Maurice Acx (SAT Lannion), Claude Aillet (SLE-Citerel) et Ph. Dupuis (CNET) présentent une communication commune intitulée « IF and baseband circuit design and repeater performances » lors de la Conférence internationale sur le guide d’ondes circulaire de Londres en novembre 1976. Lors de cette Conférence il a été confirmé que l’avancée rapide des recherches sur les fibres optiques constituait une forte menace pour le guide d’ondes. Effectivement le guide d’onde circulaire n’aura aucune application industrielle, néanmoins ces travaux amèneront le développement des activités de transmission numérique sur le pôle lannionais.
La réorganisation du CNET se fera progressivement et aboutira en 1979 à la constitution de centres, disposant d’une certaine autonomie et on peut considérer que l’action de la DGT à des effets positifs sur les deux centres de Lannion. Elle va permettre de relancer les équipes, toujours mobilisées sur le numérique, le « grand projet » de Lannion, enrichi dans les années 1980 par des recherches à la fois sur les nouveaux services numériques, les nouvelles formes de réseaux (RNIS, ATM...) et sur les fibres optiques, considérées comme l’avenir des transmissions. Il n’est pas certain que le centre d’Issy-les-Moulineaux ait bénéficié du même effet de relance.

Période de flottement industriel (1974-77)
La DGT veut concentrer l’effort industriel sur la commutation spatiale, ce qui de fait remet en cause la commutation numérique. Par ailleurs elle soutient Thomson-CSF, comme concurrent du Groupe CGE, et cherchera à reprendre des filiales françaises des groupes étrangers Ericsson et ITT. Cette période de flottement intervient dans cet environnement industriel en pleine transformation.
En octobre et novembre 1974 la grève du CNET Lannion, menée dans le cadre d’un mouvement général des PTT contre la Réfor e en cours et largement suivie, a été rapportée dans un article du journal le Monde, écrit par Dominique Verguèse, journaliste des questions scientifiques.
Certes « à l’appel des syndicats le personnel [du CNET de Lannion et d’Issy-les-Moulineaux proteste contre la réorganisation récente de la direction générale des télécommunications, qui restreint assez sensiblement la mission du CNET»...
Mais en fait une bonne partie des ingénieurs et techniciens en grève à Lannion sont plus préoccupés par le contenu de la nouvelle politique industrielle, que par les questions d’organisation de la DGT et du CNET. Dominique Verguèse se fait écho de cette préoccupation en écrivant dans un paragraphe intitulé « La guerre des filières » : « Devant le retard pris par la France la direction générale des télécommunications, animée par M. Liboisavait décidé de brûler les étapes...pour passer plus rapidement aux centraux de l’avenir, les centraux électroniques à commutation temporelle, étudiés par la CIT.
Le CNET s’était donc fait le champion de la commutation temporelle en s’appuyant sur l’industrie française...Le nouveau gouvernement marque son hésitation à poursuivre une politique nationale de développement technologique coûteuse, qui requiert un soutien à long terme ».
En avril 1975 Dominique Verguèse est revenue sur la question de la commutation numérique et a conclu son article de la façon suivante « Si la politique menée jusqu’ici [la politique industrielle des Télécoms] est infléchie, il faudrait éviter de ruiner les efforts de ces quinze dernières années et éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain ». Cette phrase sonnait juste.
Le « bébé » était la commutation numérique.
A la mobilisation politique, qui va de soi puisque le sénateur-maire de Lannion est Pierre Marzin, s’ajoute la mobilisation syndicale. Ces interventions sont effectuées notamment auprès des secrétaires d’état aux PTT. Le 28 février 1975 le secrétaire d’Etat Aymar Achille-Fould est venu à Lannion et a passé un long moment, notamment avec André Pinet, devant des équipements E10, en déclarant « je suis venu sur place pour m’informer des soucis et des inquiétudes du CNET et des industriels de la région ». Le 11 septembre 1975 Aymar Achille-Fould reçoit dans son bureau une délégation CFDT, comprenant un représentant du CNET Lannion. « Parmi les sujets discutés il a été question assez longuement du CNET et de la politique industrielle. Achille-Fould ne comprend pas pourquoi le CNET s’inquiète autant de son avenir, alors que les problèmes posés sont à l’extérieur et non à l’intérieur du CNET ». A. Achille-Fould peu de temps après en janvier 1976 quitta son poste de Secrétaire
d’Etat, sans doute en raison de son désaccord sur la stratégie industrielle de la DGT. On lui reprocha un potentiel conflit d’intérêt, celui de la présence d’un beau-frère comme salarié du groupe Philips, mais ce ne sera pas le seul potentiel conflit d’intérêt au sommet de l’Etat, puisque le Directeur de Thomson Télécom sera Philippe Giscard d’Estaing, cousin du Président.

En 1975 la DGT lance un appel d’offres international sur la commutation spatiale.
Les deux offres les plus attractives pour la DGT sont le système AXE d’Ericsson France et le Metaconta d’ITT. En décembre 1975 J-P Souviron commença à entreprendre des démarches pour convaincre Ericsson et ITT d’accepter le contrôle de leurs filiales françaises (respectivement Ericsson France et LMT) par Thomson avec comme contrepartie des commandes importantes de leurs systèmes de technologies spatiales.
Les choix de la DGT lors de cet appel d’offres provoquent une première fracture.
La SLE-Citerel, victime co-latérale, est dissoute, ce qui provoque l’arrêt d’une coopération active de 20 ans entre le groupe CGE et les Suédois. Georges Pébereau, Président de la CGE (1982-1986) déclarera six ans plus tard à la presse : « Je verse des larmes de sang sur les conditions dans lesquelles ont été rompus les accords entre CIT et LM Ericsson »

Les choix effectués par la DGT en décembre 1975 provoquent l’intégration de la SLE-Citerel dans la CIT, qui est effective en 1977. En fait la CIT s’appelle CIT-Alcatel, depuis que les activités d’Alcatel, regroupant les activités de télécommunications et électronique de la Société SACM (environ 5 000 salariés) ont été fusionnées avec celles de la CIT en 1968. Le reste de l'aventure du projet Platon, des évolutions, de l'industrialissation est détaillée dans la page ALCATEL et LANNION

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Le Projet Smartix lancé par le CNET en 1984.

L’objectif à terme était de fournir aux divers centres du CNET des outils de bureautique moderne adaptés au contexte d’un centre de recherche, permettant la création, l’archivage et l’échange de documents multimédias (texte, graphiques et images).
Il était géré dans le cadre du CNET Paris A, avec un comité de pilotage auquel étaient associés l’INRIA et Bull.
Le projet Smartix comprenait les composants suivants :
- des postes de travail graphiques en mode terminal X 14, gérées par des serveurs UNIX à base de SM90;
- un choix de logiciels d’édition de documents multimédias en environnement UNIX /terminal X ;
- un accès à un serveur MULTICS via des communications ISO/DSA (connexion à développer par Bull) permettant l’usage de ressources en temps partagé (calcul,archivage) ;
- une messagerie de type X400 (recommandation UIT en cours de finalisation) permettant les échanges de documents entre les divers centres du CNET.
Machine SM90

Le projet voulait être une vitrine pour les développements et produits des divers partenaires. Il a été clôturé en 1989 sans avoir un déploiement complet. Ce projet s’insérait dans un ensemble d’actions supportées par l’Agence de l’informatique pour promouvoir l’utilisation de machines UNIX françaises à base de SM 90. L’INRIA a lancé plusieurs projets exploitant cette machine.
Le SM90 était une machine développée par le CNET, en partenariat avec l’INRIA et destinée à des applications techniques pour le réseau.
Le SM 90 était une machine UNIX avec un bus spécifique permettant l’adjonction facile de coupleurs spécifiques. Un Groupement d'intérêt
public, le GIPSI-SM 90, fut créé entre l'INRIA, le CNET et Bull afin de transférer sur la plateforme SM 90 des logiciels intéressants pour les
chercheurs du GIPSI.
De nombreux industriels prirent le brevet du SM 90: TELMAT, TRT, DASSAULT, CSEE, Bull (le SPS 7 fut la première machine UNIX de
Bull).
Son succès commercial fut surtout dans le domaine de l’informatique technique dans le réseau de France Télécom plutôt que dans la
bureautique.

1985 Gestax fut une des premières applicatons nationales développée sur SM90 du CNET.
Gestax est conçue, développée et mise en exploitation par 4 techniciens du Centre Principal d'Exploitation de Fontainebleau et l'aide du CNET qui a fournis le premier mini ordinateur SM90 sous Unix concu par le Cnet.
Cette application connéctée à un petit boitier éléctronique conçu par le Cnet (l'ARDS automate de recopie de données), aspire chaque message de taxation issu des centres téléphoniques éléctroniques comme les E10, Mt25 ... et olus trad sur les systèmes électrmécaniques. Ces données étaient stockées 6 mois et analysées chaque nuit afin de fournir journalièrement aux services commérciaux les résultats d'analyse de comportement des consommations téléphoniques de chaque abonné. La dernière version permettait aussi de produire localement une facturation détaillée au jour le jour ainsi qu'une facturation détaillée inversée quand les conversations étaient locales, alors que la facturation détaillée de l'époque n'était disponible qu'en fin de bimestre.

Avec votre serviteur Jean Godi, Christian Nicouleau, Gilles Barzic et Patick Laumonier.
Ce projet parmi les 92 présentés au jury national des suggestions des télécoms a été retenu et récompensé de 20 000 fr, en présence du ministre des PTT J. Dondoux. L'application GESTAX est présentée en démonstration au SICOB 1986 où elle remporta un vif succès.
Jean
A cette époque j'étais tout jeune et aspiré par l'informatique qui se démocratisait au sein de l'administration.

Après le Cpe de Fontainebleau suivent de peu Alençon, Montargis, Saint-Malo ... et plus de déploiement en 1986.
GESTAX permet :
- Une gestion aisée des données de taxation à distance, à partir des bureaux de comptabilité, ou des agences.
En effet, l'on ne dérange plus l'équipe des techniciens de commutation pour aller faire un relevé manuel dans les Commutateurs électroniques ou électromécaniques ( Commutateurs PENTACONTA, CP400 ... certains de ces systèmes les plus anciens en seront équipés à partir de 1989).
- De pouvoir rapidement vérifier via un terminal distant (Télétype ou Minitel ) le relevé compteur journalier en cas de contestation de la part d'un abonné , faisant tomber le taux de 4 contestations pour 1.000 lignes à inférieur à 1 pour 1.000, et mettre fin aux mauvaises surprises en fin de bimestre. En 1991 avec la généralisation le taux de réclamation de facturation a été divisé par 10.
- D'être alerté rapidement en cas de consommation anormale, qui peut être le synonyme d'une fraude extérieure, ou d'un abus d'utilisation par un membre d'une famille, d'un employé ... , et d'alerter rapidement l'abonné de ce qui paraît être une anomalie,
À partir du 1er janvier 1988 et la naissance de la marque FRANCE TÉLÉCOM, l'application GESTAX a été renommée GESCOMPTE.

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Pierre Lucas (1924-2007) ont été avec Pierre Marzin, des pionniers dans les nouvelles technoligies de la commutation téléphonique.

Pierre Marzin, 1905-1994 né à Lannion, est un ingénieur et un homme politique français.
Ingénieur diplômé de l'École polytechnique (promotion 1925), de l'École Supérieure des Postes & Télégraphes (ESPT) et de l'École Supélec en 1929. Elève ingénieur à l'ESPT, il est nommé ingénieur ordinaire au Service d’Études et des Recherches Techniques (SERT) par arrêté du 18 juin 1930 . Puis il est muté à la direction du Service d’Études et des Recherches Techniques (SERT).
Alors ingénieur ordinaire, Pierre Marzin est promu ingénieur en chef par acte dit arrêté du 23 février 1942.
Le 23 mai 1946, Pierre Marzin, alors inspecteur général adjoint (depuis mars 1944) à la Direction des Recherches et du Contrôle Technique des PTT (DRCT), est chargé à cette date du Service des Recherches et du Contrôle Technique (SRCT) .
En 1954, à la suite de l'absorption de fait du CNET par la DRCT, il devient Directeur du Centre national d'études des télécommunications jusqu'à sa nomination en tant que Directeur Général des Télécommunications du 21 décembre 1967 au 11 octobre 1971.
Élu maire de Lannion de 1971 à 1977, il initie le développement économique de la ville dans les années 1960 en obtenant l'implantation d'un établissement du Centre national d'études des télécommunications, le CNET, ancien nom de France Télécom R&D.
Dans les années 30, il met au point ce que l'on nommera la pastille Marzin, la première membrane moderne et fiable destinée aux microphones des combinés téléphoniques.
En 1937, il invente le système à courant porteur simplifié, qui double la capacité de transmission téléphonique pour chaque paire de fils.
Ce système fut surnommé le "système Marzin" ou encore plus familièrement pour les agents des PTT "la marzinette".
En 1942, il participa à l'évolution de sa propre invention, où désormais il est possible de sextupler la capacité de transmission téléphonique pour chaque câble.
En janvier 1970, on doit à Pierre Marzin, alors Directeur Général des Télécommunications, la mise au point du premier commutateur téléphonique temporel (c'est-à-dire totalement électronique) jamais conçu, le Prototype Lannionais d'Autocommutateur Temporel à Organisation Numérique (PLATON), en tandem avec l'ingénieur Louis-Joseph Libois alors devenu depuis 1968 le Directeur du Centre national d'études des télécommunications (CNET).
En 2007 il est inhumé dans le cimetière de Lannion.


P.Lucas
a fait ses études secondaires au lycée de Rennes et y prépare l’X. Il est reçu à l’École en 1944, mais pour des raisons de santé, il fait ses deux ans d’études avec la promo 45. Il en sort dans le corps des télécommunications et après deux ans à l’ENST débute à la direction régionale de Rennes, où il est chargé de remettre en route le réseau perturbé par la guerre, notamment dans des villes sinistrées comme Saint-Malo et Brest.
Au bout d’un an il est affecté au CNET au département commutation dirigé par Gaston Letellier, où il devient très rapidement le spécialise des systèmes à barres croisées ou Crossbar qui représentaient à l’époque le nec plus ultra en matière de centraux téléphoniques.
Il participe avec brio à la mise au point des premiers centraux crossbar, en système Pentaconta à Melun (1955) et en système CP400 à Beauvais (1956). Pierre Marzin, directeur du CNET, crée alors au printemps 1957 le département Recherches sur les machines électroniques (RME) qu’il confie à Louis-Joseph Libois , futur directeur général des télécommunications. Pierre Lucas le rejoint alors pour faire profiter le nouveau département de son expérience des commutateurs et des réseaux. Le programme était ambitieux : il s’agissait ni plus ni moins de hisser la France au niveau qu’avaient atteint les États-Unis, à une époque où notre pays était obligé d’importer les technologies nécessaires aux télécommunications. Cinquante ans après, l’existence de France Télécom et d’Alcatel atteste que ce pari fut gagné.
Pierre Lucas en fut un des acteurs éminents, discret mais inspiré, grâce à une imagination technique foisonnante et à une vision prospective particulièrement aiguë. Grâce à lui diverses solutions techniques ont pu être explorées, avant le choix des systèmes de commutation temporelle d’aujourd’hui : en particulier système semiélectronique à commutateurs crossbar (projet SOCRATE), systèmes à relais à tiges (projet PÉRICLÈS). Même si ces solutions n’ont pas été retenues par la suite, grâce aux travaux du Centre de recherches du CNET à Lannion sur la commutation temporelle, animé par Louis-Joseph Libois et André Pinet, elles ont permis de résoudre les problèmes de la commande des commutateurs par ordinateur, notamment ceux de la permanence du service et de l’écoulement du trafic.
Pierre Lucas n’a pas limité aux commutateurs téléphoniques son activité technique ; il a joué un rôle important dans la commutation de paquets (réseau TRANSPAC) et a créé les premières bases de ce qui allait devenir par la suite le réseau Internet. Sa fécondité s’est concrétisée par le dépôt de cinquante-quatre brevets et la rédaction de très nombreux articles, faisant mentir l’idée reçue selon laquelle les polytechniciens ne seraient pas créatifs. Il reçut d’ailleurs en 1985 le prix Christophe Colomb de la ville de Gênes pour l’ensemble de son œuvre, distinction prestigieuse attribuée avant et après lui à des acteurs majeurs de la science et de la technique. Il fut l’un des trois Français avec Louis Armand et Maurice Ponte à le recevoir depuis 1955. Parmi les étrangers on relèvera David Sarnof, George H. Gallup, Lojola de Palacio, commissaire européenne, la NASA ou l’Académie des sciences de l’URSS, excusez du peu !
Ses travaux s’accompagnèrent d’une intense collaboration avec les organismes internationaux, notamment l’UIT (Union internationale des télécommunications).
Retraité en 1989, il s’installe dans la maison familiale de Lézat-sur-Lèze (Ariège) avec son épouse Simone où il se met aussitôt au travail dans un domaine nouveau et rédige une Histoire de Lézat, qui est, pouvait-on en douter, un monument d’érudition. Il nous a quittés le 29 septembre 2007 et, dans un synchronisme émouvant, sa femme le suivit deux jours après.

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Inventions et faits marquants

1963 : Aristote, premier commutateur téléphonique électronique de type spatial en Europe
1963 : S63, poste téléphonique optimisé
1967 : Satellite géostationnaire de télécommunications
1970 : Platon, premier commutateur téléphonique électronique de type temporel du monde
1971 : Création du télétexte système Antiope (qui sera déployé en France en 1977)
1977 : Étude et développement des câbles optiques
1978 : Mise au point du réseau Transpac
1980 : Invention du Minitel et de l'Annuaire Électronique des abonnés au téléphone
1984 : co-invention de l'ATM et premier switch pré-ATM.
1984 : Le projet Smartix
1982 : Marathon, premier prototype de téléphone mobile
1987 : Visage, visiophone grand public
1987 : Lancement du réseau numérique à intégration de services RNIS (Numéris)
1988 : Lancement de solution de radiodiffusion numérique (DAB)
1988 : Démonstration de télévision haute définition
1990 : Mise au point du Bi-Bop, premier téléphone mobile grand-public

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