Les
satellites de télécommunication
En 1955, un chercheur américain
des Bell Telephone Laboratories, J. R. Pierce, avait proposé
dans un article intitulé « Orbit radio relay »,
paru dans la revue Jet-Propulsion, dutiliser des satellites
géostationnaires pour assurer des liaisons à très
grande distance.
Ce projet mit cependant une dizaine dannées à
être réalisé : en effet, si le lancement du satellite
soviétique Spoutnik I date de 1957, il faudra attendre, néanmoins,
plusieurs années pour que soit résolue le problème
des contraintes techniques liées à la mise sur orbite
à très haute altitude dune charge ayant une masse
suffisante.
Toutefois, des expériences de lancement furent entreprises
dès 1958 : les Etats-Unis lancèrent sur orbite basse
le premier satellite de télécommunications, prénommé
« Score » (Signal communication by orbiting relay
equipment) ; il sagissait en fait dun relais à
transmission différée, réémettant par
télécommande un message reçu et enregistré
antérieurement : un tel relais ne peut être intégré
dans un réseau de télécommunications à
transmission instantanée, mais il peut par contre être
utilisé pour la collecte ou la diffusion de données,
ainsi que pour certaines applications militaires.
Le lancement du satellite « Courrier », en octobre
1970, permit dexpérimenter plus complètement cette
technique de retransmission différée, qui assure une
grande discrétion des communications ; sans nul doute, un certain
nombre de satellites militaires à mission secrète continuent
à utiliser cette technique.
Les premiers essaies réalisés avec des satellites en
orbite à de hautes altitudes correspondent au satellite réflecteur
Echo I. Ce satellite est composé dun ballon plastique
métallisé de plus de 30 mètres de diamètre.
Il fut lancé en août 1960, par lAgence américaine
pour laéronautique et lespace (NASA), sur une orbite
daltitude moyenne de 15 00 kilomètres.
Plusieurs expériences de télécommunications ont
été faites avec le satellite Echo I, en particulier
entre les Etats-Unis et la France : un signal émis aux Etats-Unis
fut reçu à Issy-les-Moulineaux au moyen dune antenne
de 3 mètres de diamètre, puis de 10 mètres. Ces
expériences ont permis de vérifier les conditions de
propagation des ondes radioélectriques, notamment à
incidence rasante, et la dérive de fréquence due à
leffet Doppler ; en outre, elles ont contribué à
la mise au point des techniques de poursuite.
Cependant, les véritables expériences de télécommunications
ne commencèrent quaprès le lancement du satellite
Telstar I par la NASA, en juillet 1962. Ce satellite, construit
par les Bell Telephone Laboratories, comportait un répétiteur
actif de télécommunications ; il gravitait sur une orbite
elliptique dont lapogée était située au
dessus de lhémisphère nord à environ 5
000 kilomètres daltitude.
Ladministration française des PTT construisit en quelques
mois (octobre 1961 juillet 1962), grâce à la collaboration
de lAT&T et des Bell Telephone Laboratories, une station
terrienne à Pleumeur-Bodou (Côtes du Nord). Cette
station, identique à la station de lAT&T située
à Andover (Maine), était opérationnelle au début
de juillet 1962 et put ainsi capter les premières images de
télévision en provenance des Etats-Unis. Quelques heures
plus tard, la station britannique installée en Cornouailles,
recevait, elle aussi, les premières images transmises au-dessus
de lAtlantique.
Plusieurs satellites de télécommunications dits «
à défilement », par opposition aux satellites
géostationnaires, furent lancés par les Etats-Unis après
Telstar I : ce furent, en 1963 1964, Relay I, puis Telstar
II, puis Relay II, dont lapogée sest
élevé jusquà 10 000 kilomètres,
augmentant ainsi la durée de visibilité de part et dautre
de lAtlantique.
Un grand pas fut franchi lorsquon démontra la possibilité
de maintenir un satellite stationnaire par rapport à la Terre,
ce qui fut mis en oeuvre avec les satellites Syncom, notamment le
satellite Syncom III, qui permit de retransmettre, en 1964,
les images des jeux olympiques de Tokyo.
En 1964, 18 pays formèrent à Washington le Consortium
international de télécommunication par satellite, Intelsat.
En avril 1965, cétait le lancement du premier satellite
géostationnaire, Intelsat I (prénommé
« Early Bird »). Ce satellite avait une capacité
de transmission de 240 communications simultanées ou dun
canal de télévision. Le lancement dIntelsat I
marque le véritable début de lère des télécommunications
par satellites.
Lutilisation des satellites permit aux pays continentaux, nayant
pas daccès direct à locéan, détablir
leurs liaisons internationales sans transiter par dautres pays.
Depuis 1965, le développement des télécommunications
par satellites a suivi pas à pas le développement des
techniques de mise sur orbite et le perfectionnement des satellites
et des stations terriennes . Comme dans le cas des câbles sous-marins,
la course aux grandes capacités de trafic sengagea très
vite. De 240 communications téléphoniques (ou un canal
de télévision) pour les satellites Intelsat I et II
(1965 1967), on passa, avec la série Intelsat V
(début des années 80) à 12 000 communications
téléphoniques simultanées et 2 canaux de télévision.
Cependant, le développement et le perfectionnement de la technique
des télécommunications par satellites ne sapprécient
pas uniquement en fonction de critères
quantitatifs. Par exemple, à partir de la génération
Intelsat II, en 1967, il a été possible de disposer
de ce quon appelle « laccès multiple »
qui permet à un groupe de stations terriennes dêtre
reliées deux à deux grâce à un seul satellite,
alors quavec Intelsat I, seules, des liaisons point à
point (un seul émetteur et un seul récepteur) étaient
possibles. Le réseau Intelsat est une réussite remarquable.
En 1968, on ne comptait encore que 11 pays équipés de
stations terriennes, le nombre total dantennes était
alors de 14.
En 1975, 72 pays étaient desservis par le réseau Intelsat,
qui comprenait 114 stations terriennes et 141 antennes.
La souplesse dexploitation des satellites de télécommunications
se développe donc en même temps que leur capacité
de transmission saccroît. Alors quun câble
sous-marin est essentiellement une artère point à point,
un système de télécommunications par satellites,
apparaît comme un réseau doté, non seulement dune
fonction de transmission, mais aussi, sous une forme particulière,
de certaines fonctions sapparentant à la commutation.
Depuis le début des années 80 jusquà aujourdhui,
lexpansion des réseaux de télécommunications
par satellites na cessé de saccroître dans
le monde entier et lon a assisté, en outre, à
la mise en place de liaisons par satellites pour des besoins «
domestiques » ou « régionaux » dans de nombreux
pays : Russie, Canada, Etats-Unis, Inde, Indonésie, Japon,
Chine, Europe, etc.
Le développement des réseaux régionaux de télécommunications
par satellites est un élément important car il introduit
une dimension nouvelle dans le concept de réseau de télécommunications.
La création, en 1977, aux USA du consortium Satellite Business
Systems (SBS) regroupant la Comsat, IBM et une société
dassurances, est très significative à cet égard.
Ce premier satellite de télécommunication privé
fut lancé en 1980.
La technologie du système utilisée était particulièrement
avancée pour lépoque, puisquil utilisait
déjà des transmissions sous forme numérique (transmissions
de données, de parole et dimages). 200 stations de réception
furent rapidement installées sur le territoire américain
; ces stations étant essentiellement destinées à
écouler un trafic daffaires très rémunérateur.
Lapparition de ce nouvel opérateur de télécommunication
privé (SBS) fut non seulement une réussite technique,
mais elle constitua aussi un événement qui marqua un
tournant dans la structure et lorganisation même des télécommunications.
Le monopole de droit ou de fait des grands organismes publics de télécommunications,
des opérateurs publics tels que lAT&T, France Télécom,
etc., fut remis en question par la création de tels réseaux
privés.
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Revenons en arrière : Le 7 janvier 1959,
la France décide de se lancer officiellement à son tour
dans la Course à l'Espace.
L'Administration des Télécommunications y prendra
une place de choix, grâce au Centre National d'Études
des Télécommunications (CNET). Ainsi, le CNET
participe-t-il, lui aussi, à la Course à l'Espace, en
concevant les dispositifs de guidage, de télécommande
et de télécommunications équipant les fusées
françaises VÉRONIQUE.
Le 12 août 1960 Le premier « satellite
de télécommunications », Echo I, lancé
par les Américains en août 1960, nétait
en fait quun énorme ballon de 30 m de diamétre.
Recouvert dune mince pellicule de métal, il devait jouer
le rôle dun miroir, relais passif permettant aux ondes
émises depuis le sol dêtre reflétées
vers un autre point de la planète.
Le
satellite ECHO 1A dans la base de lancement de Cap Canaveral
Le satellite, une fois lancé, est placé en orbite à
1500 km de la Terre.
Ainsi, une onde qui est projetée de la surface de la Terre
dans sa direction se réfléchit-elle en un autre point
de la planète.
Le signal n'est pas réamplifié par le satellite. ECHO
1A est un miroir sphérique.
L'antenne-cornet
hyperfréquence.
Le premier véritable satellite, Courrier
B, fut lancé en octobre 1960. Il était
doté déquipements électroniques, permettant
de recevoir puis damplifier le message avant de le réémettre.
Il ne fonctionna que 17 jours.
Première expérimentation en 1960,
en France, la Compagnie Générale d'Électricité
construit une antenne réceptrice pour le compte du CNET. Elle
est implantée à Nançay, dans le Cher.
Ainsi les Ingénieurs des Télécommunications affectés
au CNET vont-ils pouvoir s'entraîner à la poursuite et
à la réception des ondes réfléchies par
satellite dès Août 1960.
La
tour de Nançay supportant l'antenne réceptrice pointant
vers le satellite ECHO 1A.
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Le premier centre de télécommunication
par satellite de Pleumeur-Bodou (il y en aura deux)
En Mars 1959, le Département
des Essais en Vol commence son installation sur l'aérodrome
de Lannion-Servel. La remise en état de ce vieil aérodrome,
associé à tout l'espace disponible de la lande bretonne
permet de s'affranchir des sujétions du siège du CNET
installé à Issy-les-Moulineaux, à deux pas de
Paris, et permet de pouvoir construire facilement toutes sortes d'installations
techniques radio sans obstacle, sans limite... Les faits étant
vérifiés, et l'expérience concluante, la décision
définitive de construire le CNETà
Lannion est confirmée.
Le site de Pleumeur-Bodou avait été
retenu pour y implanter le centre de télécommunications
par satellite à proximité des nouveaux laboratoires
du CNET, récemment implantés à Lannion. Cent
dix hectares de landes sont prévus pour construire trois antennes.
La Compagnie Général dÉlectricité
(CGE), amorce le chantier en octobre 1961. Cest un chantier
gigantesque.
En dehors du site, sur lîle Losquet située à
7 km de lantenne principale, on érige un pylône
de visée dune hauteur de 200 mètres supportant
un simulateur de satellite.
Le 19 mai 1960, M. le Ministre
des Postes et Télécommunications - Michel Maurice-Bokanowski
pose la première pierre des futurs laboratoires du CNET à
Lannion.
En attendant que la France dispose de fusées
et de lanceurs fonctionnels sûrs, le pays est obligé
de se tourner vers le libérateur américain.
Aussi, la France est-elle prête à s'associer avec les
USA pour développer son propre savoir et à terme sa
future industrie spatiale.
Les USA veulent aussi continuer à se développer, et
pour rayonner, ont besoin de collaborer avec des pays amis pour mener
à bien leurs programmes de développement, en matière
de télécommunications spatiales...
Leur programme consistant à placer sur orbite le premier satellite
de télécommunications actif (c'est à dire qui
amplifie les signaux reçus de la Terre avant de les réémettre
vers la Terre).
Or, pour communiquer, il faut être au moins deux. Et si les
USA veulent lier conversation par satellite, ils doivent bien aider
à l'implantation de stations jumelles ailleurs dans le monde
en fournissant un matériel compatible avec leur technologie,
s'ils veulent réussir au plus vite.
ATT souhaite implanter une imposante station satellite sur chaque
continent. Concernant l'Europe de l'Ouest, les négociations
avec la France aboutissent. L'opérateur de télécommunications
américain ATT s'associe donc avec les PTT et fournira le matériel
électronique nécessaire à la France, ainsi que
l'antenne.
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La Station de Télécommunications Spatiales américaine
:
Le 30 septembre 1961, le radôme provisoire (shelter)
américain est érigé avec succès à
Andover, dans l'état du Maine.
Fin Décembre 1961, le radôme définitif
américain est déployé, une fois le montage de
l'antenne achevé.
Le radôme est constitué de 9 parties distinctes assemblées
entre elles ; chaque partie est fabriquée dans un film étanche
de nylon traité.
Le radôme a été fabriqué par la société
spécialisée Birdair Structures Inc. à Buffalo,
USA.
Le poids du radôme provisoire est de 12 tonnes, son épaisseur
est de 1,3 millimètres, sa hauteur est de 48 mètres
et son diamètre de 64 mètres.
Le radôme est maintenu en permanence en légère
surpression de 7 millibar (soit 70 kg / m²) de plus par rapport
à l'atmosphère, pour rester érigé et résister
au vent.
Le radôme est présent pour protéger l'antenne
et tous les équipements électroniques, de la chaleur,
du soleil, de la pluie, du froid, de la neige et du gel. L'enceinte
est maintenue à température et hygrométrie constante.
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La Station de Télécommunications Spatiales française
: de l'autre côté de l'Atlantique
En 1961 Pierre Marzin
négocie avec AT&T la mise en place dune deuxième
station terrienne à louest de lEurope, en plus
de celle des Anglais, installée en Cornouaille britannique,
pour assurer des transmissions de télévision via le
satellite défilant Telstar vers la station américaine
dAndover au nord-est des Etats-Unis.
Cette station est installée à Pleumeur-Bodou
près de Lannion et laccord signé avec
les Bell Labs permet linstallation des mêmes équipements
que ceux dAndover. Pour lessentiel cest lassistance
technique des Bell Labs, qui permettra linstallation de la station
de Pleumeur-Bodou, le groupe CGE apportant son expertise technique
pour les installations électriques et une équipe du
CNET
faisant son apprentissage pour assurer lexploitation de la station.
Lantenne est du type cornet, mesure 54 mètres et pèse
environ 340 tonnes. Sa précision est de lordre du centième
de degré. Conçu par Planned Milton et construit par
lentreprise Bird Air Inc, un radôme en dacron de 27 tonnes
gonflé sous pression protège ces installations.
D'Octobre 1961 à fin Juin 1962, est
construite une extension du CNET à Pleumeur-Bodou consistant
en la Station des Télécommunications Spatiales destinée
à recevoir des images télévisées transmises
entre les USA et la France via le satellite artificiel TELSTAR
1.
L'implantation de notre premier Centre de Télécommunications
Spatiales le plus à l'ouest du pays s'impose techniquement
dans la mesure où il vaille mieux se rapprocher au plus près
de son correspondant (les USA) dans le cadre de liaisons réalisées
par satellites erratiques (c'est-à-dire non géostationnaires)
pour gagner le plus de temps de contact possible, et dans une zone
peu urbanisée moins exposées aux parasites radioélectriques.
Printemps 1961, le satellite expérimental
Telstar 1 a été conçu et fabriqué
par les Bell Labs.
Ce satellite fut d'ailleurs
le premier lancement privé de l'histoire. Il a été
placé sur une orbite elliptique, faisant le tour de la Terre
en 157 minutes, inclinée à 45° sur l'équateur.
Tracker 136 MHz.
Dispositif de détection et de suivi du satellite TELSTAR 1
lorsque sa trajectoire passe à portée du Centre Spatial
de Pleumeur-Bodou.
Une fois détecté, le satellite est pris en poursuite
par le premier Tracker 136 MHZ, puis le second Tracker 4080
MHz de haute précision prend le relais et l'antenne PB1
est alors orientée et calée sur le satellite.
Le Centre de Calcul du Centre de Télécommunications
Spatiales de Pleumeur-Boudou est équipé d'un ordinateur
IBM 1620, pour assurer les opérations de coordination de la
Station Spatiale :
- Il réalise en direct la commande de pointage des diverses
antennes (antenne Cornet principale et les deux antennes de poursuite)
au cours d'un passage du satellite TELSTAR, afin de permettre la réception/émission
des signaux.
- Il enregistre en direct (sur Bandes Magnétiques) les trajectoires
de passage du satellite TELSTAR, bandes qui permettront, par leur
relecture ultérieure, une analyse exhaustive à postériori
de la course réelle du satellite.
|
L'Antenne PB1 sous le radôme :
PB1 est constituée en partie en acier
et en alliage d'aluminium (duralumin).
Poids : 300 tonnes.
Hauteur : 29 mètres.
Largeur totale : 54 mètres.
Longueur du réflecteur : 36 mètres.
Surface réflectrice utile de l'antenne : 400 mètres
carrés.
Il sera mise hors service en Fin 1975 (remplacée par
l'antenne PB 4).
|
Le 3 avril 1962, le Radôme provisoire
(Shelter) se déchire au cours d'une tempête phénoménale.
Il faut le remplacer.
Le 1er mai 1962, le second Radôme provisoire (Shelter)
est reçu en urgence des USA, l'installation commence. Ce Shelter
est en réalité celui utilisé initialement pour
le Radôme d'Andover. Une fois devenu inutile aux USA après
la pause du Radôme définitif à Andover courant
Avril 1962, il a été expédié en urgence
à Pleumeur-Bodou après notre catastrophe subie, et celui-ci
a tenu.
Le 7 mai 1962, le second Radôme provisoire (Shelter)
est érigé en remplacement du précédent.
Le 10 juillet 1962 Le satellite type actif
(avec émetteur et récepteur) est lancé de Cap
Canaveral par une fusée Thor Delta et placé sur une
orbite elliptique inclinée de 45° sur lEquateur,
décrite en 2 h 37.
La durée maximale dutilisation entre lEurope et
les États-Unis est de 20 minutes pour certains passages seulement.
Dès la sixième orbite, lantenne de Pleumeur-Bodou
capte dans dexcellentes conditions les premières images
de télévision directe transmises à partir des
États-Unis.
Le 10 juillet 1962 la station de Pleumeur-Bodou reçoit
les premières images télévisées transmises
au-dessus de lAtlantique.
Cette première mondiale donne un formidable coup de projecteur
médiatique sur cette coopération Franco-Américaine
Le 11 Juillet 1962 Le satellite Telstar permit de
réaliser la première transmission dimages de télévision
transatlantique, entre la station AT&T dAndover (États-Unis)
et la station du CNET de Pleumeur -Bodou (Côtes du Nord) . la
Mondovision est née.
Radôme définitif abritant l'antenne PB1, été
1962.
Le 12 juillet 1962, première émission
télévisée transmise via le satellite TELSTAR
1 dans le sens France vers USA : M. le Ministre des P et T - Jacques
Marette s'adressant aux USA, puis, Yves Montand chantant "La
chansonnette" apparaît sur les téléviseurs
américains.
La première émission publique était
programmée douze heures après la mise en orbite, et
aurait eu lieu si les Américains n'avaient pas oublié
de mettre la balise de Telstar en route (4.080 MHz), ce qui empêcha
sa localisation par la station française de Pleumeur-Bodou...
L'orbite suivante, le récepteur au sol tombe en panne : la
lampe (eh oui...) qui génère les hyperfréquences
grille sans avertissement, il faut la remplacer d'urgence. A 23 h
18 TU (temps universel) l'émetteur du satellite est activé,
et l'acquisition est effective alors que Telstar 1 se trouve encore
à 3° sous l'horizon. Il est 23 h 47 TU exactement lorsque
la mire américaine apparaît sur les écrans de
contrôle de la station réceptrice, le monde vient de
rapetisser brusquement ! Les cris de joie fusent, des techniciens
ont la larme à l'il. Apparaît alors une image de
studio présentant l'interview de Fred Kappel d'ATT et du docteur
Fisk de Bell Labs. Cette émission historique durera sept minutes.
Le 13 juillet 1962, première communication
téléphonique internationale FRANCE-USA via le satellite
TELSTAR 1.
Aujourd'hui pour la téléphonie fixe, les satellites
de communications apportent une technologie complémentaire
à la fibre optique qui compose les câbles sous-marins.
Ils sont aussi utilisés pour des applications mobiles, comme
des communications vers les navires ou les avions, vers lesquels il
serait impossible d'utiliser du câble.
Le 19 octobre 1962, M. le Président
de la République - Charles de Gaulle inaugure à Pleumeur-Bodou
la Station des Télécommunications Spatiales.
Le 21 février 1963, TELSTAR 1 cesse
de fonctionner .
On apprit plus tard que les transistors d'émission du satellite
avaient été progressivement détruits par les
radiations résiduelles de deux explosions nucléaires
stratosphériques, la première faisant partie du programme
Starfish et remontant au 9 juillet 1962 (soit la veille du lancement
de Telstar !), l'autre soviétique en octobre 1962.
TELSTAR 1 reste présent en orbite !
Le 24 juillet 1964, un accord créant une organisation
internationale de télécommunications est signé
à Washington et les 13 pays fondateurs : Australie, Belgique,
Canada, Danemark, États-Unis d'Amérique, France, Grande-Bretagne,
Irlande, Italie, Japon, Pays-Bas, RFA et Suisse.
L'accord est signé pour une période initiale de 5 ans.
Il s'agit du Comité Intérimaire des Télécommunications
par Satellites.
Une des premières décisions de ce comité sera
d'éliminer la solution d'un réseau de satellites erratiques
pour les usages civils (et notamment de télécommunications),
solution qui serait devenue à terme ingérable et incontrôlable
; au profit de satellites géostationnaires contrôlables,
ajustables et télécommandables facilement depuis le
sol terrestre.
Les satellites erratiques, en revanche, sont toujours abondamment
utilisés discrètement par tous les pays technologiquement
avancés, pour un usage militaire d'espionnage et de contre-espionnage.
Le premier satellite réellement en orbite
géostationnaire sera le satellite Syncom 3, lancé
le 19 août 1964 par la firme Hughes Aircraft Company
d'Howard Hughes.
Un satellite en orbite géostationnaire semble fixe à
un observateur à la surface de la Terre. Il fait le tour de
la Terre en 23h 56 min, à vitesse constante, à la verticale
de l'équateur.
L'orbite géostationnaire est très pratique pour les
applications de communication car les antennes au sol, qui doivent
impérativement être pointées vers le satellite,
peuvent fonctionner efficacement sans devoir être équipées
d'un système de poursuite des mouvements du satellite, système
coûteux et compliqué à exploiter. Dans le cas
d'applications nécessitant un très grand nombre d'antennes
au sol (comme la diffusion de bouquets de télévision
numérique), les économies réalisées sur
les équipements au sol justifient largement la complexité
technologique du satellite et le surcoût de la mise sur une
orbite relativement haute (près de 36 000 km).
Le 6 avril 1965, un nouveau satellite,
géostationnaire cette fois-ci, est lancé en orbite
avec succès : il s'agit du satellite Intelsat 1, plus
connu sous le nom de Early Bird.
Ce satellite est capable de transmettre entre les USA et la France
240 communications téléphoniques simultanées,
ou 1 programme de télévision (au choix), le tout
24H/24 et dans les deux sens. Early Bird sera désactivé
en 1969.
Depuis, Early Bird continue de tourner en orbite géostationnaire
autour de la Terre.
La capacité des satellites de télécommunications,
limitée initialement à 300 circuits téléphoniques
va augmenter en profitant des progrès de l'électronique
pour atteindre 200 000 circuits à la fin du XXe siècle.
La France était en avance, le premier satellite de communication
géostationnaire canadien, était le Anik 1, lancé
le 9 novembre 1972 ; il restera en exploitation jusqu'au 15 juillet
1982.
Le 2 mai 1965, les premières images émises depuis
les USA sont visibles sur les écrans de contrôle à
Pleumeur-Bodou .
Le 21 juin 1965, l'exploitation téléphonique
de la première liaison téléphonique intercontinentale
par satellite commence, en service régulier - après
la mise en service des suppresseurs d'écho nécessaires
pour compenser le décalage du quart de seconde entre la France
et les USA, décalage très préjudiciable pour
les usagers.
Le 28 juin 1965, après une première semaine
d'exploitation technique réussie, l'exploitation téléphonique
régulière entre le continent américain et le
continent européen est officiellement inaugurée en France.
La capacité d'exploitation du satellite Intelsat 1 F1 - HS303
- Early Bird est de 240 circuits téléphoniques permanents.
L'émission/réception s'effectue grâce à
l'antenne-radôme PB1 côté français.
sommaire
Le CNET et le programme national de télécommunications
Le CNET fut associé à ces développements
et devint linterlocuteur technique dINTELSAT, organisation
internationale chargée de gérer le nouveau système
de télécommunications. Son développement impliqua
une évolution régulière des installations de
Pleumeur-Bodou.
L'antenne PB2, décidée en 1966 est mise en service
le 29 septembre 1969.
Elle marquait une première étape démancipation
puisque sa conception et sa réalisation avaient été
totalement françaises
PB2
Antenne parabolique, prototype de conception entièrement française
de 27,5 mètres de diamètre.
Désormais, toute les antennes satellites mises en service seront
de type parabolique ; le type cornet est abandonné.
Puissance rayonnée de 5 kW émise par tubes à
ondes progressives.
PB2 communique avec le satellite Intelsat III, en orbite géostationnaire
au dessus de l'océan Atlantique.
Le 27 mars 1972, la République Française signe l'accord
d'exploitation relatif à l'organisation internationale de télécommunications
par satellites INTELSAT, afin d'officialiser la situation.
C'est grâce au programme Intelsat (dominé par les USA)
que la France va pouvoir enfin s'affranchir des anciennes liaisons
téléphoniques internationales radioélectriques
(établies par voie entièrement manuelle au départ
de Paris-Archives).
Déjà, à partir de 1970, la France, via ses industriels
tels que Thomson-CSF ainsi que France Câble Radio (filiale de
l'Administration française des PTT ) commence à déployer
dans ses départements d'outre-mer ainsi que dans moult pays
d'Afrique Noire, des Stations d'Émission / Réception
par satellite, et participer ainsi au désenclavement téléphonique
de ces territoires et de ces pays.
Lachèvement de PB3, en décembre 1973,
complétait cette évolution.
Le 15 octobre 1973, est mise en service la 3ème antenne
du site Pleumeur-Bodou : PB3.
Antenne
parabolique de conception française de 30 mètres de
diamètre.
PB3 est étrennée à l'occasion du voyage de M.
le Président de la République - Georges Pompidou en
République populaire de Chine.
Puissance rayonnée de 5 kW émise par tubes à
ondes progressives.
PB3 sera inaugurée officiellement le 17 décembre 1973
par M. le Directeur du Cabinet du Ministre des P et T - Jacques Maire
en présence de M. le DGT - Louis-Joseph Libois et de M. le
Directeur du CNET - Jacques Dondoux.
Le Premier satellite de télécommunications
géostationnaire stabilisé trois-axes a été
Symphonie-A, premier du programme franco-allemand, lancé
le 19 décembre 1974.
Le 19 janvier 1975, est mise en service la
4ème antenne du site Pleumeur-Bodou : SYMPHONIE.
Elle sera renommée ultérieurement PB5, c'est
aussi une antenne parabolique de conception française de 16,5
mètres de diamètre.
En Juin 1976, est mise en service la 5ème antenne du
site Pleumeur-Bodou : PB4.
C'est une antenne parabolique de conception française de 32,5
mètres de diamètre.
Puissance rayonnée de 5 kW émise par tubes à
ondes progressives.
La série des Intelsat 6 lancée
à partir de 1989 dépasse deux tonnes en orbite.
Ces satellites peuvent relayer 24 000 circuits téléphoniques
et trois canaux de télévision couleur. Au sol
les radômes ont disparu, des antennes de réception plus
petites sont disponibles pour les particuliers.
En concevant la première génération
de satellites de télécommunications commerciaux français,
le CNET valorisa le savoir-faire accumulé depuis les temps
pionniers de Pleumeur-Bodou.
En février 1979, sur proposition du directeur général
des télécommunications, le gouvernement français
décidait la réalisation dun programme national
de télécommunications par satellites.
Un comité de programme, coprésidé
par France Télécom et par le Centre National dÉtudes
Spatiales (CNES) fut constitué pour coordonner les efforts.
Le CNET était responsable du suivi de la réalisation
de la charge utile confiée à Alcatel Espace. Matra était
maître duvre pour lintégration finale
du satellite.
En 1983, est mise en service la 6ème antenne du site Pleumeur-Bodou
: PB6.
Antenne parabolique de conception française de 32,5 mètres
de diamètre.
Le lancement le 4 août 1984 de Télécom 1A,
premier dune série de trois satellites, ponctuait par
un succès ce grand projet national.
Le fait quil fut lancé par une fusée Ariane donna
sans doute un caractère particulièrement important à
cette mission qui marquait lémancipation de lEurope
dans un domaine déterminant pour son avenir.
En 1985, est mise en service la 7ème antenne du site
Pleumeur-Bodou : PB7.
Antenne parabolique de conception française de 32,5 mètres
de diamètre.
En Janvier 1988, est mise en service la 8ème
antenne du site Pleumeur-Bodou : PB8.
Antenne parabolique de conception française de 13 mètres
de diamètre. Première utilisation à l'occasion
de la retransmission des Jeux Olympiques d'hiver à Calgary
(transmissions de données et de programmes TV).
En 1989, est mise en service la 8ème
antenne du site Pleumeur-Bodou : PB9.
Antenne parabolique de conception française de 13 mètres
de diamètre.
En 1990 - 1992 , sont mises en service 2 antennes
sur site Pleumeur-Bodou : PB10, PB11.
PB10 : 16 mètres de diamètre,
PB11 : 13 mètres de diamètre,
Le 6 juillet 1991, le Centre de Télécommunications
Spatiales de Pleumeur-Bodou devient aussi le Musée des Télécommunications
Internationales ouvert au public et sauvegarde ainsi les installations
de l'antenne radôme PB1.
...
Même concurrencée par les cables optiques
terrestres ou sous-marins, l'application qui est toujours la
plus importante pour les satellites de communication est la téléphonie
internationale.
Les centraux locaux transportent les appels jusqu'à une station
terrienne (aussi appelée téléport), d'où
ils sont émis en direction d'un satellite géostationnaire.
Ensuite ce satellite les retransmet vers une autre station qui procède
à la réception et l'acheminement final.
Les téléphones mobiles satellitaires (depuis des bateaux,
avions, etc.) eux se connectent directement au satellite. Ils doivent
donc être en mesure d'émettre un signal et de le pointer
vers le satellite même en cas de mouvements (vagues sur un bateau,
déplacement et turbulences en avion).
sommaire
Sans oublier les stations d'Émission/Réception
par satellites construites par la France, hors métropole :
Le 7 février 1972, Antilles Françaises,
Station des Trois-Îlets, implantée en Martinique à
Fort-de-France, capacité 60 voies.
Le 5 avril 1972, Sénégal, Station de Gandoul, près
de Dakar.
Le 8 avril 1972, Madagascar, Station Philibert Tsiranana, à
Arivonimamo
Le 27 novembre 1972, Côte d'Ivoire, Station d'Akakro, près
d'Abidjan.
Le 2 juillet 1973, Gabon, Station de N'Koltang, près de Libreville.
Le 8 décembre 1973, Cameroun, Station de Zamengoe, près
de Yaoundé.
Le 12 mars 1974, Réunion, Station de la Rivière-des-Pluies.
Le 12 septembre 1974, Guyane Française, Station de Trou-Biran
(dessert également le Guyana, ex-Guyane Néerlandaise).
Le 17 septembre 1976, Nouvelle-Calédonie, Station Île-de-Nou,
près de Nouméa.
En 1977, Togo, Station de Cacavelli, près de Lomé.
Le 5 septembre 1978, Polynésie Française - Tahiti, Station
de Papenoo, près de Papeete.
En 1978, Tchad (le projet a-t-il été réalisé
? cf. début de la seconde guerre civile en 1980).
En 1979, le Congo (Brazza), Station de Mougouni.
En Mai 1981, la Guinée (Conakry),
En 1981, Saint-Pierre-et-Miquelon, Station de Pain-de-Sucre...
sommaire
Le deuxième centre de télécommunication
par satellite de Bercenay-en-Othe.
Dès 1965, pour ne pas laisser tous
ses ufs dans le même panier, il est projeté la
construction du deuxième Centre de Télécommunications
Spatiales français de Bercenay-en-Othe, sis à mi-chemin
entre Paris et Reims.
Le 1er septembre 1972, l'annonce publique de cette future
station est faite par M. le Ministre des Transports - Robert Galley,
qui était jusqu'au mois de Juillet 1972, Ministre des P et
T.
L'année 1974 marque le début des travaux de
construction de la station.
En Décembre 1977, le Centre de Télécommunications
Spatiales de Bercenay-en-Othe est mis en exploitation avec ses premières
liaisons par satellites.
À sa mise en service, le CTS de Bercenay-en-Othe est pourvu
de 500 circuits intercontinentaux opérationnels par satellites
via son antenne BY1.
Bercenay-en-Othe présente les avantages d'être situé
à proximité et à mi-distance des Centres de Transit
Internationaux de Paris et de Reims et d'être sis dans une zone
à faible densité de faisceaux hertziens ce qui limite
les risques de brouillages.
Le 10 février 1978, le Centre de Télécommunications
Spatiales de Bercenay-en-Othe est officiellement inauguré par
M. le Ministre de la Coopération - Robert Galley (représentant
M. le Secrétaire dÉtat aux P et T - Norbert Ségard,
absent), en présence de M. le Directeur Général
des Télécommunications - Gérard Théry
et de M. le Directeur des Télécommunications du Réseau
International - René Colin de Verdière, la DTRI étant
responsable du CTS.
Le 6 juin 1978 marque le jour de la première
transmission par satellite de télécopie en couleur intercontinentale
(USA vers France).
La une d'un journal de presse US est émise vers la Station
Spatiale ETAM qui transmet vers le satellite Intelsat IV qui retransmet
à l'antenne satellite BY1 du Centre de Télécommunications
Spatiales de Bercenay-en-Othe. La transmission de donnée étant
acheminée par les P et T jusque dans les environs de Lyon dans
le journal de presse français.
Article de presse relatant l'événement réussi
du 6 juin 1978.
Fin 1979, mise en service de la seconde antenne
BY2, jumelle de BY1.
sommaire
Les satellites en orbite terrestre basse
Une orbite terrestre basse est une orbite
circulaire entre 350 et 1400 km de la surface de la Terre; en conséquence
la période de révolution des satellites est comprise
entre 90 minutes et 2 heures. En raison de leur faible altitude, ces
satellites sont uniquement visibles dans un rayon de quelques centaines
de kilomètres autour du point à la verticale duquel
se trouve le satellite. De plus les satellites en orbite basse se
déplacent rapidement par rapport à un point fixe sur
Terre, donc même pour des utilisations locales, un grand nombre
de satellites sont nécessaires si l'application exige une connectivité
permanente.
Les satellites en orbite terrestre basse sont beaucoup
moins chers à mettre en orbite que les satellites géostationnaires,
et grâce à leur proximité avec le sol, demande
une puissance de signal moins importante. Le coût de chaque
satellite étant bien moindre, il peut être intéressant
d'en lancer en plus grand nombre, le lancement étant aussi
moins cher, ainsi que les équipements nécessaires à
l'exploitation au sol.
Un ensemble de satellites fonctionnant de concert
est connu sous le nom de constellation satellitaire.
Plusieurs de ces constellations fournissent des services de téléphonie
sans fil par satellite, à l'origine vers des zones isolées.
Le réseau Iridium par exemple utilise 66 satellites. Dun
coût estimé à environ 3,4 milliards de $
Le réseau Globalstar se compose, quant à lui, de 60
satellites.
Une autre utilisation possible de ces systèmes
est l'enregistrement de données reçues lors du passage
au dessus d'une zone terrestre, et sa retransmission lors du passage
sur une autre zone. Ce sera le cas avec le système CASCADE,
du projet canadien CASSIOPE de communication par satellite.
Mais la rentabilité n'est pas au rendez-vous
et les projets sont arrêtés ou leurs objectifs sont revus
à la baisse. Les trois quart des revenus proviennent aujourd'hui
de la télévision par satellite en pleine expansion sur
tous les continents.
sommaire
Les satellites en orbite de Molniya
Les satellites géostationnaires sont nécessairement
à la verticale de l'équateur.
En conséquence, ils sont assez peu intéressants sous
des latitudes élevées : dans de telles régions,
un satellite géostationnaire apparaîtra très bas
sur l'horizon; la liaison pourra alors être perturbée
par les basses couches de l'atmosphère.
Le premier satellite Molniya a été lancé le 23
avril 1965 et fut utilisé pour des transmissions expérimentales
de télévision, l'émission se faisant depuis Moscou,
et différentes réceptions en Sibérie et dans
l'Extrême-Orient Russe, à Norilsk, Khabarovsk, Magadan
et Vladivostok.
En novembre 1967, les ingénieurs soviétiques créèrent
un système de télévision nationale par satellite
unique, appelé Orbita, basé sur des satellites Molniya.
L'orbite de Molniya se caractérise par un apogée
de l'ordre de 40000 km situé au dessus de l'hémisphère
nord et un périgée de l'ordre de 1000 km est au dessus
de l'hémisphère sud. De plus son inclinaison sur l'équateur
est forte, 63,4°.
Les propriétés de cette orbite garantissent que le satellite
passe la plus grande partie de son orbite au dessus des latitudes
les plus nordiques, période durant laquelle son empreinte au
sol change relativement peu puisqu'il se déplace plus lentement.
Sa pousuite en est ainsi facilitée.
La période de cette orbite est d'une demi-journée (12h),
ce qui rend le satellite utilisable durant 8h à chaque révolution.
Ainsi, une constellation de trois satellites Molniya (plus un de secours
en orbite) pouvait fournir une couverture permanente des latitudes
nord.
Les satellites en orbite de Molniya sont essentiellement
utilisés pour des services de téléphonie
et de télévision au dessus de la Russie.
Une autre application permet de les utiliser pour des systèmes
de radio mobile (même sous des latitudes moins élevées)
car les véhicules circulant dans des aires fortement urbanisées
ont besoin de satellites avec des élévations importantes
pour garantir une bonne connectivité même en présence
d'immeubles élevés.
Le DoD des Etats-Unis utilise également une
telle orbite pour des satellites de surveillance et de communications.
sommaire
L'AVENIR
Europe : feu vert
à la constellation souveraine de satellites de télécommunications
17 novembre 2022 Le Parlement européen
a voté en faveur de la mise sur orbite d'Iris2, une
nouvelle constellation de satellites pour les communications haut
débit qui doit rendre l'UE indépendante des opérateurs
étrangers tels que Starlink.
Une constellation de satellites qui vise à offrir une connectivité
à toute l'Europe et à l'Afrique. "Un grand pas
pour notre résilience et un pas de géant pour notre
souveraineté technologique", a salué Thierry Breton,
commissaire au marché intérieur sur Twitter. Le réseau
doit être actif à partir de 2024 .
Après Galileo et Copernicus, voici venir Iris2.
C'est le nom de la future constellation européenne de satellites
qui doit devenir l'alternative à Starlink (SpaceX) pour les
communications haut débit.
Les députés européens ont voté en faveur
du projet, qui est sur la table depuis 2021, le 14 février.
Iris2 est destinée tant à des usages militaires et souverains
que grand public. Elle devrait reposer sur plusieurs centaines de
satellites multi-orbitaux.
Ce projet à 2,4 milliards d'euros est
un enjeu de souveraineté européenne, à l'heure
où les États-Unis et la Chine déploient leurs
propres constellations. Les États-Unis viennent justement de
valider le lancement de plusieurs milliers de satellites de la future
constellation Kuiper (Amazon). L'Agence spatiale européenne
apportera 642 millions d'euros supplémentaires.
Les investissements destinés aux services commerciaux grand
public seront portés par le privé. Le coût total
est évalué à 6 milliards d'euros.
Début 2023 Parmi les annonces majeures,
celle dune offre internet par satellite a fait grand bruit.
Adoptée par Elon Musk pour le réseau mobile avec son
réseau de satellites Starlink, cette technologie va
donc gagner le catalogue Orange « courant 2023.
Avec son offre internet par satellite, Orange promet doffrir
du haut débit partout pour le prix de la fibre.
Développée en partenariat avec Eutelsat, loffre
de lopérateur utilisera le satellite Connect VHTS
qui offrira une capacité totale de 500 Gb/s et couvrira lensemble
du territoire français.
Concrètement, les abonnés au service bénéficieront
de débits allant jusquà 100 Mb/s en réception
et 10 Mb/s en émission. Cest quasiment trois fois moins
que ce que propose lopérateur avec ses offres fibre,
mais cela reste très rapide.
Avec cette offre, Orange court-circuite celles
de sa filiale Nordnet qui propose déjà ce type dabonnement
par satellite. Mais chez Nordnet, il faut débourser de 40 à
80 euros par mois pour 100 Mb/s de débit descendant et, surtout,
une limite de 150 Go de données. Loffre dOrange
devrait être plus abordable pour une utilisation illimitée
avec, en prime, une compatibilité avec la technologie Wi-Fi
Mesh (optimise la couverture du foyer).
Loffre internet par satellite dOrange vise les foyers
ne pouvant bénéficier du très haut débit,
comme ceux situés dans les zones blanches.
La plupart du temps, ces clients vivent dans des régions reculées
où le réseau terrestre (ADSL ou fibre) nest pas
ou peu présent et où les investissements seraient trop
coûteux pour lopérateur.
Cette démarche sinscrit dans le plan France Très
Haut Débit supervisé par le gouvernement. Il souhaitait
que 100% des foyers soient raccordés au Très Haut Débit.
Par « très haut débit » le gouvernement
entend des débits supérieurs à 30 Mb/s. La solution
dOrange répond donc à cette problématique,
en attendant le déploiement de la fibre sur lensemble
du territoire prévue pour fin 2025. Si tout va bien
Opérationnel en 2027 Iris2
servira à la fois à apporter une connexion haut débit
dans les zones peu ou pas couvertes par les réseaux terrestres,
et à assurer un service sécurisé pour les États,
notamment en cas de crise nécessitant une infrastructure de
secours.
Les premiers appels d'offres, réservés aux acteurs européens,
devraient être lancés d'ici un mois.
Une place importante sera réservée aux start-up.
Les premiers satellites pourraient être mis sur orbite fin 2024,
pour un service pleinement opérationnel en 2027.
"Ces satellites seront utiles aux gouvernements,
mais aussi aux citoyens, en apportant l'internet dans les zones les
moins connectées. Je suis également heureux qu'ils soient
un exemple de durabilité spatiale et environnementale, comme
l'a demandé le Parlement européen", a déclaré
le rapporteur du texte Christophe Grudler.
sommaire
2000 Les satellites dans les réseaux de télécommunications
: l'échec des constellations mobiles, de Laurent Gille
En juin 1990, la firme américaine
Motorola, spécialiste reconnue des radiocommunications,
annonce son intention de construire un système mondial
de communications mobiles par satellite baptisé Iridium .
La proposition en fait sourire plus dun, le système
proposé reposant sur lutilisation des orbites basses,
quasiment abandonnées par le secteur des télécommunications
depuis les années 1960, et de nombreux obstacles se faisant
déjà jour.
Mais certains perçoivent tout de suite lintérêt
dun tel système et à la mi-1990, des opérateurs
de communications par satellites comme Telesat Mobile (Canada),
American Mobile Satellite (US), puis lorganisation Internationale
Inmarsat entament leur propre réflexion sur la faisabilité
dun tel réseau mondial.
La construction dune constellation de 77 satellites telle
que prévue au départ, et le remplacement de 12
dentre eux chaque année représentent par
ailleurs un marché potentiel fabuleux pour les constructeurs
aéronautiques.
Après consultations, lAméricain Lockheed
est choisi en avril 1991 entre de nombreux constructeurs pour
concevoir, développer et assurer la maîtrise duvre
des petits satellites du projet Motorola et Raytheon les antennes,
notamment parce quen montant tous les deux au capital
dIridium, leur engagement est également financier.
Le tour de table monté par Motorola laisse dans lindustrie
de nombreux exclus, qui craignent de se voir marginaliser sur
le marché des petits satellites. Les études engagées
à la suite de lannonce de Motorola tendent à
confirmer la faisabilité et donc lintérêt
de tels systèmes pour les années à venir.
La réaction viendra en octobre 1991, avec la présentation
à Télécom 91 à Genève du
projet Globalstar.
Globalstar sinspire largement de son prédécesseur,
tout en tenant compte des critiques formulées à
son encontre.
Ce système est le fruit dune co-entreprise entre
Qualcomm et Loral Space Systems, derrière laquelle se
trouve lAlliance constituée entre Aérospatiale,
Alcatel Espace et Alenia, que rejoindra bientôt DASA.
LAlliance est en quelque sorte le pôle européen
concurrent de Matra Marconi Space et de BAe, tous deux impliqués
à lorigine dans Iridium.
Ces initiatives qui viennent de lamont (des fabricants
déquipement) vont obliger les opérateurs
terrestres, qui sont dailleurs sollicités, à
se positionner. De concurrent direct des réseaux terrestres,
Iridium est devenu, après modification, un système
complémentaire, comme lest Globalstar depuis le
début. Inmarsat, opérateur international de télécommunications
maritimes et aéronautiques, est contraint de réagir
dans la mesure où son marché traditionnel maritime
et aéronautique serait totalement remis en cause par
la mise en place dun système global dont les terminaux
seraient plus pratiques et meilleur marché, de même
que les communications sous certaines hypothèses.
Cest lorigine du Projet 21, annoncé en septembre
1991, établi comme société indépendante
sous le nom dICO en 1995.
Le concept de constellation
À travers les différents systèmes proposés
se dessinent plusieurs grandes options.
Il y a dune part lidée de constellation de
petits satellites en orbite terrestre basse (en dessous de 2
000 kilomètres), qui inspire les plus connus des projets
que sont Iridium ou Globalstar. Mais il y a aussi les systèmes
mixtes, combinant des satellites en orbite basse, en nombre
réduit, avec des satellites géostationnaires servant
de relais.
Cétait le cas dun système envisagé
par Inmarsat dans le cadre de son « Projet 21 ».
Il ne faut pas oublier non plus les orbites moyennes que proposait
le système de TRW, Odyssey, dont les satellites devaient
évoluer à une altitude denviron 10 000 kilomètres,
solution finalement retenue par ICO, concrétisation du
projet 21.
Enfin, en dehors de leur altitude, les orbites proposées
par les différents systèmes sont soit polaires
(Iridium, Globalstar), soit elliptiques (Ellispo), ou encore
inclinées (Odyssey). Le choix dune orbite (type
et altitude) résulte dun arbitrage délicat
entre de nombreux paramètres parmi lesquels le nombre
de satellites, leur puissance démission, celle
des terminaux terrestres, le type de couverture recherchée
ou encore la qualité du bilan de liaison.
Ces hésitations architecturales montrent que les constellations
LEO ne sont pas intrinsèquement meilleures que les systèmes
GEO : elles ont pour elles de réduire les délais
de propagation et donc dassurer (théoriquement)
une meilleure qualité de communication, dautoriser
des terminaux plus petits, mais ont une économie difficile
dans la mesure où les satellites sont inactifs une grande
partie de leur temps, à travers le survol de zones inhabitées
ou de faible trafic.
Si ces projets trouvent leur origine aux USA, cest pour
deux raisons principales. Il y a dabord le fait que le
marché américain est sans conteste le plus grand
marché domestique au monde en ce qui concerne les services
de communications mobiles. Cest en même temps lun
des plus solvables. Mais on peut surtout voir lorigine
de ces projets, qui émanent des constructeurs, dans les
sommes colossales investies pendant des années par les
militaires américains dans le domaine spatial. Les nombreux
contrats de R & D quils ont générés,
ont donné aux industriels américains une avance
sans doute importante sur leurs concurrents européens.
Certains observateurs considèrent ainsi le projet Iridium,
qui a donné en quelque sorte le coup denvoi à
la présentation des différents projets, comme
une version civile de lIDS américain, dont le concept
de constellation de satellites en orbite basse remonte aux années
1970.
Heurs et malheurs du projet Iridium
Lobjectif de Motorola à travers Iridium est avant
tout de créer un nouveau marché pour les années
à venir, tant en ce qui concerne le matériel de
radiocommunication embarqué que les terminaux pour usagers.
La mise en place dIridium donnerait également à
la firme américaine une position de force en termes de
brevets et de normes. Motorola emploie donc dès le départ
les grands moyens pour faire passer son projet.
Le projet Iridium propose à lorigine un système
très élaboré dune constellation formée
de 77 satellites, ramenée ensuite à 66, dun
coût estimé à environ 3,4 milliards de $.
Certains éléments du système sont à
la pointe de la technologie et la combinaison de ces technologies
sur un même petit satellite fut souvent perçue
comme problématique par bon nombre dobservateurs.
De par sa configuration, Iridium dans sa version dorigine
avait vocation à devenir un réseau fermé,
qui aurait court-circuité les réseaux terrestres
des pays desservis, permettant sans doute à la commercialisation
du système de bénéficier dun «
effet club ». Mais au fur et à mesure que le système
gagne en crédibilité, la perspective de sa mise
en service suscite des réactions plutôt hostiles
de la part de certains opérateurs traditionnels qui y
voient un défi à leurs monopoles nationaux.
La conception dIridium évolue donc et en janvier
1992 Motorola annonce que les terminaux Iridium fonctionneront
sur un mode dual permettant laccès à la
fois au réseau de satellites et aux réseaux cellulaires
terrestres, de façon à ce quà partir
dun seul terminal le client puisse choisir en fonction
de la couverture de la zone et du prix des services. Le système
devient donc coopératif et non plus concurrent des réseaux
cellulaires. De même, pour résoudre le problème
du by-pass des réseaux terrestres est-il décidé
que lappel dun abonné dIridium capté
par le satellite le plus proche donnera lieu à versement
dune redevance à lexploitant de la zone doù
il sera émis, à condition que cela soit possible,
cest-à-dire quil y ait un exploitant en situation
de monopole. Lorsque lappel est destiné à
un abonné dIridium, quil provienne soit dun
autre abonné, soit du réseau terrestre, la communication
est acheminée via le réseau de satellites.
Techniquement, le projet est également confronté
à plusieurs difficultés, liées cette fois-ci
au problème de la miniaturisation des fonctions à
embarquer sur de petits satellites. Après linflation
de la masse annoncée pour les satellites, passée
de 350 kg à lorigine à près du double
à la mi-1992 pour satisfaire aux exigences des systèmes
de liaison entre satellites et de commutation à bord,
larchitecture du système doit être simplifiée.
Motorola forme en 1991 une compagnie indépendante chargée
de porter (et donc de financer) le projet Iridium : Iridium
LLC reçoit de la FCC en 1992 une licence expérimentale
et signe un contrat clé en mains de 3.37 milliards de
$ avec Motorola pour le développement, la construction
et la livraison du système spatial. À la conférence
administrative mondiale sur les fréquences en Espagne
en 1992, des fréquences sont réservées
pour les satellites LEO.
Commence alors le long développement du projet. Iridium
lève 800 millions de $ en 1993 en capital, puis un montant
équivalent en 1994 et enfin 315 millions en 1996, portant
le capital à 1,9 milliard de $ : 19 actionnaires stratégiques
détiennent ce capital parmi lesquels Motorola pour 17,3
%, Nippon Iridium qui regroupe notamment DDI et Kyocera, pour
11,1 %, O. tel. o pour 8,8 %, Krunishev pour 4,3 %, Telecom
Italia pour 3,9 %, Lockheed et Raytheon détenant à
eux deux 1,7 %.
Le complément du financement est apporté par deux
emprunts bancaires placés par la Chase et BZW (Barclays
Bank), un de 750 millions de $ en 1996, et un autre de 800 millions
en 1997, une introduction en bourse (IPO) pour 240 millions
de $ en 1997 également et un apport complémentaire
de 350 millions de $ en obligations à haut rendement
en 1998 : ce sont ainsi plus de 4 milliards de $ qui sont levés
pour le projet Iridium en lespace de 5 ans (1993-1998).
Le déploiement du système sopère
entre 1997 et 1998 : 47 satellites sont mis en orbite en 1997,
les derniers létant en 1998 avec un taux de réussite
de 100 %. Les lancements se poursuivent en 1999 et on estime
aujourdhui que 88 satellites environ ont été
lancés offrant la capacité prévue de 66
satellites actifs et 6 satellites de secours : 16 satellites
seraient effectivement défaillants. Et, alors que le
système devait entrer en service le 3 septembre 1998,
celle-ci ninterviendra que le 1 novembre, ce retard traduisant
des problèmes importants de qualité des communications
et des terminaux. Devant faire face en sus à des problèmes
de livraison des terminaux, Iridium démarre lannée
1999 en posture difficile, la clientèle visée,
le haut de gamme professionnel, étant particulièrement
exigeante sur la qualité des services offerts.
Le constat fait au deuxième trimestre 1999 est accablant
:
Le nombre de clients abonnés au
31 mars nest que de 10 294, alors que la compagnie sétait
engagée vis-à-vis de ses banquiers sur un chiffre
de 27 000 clients. Pour le premier trimestre 1999, Iridium annonce
des revenus de 1,451 million de $ et une perte de 505 millions
de $.
Émise à 20 $, laction Iridium, après
avoir coté plus de 60 $ en 1998, descend à moins
de 7 $. Le PDG est conduit à démissionner.
Iridium se trouve dans lincapacité de faire face
à ses remboursements et doit renégocier en catastrophe
ses emprunts pour obtenir des délais de paiement de la
part des banques.
Iridium redéfinit sa stratégie commerciale en
baissant considérablement ses tarifs de façon
à gagner de nouveaux clients : alors quen novembre
1998, la minute de communication était vendue 7 $, elle
est proposée au début de 1999 entre 1,89 et 3,99
$. Le prix des terminaux est abaissé de 4 000 à
3 000 $. 15 % des effectifs de 550 personnes sont licenciés
et Iridium se focalise sur les marchés dits verticaux,
par secteur dactivité, en cherchant à reprendre
la main sur un marché largement confié aux opérateurs
cellulaires jusquà présent.
La firme fait face à un besoin de fonds
important (1,65 milliards en 1999) quelle ne peut plus
espérer de ses ventes. Nayant pratiquement plus
de fonds propres au terme de son premier trimestre plein dexploitation,
elle dépend totalement des négociations engagées
avec ses créanciers. Motorola, qui détient alors
17,3 % dIridium. et sest porté caution demprunts
importants, doit passer une provision de 126 millions de $ sur
le premier semestre 1999. Veba (O. tel. o) provisionne 108 millions
de $.
Malgré cette situation plus que délicate, les
échéances de négociation sont repoussées
à plusieurs reprises, indiquant lexistence de négociations
sous-jacentes. Le DoD annonce un soutien de lordre de
220 millions de $ en achats de services. Le Department of State
annonce également en juillet 1999 lacquisition
dun millier de terminaux environ pour équiper quelques
300 représentations diplomatiques et autres des États-Unis
à létranger.
Lespoir de trouver un repreneur diminue fortement en mars
2000 quand Craig McCaw, qui a entre-temps sauvé ICO,
jette léponge après avoir envisagé
dinjecter 600 millions de $ dans laffaire. Le 17
mars 2000, Iridium débranche ses utilisateurs des réseaux
commutés, ceux-ci pouvant néanmoins toujours communiquer
entre eux. Le juge des faillites donne à Motorola le
droit de détruire le système spatial. La recherche
de repreneurs conduit toutefois Motorola à conserver
le système en activité. En juillet 2000, la banque
daffaires Castle Harlan qui proposait 50 millions de $
se retire également. En novembre, un autre investisseur,
qui confierait lexploitation à Boeing, tente un
dernier accord.
Les raisons dun échec
Cette situation, qui impacte dès 1999 de façon
négative tous les projets de constellations, mérite
quelques analyses. Léchec dIridium trouve
son origine grossièrement dans trois facteurs :
Des difficultés opérationnelles
Une sur-estimation du marché potentiel
Un positionnement marketing déficient
Les trois facteurs ont leur importance. Iridium
a retenu une solution technique extrêmement ambitieuse,
issue vraisemblablement pour partie de projets élaborés
dans le cadre de la guerre des étoiles. Conçu
entre 1987 et 1992, le projet a retenu des liaisons inter-satellites
et une commutation à bord, techniques certes testées
sur des matériels militaires, mais délicates à
mettre au point et à opérer. On peut se demander
si le recours à des techniques militaires dont seuls
disposent les USA, recours qui a longtemps été
jugé comme un avantage compétitif contestable
dans la mesure où les concurrents non américains
ny avaient pas accès, ne sest pas révélé
au bout du compte un handicap plus quun avantage. Pareil
raisonnement peut sappliquer au projet de constellation
multimédia Teledesic, qui depuis son annonce, a été
dallégement en allégement de façon
à réduire sa complexité initiale. Les projets
européens équivalents, Globalstar et Skybridge,
sont partis sur des ambitions techniques beaucoup plus modestes,
dont ils espèrent que cela renforce leur crédibilité.
Le positionnement commercial dIridium et surtout lévaluation
initiale du marché paraissent les erreurs majeures. Iridium
tablait initialement sur un marché de 6 millions dabonnés,
chiffre revu ensuite à la baisse à 1,8 millions
dabonnés fin 2001 et 0,5 million fin 1999. Pourquoi
ces données apparaissent-elles à posteriori (comme
dailleurs elles létaient à priori)
insuffisantes pour assurer la rentabilité des systèmes
?
- Elles ont été établies dans un contexte
où le développement prévisible des réseaux
cellulaires était bien inférieur à celui
quils ont connu de 1995 à nos jours ; en 1991-1992,
on tablait sur un marché cellulaire se chiffrant à
quelques dizaines de millions dabonnés ; on compte
désormais en centaines de millions dabonnés.
Certes, cette extension du marché devrait augmenter dautant
le marché potentiel des constellations LEO puisque le
nombre de personnes connaissant des problèmes de couverture
croît avec la taille du marché, mais sous les réserves
suivantes.
- Lexplosion des marchés mobiles terrestres a conduit
également à une explosion de leur couverture.
Iridium visait notamment comme marché potentiel les populations
riches des pays en développement, tels la Chine ou lInde,
dont on nespérait pas un équipement rapide.
Or, ces pays font partie désormais des tous premiers
marchés cellulaires et les zones urbaines à forte
activité économique sont désormais correctement
desservies.
- De plus, cette extension des marchés a permis une décroissance
inattendue des prix, tant des terminaux que des communications.
Le prix de la minute mobile rejoint inéluctablement le
prix de la minute fixe et la recette moyenne dun abonné
cellulaire est en passe de rejoindre la recette moyenne dun
abonné fixe. Cest bien évidemment dans ce
nouveau contexte que les utilisateurs jugent non seulement la
qualité du service offert, mais le prix (et le poids)
du terminal tout comme le prix des communications. La comparaison
des réseaux terrestres est impitoyable pour les opérateurs
de constellations.
- Les réseaux cellulaires, compte tenu de la croissance
de leurs marchés, considèrent le roaming international
offert par ces constellations comme marginal par rapport à
celui quils sont dores et déjà en
mesure doffrir ; aucune incitation forte nexiste
pour ces opérateurs avec lesquels Iridium a conclu des
contrats peu contraignants.
- Plus spécifiquement pour Iridium, lévolution
institutionnelle du secteur des télécommunications,
sur la période de développement 1992-1998, a été
considérable : elle sest notamment accompagnée
dune dérégulation sévère et
dune libéralisation des marchés qui a induit
une réduction considérable des prix des communications
longue distance, notamment internationales, et fait actuellement
voler en éclat le système de tarification internationale
bâti sur des accords bilatéraux. Iridium, qui offre
un service de bout en bout, doit donc faire face à une
forte baisse des communications internationales sur lesquelles
il avait bâti la crédibilité de son business
plan.
- Enfin, avec un débit possible de 2,4 kbps par ligne,
Iridium ne pouvait prétendre prendre pied sur des services
data, aussi frustres soient-ils.
Très manifestement, lévolution de lenvironnement
terrestre, technique, économique et institutionnel, a
été sous-estimée par les projets spatiaux,
notamment Iridium. Cest avec en perspective lévolution
future des réseaux terrestres quil faudra analyser
les projets de constellation multimédia.
De plus, Iridium a proposé à sa clientèle
une tarification complexe et élevée. Alors que
les clients potentiels attendaient un prix à la minute
voisin de 3 $, ils se sont vu proposer des tarifs destination
par destination oscillant entre 6 et 9 $ . En juin 1999,
Iridium décide de simplifier sa structure tarifaire en
ne proposant plus que quatre types de services avec des tarifs
sétageant de 1,59 à 3,99 $ la minute. Le
terminal est proposé à 1 495 $ aux États-Unis
: mais il est trop tard pour obtenir une remontée immédiate
de la commercialisation.
Les projets Globalstar et ICO
Les difficultés dIridium ont pesé lourd
sur les autres gros projets de constellations mobiles quétaient
Globalstar, ICO ou Ellipso. Ces projets diffèrent sensiblement
dIridium :
Architectures spatiales différenciées
(orbites LEO, MEO ou elliptiques) ; nombre et masse/puissance
des satellites en concordance
Architectures télécom également très
variées (pas de liaisons inter-satellites, nombre de
gateways, etc.)
Rentabilité assise sur des plans daffaires peu
comparables.
Issue du projet 21 étudié par
Inmarsat, ICO, établie en janvier 1995 et introduite
au Nasdaq en juillet 1998, rassemble les grands actionnaires
dInmarsat, cest-à-dire principalement des
opérateurs de télécommunications européens.
ICO est lopérateur qui réclame le plus de
fonds. Ses 12 satellites sont des satellites de classe géostationnaire
placés sur des orbites moyennes (10 000 km). ICO a passé
commande à Hughes de ses 12 satellites et Hughes a pris
en contrepartie une participation de 2,3 % au capital de ICO
comme Lockheed Martin lavait fait au capital de Iridium
et Loral à celui de Globalstar.
Alors quICO a besoin de plus de 5 milliards de $, il nen
a rassemblé en juin 1999 que 3. Un placement de 500 millions
de $ en juin 1999 nest pas souscrit après report
de léchéance à fin juillet : incapable
de payer ses fournisseurs et de rembourser la charge de sa dette
en août 1999, ICO se place à son tour sous la protection
du Chapitre XI de la loi américaine sur les faillites
le 27 août 1999. En novembre 1999, Craig McCaw sauve ICO
en promettant dapporter 1,2 milliard de dollars à
la compagnie. Un premier renflouement de 500 millions via sa
holding personnelle Eagle River Investment a lieu fin 1999 qui
lui donne le contrôle à 74 % de ICO .
Mais, en mars 2000, ICO connaissait de nouvelles difficultés
avec la perte de son premier lancement par une fusée
Sea Launch. Après renégociation des contrats de
construction des satellites avec Hughes et apport complet des
1,2 milliard de $ par les repreneurs, New ICO était fusionné
en juillet 2000 avec Teledesic et quittait le business de la
téléphonie mobile pour rejoindre celui des services
« multimédia ».
Parallèlement, deux projets qui avaient
reçu de la FCC en 1997 des licences GMPCS quittaient
sans bruit la scène, Constellation Communications Inc.
et Mobile Communications Holding Inc. Si la première
était dépourvue de toute crédibilité
financière, la seconde, MCHI, constituait une alternative
plus sérieuse puisquelle portait le projet Ellipso
qui avait reçu un soutien financier important de ses
fournisseurs, Boeing en août 1998 et Arianespace en août
1999 . Ellipso visait essentiellement un marché
de stations fixes dans les pays mal équipés :
le projet présentait une meilleure progressivité
de linvestissement et les orbites elliptiques retenues
offraient une meilleure utilisation des satellites. Doté
dun budget prévisionnel de 1,4 milliard de $, comprenant
la construction des satellites, leur lancement et leur mise
en uvre, Ellipso a principalement négocié
des crédits avec ses deux principaux fournisseurs, Boeing
et Arianespace, qui sont également entrés au capital
; les fonds réunis nont pas suffi toutefois à
financer le projet, Boeing nayant pas confirmé
des rumeurs de reprise. Il est vrai quentre temps, lindustrie
avait également dû déplorer la mise en faillite
en août 2000 dOrbcomm, opérateur dune
flotte de 35 satellites dédiés à des services
non téléphoniques.
Ne reste alors au début 2000 que Globalstar sur le marché.
Si Globalstar prétend disposer dune économie
différente, cest que le projet se positionne comme
boucle locale radio satellite complémentaire, se chargeant
juste de connecter des usagers qui ne se trouveraient pas dans
une zone desservie par des réseaux terrestres compatibles
avec leur terminal au réseau fixe local à travers
des gateways en nombre important, sans apporter de réelle
valeur en termes de services, ceux-ci étant du ressort
des opérateurs de ces gateways. Globastar a choisi un
schéma où la société mère
assure le service spatial, et le raccordement terrestre est
effectué par des sociétés partenaires qui
mettent en place zone par zone la commercialisation et les gateways
nécessaires ouvrant sur les réseaux terrestres.
LEurope est ainsi répartie entre trois sociétés
:
Tesam, société
commune à France Télécom (51 %) et Alcatel
(49 %), couvre la France, le Benelux, la péninsule ibérique,
la Pologne et la Tchéquie ainsi que de nombreux pays
méditerranéens, africains et latino-américains,
Vodafone dessert le Royaume Uni, la Grèce et dautres
zones (Australie),
Elsacom a la charge notamment de lAllemagne, la Suisse
et lItalie.
Globalstar peut ainsi profiter de la baisse
des coûts des communications internationales sur les réseaux
terrestres qui sont systématiquement empruntés
à la différence dIridium. Son business plan
ne repose dailleurs pas sur le roaming international,
mais uniquement sur la desserte des zones dombre des réseaux
cellulaires terrestres. En offrant des terminaux bi-mode, Globalstar
espère donc à travers le monde recueillir le marché
des utilisateurs des zones rurales peu denses, sans doute principalement
professionnels. Cest le médecin, le vétérinaire
du Massif Central qui sont visés. Pour ne pas dépendre
uniquement des opérateurs cellulaires en place qui pourraient
prendre une marge importante sur des usagers marginaux pour
eux, Globalstar devrait mettre en place une distribution autonome
de terminaux et de services, de façon à générer
une concurrence naturelle avec les autres canaux de distribution.
Le business plan de Globalstar comme celui dICO reposaient
donc sur le potentiel apporté par le marché cellulaire.
Chacun des deux opérateurs visait 1 à 2 % du marché
cellulaire, qui représente environ 500 millions dabonnés
fin 2000, soit à cette date de 5 à 10 millions
de clients potentiels. Globalstar estime que son point mort
sera atteint avec 1 million de clients, ce qui signifie par
exemple datteindre sur le marché français
environ 50 000 abonnés. Globalstar compte également
sadresser au marché fixe en proposant dans les
pays en développement des cabines publiques (à
un prix denviron 3 000 à 3 500 $) dans lesquelles
le prix des communications sera sans doute moins élevé.
Tesam estime par exemple que plus de 50 % du marché africain
sera un marché « fixe », de raccordement
de zones non desservies sur les réseaux nationaux.
Globalstar avait levé environ 4 milliards de $ de capitaux
en juin 1999 . Il a continué à rassembler
des fonds principalement auprès de ses actionnaires en
lan 2000 pour assurer son exploitation . Globalstar
a subi la défaillance dun lancement de 12 satellites
par une fusée Zenit 2 en septembre 1998. Fin août
1999, Globalstar peut ouvrir de façon expérimentale
à lautomne 1999 son système qui peut opérer
avec 32 satellites. La poursuite des lancements permet datteindre
en février 2000 les 52 satellites du système complet
et le service est ouvert commercialement progressivement à
compter de fév-rier 2000. 8 satellites de secours sont
en construction chez Loral. Tirant leçon des déboires
dIridium, Globalstar commercialise son service avec une
politique tarifaire ajustée, terminaux moins chers et
minutes plus économiques.
Avec des frais en année courante denviron
850 millions de $, Globalstar doit réunir environ 1 million
de clients pour les couvrir, objectif annoncé par ses
principaux actionnaires pour la fin 2000. Or, les résultats
du troisième trimestre 2000 font apparaître 21
300 abonnés et un trafic de 2,3 millions de minutes sur
le troisième trimestre, soit un peu plus de 100 minutes
par abonné, montant bien inférieur au trafic moyen
attendu. On est donc très loin du compte et sur des chiffres
très voisins de ceux dIridium après 6 mois
dactivité : la recette cumulée des 9 mois
2000 atteint 2,5 millions de $. Laction chute brutalement
en novembre 2000 sur ces mauvais résultats.
Globalstar fait feu de tout bois, comptant sur son extension
géographique pour accélérer son développement,
et mettant laccent de plus en plus sur les marchés
verticaux, dont il faut reconnaître quils restent
des marchés de niche : bus brésiliens, équipement
des avions, militaires, etc. Globalstar tente de développer
également les services data, mais reste contraint par
un débit de 9,6 kbps par canal. Le constat quil
est possible de faire fin 2000 est accablant : Iridium a laissé
une ardoise de plus de 4 milliards de $, ICO denviron
3, Globalstar a déjà perdu 1,3 milliard de dollars.
On voit mal comment Globalstar pourra échapper au sort
de ses prédécesseurs, au risque dentraîner
des difficultés considérables pour Loral voire
Qualcomm.
Dans un marché qui se révèle extrêmement
étroit, il faut en plus tenir compte de la concurrence.
Outre les services offerts à partir de satellites existants,
notamment le service Planet de la Comsat supporté par
les satellites Inmarsat (avec des terminaux plus importants
que les terminaux GMPCS), plusieurs projets sont en cours de
développement portés par les principaux industriels
:
Le système Lockheed Martin en Asie
(AceS) opérationnel en 2000,
Un projet Hughes au Moyen-Orient, Thuraya, dont le lancement
doit intervenir avant la fin 2000,
Un projet africain, Rascom, visant les postes fixes, dont la
mise en service ne devrait pas intervenir avant 2002.
Ces projets sintéressent aux marchés
mobiles ou fixes, avec des terminaux presque similaires, et
des coûts inférieurs. Les dates prévues
douverture, 2000-2002, vont rendre la concurrence ardue
à Globalstar.
La décennie 90 a vu la sphère financière
prendre le « contrôle » de lindustrie
des télécommunications.
Après avoir soutenu à bout de bras des innovations
jugées périlleuses, et qui se sont confirmées
telles, dans les satellites LEO comme dans les valeurs Internet,
elle risque de dédaigner ces secteurs dont la pertinence
nécessite seulement dêtre mesurée
à sa juste valeur. Leffet de yo-yo semble aujourdhui
dans son amplitude maximale. Les conséquences stratégiques
pourront en être considérables pour de nombreux
acteurs.
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sommaire
Histoire d'une fiction Le satellite éducatif par
Pierre Mglin
Quelques jours après le lancement par
la Nasa de Telstar 1, premier satellite opérationnel
de télécommunications, le 10 juillet 1962, ATT,
qui en
était propriétaire, voulut marquer l'événement.
Mais il fallait faire vite et bref : non seulement l'engin n'avait
devant lui que quelques mois de fonctionnement, mais encore
son utilisation effective était limitée à
la durée de ses passages au-dessus des stations d'émission
réception, soit environ vingt minutes à chaque
fois. Non sans ironie, le correspondant à Paris du New
York Times John Crosby, raconte comment s'engagea alors la chasse
aux programmes destinés à inaugurer l'ère
spatiale : « Toutes les télévisions nationales
ont reçu l'ordre de transmettre quelque chose, n'importe
quoi mais quelque chose, pour le nouvel appareil miracle. "
C'était un jouet tout neuf, et on ne pouvait s'empêcher
de l'essayer ", dit-on ici ».
Plus facile à dire qu'à faire cependant. Que diffuser
un mois d'août, quand les grands événements
sont ordinairement plutôt rares ? « La CBS a ratissé
toute l'Europe, continue Crosby, et n'a découvert d'important
qu'un concours d'avaleurs de saucisses, qu'on a consciencieusement
retransmis par le truchement de l'extraordinaire boule, même
s'il s'agissait d'un fait divers qui aurait pu voyager à
dos de chameau sans rien perdre de son essence. »
Ainsi l'Histoire retiendra-t-elle que l'une des premières
émissions de télévision en direct entre
l'Europe et l'Amérique fut consacrée à
un concours
d'avaleurs de saucisses !
LE SATELLITE, LE CHAMEAU ET LE MAÎTRE D'ÉCOLE
Faut-il s'en indigner en stigmatisant le décalage entre
une technologie si puissante et l'usage vulgaire qui en fut
fait ? A cette question, Marshall McLuhan (1977, p. 226) qui
cite (pour le critiquer) l'article de Crosby répond par
la négative. Ce qu'en effet, selon le théoricien
canadien, le satellite permettrait, à la différence
du voyage à dos de chameau, ce seraient l'instantanéité
et la proximité, facteurs propres aux médias électroniques,
radio et télévision, auxquels il conférerait
une dimension planétaire.
L'« intérêt humain » (ibidem, p. 291)
s'en trouverait du même coup élargi aux dimensions
d'un village devenu global, même si c'est la retransmission
d'un concours d'avaleurs de saucisses qui est en cause...
Sans chercher à trancher entre Crosby et McLuhan en nous
prononçant à notre tour sur les mérites
comparés du satellite et du chameau, et sur les poids
relatifs du médium et du message, nous retiendrons de
leur controverse trois éléments susceptibles d'alimenter
ce propos.
- Le premier a trait à l'obligation qu'illustre de manière
caricaturale le syndrome de l'avaleur de saucisses : obligation
singulière selon laquelle, en surcapacité récurrente,
le secteur des télécommunications spatiales doit
- davantage et plus impérativement que tout autre - inventer
et promouvoir des utilisations de nature à justifier
l'ampleur des efforts industriels et des investissements financiers
à engager. A fortiori quand ces investissements font
appel à l'argent des contribuables. C'est ici qu'intervient,
une première fois, le satellite éducatif ou plus
précisément le maître d'école, utilisateur
tout désigné d'une technologie que personne d'autre
(hormis les militaires) ne veut expérimenter. Depuis
ATS 1, en 1971 aux USA, jusqu'à Olympus (1), aujourd'hui
en Europe, le même phénomène se répète
régulièrement.
- Le deuxième élément porte sur l'idéologie
planétaire qui sous-tend le discours sur les communications
spatiales. Comme en témoigne McLuhan, caution maintes
fois sollicitée, les années 60 et 70 sont marquées
par les idéaux d'une solidarité et d'une prise
de conscience nouvelles induites par la diffusion instantanée
des mêmes images sur toute la surface du globe. A nouveau
intervient le satellite éducatif, mais cette fois sous
la forme d'une fiction : celle d'une machine à communiquer
universelle tirant symboliquement sa dimension intrinsèquement
éducative de l'étendue de sa couverture et non
plus comme précédemment de ses usages pédagogiques,
en-deçà des messages qu'elle véhiculerait
et des utilisations auxquelles elle se prêterait.
- Le troisième élément - seulement évoqué
en conclusion concerne ce qui est plus fondamentalement en jeu
à travers cette fiction : si elle est le fruit de la
rencontre entre l'utopie mondialiste propre aux contextes de
l'aprèsguerre et de la décolonisation et un optimisme
technologique d'autant plus agressif qu'il se nourrit des hauts
faits de la conquête spatiale et de la compétition
américanosoviétique, l'on doit se demander dans
quelle mesure n'y transparaissent pas également des visées
probablement plus politiques et commerciales. Leurs objets ?
Tester à moindre frais et dans les conditions privilégiées
de l'expérimentation éducative la mise en uvre
de réseaux sans frontières associant audiovisuel
et télécommunication dans la perspective de leur
« opérationalisation » ultérieure
et, plus lointainement, en vue d'autres « transnationalisations
».
Le syndrome de l'avaleur de saucisses : les éducateurs
à la rescousse
Ce que Crosby et McLuhan ignoraient vraisemblablement, c'est
qu'à l'époque de Telstar, plusieurs groupes de
spécialistes en provenance de grandes institutions éducatives,
de l'Unesco, de l'ACCT et de fondations nordaméricaines
(2) ainsi que de l'industrie astronautique (Nasa, ministère
canadien des Communications ou Cnes) étudiaient déjà
de près les possibilités offertes par les systèmes
satellitaires aux éducateurs et planificateurs en développement.
Ainsi, dans les années 60, des projets comme Saci (3)
au Brésil, Serla (4) dans les Andes ou Socrate à
destination de dix-sept pays d'Afrique francophone sont-ils
les témoignages de cet intérêt précoce.
D'autres projets (5), plus ambitieux encore mais moins avancés,
comportaient ni plus ni moins l'objectif d'une alphabétisation
universelle que de nombreux experts, à l'instar de Gaston
Berger, estimaient enfin devenue réalisable grâce
aux systèmes modernes de communication (6).
Nouveaux avatars, histoire ancienne Sans doute a-t-il fallu,
pour des débuts de réalisations, attendre les
satellites de la décennie 70. Réalisations
autrement modestes au demeurant. C'est que la technolgie s'est
révélée moins fiable et plus coûteuse
que prévu, et les émissions à diffuser,
insuffisantes ou inadaptées ; pire encore, la «
super-médiathèque volante », pour reprendre
une expression fréquemment employée alors, est
apparue n'avoir de réelle utilité que quand, localement,
des infrastructures pédagogiques pouvaient assurer des
fonctions de relais. Or justement, dans les pays en développement,
ces infrastructures étaient la plupart du temps déficientes
et, paradoxalement, celles qui existaient avaient parfois tendance
à être plus déstabilisées que renforcées
par la présence satellitaire.
Il n'empêche que les expériences pédagogiques
auxquelles les satellites de communication ont donné
lieu frappent rétrospectivement par leur nombre et par
leur diversité. Ainsi, entre 1971 et 1981, plus d'une
centaine d'opérations, de taille inégale il est
vrai, ont-elles été effectuées un peu partout
dans le monde, figurant parmi les applications les plus originales
-parfois parmi les seules à mettre au compte des satellites
expérimentaux (7) : essentiellement trois satellites
américains (ATS 1, 3 et 6), deux satellites canadiens
(Hermès et Anik-B), et le satellite franco-allemand Symphonie.
Qu'en retenir ? Les quelques milliers d'heures d'émissions
scolaires et de formation pour adultes de Site (via ATS 6) et
de Step (via Symphonie) en Inde, les multiples expérimentations
de réseaux communautaires et de coopération universitaire
au Canada (8) (via Hermès), les sessions successives
de téléséminaires franco-ivoiriens et franco-québécois
(via Symphonie) (9), l'implantation de la télévision
éducative en Colombie britannique, en Alaska, dans les
Appalaches et les Rocheuses (via les ATS) (10) et bien d'autres
expériences encore.
Une question vient immédiatement à l'esprit, celle
des raisons et modalités des associations qui y ont présidé
: comment experts de l'éducation et du développement,
d'un côté, et industriels spatiaux, de l'autre,
ont-ils été amenés à prendre en
commun de telles initiatives et à coordonner leurs ressources,
alors qu'ils appartenaient à des secteurs d'activité
si différents, qu'ils relevaient de modes de fonctionnement
si hétérogènes, et qu'a priori il s'agissait
d'opérations risquées et coûteuses pour
les uns et sans profit pour les autres ?
Pour essayer de comprendre, il faut donc, avec un peu de recul,
commencer par observer que si le projet est nouveau, l'histoire,
elle, est plutôt ancienne : ce qui s'est produit avec
les satellites qui viennent d'être cités et ce
qui, mutatis mutandis, continue de se produire aujourd'hui n'n'est
peut-être que la reprise, seulement plus spectaculaire,
d'une convergence à laquelle, dans le champ de l'éducation,
l'arrivée de chaque nouvel outil de communication donne
lieu régulièrement. Non cependant sans poser,
dans ce cas particulier, quelques problèmes spécifiques
que l'on va voir aussi.
L'intérêt (plus ou moins) désintéressé
des sphères industrielles.
D'un côté en effet, celui des sphères industrielles
et des responsables spatiaux, l'idée de l'utilisation
pédagogique des satellites a commencé par bénéficier
des contributions plus ou moins successives de trois séries
d'intervenants fort différents les uns des autres.
Se manifestent tout d'abord de grandes figures de la recherche
scientifique, des ingénieurs ou des experts de haut rang,
désireux par conviction personnelle de faire servir les
innovations à des causes sociales ou humanitaires, spécialement
à la diffusion du savoir. Même si la lignée
des inventeurs solitaires et souvent idéalistes, celle
des Niepce ou des Edison, appartient à une époque
révolue,ce sont encore de véritables militants
de la cause pédagogique des satellites qui apparaissent
en première ligne, quelques-uns acquérant en cette
occasion un statut tutélaire.
Tels Vikram Sarabhai, en Inde, instigateur dès 1963 du
programme de recherches spatiales et fervent défenseur
de Site, ou John Chapman, du ministère canadien des Communications,
l'un des pères du satellite Hermès et de ses utilisations
éducatives et communautaires, ou encore Jean d'Arcy,
en France, ardent promoteur du satellite comme « réponse
révolutionnaire aux besoins d'éducation, d'unification
nationale, de promotion du développement et de lien avec
le reste du monde » des pays en développement (in
François Cazenave, 1984, p. 135).
Ensuite, toujours du côté des satellites mais dans
des perspectives moins désintéressées,
se présentent les responsables politiques. S'ils attachent
eux aussi du prix aux applications pédagogiques (13),
c'est pour s'en servir comme bancs d'essai ou opérations
de prestige. Le satellite n'est plus seulement mis à
l'épreuve en situation réelle ; le voici littéralement
mis en spectacle, dramaturgies expérimentales à
l'appui, les mêmes acteurs jouant souvent les mêmes
rôles : celui du pionnier, de l'évaluateur, du
décideur, de l'utilisateur anonyme, etc. Dans quel but
? Faire la preuve de l'efficacité du système auprès
de l'opinion publique et des clients potentiels. La métaphore
musicale filée par Hubert Curien (1980, p. 23), à
l'époque président du Cnes, à partir du
nom même de « Symphonie », le dit clairement
: « (Ces utilisateurs) ne seraient pas ici aujourd'hui
si la mélodie ne les avait pas quelque peu charmés...
» Mélodie d'autant plus charmante qu'elle s'accompagne
de facilités techniques et financières : à
chaque fois, le Cnes - comme la Nasa et le ministère
canadien des Communications fournit gratuitement l'accès
au satellite et toute l'infrastructure au sol.
La troisième vague, enfin, est celle des industriels
de programmes et de matériels. A leur tour, ils se montrent
favorables aux applications pédagogiques, mais avec des
préoccupations encore différentes. C'est pour
les marchés d'appel qu'offre la formation dont les publics,
dans le système formel, ont l'avantage d'être captifs
et pour les débouchés qu'elle pourrait offrir
si la technologie se développe, notamment en entreprise
et à domicile. Ce sont donc des motivations typiquement
commerciales qui poussent - ou ont poussé - les responsables
d'Olympus ou ceux du satellite privé Astra, après
ceux des satellites du début, à solliciter et
à favoriser, au moins dans un premier temps, la présence
d'institutions éducatives sur leurs canaux.
Ainsi se déroule, réalisant la convergence de
ces trois types disparates d'interventions, le scénario
bien rôdé dont, à son tour, après
d'autres outils de communication, le satellite est le bénéficiaire.
Encore faut-il un contenu à ce projet d'utilisation pédagogique.
Il est donc indispensable que de l'autre côté,
celui des sphères éducatives elles-mêmes,
une certaine volonté d'utiliser la technologie se fasse
jour également, et que des stratégies adéquates
soient mises en uvre. Or, à ce stade, qui est celui
de la définition des usages, commencent les difficultés.
Sommation d'usage
Certes, du côté des sphères éducatives
sommées de se servir du « jouet tout neuf »,
comme à chaque fois se mobilisent professionnels de l'innovation
pédagogique, technologues de l'éducation, planificateurs
et réformateurs, toujours prêts à saisir
l'occasion - voire le prétexte - d'un instrument nouveau
pour rénover méthodes et structures des systèmes
de formation et en élargir l'influence hors de l'école
proprement dite, par le biais de l'action culturelle, du développement
communautaire et des réseaux de l'éducation populaire
(14).
Leur activisme, pourtant, n'est pas suffisant. Il ne suffit
de toutes façons jamais pour l'implantation durable d'une
innovation technologique quelle qu'elle soit, c'est-à-dire
pour son appropriation effective par ceux à qui elle
est destinée. A cet égard, la trajectoire de nombre
de ces produits nouveaux vite remisés dans les placards
d'une salle de classe - circuits fermés de télévision,
magnétoscopes, micro-ordinateurs, etc. - est là
pour rappeler l'urgence de laisser du temps au temps afin que
s'exerce la logique des usages sociaux (15), même lorsque
les bonnes fées de l'industrie se penchent sur le berceau.
En outre, dans ces circonstances, la présence de ces
innovateurs dispense d'autant moins d'un argumentaire convaincant,
que non seulement a priori le maître d'école n'attend
pas grand chose du satellite mais surtout que le satellite lui-même
ne paraît pas avoir grand-chose à proposer au maître
d'école.
Double handicap par conséquent, dont le premier est bien
caractérisé par la formule lapidaire de J. Murray
Richmond (1978, p. 159), co-évaluateur des programmes
canadiens via Hermès : « An Evaluator's Paradox
: Demonstrations in the Absence of Demonstrated Need ».
Quant au second, c'est celui auquel se heurtent les promoteurs
du satellite : l'imprévisibilité de ses usages.
Des satellites pour quoi faire ?
En leitmotiv revient en effet la question : « Des satellites,
pour quoi faire ? » (16). Ainsi, à propos de Hermès
en 1977, est-ce le ministre canadien des Communications en personne,
Jeanne Sauvé (1978, p. 1), qui évoque ses doutes,
la nuit où Hermès fut lancé : « Pour
les chercheurs et les ingénieurs, Hermès était
un chef d'oeuvre de la technologie moderne, le satellite des
télécommunications le plus puissant au monde.
Mais les expérimentateurs, eux, devaient le mater, apprendre
à s'en servir et à le mettre au service de la
population ». Et de s'interroger : « Cette réussite
même incite à se demander pourquoi il était
nécessaire de mettre au point un satellite du genre d'Hermès.
» Emanant de celle qui a la responsabilité de toute
la politique spatiale canadienne, et adressée à
une assemblée d'universitaires censés y répondre
par leurs propres utilisations (17), l'interrogation a de quoi
inquiéter...
A plus forte raison inquiétera-t-elle si l'on se réfère
à ce qui se passe ordinairement pour les autres technologies
qui, à leurs débuts ou ultérieurement,
suscitent rarement des questionnements si radicaux sur leur
emploi et sur leur utilité. Assez instructif, à
cet égard, l'avis de deux ingénieurs du Cnes,
Bernard et Puech (1975, p. 29), comptant parmi les artisans
du programme Symphonie. Ils commencent par citer l'informatique
puis le nucléaire : « La technique informatique
permet de traiter un très grand nombre de données
et d'obtenir des informations précises dont l'importance
est considérable. La technique nucléaire est développée
pour fournir de l'énergie à l'Humanité
» Ces deux techniques, disent-ils en substance, n'ont
donc pas (ou plus) à faire la preuve de leur utilité
sociale : elle est évidente. Ce n'est cependant pas,
selon eux, le cas du satellite : « La technique astronautique,
au contraire, ne s'est pas présentée jusqu'ici
comme chargée de satisfaire un besoin de l'Humanité
ou comme susceptible de modifier son cadre de vie. Les débouchés
professionnels sont donc fixés quantitativement, par
des décisions gouvernementales inspirées par une
politique, soit de prestige, soit de défense, voire par
une politique scientifique, mais ils ne sont pas liés
à un marché résultant d'une demande, à
court ou à moyen terme, de la population » (ibidem).
Ainsi esquissé par nos deux ingénieurs, le rapprochement
est éclairant, car s'il est exact que la diffusion de
l'ordinateur s'est accompagnée de discours promotionnels
mettant l'accent sur la promesse - parfois prématurée
- des succès à venir, elle a au moins autant été
précédée et préparée à
ses débuts 18 par un ensemble de considérations
idéologiques si structurées et cohérentes
qu'elles donnent l'impression d'un véritable programme
visant à imposer à la société le
modèle cybernétique d'une rationalité machinale
; l'informatisation est donc alimentée par un projet
social qu'elle alimente à son tour.
Rien de tel pour les satellites, dont l'indétermination
atteint un degré maximal : pas de demande ni de marché
(pour les nouveaux engins), comme le signalent à juste
titre Bernard et Puech ; d'où, par conséquent,
incertitude quant aux services à mettre en uvre
et imprévisiblité des usages à favoriser,
l'ensemble renvoyant plus fondamentalement à ce que l'on
pourrait caractériser comme une vacance programmatique
touchant peu ou prou la totalité du secteur astronautique
(19). Plusieurs facteurs sont à l'origine d'une telle
vacance, à commencer par la nouveauté et les aléas
d'un secteur qui n'a jamais cessé de réserver
à ceux qui y travaillent de bonnes (et de moins bonnes)
surprises. Rares sont, à cet égard, les domaines
scientifiques et industriels où l'imprévu tient
une si grande place : quand chaque lancement de navette ou de
fusée reste aujourd'hui encore une aventure, que dire
du comportement en orbite des satellites - notamment de communication
- ponctué d'incidents et de pannes (20) ! Aussi n'est-il
guère étonnant que les nouvelles générations
d'engins ne suscitent pas l'intérêt et encore moins
l'empressement que provoquent souvent les systèmes informatiques
au fur et à mesure de leur mise sur le marché.
Utilisations de fortune
Au contraire, si les satellites sont expérimentaux dans
ces années 70 et 80, c'est en bonne part contraints et
forcés.
Ils sont lancés, et ce n'est qu'une fois qu'ils sont
en orbite que l'on s'aperçoit vraiment - ou, pour mieux
dire, que l'on s'aperçoit officiellement qu'il se trouve
peu de clients pour vouloir ou pour pouvoir les utiliser. Vient
alors, avec les applications culturelles et éducatives
au sens large, le temps des utilisations de fortune. Moins,
en fait, pour accéder aux vux des défenseurs
de l'utilisation pédagogique des satellites (qui n'en
demandaient pas tant) que pour combler (ou pour masquer) l'absence
d'autres propositions.
Est-ce pour autant que l'interrogation « Des satellites,
pour quoi faire ? » trouve sa réponse ? Certainement
pas.
Seulement, ce sont maintenant les éducateurs qui (se)
la posent, et dans des termes parfois virulents, même
lorsqu'ils émanent, au Canada, de l'un des experts les
plus engagés en faveur du projet satellitaire. Il s'agit
de John Daniel (1978, pp 11-12), l'autre responsable de l'évaluation
générale du programme Hermès, répondant
indirectement à l'invitation de Jeanne Sauvé :
« Le satellite Hermès a coûté environ
60 millions de dollars. Si vous
ajoutez à cela 40 millions de dollars pour les services
d'encadrement, le lancement et l'installation de plusieurs stations
terriennes, vous arrivez à 100 millions de dollars au
bas mot. Pour un satellite qui a une durée de vie utile
d'à peu près deux ans [...] soit quelques 1000
jours, cela veut dire plus de 100 000 dollars par jour ».
Et John Daniel de faire ensuite implicitement allusion aux arguments
de ceux qui, adversaires des satellites (21) (et surtout de
leurs utilisations pédagogiques), prônent le recours
à des technologies plus souples et plus économiques
: « Il est tout de même important de se rappeler
ces coûts parce que, compte tenu des utilisations qu'on
propose, il y a bien d'autres choses qu'on peut faire avec 100
000 dollars par jour ». Ces propos reflètent parfaitement
les réticences des milieux éducatifs - et pas
uniquement au Canada - face à un système qui,
dans ces conditions, leur apparaît difficilement compatible
avec les attentes et les besoins les plus urgents de la communauté
scolaire et universitaire.
Sans doute certains, dans ces milieux, vont-ils néanmoins
relever ce qu'ils tiennent pour un défi et mettre effectivement
en uvre des réalisations pionnières, souvent
avec quelques réticences. Il n'en reste pas moins qu'aussi
novatrices et diversifiées soient-elles, ces applications
ne sauraient à elles seules résoudre le problème
des débouchés des satellites de communication
à plus long terme et a fortiori fournir sa caution à
une politique
volontariste en faveur des télécommunications
spatiales.
En attendant que, avec la stabilisation de la technologie, d'autres
champs d'application se dessinent éventuellement, les
satellites de communication continuent donc de souffrir d'un
déficit d'utilité...
Pour entreprendre de le combler par d'autres moyens, la référence
éducative, une seconde fois, va être sollicitée,
mais d'une manière bien différente : non plus
sur le plan de l'utilité mais sur celui de la légitimité.
DE L'UTILITÉ À LA LÉGITIMITÉ
: L'INVENTION DU SATELLITE ÉDUCATIF
A côté du projet d'implantation effective du satellite
à l'école, se développe un autre projet
: celui, fictionnel, d'un satellite présenté comme
intrinsèquement éducatif.
En tant que fiction, le satellite éducatif n'est pas
sans réalité. Simplement, sa réalité
est d'un autre ordre, davantage du côté d'une tentative
pour attribuer au satellite (en général) une légitimité
de compensation, à défaut de son utilité
pédagogique et sociale, difficilement trouvable. Et cette
légitimité, il la tirerait idéalement de
deux aspects complémentaires : d'une part, de sa dimension
mythologique de machine à communiquer à usage
planétaire, et, d'autre part, de l'utopie à laquelle
il donnerait corps d'un espace public régi par une forme
communicationnelle de démocratie.
Le système nerveux : mythologie de la machine
à communiquer planétaire
Au départ, il y a donc l'intuition exprimée par
McLuhan (implicitement ou explicitement reprise par nombre de
promoteurs spatiaux) selon laquelle la dimension intrinsèquement
éducative du satellite résiderait moins dans le
contenu des messages qu'il achemine que dans la forme universelle
de son réseau. Autrement dit, ce qu'il y aurait d'éducatif
dans l'usage satellitaire et ce dont il tirerait sa valeur,
ce serait sa dimension planétaire. Reste à voir
en quoi elle consiste. C'est-à-dire comment et dans quelle
mesure elle donne lieu à une mythologisation susceptible
d'attribuer au satellite la légitimité dont ses
promoteurs ont besoin.
Une métaphore peut être opportunément mentionnée,
celle du système nerveux, qui, chez les tenants du satellite
éducatif, sert à caractériser le fonctionnement
du réseau, sur un registre voisin mais justement différent
d'une autre métaphore, prevalente, elle, dans le discours
des promoteurs de l'informatique : celle du cerveau. D'où
vient la différence ? De ce qu'au figuré le satellite
n'est pas destiné à jouer le rôle d'une
« machine à gouverner », au sens où
l'entendent pour l'ordinateur les cybernéticiens,
N. Wiener ou le père Dubarle par exemple, mais celui
d'une « machine à communiquer ». En d'autres
termes, si l'ordinateur, instance externe et (supposée)
objective de régulation, peut se substituer aux hommes
pour gérer la société, le satellite au
contraire servirait à mettre en relation des hommes.
Bien plus, en tant que système nerveux, il rechercherait
en permanence des voisinages inédits et favoriserait
l'avènement de socialites différentes et plus
riches. Aussi, quand la mythologie de l'ordinateur renverrait
à l'idéal d'un cerveau électronique consacré
à la rationalisation et à la simplification des
relations et procédures, débouchant sur une forme
d'homogénéisation sociale, le satellite serait,
lui, à l'inverse, présenté par ses
promoteurs comme l'instrument d'une hétérogénéité
et d'une complexification croissantes dont il serait à
la fois l'outil et le régulateur.
Figure ambivalente par conséquent que celle du satellite,
entre ordre et désordre, comme l'attestent ces mots d'Yves
Sillard (1978, p. 2-3), directeur général du Cnes,
à l'intention des utilisateurs universitaires francoivoiriens
du satellite Symphonie : « Dans une société
moderne aux mécanismes de plus en plus complexes, à
la spécialisation croissante, où l'interdépendance
entre les différentes disciplines, entre les différentes
nations, entre les différents continents, est chaque
jour plus évidente, les communications - et de bonnes
communications - sont en effet un outil indispensable à
un développement harmonieux. Elles constituent le système
nerveux de l'activité humaine, sans lequel cette activité
serait rapidement vouée au désordre et à
l'anarchie la plus complète. »
Du télégraphe au satellite
A partir de cette ligne de partage entre les figures respectives
de l'ordinateur et du satellite, entre le thème de la
gestion informationnelle (par le cerveau) et celui de l'irrigation
communicationnelle (par le système nerveux), les attributs
symboliques du satellite apparaissent plus distinctement. Une
illustration en en est d'ailleurs fournie par un extrait du
discours de Michael Oliver (1978, p. 80), recteur de l'université
Carleton, pour l'inauguration d'une session avec Stanford via
Hermès : « Exactement comme le télégraphe
a solidarisé un continent en le faisant passer dans un
autre âge, nous allons voir comme les satellites de communication
offrent une perspective largement ouverte pour les communications
interpersonnelles, dans un monde plutôt saturé
de communications de masse ». Ce qui est frappant dans
cette filiation du télégraphe au satellite, c'est
qu'à la standardisation elle oppose la solidarisation,
non plus du seul continent américain, mais du monde entier.
Cette solidarisation, précise encore le recteur de Carleton,
ne serait pas celle, artificielle, d'un monde saturé
de communications de masse mais celle du réseau interpersonnel
dont le satellite, outil de démassification, serait le
vecteur par excellence.
Nous sommes bien sûr dans l'ordre du discours : celui
d'une construction mythologique en quête d'un objet, lui-même
fictif (22). Mais ce qui compte en l'occurrence, c'est précisément
la réalité de cette fiction, c'est-à-dire
sa finalité : investir le satellite d'une légitimité
qui lui viendrait de son efficience intrinsèque, solidarité
et interactivité. D'où sa dimension proprement
éducative, que souligne l'éloge de Peter Glotz23
(1980, p. 16) : « C'est pourquoi j'attache une grande
importance aux programmes éducatifs de Symphonie justement.
Avec le développement des satellites de communication
nous avons réalisé une nouvelle dimension de la
communication internationale. Ils peuvent, s'ils sont correctement
utilisés, faire avancer la coopération internationale
à travers l'éducation, la science et la culture,
et ils peuvent ainsi fournir une contribution importante à
la paix et à la sécurité dans le monde.
» Certes, lyrisme de commande et phraséologie officielle
sont de rigueur : la communication au service du rapprochement
des peuples et de la paix dans le monde est, comme on le sait,
l'un des topoï de la diplomatie, spécialement franco-allemande.
Toutefois, derrière les lieux communs, le glissement,
une nouvelle fois, n'en est que plus visible : de l'usage pédagogique
des satellites à la dimension éducative du satellite.
Le « lieu psychologique » : utopie de la démocratie
communicationnelle
Le second thème constitutif de la fiction du satellite
éducatif résulte de l'application de la métaphore
du système nerveux au champ politique. C'est celui de
l'utopie d'une démocratie fondée d'une part sur
un accès généralisé au savoir, d'autre
part sur le fonctionnement d'un espace public entièrement
transparent. Sous ces deux espèces, le satellite de communication
est censé « donner corps » à l'idéal
d'une démocratie communicationnelle, la formule étant
de Bernard Clergerie (1975, p. 6l), directeur de l'Audecam (24)
: « Une véritable démocratie de l'information
et du savoir pourra donner corps aux rêves, à l'époque
impossible, de l'encyclopédisme et de Condorcet. »
Et Gilles Willett (1975, p. 67) d'aller sensiblement dans le
même sens en évoquant, à propos du satellite,
un lieu qui « n'a pas à être situé
géographiquement, bien au contraire.
Il s'agirait plutôt d'un lieu psychologique ». A
travers ces références à la démocratie
communicationnelle et à l'utopie du « lieu psychologique
», s'esquisse plus largement encore une entreprise, complémentaire
de la précédente, pour promouvoir une vulgate
du développement, sorte de théorie tous usages
et tous terrains de la démocratie à l'ère
de l'industrialisation et de la mondialisation de la communication,
aussi bien pour les pays en développement que pour les
pays développés. Jean d'Arcy s'en est fait le
héraut, à l'ONU notamment, comme Anna Casey-Stahmer,
auprès du ministère canadien des Communications
et de la Nasa en a été l'un des artisans les plus
convaincus (25).
Mais surtout, ces prédictions prennent plus de relief
si on les rapproche de celles de l'un des principaux évaluateurs
du programme Site en Inde, T.V. Srirangan (1980, p. 34) décrivant
l'impact du satellite : « La technologie du satellite
marque le début d'un chapitre nouveau et excitant de
l'histoire de l'Humanité. C'est une composante vitale
de la révolution de l'électronique et des télécommunications
qui s'est répandue à grande vitesse à travers
le monde et dont l'impact pourrait bien se révéler
d'une portée encore plus grande que celui de la révolution
industrielle. » Le messianisme du satellite ouvrant «
un chapitre nouveau et excitant de l'histoire de l'Humanité
» relèverait du pur discours publicitaire s'il
émanait d'un promoteur spatial. Mais justement, c'est
bien un haut responsable de l'éducation et du développement
qui le tient !
LE FIN MOT DE L'HISTOIRE ?
Rétrospectivement, un enthousiasme si peu tempéré
ne laisse pas de susciter une certaine perplexité. A
lui seul, l'optimisme technologique ne saurait en effet l'expliquer
entièrement : ne faut-il pas beaucoup de candeur pour
croire de cette façon en un satellite solidarisant le
monde déchiré par l'affrontement des deux blocs
ou faisant faire aux pays en développement le bond magique
qui leur permettrait de rattraper des retards si longtemps accumulés
? En réalité, même si, en ces années
70, l'aura de la conquête spatiale et les accents épiques
de la « nouvelle frontière » (26) font sentir
leurs effets jusque dans les sphères éducatives,
le satellite, machine fictionnelle, n'en cristallise pas moins
des enjeux qui les concernent plus directement.
S'opère alors une sorte de renversement : cependant que,
par rapport à l'extérieur, le satellite favorise
les représentations cuméniques que l'on
a vues, visant même à faire oublier l'inquiétante
présence en coulisse des projets militaires, il est,
à usage interne, l'objet de féroces affrontements.
Trois exemples donnent une idée de la virulence des stratégies
et des contre-stratégies dont il est l'enjeu, opposant
ses partisans et ses adversaires et, plus encore, les uns aux
autres, ceux qui, pour lui, prônent des emplois concurrents.
MJ. Smith, F. R. Scobee, R. E. McNair, E. S. Onizuka, G. Jarvis,
Judith Resnik et une enseignante Sharon C. McAuliffe composaient
l'équipage de Challenger qui périt le 28 janvier
1986 dans l'explosion de la navette.
Audiovisualistes contre informaticiens
Tout d'abord, ce n'est pas un hasard si, à quelques exceptions
près (27), les opérations concernées relèvent
de la filière audiovisuelle et non de la filière
informatique, sa rivale traditionnelle en technologie éducative.
C'est au contraire le signe que les audiovisualistes ont trouvé
dans les satellites expérimentaux l'occasion d'une relance
qui, face à l'arrivée des premières applications
de l'enseignement assisté par ordinateur, prend l'allure
d'une véritable contre-attaque. A l'université
du Québec par exemple, les promoteurs de Platon (28)
se sont, en règle générale, tenus à
l'écart - ou ont été écartés
- d'Hermès et de Symphonie.
De même en France, si plusieurs tentatives téléinformatiques
ont été envisagées sur Symphonie, elles
en sont toutes, significativement, restées à l'état
de projets (29).
Ce qu'il y a d'intéressant dans ces petites et grandes
manuvres, c'est qu'elles portent la marque d'âpres
luttes d'influence se soldant par de bien réels ostracismes,
fruits de clivages plus graves et plus profonds que ne le sont
de simples divergences disciplinaires entre experts. En réalité
deux filières technologiques sont en présence,
impliquant deux branches industrielles de programmes et de matériels.
Certes, leur face-à-face n'est pas nouveau dans le champ
pédagogique, mais, au moment des satellites, il revêt
une intensité et une portée toutes particulières.
Après coup, l'on s'aperçoit en effet que ce sont
les priorités et les modèles d'une technologie
éducative sur la voie de son industrialisation et à
la recherche de son indispensable diversification socio-économique
qui ont, en ces circonstances, commencé à se dessiner.
Une preuve en est que l'évolution des médias éducatifs
s'en trouve durablement influencée, comme en témoigne
aujourd'hui le partage entre trois options : sur le versant
audiovisuel, d'une part une télévision éducative
héritière des formes conventionnelles de la télévision
scolaire mais auxquelles le satellite apporte la dimension transnationale
et la diversité des canaux qui sont celles d'Eurostep
ou de Channel E, et d'autre part des réseaux de services,
plus proches de la vidéotransmission que de la radiodiffusion,
dans la suite des expérimentations les plus novatrices
via Hermès et Symphonie, qui se retrouvent maintenant
par exemple sur Europace, tandis que, sur le versant informatique,
loin desélécommunications, le multimédia
reprend et enrichit G??? des origines.
Méga réseaux contre médias légers
Ensuite, au sein même de la filière audiovisuelle,
une autre opposition, non moins décisive, divise tenants
de la production lourde et tenants d'utilisations légères
et alternatives celles de la vidéo communautaire ou des
self-media. Si, pour des raisons trop longues à expliquer
ici, ce sont les premiers qui l'emportent, ce n'est ni sans
difficulté (30), ni, à nouveau, sans conséquences
pour les développements ultérieurs des usages
éducatifs des nouvelles technologies d'information et
de communication. De fait, il apparaît après coup
que les programmes expérimentaux ont servi de répétitions
générales à la formation de mégaréseaux
éducatifs en radiodiffusion (Eurostep) ou en télécommunication
(Europace). Mais cela aura été au détriment
des visées initiales.
Les grands perdants du satellite éducatif sont en effet
les militants de la rénovation pédagogique, pris
à contrepied par le recentrage qui suit la période
expérimentale dont ils ont pourtant été
la cheville ouvrière. Pour eux, la disqualification a
un goût d'autant plus amer qu'à la faveur du satellite
s'imposent les formules pédagogiques les plus conventionnelles,
alors que c'était contre elles justement qu'ils s'étaient
mobilisés : médiatisé, le cours magistral
trouve une nouvelle jeunesse ; sous l'alibi moderniste du réseau
large bande, les modes d'enseignement les plus traditionnels
et les moins interactifs reprennent du service ; des organisations
lourdes, bureaucratiques et centralisées se mettent en
place là où avaient été préconisées
des structures souples capables de fédérer des
initiatives et de démultiplier les ressources locales.
Et surtout, au lieu d'aider à enrichir l'offre de programmes
et de services en dynamisant l'appareil éducatif de production,
les réseaux satellitaires accentuent le clivage entre
deux secteurs : d'un côté, la production audiovisuelle
traditionnelle, soumise au régime exclusif de la subvention,
conserve la pratique artisanale du coup par coup, de la conception
de prototypes et de l'accumulation de stocks de programmes disparates
et difficiles à réutiliser, et, de l'autre côté,
un secteur dynamique et lucratif, dans les formations de pointe
ou dans l'apprentissage des langues, est investi par des producteurs
privés, éditeurs, sociétés de services
et de conseil, les seuls à bénéficier finalement
d'expériences en marge desquelles ils s'étaient
prudemment tenus. Ainsi mis hors circuit, les rénovateurs
pédagogiques apparaissent dès lors comme les victimes
paradoxales de cette illusion du satellite éducatif,
qu'ils ont eux-mêmes commencé par forger et entretenir.
Scénario global contre coopération internationale
Enfin, si les programmes expérimentaux des années
70 et 80 passent aujourd'hui pour les premiers tests en grandeur
réelle des pratiques et des effets de la transnationalisation
satellitaire que nous connaissons, c'est que des deux modèles
de transnationalisation en présence, un seul a survécu.
Celui-là est directement issu du scénario global
à l'enseigne au free flow of information.
Non qu'en soi, ce principe, officiellement adopté par
les Nations Unies, puisse susciter des oppositions. C'est l'application
qui en est faite qui est problématique, spécialement
quand l'US Information Agency s'en recommande pour contribuer
directement à des programmes expérimentaux tels
que Peacesat ou US Aid, via la série des ATS.
Difficile alors de ne pas y voir les postes avancés d'une
stratégie en vue de s'assurer de la maîtrise totale,
économique, culturelle et idéologique, des réseaux
intercontinentaux. Stratégie à laquelle, à
leur niveau, d'autres pays comme le Canada et la France entreprennent
de répliquer avec leurs propres moyens et sur leur propre
zone d'influence.
Dans ces conditions, on n'imagine pas comment, devenues champ
clos où s'affrontent les intérêts géopolitiques
de quelques grands Etats, les télécommunications
spatiales auraient pu encore, pour les applications pédagogiques,
faire place au second modèle de transnationalisation,
celui d'une coopération internationale travaillant au
rééquilibrage des échanges Nord-Sud et
à une diversité culturelle stimulée. C'est
le modèle que tardivement - et avec l'insuccès
que l'on sait - les rédacteurs du rapport McBride préconisaient
au nom d'un « nouvel ordre mondial de l'information et
de la communication ».
Telles sont les ambivalences du satellite éducatif. Il
y a loin, apparemment, des programmes expérimentaux des
années 70, marginaux et éphémères,
aux entreprises d'aujourd'hui, structurées financièrement
et institutionnellement stabilisées, comme Eurostep ou
Europace, a fortiori aux utilisations satellitaires qui touchent
dorénavant surtout l'information ou la « planète
divertissement ». Pourtant, ce sont les premiers qui ont
ouvert la voie aux secondes. Et pour couvrir et cautionner cette
ouverture, il aura fallu une fiction, suffisamment fictive et
en même temps suffisamment réelle : c'est à
cela qu'en fin de compte le satellite éducatif aura servi...
Une première version de ce texte a fait l'objet d'une
présentation orale au séminaire conjoint des universités
Paris XII et Paris XIII (Paris-Nord). Sa partie centrale reprend
un passage d'une communication intitulée « Le satellite
et le maître d'école, mythologies planétaires
» prononcée dans le cadre du 4e colloque international
Science et Science-Fiction du Centre d'étude de la métaphore,
université de Nice-Sophia Antipolis, en avril 1991 (actes
à paraître).
Notes
1. Satellite de l'Agence spatiale européenne, presque
uniquement consacré à des utilisations éducatives.
Son activité, accidentellement interrompue le 29 mai
1991 après deux ans de fonctionnement environ, a repris
le 23 août de cette même année.
2. Entre autres, les Fondations Ford en Inde, Rockfeller en
Amérique latine.
3. Satellite Avancado de Communicacoes Interdisciplinares.
4. Satellite Educativo para la America Latina.
5. L'évocation de ces projets figure chez Schramm (1964,
1968).
6. Voir par exemple Le Thanh Khôi (1967).
7. Satellites dits « de seconde génération
», précurseurs des satellites actuels de télévision
directe.
8. Par exemple Omnibus de l'université du Québec
; Ontario Government's Multi-Ministry Program , Telemedicine
Memorial à Terre Neuve, ainsi que divers programmes réalisés
à l'initiative des autochtones : Inukshuk et Wa Wa Ta
en Ontario, Iron Star en Alberta, etc.
9. Groupe d'utilisation intensive du satellite expérimental
(Guise) et Conseil pour l'utilisation des satellites expérimentaux
(Copuse), où J.- F. Lyotard (1979, p. 13) entrevoit,
non sans quelque exagération, les prodromes de la post-modernité
informationnelle : « L'usage de la visioconférence
entre le Québec et la France est en train de devenir
une habitude : en novembre et décembre 1978 a eu lieu
le quatrième cycle de vidéoconférences
en direct (par le satellite Symphonie) entre Québec et
Montréal d'une part, Paris (université Paris-Nord
et Centre Beaubourg) de l'autre. »
10. NEAsat, Appalachian Education Satellite Project, entre autres.
11. En plus d'Eurotep sur le premier canal d'Olympus, voir aussi
Eurotransmed sur ce même canal, Channel E sur Astra et
Europace sur Eutelsat, sans compter une dizaine de réseaux
du même type aux USA et au Canada.
12. Voir notamment Flichy (1980).
13. Ainsi, à la même époque, qu'à
celles du câble et du vidéodisque.
14. Pour une analyse sociohistorique de ces mouvements, voir
Miège (1989, pp.78-91).
15. Voir Perriault (1989).
16. Titre d'une publication du Service d'information et de diffusion
(1976).
17. A l'injonction « mettre Hermès au service de
la population »,
Gaétan Tremblay (1978, p.72), responsable de l'évaluation
du programme d'évaluation des utilisations d'Hermès
par l'université du Québec fait écho lorsqu'il
écrit : « En mettant le satellite à la disposition
des « gens ordinaires » les expérimentateurs
ont commencé à explorer des usages sociaux de
ces technologies autres que les utilisations classiques qu'on
en fait dans les grandes entreprises et les grandes organisations
publiques et parapubliques. » Mais d'ajouter : «
Pouvons-nous en attendre davantage que la production d'une nouvelle
utopie sociale ? »
18. Voir sur ce point les chapitres de P. Breton (1990) consacrés
au « parti informatique » et à ses trois
fondateurs : Turing, Wiener, von Neuman. Voir aussi Breton et
Proulx (1989) sur le « Golem électronique ».
19. Déjà Arthur Clarke, qui, en 1945, est le premier
à établir la possibilité théorique
d'une couverture totale de la terre au moyen de trois satellites
répartis à égale distance les uns des autres
sur l'orbite géostationnaire, est également le
premier à douter de l'intérêt opérationnel
de la découverte. Quelques années plus tard, il
le regrette amèrement :
« Une preuve encore meilleure de conservatisme est qu'en
1945 je n'ai pas essayé le moins du monde de faire breveter
l'idée du satellite de télécommunication.
Je n'aurais pu le prévoir tel qu'il a été
réalisé » (Clarke, s.d., p. 38).
20. Voir par exemple les innombrables déboires de la
télévision directe : pannes définitives
ou partielles de TV Sat, TDF, Olympus... A titre indicatif,
Télédiffusion de France a enregistré en
1990 des pertes de 650 millions de francs résultant principalement
des incidents survenus sur les canaux de TDF2 !
21. Et sans doute plus généralement au groupe
puissant des adversaires de la filière satellitaire qui
ne manquent pas une occasion d'opposer la faiblesse des politiques
d'aide sociale et de santé publique aux énormes
investissements réalisés par l'Etat dans la course
à l'espace, secteur où non seulement les retombées
sociales sont aléatoires et jusqu'à maintenant
peu importantes mais encore où ce sont surtout les militaires
qui apparaissent comme les principaux bénéficiaires.
A titre indicatif, on estime actuellement que le Pentagone consacre
au spatial militaire un budget équivalant quatre fois
le marché des satellites civils en Amérique du
Nord et en Europe.
22. Cette fiction communicationnelle se retrouve telle quelle
aujourd'hui dans les discours autopromotionnels de Ted Turner,
propriétaire de CNN.
23. L'homologue allemand de H. Curien pour le programme Symphonie.
24. L'un des organismes français les plus impliqués
dans l'utilisation des satellites en éducation au cours
de la décennie 70, sous l'impulsion de Régine
Thomas.
25. Le titre de l'un des rapports de Casey-Stahmer (1975) a,
de ce point de vue, valeur de programme : Towards a Comparative
Model of Satellite Based Social Service Delivery Strategies
for Developing and Developed Countries. A Case Study of the
ATS-F Satellite Experiments for India and United States.
26. Relayés par l'intense campagne auprès de l'opinion
publique à laquelle le célèbre discours
de J.F. Kennedy, le 25 mai 1961, donna le ton : « I believe
we should go to the moon. »
27. Palapa en Indonésie et surtout Aloah, application
de Peacesat, à l'initiative de l'université d'Hawaï.
28. Version francisée de Plato de Control Data, implanté
à l'époque sur tous les campus de l'université
du Québec.
29. Celles notamment de l'Iria (projet Nadir) ou de plusieurs
chercheurs de l'INRP (dont Jacques Perriault et Robert Quinot),
dans le cadre de Copuse.
30. Voir notamment les accusations de néo-colonialisme
: « La communauté internationale accepterait difficilement
qu'en Afrique, par exemple, l'appel au satellite de communication
pour l'éducation vienne renforcer objectivement la dépendance
à l'égard des anciennes métropoles coloniales
plutôt que contribuer à l'indépendance intellectuelle
et scientifique des Etats concernés » (Dieuzeide
1975, p. 232). En outre, la télévision suscite
bien des réticences, comme en témoignent ces propos
de J.-P. Desaulniers (1978, p. 63), évaluateur de l'une
des opérations du programme Omnibus, à propos
de la responsabilité technique confiée à
Radio-Canada, aux îles de la Madeleine, territoire de
chasse aux phoques : « Aux îles on se méfiait
considérablement de Radio-Canada, plus portée
vers Brigitte Bardot qu'envers les Madelinots.
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