Les satellites de télécommunication

En 1955, un chercheur américain des Bell Telephone Laboratories, J. R. Pierce, avait proposé dans un article intitulé « Orbit radio relay », paru dans la revue Jet-Propulsion, d’utiliser des satellites géostationnaires pour assurer des liaisons à très grande distance.
Ce projet mit cependant une dizaine d’années à être réalisé : en effet, si le lancement du satellite soviétique Spoutnik I date de 1957, il faudra attendre, néanmoins, plusieurs années pour que soit résolue le problème des contraintes techniques liées à la mise sur orbite à très haute altitude d’une charge ayant une masse suffisante.
Toutefois, des expériences de lancement furent entreprises dès 1958 : les Etats-Unis lancèrent sur orbite basse le premier satellite de télécommunications, prénommé « Score » (Signal communication by orbiting relay equipment) ; il s’agissait en fait d’un relais à transmission différée, réémettant par télécommande un message reçu et enregistré antérieurement : un tel relais ne peut être intégré dans un réseau de télécommunications à transmission instantanée, mais il peut par contre être utilisé pour la collecte ou la diffusion de données, ainsi que pour certaines applications militaires.
Le lancement du satellite « Courrier », en octobre 1970, permit d’expérimenter plus complètement cette technique de retransmission différée, qui assure une grande discrétion des communications ; sans nul doute, un certain nombre de satellites militaires à mission secrète continuent à utiliser cette technique.
Les premiers essaies réalisés avec des satellites en orbite à de hautes altitudes correspondent au satellite réflecteur Echo I. Ce satellite est composé d’un ballon plastique métallisé de plus de 30 mètres de diamètre. Il fut lancé en août 1960, par l’Agence américaine pour l’aéronautique et l’espace (NASA), sur une orbite d’altitude moyenne de 15 00 kilomètres.
Plusieurs expériences de télécommunications ont été faites avec le satellite Echo I, en particulier entre les Etats-Unis et la France : un signal émis aux Etats-Unis fut reçu à Issy-les-Moulineaux au moyen d’une antenne de 3 mètres de diamètre, puis de 10 mètres. Ces expériences ont permis de vérifier les conditions de propagation des ondes radioélectriques, notamment à incidence rasante, et la dérive de fréquence due à l’effet Doppler ; en outre, elles ont contribué à la mise au point des techniques de poursuite.
Cependant, les véritables expériences de télécommunications ne commencèrent qu’après le lancement du satellite Telstar I par la NASA, en juillet 1962. Ce satellite, construit par les Bell Telephone Laboratories, comportait un répétiteur actif de télécommunications ; il gravitait sur une orbite elliptique dont l’apogée était située au dessus de l’hémisphère nord à environ 5 000 kilomètres d’altitude.

L’administration française des PTT construisit en quelques mois (octobre 1961 – juillet 1962), grâce à la collaboration de l’AT&T et des Bell Telephone Laboratories, une station terrienne à Pleumeur-Bodou (Côtes du Nord). Cette station, identique à la station de l’AT&T située à Andover (Maine), était opérationnelle au début de juillet 1962 et put ainsi capter les premières images de télévision en provenance des Etats-Unis. Quelques heures plus tard, la station britannique installée en Cornouailles, recevait, elle aussi, les premières images transmises au-dessus de l’Atlantique.
Plusieurs satellites de télécommunications dits « à défilement », par opposition aux satellites géostationnaires, furent lancés par les Etats-Unis après Telstar I : ce furent, en 1963 1964, Relay I, puis Telstar II, puis Relay II, dont l’apogée s’est élevé jusqu’à 10 000 kilomètres, augmentant ainsi la durée de visibilité de part et d’autre de l’Atlantique.
Un grand pas fut franchi lorsqu’on démontra la possibilité de maintenir un satellite stationnaire par rapport à la Terre, ce qui fut mis en oeuvre avec les satellites Syncom, notamment le satellite Syncom III, qui permit de retransmettre, en 1964, les images des jeux olympiques de Tokyo.
En 1964, 18 pays formèrent à Washington le Consortium international de télécommunication par satellite, Intelsat.
En avril 1965, c’était le lancement du premier satellite géostationnaire, Intelsat I (prénommé « Early Bird »). Ce satellite avait une capacité de transmission de 240 communications simultanées ou d’un canal de télévision. Le lancement d’Intelsat I marque le véritable début de l’ère des télécommunications par satellites.
L’utilisation des satellites permit aux pays continentaux, n’ayant pas d’accès direct à l’océan, d’établir leurs liaisons internationales sans transiter par d’autres pays.

Depuis 1965, le développement des télécommunications par satellites a suivi pas à pas le développement des techniques de mise sur orbite et le perfectionnement des satellites et des stations terriennes . Comme dans le cas des câbles sous-marins, la course aux grandes capacités de trafic s’engagea très vite. De 240 communications téléphoniques (ou un canal de télévision) pour les satellites Intelsat I et II (1965 – 1967), on passa, avec la série Intelsat V (début des années 80) à 12 000 communications téléphoniques simultanées et 2 canaux de télévision. Cependant, le développement et le perfectionnement de la technique des télécommunications par satellites ne s’apprécient pas uniquement en fonction de critères
quantitatifs. Par exemple, à partir de la génération Intelsat II, en 1967, il a été possible de disposer de ce qu’on appelle « l’accès multiple » qui permet à un groupe de stations terriennes d’être reliées deux à deux grâce à un seul satellite, alors qu’avec Intelsat I, seules, des liaisons point à point (un seul émetteur et un seul récepteur) étaient possibles. Le réseau Intelsat est une réussite remarquable.
En 1968, on ne comptait encore que 11 pays équipés de stations terriennes, le nombre total d’antennes était alors de 14.
En 1975, 72 pays étaient desservis par le réseau Intelsat, qui comprenait 114 stations terriennes et 141 antennes.
La souplesse d’exploitation des satellites de télécommunications se développe donc en même temps que leur capacité de transmission s’accroît. Alors qu’un câble sous-marin est essentiellement une artère point à point, un système de télécommunications par satellites, apparaît comme un réseau doté, non seulement d’une fonction de transmission, mais aussi, sous une forme particulière, de certaines fonctions s’apparentant à la commutation.
Depuis le début des années 80 jusqu’à aujourd’hui, l’expansion des réseaux de télécommunications par satellites n’a cessé de s’accroître dans le monde entier et l’on a assisté, en outre, à la mise en place de liaisons par satellites pour des besoins « domestiques » ou « régionaux » dans de nombreux pays : Russie, Canada, Etats-Unis, Inde, Indonésie, Japon, Chine, Europe, etc.
Le développement des réseaux régionaux de télécommunications par satellites est un élément important car il introduit une dimension nouvelle dans le concept de réseau de télécommunications. La création, en 1977, aux USA du consortium Satellite Business Systems (SBS) regroupant la Comsat, IBM et une société d’assurances, est très significative à cet égard. Ce premier satellite de télécommunication privé fut lancé en 1980.
La technologie du système utilisée était particulièrement avancée pour l’époque, puisqu’il utilisait déjà des transmissions sous forme numérique (transmissions de données, de parole et d’images). 200 stations de réception furent rapidement installées sur le territoire américain ; ces stations étant essentiellement destinées à écouler un trafic d’affaires très rémunérateur.
L’apparition de ce nouvel opérateur de télécommunication privé (SBS) fut non seulement une réussite technique, mais elle constitua aussi un événement qui marqua un tournant dans la structure et l’organisation même des télécommunications. Le monopole de droit ou de fait des grands organismes publics de télécommunications, des opérateurs publics tels que l’AT&T, France Télécom, etc., fut remis en question par la création de tels réseaux privés.

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Revenons en arrière : Le 7 janvier 1959, la France décide de se lancer officiellement à son tour dans la Course à l'Espace.
L'Administration des Télécommunications y prendra une place de choix, grâce au Centre National d'Études des Télécommunications (CNET). Ainsi, le CNET participe-t-il, lui aussi, à la Course à l'Espace, en concevant les dispositifs de guidage, de télécommande et de télécommunications équipant les fusées françaises VÉRONIQUE.

Le 12 août 1960 Le premier « satellite de télécommunications », Echo I, lancé par les Américains en août 1960, n’était en fait qu’un énorme ballon de 30 m de diamétre. Recouvert d’une mince pellicule de métal, il devait jouer le rôle d’un miroir, relais passif permettant aux ondes émises depuis le sol d’être reflétées vers un autre point de la planète.
Le satellite ECHO 1A dans la base de lancement de Cap Canaveral
Le satellite, une fois lancé, est placé en orbite à 1500 km de la Terre.
Ainsi, une onde qui est projetée de la surface de la Terre dans sa direction se réfléchit-elle en un autre point de la planète.
Le signal n'est pas réamplifié par le satellite. ECHO 1A est un miroir sphérique.
L'antenne-cornet hyperfréquence.

Le premier véritable satellite, Courrier B, fut lancé en octobre 1960. Il était doté d’équipements électroniques, permettant de recevoir puis d’amplifier le message avant de le réémettre. Il ne fonctionna que 17 jours.

Première expérimentation en 1960, en France, la Compagnie Générale d'Électricité construit une antenne réceptrice pour le compte du CNET. Elle est implantée à Nançay, dans le Cher. Ainsi les Ingénieurs des Télécommunications affectés au CNET vont-ils pouvoir s'entraîner à la poursuite et à la réception des ondes réfléchies par satellite dès Août 1960.
La tour de Nançay supportant l'antenne réceptrice pointant vers le satellite ECHO 1A.

 

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Le premier centre de télécommunication par satellite de Pleumeur-Bodou (il y en aura deux)

En Mars 1959, le Département des Essais en Vol commence son installation sur l'aérodrome de Lannion-Servel. La remise en état de ce vieil aérodrome, associé à tout l'espace disponible de la lande bretonne permet de s'affranchir des sujétions du siège du CNET installé à Issy-les-Moulineaux, à deux pas de Paris, et permet de pouvoir construire facilement toutes sortes d'installations techniques radio sans obstacle, sans limite... Les faits étant vérifiés, et l'expérience concluante, la décision définitive de construire le CNETà Lannion est confirmée.

Le site de Pleumeur-Bodou avait été retenu pour y implanter le centre de télécommunications par satellite à proximité des nouveaux laboratoires du CNET, récemment implantés à Lannion. Cent dix hectares de landes sont prévus pour construire trois antennes.
La Compagnie Général d’Électricité (CGE), amorce le chantier en octobre 1961. C’est un chantier gigantesque.
En dehors du site, sur l’île Losquet située à 7 km de l’antenne principale, on érige un pylône de visée d’une hauteur de 200 mètres supportant un simulateur de satellite.

Le 19 mai 1960, M. le Ministre des Postes et Télécommunications - Michel Maurice-Bokanowski pose la première pierre des futurs laboratoires du CNET à Lannion.

En attendant que la France dispose de fusées et de lanceurs fonctionnels sûrs, le pays est obligé de se tourner vers le libérateur américain.
Aussi, la France est-elle prête à s'associer avec les USA pour développer son propre savoir et à terme sa future industrie spatiale.
Les USA veulent aussi continuer à se développer, et pour rayonner, ont besoin de collaborer avec des pays amis pour mener à bien leurs programmes de développement, en matière de télécommunications spatiales...
Leur programme consistant à placer sur orbite le premier satellite de télécommunications actif (c'est à dire qui amplifie les signaux reçus de la Terre avant de les réémettre vers la Terre).
Or, pour communiquer, il faut être au moins deux. Et si les USA veulent lier conversation par satellite, ils doivent bien aider à l'implantation de stations jumelles ailleurs dans le monde en fournissant un matériel compatible avec leur technologie, s'ils veulent réussir au plus vite.
ATT souhaite implanter une imposante station satellite sur chaque continent. Concernant l'Europe de l'Ouest, les négociations avec la France aboutissent. L'opérateur de télécommunications américain ATT s'associe donc avec les PTT et fournira le matériel électronique nécessaire à la France, ainsi que l'antenne.

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La Station de Télécommunications Spatiales américaine :
Le 30 septembre 1961, le radôme provisoire (shelter) américain est érigé avec succès à Andover, dans l'état du Maine.
Fin Décembre 1961, le radôme définitif américain est déployé, une fois le montage de l'antenne achevé.
Le radôme est constitué de 9 parties distinctes assemblées entre elles ; chaque partie est fabriquée dans un film étanche de nylon traité.
Le radôme a été fabriqué par la société spécialisée Birdair Structures Inc. à Buffalo, USA.
Le poids du radôme provisoire est de 12 tonnes, son épaisseur est de 1,3 millimètres, sa hauteur est de 48 mètres et son diamètre de 64 mètres.
Le radôme est maintenu en permanence en légère surpression de 7 millibar (soit 70 kg / m²) de plus par rapport à l'atmosphère, pour rester érigé et résister au vent.
Le radôme est présent pour protéger l'antenne et tous les équipements électroniques, de la chaleur, du soleil, de la pluie, du froid, de la neige et du gel. L'enceinte est maintenue à température et hygrométrie constante.

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La Station de Télécommunications Spatiales française : de l'autre côté de l'Atlantique

En 1961 Pierre Marzin négocie avec AT&T la mise en place d’une deuxième station terrienne à l’ouest de l’Europe, en plus de celle des Anglais, installée en Cornouaille britannique, pour assurer des transmissions de télévision via le satellite défilant Telstar vers la station américaine d’Andover au nord-est des Etats-Unis.
Cette station est installée à Pleumeur-Bodou près de Lannion et l’accord signé avec les Bell Labs permet l’installation des mêmes équipements que ceux d’Andover. Pour l’essentiel c’est l’assistance technique des Bell Labs, qui permettra l’installation de la station de Pleumeur-Bodou, le groupe CGE apportant son expertise technique pour les installations électriques et une équipe du CNET faisant son apprentissage pour assurer l’exploitation de la station.

L’antenne est du type cornet, mesure 54 mètres et pèse environ 340 tonnes. Sa précision est de l’ordre du centième de degré. Conçu par Planned Milton et construit par l’entreprise Bird Air Inc, un radôme en dacron de 27 tonnes gonflé sous pression protège ces installations.

D'Octobre 1961 à fin Juin 1962, est construite une extension du CNET à Pleumeur-Bodou consistant en la Station des Télécommunications Spatiales destinée à recevoir des images télévisées transmises entre les USA et la France via le satellite artificiel TELSTAR 1.
L'implantation de notre premier Centre de Télécommunications Spatiales le plus à l'ouest du pays s'impose techniquement dans la mesure où il vaille mieux se rapprocher au plus près de son correspondant (les USA) dans le cadre de liaisons réalisées par satellites erratiques (c'est-à-dire non géostationnaires) pour gagner le plus de temps de contact possible, et dans une zone peu urbanisée moins exposées aux parasites radioélectriques.

Printemps 1961, le satellite expérimental Telstar 1 a été conçu et fabriqué par les Bell Labs.

Ce satellite fut d'ailleurs le premier lancement privé de l'histoire. Il a été placé sur une orbite elliptique, faisant le tour de la Terre en 157 minutes, inclinée à 45° sur l'équateur.

Tracker 136 MHz.
Dispositif de détection et de suivi du satellite TELSTAR 1 lorsque sa trajectoire passe à portée du Centre Spatial de Pleumeur-Bodou.
Une fois détecté, le satellite est pris en poursuite par le premier Tracker 136 MHZ, puis le second Tracker 4080 MHz de haute précision prend le relais et l'antenne PB1 est alors orientée et calée sur le satellite.
Le Centre de Calcul du Centre de Télécommunications Spatiales de Pleumeur-Boudou est équipé d'un ordinateur IBM 1620, pour assurer les opérations de coordination de la Station Spatiale :
- Il réalise en direct la commande de pointage des diverses antennes (antenne Cornet principale et les deux antennes de poursuite) au cours d'un passage du satellite TELSTAR, afin de permettre la réception/émission des signaux.
- Il enregistre en direct (sur Bandes Magnétiques) les trajectoires de passage du satellite TELSTAR, bandes qui permettront, par leur relecture ultérieure, une analyse exhaustive à postériori de la course réelle du satellite.


L'Antenne PB1 sous le radôme :

PB1 est constituée en partie en acier et en alliage d'aluminium (duralumin).
Poids : 300 tonnes.
Hauteur : 29 mètres.
Largeur totale : 54 mètres.
Longueur du réflecteur : 36 mètres.
Surface réflectrice utile de l'antenne : 400 mètres carrés.

Il sera mise hors service en Fin 1975 (remplacée par l'antenne PB 4).

Le 3 avril 1962, le Radôme provisoire (Shelter) se déchire au cours d'une tempête phénoménale. Il faut le remplacer.

Le 1er mai 1962, le second Radôme provisoire (Shelter) est reçu en urgence des USA, l'installation commence. Ce Shelter est en réalité celui utilisé initialement pour le Radôme d'Andover. Une fois devenu inutile aux USA après la pause du Radôme définitif à Andover courant Avril 1962, il a été expédié en urgence à Pleumeur-Bodou après notre catastrophe subie, et celui-ci a tenu.

Le 7 mai 1962, le second Radôme provisoire (Shelter) est érigé en remplacement du précédent.

Le 10 juillet 1962 Le satellite type actif (avec émetteur et récepteur) est lancé de Cap Canaveral par une fusée Thor Delta et placé sur une orbite elliptique inclinée de 45° sur l’Equateur, décrite en 2 h 37.
La durée maximale d’utilisation entre l’Europe et les États-Unis est de 20 minutes pour certains passages seulement.
Dès la sixième orbite, l’antenne de Pleumeur-Bodou capte dans d’excellentes conditions les premières images de télévision directe transmises à partir des États-Unis.
Le 10 juillet 1962 la station de Pleumeur-Bodou reçoit les premières images télévisées transmises au-dessus de l’Atlantique.
Cette première mondiale donne un formidable coup de projecteur médiatique sur cette coopération Franco-Américaine

Le 11 Juillet 1962 Le satellite Telstar permit de réaliser la première transmission d’images de télévision transatlantique, entre la station AT&T d’Andover (États-Unis) et la station du CNET de Pleumeur -Bodou (Côtes du Nord) . la Mondovision est née.

Radôme définitif abritant l'antenne PB1, été 1962.

Le 12 juillet 1962, première émission télévisée transmise via le satellite TELSTAR 1 dans le sens France vers USA : M. le Ministre des P et T - Jacques Marette s'adressant aux USA, puis, Yves Montand chantant "La chansonnette" apparaît sur les téléviseurs américains.
La première émission publique était programmée douze heures après la mise en orbite, et aurait eu lieu si les Américains n'avaient pas oublié de mettre la balise de Telstar en route (4.080 MHz), ce qui empêcha sa localisation par la station française de Pleumeur-Bodou... L'orbite suivante, le récepteur au sol tombe en panne : la lampe (eh oui...) qui génère les hyperfréquences grille sans avertissement, il faut la remplacer d'urgence. A 23 h 18 TU (temps universel) l'émetteur du satellite est activé, et l'acquisition est effective alors que Telstar 1 se trouve encore à 3° sous l'horizon. Il est 23 h 47 TU exactement lorsque la mire américaine apparaît sur les écrans de contrôle de la station réceptrice, le monde vient de rapetisser brusquement ! Les cris de joie fusent, des techniciens ont la larme à l'œil. Apparaît alors une image de studio présentant l'interview de Fred Kappel d'ATT et du docteur Fisk de Bell Labs. Cette émission historique durera sept minutes.

Le 13 juillet 1962, première communication téléphonique internationale FRANCE-USA via le satellite TELSTAR 1.
Aujourd'hui pour la téléphonie fixe, les satellites de communications apportent une technologie complémentaire à la fibre optique qui compose les câbles sous-marins. Ils sont aussi utilisés pour des applications mobiles, comme des communications vers les navires ou les avions, vers lesquels il serait impossible d'utiliser du câble.

Le 19 octobre 1962, M. le Président de la République - Charles de Gaulle inaugure à Pleumeur-Bodou la Station des Télécommunications Spatiales.

Le 21 février 1963, TELSTAR 1 cesse de fonctionner .
On apprit plus tard que les transistors d'émission du satellite avaient été progressivement détruits par les radiations résiduelles de deux explosions nucléaires stratosphériques, la première faisant partie du programme Starfish et remontant au 9 juillet 1962 (soit la veille du lancement de Telstar !), l'autre soviétique en octobre 1962.
TELSTAR 1 reste présent en orbite !

Le 24 juillet 1964, un accord créant une organisation internationale de télécommunications est signé à Washington et les 13 pays fondateurs : Australie, Belgique, Canada, Danemark, États-Unis d'Amérique, France, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, Japon, Pays-Bas, RFA et Suisse.
L'accord est signé pour une période initiale de 5 ans. Il s'agit du Comité Intérimaire des Télécommunications par Satellites.

Une des premières décisions de ce comité sera d'éliminer la solution d'un réseau de satellites erratiques pour les usages civils (et notamment de télécommunications), solution qui serait devenue à terme ingérable et incontrôlable ; au profit de satellites géostationnaires contrôlables, ajustables et télécommandables facilement depuis le sol terrestre.
Les satellites erratiques, en revanche, sont toujours abondamment utilisés discrètement par tous les pays technologiquement avancés, pour un usage militaire d'espionnage et de contre-espionnage.

Le premier satellite réellement en orbite géostationnaire sera le satellite Syncom 3, lancé le 19 août 1964 par la firme Hughes Aircraft Company d'Howard Hughes.
Un satellite en orbite géostationnaire semble fixe à un observateur à la surface de la Terre. Il fait le tour de la Terre en 23h 56 min, à vitesse constante, à la verticale de l'équateur.
L'orbite géostationnaire est très pratique pour les applications de communication car les antennes au sol, qui doivent impérativement être pointées vers le satellite, peuvent fonctionner efficacement sans devoir être équipées d'un système de poursuite des mouvements du satellite, système coûteux et compliqué à exploiter. Dans le cas d'applications nécessitant un très grand nombre d'antennes au sol (comme la diffusion de bouquets de télévision numérique), les économies réalisées sur les équipements au sol justifient largement la complexité technologique du satellite et le surcoût de la mise sur une orbite relativement haute (près de 36 000 km).

Le 6 avril 1965, un nouveau satellite, géostationnaire cette fois-ci, est lancé en orbite avec succès : il s'agit du satellite Intelsat 1, plus connu sous le nom de Early Bird.
Ce satellite est capable de transmettre entre les USA et la France 240 communications téléphoniques simultanées, ou 1 programme de télévision (au choix), le tout 24H/24 et dans les deux sens. Early Bird sera désactivé en 1969.
Depuis, Early Bird continue de tourner en orbite géostationnaire autour de la Terre.

La capacité des satellites de télécommunications, limitée initialement à 300 circuits téléphoniques va augmenter en profitant des progrès de l'électronique pour atteindre 200 000 circuits à la fin du XXe siècle.

La France était en avance, le premier satellite de communication géostationnaire canadien, était le Anik 1, lancé le 9 novembre 1972 ; il restera en exploitation jusqu'au 15 juillet 1982.

Le 2 mai 1965, les premières images émises depuis les USA sont visibles sur les écrans de contrôle à Pleumeur-Bodou .

Le 21 juin 1965, l'exploitation téléphonique de la première liaison téléphonique intercontinentale par satellite commence, en service régulier - après la mise en service des suppresseurs d'écho nécessaires pour compenser le décalage du quart de seconde entre la France et les USA, décalage très préjudiciable pour les usagers.

Le 28 juin 1965, après une première semaine d'exploitation technique réussie, l'exploitation téléphonique régulière entre le continent américain et le continent européen est officiellement inaugurée en France.
La capacité d'exploitation du satellite Intelsat 1 F1 - HS303 - Early Bird est de 240 circuits téléphoniques permanents.
L'émission/réception s'effectue grâce à l'antenne-radôme PB1 côté français.

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Le CNET et le programme national de télécommunications

Le CNET fut associé à ces développements et devint l’interlocuteur technique d’INTELSAT, organisation internationale chargée de gérer le nouveau système de télécommunications. Son développement impliqua une évolution régulière des installations de Pleumeur-Bodou.
L'antenne PB2, décidée en 1966 est mise en service le 29 septembre 1969.
Elle marquait une première étape d’émancipation puisque sa conception et sa réalisation avaient été totalement françaises
PB2
Antenne parabolique, prototype de conception entièrement française de 27,5 mètres de diamètre.
Désormais, toute les antennes satellites mises en service seront de type parabolique ; le type cornet est abandonné.
Puissance rayonnée de 5 kW émise par tubes à ondes progressives.
PB2 communique avec le satellite Intelsat III, en orbite géostationnaire au dessus de l'océan Atlantique.

Le 27 mars 1972, la République Française signe l'accord d'exploitation relatif à l'organisation internationale de télécommunications par satellites INTELSAT, afin d'officialiser la situation.

C'est grâce au programme Intelsat (dominé par les USA) que la France va pouvoir enfin s'affranchir des anciennes liaisons téléphoniques internationales radioélectriques (établies par voie entièrement manuelle au départ de Paris-Archives).


Déjà, à partir de 1970, la France, via ses industriels tels que Thomson-CSF ainsi que France Câble Radio (filiale de l'Administration française des PTT ) commence à déployer dans ses départements d'outre-mer ainsi que dans moult pays d'Afrique Noire, des Stations d'Émission / Réception par satellite, et participer ainsi au désenclavement téléphonique de ces territoires et de ces pays.

L’achèvement de PB3, en décembre 1973, complétait cette évolution.
Le 15 octobre 1973, est mise en service la 3ème antenne du site Pleumeur-Bodou : PB3.
Antenne parabolique de conception française de 30 mètres de diamètre.
PB3 est étrennée à l'occasion du voyage de M. le Président de la République - Georges Pompidou en République populaire de Chine.
Puissance rayonnée de 5 kW émise par tubes à ondes progressives.
PB3 sera inaugurée officiellement le 17 décembre 1973 par M. le Directeur du Cabinet du Ministre des P et T - Jacques Maire en présence de M. le DGT - Louis-Joseph Libois et de M. le Directeur du CNET - Jacques Dondoux.

Le Premier satellite de télécommunications géostationnaire stabilisé trois-axes a été Symphonie-A, premier du programme franco-allemand, lancé le 19 décembre 1974.

Le 19 janvier 1975, est mise en service la 4ème antenne du site Pleumeur-Bodou : SYMPHONIE.
Elle sera renommée ultérieurement PB5, c'est aussi une antenne parabolique de conception française de 16,5 mètres de diamètre.

En Juin 1976, est mise en service la 5ème antenne du site Pleumeur-Bodou : PB4.
C'est une antenne parabolique de conception française de 32,5 mètres de diamètre.
Puissance rayonnée de 5 kW émise par tubes à ondes progressives.

La série des Intelsat 6 lancée à partir de 1989 dépasse deux tonnes en orbite.

Ces satellites peuvent relayer 24 000 circuits téléphoniques et trois canaux de télévision couleur. Au sol les radômes ont disparu, des antennes de réception plus petites sont disponibles pour les particuliers.

En concevant la première génération de satellites de télécommunications commerciaux français, le CNET valorisa le savoir-faire accumulé depuis les temps pionniers de Pleumeur-Bodou.
En février 1979, sur proposition du directeur général des télécommunications, le gouvernement français décidait la réalisation d’un programme national de télécommunications par satellites.

Un comité de programme, coprésidé par France Télécom et par le Centre National d’Études Spatiales (CNES) fut constitué pour coordonner les efforts. Le CNET était responsable du suivi de la réalisation de la charge utile confiée à Alcatel Espace. Matra était maître d’œuvre pour l’intégration finale du satellite.
En 1983, est mise en service la 6ème antenne du site Pleumeur-Bodou : PB6.
Antenne parabolique de conception française de 32,5 mètres de diamètre.

Le lancement le 4 août 1984 de Télécom 1A, premier d’une série de trois satellites, ponctuait par un succès ce grand projet national.
Le fait qu’il fut lancé par une fusée Ariane donna sans doute un caractère particulièrement important à cette mission qui marquait l’émancipation de l’Europe dans un domaine déterminant pour son avenir.

En 1985, est mise en service la 7ème antenne du site Pleumeur-Bodou : PB7.
Antenne parabolique de conception française de 32,5 mètres de diamètre.

En Janvier 1988, est mise en service la 8ème antenne du site Pleumeur-Bodou : PB8.
Antenne parabolique de conception française de 13 mètres de diamètre. Première utilisation à l'occasion de la retransmission des Jeux Olympiques d'hiver à Calgary (transmissions de données et de programmes TV).

En 1989, est mise en service la 8ème antenne du site Pleumeur-Bodou : PB9.
Antenne parabolique de conception française de 13 mètres de diamètre.

En 1990 - 1992 , sont mises en service 2 antennes sur site Pleumeur-Bodou : PB10, PB11.
PB10 : 16 mètres de diamètre,
PB11 : 13 mètres de diamètre,

Le 6 juillet 1991, le Centre de Télécommunications Spatiales de Pleumeur-Bodou devient aussi le Musée des Télécommunications Internationales ouvert au public et sauvegarde ainsi les installations de l'antenne radôme PB1.
...

Même concurrencée par les cables optiques terrestres ou sous-marins, l'application qui est toujours la plus importante pour les satellites de communication est la téléphonie internationale.
Les centraux locaux transportent les appels jusqu'à une station terrienne (aussi appelée téléport), d'où ils sont émis en direction d'un satellite géostationnaire. Ensuite ce satellite les retransmet vers une autre station qui procède à la réception et l'acheminement final.
Les téléphones mobiles satellitaires (depuis des bateaux, avions, etc.) eux se connectent directement au satellite. Ils doivent donc être en mesure d'émettre un signal et de le pointer vers le satellite même en cas de mouvements (vagues sur un bateau, déplacement et turbulences en avion).

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Sans oublier les stations d'Émission/Réception par satellites construites par la France, hors métropole :

Le 7 février 1972, Antilles Françaises, Station des Trois-Îlets, implantée en Martinique à Fort-de-France, capacité 60 voies.
Le 5 avril 1972, Sénégal, Station de Gandoul, près de Dakar.
Le 8 avril 1972, Madagascar, Station Philibert Tsiranana, à Arivonimamo
Le 27 novembre 1972, Côte d'Ivoire, Station d'Akakro, près d'Abidjan.
Le 2 juillet 1973, Gabon, Station de N'Koltang, près de Libreville.
Le 8 décembre 1973, Cameroun, Station de Zamengoe, près de Yaoundé.
Le 12 mars 1974, Réunion, Station de la Rivière-des-Pluies.
Le 12 septembre 1974, Guyane Française, Station de Trou-Biran (dessert également le Guyana, ex-Guyane Néerlandaise).
Le 17 septembre 1976, Nouvelle-Calédonie, Station Île-de-Nou, près de Nouméa.
En 1977, Togo, Station de Cacavelli, près de Lomé.
Le 5 septembre 1978, Polynésie Française - Tahiti, Station de Papenoo, près de Papeete.
En 1978, Tchad (le projet a-t-il été réalisé ? cf. début de la seconde guerre civile en 1980).
En 1979, le Congo (Brazza), Station de Mougouni.
En Mai 1981, la Guinée (Conakry),
En 1981, Saint-Pierre-et-Miquelon, Station de Pain-de-Sucre...

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Le deuxième centre de télécommunication par satellite de Bercenay-en-Othe.

Dès 1965, pour ne pas laisser tous ses œufs dans le même panier, il est projeté la construction du deuxième Centre de Télécommunications Spatiales français de Bercenay-en-Othe, sis à mi-chemin entre Paris et Reims.


Le 1er septembre 1972, l'annonce publique de cette future station est faite par M. le Ministre des Transports - Robert Galley, qui était jusqu'au mois de Juillet 1972, Ministre des P et T.

L'année 1974 marque le début des travaux de construction de la station.

En Décembre 1977, le Centre de Télécommunications Spatiales de Bercenay-en-Othe est mis en exploitation avec ses premières liaisons par satellites.
À sa mise en service, le CTS de Bercenay-en-Othe est pourvu de 500 circuits intercontinentaux opérationnels par satellites via son antenne BY1.
Bercenay-en-Othe présente les avantages d'être situé à proximité et à mi-distance des Centres de Transit Internationaux de Paris et de Reims et d'être sis dans une zone à faible densité de faisceaux hertziens ce qui limite les risques de brouillages.

Le 10 février 1978, le Centre de Télécommunications Spatiales de Bercenay-en-Othe est officiellement inauguré par M. le Ministre de la Coopération - Robert Galley (représentant M. le Secrétaire d’État aux P et T - Norbert Ségard, absent), en présence de M. le Directeur Général des Télécommunications - Gérard Théry et de M. le Directeur des Télécommunications du Réseau International - René Colin de Verdière, la DTRI étant responsable du CTS.

Le 6 juin 1978 marque le jour de la première transmission par satellite de télécopie en couleur intercontinentale (USA vers France).
La une d'un journal de presse US est émise vers la Station Spatiale ETAM qui transmet vers le satellite Intelsat IV qui retransmet à l'antenne satellite BY1 du Centre de Télécommunications Spatiales de Bercenay-en-Othe. La transmission de donnée étant acheminée par les P et T jusque dans les environs de Lyon dans le journal de presse français.
Article de presse relatant l'événement réussi du 6 juin 1978.

Fin 1979, mise en service de la seconde antenne BY2, jumelle de BY1.

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Les satellites en orbite terrestre basse

Une orbite terrestre basse est une orbite circulaire entre 350 et 1400 km de la surface de la Terre; en conséquence la période de révolution des satellites est comprise entre 90 minutes et 2 heures. En raison de leur faible altitude, ces satellites sont uniquement visibles dans un rayon de quelques centaines de kilomètres autour du point à la verticale duquel se trouve le satellite. De plus les satellites en orbite basse se déplacent rapidement par rapport à un point fixe sur Terre, donc même pour des utilisations locales, un grand nombre de satellites sont nécessaires si l'application exige une connectivité permanente.

Les satellites en orbite terrestre basse sont beaucoup moins chers à mettre en orbite que les satellites géostationnaires, et grâce à leur proximité avec le sol, demande une puissance de signal moins importante. Le coût de chaque satellite étant bien moindre, il peut être intéressant d'en lancer en plus grand nombre, le lancement étant aussi moins cher, ainsi que les équipements nécessaires à l'exploitation au sol.

Un ensemble de satellites fonctionnant de concert est connu sous le nom de constellation satellitaire.
Plusieurs de ces constellations fournissent des services de téléphonie sans fil par satellite, à l'origine vers des zones isolées.
Le réseau Iridium par exemple utilise 66 satellites. D’un coût estimé à environ 3,4 milliards de $
Le réseau Globalstar se compose, quant à lui, de 60 satellites.

Une autre utilisation possible de ces systèmes est l'enregistrement de données reçues lors du passage au dessus d'une zone terrestre, et sa retransmission lors du passage sur une autre zone. Ce sera le cas avec le système CASCADE, du projet canadien CASSIOPE de communication par satellite.

Mais la rentabilité n'est pas au rendez-vous et les projets sont arrêtés ou leurs objectifs sont revus à la baisse. Les trois quart des revenus proviennent aujourd'hui de la télévision par satellite en pleine expansion sur tous les continents.

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Les satellites en orbite de Molniya

Les satellites géostationnaires sont nécessairement à la verticale de l'équateur.
En conséquence, ils sont assez peu intéressants sous des latitudes élevées : dans de telles régions, un satellite géostationnaire apparaîtra très bas sur l'horizon; la liaison pourra alors être perturbée par les basses couches de l'atmosphère.
Le premier satellite Molniya a été lancé le 23 avril 1965 et fut utilisé pour des transmissions expérimentales de télévision, l'émission se faisant depuis Moscou, et différentes réceptions en Sibérie et dans l'Extrême-Orient Russe, à Norilsk, Khabarovsk, Magadan et Vladivostok.
En novembre 1967, les ingénieurs soviétiques créèrent un système de télévision nationale par satellite unique, appelé Orbita, basé sur des satellites Molniya.

L'orbite de Molniya se caractérise par un apogée de l'ordre de 40000 km situé au dessus de l'hémisphère nord et un périgée de l'ordre de 1000 km est au dessus de l'hémisphère sud. De plus son inclinaison sur l'équateur est forte, 63,4°.
Les propriétés de cette orbite garantissent que le satellite passe la plus grande partie de son orbite au dessus des latitudes les plus nordiques, période durant laquelle son empreinte au sol change relativement peu puisqu'il se déplace plus lentement. Sa pousuite en est ainsi facilitée.
La période de cette orbite est d'une demi-journée (12h), ce qui rend le satellite utilisable durant 8h à chaque révolution.
Ainsi, une constellation de trois satellites Molniya (plus un de secours en orbite) pouvait fournir une couverture permanente des latitudes nord.

Les satellites en orbite de Molniya sont essentiellement utilisés pour des services de téléphonie et de télévision au dessus de la Russie.

Une autre application permet de les utiliser pour des systèmes de radio mobile (même sous des latitudes moins élevées) car les véhicules circulant dans des aires fortement urbanisées ont besoin de satellites avec des élévations importantes pour garantir une bonne connectivité même en présence d'immeubles élevés.

Le DoD des Etats-Unis utilise également une telle orbite pour des satellites de surveillance et de communications.

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L'AVENIR

Europe : feu vert à la constellation souveraine de satellites de télécommunications

17 novembre 2022 Le Parlement européen a voté en faveur de la mise sur orbite d'Iris2, une nouvelle constellation de satellites pour les communications haut débit qui doit rendre l'UE indépendante des opérateurs étrangers tels que Starlink.

Une constellation de satellites qui vise à offrir une connectivité à toute l'Europe et à l'Afrique. "Un grand pas pour notre résilience et un pas de géant pour notre souveraineté technologique", a salué Thierry Breton, commissaire au marché intérieur sur Twitter. Le réseau doit être actif à partir de 2024 .
Après Galileo et Copernicus, voici venir Iris2.
C'est le nom de la future constellation européenne de satellites qui doit devenir l'alternative à Starlink (SpaceX) pour les communications haut débit.
Les députés européens ont voté en faveur du projet, qui est sur la table depuis 2021, le 14 février. Iris2 est destinée tant à des usages militaires et souverains que grand public. Elle devrait reposer sur plusieurs centaines de satellites multi-orbitaux.
Ce projet à 2,4 milliards d'euros est un enjeu de souveraineté européenne, à l'heure où les États-Unis et la Chine déploient leurs propres constellations. Les États-Unis viennent justement de valider le lancement de plusieurs milliers de satellites de la future constellation Kuiper (Amazon). L'Agence spatiale européenne apportera 642 millions d'euros supplémentaires.
Les investissements destinés aux services commerciaux grand public seront portés par le privé. Le coût total est évalué à 6 milliards d'euros.

Début 2023 Parmi les annonces majeures, celle d’une offre internet par satellite a fait grand bruit. Adoptée par Elon Musk pour le réseau mobile avec son réseau de satellites Starlink, cette technologie va donc gagner le catalogue Orange « courant 2023.
Avec son offre internet par satellite, Orange promet d’offrir du haut débit partout pour le prix de la fibre.
Développée en partenariat avec Eutelsat, l’offre de l’opérateur utilisera le satellite Connect VHTS qui offrira une capacité totale de 500 Gb/s et couvrira l’ensemble du territoire français.
Concrètement, les abonnés au service bénéficieront de débits allant jusqu’à 100 Mb/s en réception et 10 Mb/s en émission. C’est quasiment trois fois moins que ce que propose l’opérateur avec ses offres fibre, mais cela reste très rapide.
Avec cette offre, Orange court-circuite celles de sa filiale Nordnet qui propose déjà ce type d’abonnement par satellite. Mais chez Nordnet, il faut débourser de 40 à 80 euros par mois pour 100 Mb/s de débit descendant et, surtout, une limite de 150 Go de données. L’offre d’Orange devrait être plus abordable pour une utilisation illimitée avec, en prime, une compatibilité avec la technologie Wi-Fi Mesh (optimise la couverture du foyer).
L’offre internet par satellite d’Orange vise les foyers ne pouvant bénéficier du très haut débit, comme ceux situés dans les zones blanches.
La plupart du temps, ces clients vivent dans des régions reculées où le réseau terrestre (ADSL ou fibre) n’est pas ou peu présent et où les investissements seraient trop coûteux pour l’opérateur.
Cette démarche s’inscrit dans le plan France Très Haut Débit supervisé par le gouvernement. Il souhaitait que 100% des foyers soient raccordés au Très Haut Débit. Par « très haut débit » le gouvernement entend des débits supérieurs à 30 Mb/s. La solution d’Orange répond donc à cette problématique, en attendant le déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire prévue pour fin 2025. Si tout va bien

Opérationnel en 2027 Iris2 servira à la fois à apporter une connexion haut débit dans les zones peu ou pas couvertes par les réseaux terrestres, et à assurer un service sécurisé pour les États, notamment en cas de crise nécessitant une infrastructure de secours.
Les premiers appels d'offres, réservés aux acteurs européens, devraient être lancés d'ici un mois.
Une place importante sera réservée aux start-up.
Les premiers satellites pourraient être mis sur orbite fin 2024, pour un service pleinement opérationnel en 2027.

"Ces satellites seront utiles aux gouvernements, mais aussi aux citoyens, en apportant l'internet dans les zones les moins connectées. Je suis également heureux qu'ils soient un exemple de durabilité spatiale et environnementale, comme l'a demandé le Parlement européen", a déclaré le rapporteur du texte Christophe Grudler.

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2000 Les satellites dans les réseaux de télécommunications : l'échec des constellations mobiles, de Laurent Gille

En juin 1990, la firme américaine Motorola, spécialiste reconnue des radiocommunications, annonce son intention de construire un système mondial de communications mobiles par satellite baptisé Iridium .
La proposition en fait sourire plus d’un, le système proposé reposant sur l’utilisation des orbites basses, quasiment abandonnées par le secteur des télécommunications depuis les années 1960, et de nombreux obstacles se faisant déjà jour.
Mais certains perçoivent tout de suite l’intérêt d’un tel système et à la mi-1990, des opérateurs de communications par satellites comme Telesat Mobile (Canada), American Mobile Satellite (US), puis l’organisation Internationale Inmarsat entament leur propre réflexion sur la faisabilité d’un tel réseau mondial.
La construction d’une constellation de 77 satellites telle que prévue au départ, et le remplacement de 12 d’entre eux chaque année représentent par ailleurs un marché potentiel fabuleux pour les constructeurs aéronautiques.
Après consultations, l’Américain Lockheed est choisi en avril 1991 entre de nombreux constructeurs pour concevoir, développer et assurer la maîtrise d’œuvre des petits satellites du projet Motorola et Raytheon les antennes, notamment parce qu’en montant tous les deux au capital d’Iridium, leur engagement est également financier.

Le tour de table monté par Motorola laisse dans l’industrie de nombreux exclus, qui craignent de se voir marginaliser sur le marché des petits satellites. Les études engagées à la suite de l’annonce de Motorola tendent à confirmer la faisabilité et donc l’intérêt de tels systèmes pour les années à venir. La réaction viendra en octobre 1991, avec la présentation à Télécom 91 à Genève du projet Globalstar.
Globalstar s’inspire largement de son prédécesseur, tout en tenant compte des critiques formulées à son encontre.
Ce système est le fruit d’une co-entreprise entre Qualcomm et Loral Space Systems, derrière laquelle se trouve l’Alliance constituée entre Aérospatiale, Alcatel Espace et Alenia, que rejoindra bientôt DASA. L’Alliance est en quelque sorte le pôle européen concurrent de Matra Marconi Space et de BAe, tous deux impliqués à l’origine dans Iridium.

Ces initiatives qui viennent de l’amont (des fabricants d’équipement) vont obliger les opérateurs terrestres, qui sont d’ailleurs sollicités, à se positionner. De concurrent direct des réseaux terrestres, Iridium est devenu, après modification, un système complémentaire, comme l’est Globalstar depuis le début. Inmarsat, opérateur international de télécommunications maritimes et aéronautiques, est contraint de réagir dans la mesure où son marché traditionnel maritime et aéronautique serait totalement remis en cause par la mise en place d’un système global dont les terminaux seraient plus pratiques et meilleur marché, de même que les communications sous certaines hypothèses.
C’est l’origine du Projet 21, annoncé en septembre 1991, établi comme société indépendante sous le nom d’ICO en 1995.

Le concept de constellation
À travers les différents systèmes proposés se dessinent plusieurs grandes options.
Il y a d’une part l’idée de constellation de petits satellites en orbite terrestre basse (en dessous de 2 000 kilomètres), qui inspire les plus connus des projets que sont Iridium ou Globalstar. Mais il y a aussi les systèmes mixtes, combinant des satellites en orbite basse, en nombre réduit, avec des satellites géostationnaires servant de relais.
C’était le cas d’un système envisagé par Inmarsat dans le cadre de son « Projet 21 ». Il ne faut pas oublier non plus les orbites moyennes que proposait le système de TRW, Odyssey, dont les satellites devaient évoluer à une altitude d’environ 10 000 kilomètres, solution finalement retenue par ICO, concrétisation du projet 21.

Enfin, en dehors de leur altitude, les orbites proposées par les différents systèmes sont soit polaires (Iridium, Globalstar), soit elliptiques (Ellispo), ou encore inclinées (Odyssey). Le choix d’une orbite (type et altitude) résulte d’un arbitrage délicat entre de nombreux paramètres parmi lesquels le nombre de satellites, leur puissance d’émission, celle des terminaux terrestres, le type de couverture recherchée ou encore la qualité du bilan de liaison.

Ces hésitations architecturales montrent que les constellations LEO ne sont pas intrinsèquement meilleures que les systèmes GEO : elles ont pour elles de réduire les délais de propagation et donc d’assurer (théoriquement) une meilleure qualité de communication, d’autoriser des terminaux plus petits, mais ont une économie difficile dans la mesure où les satellites sont inactifs une grande partie de leur temps, à travers le survol de zones inhabitées ou de faible trafic.

Si ces projets trouvent leur origine aux USA, c’est pour deux raisons principales. Il y a d’abord le fait que le marché américain est sans conteste le plus grand marché domestique au monde en ce qui concerne les services de communications mobiles. C’est en même temps l’un des plus solvables. Mais on peut surtout voir l’origine de ces projets, qui émanent des constructeurs, dans les sommes colossales investies pendant des années par les militaires américains dans le domaine spatial. Les nombreux contrats de R & D qu’ils ont générés, ont donné aux industriels américains une avance sans doute importante sur leurs concurrents européens. Certains observateurs considèrent ainsi le projet Iridium, qui a donné en quelque sorte le coup d’envoi à la présentation des différents projets, comme une version civile de l’IDS américain, dont le concept de constellation de satellites en orbite basse remonte aux années 1970.

Heurs et malheurs du projet Iridium

L’objectif de Motorola à travers Iridium est avant tout de créer un nouveau marché pour les années à venir, tant en ce qui concerne le matériel de radiocommunication embarqué que les terminaux pour usagers. La mise en place d’Iridium donnerait également à la firme américaine une position de force en termes de brevets et de normes. Motorola emploie donc dès le départ les grands moyens pour faire passer son projet.

Le projet Iridium propose à l’origine un système très élaboré d’une constellation formée de 77 satellites, ramenée ensuite à 66, d’un coût estimé à environ 3,4 milliards de $. Certains éléments du système sont à la pointe de la technologie et la combinaison de ces technologies sur un même petit satellite fut souvent perçue comme problématique par bon nombre d’observateurs. De par sa configuration, Iridium dans sa version d’origine avait vocation à devenir un réseau fermé, qui aurait court-circuité les réseaux terrestres des pays desservis, permettant sans doute à la commercialisation du système de bénéficier d’un « effet club ». Mais au fur et à mesure que le système gagne en crédibilité, la perspective de sa mise en service suscite des réactions plutôt hostiles de la part de certains opérateurs traditionnels qui y voient un défi à leurs monopoles nationaux.

La conception d’Iridium évolue donc et en janvier 1992 Motorola annonce que les terminaux Iridium fonctionneront sur un mode dual permettant l’accès à la fois au réseau de satellites et aux réseaux cellulaires terrestres, de façon à ce qu’à partir d’un seul terminal le client puisse choisir en fonction de la couverture de la zone et du prix des services. Le système devient donc coopératif et non plus concurrent des réseaux cellulaires. De même, pour résoudre le problème du by-pass des réseaux terrestres est-il décidé que l’appel d’un abonné d’Iridium capté par le satellite le plus proche donnera lieu à versement d’une redevance à l’exploitant de la zone d’où il sera émis, à condition que cela soit possible, c’est-à-dire qu’il y ait un exploitant en situation de monopole. Lorsque l’appel est destiné à un abonné d’Iridium, qu’il provienne soit d’un autre abonné, soit du réseau terrestre, la communication est acheminée via le réseau de satellites.

Techniquement, le projet est également confronté à plusieurs difficultés, liées cette fois-ci au problème de la miniaturisation des fonctions à embarquer sur de petits satellites. Après l’inflation de la masse annoncée pour les satellites, passée de 350 kg à l’origine à près du double à la mi-1992 pour satisfaire aux exigences des systèmes de liaison entre satellites et de commutation à bord, l’architecture du système doit être simplifiée.

Motorola forme en 1991 une compagnie indépendante chargée de porter (et donc de financer) le projet Iridium : Iridium LLC reçoit de la FCC en 1992 une licence expérimentale et signe un contrat clé en mains de 3.37 milliards de $ avec Motorola pour le développement, la construction et la livraison du système spatial. À la conférence administrative mondiale sur les fréquences en Espagne en 1992, des fréquences sont réservées pour les satellites LEO.

Commence alors le long développement du projet. Iridium lève 800 millions de $ en 1993 en capital, puis un montant équivalent en 1994 et enfin 315 millions en 1996, portant le capital à 1,9 milliard de $ : 19 actionnaires stratégiques détiennent ce capital parmi lesquels Motorola pour 17,3 %, Nippon Iridium qui regroupe notamment DDI et Kyocera, pour 11,1 %, O. tel. o pour 8,8 %, Krunishev pour 4,3 %, Telecom Italia pour 3,9 %, Lockheed et Raytheon détenant à eux deux 1,7 %.

Le complément du financement est apporté par deux emprunts bancaires placés par la Chase et BZW (Barclays Bank), un de 750 millions de $ en 1996, et un autre de 800 millions en 1997, une introduction en bourse (IPO) pour 240 millions de $ en 1997 également et un apport complémentaire de 350 millions de $ en obligations à haut rendement en 1998 : ce sont ainsi plus de 4 milliards de $ qui sont levés pour le projet Iridium en l’espace de 5 ans (1993-1998).

Le déploiement du système s’opère entre 1997 et 1998 : 47 satellites sont mis en orbite en 1997, les derniers l’étant en 1998 avec un taux de réussite de 100 %. Les lancements se poursuivent en 1999 et on estime aujourd’hui que 88 satellites environ ont été lancés offrant la capacité prévue de 66 satellites actifs et 6 satellites de secours : 16 satellites seraient effectivement défaillants. Et, alors que le système devait entrer en service le 3 septembre 1998, celle-ci n’interviendra que le 1 novembre, ce retard traduisant des problèmes importants de qualité des communications et des terminaux. Devant faire face en sus à des problèmes de livraison des terminaux, Iridium démarre l’année 1999 en posture difficile, la clientèle visée, le haut de gamme professionnel, étant particulièrement exigeante sur la qualité des services offerts.

Le constat fait au deuxième trimestre 1999 est accablant :
Le nombre de clients abonnés au 31 mars n’est que de 10 294, alors que la compagnie s’était engagée vis-à-vis de ses banquiers sur un chiffre de 27 000 clients. Pour le premier trimestre 1999, Iridium annonce des revenus de 1,451 million de $ et une perte de 505 millions de $.
Émise à 20 $, l’action Iridium, après avoir coté plus de 60 $ en 1998, descend à moins de 7 $. Le PDG est conduit à démissionner.
Iridium se trouve dans l’incapacité de faire face à ses remboursements et doit renégocier en catastrophe ses emprunts pour obtenir des délais de paiement de la part des banques.
Iridium redéfinit sa stratégie commerciale en baissant considérablement ses tarifs de façon à gagner de nouveaux clients : alors qu’en novembre 1998, la minute de communication était vendue 7 $, elle est proposée au début de 1999 entre 1,89 et 3,99 $. Le prix des terminaux est abaissé de 4 000 à 3 000 $. 15 % des effectifs de 550 personnes sont licenciés et Iridium se focalise sur les marchés dits verticaux, par secteur d’activité, en cherchant à reprendre la main sur un marché largement confié aux opérateurs cellulaires jusqu’à présent.

La firme fait face à un besoin de fonds important (1,65 milliards en 1999) qu’elle ne peut plus espérer de ses ventes. N’ayant pratiquement plus de fonds propres au terme de son premier trimestre plein d’exploitation, elle dépend totalement des négociations engagées avec ses créanciers. Motorola, qui détient alors 17,3 % d’Iridium. et s’est porté caution d’emprunts importants, doit passer une provision de 126 millions de $ sur le premier semestre 1999. Veba (O. tel. o) provisionne 108 millions de $.

Malgré cette situation plus que délicate, les échéances de négociation sont repoussées à plusieurs reprises, indiquant l’existence de négociations sous-jacentes. Le DoD annonce un soutien de l’ordre de 220 millions de $ en achats de services. Le Department of State annonce également en juillet 1999 l’acquisition d’un millier de terminaux environ pour équiper quelques 300 représentations diplomatiques et autres des États-Unis à l’étranger.

L’espoir de trouver un repreneur diminue fortement en mars 2000 quand Craig McCaw, qui a entre-temps sauvé ICO, jette l’éponge après avoir envisagé d’injecter 600 millions de $ dans l’affaire. Le 17 mars 2000, Iridium débranche ses utilisateurs des réseaux commutés, ceux-ci pouvant néanmoins toujours communiquer entre eux. Le juge des faillites donne à Motorola le droit de détruire le système spatial. La recherche de repreneurs conduit toutefois Motorola à conserver le système en activité. En juillet 2000, la banque d’affaires Castle Harlan qui proposait 50 millions de $ se retire également. En novembre, un autre investisseur, qui confierait l’exploitation à Boeing, tente un dernier accord.

Les raisons d’un échec

Cette situation, qui impacte dès 1999 de façon négative tous les projets de constellations, mérite quelques analyses. L’échec d’Iridium trouve son origine grossièrement dans trois facteurs :
Des difficultés opérationnelles
Une sur-estimation du marché potentiel
Un positionnement marketing déficient

Les trois facteurs ont leur importance. Iridium a retenu une solution technique extrêmement ambitieuse, issue vraisemblablement pour partie de projets élaborés dans le cadre de la guerre des étoiles. Conçu entre 1987 et 1992, le projet a retenu des liaisons inter-satellites et une commutation à bord, techniques certes testées sur des matériels militaires, mais délicates à mettre au point et à opérer. On peut se demander si le recours à des techniques militaires dont seuls disposent les USA, recours qui a longtemps été jugé comme un avantage compétitif contestable dans la mesure où les concurrents non américains n’y avaient pas accès, ne s’est pas révélé au bout du compte un handicap plus qu’un avantage. Pareil raisonnement peut s’appliquer au projet de constellation multimédia Teledesic, qui depuis son annonce, a été d’allégement en allégement de façon à réduire sa complexité initiale. Les projets européens équivalents, Globalstar et Skybridge, sont partis sur des ambitions techniques beaucoup plus modestes, dont ils espèrent que cela renforce leur crédibilité.

Le positionnement commercial d’Iridium et surtout l’évaluation initiale du marché paraissent les erreurs majeures. Iridium tablait initialement sur un marché de 6 millions d’abonnés, chiffre revu ensuite à la baisse à 1,8 millions d’abonnés fin 2001 et 0,5 million fin 1999. Pourquoi ces données apparaissent-elles à posteriori (comme d’ailleurs elles l’étaient à priori) insuffisantes pour assurer la rentabilité des systèmes ?

- Elles ont été établies dans un contexte où le développement prévisible des réseaux cellulaires était bien inférieur à celui qu’ils ont connu de 1995 à nos jours ; en 1991-1992, on tablait sur un marché cellulaire se chiffrant à quelques dizaines de millions d’abonnés ; on compte désormais en centaines de millions d’abonnés. Certes, cette extension du marché devrait augmenter d’autant le marché potentiel des constellations LEO puisque le nombre de personnes connaissant des problèmes de couverture croît avec la taille du marché, mais sous les réserves suivantes.

- L’explosion des marchés mobiles terrestres a conduit également à une explosion de leur couverture. Iridium visait notamment comme marché potentiel les populations riches des pays en développement, tels la Chine ou l’Inde, dont on n’espérait pas un équipement rapide. Or, ces pays font partie désormais des tous premiers marchés cellulaires et les zones urbaines à forte activité économique sont désormais correctement desservies.

- De plus, cette extension des marchés a permis une décroissance inattendue des prix, tant des terminaux que des communications. Le prix de la minute mobile rejoint inéluctablement le prix de la minute fixe et la recette moyenne d’un abonné cellulaire est en passe de rejoindre la recette moyenne d’un abonné fixe. C’est bien évidemment dans ce nouveau contexte que les utilisateurs jugent non seulement la qualité du service offert, mais le prix (et le poids) du terminal tout comme le prix des communications. La comparaison des réseaux terrestres est impitoyable pour les opérateurs de constellations.

- Les réseaux cellulaires, compte tenu de la croissance de leurs marchés, considèrent le roaming international offert par ces constellations comme marginal par rapport à celui qu’ils sont d’ores et déjà en mesure d’offrir ; aucune incitation forte n’existe pour ces opérateurs avec lesquels Iridium a conclu des contrats peu contraignants.

- Plus spécifiquement pour Iridium, l’évolution institutionnelle du secteur des télécommunications, sur la période de développement 1992-1998, a été considérable : elle s’est notamment accompagnée d’une dérégulation sévère et d’une libéralisation des marchés qui a induit une réduction considérable des prix des communications longue distance, notamment internationales, et fait actuellement voler en éclat le système de tarification internationale bâti sur des accords bilatéraux. Iridium, qui offre un service de bout en bout, doit donc faire face à une forte baisse des communications internationales sur lesquelles il avait bâti la crédibilité de son business plan.

- Enfin, avec un débit possible de 2,4 kbps par ligne, Iridium ne pouvait prétendre prendre pied sur des services data, aussi frustres soient-ils.

Très manifestement, l’évolution de l’environnement terrestre, technique, économique et institutionnel, a été sous-estimée par les projets spatiaux, notamment Iridium. C’est avec en perspective l’évolution future des réseaux terrestres qu’il faudra analyser les projets de constellation multimédia.

De plus, Iridium a proposé à sa clientèle une tarification complexe et élevée. Alors que les clients potentiels attendaient un prix à la minute voisin de 3 $, ils se sont vu proposer des tarifs destination par destination oscillant entre 6 et 9 $ . En juin 1999, Iridium décide de simplifier sa structure tarifaire en ne proposant plus que quatre types de services avec des tarifs s’étageant de 1,59 à 3,99 $ la minute. Le terminal est proposé à 1 495 $ aux États-Unis : mais il est trop tard pour obtenir une remontée immédiate de la commercialisation.

Les projets Globalstar et ICO

Les difficultés d’Iridium ont pesé lourd sur les autres gros projets de constellations mobiles qu’étaient Globalstar, ICO ou Ellipso. Ces projets diffèrent sensiblement d’Iridium :

Architectures spatiales différenciées (orbites LEO, MEO ou elliptiques) ; nombre et masse/puissance des satellites en concordance
Architectures télécom également très variées (pas de liaisons inter-satellites, nombre de gateways, etc.)
Rentabilité assise sur des plans d’affaires peu comparables.

Issue du projet 21 étudié par Inmarsat, ICO, établie en janvier 1995 et introduite au Nasdaq en juillet 1998, rassemble les grands actionnaires d’Inmarsat, c’est-à-dire principalement des opérateurs de télécommunications européens. ICO est l’opérateur qui réclame le plus de fonds. Ses 12 satellites sont des satellites de classe géostationnaire placés sur des orbites moyennes (10 000 km). ICO a passé commande à Hughes de ses 12 satellites et Hughes a pris en contrepartie une participation de 2,3 % au capital de ICO comme Lockheed Martin l’avait fait au capital de Iridium et Loral à celui de Globalstar.

Alors qu’ICO a besoin de plus de 5 milliards de $, il n’en a rassemblé en juin 1999 que 3. Un placement de 500 millions de $ en juin 1999 n’est pas souscrit après report de l’échéance à fin juillet : incapable de payer ses fournisseurs et de rembourser la charge de sa dette en août 1999, ICO se place à son tour sous la protection du Chapitre XI de la loi américaine sur les faillites le 27 août 1999. En novembre 1999, Craig McCaw sauve ICO en promettant d’apporter 1,2 milliard de dollars à la compagnie. Un premier renflouement de 500 millions via sa holding personnelle Eagle River Investment a lieu fin 1999 qui lui donne le contrôle à 74 % de ICO .

Mais, en mars 2000, ICO connaissait de nouvelles difficultés avec la perte de son premier lancement par une fusée Sea Launch. Après renégociation des contrats de construction des satellites avec Hughes et apport complet des 1,2 milliard de $ par les repreneurs, New ICO était fusionné en juillet 2000 avec Teledesic et quittait le business de la téléphonie mobile pour rejoindre celui des services « multimédia ».

Parallèlement, deux projets qui avaient reçu de la FCC en 1997 des licences GMPCS quittaient sans bruit la scène, Constellation Communications Inc. et Mobile Communications Holding Inc. Si la première était dépourvue de toute crédibilité financière, la seconde, MCHI, constituait une alternative plus sérieuse puisqu’elle portait le projet Ellipso qui avait reçu un soutien financier important de ses fournisseurs, Boeing en août 1998 et Arianespace en août 1999 . Ellipso visait essentiellement un marché de stations fixes dans les pays mal équipés : le projet présentait une meilleure progressivité de l’investissement et les orbites elliptiques retenues offraient une meilleure utilisation des satellites. Doté d’un budget prévisionnel de 1,4 milliard de $, comprenant la construction des satellites, leur lancement et leur mise en œuvre, Ellipso a principalement négocié des crédits avec ses deux principaux fournisseurs, Boeing et Arianespace, qui sont également entrés au capital ; les fonds réunis n’ont pas suffi toutefois à financer le projet, Boeing n’ayant pas confirmé des rumeurs de reprise. Il est vrai qu’entre temps, l’industrie avait également dû déplorer la mise en faillite en août 2000 d’Orbcomm, opérateur d’une flotte de 35 satellites dédiés à des services non téléphoniques.

Ne reste alors au début 2000 que Globalstar sur le marché. Si Globalstar prétend disposer d’une économie différente, c’est que le projet se positionne comme boucle locale radio satellite complémentaire, se chargeant juste de connecter des usagers qui ne se trouveraient pas dans une zone desservie par des réseaux terrestres compatibles avec leur terminal au réseau fixe local à travers des gateways en nombre important, sans apporter de réelle valeur en termes de services, ceux-ci étant du ressort des opérateurs de ces gateways. Globastar a choisi un schéma où la société mère assure le service spatial, et le raccordement terrestre est effectué par des sociétés partenaires qui mettent en place zone par zone la commercialisation et les gateways nécessaires ouvrant sur les réseaux terrestres.
L’Europe est ainsi répartie entre trois sociétés :
Tesam, société commune à France Télécom (51 %) et Alcatel (49 %), couvre la France, le Benelux, la péninsule ibérique, la Pologne et la Tchéquie ainsi que de nombreux pays méditerranéens, africains et latino-américains,
Vodafone dessert le Royaume Uni, la Grèce et d’autres zones (Australie),
Elsacom a la charge notamment de l’Allemagne, la Suisse et l’Italie
.

Globalstar peut ainsi profiter de la baisse des coûts des communications internationales sur les réseaux terrestres qui sont systématiquement empruntés à la différence d’Iridium. Son business plan ne repose d’ailleurs pas sur le roaming international, mais uniquement sur la desserte des zones d’ombre des réseaux cellulaires terrestres. En offrant des terminaux bi-mode, Globalstar espère donc à travers le monde recueillir le marché des utilisateurs des zones rurales peu denses, sans doute principalement professionnels. C’est le médecin, le vétérinaire du Massif Central qui sont visés. Pour ne pas dépendre uniquement des opérateurs cellulaires en place qui pourraient prendre une marge importante sur des usagers marginaux pour eux, Globalstar devrait mettre en place une distribution autonome de terminaux et de services, de façon à générer une concurrence naturelle avec les autres canaux de distribution.

Le business plan de Globalstar comme celui d’ICO reposaient donc sur le potentiel apporté par le marché cellulaire. Chacun des deux opérateurs visait 1 à 2 % du marché cellulaire, qui représente environ 500 millions d’abonnés fin 2000, soit à cette date de 5 à 10 millions de clients potentiels. Globalstar estime que son point mort sera atteint avec 1 million de clients, ce qui signifie par exemple d’atteindre sur le marché français environ 50 000 abonnés. Globalstar compte également s’adresser au marché fixe en proposant dans les pays en développement des cabines publiques (à un prix d’environ 3 000 à 3 500 $) dans lesquelles le prix des communications sera sans doute moins élevé. Tesam estime par exemple que plus de 50 % du marché africain sera un marché « fixe », de raccordement de zones non desservies sur les réseaux nationaux.

Globalstar avait levé environ 4 milliards de $ de capitaux en juin 1999 . Il a continué à rassembler des fonds principalement auprès de ses actionnaires en l’an 2000 pour assurer son exploitation . Globalstar a subi la défaillance d’un lancement de 12 satellites par une fusée Zenit 2 en septembre 1998. Fin août 1999, Globalstar peut ouvrir de façon expérimentale à l’automne 1999 son système qui peut opérer avec 32 satellites. La poursuite des lancements permet d’atteindre en février 2000 les 52 satellites du système complet et le service est ouvert commercialement progressivement à compter de fév-rier 2000. 8 satellites de secours sont en construction chez Loral. Tirant leçon des déboires d’Iridium, Globalstar commercialise son service avec une politique tarifaire ajustée, terminaux moins chers et minutes plus économiques.

Avec des frais en année courante d’environ 850 millions de $, Globalstar doit réunir environ 1 million de clients pour les couvrir, objectif annoncé par ses principaux actionnaires pour la fin 2000. Or, les résultats du troisième trimestre 2000 font apparaître 21 300 abonnés et un trafic de 2,3 millions de minutes sur le troisième trimestre, soit un peu plus de 100 minutes par abonné, montant bien inférieur au trafic moyen attendu. On est donc très loin du compte et sur des chiffres très voisins de ceux d’Iridium après 6 mois d’activité : la recette cumulée des 9 mois 2000 atteint 2,5 millions de $. L’action chute brutalement en novembre 2000 sur ces mauvais résultats.

Globalstar fait feu de tout bois, comptant sur son extension géographique pour accélérer son développement, et mettant l’accent de plus en plus sur les marchés verticaux, dont il faut reconnaître qu’ils restent des marchés de niche : bus brésiliens, équipement des avions, militaires, etc. Globalstar tente de développer également les services data, mais reste contraint par un débit de 9,6 kbps par canal. Le constat qu’il est possible de faire fin 2000 est accablant : Iridium a laissé une ardoise de plus de 4 milliards de $, ICO d’environ 3, Globalstar a déjà perdu 1,3 milliard de dollars. On voit mal comment Globalstar pourra échapper au sort de ses prédécesseurs, au risque d’entraîner des difficultés considérables pour Loral voire Qualcomm.

Dans un marché qui se révèle extrêmement étroit, il faut en plus tenir compte de la concurrence. Outre les services offerts à partir de satellites existants, notamment le service Planet de la Comsat supporté par les satellites Inmarsat (avec des terminaux plus importants que les terminaux GMPCS), plusieurs projets sont en cours de développement portés par les principaux industriels :
Le système Lockheed Martin en Asie (AceS) opérationnel en 2000,
Un projet Hughes au Moyen-Orient, Thuraya, dont le lancement doit intervenir avant la fin 2000,
Un projet africain, Rascom, visant les postes fixes, dont la mise en service ne devrait pas intervenir avant 2002.

Ces projets s’intéressent aux marchés mobiles ou fixes, avec des terminaux presque similaires, et des coûts inférieurs. Les dates prévues d’ouverture, 2000-2002, vont rendre la concurrence ardue à Globalstar.

La décennie 90 a vu la sphère financière prendre le « contrôle » de l’industrie des télécommunications.
Après avoir soutenu à bout de bras des innovations jugées périlleuses, et qui se sont confirmées telles, dans les satellites LEO comme dans les valeurs Internet, elle risque de dédaigner ces secteurs dont la pertinence nécessite seulement d’être mesurée à sa juste valeur. L’effet de yo-yo semble aujourd’hui dans son amplitude maximale. Les conséquences stratégiques pourront en être considérables pour de nombreux acteurs.

sommaire

Histoire d'une fiction Le satellite éducatif
par Pierre Mœglin

Quelques jours après le lancement par la Nasa de Telstar 1, premier satellite opérationnel de télécommunications, le 10 juillet 1962, ATT, qui en
était propriétaire, voulut marquer l'événement.
Mais il fallait faire vite et bref : non seulement l'engin n'avait devant lui que quelques mois de fonctionnement, mais encore son utilisation effective était limitée à la durée de ses passages au-dessus des stations d'émission réception, soit environ vingt minutes à chaque fois. Non sans ironie, le correspondant à Paris du New York Times John Crosby, raconte comment s'engagea alors la chasse aux programmes destinés à inaugurer l'ère spatiale : « Toutes les télévisions nationales ont reçu l'ordre de transmettre quelque chose, n'importe quoi mais quelque chose, pour le nouvel appareil miracle. " C'était un jouet tout neuf, et on ne pouvait s'empêcher de l'essayer ", dit-on ici ».
Plus facile à dire qu'à faire cependant. Que diffuser un mois d'août, quand les grands événements sont ordinairement plutôt rares ? « La CBS a ratissé toute l'Europe, continue Crosby, et n'a découvert d'important qu'un concours d'avaleurs de saucisses, qu'on a consciencieusement retransmis par le truchement de l'extraordinaire boule, même s'il s'agissait d'un fait divers qui aurait pu voyager à dos de chameau sans rien perdre de son essence. »
Ainsi l'Histoire retiendra-t-elle que l'une des premières émissions de télévision en direct entre l'Europe et l'Amérique fut consacrée à un concours
d'avaleurs de saucisses !

LE SATELLITE, LE CHAMEAU ET LE MAÎTRE D'ÉCOLE
Faut-il s'en indigner en stigmatisant le décalage entre une technologie si puissante et l'usage vulgaire qui en fut fait ? A cette question, Marshall McLuhan (1977, p. 226) qui cite (pour le critiquer) l'article de Crosby répond par la négative. Ce qu'en effet, selon le théoricien canadien, le satellite permettrait, à la différence du voyage à dos de chameau, ce seraient l'instantanéité et la proximité, facteurs propres aux médias électroniques, radio et télévision, auxquels il conférerait une dimension planétaire.
L'« intérêt humain » (ibidem, p. 291) s'en trouverait du même coup élargi aux dimensions d'un village devenu global, même si c'est la retransmission d'un concours d'avaleurs de saucisses qui est en cause...
Sans chercher à trancher entre Crosby et McLuhan en nous prononçant à notre tour sur les mérites comparés du satellite et du chameau, et sur les poids relatifs du médium et du message, nous retiendrons de leur controverse trois éléments susceptibles d'alimenter ce propos.
- Le premier a trait à l'obligation qu'illustre de manière caricaturale le syndrome de l'avaleur de saucisses : obligation singulière selon laquelle, en surcapacité récurrente, le secteur des télécommunications spatiales doit - davantage et plus impérativement que tout autre - inventer et promouvoir des utilisations de nature à justifier l'ampleur des efforts industriels et des investissements financiers à engager. A fortiori quand ces investissements font appel à l'argent des contribuables. C'est ici qu'intervient, une première fois, le satellite éducatif ou plus précisément le maître d'école, utilisateur tout désigné d'une technologie que personne d'autre (hormis les militaires) ne veut expérimenter. Depuis ATS 1, en 1971 aux USA, jusqu'à Olympus (1), aujourd'hui en Europe, le même phénomène se répète régulièrement.
- Le deuxième élément porte sur l'idéologie planétaire qui sous-tend le discours sur les communications spatiales. Comme en témoigne McLuhan, caution maintes fois sollicitée, les années 60 et 70 sont marquées par les idéaux d'une solidarité et d'une prise de conscience nouvelles induites par la diffusion instantanée des mêmes images sur toute la surface du globe. A nouveau intervient le satellite éducatif, mais cette fois sous la forme d'une fiction : celle d'une machine à communiquer universelle tirant symboliquement sa dimension intrinsèquement éducative de l'étendue de sa couverture et non plus comme précédemment de ses usages pédagogiques, en-deçà des messages qu'elle véhiculerait et des utilisations auxquelles elle se prêterait.
- Le troisième élément - seulement évoqué en conclusion concerne ce qui est plus fondamentalement en jeu à travers cette fiction : si elle est le fruit de la rencontre entre l'utopie mondialiste propre aux contextes de l'aprèsguerre et de la décolonisation et un optimisme technologique d'autant plus agressif qu'il se nourrit des hauts faits de la conquête spatiale et de la compétition américanosoviétique, l'on doit se demander dans quelle mesure n'y transparaissent pas également des visées probablement plus politiques et commerciales. Leurs objets ? Tester à moindre frais et dans les conditions privilégiées de l'expérimentation éducative la mise en œuvre de réseaux sans frontières associant audiovisuel et télécommunication dans la perspective de leur « opérationalisation » ultérieure et, plus lointainement, en vue d'autres « transnationalisations ».
Le syndrome de l'avaleur de saucisses : les éducateurs à la rescousse
Ce que Crosby et McLuhan ignoraient vraisemblablement, c'est qu'à l'époque de Telstar, plusieurs groupes de spécialistes en provenance de grandes institutions éducatives, de l'Unesco, de l'ACCT et de fondations nordaméricaines (2) ainsi que de l'industrie astronautique (Nasa, ministère canadien des Communications ou Cnes) étudiaient déjà de près les possibilités offertes par les systèmes satellitaires aux éducateurs et planificateurs en développement. Ainsi, dans les années 60, des projets comme Saci (3) au Brésil, Serla (4) dans les Andes ou Socrate à destination de dix-sept pays d'Afrique francophone sont-ils les témoignages de cet intérêt précoce. D'autres projets (5), plus ambitieux encore mais moins avancés, comportaient ni plus ni moins l'objectif d'une alphabétisation universelle que de nombreux experts, à l'instar de Gaston Berger, estimaient enfin devenue réalisable grâce aux systèmes modernes de communication (6).
Nouveaux avatars, histoire ancienne Sans doute a-t-il fallu, pour des débuts de réalisations, attendre les satellites de la décennie 70. Réalisations
autrement modestes au demeurant. C'est que la technolgie s'est révélée moins fiable et plus coûteuse que prévu, et les émissions à diffuser, insuffisantes ou inadaptées ; pire encore, la « super-médiathèque volante », pour reprendre une expression fréquemment employée alors, est apparue n'avoir de réelle utilité que quand, localement, des infrastructures pédagogiques pouvaient assurer des fonctions de relais. Or justement, dans les pays en développement, ces infrastructures étaient la plupart du temps déficientes et, paradoxalement, celles qui existaient avaient parfois tendance à être plus déstabilisées que renforcées par la présence satellitaire.
Il n'empêche que les expériences pédagogiques auxquelles les satellites de communication ont donné lieu frappent rétrospectivement par leur nombre et par leur diversité. Ainsi, entre 1971 et 1981, plus d'une centaine d'opérations, de taille inégale il est vrai, ont-elles été effectuées un peu partout dans le monde, figurant parmi les applications les plus originales -parfois parmi les seules à mettre au compte des satellites expérimentaux (7) : essentiellement trois satellites américains (ATS 1, 3 et 6), deux satellites canadiens (Hermès et Anik-B), et le satellite franco-allemand Symphonie. Qu'en retenir ? Les quelques milliers d'heures d'émissions scolaires et de formation pour adultes de Site (via ATS 6) et de Step (via Symphonie) en Inde, les multiples expérimentations de réseaux communautaires et de coopération universitaire au Canada (8) (via Hermès), les sessions successives de téléséminaires franco-ivoiriens et franco-québécois (via Symphonie) (9), l'implantation de la télévision éducative en Colombie britannique, en Alaska, dans les Appalaches et les Rocheuses (via les ATS) (10) et bien d'autres expériences encore.
Une question vient immédiatement à l'esprit, celle des raisons et modalités des associations qui y ont présidé : comment experts de l'éducation et du développement, d'un côté, et industriels spatiaux, de l'autre, ont-ils été amenés à prendre en commun de telles initiatives et à coordonner leurs ressources, alors qu'ils appartenaient à des secteurs d'activité si différents, qu'ils relevaient de modes de fonctionnement si hétérogènes, et qu'a priori il s'agissait d'opérations risquées et coûteuses pour les uns et sans profit pour les autres ?
Pour essayer de comprendre, il faut donc, avec un peu de recul, commencer par observer que si le projet est nouveau, l'histoire, elle, est plutôt ancienne : ce qui s'est produit avec les satellites qui viennent d'être cités et ce qui, mutatis mutandis, continue de se produire aujourd'hui n'n'est peut-être que la reprise, seulement plus spectaculaire, d'une convergence à laquelle, dans le champ de l'éducation, l'arrivée de chaque nouvel outil de communication donne lieu régulièrement. Non cependant sans poser, dans ce cas particulier, quelques problèmes spécifiques que l'on va voir aussi.
L'intérêt (plus ou moins) désintéressé des sphères industrielles.
D'un côté en effet, celui des sphères industrielles et des responsables spatiaux, l'idée de l'utilisation pédagogique des satellites a commencé par bénéficier des contributions plus ou moins successives de trois séries d'intervenants fort différents les uns des autres.
Se manifestent tout d'abord de grandes figures de la recherche scientifique, des ingénieurs ou des experts de haut rang, désireux par conviction personnelle de faire servir les innovations à des causes sociales ou humanitaires, spécialement à la diffusion du savoir. Même si la lignée des inventeurs solitaires et souvent idéalistes, celle des Niepce ou des Edison, appartient à une époque révolue,ce sont encore de véritables militants de la cause pédagogique des satellites qui apparaissent en première ligne, quelques-uns acquérant en cette occasion un statut tutélaire.
Tels Vikram Sarabhai, en Inde, instigateur dès 1963 du programme de recherches spatiales et fervent défenseur de Site, ou John Chapman, du ministère canadien des Communications, l'un des pères du satellite Hermès et de ses utilisations éducatives et communautaires, ou encore Jean d'Arcy, en France, ardent promoteur du satellite comme « réponse révolutionnaire aux besoins d'éducation, d'unification nationale, de promotion du développement et de lien avec le reste du monde » des pays en développement (in François Cazenave, 1984, p. 135).
Ensuite, toujours du côté des satellites mais dans des perspectives moins désintéressées, se présentent les responsables politiques. S'ils attachent eux aussi du prix aux applications pédagogiques (13), c'est pour s'en servir comme bancs d'essai ou opérations de prestige. Le satellite n'est plus seulement mis à l'épreuve en situation réelle ; le voici littéralement mis en spectacle, dramaturgies expérimentales à l'appui, les mêmes acteurs jouant souvent les mêmes rôles : celui du pionnier, de l'évaluateur, du décideur, de l'utilisateur anonyme, etc. Dans quel but ? Faire la preuve de l'efficacité du système auprès de l'opinion publique et des clients potentiels. La métaphore musicale filée par Hubert Curien (1980, p. 23), à l'époque président du Cnes, à partir du nom même de « Symphonie », le dit clairement : « (Ces utilisateurs) ne seraient pas ici aujourd'hui si la mélodie ne les avait pas quelque peu charmés... » Mélodie d'autant plus charmante qu'elle s'accompagne de facilités techniques et financières : à chaque fois, le Cnes - comme la Nasa et le ministère canadien des Communications fournit gratuitement l'accès au satellite et toute l'infrastructure au sol.
La troisième vague, enfin, est celle des industriels de programmes et de matériels. A leur tour, ils se montrent favorables aux applications pédagogiques, mais avec des préoccupations encore différentes. C'est pour les marchés d'appel qu'offre la formation dont les publics, dans le système formel, ont l'avantage d'être captifs et pour les débouchés qu'elle pourrait offrir si la technologie se développe, notamment en entreprise et à domicile. Ce sont donc des motivations typiquement commerciales qui poussent - ou ont poussé - les responsables d'Olympus ou ceux du satellite privé Astra, après ceux des satellites du début, à solliciter et à favoriser, au moins dans un premier temps, la présence d'institutions éducatives sur leurs canaux.
Ainsi se déroule, réalisant la convergence de ces trois types disparates d'interventions, le scénario bien rôdé dont, à son tour, après d'autres outils de communication, le satellite est le bénéficiaire. Encore faut-il un contenu à ce projet d'utilisation pédagogique. Il est donc indispensable que de l'autre côté, celui des sphères éducatives elles-mêmes, une certaine volonté d'utiliser la technologie se fasse jour également, et que des stratégies adéquates soient mises en œuvre. Or, à ce stade, qui est celui de la définition des usages, commencent les difficultés.
Sommation d'usage
Certes, du côté des sphères éducatives sommées de se servir du « jouet tout neuf », comme à chaque fois se mobilisent professionnels de l'innovation pédagogique, technologues de l'éducation, planificateurs et réformateurs, toujours prêts à saisir l'occasion - voire le prétexte - d'un instrument nouveau pour rénover méthodes et structures des systèmes de formation et en élargir l'influence hors de l'école proprement dite, par le biais de l'action culturelle, du développement communautaire et des réseaux de l'éducation populaire (14).
Leur activisme, pourtant, n'est pas suffisant. Il ne suffit de toutes façons jamais pour l'implantation durable d'une innovation technologique quelle qu'elle soit, c'est-à-dire pour son appropriation effective par ceux à qui elle est destinée. A cet égard, la trajectoire de nombre de ces produits nouveaux vite remisés dans les placards d'une salle de classe - circuits fermés de télévision, magnétoscopes, micro-ordinateurs, etc. - est là pour rappeler l'urgence de laisser du temps au temps afin que s'exerce la logique des usages sociaux (15), même lorsque les bonnes fées de l'industrie se penchent sur le berceau. En outre, dans ces circonstances, la présence de ces innovateurs dispense d'autant moins d'un argumentaire convaincant, que non seulement a priori le maître d'école n'attend pas grand chose du satellite mais surtout que le satellite lui-même ne paraît pas avoir grand-chose à proposer au maître d'école.
Double handicap par conséquent, dont le premier est bien caractérisé par la formule lapidaire de J. Murray Richmond (1978, p. 159), co-évaluateur des programmes canadiens via Hermès : « An Evaluator's Paradox : Demonstrations in the Absence of Demonstrated Need ».
Quant au second, c'est celui auquel se heurtent les promoteurs du satellite : l'imprévisibilité de ses usages.
Des satellites pour quoi faire ?
En leitmotiv revient en effet la question : « Des satellites, pour quoi faire ? » (16). Ainsi, à propos de Hermès en 1977, est-ce le ministre canadien des Communications en personne, Jeanne Sauvé (1978, p. 1), qui évoque ses doutes, la nuit où Hermès fut lancé : « Pour les chercheurs et les ingénieurs, Hermès était un chef d'oeuvre de la technologie moderne, le satellite des télécommunications le plus puissant au monde. Mais les expérimentateurs, eux, devaient le mater, apprendre à s'en servir et à le mettre au service de la population ». Et de s'interroger : « Cette réussite même incite à se demander pourquoi il était nécessaire de mettre au point un satellite du genre d'Hermès. » Emanant de celle qui a la responsabilité de toute la politique spatiale canadienne, et adressée à une assemblée d'universitaires censés y répondre par leurs propres utilisations (17), l'interrogation a de quoi inquiéter...
A plus forte raison inquiétera-t-elle si l'on se réfère à ce qui se passe ordinairement pour les autres technologies qui, à leurs débuts ou ultérieurement, suscitent rarement des questionnements si radicaux sur leur emploi et sur leur utilité. Assez instructif, à cet égard, l'avis de deux ingénieurs du Cnes, Bernard et Puech (1975, p. 29), comptant parmi les artisans du programme Symphonie. Ils commencent par citer l'informatique puis le nucléaire : « La technique informatique permet de traiter un très grand nombre de données et d'obtenir des informations précises dont l'importance est considérable. La technique nucléaire est développée pour fournir de l'énergie à l'Humanité » Ces deux techniques, disent-ils en substance, n'ont donc pas (ou plus) à faire la preuve de leur utilité sociale : elle est évidente. Ce n'est cependant pas, selon eux, le cas du satellite : « La technique astronautique, au contraire, ne s'est pas présentée jusqu'ici comme chargée de satisfaire un besoin de l'Humanité ou comme susceptible de modifier son cadre de vie. Les débouchés professionnels sont donc fixés quantitativement, par des décisions gouvernementales inspirées par une politique, soit de prestige, soit de défense, voire par une politique scientifique, mais ils ne sont pas liés à un marché résultant d'une demande, à court ou à moyen terme, de la population » (ibidem).
Ainsi esquissé par nos deux ingénieurs, le rapprochement est éclairant, car s'il est exact que la diffusion de l'ordinateur s'est accompagnée de discours promotionnels mettant l'accent sur la promesse - parfois prématurée - des succès à venir, elle a au moins autant été précédée et préparée à ses débuts 18 par un ensemble de considérations idéologiques si structurées et cohérentes qu'elles donnent l'impression d'un véritable programme visant à imposer à la société le modèle cybernétique d'une rationalité machinale ; l'informatisation est donc alimentée par un projet social qu'elle alimente à son tour.
Rien de tel pour les satellites, dont l'indétermination atteint un degré maximal : pas de demande ni de marché (pour les nouveaux engins), comme le signalent à juste titre Bernard et Puech ; d'où, par conséquent, incertitude quant aux services à mettre en œuvre et imprévisiblité des usages à favoriser, l'ensemble renvoyant plus fondamentalement à ce que l'on pourrait caractériser comme une vacance programmatique touchant peu ou prou la totalité du secteur astronautique (19). Plusieurs facteurs sont à l'origine d'une telle vacance, à commencer par la nouveauté et les aléas d'un secteur qui n'a jamais cessé de réserver à ceux qui y travaillent de bonnes (et de moins bonnes) surprises. Rares sont, à cet égard, les domaines scientifiques et industriels où l'imprévu tient une si grande place : quand chaque lancement de navette ou de fusée reste aujourd'hui encore une aventure, que dire du comportement en orbite des satellites - notamment de communication - ponctué d'incidents et de pannes (20) ! Aussi n'est-il guère étonnant que les nouvelles générations d'engins ne suscitent pas l'intérêt et encore moins l'empressement que provoquent souvent les systèmes informatiques au fur et à mesure de leur mise sur le marché.
Utilisations de fortune
Au contraire, si les satellites sont expérimentaux dans ces années 70 et 80, c'est en bonne part contraints et forcés.
Ils sont lancés, et ce n'est qu'une fois qu'ils sont en orbite que l'on s'aperçoit vraiment - ou, pour mieux dire, que l'on s'aperçoit officiellement qu'il se trouve peu de clients pour vouloir ou pour pouvoir les utiliser. Vient alors, avec les applications culturelles et éducatives au sens large, le temps des utilisations de fortune. Moins, en fait, pour accéder aux vœux des défenseurs de l'utilisation pédagogique des satellites (qui n'en demandaient pas tant) que pour combler (ou pour masquer) l'absence d'autres propositions.
Est-ce pour autant que l'interrogation « Des satellites, pour quoi faire ? » trouve sa réponse ? Certainement pas.
Seulement, ce sont maintenant les éducateurs qui (se) la posent, et dans des termes parfois virulents, même lorsqu'ils émanent, au Canada, de l'un des experts les plus engagés en faveur du projet satellitaire. Il s'agit de John Daniel (1978, pp 11-12), l'autre responsable de l'évaluation générale du programme Hermès, répondant indirectement à l'invitation de Jeanne Sauvé : « Le satellite Hermès a coûté environ 60 millions de dollars. Si vous
ajoutez à cela 40 millions de dollars pour les services d'encadrement, le lancement et l'installation de plusieurs stations terriennes, vous arrivez à 100 millions de dollars au bas mot. Pour un satellite qui a une durée de vie utile d'à peu près deux ans [...] soit quelques 1000 jours, cela veut dire plus de 100 000 dollars par jour ».
Et John Daniel de faire ensuite implicitement allusion aux arguments de ceux qui, adversaires des satellites (21) (et surtout de leurs utilisations pédagogiques), prônent le recours à des technologies plus souples et plus économiques : « Il est tout de même important de se rappeler ces coûts parce que, compte tenu des utilisations qu'on propose, il y a bien d'autres choses qu'on peut faire avec 100 000 dollars par jour ». Ces propos reflètent parfaitement les réticences des milieux éducatifs - et pas uniquement au Canada - face à un système qui, dans ces conditions, leur apparaît difficilement compatible avec les attentes et les besoins les plus urgents de la communauté scolaire et universitaire.
Sans doute certains, dans ces milieux, vont-ils néanmoins relever ce qu'ils tiennent pour un défi et mettre effectivement en œuvre des réalisations pionnières, souvent avec quelques réticences. Il n'en reste pas moins qu'aussi novatrices et diversifiées soient-elles, ces applications ne sauraient à elles seules résoudre le problème des débouchés des satellites de communication à plus long terme et a fortiori fournir sa caution à une politique
volontariste en faveur des télécommunications spatiales.
En attendant que, avec la stabilisation de la technologie, d'autres champs d'application se dessinent éventuellement, les satellites de communication continuent donc de souffrir d'un déficit d'utilité...
Pour entreprendre de le combler par d'autres moyens, la référence éducative, une seconde fois, va être sollicitée, mais d'une manière bien différente : non plus sur le plan de l'utilité mais sur celui de la légitimité.

DE L'UTILITÉ À LA LÉGITIMITÉ : L'INVENTION DU SATELLITE ÉDUCATIF

A côté du projet d'implantation effective du satellite à l'école, se développe un autre projet : celui, fictionnel, d'un satellite présenté comme intrinsèquement éducatif.
En tant que fiction, le satellite éducatif n'est pas sans réalité. Simplement, sa réalité est d'un autre ordre, davantage du côté d'une tentative pour attribuer au satellite (en général) une légitimité de compensation, à défaut de son utilité pédagogique et sociale, difficilement trouvable. Et cette légitimité, il la tirerait idéalement de deux aspects complémentaires : d'une part, de sa dimension mythologique de machine à communiquer à usage planétaire, et, d'autre part, de l'utopie à laquelle il donnerait corps d'un espace public régi par une forme communicationnelle de démocratie.
Le système nerveux : mythologie de la machine à communiquer planétaire
Au départ, il y a donc l'intuition exprimée par McLuhan (implicitement ou explicitement reprise par nombre de promoteurs spatiaux) selon laquelle la dimension intrinsèquement éducative du satellite résiderait moins dans le contenu des messages qu'il achemine que dans la forme universelle de son réseau. Autrement dit, ce qu'il y aurait d'éducatif dans l'usage satellitaire et ce dont il tirerait sa valeur, ce serait sa dimension planétaire. Reste à voir en quoi elle consiste. C'est-à-dire comment et dans quelle mesure elle donne lieu à une mythologisation susceptible d'attribuer au satellite la légitimité dont ses promoteurs ont besoin.
Une métaphore peut être opportunément mentionnée, celle du système nerveux, qui, chez les tenants du satellite éducatif, sert à caractériser le fonctionnement du réseau, sur un registre voisin mais justement différent d'une autre métaphore, prevalente, elle, dans le discours des promoteurs de l'informatique : celle du cerveau. D'où vient la différence ? De ce qu'au figuré le satellite n'est pas destiné à jouer le rôle d'une « machine à gouverner », au sens où l'entendent pour l'ordinateur les cybernéticiens,
N. Wiener ou le père Dubarle par exemple, mais celui d'une « machine à communiquer ». En d'autres termes, si l'ordinateur, instance externe et (supposée) objective de régulation, peut se substituer aux hommes pour gérer la société, le satellite au contraire servirait à mettre en relation des hommes. Bien plus, en tant que système nerveux, il rechercherait en permanence des voisinages inédits et favoriserait l'avènement de socialites différentes et plus riches. Aussi, quand la mythologie de l'ordinateur renverrait à l'idéal d'un cerveau électronique consacré à la rationalisation et à la simplification des relations et procédures, débouchant sur une forme d'homogénéisation sociale, le satellite serait, lui, à l'inverse, présenté par ses
promoteurs comme l'instrument d'une hétérogénéité et d'une complexification croissantes dont il serait à la fois l'outil et le régulateur.
Figure ambivalente par conséquent que celle du satellite, entre ordre et désordre, comme l'attestent ces mots d'Yves Sillard (1978, p. 2-3), directeur général du Cnes, à l'intention des utilisateurs universitaires francoivoiriens du satellite Symphonie : « Dans une société moderne aux mécanismes de plus en plus complexes, à la spécialisation croissante, où l'interdépendance entre les différentes disciplines, entre les différentes nations, entre les différents continents, est chaque jour plus évidente, les communications - et de bonnes communications - sont en effet un outil indispensable à un développement harmonieux. Elles constituent le système nerveux de l'activité humaine, sans lequel cette activité serait rapidement vouée au désordre et à l'anarchie la plus complète. »
Du télégraphe au satellite
A partir de cette ligne de partage entre les figures respectives de l'ordinateur et du satellite, entre le thème de la gestion informationnelle (par le cerveau) et celui de l'irrigation communicationnelle (par le système nerveux), les attributs symboliques du satellite apparaissent plus distinctement. Une illustration en en est d'ailleurs fournie par un extrait du discours de Michael Oliver (1978, p. 80), recteur de l'université Carleton, pour l'inauguration d'une session avec Stanford via Hermès : « Exactement comme le télégraphe a solidarisé un continent en le faisant passer dans un autre âge, nous allons voir comme les satellites de communication offrent une perspective largement ouverte pour les communications interpersonnelles, dans un monde plutôt saturé de communications de masse ». Ce qui est frappant dans cette filiation du télégraphe au satellite, c'est qu'à la standardisation elle oppose la solidarisation, non plus du seul continent américain, mais du monde entier.
Cette solidarisation, précise encore le recteur de Carleton, ne serait pas celle, artificielle, d'un monde saturé de communications de masse mais celle du réseau interpersonnel dont le satellite, outil de démassification, serait le vecteur par excellence.
Nous sommes bien sûr dans l'ordre du discours : celui d'une construction mythologique en quête d'un objet, lui-même fictif (22). Mais ce qui compte en l'occurrence, c'est précisément la réalité de cette fiction, c'est-à-dire sa finalité : investir le satellite d'une légitimité qui lui viendrait de son efficience intrinsèque, solidarité et interactivité. D'où sa dimension proprement éducative, que souligne l'éloge de Peter Glotz23 (1980, p. 16) : « C'est pourquoi j'attache une grande importance aux programmes éducatifs de Symphonie justement. Avec le développement des satellites de communication nous avons réalisé une nouvelle dimension de la communication internationale. Ils peuvent, s'ils sont correctement utilisés, faire avancer la coopération internationale à travers l'éducation, la science et la culture, et ils peuvent ainsi fournir une contribution importante à la paix et à la sécurité dans le monde. » Certes, lyrisme de commande et phraséologie officielle sont de rigueur : la communication au service du rapprochement des peuples et de la paix dans le monde est, comme on le sait, l'un des topoï de la diplomatie, spécialement franco-allemande. Toutefois, derrière les lieux communs, le glissement, une nouvelle fois, n'en est que plus visible : de l'usage pédagogique des satellites à la dimension éducative du satellite.

Le « lieu psychologique » : utopie de la démocratie communicationnelle
Le second thème constitutif de la fiction du satellite éducatif résulte de l'application de la métaphore du système nerveux au champ politique. C'est celui de l'utopie d'une démocratie fondée d'une part sur un accès généralisé au savoir, d'autre part sur le fonctionnement d'un espace public entièrement transparent. Sous ces deux espèces, le satellite de communication est censé « donner corps » à l'idéal d'une démocratie communicationnelle, la formule étant de Bernard Clergerie (1975, p. 6l), directeur de l'Audecam (24) : « Une véritable démocratie de l'information et du savoir pourra donner corps aux rêves, à l'époque impossible, de l'encyclopédisme et de Condorcet. »
Et Gilles Willett (1975, p. 67) d'aller sensiblement dans le même sens en évoquant, à propos du satellite, un lieu qui « n'a pas à être situé géographiquement, bien au contraire.
Il s'agirait plutôt d'un lieu psychologique ». A travers ces références à la démocratie communicationnelle et à l'utopie du « lieu psychologique », s'esquisse plus largement encore une entreprise, complémentaire de la précédente, pour promouvoir une vulgate du développement, sorte de théorie tous usages et tous terrains de la démocratie à l'ère de l'industrialisation et de la mondialisation de la communication, aussi bien pour les pays en développement que pour les pays développés. Jean d'Arcy s'en est fait le héraut, à l'ONU notamment, comme Anna Casey-Stahmer, auprès du ministère canadien des Communications et de la Nasa en a été l'un des artisans les plus convaincus (25).
Mais surtout, ces prédictions prennent plus de relief si on les rapproche de celles de l'un des principaux évaluateurs du programme Site en Inde, T.V. Srirangan (1980, p. 34) décrivant l'impact du satellite : « La technologie du satellite marque le début d'un chapitre nouveau et excitant de l'histoire de l'Humanité. C'est une composante vitale de la révolution de l'électronique et des télécommunications qui s'est répandue à grande vitesse à travers le monde et dont l'impact pourrait bien se révéler d'une portée encore plus grande que celui de la révolution industrielle. » Le messianisme du satellite ouvrant « un chapitre nouveau et excitant de l'histoire de l'Humanité » relèverait du pur discours publicitaire s'il émanait d'un promoteur spatial. Mais justement, c'est bien un haut responsable de l'éducation et du développement qui le tient !

LE FIN MOT DE L'HISTOIRE ?

Rétrospectivement, un enthousiasme si peu tempéré ne laisse pas de susciter une certaine perplexité. A lui seul, l'optimisme technologique ne saurait en effet l'expliquer entièrement : ne faut-il pas beaucoup de candeur pour croire de cette façon en un satellite solidarisant le monde déchiré par l'affrontement des deux blocs ou faisant faire aux pays en développement le bond magique qui leur permettrait de rattraper des retards si longtemps accumulés ? En réalité, même si, en ces années 70, l'aura de la conquête spatiale et les accents épiques de la « nouvelle frontière » (26) font sentir leurs effets jusque dans les sphères éducatives, le satellite, machine fictionnelle, n'en cristallise pas moins des enjeux qui les concernent plus directement.
S'opère alors une sorte de renversement : cependant que, par rapport à l'extérieur, le satellite favorise les représentations œcuméniques que l'on a vues, visant même à faire oublier l'inquiétante présence en coulisse des projets militaires, il est, à usage interne, l'objet de féroces affrontements. Trois exemples donnent une idée de la virulence des stratégies et des contre-stratégies dont il est l'enjeu, opposant ses partisans et ses adversaires et, plus encore, les uns aux autres, ceux qui, pour lui, prônent des emplois concurrents.


MJ. Smith, F. R. Scobee, R. E. McNair, E. S. Onizuka, G. Jarvis, Judith Resnik et une enseignante Sharon C. McAuliffe composaient l'équipage de Challenger qui périt le 28 janvier 1986 dans l'explosion de la navette.

Audiovisualistes contre informaticiens
Tout d'abord, ce n'est pas un hasard si, à quelques exceptions près (27), les opérations concernées relèvent de la filière audiovisuelle et non de la filière informatique, sa rivale traditionnelle en technologie éducative. C'est au contraire le signe que les audiovisualistes ont trouvé dans les satellites expérimentaux l'occasion d'une relance qui, face à l'arrivée des premières applications de l'enseignement assisté par ordinateur, prend l'allure d'une véritable contre-attaque. A l'université du Québec par exemple, les promoteurs de Platon (28) se sont, en règle générale, tenus à l'écart - ou ont été écartés - d'Hermès et de Symphonie.
De même en France, si plusieurs tentatives téléinformatiques ont été envisagées sur Symphonie, elles en sont toutes, significativement, restées à l'état de projets (29).
Ce qu'il y a d'intéressant dans ces petites et grandes manœuvres, c'est qu'elles portent la marque d'âpres luttes d'influence se soldant par de bien réels ostracismes, fruits de clivages plus graves et plus profonds que ne le sont de simples divergences disciplinaires entre experts. En réalité deux filières technologiques sont en présence, impliquant deux branches industrielles de programmes et de matériels. Certes, leur face-à-face n'est pas nouveau dans le champ pédagogique, mais, au moment des satellites, il revêt une intensité et une portée toutes particulières. Après coup, l'on s'aperçoit en effet que ce sont les priorités et les modèles d'une technologie éducative sur la voie de son industrialisation et à la recherche de son indispensable diversification socio-économique qui ont, en ces circonstances, commencé à se dessiner.
Une preuve en est que l'évolution des médias éducatifs s'en trouve durablement influencée, comme en témoigne aujourd'hui le partage entre trois options : sur le versant audiovisuel, d'une part une télévision éducative héritière des formes conventionnelles de la télévision scolaire mais auxquelles le satellite apporte la dimension transnationale et la diversité des canaux qui sont celles d'Eurostep ou de Channel E, et d'autre part des réseaux de services, plus proches de la vidéotransmission que de la radiodiffusion, dans la suite des expérimentations les plus novatrices via Hermès et Symphonie, qui se retrouvent maintenant par exemple sur Europace, tandis que, sur le versant informatique, loin desélécommunications, le multimédia reprend et enrichit G??? des origines.
Méga réseaux contre médias légers
Ensuite, au sein même de la filière audiovisuelle, une autre opposition, non moins décisive, divise tenants de la production lourde et tenants d'utilisations légères et alternatives celles de la vidéo communautaire ou des self-media. Si, pour des raisons trop longues à expliquer ici, ce sont les premiers qui l'emportent, ce n'est ni sans difficulté (30), ni, à nouveau, sans conséquences pour les développements ultérieurs des usages éducatifs des nouvelles technologies d'information et de communication. De fait, il apparaît après coup que les programmes expérimentaux ont servi de répétitions générales à la formation de mégaréseaux éducatifs en radiodiffusion (Eurostep) ou en télécommunication (Europace). Mais cela aura été au détriment des visées initiales.
Les grands perdants du satellite éducatif sont en effet les militants de la rénovation pédagogique, pris à contrepied par le recentrage qui suit la période expérimentale dont ils ont pourtant été la cheville ouvrière. Pour eux, la disqualification a un goût d'autant plus amer qu'à la faveur du satellite s'imposent les formules pédagogiques les plus conventionnelles, alors que c'était contre elles justement qu'ils s'étaient mobilisés : médiatisé, le cours magistral trouve une nouvelle jeunesse ; sous l'alibi moderniste du réseau large bande, les modes d'enseignement les plus traditionnels et les moins interactifs reprennent du service ; des organisations lourdes, bureaucratiques et centralisées se mettent en place là où avaient été préconisées des structures souples capables de fédérer des initiatives et de démultiplier les ressources locales. Et surtout, au lieu d'aider à enrichir l'offre de programmes et de services en dynamisant l'appareil éducatif de production, les réseaux satellitaires accentuent le clivage entre deux secteurs : d'un côté, la production audiovisuelle traditionnelle, soumise au régime exclusif de la subvention, conserve la pratique artisanale du coup par coup, de la conception de prototypes et de l'accumulation de stocks de programmes disparates et difficiles à réutiliser, et, de l'autre côté, un secteur dynamique et lucratif, dans les formations de pointe ou dans l'apprentissage des langues, est investi par des producteurs privés, éditeurs, sociétés de services et de conseil, les seuls à bénéficier finalement d'expériences en marge desquelles ils s'étaient prudemment tenus. Ainsi mis hors circuit, les rénovateurs pédagogiques apparaissent dès lors comme les victimes paradoxales de cette illusion du satellite éducatif, qu'ils ont eux-mêmes commencé par forger et entretenir.
Scénario global contre coopération internationale
Enfin, si les programmes expérimentaux des années 70 et 80 passent aujourd'hui pour les premiers tests en grandeur réelle des pratiques et des effets de la transnationalisation satellitaire que nous connaissons, c'est que des deux modèles de transnationalisation en présence, un seul a survécu. Celui-là est directement issu du scénario global à l'enseigne au free flow of information.
Non qu'en soi, ce principe, officiellement adopté par les Nations Unies, puisse susciter des oppositions. C'est l'application qui en est faite qui est problématique, spécialement quand l'US Information Agency s'en recommande pour contribuer directement à des programmes expérimentaux tels que Peacesat ou US Aid, via la série des ATS.
Difficile alors de ne pas y voir les postes avancés d'une stratégie en vue de s'assurer de la maîtrise totale, économique, culturelle et idéologique, des réseaux intercontinentaux. Stratégie à laquelle, à leur niveau, d'autres pays comme le Canada et la France entreprennent de répliquer avec leurs propres moyens et sur leur propre zone d'influence.
Dans ces conditions, on n'imagine pas comment, devenues champ clos où s'affrontent les intérêts géopolitiques de quelques grands Etats, les télécommunications spatiales auraient pu encore, pour les applications pédagogiques, faire place au second modèle de transnationalisation, celui d'une coopération internationale travaillant au rééquilibrage des échanges Nord-Sud et à une diversité culturelle stimulée. C'est le modèle que tardivement - et avec l'insuccès que l'on sait - les rédacteurs du rapport McBride préconisaient au nom d'un « nouvel ordre mondial de l'information et de la communication ».
Telles sont les ambivalences du satellite éducatif. Il y a loin, apparemment, des programmes expérimentaux des années 70, marginaux et éphémères, aux entreprises d'aujourd'hui, structurées financièrement et institutionnellement stabilisées, comme Eurostep ou Europace, a fortiori aux utilisations satellitaires qui touchent dorénavant surtout l'information ou la « planète divertissement ». Pourtant, ce sont les premiers qui ont ouvert la voie aux secondes. Et pour couvrir et cautionner cette ouverture, il aura fallu une fiction, suffisamment fictive et en même temps suffisamment réelle : c'est à cela qu'en fin de compte le satellite éducatif aura servi...
Une première version de ce texte a fait l'objet d'une présentation orale au séminaire conjoint des universités Paris XII et Paris XIII (Paris-Nord). Sa partie centrale reprend un passage d'une communication intitulée « Le satellite et le maître d'école, mythologies planétaires » prononcée dans le cadre du 4e colloque international Science et Science-Fiction du Centre d'étude de la métaphore, université de Nice-Sophia Antipolis, en avril 1991 (actes à paraître).


Notes
1. Satellite de l'Agence spatiale européenne, presque uniquement consacré à des utilisations éducatives. Son activité, accidentellement interrompue le 29 mai 1991 après deux ans de fonctionnement environ, a repris le 23 août de cette même année.
2. Entre autres, les Fondations Ford en Inde, Rockfeller en Amérique latine.
3. Satellite Avancado de Communicacoes Interdisciplinares.
4. Satellite Educativo para la America Latina.
5. L'évocation de ces projets figure chez Schramm (1964, 1968).
6. Voir par exemple Le Thanh Khôi (1967).
7. Satellites dits « de seconde génération », précurseurs des satellites actuels de télévision directe.
8. Par exemple Omnibus de l'université du Québec ; Ontario Government's Multi-Ministry Program , Telemedicine Memorial à Terre Neuve, ainsi que divers programmes réalisés à l'initiative des autochtones : Inukshuk et Wa Wa Ta en Ontario, Iron Star en Alberta, etc.
9. Groupe d'utilisation intensive du satellite expérimental (Guise) et Conseil pour l'utilisation des satellites expérimentaux (Copuse), où J.- F. Lyotard (1979, p. 13) entrevoit, non sans quelque exagération, les prodromes de la post-modernité informationnelle : « L'usage de la visioconférence entre le Québec et la France est en train de devenir une habitude : en novembre et décembre 1978 a eu lieu le quatrième cycle de vidéoconférences en direct (par le satellite Symphonie) entre Québec et Montréal d'une part, Paris (université Paris-Nord et Centre Beaubourg) de l'autre. »
10. NEAsat, Appalachian Education Satellite Project, entre autres.
11. En plus d'Eurotep sur le premier canal d'Olympus, voir aussi Eurotransmed sur ce même canal, Channel E sur Astra et Europace sur Eutelsat, sans compter une dizaine de réseaux du même type aux USA et au Canada.
12. Voir notamment Flichy (1980).
13. Ainsi, à la même époque, qu'à celles du câble et du vidéodisque.
14. Pour une analyse sociohistorique de ces mouvements, voir Miège (1989, pp.78-91).
15. Voir Perriault (1989).
16. Titre d'une publication du Service d'information et de diffusion (1976).
17. A l'injonction « mettre Hermès au service de la population »,
Gaétan Tremblay (1978, p.72), responsable de l'évaluation du programme d'évaluation des utilisations d'Hermès par l'université du Québec fait écho lorsqu'il écrit : « En mettant le satellite à la disposition des « gens ordinaires » les expérimentateurs ont commencé à explorer des usages sociaux de ces technologies autres que les utilisations classiques qu'on en fait dans les grandes entreprises et les grandes organisations publiques et parapubliques. » Mais d'ajouter : « Pouvons-nous en attendre davantage que la production d'une nouvelle utopie sociale ? »
18. Voir sur ce point les chapitres de P. Breton (1990) consacrés au « parti informatique » et à ses trois fondateurs : Turing, Wiener, von Neuman. Voir aussi Breton et Proulx (1989) sur le « Golem électronique ».
19. Déjà Arthur Clarke, qui, en 1945, est le premier à établir la possibilité théorique d'une couverture totale de la terre au moyen de trois satellites répartis à égale distance les uns des autres sur l'orbite géostationnaire, est également le premier à douter de l'intérêt opérationnel de la découverte. Quelques années plus tard, il le regrette amèrement :
« Une preuve encore meilleure de conservatisme est qu'en 1945 je n'ai pas essayé le moins du monde de faire breveter l'idée du satellite de télécommunication. Je n'aurais pu le prévoir tel qu'il a été réalisé » (Clarke, s.d., p. 38).
20. Voir par exemple les innombrables déboires de la télévision directe : pannes définitives ou partielles de TV Sat, TDF, Olympus... A titre indicatif, Télédiffusion de France a enregistré en 1990 des pertes de 650 millions de francs résultant principalement des incidents survenus sur les canaux de TDF2 !
21. Et sans doute plus généralement au groupe puissant des adversaires de la filière satellitaire qui ne manquent pas une occasion d'opposer la faiblesse des politiques d'aide sociale et de santé publique aux énormes investissements réalisés par l'Etat dans la course à l'espace, secteur où non seulement les retombées sociales sont aléatoires et jusqu'à maintenant peu importantes mais encore où ce sont surtout les militaires qui apparaissent comme les principaux bénéficiaires. A titre indicatif, on estime actuellement que le Pentagone consacre au spatial militaire un budget équivalant quatre fois le marché des satellites civils en Amérique du Nord et en Europe.
22. Cette fiction communicationnelle se retrouve telle quelle aujourd'hui dans les discours autopromotionnels de Ted Turner, propriétaire de CNN.
23. L'homologue allemand de H. Curien pour le programme Symphonie.
24. L'un des organismes français les plus impliqués dans l'utilisation des satellites en éducation au cours de la décennie 70, sous l'impulsion de Régine Thomas.
25. Le titre de l'un des rapports de Casey-Stahmer (1975) a, de ce point de vue, valeur de programme : Towards a Comparative Model of Satellite Based Social Service Delivery Strategies for Developing and Developed Countries. A Case Study of the ATS-F Satellite Experiments for India and United States.
26. Relayés par l'intense campagne auprès de l'opinion publique à laquelle le célèbre discours de J.F. Kennedy, le 25 mai 1961, donna le ton : « I believe we should go to the moon. »
27. Palapa en Indonésie et surtout Aloah, application de Peacesat, à l'initiative de l'université d'Hawaï.
28. Version francisée de Plato de Control Data, implanté à l'époque sur tous les campus de l'université du Québec.
29. Celles notamment de l'Iria (projet Nadir) ou de plusieurs chercheurs de l'INRP (dont Jacques Perriault et Robert Quinot), dans le cadre de Copuse.
30. Voir notamment les accusations de néo-colonialisme : « La communauté internationale accepterait difficilement qu'en Afrique, par exemple, l'appel au satellite de communication pour l'éducation vienne renforcer objectivement la dépendance à l'égard des anciennes métropoles coloniales plutôt que contribuer à l'indépendance intellectuelle et scientifique des Etats concernés » (Dieuzeide 1975, p. 232). En outre, la télévision suscite bien des réticences, comme en témoignent ces propos de J.-P. Desaulniers (1978, p. 63), évaluateur de l'une des opérations du programme Omnibus, à propos de la responsabilité technique confiée à Radio-Canada, aux îles de la Madeleine, territoire de chasse aux phoques : « Aux îles on se méfiait considérablement de Radio-Canada, plus portée vers Brigitte Bardot qu'envers les Madelinots.

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