1957-2016 ALCATEL La Technopole de LANNION

Le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia marquerait la fin de l’histoire tourmentée d’une entreprise française plus que centenaire .
Une diversification tous azimuts et des erreurs stratégiques auront finalement eu raison d’Alcatel.

Retour sur les dates clés qui ont fait et défait le fleuron français des équipements télécoms.

André Koechlin ouvre un atelier de construction de locomotive à Mulhouse en 1839. Les affaires se développeront vite et Koechlin fusionne avec les Ateliers de Graffenstaden pour créer l'Elsaessische Maschinenbau-Gesellschaft Grafenstaden (EMBG). L'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne, en 1871, entraîne le repli d'une partie de la production à Belfort et la création de la SACM dans les années 1878-1879 qui a fabriqué des téléscripteurs, des moteurs et des armes.
En 1893, la traction électrique ferroviaire commence à prendre un certain essor, l'Américain General Electric s'associe à la Compagnie française Thomson-Houston. Passée la première guerre mondiale, les électrifications prennent de l'ampleur.
1898 : Naissance de la Société Alsacienne de constructions atomiques, de télécommunications et d'électronique dont le siège était à Mulhouse., plus connue sous le nom d’Alcatel.
En 1928, Thomson-Houston fusionne avec une partie de la SACM pour former une nouvelle entreprise. Ce sera Alsthom (dénommée ensuite Alstom) correspondant à la contraction d'ALSace-THOMson.
L'usine de Mulhouse connut des grèves en 1936.
Alcatel : Alsacienne de constructions atomiques, de télécommunications et d'électronique résulte en effet de la fusion de CIT (Compagnie industrielle de téléphone), filiale de la CGE (Compagnie générale d'électricité) et du département ENTE (Énergie nucléaire télécommunications et électronique) de la SACM. Cette fusion donna naissance à la société CIT-Alcatel. Ce n'est qu'ensuite que la société mère, la CGE, prit le nom de ses filiales : Alcatel - Alsthom, avant de se séparer d'Alsthom et devenir Alcatel.
1966 : La Compagnie générale d'électricité (CGE) prend le contrôle d’Alcatel.
1969 : La CGE devient l'actionnaire majoritaire d'Alsthom
1970 : La CGE rachète la Compagnie industrielle des téléphones et la Société générale d'entreprises (cette dernière deviendra le groupe Vinci).
1982 : La CGE est nationalisée avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand et ses filiales de télécommunications fusionnent avec celles du groupe public Thomson. Elles sont regroupées sous le nom d’Alcatel.
1986 : L’entreprise prend 40% du capital de Framatome, futur Areva.
1991 : La CGE change de nom et devient Alcatel-Alsthom.
1995 : Serge Tchuruk, ancien dirigeant de Total, devient président d’Alcatel-Alsthom et recentre le groupe sur les activités d’équipements de télécommunications.
1998 - 2001 : Renommé simplement Alcatel, le groupe se sépare de ses filiales industrielles, Alstom (énergie et transport), Cegelec (ingénierie électrique), Nexans (câbles de cuivre) et se désengage progressivement de Framatome.

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A l'origine, le CNET Centre National d' Etudes des Télécommunications Créé par le gouvernement de Vichy par une loi du 4 mai 1944, le
CNET doit remplacer des initiatives locales et désordonnées par des recherches de plus grande ampleur, justifiées par les nouvelles techniques à mettre en oeuvre.
Rattaché au Ministère des PTT, il a néanmoins une vocation plus large car il hérite Catalogue informatique du laboratoire de radioélectricité créé en 1914 par le Général Ferrié : il travaille donc également pour la Défense. Cependant, juste après la guerre, il n'est encore que la juxtaposition d'anciens laboratoires dispersés dans Paris ou la banlieue, entre lesquels aucune synergie n'est possible. Il n'a d'autre part que des crédits limités, et inégalement distribués entre les divisions, d'où une mauvaise ambiance.
Bien que tous les services, recherches des PTT, hyperfréquences, télécommandes et contremesures, mathématiques, aient d'importants besoins de calcul, on se contentera de calculateurs analogiques et de cuves rhéographiques jusqu'en 1954, tout en recourant, pour les calculs numériques, aux moyens du CNRS, notamment à l' IHP et à l'Université de Grenoble.

Dans les années 50, tout se concentre à Paris, les administrations, les usines et donc l’emploi.
À quelques centaines de kilomètres de la capitale, la Bretagne, elle, est à la peine. Ses petites fermes souffrent à nourrir les familles nombreuses. Les jeunes gens rêvent de modernité et s’en vont chercher le travail là où il est. Loin.

Derrière ces installations, un haut fonctionnaire breton, Pierre Marzin (1905-1994), fils d’un mécanicien agricole de Lannion, né en 1905, polytechnicien, diplômé de l’École nationale des télécommunications, directeur des recherches et du contrôle technique des PTT dans les années 1930. on lui doit l’invention du système à courant porteur qui a permis d’augmenter la capacité de transmission de chaque fil téléphonique.
En 1954, Pierre Marzin devient directeur national du CNET
Centre national d’études des télécommunications, dont il reconstitue l'unité en installant tout l'effectif parisien dans le nouveau bâtiment d' Issy les Moulineaux.

Il définit l'objectif de la commutation temporelle, qui doit aboutir à la transmission numérique et à la commande automatique de toutes les commutations par des ordinateurs, interprétant les numérotations d'appels téléphoniques comme des messages à traiter.

1938 En angleterre,c'est un scientifique britannique Alec Harley Reeves qui a reconnu le potentiel de la modulation par impulsions codées pour réduire le bruit lorsque la parole est transmise sur de longues distances. Avec un signal analogique, chaque fois que le signal est amplifié, le bruit contenu dans le signal est également amplifié et un nouveau bruit supplémentaire est ajouté. Avec la modulation par impulsions codées, il suffit de régénérer les impulsions, donc le contenu en bruit du signal n'est pas augmenté.
Reeves brevete l'invention en 1939 le PCM ; pulse code modulation . Le PCM fonctionne en échantillonnant l'amplitude des signaux analogiques à des intervalles uniformes. Après avoir obtenu un brevet en France et aux États-Unis, cependant, Reeves a mis l'idée de côté.
Malheureusement, son idée nécessitait des circuits assez complexes (selon les normes des années 1930), qui n'étaient pas rentables en utilisant des vannes tube à vide). La modulation par impulsions codées n'a été utilisée que dans les années 1950 sur les câbles de transmission, lorsque l'invention du transistor l'a rendue viable.
Il faudra encore attendre pour entrevoir la révolution MIC (modulation par implussion et codage) utilisée dans les années 60.

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Parallélement, aux Etats Unis

1942 Dans les laboratoires Bell, l'une des expériences de recherche d'avant-guerre a été d'effectuer la commande électronique par "tube à gaz" des selecteurs de cadres Crossbar.
Premier modèle Modèle 2
Après la Seconde Guerre mondiale, cet effort a été relancé en vue d'équiper un petit bureau crossbar qui serait plus fiable que le système précedent. Le développement a été réalisé au sein du bureau d'études sous la supervision de F. A. Korn de l'organisation de développement.
La conception du système a commencé en 1946. Le plan du système était très similaire au précedent.
Le développement final a été abandonné car ce système ne pouvait pas concurrencer économiquement les centraux Strowger,Panel,Crossbar.

Dès 1942, des études ont été faites sur la commutation temporelle, mais les systèmes utilisant cette technique se sont avérés limités. En conséquence, la plupart des efforts d'après-guerre se sont portés sur la "commutation spatiale",

Sous la direction de W. D. Lewis, l'équipe de E. B. Ferrell, W. A. Malthaner, C. A. Lovell, M. Karnaugh, W. A. MacNair, H. E. Vaughan, J. D. Johannesen, D. B. James, J. R. Runyon, E. Bruce, N. D. Newby et bien d'autres ont établi de nouvelles des idées et des dispositifs de commutation, et a suscité l'intérêt pour la commutation électronique non seulement dans les laboratoires Bell, mais aussi dans le monde entier.
En 1945, Vaughan entreprit des travaux de recherche sur un système expérimental de commutation automatique à commande électronique appelé "ECASS", un système à grande vitesse utilisant des tubes à gaz à cathode froide, des interrupteurs à lames et un poste téléphonique spécial.
Ce projet a été suivi quelques années plus tard par des travaux sur un autre système de commutation expérimental - Drum Information Assembler and Dispatcher - "DIAD". techniques de balayage dans la commutation.

En 1949
, de nombreux modèles avec ces concepts existaient et stimulaient la réflexion de nombreux ingénieurs sur les systèmes de commutation électroniques en général. Un système de séparation temporelle à 100 lignes, comme que l'on appelait alors division temporelle, a été construit en 1950, et un système de division de fréquence a été étudié. Des circuits de verrouillage à transistors et, éventuellement, des points de croisement ont été réalisés, des expériences de réseau on été menées en 1951. Le stockage sur (disque) "tambour magnétique" a été utilisé dans le système DIAD en 1954 . Un système de traducteur (sur disque magnétique) a été envisagé, à la place d'un traducteur à carte perforées, mais il n'a pas été jusqu'en production ...

En 1951,
C. E. Brooks et son groupe d'ingénieurs système à la "Bell Laboratories West Street" à New York a commencé à définir les exigences d'un bureau central électronique. Les anciens centraux téléphoniques avaient besoin de remplacants plus modernes, et l'électronique semblait offrir une opportunité économique et d'espace importante. C'était une époque qui avait vu l'invention du transistor et l'introduction de l'ordinateur électronique à programme enregistré. De plus, les évolutions technologiques très rapides commençaient tout juste à rendre disponibles de nouveaux composants à haut débit destinés à la commutation téléphonique. Des centraux ou des sous-systèmes fonctionnels ont été conçus, construits et testés par les ingénieurs de Bell Labs dans le cadre de la recherche sur la commutation à Murray Hill, New Jersey et du développement de la commutation à West Street. Ces efforts ont été mis en parallèle et soutenus par des innovations par les organisations de recherche physique et de développement d'appareils électroniques de Murray Hill. La conception d'ECASS et de DIAD a servi de base à l'étude, mais l'innovation continue et l'évolution des technologies orientaient déjà les choix pour les appareils et les méthodes de fonctionnement du système ...

La décision est prise au milieu des années 1950, de développer le système de commutation électronique ESS. L'idée d'introduire l'électronique en commutation n'est pas nouvelle et plusieurs maquettes ont été réalisées aux Laboratoires Bell depuis les années 1940.
En 1952, Vaughan devenu superviseur au département de recherche sur la commutation, où il a mené des études sur les utilisations des mémoires à transistors, ferroélectriques et magnétiques à utiliser dans les systèmes logiques. En 1955, il est nommé chef du département de recherche sur la commutation. Ses travaux antérieurs sur ECASS, DIAD et d'autres systèmes de commutation expérimentaux ont ouvert la voie à des travaux importants sur un centre à semi-conducteurs expérimental (ESSEX), qui a débuté en 1955.
En septembre 1955
, Lovell et Ketchledge décidèrent de passer au contrôle par programmes enregistrés, Ces unités appelées ESSEX pour un "Centre expérimental à semi-conducteurs " simulent une partie du système construit pour l'étude exploratoire des possibilités d'intégration de la transmission et de la commutation à l'aide de techniques PCM (modulation par impulsions et codage).
A cette date la conversion PCM est effectuée dans des "concentrateurs" spéciaux proches d'un certain nombre de clients. Il faut côté central, installer l'autre concentrateur pour démoduler les conversations. Ce n'est pas encore satisfaisant et viable. En raison des progrès limités de l'électronique à l'époque (basés sur l'utilisation de tubes à vide).
En 1957, la situation est nouvelle : le programme de construction d'un commutateur entièrement électronique de type spatial entre dans sa phase industrielle.
Deux conceptions techniques vont émerger de l'électronisation des commutateurs : le spatial et le temporel. Schématiquement, on peut distinguer deux opérations essentielles : la commande et l'exécution de l'aiguillage des communications. Les deux techniques ont recours pour la commande à des calculateurs de type universels (avec de nombreuses variantes). En revanche, l'aiguillage (réalisé par un réseau de connexion) est radicalement différent : en spatial, le signal entrant par un circuit est aiguillé vers un autre (sortie) par un réseau physique dont le point de croisement est activé par un composant (diode à gaz, relais, diode pnpn...). Dans la seconde, il n'y plus de notion de circuit; une communication (une série de paquets de bits) est aiguillée vers une sortie par des moyens purement logiques (répartition temporelle).
La commutation des circuits téléphoniques doit se faire à l'aide d'un composant spécifique, une diode à gaz. Les américains mettent l'accent sur le cœur du système, un calculateur de type universel - programmable - qui commande l'ensemble des opérations effectuées par un central téléphonique. Ces ingénieurs semblent surtout préoccupés par les difficultés rencontrées dans la mise au point et la fiabilité de certains éléments, notamment les mémoires vives et permanentes. Les développeurs américains soulignent leur visée : leur système doit permettre d'intégrer aisément des améliorations - sans de lourdes et coûteuses interventions matérielles - par exemple offrir des fonctionnalités nouvelles, telles la possibilité de numéros abrégés, le transfert d'appels, des services du type lignes groupées, etc., une exigence qui répond, pensent-ils, à une forte attente des abonnés américains, déjà très nombreux et plus rompus à l'usage du téléphone que les abonnés des autres pays (Europe, Japon).

En 1957-1958 Un modèle de laboratoire a été assemblé et les premiers programmes de commutation téléphonique ont été écrits et construit au Whippany, New Jersey Laboratory. À ce moment-là, Morris, dans l'Illinois, avait été sélectionné pour le site d'essai sur le terrain, le système modèle est devenu connu sous le nom de «pré-Morris».

Le réseau de commutation et le réseau concentrateur associé fournissent les chemins fréquentiels voix permettant d'interconnecter les lignes téléphoniques entre elles et avec les jonctions et les signaux divers (sonnerie, tonalité, etc.). L'élément de commutation est un tube à gaz à cathode froide (photo ci dessous)
Il s'agit d'une diode remplie de néon utilisant une cathode creuse pour obtenir une résistance négative. à l'état conducteur. Cela tend à compenser les pertes de transmission des transformateurs et d'autres éléments dans le chemin de conversation. Ces tubes à gaz sont disposés dans des racks.
L'application de la moitié de la tension de claquage sur un fil d'entrée et un fil de sortie provoque l'allumage du tube à gaz reliant ces fils et connecte les fils pour la transmission de la parole. Un seul côté du circuit de transmission est commuté, l'autre côté étant mis à la terre. Un grand nombre de ces commutateurs sont connectés ensemble pour former le réseau complet. Une connexion typique se ferait par un tube dans un commutateur concentrateur, puis par six tubes dans le réseau de commutation, et enfin par un tube dans un commutateur concentrateur vers l'autre téléphone.
Les points de croisement des tubes gaz et les circuits de commande sont assemblés dans des boîtiers enfichables qui sont ensuite insérés dans l'armoire. Cela permet une maintenance et une croissance faciles.

Rack
Circuits et connecteurs enfichables utilisés dans le système de commutation électronique du modèle de laboratoire du milieu des années 1950.
AT&T a créé des composants spécialement conçus pour être utilisés dans ce type de système. Voir le Brevet US2743316A de 1953

1958 Le premier appel téléphonique a été passé via ce système en mars. Les centres pré-Morris et plus tard Morris utilisaient un système de commutation piloté par des "tubes à gaz" . Grâce à l'utilisation de la modulation par impulsions et codage (PCM), les signaux sont convertis en impulsions numériques codées. Ces impulsions sont transportées à grande vitesse vers leurs destinations sur quelques lignes seulement et sont ensuite reconverties en signaux standard pour la livraison.

Jugeant leur expérience solide, estimant le développement de leur prototype suffisamment avancé, évaluant leur avance technologique suffisante, les responsables du projet ESS (Laboratoires Bell et Western Electric) décident de réunir un symposium international privé du 4-6 mars 1957. Ils invitent les ingénieurs et chercheurs de tous les exploitants ou fabricants de matériels avec lesquels la Western Electric a des accords de brevets afin de leur présenter en détails leur prototype, leurs choix techniques et technologiques, dont trois ingénieurs français étaient présent.

Début 1959 les américains assistent à la mise en service du central électronique à Morris (Illinois)
Morris
A droite, le réseaux de concentration et de distribution du système Morris. Les lampes fluorescentes excitaient suffisamment d'électrons libres pour que les tubes à gaz fonctionnent. D.T. Osmonson vérifiant le fonctionnement d'un module de tube à gaz dans le réseau de diodes du réseau.)

Le Poste téléphonique utilisé dans le procès Morris.
Le téléphone utilisait deux transistors dans un amplificateur accordé pour détecter une fréquence de sonnerie particulière et amplifier le signal pour piloter la sonnerie miniature. Le circuit à transistor fourni une amplification pour la sonnerie et la parole.
Un document complet et très détaillé est accéssible à cette adresse (cliquez sur le lien).

Entre 1960 et 1962 AT&T a mené des essais sur le terrain d'un nouveau système de commutation électronique qui utilisait une variété de dispositifs et de concepts. La première version commerciale, mise en service en 1965, est connue sous le nom de N°1 ESS.

Le système de commutation électronique n° 1 ESS a été le premier central téléphonique à commande par programme enregistré (SPC). Il a été fabriqué par Western Electric et mis en service pour la première fois à Succasunna , New Jersey , en mai 1965.

Le ESS 1 utilise 160 000 diodes, 55 000 transistors et 266 000 résistances, condensateurs et autres composants. Ceux-ci étaient montés sur des circuits imprimés enfichables uniques. Le ESS 1 , bien qu'il ne s'agisse pas d'un commutateur "numérique", puisque les appels étaient toujours traités dans un format audio analogique à l'aide de relais Reed miniatures dans un format matriciel de type barre transversale. Mais le principal avantage était un nouveau concept appelé Stored Program Control (SPC), qui permettait au commutateur d'avoir une mémoire électronique. Cela a permis de nouvelles fonctionnalités telles que l'appel en attente, le renvoi d'appel et la numérotation abrégée. D'autres avantages étaient la possibilité de modifier la "programmation" du commutateur en cas de besoin pour modifier les paramètres (routages d'appels) et d'ajouter des fonctionnalités supplémentaires lors de leur développement. Les commutateurs crossbar et pas à pas existants fonctionnaient en temps réel et exécutaient les commandes au fur et à mesure. Le ESS 1 pouvait stocker tous les chiffres composés et agir en conséquence une fois la numérotation terminée.
Début 1965, les systèmes PCM en exploitation comprenaient environ 3000 groupes de 24 canaux de type T1, aux États-Unis.
Bell aura passé 10 ans et 500 millions de dollars pour développer le système de commutation électronique numéro 1.

...
C'est seulement en 1976 qu'aboutit le projet No 4 ESS de Vaughan, le premier central téléphonique temporel public est ouvert à Chicago.

Mais bien avant le centre de Chicago, à Perros-Guirec en 1969 le premier centre téléphonique temporel (du monde) a été mis en service par le Cnet et Alcatel.

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Revenons en France après la fin de la guerre

1955, Trébeurden bénéficie de l’installation d’une entreprise fabriquant des ballons-sondes pour la météorologie. Elle produit des fournitures en matière plastique et de la mécanique de précision pour l’électronique. Il s’agit de la première activité en lien avec l’électronique en Bretagne.

En juin 1955, une commission rédige, à la demande du gouvernement Edgar Faure, un rapport précis sur les sites des établissements publics de la région parisienne susceptibles d’être décentralisés en province. Seules les PTT (Postes, Télégraphe, Téléphone) répondent favorablement.
En novembre 1956, un rapport sur la décentralisation administrative propose plusieurs déconcentrations de services de l’État, mais la plupart des responsables concernés affirment que le maintien en région parisienne est indispensable.

A la fin des années 1950, la découverte du transistor excitait l’imagination des ingénieurs et les projets de " calculateurs " destinés à remplacer les
machines comptables à cartes perforées (à relais ) voient le jour en particulier chez IBM et à la Compagnie des Machines BULL. Dans les équipements de télécommunications, ce sont les autocommutateurs qui ont besoin d’intelligence, mais le réseau de connexion électromécanique (Crossbar ...) aimerait aussi évoluer.
Les laboratoires BELL aux USA, inventeurs du transistor, étaient déjà au travail sur un futur autocommutateur électronique, quand en 1957, Pierre Marzin, directeur du CNET, y envoie en mission exploratoire quelques ingénieurs du CNET d’Issy-les-Moulineaux.

Mais quelles activités est-il prévu de déléguer aux laboratoires de Lannion ? Il semble bien acquis que P. Marzin voulait faire de la recherche sur l’espace un des points forts du nouveau centre .La création du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) mit fin à cette espérance. L’idée s’impose alors de spécialiser Lannion dans les études dites soit d’avant-garde, soit d’échéance à plus long terme.

Du 4 au 6 mars 1957 organisé par AT&T se tient aux USA le tout premier Colloque de Commutation Électronique (Electronic Switching Symposium) à l'initiative des Laboratoires Bell, qui dans le domaine de la commutation temporele ont été les leaders comme nous l'avons vu.
Ce colloque auquel trois ingénieurs du CNET participent, racontent à Pierre Marzin l'évolution récente de la commutation téléphonique électronique aux États-Unis.. Cela agit comme un électrochoc en France.

Convaincu que l'électronique était la voie à suivre pour développer la prochaine génération de commutateur, le 25 mars 1957, Pierre Marzin, créé le Département Recherches sur les Machines Électroniques (RME) à Issy-les-Moulineaux, comprenant deux sections: l’une orientée calculateurs et technologies associées [circuits logiques, mémoires vives, mémoires de masse (disques, bandes magnétiques ...), et l’autre orientée commutation avec deux thèmes: le point de connexion et l’architecture de commande prenant en compte les contraintes " temps réel " (point très important vu les performances technologiques de l’époque.
La mission du RME était de créer un système de commutation électronique. Louis Joseph Libois était en charge de cette nouvelle division. En créant cette nouvelle division, Marzin est allé à l'encontre de l'organigramme de l'entreprise selon lequel la "division commutation téléphonique" aurait dû être tâche de développer le nouveau système de commutation. Au lieu de cela, Marzin confia la responsabilité du programme à de nouveaux hommes issus de différentes divisions.

Au début des années 1960, la technologie des semi-conducteurs progressait à grands pas et les calculateurs électroniques sont devenus des « Ordinateurs » qui disposent d’une certaine puissance de traitement en temps réel, qui est l’une des caractéristiques importante d’un système de commande d’un autocommutateur. L’autre caractéristique est d’avoir un programme de fonctionnement enregistré et donc facilement modifiable.
Quant au point de connexion à semi-conducteurs pour la réalisation du réseau, les limites sont très vite apparues. En effet, en plus du bilan de transmission qui n’était pas excellent, il y avait les contraintes des interfaces avec le réseau existant: ligne d’abonné alimentée en 48 volts, courant de sonnerie d’une centaine de volts alternatifs, etc... On s’est donc orienté vers des relais à tiges sous enveloppe scellée, de plus faible dimension que les relais classiques, commandés par des circuits électroniques et ayant de bonnes caractéristiques de transmission.

Cronologique de la commutation éléctronique française

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L'ordinateur, la partie intelligente :
On distingue soigneusement entre les calculateurs d'usage général achetés (CAB 500, IBM 1620, CAE 9080, puis GE 635 avec Datanet 30 et deux GE 115 à Lannion et Paris) qui font leur apparition et les calculateurs temps réel construits localement pour le programme, dont le premier est Antinea (1958).
C'est une synthèse des travaux entrepris auparavant sur les mémoires, notamment les mémoires mortes, et sur les circuits à transistors.
Antinea
fait partie de la nouvelle "génération" des ordinateurs transistorisés. C'est surtout, de notre point de vue, le premier calculateur électronique digital construit et mis en service opérationnel par un laboratoire français du secteur public .
Antinea
sera connectée à une maquette d'autocommutateur, baptisée Antares, et exécutera des programmes à partir de 1960.

Le Chef du Département RME nommé par P.Mazin est Louis-Joseph Libois, venant du Département Faisceaux-Hertziens avec quelques collaborateurs dont André Pinet, qui avaient « touché » aux multiplex temporels dans les faisceaux hertziens.
André Pinet, le chef de projet possède une bonne expérience dans des domaines variés, y compris sur la commutation.
Sur le numérique il a été un pionnier en ayant travaillé sur le codage PCM (Pulse Code Modulation), dès 1947, dans la ligne de l’invention d’Alec Reeves en 1938 au laboratoire LMT de Paris, puis dans une deuxième étape à partir de 1958, au moment où on peut utiliser des transistors pour faire des réalisations expérimentales. Il est un chef de projet pragmatique qui donne des objectifs intermédiaires et fait des choix pouvant être révisés plus tard, en fonction de la disponibilité de nouveaux composants.

L'équipe RME est partie de la recherche fondamentale afin d'explorer, sans a priori, une grande variété de directions.
Sa première réalisation fut la construction de deux prototypes, ANTINEA (1958-1960) et ANTARES (1961-1963), qui permirent l'équipe pour évaluer le problème dans deux directions principales
• Le bon usage des composants électroniques
• Les méthodes de conception de logiciels

Parallèlement, l'équipe a étudié les technologies développées dans le monde anglophone. A la fin des années 1950, malgré le développement des transistors, le l'industrie électronique reposait encore sur les tubes.
L’influence des Bell Labs est telle que les études de R.M.E. s’orientent tout naturellement vers les mêmes structures « spatiales ».

Dans ce contexte, les Britanniques ont décidé de construire un central entièrement électronique à l'aide de tubes. Leur prototype, surnommé "l'usine à gaz", était extrêmement volumineux, nécessitait un système de refroidissement par air et fonctionnait en deçà des attentes. En conséquence, sa triste carrière s'est terminée en 1963. Après cet échec coûteux, les Britanniques sont restés en dehors du domaine de la commutation électronique pendant les vingt années suivantes.

Comme nous l'avons expliqué, les Américains étaient moins ambitieux, décidant d'explorer d'abord la "technologie de division spatiale". Bell Labs a réussi et a choisi Morris, Illinois, comme emplacement du premier système central de ce type, qu'il a achevé en novembre 1960. AT&T a créé des composants spécialement conçus pour être utilisés dans ce type de système. Cette partie du projet était l'une des plus coûteuses.

Mais ni le plan américain, trop cher, ni le plan britannique, qui avait échoué, n'ont pu être adoptés par CNET Grâce à ces différentes expériences, les ingénieurs de RME ont décidé d'adopter ce qu'ils estimaient être une démarche plus réaliste : « La politique adoptée à cette époque était d'essayer d'utiliser les composants qui étaient censés devenir très largement utilisés à l'avenir.
Cela signifiait qu'ils devaient suivre au plus près l'évolution de la technologie informatique, sachant que ce marché deviendrait rapidement le principal débouché des composants électroniques.

Pendant tout ce temps-là (de 1957 à 1961), Pierre Marzin, profitant d’une incitation gouvernementale à la décentralisation des organismes publics, et avec l’appui en particulier de René Pléven, premier ministre (on disait Président du Conseil) et député des Côtes du Nord, décide d’implanter un deuxième Centre de Recherche du CNET à LANNION. C’était très courageux, mais Pierre Marzin était un fonceur éclairé.
Au CNET à Issy-les-Moulineaux, il y avait très peu de candidats pour Lannion, il y en avait plus pour une ville comme Grenoble par exemple. On dit que Pierre Marzin avait fait un sondage: voulez-vous aller à la mer ou à la montagne ? 80% ont répondu la mer disait-il. Evidemment, ce sondage supposé n’a jamais existé.
En 1960, un jeune ingénieur ENST (moins jeune qu’en sortant de l’École car il venait de faire 30 mois de service militaire, dont une partie en Algérie), natif de Ploubezre, Jean-Baptiste Jacob, fait acte de candidature au CNET, en indiquant qu’il était candidat pour Lannion (enfin un). Il rentre au CNET à Issy-les-Moulineaux en juillet 1960, où il partage le bureau avec André Pinet.
A partir de 1961, une petite équipe de volontaires pour Lannion se constitue autour de Jean-Baptiste: un technicien originaire de Lannion rentrant du service militaire, deux jeunes techniciens sortant du cours de formation des PTT (rue Barrault).
Monsieur Libois avait accepté de devenir le responsable du CNET à Lannion, en conservant la direction du département RME. André Pinet s’était également déclaré intéressé par Lannion.
En juin 1961, Monsieur Libois avait reçu dans son bureau André Pinet et Jean-Baptiste Jacob, tous deux candidats pour Lannion, où devaient se faire les recherches « long terme », conformément aux orientations données par la direction du CNET. Monsieur Libois avait un article d’un chercheur d’IBM qui donnait un point de vue prospectif sur l’évolution des télécommunications et de l’informatique (ou téléinformatique): il voyait ces deux domaines évoluer vers la même technologie numérique (parole, données ...). Monsieur Libois nous indique qu’il partage ce point de vue et qu’à Lannion, c’est ce type d’études à long terme qui allait se faire: "vous allez travailler sur les systèmes de l'an 2000".

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En 1961 les bases théoriques de la commutation numérique sont à peu près maitrisées, notamment avec les apports du laboratoire LCT de l’avenue de Breteuil, lié à la société LMT.
En effet en 1947 Maurice Deloraine, alors directeur technique du groupe ITT, avait déposé le premier brevet de commutateur numérique à répartition temporelle et soutenu une thèse de Docteur-Ingénieur à Paris sur ce thème.
Puis au sein du LCT, en 1948-50 Pierre Aigrain vérifie la faisabilité d’une commutation analogique à répartition temporelle avec modulation PAM (Pulse amplitude modulation) et enfin en 1958 le brevet E. Touraton-J-P. Le Corre, ingénieurs au LCT, complète celui de M. Deloraine.
Contrairement à la commutation spatiale qui oriente les signaux téléphoniques tels qu’ils lui sont transmis à partir du microphone de l’appareil d’un utilisateur, la commutation temporelle ne les aiguille qu’après les avoir échantillonnés dans le temps et transformés en combinaisons numériques selon le principe de la modulation par impulsions codées (MIC). Cette transformation en numérique permet d’utiliser un réseau de connexion intégralement électronique et contourne donc les difficultés que rencontre la commutation électronique spatiale à trouver un point de connexion réellement satisfaisant . Malgré cet avantage, la complexité technique, et donc le coût élevé de l’opération, enlèvent apparemment toute chance à la commutation temporelle, du moins au début des années 1960. Mais celle-ci peut retrouver un intérêt fondamental dans la mesure où elle est transparente à ce système de modulation par impulsions codées qui retient depuis longtemps déjà l’intérêt des spécialistes de la transmission.

Début 1963 C’est donc au sein du département C.T.I. que commencent, les études de commutation temporelle. répartis entre Issy-les-Moulineaux et Lannion c'est ce que nous avons évoqué avant:
Deux études sont menées parallélement par les équipes du CNET :
1 - système spatial et à commande centralisée (devant aboutir à une industrialisation à court terme) à Issy-les-Moulineaux.
2 - système temporel (à long terme) à Lannion,
Deux projets sont lancés en parallèle.

1964-66 Le premier système (maquette) temporel est un autocommutateur privé de 200 lignes, l’AT 200. Les échantillons de parole sont seulement modulés en amplitude (M.I.A. donc sans codage) et sont véhiculés sur un multiplex de 32 voies, secouru en cas de besoin par un autre multiplex identique.
La commande est constituée d’un multienregistreur et d’un traducteur dont les données sont doublées sur un ruban de papier perforé.

Le premier exemplaire est réalisé au C.N.E.T. ; le second est fabriqué par le laboratoire commun de SO.CO.TEL. (installé à Lannion) et envoyé à l’exposition universelle de Montréal en 1967 où il surprend les visiteurs des sociétés Bell des États-Unis et du Canada.

Les premiers succès

Le nombre de personnes impliquées dans le projet augmentant continuellement, les premiers résultats semblaient encourageants.
Même si la commutation temporelle était l'objectif principal à long terme, il était impossible de négliger complètement la technologie spatiale. Ainsi, ces deux branches ont été travaillées simultanément au cours des années 1960, les premiers résultats se produisant dans la technologie de division spatiale. Les résultats se sont présentés sous la forme de deux prototypes qui ont permis aux scientifiques du CNET d'explorer différentes voies de développement et de tester de nombreuses solutions différentes.

ARISTOTE devait être utilisé pour mettre en place un système de grande capacité organisé autour d'un processeur central et de plusieurs processeurs secondaires périphériques. ARISTOTE était purement électronique, le réseau de commutation étant constitué de matrices de transistors. Son processeur central RAMSES avait été développé à partir d'Antinéa. (Antinea avait été connectéà une maquette d'autocommutateur, baptisée Antares).
Avec le calculateur RAMSES , il s'agit d'étudier un véritable prototype d'autocommutateur, sur lequel on pourra commencer à expérimenter des nouveautés opérationnelles, cad des services accessibles seulement aux commutateurs numériques. Ramses comporte des tambours magnétiques, sur lesquels on stocke les informations comptables relatives aux abonnés. Le prototype sera installé à Lannion.
Un Ramses II sera ensuite réalisé, logiquement semblable mais plus performant, pour l'équipement du CNET Paris.
Les deux Ramses, qui utilisent des tambours SEA et des bandes de la Compagnie des Compteurs, resteront en service jusqu'en 1973.

Le Commutateur ARISTOTE est mis en service en exploitation réelle sur le réseau téléphonique public le 10 février 1966 et ce jusqu'en 1969.

Jean-Baptiste Jacob arrivé en 1961 à Lannion avec sa petite équipe qui s’était un peu étoffée au cours de l’année et avec trois sujets
Les études à mener :
- réaliser des schémas logiques du calculateur SOCRATE , calculateur de commande de l’autocommutateur du même nom,
- commencer la programmation de SOCRATE,
- qualifier des relais à tiges réalisés à Issy-les-Moulineaux et étudier une carte matrice de connexion à base de relais à tiges
Cela permet de tester fiabilité et performances des circuits, et d'entraîner les personnels à la conception de systèmes et à leur programmation.
En septembre 1962, André Pinet vient s’installer à Lannion et bien sûr l’équipe de Jean-Baptiste a grandi. D’autres personnes arrivent, en particulier l’équipe qui étudie le convertisseur analogique - numérique.
Parallèlement, un effort particulier a été fait pour développer de nouveaux logiciels.
Dans ce domaine, les chercheurs ont été surpris par la complexité des problèmes qu'ils avaient à résoudre et leur évaluation a pris beaucoup de temps. Lorsqu'ils se sont produits, ces retards étaient dus à une sous-estimation du temps qu'il faudrait pour écrire et tester le logiciel.

SOCRATE était beaucoup plus traditionnel et reposait essentiellement sur des composants à barre transversale. Son objectif principal était de développer un nouveau logiciel pour le système de contrôle. Il est doté d’un réseau de connexion de type Crossbar CP400 piloté par deux calculateurs spécialisés dénommés multienregistreurs fonctionnant en « partage de charge » comme dans les commutateurs électromécaniques. Ce principe, adopté sur les conseils de P. Lucas, se distingue de celui des Américains basé sur le « synchronisme » des deux calculateurs.
Le département RME poursuivra son effort pour maintenir la technologie de ses ordinateurs au meilleur niveau, d'abord avec RME. X1, calculateur réalisé en TTL en vue d'un projet Cheops de calculateur pour commutateurs, puis avec RME. X2, maquette ECL destinée à des commutations plus rapides.
L’architecture d’un autocommutateur des années 1960 avait :
- un réseau de connexion spatial métallique (relais à tige, Crossbar standard ou miniaturisé),
- une commande centralisée assurée par deux calculateurs (spécifiques) fonctionnant soit en partage de charge soit en micro synchronisme.
Commutateur SOCRATE le 21 avril 1964, remonté à Lannion.
elle période de recherche du CNET a commencé en 1965 et deux nouveaux prototypes ont été développés.
Le premier centre PERICLES (à commutation spatiale) a été créé en association avec les constructeurs et a conduit à l'installation en 1970 du premier central téléphonique à Clamart. Ce système a formé la base du Metaconta développé plus tard par LMT.



Commutateur PÉRICLÈS I Paris-Michelet, peu avant sa mise en service. Carte composant la Matrice de Connexion des Commutateurs PÉRICLÈS, réalisée à partir de 128 relais à tige et contacts scellés.

En même temps:
-les études de développement d’un relais à tiges se poursuivent,
-les études d’un convertisseur analogique - numérique, le COdeur DECodeur (CODEC) démarrent, car c’est un élément de base pour un système numérique de commutation temporelle. Cette étude est supervisée par André Pinet .

ARISTOTE et SOCRATE étaient tous deux raccordés au réseau de Lannion au milieu des années 1960.
Les principales décisions prises par CNET à la suite de ces expériences ont influencé de manière décisive le développement de la commutation électronique.

La mode étant à l’époque de baptiser les projets de noms glorieux de l’Antiquité (RAMSES, ARISTOTE, SOCRATE, etc.), c’est ainsi que l’illustre PLATON (prototype lannionnais d’autocommutateur temporel à organisation numérique) espère un futur aussi prestigieux que son passé !
Très rapidement, l’organisation générale du commutateur, c’est-à-dire la répartition des différentes opérations à effectuer, est arrêtée .

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Suite aux travaux et recherches principalement sur le projet Antinéa Ramsés, loin de Paris, et de leur hiérarchie, les ingénieurs du Cnet se sentent libres d’essayer, d’oser. Ils lancent un pari sur l’avenir, raconte Yves Bouvier, maître de conférences à la Sorbonne Université et spécialiste de l’histoire des Télécommunications.
Au lieu de travailler sur l’appareil de commutation téléphonique de demain, ils décident de plancher sur celui d’après- après-demain.
Le projet prend le nom de PLATON , prototype lannionais d’autocommutateur temporel à Organisation Numérique.


PLATON était complètement différent. Conçu par Louis Joseph Libois, il était basé sur les principes de la commutation numérique par répartition dans le temps. Afin de créer un système adapté à une fabrication commerciale, PLATON a été conçu comme un système de faible capacité, basé sur une architecture la plus simple possible, utilisant un minimum de nouveaux types d'équipements. Néanmoins, son architecture était révolutionnaire.
Les principes du design de Platon peuvent être vus par un œil expert comme préfigurant deux tendances majeures qui allaient prendre de plus en plus d'importance à partir de la fin des années 1970 : la décentralisation des unités de contrôle et l'utilisation de micro-ordinateurs à cette fin.
On notera qu'au début des années 1970, lorsque Platon était en cours de développement, les microprocesseurs commençaient tout juste à apparaître et le terme même de "microprocesseur " n'avait pas encore été inventé.

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Retour au projet de décentralisation :

Pierre Marzin suggère l’idée d’installer une antenne du Cnet (Centre national d'études des télécommunications) à Lannion.
L’air, dit-il, y est très pur et la main d’œuvre bretonne est excellente et abondante." Il obtient le feu vert du gouvernement et des élus bretons !

« Un seul haut fonctionnaire a montré de la bonne volonté, un seul a dit oui, Pierre Marzin, directeur du Cnet », déclare René Pléven, président du Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (Célib), et aussi président du Conseil général des Côtes-du-Nord, ancien président du Conseil, fréquemment ministre .
Pierre Marzin confirme : « La région lannionaise convient bien au projet » et l’on parle d’une première tranche : un laboratoire de 500 chercheurs. L’aérodrome de Lannion-Servel, à quelques mètres des terrains envisagés pour l’installation du Cnet, constitue un argument essentiel pour des transports rapides de personnes et de matériel. « Automatiquement, les usines suivront », ajoute le Trégorrois.

Les communes concernées créent un syndicat pour aménager les espaces industriels et de recherche.
Le 8 septembre 1960, le président de Gaulle visite le centre de recherches en cours d’installation et déclare : « Je viens de voir les prodromes de ce Cnet qui est certainement, ou qui va être chez vous, une des plus belles choses au monde et qui va certainement transformer sensiblement la figure et la nature de votre ville et de votre région. Bien sûr, vous garderez vos traditions ». Il conclut : « La Bretagne doit avancer et la France doit l’y aider. »

En janvier 1961, le premier bâtiment est achevé. Quelques mois après surviennent les décisions d’implantation des premières usines privées : SLE-Citerel, LMT-Thomson, LTT, etc.
La même année, la petite sous-préfecture et les quatre communes voisines décident de fusionner, ce qui donne à la nouvelle commune plus d’espace et de moyens financiers. Prise en fin de IVe République, appliquée sous la Ve, la décision de décentraliser le Cnet a permis l’installation à Pleumeur-Bodou du Centre Technique Spatial avec le radôme – un projet américain ! – puis d’autres antennes pour les liaisons transcontinentales de téléphonie et d’images de télévision.
Le 5 juin 1961, à l’initiative du SIDIRL, M. Ambroise Roux, Président de la Compagnie Générale d’Electricité (CGE), accompagné de MM. Pleven et Pierre Marzin, vient à Lannion examiner les infrastructures et les possibilités de main d’œuvre locale et d’hébergement.
La CGE achète 12 ha à la SEMAEB au tarif de 2 Francs le m2. Les laboratoires de Marcoussis occupent le site en 1964 et y développent des équipements de transmission (Répéteurs Régénérateurs), des antennes et des stations de réception des signaux émis par les satellites météorologiques.

Alors qu'à la fin des années 1960, il n’y avait que 4 millions de lignes téléphoniques en France et que les centraux étaient électromécaniques, le Cnet travaillait pour la prochaine étape ; le tout numérique.
L’expression générique « commutation électronique » s’oppose à « commutation électromécanique », et traduit l’introduction à des degrés très divers des technologies électroniques dans les systèmes de commutation. Mais deux domaines doivent être distingués : le point de connexion et les organes de commande.
Ce qui est commun à tous les systèmes de commutation électronique qui furent développés, c’est que la commande est électronique, qu’elle soit à logique câblée ou programmée, le point de connexion pouvant être électronique (spatial à semi-conducteur ou temporel) ou électromécanique (relais à tige, ou sélecteur Crossbar). Si la combinaison commande programmée enregistrée (c’est-à-dire par calculateur) et point de connexion temporel s’est finalement imposée, toutes les autres combinaisons ont été développées et peu ou prou installées dans les réseaux de par le monde.

Pour les télécommunications française, Alcatel est le lien avec le Cnet de Lannion

Visite du président de Gaulle.
En octobre 1962, le président de Gaulle rend visite au CNET. Il est reçu par Pierre Marzin, directeur, et principal acteur du projet réussi de décentralisation de la recherche, et par l'avocat Henri Blandin, maire de Lannion depuis mai 1961, partenaire actif du projet au niveau municipal - Coll. Louis-Claude Duchesne .

Le 23 octobre 1963, le CNET de Lannion est inauguré par le ministre des PTT, Jacques Marette.
Le Centre National d’Études des Télécommunications (CNET) de Lannion dont la création remonte à avril 1959 (1962 pour la commutation téléphonique) est devenu depuis le centre de Recherche et de Développement de France Telecom (FT/R&D) ;
On inaugure le premier laboratoire du Cnet de Lannion ainsi que les premiers laboratoires de la Société lannionnaise d’électronique (groupe CGE).

Ouvrières de l’électronique.
A partir de 1963, la SLE (société lannionnaise d'électronique), du groupe CGE, s'installe dans le Trégor et y développe des unités de production liés essentiellement au développement du téléphone. Cela fournit du travail à beaucoup de jeunes femmes, à Lannion puis à Tréguier.

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Le projet PLATON

Le second projet concerne l’étude d’un autocommutateur public de moyenne capacité.
La mode étant à l’époque de baptiser les projets de noms glorieux de l’Antiquité (RAMSES, ARISTOTE, SOCRATE, etc.), c’est ainsi que l’illustre PLATON (prototype lannionnais d’autocommutateur temporel à organisation numérique) espère un futur aussi prestigieux que son passé ! Très rapidement, l’organisation générale du commutateur, c’est-à-dire la répartition des différentes opérations à effectuer, est arrêtée .

La commutation temporelle consiste à interconnecter deux voies qui se présentent dans des multiplex de transmission à répartition temporelle. Il s'agit de transférer dans une position temporelle donnée d'un multiplex sortant donné, les informations véhiculées par la position temporelle du multiplex entrant qui correspond à la voie entrante indiquée. Comme il n'y a aucune relation entre les positions temporelles dans le multiplex entrant et dans le multiplex sortant (qui d'ailleurs ne sont pas nécessairement synchrones), il ne suffit pas d'ouvrir, par exemple, une porte rapide mettant les deux multiplex en communication pendant 3,9 us, il faut effectuer en outre un déphasage correspondant à la différence des instants d'apparition des deux voies sur leurs multiplex de transmission respectifs.


Le principe de la commutation temporelle revient à combiner successivement deux types d'opération :
- un changement de position temporelle (opération de type T), qui réalise le déphasage voulu en faisant séjourner dans une mémoire temporaire le temps convenable les signaux transportés par la voie entrante ;
- une commutation spatiale entre des multiplex rendus synchrones (opération de type S) qui s'obtient en ouvrant des portes logiques rapides permettant de transférer les signaux de la voie entrante vers l'organe chargé de reconstituer le multiplex de transmission sortant. Ces portes logiques sont des points de connexion (au sens de la commutation spatiale) mais commandés dynamiquement à une cadence égale à celle des multiplex internes.

II apparaît que l'extrême vitesse de fonctionnement de l'électronique et la modulation par impulsion et codage font de la commutation une manipulation de signaux dans une dimension essentiellement temporelle. Il s'agit de modifier la position temporelle des signaux d'une voie MIC entrante. Pour cela, on les fait séjourner un certain temps dans une mémoire. Puis, quand ils se trouvent en phase avec le multiplex sortant, on les injecte sur la voie correspondante. Par ailleurs, la notion de blocage interne qui incarnait une des limites de la commutation spatiale disparaît en commutation temporelle. Il ne s'agit plus tant de rechercher des itinéraires et de commander leur mise en place, en faisant coïncider un itinéraire et une communication, mais de déphaser des ensembles, d'analyser des signaux et de les concatener de nouveau .

Au printemps 1963, le projet PLATON est lancé avec pour objectif, la réalisation d’une maquette prouvant la faisabilité d’un réseau de connexion
temporel y compris le CODEC. Le responsable du projet est André Pinet.
Pour ce projet de réseau de connexion temporel, il fallait une petite unité de commande capable de recevoir une numérotation et de commander une connexion dans le réseau.
En septembre 1962, on célébrait à Clermont-Ferrand le 300 ème anniversaire de la mort de Blaise Pascal, inventeur en 1642 d’une machine arithmétique. Se tenait donc un colloque traitant des techniques de calcul programmables sur calculateur électronique. Le calcul électronique est évoqué dans quelques-unes des interventions, mais ce qui retient l’attention des deux ingénieurs de Lannion, c’est la présentation d’un ordinateur par la société Packard Bell, fondée aux Etats-Unis en 1926, d’abord fabricante de radios et qui a trouvé le succès dans l'électronique militaire et le marché de la télévision, puis est devenue pionnière dans la fabrication d’ordinateurs.


L’ordinateur présenté est le célèbre PB 250, commercialisé en 1961, l'un des derniers utilisateurs de lignes à retard magnétostrictives en tant qu'élément de sa mémoire. Packard Bell vendait son calculateur mais aussi ses mémoires.

Le PB 250, qui a été présenté par Packard Bell Computer Corporation lors de la Western Joint Computer Conference en mai, est
le premier ordinateur avec ces deux caractéristiques. Ne coûtant que 30 000 $, il peut rivaliser avec les machines à grande échelle en termes de vitesse et de flexibilité. Jusqu'à 40 000 opérations peuvent être effectuées chaque seconde. Le temps d'addition est de 12 microsecondes, la multiplication nécessite 276 microsecondes, tandis que la division et la racine carrée prennent chacune 252 microsecondes. De plus, les trois dernières opérations ont un temps d'exécution variable, en fonction de la longueur des nombres. Les temps indiqués sont pour un nombre composé de 21 bits et signe. Les opérations en virgule flottante avec une mantisse 37 bits et une caractéristique 7 bits nécessitent moins de trois millisecondes.
Outre la rapidité avec laquelle les opérations arithmétiques peuvent être effectuées, la vitesse globale du PB 250 est également fonction d'une structure de commande riche. Les 46 commandes incluent le transfert de blocs, la conversion de Gray en binaire et le contrôle d'un système d'entrée/sortie élaboré. La programmation est simple, avec des instructions à adresse unique, une indexation des commandes et des opérations automatiques à double précision. Le coût par unité de réponse dépend de la facilité de programmation ainsi que de la vitesse de calcul.
Le PB 250 est fourni avec un système de programmation symbolique utilisant des codes d'instructions mnémoniques et une variété de sous-programmes.
Les données et les commandes nécessaires au calcul sont stockées dans une mémoire homogène. Le support de stockage -- de 1808 mots dans l'ordinateur de base -- est un ensemble de lignes à retard magnétostrictives en acier au nickel le long desquelles se propagent des impulsions acoustiques. A une extrémité de chacune de ces lignes se trouve un dispositif d'écriture pour traduire l'énergie électrique en énergie acoustique. A l'autre extrémité de chaque ligne se trouve un dispositif de lecture pour retransformer l'énergie acoustique en signaux électriques.
En réécrivant l'information stockée au fur et à mesure de sa lecture, l'information circule en continu sans altération à l'exception des altérations qui résultent de l'exécution du programme informatique.
Un facteur de coût supplémentaire qui a souvent rendu les petits ordinateurs peu pratiques est celui de l'extension de la mémoire.
Les lignes à retard magnétostrictives, ainsi que leurs circuits associés, sont montés sur des modules gravés enfichables. La mémoire peut être étendue à peu de frais à 16 000 mots par l'ajout de modules similaires, et, en outre, ceux-ci peuvent être à accès rapide ainsi que des lignes de stockage en vrac. 16 000 mots de stockage de base peuvent également être ajoutés en externe, avec une entrée/sortie jusqu'à 85 000 mots par seconde.

Le caculateur PB250 et sa console système

L'ordinateur central pesait 110 livres (50 kg).

Ligne à retard.

La conception a commencé en novembre 1959.
L'ordinateur était conçu comme un composant dans des systèmes à usage spécial, par exemple, pour contrôler les centrales électriques.... entraînement de sous-marins nucléaires ...
PB 250 a été licencié à SETI ( français : Société européenne de traitement de l'information , lit. 'Société européenne de traitement de l'information').

Les informations d'entrée et de sortie peuvent être traitées pendant le calcul.
L'entrée standard comprend une machine à écrire alphanumérique, une perforatrice et un lecteur de bande papier, une entrée et une sortie de bloc à grande vitesse (2 mégacycles), 32 sorties de contrôle et 30 entrées de contrôle. Ce dernier fournit un moyen de contrôler une large gamme d'équipements périphériques et d'autres appareils. L'équipement de bande de papier à grande vitesse et jusqu'à six gestionnaires de bande magnétique sont des équipements en option. Les bandes magnétiques utilisent le format de bande de la série IBM 700, bien que n'importe quel code utilisant jusqu'à huit canaux puisse être utilisé.

André Pinet souligne que pour les mémoires temporaires ou semi-permanentes, choisies sont des lignes à retard utilisant le principe de la magnétostriction : une impulsion électrique délivrée à une extrémité d’un fil d’alliage métallique est restituée à l’autre extrémité avec un retard supposé constant et proportionnel à la longueur de ce fil. Or, si les lignes utilisées pour l’échantillonnage de la parole (donc avec un cycle de 125 microsecondes) sont assez courtes pour rester stables, celles plus longues, et en l’occurrence ici de huit millisecondes, qu’on adopte dans les multienregistreur, traducteur et taxeur pour lesquels ce cycle de travail est suffisant afin de traiter les événements téléphoniques (par exemple la numérotation composée par un abonné) ont un retard trop dépendant des variations de température – et il suffit d’un décalage d’environ 400 nanosecondes pour tronquer les informations. Le réglage répété de ces lignes au moyen d’un tournevis, exécuté parfois par le chef de laboratoiresous le regard à tout le moins ironique de ses techniciens, constitue un criant anachronisme face aux principes futuristes de la commutation temporelle. Les couloirs des sous-sols du C.N.E.T./Lannion seront utilisés pour tester la qualité des alliages constituant ces lignes longues. Mais, ce sont les unités de raccordement
des lignes d’abonnés qui posent les problèmes les plus aigus. En effet, aux habituelles fonctions logiques communes à tout organe d’un commutateur, s’ajoute le traitement des signaux vocaux spécifique aux techniques temporelles. Le choix initial est fait de réaliser l’échantillonnage de ces signaux dans chaque équipement de ligne d’abonné. Au bout du compte, un tel équipement « malgré ses multiples fonctions..., étant propre à chaque ligne d’abonné, doit nécessairement être aussi simple que possible pour ne pas avoir une incidence trop importante sur le coût de l’installation »Jean-Baptiste Jacob, avec un collègue participe au colloque Blaise Pascal, et au retour de mission fait son compte-rendu à André Pinet, compte-rendu dans lequel les caractéristiques du PB 250 sont décrites et en particulier son prix très raisonnable.
André Pinet adopte le PB 250 comme machine de commande de la maquette PLATON. Le bon de commande est lancé et la machine arrive à Lannion au début de 1963.

Comme le projet SOCRATE a été repris entièrement à Issy-les-Moulineaux, l’équipe de programmation lannionnaise se trouve disponible pour la programmation du PB 250. On s’aperçoit très vite que le PB 250 n’est pas adapté pour les traitements " temps réel "comme la réception de la numérotation.
Jean-Baptiste Jacob propose à André Pinet de développer une machine spécialisée dans la réception de la numérotation (un périphérique du PB 250), utilisant une mémoire série à magnétostriction à commander à Packard Bell .
Ce développement est lancé et au fur et à mesure, on se rend compte que cette machine qu’on va appeler multienregistreur a des propriétés intéressantes et finalement va prendre en charge une grande partie du traitement d’appel.
Il a ainsi paru intelligent de développer des machines spécialisées: le traducteur (mémoire de traduction à lignes à retard et sa commande), le taxeur
(architecture voisine de celle du multienregistreur) et le PB 250 assurait les fonctions de supervision, un CTI en" herbe ".

Les organes chargés de piloter l’ensemble des opérations, et en premier lieu une base de temps générale, horloge générant et distribuant les différentes cadences indispensables dans un système temporel. Quant aux organes de commande proprement dits, leur organisation pose problème. Les responsables ont pleinement conscience des difficultés à surmonter pour programmer une machine chargée de toutes les opérations d’un centre de commutation (dont toute une partie exigeant le temps réel) et savent que les énormes moyens mis en œuvre par les « Bell Labs » pour y parvenir ne sont pas mobilisables au sein du C.N.E.T. ou de SO.CO.TEL. C’est pourquoi L. J. Libois souhaite qu’on cherche une solution amenant à une programmation moins lourde et moins onéreuse. Après des réflexions menées en commun avec J.B. Jacob et J. Vincent Carrefour (responsable du centre de calcul du C.N.E.T. au sein du département C.T.I.), A. Pinet s’oriente vers une commande dite répartie : les fonctions en temps réel (établissement, taxation, rupture des communications) seront exécutées par des petites unités spécialisées, les fonctions de gestion et de maintenance dont la réalisation est acceptable en temps différé seront à la charge d’un calculateur de type universel. Celui-ci pourra alors être commun à plusieurs commutateurs. Cette idée est très facilement adoptée par M. Revel, responsable des études sur les organes de commande ; il écrit que « comme beaucoup d’autres à Lannion, j’étais un commutant faisant de l’électronique et non pas, comme à Paris, un informaticien faisant de la commutation ». En effet, lui-même et la plupart des membres de son groupe sont des commutants issus des techniques électromécaniques.
Tous se sentent armés (et motivés) pour concevoir des ensembles logiques pilotés par un programme « câblé » constitué d’instructions complexes adaptées à la téléphonie. C’est ainsi que naît le groupe de quatre organes constituant la commande de PLATON : le marqueur assurant les échanges d’informations entre les différents types d’organes, le multienregistreur pilotant l’établissement et la rupture des communications, le traducteur mémorisant les caractéristiques de tous les accès au commutateur (lignes d’abonnés ou circuits) et le taxeur chargé de calculer les taxes des conversations et de les imputer aux comptes des abonnés concernés. La technique utilisée est plus originale que le vocabulaire directement issu des commutateurs électromécaniques.

C’est aussi dans l’unité de raccordement d’abonnés que doit être réalisé le codage numérique des échantillons de parole. La loi de codage a été choisie après des « essais téléphonométriques et des essais subjectifs d’opinions », en l’occurrence celles des agents du département C.T.I. venant apprécier dans une salle spéciale la restitution plus ou moins fidèle de leur voix selon les différentes expériences de codage. Mais la réalisation d’un codeur respectant la loi retenue n’en reste pas moins très difficile avec les composants disponibles : elle prévoit 128 valeurs différentes, c’est-à-dire 27, or il s’avère difficile de dépasser 26.
Le cumul des difficultés techniques et économiques (les unes réagissant d’ailleurs sur les autres) rencontrées pour développer l’unité de raccordement d’abonnés explique pourquoi c’est cette dernière qui connaîtra, au cours du temps, le plus grand nombre de versions, très différentes les unes des autres, parmi les organes constitutifs de PLATON et de son successeur industriel E10.

Malgré ces contraintes, la première maquette de laboratoire entièrement fabriquée au C.N.E.T./Lannion est assemblée et fonctionne dès 1965. Certains problèmes sont volontairement contournés dans l’attente de technologies plus performantes.
Ainsi, les communications sont établies à travers le réseau de connexion avec des intervalles de temps identiques pour le demandeur et le demandé. En effet, les mémoires (dites « tampons »), permettant d’y inscrire une combinaison de parole codée au temps x affecté au demandeur pour la lire au temps y affecté au demandé,ont un coût encore prohibitif. Les instructions constituant le programme de fonctionnement des organes de commande ne sont pas réalisées sur un support mémoire aisé à modifier. Enfin, le calculateur universel, dénommé Centre de Traitement des Informations (C.T.I.), chargé des opérations de gestion et de maintenance n’est pas jugé indispensable à ce stade de vérifications des principes. Ce rôle est joué provisoirement par un calculateur PB250 de Bull.
Les résultats obtenus sont considérés comme très positifs ; la maquette PLATON fait maintenant partie du circuit traditionnel suivi par les visiteurs officiels du C.N.E.T./Lannion. Les responsables jugent donc possible et nécessaire d’engager une seconde phase du projet devant aboutir à la mise en exploitation réelle dans le réseau.

La mise en construction de la maquette débute le 9 décembre 1965 et en Février 1966, deux "abonnés" peuvent se parler à travers le Réseau de Connexion de la maquette. A partir de là «dès 1965, était édité un premier projet sous forme d’une note interne du CNET, avec tous les schémas de Platon ».

Mais quelles appréciations les experts portent-ils sur cette première réalisation ?
La nature temporelle du système PLATON les laisse toujours sceptiques quant à la possibilité de réaliser à court terme des réseaux de connexion de capacité suffisante. Le surcoût apporté par le passage « fréquences vocales-modulation par impulsions codées » au niveau des étages d’abonnés leur paraît également impossible à compenser par les économies attendues par ailleurs de l’électronique.
Mais ils sont encore beaucoup plus réservés, et le terme est sans doute faible, sur la structure qui a été choisie pour les organes de commande. Comment peut-on se priver de la souplesse des programmes enregistrés (modifiables par une simple relation homme-machine, sans intervention « physique ») gérés par des calculateurs au sein desquels sont centralisées toutes les fonctions ? Pourquoi prendre une autre option que les Bell Labs et A.T.T. qui, à la même époque (1965), mettent en service réel à Succasunna le prototype de l’ESS1 piloté par deux calculateurs synchrones ?
On juge indélicat de rappeler qu’on ne maîtrise absolument pas la conception de programmes aussi vastes pour lesquels les Bell Labs ont consacré des moyens absolument exceptionnels et un temps ayant dépassé, tout aussi exceptionnellement, les prévisions.
Aussi, la conclusion de l’article de présentation du projet dans le numéro 12 de Commutation et Electronique de mars 1966 consacret-elle à peine 15 % de sa longueur à rappeler les avantages attendus de la commutation temporelle, « en particulier ceux qui concernent le faible encombrement des installations, l’absence de bruit, la qualité du service due à l’extrême rapidité d’exécution des opérations, la souplesse du système quant à la possibilité de traiter des informations de natures diverses (téléphonie, transmission de données, etc.) ».
Le reste de cette conclusion sert à justifier la séparation qui a été faite entre fonctions de commutation et fonctions d’exploitation. Les premières, nécessairement exécutées sans défaillances et en temps réel « sont réalisées à l’aide de sous ensembles spécialisés dont la pluralité, ..., place le système dans les meilleures conditions pour assurer un service ininterrompu ». alors qu’« il ne faut pas oublier que la centralisation des fonctions dans un organe unique accroît les difficultés d’assurer un service sans défaillances, lesquelles ne peuvent d’ailleurs généralement être surmontées qu’au prix d’une augmentation notable du matériel ».
Il n’est pas omis de rappeler combien la commande centralisée, obligatoire dans sa totalité, quelle que soit la capacité initiale du commutateur, est économiquement pénalisante pour les installations de dimension modeste. Par contre « La centralisation de certaines fonctions liées à l’exploitation dans un organe à programme enregistré mis à la disposition de plusieurs centres de commutation nous paraît être une solution avantageuse... ».
La longueur du plaidoyer en faveur d’une commande répartie montre bien qu’elle est en totale opposition avec les idées des années 1960, toutes favorables à la commande centralisée, ne serait-ce que par conformisme avec ce que font les Bell Labs.
Peu de spécialistes (y compris sans doute parmi les responsables de ce choix) auraient pensé qu’elle puisse s’imposer à terme. C’est pourtant ce qui s’est produit (essentiellement à cause du développement des microprocesseurs), et c’est bien du mérite pour certains experts de reconnaître en 1990 que « cette structure décentralisée, très en avance sur son temps, s’est révélée être un bon choix lorsque sont apparus les microprocesseurs, et c’est maintenant une caractéristique « dernier cri » dont se vantent tous les constructeurs modernes de commutation »
C’est donc à cause de cette organisation, qui évite les difficultés de la programmation lourde, que PLATON a réussi et que le système E10 s’est imposé dès les années 1970. C’est en tout cas la thèse adoptée par plusieurs acteurs du projet, en particulier par J.N. Méreur (futur directeur des programmes au C.N.E.T.), jeune ingénieur alors chargé d’en favoriser le développement auprès des services exploitants. La nature temporelle du système, pourtant beaucoup plus innovante, ne sera pleinement appréciée qu’une dizaine d’années plus tard. Peut-être a-t-il fallu qu’A. Pinet se réfère à son riche passé de chercheur pour qu’il ne se montre pas trop surpris par le fait qu’un choix « par défaut » (la commande répartie) se soit montré prépondérant dans le succès rapide de son idée originale (la commutation temporelle) .


La maquette réalisée à partir de ces choix fonctionne bien et la fonction sans blocage est implantée, sur laquelle André Pinet avait pris des brevets
vers 1960.
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André Pinet confirme le choix de l’architecture décentralisée, d’une part en maintenant le choix de calculateurs répartis et spécialisés pour assurer les fonctions de marqueur, d’enregistreur, de traducteur et de taxeur (solution inspirée des commutateurs « crossbar » de type électromécanique), et d'autre part en choisissant la solution d’un échange synchronisé d’informations entre les mémoires circulantes. Cette solution matérielle efficace permet de réduire la programmation, mais est peu évolutive. Il sait qu’il est à contre-courant de la vision des Bell Labs, qui privilégie une architecture centralisée, qu’il connait bien, car juste avant de venir à Lannion il a fait un séjour de longue durée au sein des équipes travaillant sur la famille des commutateurs électroniques ESS (Electronic switching systems). Il a bien compris qu’une architecture centralisée nécessite une programmation hors de portée du CNET.
Un autre choix effectué en 1963 est celui du multiplexage à 32 voies, dicté par une vision d’avenir du « tout binaire », alors qu’américains et japonais travaillent sur la base de 24 voies, suivant une vision conservatrice venant du multiplexage de voies analogiques.
Ce choix du 32 voies, validé par la Direction Générale des Télécommunications, est proposé à l’ensemble des administrations européennes via la CEPT. L’accord européen sur cette norme est obtenu en fin 1968 et l’UIT en 1969 reconnait les deux normes européennes et américaines. La reconnaissance mondiale de cette norme conforte le CNET Lannion dans ses choix pour aller vers la réalisation d’un réseau numérique complet.

André Pinet
est bien conscient que le projet PLATON est considéré à l’époque comme un projet aventureux. Aussi il se concentre sur la réalisation technique, qui est un plongeon dans l’inconnu, au moins dans quatre domaines techniques : numérisation des signaux de parole basée sur un échantillonnage et une quantification, mise en œuvre de la connexion temporelle, réalisation des organes de commande en temps réel du commutateur (établissement, taxation, rupture des communications), et mise en œuvre de la gestion informatique.
Après des travaux préliminaires en 1962, il fixe en 1963 l’objectif d’une maquette de laboratoire complète pour 1965 avec certaines simplifications, largement en deçà de l’objectif final. Ainsi il choisit d’assurer la connexion temporelle avec des signaux de parole modulés en PAM1 (Pulse Amplitude Modulation) de façon à attendre les premiers circuits intégrés, qui sont annoncés par les fabricants de semi-conducteurs, notamment Texas Instruments.

Compte tenu de l’état technologique des circuits intégrés en 1965, les composants de technique DTL sont retenus pour le projet.
En 1965-1967 André Pinet et son équipe se trouvent confrontés à différents choix avant de se lancer dans la dernière phase du projet.
Le premier choix est celui des circuits intégrés, notamment pour le codage PCM. En 1965 les seuls circuits intégrés disponibles sont de type DTL à base de diodes, fabriqués notamment par Fairchild. Ils apparaissent trop lents.
Comme le raconte plus tard L-J Libois, « Grâce aux relations industrielles de la CGE, nous [le CNET] avons pu disposer des tout premiers circuits TTL de Texas Instruments ». Ces circuits TTL, à base de transistors, sont nettement plus rapides. Leur emploi s’imposa en 1967.


(Lire une magnifique synthèse de Louis Joseph Libois)

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Revenons à la CGE. En 1965, l'établissement de Lannion se limite à 37 personnes dont 6 ingénieurs, 12 agents techniques, 7 mécaniciens et 7 câbleuses. La croissance de la future SLE est d'abord très lente. A son début, sa mission consiste à effectuer des études sur les transmissions numériques et les antennes avant que ne soient lancées celles concernant la commutation temporelle.
Pendant ce temps, la CIT développe ses usines de commutateurs électromécaniques à Vélizy, Cherbourg, Saintes, La Rochelle, un terrain pour une nouvelle usine à Rennes est même acheté.
Un seul bâtiment de la CGE existe, le bâtiment 2, le long de la route de Perros-Guirec et c'est aussi la période des premières annonces et des premières implantations :
- En 1964, annonce de l’implantation des Lignes Télégraphiques et Téléphoniques (LTT) sur une superficie de 6 à 10 ha pour des ateliers de fabrication avec promesse de 120 emplois fin 1965, 250 fin 1966, 600 emplois fin 1969. Ouverture de l'atelier pilote en 1965.
- La SAT a acquis 5 ha et démarre la construction de 3000 m2 d’atelier pour 120 emplois fin 1965.
- En 1965, ouverture de l’atelier pilote LTT.

C’est dans la Note Technique Interne NTI/39 datée du 21 Juillet 1965 intitulée « Projet d’installation d’un ensemble de commutation temporelle intégré au réseau téléphonique général dans la zone de Lannion-projet PLATON » qu’A. Pinet décrivait la structure du futur système et définissait les éléments à mettre en œuvre pour l’introduire dans le réseau de Lannion à la place des équipements existants.

La réalisation de ce projet ne pouvait se concrétiser sans la participation d’un industriel. P. Marzin sut convaincre A.Roux (président de la CGE) de se lancer dans l’aventure en usant du seul argument dont il disposait : au travers de l’avance prise par le C.N.E.T. dans le domaine des techniques temporelles, la C.I.T. Compagnie Industrielle des Télécommunications, faisant partie du groupe C.G.E., tenait sa seule chance, celle-ci fût-elle mince, de s’émanciper de la tutelle qu’elle subissait dans le secteur de la commutation – la C.I.T. fabriquait du matériel Crossbar CP400 sous licence Ericsson. A. Roux jugea vraisemblablement que le pari méritait d’être tenté, d’autant plus que si la réussite impliquait des conséquences considérables – elles seront énormes – pour la C.I.T. , un éventuel échec ne pouvait mettre en péril cette société. C’est ainsi que fut créée la SLE (Société Lannionaise d’Electronique) au début de 1966. Il est évident que la toute nouvelle S.L.E. ne possèdait pas les compétences nécessaires en commutation, temporelle ou non ; elle ne pouvait guère y remédier qu’en puisant au sein du C.N.E.T., la direction de cet organisme étant d’accord dans un souci de réalisme. Ainsi L.J. Libois écrit-il que « Pour ma part, je pensais que la solution la plus efficace était de transférer non seulement des dossiers, mais aussi des hommes et même les meilleurs »( !). Plusieurs ingénieurs du C.N.E.T furent donc sollicités et acceptèrent les propositions de la S.L.E..

Début 1966, la CIT contribue au projet PLATON, et au cours de l’été, quelques personnes du centre de développement parisien de la CIT - Commutation arrivent à la SLE à Lannion, ainsi qu’une équipe de développement de liaisons MIC.
Pendant ce temps, Monsieur Libois, conscient que la meilleure méthode pour faire du transfert de connaissances et de technologies est de transférer quelques personnes, encourage discrètement quelques ingénieurs à sauter la haie qui sépare le CNET de la SLE.
C’est ainsi que le 1er octobre 1966, François Tallégas et Jean-Baptiste Jacob prennent leur élan et arrivent à la SLE (François Tallégas comme Directeur Technique).

Il faut distinguer J.B. Jacob, jamais à cours d’idées, qui jouera un rôle majeur dans la conception du système temporel de deuxième génération (E10B ou E10N1) et bien sûr F. Tallégas, alors ingénieur au département R.T.B. (transmission) qui, ayant fait part dans les mois précédents à L.J. Libois de son désir d’évoluer vers la recherche en commutation, se retrouva directeur de la S.L.E. à la fin de 1966 .
Au sein du personnel fonctionnaire du C.N.E.T. imprégné d’une forte culture de service public, certains ressentent de l’amertume et s’élèvent contre le « cadeau » fait à des intérêts privés. Entre 1966 et 1969, une réussite de PLATON apparaît encore bien lointaine à la majorité du personnel, si bien qu’il est difficile de distinguer, dans l’opposition à cette aide à l’industrie, entre conception de l’intérêt public et frustration de chercheurs se voyant privés (très partiellement) d’un « jouet » de laboratoire.

La maquette pré-industrielle à réaliser avant exploitation réelle conserve la même répartition de fonctions entre les différents organes que celle de la première maquette. Mais l’évolution technologique est considérable. Tous les ensembles logiques sont constitués avec des circuits intégrés TTL Texas (après un échec cuisant d’une maquette réalisée en cicuits intégrés DTL beaucoup trop lents). Le réseau de connexion sans blocage dispose de circuits MSI (middle scale integration). La mémoire-programme de 1 024 mots du multienregistreur est encore constituée de matrices à diodes mais une mémoire à couplage inductif de 2 048 mots est à l’étude à l’AOIP, autre constructeur associé au projet.
Un autre élément va s’avérer fondamental : L.J.Libois et A. Pinet réussissent à convaincre leurs collègues du Département Transmission du C.N.E.T. de s’orienter à partir de la mi-1967 vers l’étude d’un système MIC à 32 voies (25) partagées chacune en 8 éléments binaires . Le bien-fondé de leurs arguments, mais aussi leur qualité d’« anciens » de ce département, ont dû leur faciliter la tâche. Il n’empêche qu’il faut porter au crédit des transmetteurs le fait d’avoir pris en compte l’intérêt général. Cette norme 32 voies/8 eb sera adoptée par l’Europe en 1968 grâce aux
efforts conjugués des Français et des Allemands, et reconnue en1969 par l’Union Internationale des Télécommunications.
Les différents sous-ensembles de PLATON sont fournis à un exemplaire par l’A.O.I.P. et la S.L.E. au C.N.E.T./Lannion tout au long de l’année 1968. Ils sont d’abord testés dans les laboratoires où ils ont été conçus, le plus souvent en collaboration avec un représentant de l’industriel dont la présence facilite grandement la prise en compte des corrections (inévitables) à apporter sur les versions suivantes.
Ils sont ensuite assemblés, toujours dans un local du C.N.E.T., pour constituer le commutateur prototype appelé « maquette probatoire (PL1) »

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De la recherche à l'industrie

Afin de permettre à la France de prendre une avance industrielle internationale, le CNET décidede contourner l'étape de division spatiale et de développer directement la technologie de division temporelle. Mais, même si PLATON et la technologie de la division temporelle ont prouvé leur faisabilité, il restait encore à couvrir le décalage temporel entre le prototype et la production.

Une entreprise française pour un transfert de technologie français
Le CNET a décidé de conduire l'industrie française à l'indépendance À cette fin, le centre a demandé à la CIT de produire le nouveau système. Les dirigeants de cette entreprise relativement petite ont d'abord été réticents à se lancer dans le projet, qui concernait un domaine complètement nouveau. Mais l'offre était si belle qu'il était impossible de refuser. En tant que filiale de la Compagnie générale d'électricité (CGE), la CIT a également dû tenir compte de l'avis d'Ambroise Roux. Roux, qui était président de la CGE, était très favorable au projet, d'abord en raison des bénéfices qui seraient générés, et ensuite parce que le caractère « gaulliste » de l'ambition industrielle coïncidait avec ses convictions politiques. Une filiale de la Cll : La Société Lanionnaise d'Electronique (SLE), créée à Lannion à la fin des années 1960, était l'organisation idéale pour assumer la partie la plus difficile du projet : le transfert de la technologie d'un laboratoire d'Etat à un entreprise privée. D'une part, aucun des ingénieurs travaillant pour CIT n'avait les connaissances ou les compétences nécessaires pour travailler efficacement avec la nouvelle technologie. Par conséquent, SLE, qui était une petite entreprise, a pu agir comme une interface entre CNET et la CIT.
Pendant la période de développement de PLATON, les ingénieurs de SLE ont été étroitement impliqués dans les travaux de CNET.

L'industrialisation
Dans la dernière phase de développement, les ingénieurs de CNET en charge du projet, avec la bénédiction du directeur de CNET, ont "déserté" et rejoint SLE. Cette dernière partie du projet consistait en l'adaptation des spécifications techniques aux standards du marché. Le choix de nouveaux composants électroniques et de nouveaux développements logiciels ont conduit au système EI0A.
Une usine spécialement conçue pour produire le système est installée à Lannion en 1972. En 1975, sa capacité de production annuelle atteint 200 000 lignes. +Le produit était prêt. Il ne restait plus qu'au PTT de l'acheter.
Cependant, pour remonter un peu dans le temps, au cours des années 1960 et 1970, le niveau de développement du réseau téléphonique français est passé d'un problème à un scandale. L'humoriste Fernand Reynaud a écrit un sketch à succès intitulé « Le 22 à Asnières » qui pointait du doigt la situation malheureuse des abonnés français. On disait : « En France, la moitié de la population attend d'avoir le téléphone, l'autre moitié attend d'avoir la tonalité. En conséquence, le président Pompidou a décidé de mettre un terme à la situation. La détermination de Bernard Esambert, conseiller du président, et l'action d'Yves Guena, ministre des PTT, ont contribué à lancer un plan puissant. Parallèlement la promotion de Pierre Marzin de la direction du CNET (où il est remplacé par Louis Joseph Libois) à la direction de l'administration des télécommunications montre que l'avenir du réseau national reposera sur la technologie française. Selon le plan, la réorganisation serait à la fois structurelle et financière, mais l'effort financier était si énorme que le budget n'a pas été en mesure de le soutenir. Le gouvernement a donc dû contracter un emprunt afin de poursuivre le financement. La décision principale a été prise en 1969 et quatre sociétés ont été créées pour organiser ces prêts :
FINEXTEL (February 1970)
CODETEL Ganuary 1971)
AGRITEL Gune 1972)
CREDITEL (October 1972)

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Au CNET, la réalisation de mémoires à lignes à retard magnétostrictives destinées au projet PLATON était en cours depuis plusieurs mois, et c’est Yves Samoël qui pilote l’opération.
A ce stade du développement d’un système de commutation qu’on espérait industrialiser, il fallait y associer des industriels.
L’AOIP est assez vite associée au développement de l’unité de raccordement d’abonnés: l’équipement de modulation d’abonnés (EMA).

Les années 1966-67 sont à la fois des années de tâtonnement dans le choix des circuits intégrés et de la mise en place d’un partenariat CNET-CGE. La réalisation de la maquette probatoire de commutateur numérique se trouve retardée d’un an et fonctionne début 1969, ce qui permet le lancement industriel des premiers prototypes prévus à Lannion et Perros-Guirec.

Diagramme simplifié de PLATON

André Pinet et son équipe n’ont qu’un objectif, celui de mettre le plus vite possible en fonctionnement des commutateurs sur le territoire numérique du Trégor, même si la voie explorée pourrait se révéler une impasse à long terme.
Ce choix sera chanceux, car l’apparition des microprocesseurs dans les années 70 changera la donne.
Et en 1990 P. Lucas pourra écrire : « cette structure décentralisée, très en avance sur son temps, s’est révélée être un bon choix lorsque sont apparus les microprocesseurs, et c’est maintenant une caractéristique « dernier cri » dont se vantent tous les constructeurs modernes de commutation ».
Le choix d’une architecture décentralisée, qui a été « le fruit d’observations et d’expérimentations terre à terre et non pas le fruit de réflexions intellectuelles », comme le note plus tard J-B Jacob, se révèle donc comme une pleine réussite.

Lorsque l’AOIP choisit d’installer un site en province en 1966, elle ne choisit pas Guingamp par hasard.
Entre Morlaix et Tréguier, le Trégor devient, petit à petit, une véritable plaque tournante de l’électronique et des télécommunications en France, alors que quelques années auparavant, le secteur était un désert en matière de téléphonie. Guingamp n’échappe donc pas au phénomène avec l’installation de l’AOIP. Mais la proximité du Cnet n'explique pas tout :
La présence des chercheurs et ingénieurs ne fut que la première étape de la mutation industrielle du Trégor. Ces mêmes groupes industriels privés qui avaient créé des laboratoires décidèrent la construction d’importantes usines de fabrication de matériels téléphoniques dans la région. Les sites de Lannion, Guingamp, Tréguier furent ainsi choisis pour trois raisons : les aides à l’implantation en Province, la proximité des centres de recherche, et la présence d’une main-d’œuvre féminine abondante… L’industrie électrique et électronique, qui employait 200 personnes en Bretagne en 1960, passa à 12 800 en 1981, dont 5 500 dans les seules Côtes-du-Nord. Accompagnant cette industrialisation rapide, un Institut Universitaire Technologique fut créé à Lannion en 1969 ainsi qu’un centre régional d’instruction des PTT.
L’usine LMT construite en avril 1967 employait 500 personnes dont 98 % étaient d’origine bretonne. L’usine LTT employait 950 personnes, celles de la SLE et de la SAT 650 personnes chacune. L’AOIP avait deux usines, l’une à Guingamp avec 1 000 employés et l’autre à Morlaix avec 305 personnes. Ces établissements avaient tous vu le jour entre 1964 et 1967.

En vingt ans, le développement économique du Trégor se traduisit par un doublement de la population de l’agglomération de Lannion. En 1961, la fusion de cinq communes créa le « grand Lannion », véritable concrétisation du changement d’échelle des activités. Le cadre administratif communal s’adaptait ainsi à la croissance de l’agglomération.

A la fin de l’année 1966, le CNET, reconnaissant les avantages d'une nouvelle famille de circuits intégrés, propose que la SLE développe les organes de commande et les fabrique pour le commutateur de Perros-Guirec, qui serait installé un peu plus tard que le commutateur de Lannion.

Pendant les années de développement de PLATON, la coopération des équipes du CNET et de la SLE est exemplaire du sommet à la base, et les succès de mise en service des commutateurs de Perros-Guirec et de Lannion soudent encore plus les liens entre les personnels.

Cette coopération entre le CNET Lannion et la SLE, puis plus tard CIT devenue ALCATEL, va continuer des années et permettre à l’industrie française des Télécommunications de devenir l’une des premières du monde et de faire évoluer le réseau de télécommunications français
vers l’un des plus modernes qui soit . L'effectif de la SLE est de 80 personnes en 1966, 180 en 1968, 200 en 1969 et 1970, 450 en 1971.

Les commutateurs de Perros-Guirec et de Lannion ont montré des performances assez encourageantes pour faire prendre la décision de lancer la fabrication d’une présérie de commutateurs PLATON que l’on va désormais appeler E10. Cette décision a sans doute été facilitée par le fait que Pierre Marzin était depuis 1968 directeur de la DGT (Direction Générale des Télécommunications), responsable de l’équipement et de l’exploitation du réseau français.
Les deux premiers sites retenus sont Guingamp et Paimpol, dépendant de la Direction Régionale de Rennes dont le Directeur était Roger Légaré, également un fonceur éclairé.

Paréllement le MIC développe son réseau
- En Mars 1966, la première liaison numérique métallique expérimentale MIC à 36 voies temporelles plésiochrones par câble souterrain est mise en service, en exploitation réelle, entre Paris-Bonne Nouvelle et Chaville (78).
- Le 1er novembre 1969, la première liaison numérique temporelle plésiochrone par Faisceau Hertzien sur MIC 256 voies est mise en service en Basse-Normandie entre deux Tours Hertziennes (Caen et Saint-Martin-de-Chaulieu), pour relier à la ville de Caen (Centre de Transit) les villes de Vire, Flers et Condé-sur-Noireau en liaisons numériques par Faisceau Hertzien sur MIC "32 voies" (qui sont en réalité des MIC 36 voies adaptés en 32 voies, les MIC 32 voies standardisés étant alors en cours de finalisation et non encore disponibles dans l'industrie).
- En Septembre 1975, une première liaison numérique métallique plésiochrone en exploitation normale au départ de Paris est mise en service à Paris Inter Archives (bâtiment Pastourelle II),
- En Septembre 1976, une première liaison numérique métallique expérimentale est mise en service entre Rennes et Châteaubriant en technologie plésiochrone 140 Mbit/s (TN4) - 139,264 Mbit/s exactement, soit 1920 voies téléphoniques.
Suivra en 1970, la première liaison numérique MIC à 32 voies temporelles plésiochrones par câble métallique souterrain est mise en service, en exploitation réelle, entre Saint-Pol-de-Léon et Cléder, dans le département du Finistère.
Cette technologie est bien au point et est essentielle dans les futurs centres numériques du projet Platon.

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La révolution E10 (abréviation : E pour Électronique car 100% électronique, projet n°10)

Il porte un nom un peu barbare, E 10. Mais quand il voit le jour, il est le premier commutateur téléphonique numérique au monde.
le prototype conçu par le CNET a été ensuite développé et industrialisé par la Société Lannionnaise d’Electronique (SLE).
Il permet de relier bien davantage de lignes que les anciens modèles, façon "Vous avez demandé le 22 à Asnières ?". .

Au cours de l’été 1967, le CNET commençait la mise au point de ses équipements et rencontrait beaucoup de difficultés dues à la technologie DTL.
L’organisation du projet de « Réseau Numérique Intégré » a donc été revue:
- on adopte la technologie TTL et les cartes de circuits imprimés de grand format préconisées par la SLE,
- il n’y a plus qu’un seul projet comprenant les personnes du CNET et de la SLE avec une répartition des taches en fonction des compétences de chacun,
- les EMA sont toujours développées par l’AOIP sous le contrôle du CNET

Début 1969, la SLE société Lannionnaise d’Electronique, filiale du Centre de Recherche de la CGE de Marcoussis, comprend un peu plus de 300 personnes. Le directeur est M.Grobois, le directeur des laboratoires de Commutation et de Transmission F. Tallegas, le directeur industriel, E. Escoula.
L’activité de la société est tournée vers plusieurs domaines :
- Des activités d’études et de développements :
- Un laboratoire d’étude et de développement, de réalisation dans le domaine des antennes et des stations de poursuite de satellite météo (M. Arzul), rattaché à la Direction Industrielle.
- Des laboratoires d’étude et de développement dans le domaine des transmissions dirigés par MM. Garnier, Baudin.
- Des laboratoires d’étude et de développement dans le domaine de la commutation, travaillant sur la maquette Platon
- Des Services coopérants qui comprennent essentiellement :
- Un bureau d’études d’environ 50 personnes comportant 3 sections correspondant aux activités des laboratoires : commutation, transmission, météo.
- Un atelier de fabrication comprenant essentiellement des équipements de mécanique, de tôlerie (M. Val) et une section câblage (M. Madec) dont l’activité est essentiellement tournée vers la fabrication à l’unité des stations de poursuite et de réception d’images de couverture nuageuse et infrarouge pour le compte des services de la Météo.
-Un service de contrôle et plateforme (M. Gandon)
-Un Secrétariat Général (M. Mathieu)
-Un service du personnel (M. Lelchat)
-Un service achats (M. Balthazar )

Le projet Périclès de commutation spatiale à commande centralisée annonce le passage au stade industriel en 1969
Produit par la Socotel, société de production alliant CIT Alcatel et Ericsson, l'autocommutateur sera installé à Clamart. La commutation utilise des relais Reed, les deux calculateurs sont des 32 bits, avec 16 à 64 Kmots de mémoire à tores controlée par bit de parité, cycle 600 ns, dont 10K pour les programmes temps réel sont protégés en écriture. Il y a aussi un bootstrap de 1000 mots en mémoire morte à couplage inductif à cycle 1 µs. L'adressage des programmes utilise un CO 16 bits et des ruptures de séquence absolues, pour atteindre des instructions qui paraissent fournir trois microopérations et un incrément d'adresse ; l'adressage des données est différentiel, les incréments valides se situant entre + et - 7 inclus.
Le bloc de calcul travaille sur 12 bits. Les périphériques, manipulés à travers des registres externes de 32 bits, comprennent des explorateurs de lignes et des distributeurs, ainsi que deux téléimprimeurs et un tambour magnétique de 64 Kmots organisé en secteurs.
Le logiciel temps réel comporte trois cycles d'exploration, de durées 10, 100 et 400 ms ; toutes les sources de signaux sont explorées à chaque cycle de 10 ms.
Périclès ne fut pas industrialisé.

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En coopération avec SLE au CNET, la maquette expérimentale, de Commutation Temporelle composée du minimum d'organes nécessaires, est opérationnelle au mois d'Avril 1969 et permet de valider l'ensemble des cartes composant chaque organe ainsi que la structure de la machine en fonctionnement dynamique.
Le calculateur gère les communications à travers des paires de lignes à retard à magnétostriction, fonctionnant à 1,25 MHz et contenant 66 mots de 80 bits. Chaque communication utilise un mot dans chaque ligne de la paire, de sorte que l'ordinateur dispose de 160 bits d'information par transaction, sur lesquels il revient 240 fois par seconde en gérant 66 communications. Si un standard est capable d'établir plus de 66 communications simultanées, on peut ajouter d'autres paires de lignes.

Dans cette phase initiale, il n’a pas été jugé utile (ou possible) de rechercher sur le marché le calculateur universel chargé, au deuxième niveau, des opérations de supervision et d’exploitation, le Centre de Traitement des Informations (C.T.I.). C’est donc le calculateur RAMSES 1, conçu au C.N.E.T./R.M.E., qui assume le rôle de C.T.I. pour le projet PLATON avec des programmes écrits au C.N.E.T/Lannion.

Ce travail en commun a abouti à la mise en service d’abord du commutateur de Perros-Guirec en décembre 1969. (au répartiteur, il y avait un ensemble de relais qui permettaient de rebasculer les lignes d’abonnés sur le système électromécanique en cas de besoin ).
Après une semaine de fonctionnement, pendant laquelle les observations faites ont permis de suggérer quelques adaptations et modifications, les lignes d’abonnés ont été basculées sur le système électromécanique.

Pendant ces années de développement du projet PLATON, la coopération des équipes du CNET et de la SLE a été exemplaire du sommet à la
base et les bons résultats des mises en service des commutateurs de Perros et de Lannion ont soudé encore plus les hommes.
Cette coopération entre le CNET-Lannion et la SLE, puis la CIT devenue ALCATEL a continué les années suivantes et a permis à l'industrie française des télécommunications (qui fabriquait du Crossbar sous licence Ericsson ) de devenir l’une des premières du monde et de faire évoluer le réseau de France-Télécom vers l’un des plus moderne du monde.


Commutateur prototype n°1 PLATON de Perros-Guirec Poste mis en service le 6 janvier 1970, premier Commutateur téléphonique Électronique Temporel du monde. Il sera mis hors service le 10 avril 1979 -
Dans le cas de PLATON I - Perros-Guirec, les travées sont en forme de L, avec ce coude caractéristique à 90°.


Les téléimprimeurs ou terminaux d’exploitation - maintenance sont des Teletype US ASR33 (les caractères sont portées par une roue)

- Le premier prototype achevé celui de Perros-Guirec. est le plus simple, Il est mis en service en janvier 1970 avec plusieurs centaines d’abonnés. Il a une
capacité de gérer 800 abonnés
- Le Centre de Traitement des Informations (CTI) est un calculateur de type RAMSES I conçu par le CNET.
- Le premier appel téléphonique expérimental entre deux « abonnés tests » de ce même Commutateur prototype est établi le 30 juillet 1969.
- Le premier appel téléphonique expérimental sortant à destination d’un Commutateur téléphonique du réseau est émis le 4 septembre 1969.
- Le premier appel téléphonique expérimental entrant en provenance d’un Commutateur téléphonique du réseau est reçu le 8 septembre 1969.
- Premier essai de mise en service temporaire, sur le réseau téléphonique public, du premier Commutateur temporel d'abonnés au monde, en France, à Perros-Guirec le 6 janvier 1970.
- L’inauguration du Commutateur PLATON par le Directeur Régional des Télécommunications de Rennes, Roger Légaré a lieu le 26 janvier 1970.
- Le basculage définitif des abonnés sur le commutateur PLATON est effectif le 13 mars 1970 après stabilisation du prototype par corrections diverses.

L’exploitation réelle met rapidement en évidence les points faibles du système. Ceux-ci se situent pour l’essentiel, et ce n’est pas une grande surprise pour les concepteurs, au niveau des composants analogiques et des mémoires. Pierre Marzin aimait dire en plaisantant que les plaintes de son boucher sur les problèmes de connexion l'avaient informé des problèmes de développement quelques jours avant les rapports de ses ingénieurs.
L’équipement d’abonné, très complexe, présente quelques faiblesses ; la plus mal perçue par les abonnés est due aux thyristors qui commandent l’envoi de sonnerie : trop sensibles aux moindres variations de leur environnement, ils se déclenchent à tort, provoquant ainsi des tintements répétés sur la sonnette des postes d’abonnés.
Quant à la qualité de la parole après codage et décodage, bien que jugée bonne, elle est nettement inférieure à celle prévue par la théorie. On a conscience qu’il faudra rechercher des composants plus performants.
Les mémoires utilisées dans les organes centraux sont des lignes à retard à magnétostriction. Celles-ci confirment leur caractère fantasque, caractère amplifié par les variations de température. Les conséquences s’avèrent particulièrement pénalisantes en cas de perturbation des mémoires de traduction qu’il faut alors régénérer à partir du C.T.I.
En revanche, les ensembles logiques en circuits intégrés T.T.L. confirment leur grande fiabilité. Tout au plus constate-t-on quelques fautes intermittentes dans le réseau de connexion dont la température de certains composants (supposés fonctionner à 65 °) atteint 60 °, bien que de l’air frais à 12 ° soit soufflé sur les bâtis. Un tri plus rigoureux de ces composants est mis en œuvre.
En guise de conclusion (très provisoire), le rapport de mise en service de Perros-Guirec indique qu’après quatre mois d’exploitation réelle les problèmes évoqués ont été réglés, à l’exception de celui des lignes à retard dont le remplacement par des registres à décalage M.O.S.6 est prévu dans un proche avenir.
La presse a rendu compte de cette première mondiale que représente la mise en service réel d’un commutateur temporel, en insistant toujours sur le fait qu’il s’agit du « téléphone de l’an 2000 » comme l’indique Ouest-France du 29 septembre 1969 en relatant la visite du chantier de Perros-Guirec par R. Galley (ministre des P.T.T.).
Quant aux quelque sept cents abonnés de Perros-Guirec, ils vivent l’expérience avec une relative indifférence ; ils apprécient peu les tintements de sonnerie des premiers jours d’exploitation et sont également déconcertés par la rapidité d’obtention des tonalités d’invitation à numéroter et de retour d’appel, habitués qu’ils sont à la lenteur du vieux Système SRCT.

À partir du Commutateur PLATON, tous les Commutateurs électroniques de type temporel sont capables d'accepter la numérotation depuis l'abonné de départ en fréquences vocales (DTMF) en plus d'accepter la numérotation à impulsions décimales en vigueur en France depuis 1913.

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Après ces études sur les centraux, le CNET ne s'arrète pas de travailler, et dans le domaine qui nous concerne, on peut citer les lignes MIC et le réseau Cyclade.

Les lignes MIC correspondent à la gestion, en commutation temporelle, des lignes à grande distance, en commençant par l'axe Paris/Bretagne.
Le module minimum est ici une voie de 2 Mbit/s, assurant le multiplexage de 32 lignes téléphoniques standard échantillonnées en 64 Kbauds : le CCSA sera, en 1971, le premier utilisateur non PTT de ce dispositif.
Le réseau Cyclade est une étude de l' IRIA (Pouzin), cherchant à introduire en France la commutation de paquets.
Le CNET est partie prenante de cette expérience qui intéressera progressivement plusieurs groupes de calculateurs, dont ceux du CCSA et ceux de l' IRISA (la version rennaise de l' IRIA). Ce sera le réseau TRANSPAC, plus tard renforcé d'un TRANSMIC.
Dans les années qui suivent, Cyclades sera une réussite et ses principes seront adoptés par le CNET puis par le Ministère des Télécom qui installera le réseau Transpac. L'INRIA essaimera vers Rennes (IRISA) et vers Sophia Antipolis, où seront installés des noeuds Transpac.

A la SLE au printemps 1970, le central de Perros-Guirec vient d’être mis en service avec succès. Le CNET décide de fêter l’évènement avec un certain nombre de personnes de la SLE.
Quelques dessinateurs sont invités, après tout ce n’est que justice ! Par contre, personne des ateliers n’est invité, alors qu’ils ont tous beaucoup travaillé pour sortir les équipements. Il eût été convenable d’y inviter quelques représentants. Cela passe très mal. Il y a comme un vent de révolte qui souffle au sein de la Direction Industrielle.
Le repas officiel devant se dérouler au Yaudet, la DI sous l’impulsion de son patron M. Piriou décide d’organiser dans l’autre restaurant du Yaudet ce que nous appellerons l’Anti-Platon.
Cette soirée au Yaudet sera animée par une bande de joyeux drilles qui mettront un point d’honneur à mettre une ambiance autre que celle du repas officiel. Evidemment, cela va contribuer à refroidir les relations déjà un peu crispées entre la DT et les équipes de la DI.

Le CNET Lannion en plein apprentissage

Le CNET Lannion, ne manquait pas de candidats, pour une bonne part des bretons des PTT souhaitant revenir en Bretagne, ce qui aboutit à un taux de 60 % des effectifs d’origine bretonne à la fin des années 60. Mais leur formation et leur expérience ne correspondaient que partiellement aux besoins du CNET. Cette situation était apparue dès 1962 au Radôme de Pleumeur-Bodou. Jean-Pierre Colin, directeur du site de Pleumeur-Bodou dans les années 80, l’a décrite plus tard de la façon suivante. « Un personnel hétéroclite et peu formé : beaucoup d’équipements à mettre en œuvre étaient complètement inconnus du personnel nommé à Pleumeur-Bodou. Il y aurait eu matière à une formation longue et rigoureuse, ce qui s’est fait
évidemment plusieurs années après. Donc c’était la « formation sur le tas » et d’une manière très accélérée. Heureusement...chacun y mettait du sien avec sa compétence et son dévouement...Personne ne comptait les heures passées, ce qui importait, c’était le résultat! »


Durant les années 60 différentes sources de recrutement pour les ingénieurs et techniciens ont été activées.
La source principale était tout simplement celle des fonctionnaires des PTT. Du côté des inspecteurs principaux, inspecteurs et contrôleurs, et autres grades notamment administratifs, des candidatures sont venues de toute la France, ce qui a provoqué un certain embouteillage sur les listes d’attente. Mais le plus souvent les inspecteurs et contrôleurs avaient une formation électromécanique, alors que les besoins se situaient dans le traitement du signal numérique, l’informatique, les hyperfréquences...
En ce qui concerne les techniciens contractuels il y avait des difficultés à en recruter avec une bonne formation, car en 1962 les IUT n’existaient pas. Quant aux sections de BTS elles étaient peu nombreuses. Par contre du côté des Armées, il y avait des militaires formés notamment en radio qui pouvaient être disponibles au moment de leur reconversion vers le secteur civil. En Bretagne la Marine était au premier rang et ainsi en 1962 l’Ecole de Maistrance de Brest (section radio) était le seul établissement formant des électroniciens.
L’usine CSF de Brest, fondée en 1962, en a directement profité.
Pour les ingénieurs, durant ces années 60 la principale source de formation est l’ENST qui forme à la fois des ingénieurs du corps des télécommunications et des ingénieurs dits « civils », embauchés au CNET sous contrat. Ainsi une trentaine d’ingénieurs du corps des
télécommunications est arrivée dans les années 60 et 70. Plusieurs font partie des pionniers de la commutation, notamment Jacques Pouliquen, J. Vincent-Carrefour et Jean-Noël Méreur. F. Tallégas a un parcours un peu différent, puisque pendant ses cinq années au CNET Lannion, avant de rejoindre la SLE, il fait des recherches dans le domaine de la transmission. Du côté des ingénieurs contractuels les pionniers sont J-B Jacob, M. Revel et Daniel Hardy. Ce dernier pendant la période PLATON travaille successivement sur la signalisation sémaphore, puis sur les organes de commande.
Les Ecoles formant des ingénieurs dans les domaines de l’électronique et de l’informatique sont encore peu nombreuses : Supélec, ISEP (Institut supérieur d’électronique de Paris), ISEN (Institut supérieur d’électronique du nord) et ESEO (Ecole supérieure d’électronique de l’ouest), ESME (Ecole supérieure...électronique), ENSERB (Ecole nationale supérieure d’électronique et radio de Bordeaux)... Ces écoles font un effort pour moderniser leur enseignement. A Supélec à partir de 1961 Grémillet, un jeune chercheur du centre de recherche de Corbeville, fait un cours sur les transistors et leur utilisation. Au même moment les modulations par impulsions sont enseignées par S Albagli. De son côté Elie Roubine, normalien, tout en étant professeur de la Faculté des sciences de Paris s’implique aussi fortement à Supélec. Il s’intéresse aux applications des mathématiques à l’électronique et aux télécommunications. Un de ses anciens élèves de Supélec, Michel Henry, chercheur au CNET Lannion pendant plus de trente ans, apporte son témoignage en 2016 : « Elie Roubine est certainement l’un des professeurs de Supélec qui m’a le plus captivé..., c’était surtout un
enseignant de très grand talent, tant il mettait de conviction dans ce qu’il professait. Je me suis débarrassé de l’ensemble de mes documents de Supélec il y a déjà bien longtemps, sauf deux : le tome 1 de “lignes et antennes “ et un poly à couverture grise de Supélec intitulé “introduction à la théorie de la communication” et daté de 1968 ; les deux évidemment de E. Roubine. Les deux m’ont longtemps été utiles». A partir de son cours à Supélec Elie Roubine publie chez Masson en 1970 un ouvrage en trois tomes, intitulé « Théorie de la communication », qui fait référence pour de nombreux chercheurs.
Il fallait aussi être attractif pour recruter les ingénieurs et chercheurs formés en France. Or la Bretagne souffrait à l’époque d’un déficit d’image. F.Tallégas, futur directeur technique de CIT, alors jeune ingénieur au département transmission du CNET à Issy les Moulineaux, s’était entendu dire par l’un de ses aînés : « vous voulez partir à Lannion, vous avez tort. Dans un an ce centre sera transformé en colonie de vacances ! ». De plus les chercheurs et ingénieurs avec de l’expérience étaient très peu nombreux. André Pinet avait attiré à Lannion un seul membre de son équipe d’Issy-les-Moulineaux : Raymond Gouttebel. Et parmi les ingénieurs travaillant directement sur PLATON, un seul avait acquis une expérience industrielle avant de rejoindre le CNET : Maurice Revel à LMT
.

L-J Libois et A. Pinet, conscients de la situation, ont trouvé deux parades. La première est de soutenir un programme ambitieux de création d’établissements de formation en Bretagne. En formation initiale deux initiatives sont prises rapidement : la création de l’INSA (1966) à Rennes et la création des IUT de Rennes (1966) et de Lannion (1970), avec des départements correspondants aux besoins de formation en électronique et en informatique. Les premiers diplômés de l’INSA arriveront à Lannion en 1971. Les IUT bretons commenceront à fournir des candidats au moment où la SLE à Lannion fera des embauches massives. L’effort sera aussi porté sur la formation continue, par exemple mise en place d’un cours de techniciens en hyperfréquences en 1972 au CNET Lannion.
La seconde parade, visant plus le court terme, a été de préférer, pour le projet Platon, des solutions simples risquant de faire appel à des techniciens pour les installations, les réglages et les corrections, plutôt que des solutions plus élaborées, nécessitant plus d’ingénieurs de conception. Notamment les cartes avec ligne à retard à magnétostriction étaient instables. Il fallait chaque matin resynchroniser de nombreuses cartes avec un tournevis et un oscilloscope. Et la marche forcée, imposée par Pierre Marzin, augmentait le besoin de plus de techniciens pour mener plusieurs installations en parallèle
.

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Numérisation du Trégor-Goëlo

Les commutateurs de Perros-Guirec et de Lannion ont montré des performances assez encourageantes pour faire prendre la décision de lancer la fabrication d’une présérie de commutateurs PLATON.
Les deux premiers sites retenus sont Guingamp et Paimpol, dépendant de la Direction
Régionale de Rennes dont le Directeur était Roger Légaré, également un fonceur éclairé.
Avec une présérie, la notion de coût du produit prend de l’importance. Il se trouve que l’EMA, compte tenu de l’état de la technologie, était un équipement très coûteux. La SLE propose donc une autre unité de raccordement d’abonnés: le CSA, constitué d’un étage de concentration spatiale utilisant des relais à tiges, suivi d’un équipement MIC de conversion analogique-numérique en modules de 30 voies. Cette proposition a été acceptée. Désormais la SLE avait la maîtrise complète du produit.
Disons, cependant, que l’étude du CSA avait commencé à la SLE à l’été 1969, et qu’à cette occasion, en plus du réseau de concentration, la SLE avait réfléchi à l’utilisation de nouveaux composants TTL offrant des possibilités intéressantes; les composants qu’on appelait les LSI (large scale integration) étaient de plus en plus intégrés.
On disposait ainsi d‘un circuit de calcul (additionneur) de 4 bits et d’une mémoire 64 bits intégrant son circuit d’adressage. D’où l’idée de définir un processeur, ayant une architecture adaptée au « traitement temps réel » des fonctions de commutation. On lui donna le nom de code: Elément Logique Standard (ELS), signature légèrement cryptée de la SLE. Dans nos objectifs, il était destiné à remplacer les logiques câblées et spécifiques des différents organes de commande du E10 .

Même si la technologie est loin d’être stabilisée l’objectif du CNET, n’est pas de se limiter à la seule fonction de commutation numérique, mais de numériser un territoire entier, à la fois pour enrichir l’expérimentation et pour en faire une vitrine. C’est le Trégor qui est choisi.

Malgré de nombreux retards dans la fourniture des équipements et donc une trop brève mise au point, le commutateur temporel Lannion III se substitue à Lannion II le 16 juin 1970 en présence de Robert Galley, ministre des P.T.T.
Si le nombre d’abonnés locaux raccordés est faible (environ 600), il reste que Lannion III (comme Lannion II précédemment) fait transiter tous les appels vers ou de l’extérieur pour tout le groupement de Lannion. La charge de trafic correspond à peu près à celle de 4 000 abonnés urbains ; mais surtout un blocage prolongé ou un fonctionnement dégradé du système ne pourrait passer inaperçu de l’ensemble du réseau français, et encore plus en période estivale.
Aussi, l’événement est-il assez largement traité par la presse, le ton des articles laissant deviner qu’ils sont à peu près le reflet de communiqués venant du C.N.E.T. ou de la Direction Régionale de Bretagne. Le 12 juin 1970, Ouest-France annonce, dans la page « Côtes-du-Nord » que « Mardi, à Lannion, M. Galley, ministre des P.T.T., mettra en service le téléphone de demain ».
L’article se termine sur une note optimiste puisque « ce prototype sera en service dans tout un secteur Ouest avant de s’étendre sur la France et l’étranger ». Dans l’édition du 16 juin du même journal, la Direction Régionale promet une obtention plus rapide de la tonalité et pour plus tard l’accès aux postes à clavier et à des services nouveaux (ceux commercialisés de nos jours sous le nom de « services confort »).
Enfin, le 17 juin 1970, toujours dans Ouest-France, il est dit que « via PLATON, les deux ministres, Messieurs Galley et Pléven, ont échangé une communication téléphonique entre Lannion et Paris ».

En réalité, l’été 1970 constitue pour Lannion III ce qu’un euphémisme désigne comme une « période assez délicate de rodage ».
Faute d’un temps suffisant, les nombreux essais nécessaires pour tester les différentes configurations n’ont pu être effectués. Il faut y remédier par une présence quasi-permanente sur le site d’ingénieurs et techniciens du C.N.E.T., y compris le dimanche. Quelques plannings de vacances estivales ont même dû être modifiés, ce qui n’est guère habituel au sein d’un organisme normalement protégé des contraintes qu’impose la permanence du service. L’activité dans la salle du commutateur Lannion III est à peu près aussi forte la nuit que le jour. Il faut en effet profiter de la période nocturne de trafic presque nul pour réaliser les corrections les plus urgentes. Grâce aux efforts de tous, la situation se stabilise et la période difficile s’achève sans qu’elle ait donné lieu à des réactions aiguës de la part des abonnés.

Le commutateur Lannion IV, remplaçant du commutateur SRCT Lannion I pour desservir les quelque neuf cents abonnés de la ville, est mis en service sans difficulté particulière le 18 juin 1971.
En inaugurant Lannion IV, P. Marzin (devenu Directeur Général des Télécommunications en avril 1968) annonce que toutes les Côtes-du-Nord seront équipées avec le système PLATON. En cette même occasion, E. Julier (Directeur du C.N.E.T./Lannion remplaçant L. J. Libois devenu Directeur du C.N.E.T. au départ de P. Marzin.) dit que « Perros-Guirec fut un acte de foi, Lannion III un acte d’espérance et Lannion IV un acte de charité »... (sans doute pour rappeler à la Direction Régionale de Bretagne que le C.N.E.T. avait presque tout payé).


L’équipement intégral du groupement de Lannion en système temporel se poursuit jusqu’à la fin de 1972 en remplaçant progressivement les centres locaux électromécaniques par des satellites électroniques.
Deux centres satellites temporels de 500 abonnés de Plestin-les-Grèves et Saint-Michel-en-Grèves, reliés au Commutateur nodal de Lannion III, seront mis en exploitation en Mai 1971.

Un bilan établi à l’automne 1971 met en évidence l’intérêt de l’exploitation centralisée au C.T.I. et la fiabilité des ensembles logiques et indique que des solutions de remplacement sont en cours pour pallier la faiblesse relative des circuits analogiques (équipements d’abonnés, codeurs, décodeurs, lignes à retard à magnétostriction). « Les résultats obtenus et les améliorations... permettent d’affirmer que l’exploitation du système sera satisfaisante à la fois sur le plan technique et sur le plan économique... » .
La volonté des décideurs de démontrer rapidement la viabilité et l’intérêt des systèmes temporels associés à la transmission MIC n’a été possible que grâce à deux facteurs. Le premier est la présence permanente sur le site d’ingénieurs et techniciens du C.N.E.T. très expérimentés et disposant de plus auprès d’eux des concepteurs capables de trouver une solution rapide aux défauts constatés. La motivation des uns comme des autres a été à la mesure de leur désir de prouver qu’un centre de recherches pouvait être aussi performant à Lannion qu’à Paris. Le second facteur tient aux exigences très relatives des abonnés à cette époque, habitués qu’ils étaient au service certes permanent, mais très peu efficace, que leur fournissait le réseau téléphonique. Le pari PLATON serait impossible de nos jours car les performances actuelles du réseau combinées aux conditions de concurrence ne laissent guère de place pour une éventuelle indulgence des clients.

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Le "Plan Calcul" était un plan gouvernemental français lancé en 1966 par le général De Gaulle sur l'impulsion de Michel Debré, destiné à assurer l'indépendance du pays en matière de gros ordinateurs.
La CII (Compagnie Internationale pour l’Informatique) créée en 1966, aidé financiérement par le gouvernement selon le Plan Calcul, avait abordé le domaine des ordinateurs industriels avec des matériels de la série 90, et diffuse depuis les ordinateurs 10010 et 10020 qui lui permettent d’occuper la première place en Europe parmi les constructeurs de ce type de machine. A la fin de 1970, deux cents 10010 et cent 10020 seront en service en France ou à l’étranger.
Dès 1968 le premier CTI
Centre de Traitement des Informations à l'étude, utilisa le Modèle 10010
(assembleur ASTROL et le FORTRAN).
le CTI Modèle CII 10010, du Commutateur Prototype PLATON Lannion III.

Le calculateur 10010 (CII), avec un disque dur de 128 k octets, permet de créer les coordonnées des abonnés dans le commutateur et de stocker la taxation des appels de plusieurs commutateurs.

CII avec le plan calcul se limitera à une fabrication du 10010 en OEM , mais relança en septembre 1969 le système sous le nom de Iris 10 dans des configurations "packagées". Sous ce nom générique, la CII offre des systèmes complets, intégrant dans une conception unique un ensemble de matériels comprenant un ordinateur CII 10 010 et les programmes d'exploitation correspondants.

Pierre Marzin avait dit au nouveau directeur régional des télécommunications, R. Légaré : « tu feras Paimpol, Guingamp, Lannion...en électronique... » . Cette mise en exploitation a été une grande aventure, menée par trois partenaires : le
CNET, la SLE et la Direction Régionale des Télécommunications de Bretagne : « Le délai - c’était pour 1972 - ça faisait moins de deux ans. Il fallait une plate-forme d’équipements en service réel qui serve de vitrine au plan national, mais surtout au plan international ».

Avec le partenaire Alcatel, la numérisation du Trégor commence par les centraux de Lannion.
Le commutateur Lannion III, le premier centre nodal avec plusieurs codes de signalisation, est le plus difficile à mettre en œuvre. « En réalité, l’été 1970 constitue pour Lannion III ce qu’un euphémisme désigne comme une « période assez délicate de rodage ».
Faute d’un temps suffisant, les nombreux essais nécessaires pour tester les différentes configurations n’ont pu être effectués. Il faut y remédier par une présence quasi-permanente sur le site d’ingénieurs et techniciens du CNET, y compris le dimanche...L’activité dans la salle du commutateur Lannion III est à peu près aussi forte la nuit que le jour. Il faut en effet profiter de la période nocturne de trafic presque nul pour réaliser les corrections les plus urgentes. Grâce aux efforts de tous, la situation se stabilise ».

A l’été 1970, la SLE propose au CNET l’utilisation de cet ELS dans le CSA, ainsi que dans les équipements de raccordement et de synchronisation des circuits MIC (GSM et GSS), pour les installations de Guingamp et de Paimpol. L’accord a été obtenu très rapidement.
A la SLE nous avons aussi pris la décision de remplacer les lignes à magnétostriction par des mémoires à registres à décalage MOS de 1024 bits qui apportaient une bien meilleure qualité de service. En rentrant de vacances, nous étions donc au pied du mur; il a fallu développer tous ces équipements dans des délais très courts puisque Guingamp et Paimpol devaient être mis en service à la fin de l’année 1971. Il fallait pendant ces quelques mois: développer, tester, valider, fabriquer et mettre en service. Nous étions une petite structure, certaines procédures se chevauchaient nécessairement et la qualité s’en ressentait sans doute un peu.

Au niveau architectural et fonctionnel :
Le premier sous-réseau du Commutateur PLATON, qui n’est, rappelons-le, qu’un prototype, est équipé d’un unique Traducteur (TR), d’un seul Taxeur (TX) et de 2 Multienregistreurs (MR) (nombre de Multienregistreurs extensible à 8 si nécessaire). Ces 3 organes constituent l’organe de commande du Commutateur. Il est également pourvu de 2 Marqueurs (MQ).
- Le Traducteur (TR) stocke le routage des conversations téléphoniques suivant les abonnés demandés.
- Les 2 Multienregistreurs (MR) assurent le déroulement et le séquencement de l'établissement en temps réel des communications et leur arrêt.
- Le Taxeur (TX) est chargé d'établir et de comptabiliser les taxes des conversations pour chaque abonné en temps réel.
- Les 2 Marqueurs (MQ) assurent l'interface entre l’organe de commande constitué et les Unités de Raccordement d'Abonnés de 1ère génération, nommés Équipements de Modulation d’Abonnés (EMA) et les circuits de sortie (raccordés au reste du réseau téléphonique) nommés Équipements de Modulation de Circuits (EMC), via le Réseau de Connexion (CX).
Les matrices d'expansion/concentration des CSA sont réalisées avec des relais reed à 3 contacts : 2 contacts pour le transports des conversations analogiques et 1 contact de maintien électrique (même principe que pour le commutateur semi-électronique spatial PÉRICLÈS).
- Le Réseau de Connexion (CX), dans un Commutateur PLATON est 100% de type temporel, à un seul étage, de type T, d'une capacité de 32 Unités de Sélection, capable de commuter un maximum de 64 multiplex numériques MIC.
- Chaque EMA peut héberger 511 abonnés (la position Zéro étant impossible).
- Chaque EMC peut être relié à 62 circuits de transit.
- Est également présent un Organe de Contrôle (OC) chargé des opérations de test et de maintenance du système.
Le second sous-réseau du premier prototype PLATON est assuré par le Centre de Traitement des Informations (CTI), qui est constitué par un calculateur RAMSES I créé par le CNET, chargé de gérer, en différé dans le cadre du service normal, le Commutateur. (Ce calculateur est remplacé quelques mois plus tard par un CII-10010, plus puissant).

L’équivalent de la duplication de certains organes de commande est théoriquement assuré dans le Commutateur PLATON : en cas de panne du Traducteur (TR) ou du Taxeur (TX), la fonction défaillante peut-être reprise en secours par le Centre de Traitement des Informations (CTI) associé à l’Organe de Contrôle (OC) qui peuvent ainsi suppléer en temps réel à certaines avaries partielles du Commutateur.

Le commutateur Lannion IV est installé beaucoup plus facilement en juin 1971 .

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1971 A la SLE La prise de conscience
La réalisation des circuits imprimés se fait par collage de rubans autocollants et de pastilles noires sur un support du film transparent. La densification des pistes (passage d’une piste entre deux pastilles), ainsi que l’avènement du trou métallisé nécessitant le perçage avant gravure, rendent très difficile, voire impossible, la réalisation des circuits imprimés.
Il est alors envisagé de digitaliser les positionnements des pastilles et le tracé des pistes.
Cela nécessite l’investissement d’un photoplotter capable de réaliser de tels films et ce dans un environnement contrôlé.
Le choix est assez vite fait entre le fabricant Gerber et le français Secme. On choisira français pour des raisons de prix et de SAV.
Le matériel sera implanté au sein du labo photo dépendant du Bureau d’études.
Une visite effectuée au centre de Bull à Angers nous fait prendre conscience de la nécessité de travailler en atmosphère contrôlée en température et surtout en hygrométrie (55% +/- 5%) . Il faudra donc refaire complètement l’ensemble des salles qui deviendront avec difficulté des salles grises (La société Rineau réalisatrice ne respectera jamais le cahier des charges, rendant la production de films difficile surtout pendant la période d’été). Il faudra plus tard recasser entièrement l’ensemble des salles.
Les ennuis commencent avec la réalisation des centraux de Guingamp et de Paimpol en 1972.
L’effet de la montée en quantité de cartes et de bâtis produits met en évidence les défauts précédemment masqués :
- courts-circuits sur les cartes
- erreurs d’implantation de composants
- erreurs de câblage sur les fonds de panier
- non optimisation des nappes de câbles
- flèches sur les plateaux rainurés SOCOTEL
- différents aspects des bâtis (gris martelé)
- différences de couleur (couleur vieil or imposée par le client) sur les bandeaux de cartes
- etc...
La première prise de conscience de la nécessité de penser à un développement industriel viendra de la séparation du Bureau d’Etudes en deux entités :
- Le BE en Direction Technique qui continuera à créer les plans de définition du produit.
- Le BEI rattaché à la Direction Industrielle qui aura pour mission de fournir aux ateliers les données (essentiellement des plans à ce moment) nécessaires à l’exécution des ordres de fabrication. A ce titre, lui sont rattachés le labo photo et le photoplotter, élément vital de la fabrication de circuits imprimés.
Pour autant, les ateliers ne disposent toujours pas de services méthodes pour l’étude des procédés de fabrication et des gammes, la Direction Industrielle n’en ressentant pas le besoin.
Tout au plus, sur l’insistance de certaines personnes, se dotera-t-on d’une machine du type ORMIG pour générer en une seule fois l’ordre de lancement (OF), le bon de sortie magasin, certaines gammes de fabrication mais tout ceci est encore manuel.
Constitution de l’équipe de méthodes industrielles en 1972
Le hasard fait quelquefois bien les choses : la Direction Industrielle récupère un ingénieur embauché initialement par la Direction Technique mais dont le profil et l’expérience semblent mieux convenir à la Direction Industrielle : il s’agit de M. Demoury qui sera bientôt rejoint par deux autres ingénieurs venant également de Bull, à Angers : MM. Le Masson et Thomas, puis d’un technicien chimiste, M. Tran Van Hut.
Cette équipe forte de son expérience en production va dupliquer et adapter les procédés en application chez Bull.
En fait, sa première tâche va être de constituer le projet de transfert de technologie industrielle à la Pologne, et donc de constituer « ex nihilo » et de façon détaillée, des notices relatives aux procédés et aux procédures de fabrication, de contrôle et de test sur des équipements pas forcément tous essayés.
Mais paradoxalement, ce travail financé par le projet export contribuera à l’organisation des futurs ateliers de Tréguier et sera d’une importance vitale pour les transferts ultérieurs de technologie.
La décision de réaliser sur le Trégor une unité de production d’autocommutateurs de type E10, obtenue de la Direction Industrielle de la CIT (sur forte incitation de la Direction de la CGE), va permettre de mettre en œuvre les solutions retenues par le Service Industrialisation.
Le site choisi sera celui de Tréguier où une partie de la production a déjà été implantée dans l’ancien hospice de façon à soulager le site de Lannion. Ce site n’a rien de rationnel puisque le processus de fabrication des cartes équipées se fait sur plusieurs niveaux en empruntant des escaliers vermoulus.
La nouvelle unité de production est annoncée pour une capacité de 100 000 lignes (en fait elle atteindra 200 000 lignes).
Fait exceptionnel, l’usine de Convenant Vraz sera conçue à partir de rien, en plein champ, et autour du produit et de son processus de fabrication (ce cas de figure ne se renouvelleramalheureusement plus).
Les services d’industrialisation joueront beaucoup aux « legos techniques » pour maquetter les ateliers.
Pendant ce temps, des contraintes industrielles seront rédigées et acceptées non sans âpres discussions par les Services Techniques. Elles porteront essentiellement sur les contraintes d’implantation des composants découlant des procédés industriels de gravure des circuits imprimés et d’implantation des composants.
Des campagnes de réimplantation seront organisées en vue de supprimer des Ordres de Corrections sur les cartes les plus critiques .

L’intendance doit suivre : Une unité de production aussi performante soit-elle ne saurait fonctionner sans approvisionnements et sans données de production : le BEI créé au début des années 70 va voir son rôle précisé.
Une décision de l’Administration va bouleverser les modes d’acheminement des documents par l’obligation de réaliser des archives sur support microfilm au format de 35mm. Ce format était jusque là peu utilisé, le microfilm est inséré dans une carte perforée permettant le tri rapide des documents avec un niveau de qualité correct puisque les dossiers originaux sont récents. Cette technologie, récente pour l’époque, va bouleverser la gestion documentaire.
-Le BEI va changer d’appellation pour devenir le GID (Gestion des Données Industrielles). Ses fonctions au fil des mois devront s’étoffer et suivre l’évolution du produit et de son développement.
-L’absence de DAO oblige à vérifier la cohérence des dossiers réalisés par les équipes de conception : les erreurs sont fréquentes entre les nomenclatures et les schémas.
-Les lancements en production sont maintenant informatisés sur un calculateur PDP11 de DEC, avec un logiciel du type MRP. Il faut donc en urgence établir des règles de codification des articles et saisir les nomenclatures codifiées (pour mémoire, elles seront saisies « n » fois en fonction des divers logiciels de gestion de production qui vont se succéder du fait des changements de système de gestion).
-Les documents sont microfilmés dès le feu vert de cohérence, encartés et diffusés sous forme de microfilm ou de papier aux demandeurs (usines ou autre services). Cette activité fonctionne comme un centre de frais avec facturation aux demandeurs.
-Le microfilm permet de mettre rapidement à disposition des unités les documents.
L’articulation de la documentation imposée par la norme SOCOTEL ZAZ 4101 facilitera la gestion et la codification des pièces issues de plans. C’est ainsi que les centres de production se dotent d’une structure analogue au GID en jouant en local le même rôle. Ce mode de fonctionnement sera une partie intégrante de la plupart des contrats de transfert de technologie.
-Rapidement, il faudra également diffuser aux usines les supports de données des équipements de câblage et de test, essentiellement des rubans perforés et des disquettes, avec le contrôle intégral et la constitution d’équipements alors inexistants, la plupart des équipements se contentant d’effectuer des contrôles de bits de parité.
-Devant le nombre de références, le nombre de destinataires, le niveau de détail demandé (au plan près), la nécessité de facturer la prestation, il devient nécessaire d’informatiser cette fonction. Devant le peu d’intérêt manifesté par les équipes informatiques du Centre Technique, il a bien fallu se débrouiller avec les moyens du bord. Après d’âpres discussions, l’autorisation est obtenue de louer un calculateur Bull qui assurera la formation informatique des responsables et celle des opérateurs.

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La décision de mettre en service Guingamp est prise le Lundi de Pentecôte au soir devant un verre de bière.
L’ensemble du personnel d’installation SLE, assisté de quelques personnes des Etudes de la SLE et du CNET, travaille ce Lundi de Pentecôte et se réunit en soirée dans le café (restaurant de la Place de Verdun à Guingamp pour partie des acteurs, café à Pontrieux pour les responsables, peu importe, les deux lieux sont sur la rivière le Trieux) pour une réunion d’avancement du chantier. Au vu de la situation, F.Tallegas propose à R.Légaré de travailler la nuit du lundi, de se reposer le mardi soir et de basculer le trafic sur le E10 le mercredi soir.
Ce plan est adopté et réalisé après un dîner en commun dans ce restaurant.

Le premier Commutateur E10N4 prototype (équipé d'Unités de Raccordement d'Abonnés de type CSA à mini relais à contacts scellés) est mis en service en France le 24 mai 1972 à Guingamp (Guingamp Centre 1 (CN21)). (Sa Mise hors service interviendra le 11 juin 1980).

Ce produit E10 Niveau 4 est installé à Guingamp et aux centres satellites comme Bégard, Pontrieux, Lanvollon, Bourbriac, Callac, Belle-Isle en Terre), mis en service dans la nuit du 24 au 25 Mai 1972, et Paimpol (avec des centres satellites comme Bréhat), mis en service dans la nuit du 30 Juin au 1er Juillet 1972, avec une qualité de service équivalente à celle du Crossbar; ces deux premiers sites dépendent de la Direction Régionale des Télécommunications de Rennes dont le Directeur est Roger Légaré, également un fonceur éclairé.

Le Commutateur Prototype E10N4 - PLATON - Guingamp
Au premier plan, dans la première travée, 3 baies de Concentrateurs Spatiaux-temporels d'Abonnés (CSA), qui portent les cartes d'abonné.
Un second perfectionnement important est le remplacement des cartes mémoire à Lignes à Retard Magnétostrictive par des cartes à Registres à Décalages conçues à partir de circuits intégrés de type TTL, ce qui permet de stabiliser et de fiabiliser facilement le fonctionnement des Commutateurs.

Le second et dernier prototype E10N4 - PLATON de Paimpol est mis en service le 30 juin 1972 et Hors Service le 11 juin 1980
.

Chaque CTI est équipé, en ce qui concerne les premiers commutateurs de la présérie installés entre 1972 et 1975, d'un calculateur Mitra 15 de la société SEMS.
Centre de Traitement des Informations de type MITRA 15.
Ultérieurement, tous les Commutateurs E10N4 installés en France seront ensuite convertis en commutateurs E10N3 au niveau fonctionnel, grâce au remplacement de leur Centre de Traitement des Informations (CTI) par un calculateur Mitra 125.


Les deux premiers Commutateurs E10N4 - PLATON Prototypes de Guingamp et de Paimpol ainsi que les trois prototypes PLATON et l'ensemble des satellites déjà mis en service précédemment, constituent alors le premier Réseau Local Intégré entièrement maillé en technologie temporelle dans le monde.

Le Commutateur E10N4 marque le début de la mise en industrialisation du projet PLATON, mais voit aussi ses caractéristiques améliorées. Notamment, les Commutateurs E10N4 voient leur Réseau de Connexion supporter jusqu'à 15.000 abonnés, sous 64 Unités de Sélection, pour un trafic de 1.200 erlangs.

Aussi en 1972, le Telsat 15000 est le premier modem (2 Mbauds) de technologie MIC réalisé pour le compte du CNET, qui inaugure ce nouveau mode de transmission numérique sur la ligne Paris - Bretagne. Le SCTI en sera le premier client, à travers le Centre de Calcul Scientifique de l' Armement.

et de Ericsson Electronique. La nouvelle société comporte 2 établissements, celui de Lannion et celui de Boulogne-Billancourt qui se
consacre au développement du E12, système temporel qui équipera quelques centres de transit. L'effectif de Lannion est de 640 personnes en 1972, 880 personnes en 1973, 1000 personnes en 1974 et 1200 personnes en 1977. Le rythme des nouvelles embauches est important.


A partir de fin 1972 et en 1973, on a commencé à parler exportation et nouveaux cahiers des charges. De plus, la filiale de CIT, la société TELIC qui fabriquait et commercialisait des commutateurs privés électromécaniques de petite et de moyenne capacité, avait des demandes de commutateurs de grande capacité (2000 à 4000 lignes), avec des fonctions Centrex . Par ailleurs, la technique numérique intéressait des grandes
sociétés (banques, assurances, etc..).
La filiale TELIC nous demande donc d’adapter le système E10 au traitement des commutateurs privés de grande capacité.
Il est apparu que les organes de commande n’étaient pas adaptables pour le traitement assez sophistiqué des fonctions des commutateurs privés de grande capacité.
Les directions de la SLE et de la CIT ont pris la décision de financer le développement d’une nouvelle génération d’organes de commande, non sans en avoir informé la direction du CNET-Lannion.
Cette nouvelle génération d’organes de commande a été définie et développée à partir du processeur ELS qui utilise une mémoire centrale TTL de 256 kbits comprenant le circuit d'accès.

Après la première étape du réseau du Trégor, achevée à la fin 1972, la SLE assure la réalisation d’équipements pour différents sites avec raccordements d’abonnés dans l’ouest de la France : Sablé et la Flèche en 1973, Poitiers en 1974. Puis il s’agit aussi de centres de transit : Saint-Brieuc en 1975 et au Jardin des Tuileries à Paris en 1977 (8 commutateurs maillés).
Durant cette période La SLE procède à des améliorations technologiques et industrielles et obtient de meilleures performances.
La réalisation des autres commutateurs de la présérie et quelques autres s’est faite avec les mêmes dossiers de fabrication.

Le Commutateur E10N4- La Flèche-sur-Sarthe 1 est mis en service le 6 avril 1973. Il est le premier de la présérie E10N4.
- S'ensuit le Commutateur E10N4 - Poitiers-Grailly 2 (PT11) mis en service le 22 juin 1973.
Le premier Commutateur E10N4 mis en service en tant que Centre Nodal est mis en service à Rennes, (Rennes-Lavoisier 2 le 27 mars 1975.
Un Centre Nodal est en réalité un Centre de Transit terminal pour abonnés ruraux : il est à la fois un centre d'abonnés et un centre de transit...
Le premier Commutateur E10N4 exporté à l'étranger sera mis en service en Pologne, à Winogrady, en 1975.
Très vite, le E10 commencera à s’exporter aussi au Maroc, Egypte, Côte d’Ivoire... les commandes à l’international représentent 15% en 1976, 28% en 1977. Quatre ans plus tard, deux millions de lignes E10 sont en service dans le monde.

Ainsi après avoir atteint en 1971 le NIVEAU 4, suivant la classification de France Télécom de l’époque, la SLE a atteint le NIVEAU 3 en 1975, qui était de fait le E10A dans la classification E10.

Comme ces machines doivent traiter un nombre important d’appels, il était indispensable de définir quelques algorithmes de traitement que le programmeur devait prendre en compte dans le développement des programmes de façon à optimiser la capacité de traitement de la commande. Une petite équipe de une (Georges Fiche) puis deux personnes a été chargée de l’évaluation des capacités de traitement d’appel, ce qui a permis
au système E10 d’être assez performant dans ce domaine vis à vis de ses concurrents et sans doute d’être le système le plus puissant dans ce domaine.
Le premier commutateur privé CITEDIS (CIT-E10) a été mis en service à la Tour Winterthur de la Défense en 1974.
Après cette mise en service, la SLE reprend les discussions avec le CNET, les informant des difficultés (impossibilité) de répondre aux cahiers des charges export avec le E10 tel qu’il était. Convaincu, le projet a donc démarré pour un système de commande basé sur la commande CITEDIS et qui est baptisé E10-76 car devant aboutir en 1976 pour une mise en service.
Mais en 1974, après l’élection du Président Giscard d’ Estaing, Gérard Théry est nommé DGT en remplacement de monsieur Libois. Une petite révolution (de grands changements) intervient à la DGT et au CNET. La DGT rédige un nouveau cahier des charges pour les autocommutateurs électroniques, ce sont les NEF.
Un appel d’offres international est lancé en 1976, pour des commutateurs à matrice de connexion analogique (spatial ) à commande centralisée.
La CIT répond en association avec un constructeur japonais, mais bien sûr n’est pas retenue.
La vie industrielle du E10A continue tranquillement et la CIT vend toujours du Crossbar à la DGT.

169 Commutateurs d'abonnés E10N3+E10N4 ont été installés en France, dont 14 en Île-de-France, y compris Paris intra-muros.

À partir de 1976, après la baisse de prix des composants électroniques, les baies de raccordement d'abonnés EMA de 2ème génération entièrement électroniques, à base de nouveaux circuits intégrés hybrides ou monolithiques, deviennent abordables et seuls seront installés ultérieurement des Commutateurs E10N3 équipés de cette technologie EMA 2G.

En 1978, lors d’un congrès de télécommunications aux USA, il est apparu pour la majorité de la communauté des commutants du monde que seuls les systèmes numériques ont de l’avenir. La plupart des cahiers des charges à l’export exigent des systèmes numériques.
Le projet du E10-76 est relancé avec des objectifs plus ambitieux; ce sera le E10-B, mis en service en 1979 au Mexique et en 1981 à Brest. Il est équipé d’une nouvelle unité de raccordement d’abonnés: le CSE (carte d’abonnés assurant l’interface « courant fort »: 48 volts, courant d’appel, protections; et un réseau de concentration des signaux de parole à semi-conducteurs ; et un prix très compétitif).

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Le développement du système E10 et la réflexion sur les systèmes futurs

En 1970, le projet PLATON bénéficie d’un préjugé favorable dans le système hiérarchique des télécommunications. En effet, en avril 1968, le Lannionnais P. Marzin est nommé Directeur Général et L.J. Libois lui succéde à la tête du C.N.E.T. De plus, en 1969, le responsable de la commutation à la Direction Générale, R. Légaré, ferme défenseur de PLATON, devient Directeur Régional de Bretagne.. C’est pourquoi, sous l’impulsion combinée de R. Légaré et A. Pinet, un jeune ingénieur du C.N.E.T./Lannion (J.N. Méreur) établit, en collaboration avec les services de la Direction Régionale, un projet d’automatisation en système E10 de la « zone blanche » bretonne, c’est-à-dire de l’intérieur de la région, depuis Châteaulin jusqu’à Vitré.
Le choix de cette zone se justifie par plusieurs critères : la faible densité téléphonique et la structure rurale très éclatée permettent au système E10 de soutenir la comparaison, sur le plan économique, avec les systèmes Crossbar, sous réserve d’établir des bilans globaux incluant non seulement les investissements en commutation, mais aussi en bâtiments et en transmission ; la capacité maximale du système à cette époque (8 000 à 9 000 abonnés) semble aussi bien correspondre au développement attendu à moyen terme dans les groupements téléphoniques de cette zone.
Enfin, le résultat « ne risquait pas trop de perturber le réseau téléphonique français ! » et « les bénéfices pouvaient être importants : démonstration du bien-fondé des techniques d’avenir et libération des dépendances ancestrales en matière de commutation ».
Il est prévu que le Centre de Traitement des Informations (C.T.I.) puisse assurer la gestion de cinq commutateurs au maximum, sous réserve que ceux-ci ne soient pas trop éloignés de ce C.T.I. afin que les délais d’intervention du personnel de maintenance ne deviennent pas prohibitifs. C’est pour cette raison que le projet breton est conduit à envisager un C.T.I. localisé à Carhaix (Finistère) gérant le commutateur E10 de Carhaix, ceux de Quimperlé et Châteaulin (Finistère), mais aussi ceux de Rostrenen (Côtes-du-Nord) et du Faouët (Morbihan). De même, le C.T.I. de Ploërmel (Morbihan) doit prendre en charge Loudéac (Côtes-du-Nord), Montfort et Redon (Ille-et-Vilaine). Cette organisation, qui fait preuve d’un courageux mépris des frontières administratives, aurait à coup sûr engendré quelques conflits entre les différentes administrations préfectorales. En définitive, le projet breton d’automatisation en système E10 est limité aux Côtes-du-Nord par la Direction Générale, hormis les groupements de Saint-Brieuc et Dinan dont l’équipement en Crossbar est déjà amorcé. Les groupements de Guingamp et Paimpol sont programmés en système E10 pour une mise en service en 1972 avec un raccordement sur le C.T.I. de Lannion. Ceux de Loudéac, Lamballe et Rostrenen sont prévus pour 1973 et 1974, leur C.T.I. de gestion étant implanté à Saint-Brieuc. La décision de réduire la zone bretonne équipée en temporel s’explique par une juste
appréciation de la capacité de production et d’installation de la société S.L.E. Ceci rassure l’état-major de la Direction Régionale qui appréhendait, non sans raison, qu’un programme E10 trop ambitieux ne soit une source de retard dans l’automatisation de la Bretagne.

Mais les projets de développement de la commutation temporelle ne s’arrêtentpas à la Bretagne. Le C.N.E.T./Lannion et la S.L.E. invitent à Lannion les états majors des directions régionales du grand Ouest pour leur exposer les avantages des réseaux intégrés et leur faire visiter ensuite les installations en service dans la zone de Lannion pour consolider l’argumentation. Le système E10 ne manque certes pas d’atouts pour équiper les zones semi-rurales, même s’il est discutable d’affirmer que « l’étude et la définition du système E10 ont été entreprises dès l’origine dans l’optique de la desserte des zones à faible densité téléphonique... » en réalité, la capacité du système, 8 000 abonnés bientôt portée à 16 000 abonnés, est trop faible pour desservir des grandes zones urbaines car une gestion rationnelle d’un grand réseau impose de limiter au maximum le nombre de commutateurs et donc que chacun d’eux ait la plus grande capacité possible. Le système E10 permet des gains importants sur les volumes et les surfaces des salles de commutation (dans un rapport de un à quatre environ pour le commutateur principal et de un à cinq pour les satellites) ; les temps d’installation des équipements sont très réduits par rapport à l’électromécanique. L’utilisation de la transmission MIC s’avère souvent très intéressante dans les zones éclatées car elle permet de retarder des investissements en nouveaux câbles ; le système E10, transparent à ce type de transmission, comble alors totalement ou partiellement son handicap économique face aux techniques spatiales. Enfin, l’électronique (spatiale ou temporelle) fait espérer, du moins à moyen terme, des gains sur les effectifs de maintenance, une souplesse d’exploitation incontestable au moyen de relations « homme-machine », et l’offre de services nouveaux aux abonnés.
Cependant, le système exige des installations de conditionnement d’air plus onéreuses que celles de l’électromécanique. Sur un autre plan, la formation du personnel de maintenance n’est pas normalisée et reste par la force des choses entre les mains du C.N.E.T./Lannion qui promet d’ailleurs aux directions régionales – la promesse sera tenue – l’assistance de ses spécialistes aussi longtemps qu’elle s’avérera nécessaire et que le système n’aura pas atteint sa maturité.
Au plan économique, la technique temporelle supporte le poids de la transposition des fréquences vocales en combinaisons numériques codées, ce qui rend les unités de raccordement d’abonnés ou de circuits particulièrement onéreuses.
Consciente de ce handicap, la société S.L.E. entame dès 1970 l’étude et le développement de nouvelles unités au coût moins élevé. Pour remplacer les équipements de modulation d’abonnés (E.M.A.), la S.L.E. définit deux modèles de concentrateurs spatio-temporels. Dans l’un, le C.S.A., les cinq cent douze abonnés sont reliés aux entrées d’un concentrateur constitué de relais à tiges (contacts scellés) dont les soixante-quatre sorties accèdent à deux systèmes MIC (de chacun trente voies). Dans l’autre, le C.S.B., on utilise un matériel très employé pour l’automatisation des zones rurales, le concentrateur Télic (filiale de C.I.T.). Aussi bien dans le C.S.A. que dans le C.S.B., on a donc repoussé l’échantillonnage et la conversion analogique/numérique à l’entrée du système MIC et on utilise d’ailleurs pour cette conversion le même matériel que celui mis au point par les transmetteurs, ce qui participe à une diminution des coûts par augmentation des commandes et à une normalisation toujours intéressante au niveau des performances et de la gestion techniques.
Pour gérer les circuits, la S.L.E. développe trois organes dits groupes de synchronisation à logique doublée (pour assurer la sécurité), chacun d’eux pouvant traiter quatre modules de synchronisation, soit vers les satellites (M.S.S.), soit vers d’autres commutateurs temporels (M.S.C.), soit vers des commutateurs électromécaniques (M.S.M.). Dans ce dernier cas, la conversion numérique/analogique est assurée dans des équipements d’extrémité MIC (TNE1) du système normalisé par les transmetteurs.

Les commutateurs E10, succédant aux prototypes PLATON de la zone de Lannion,vont donc être dotés d’unités périphériques différentes. L’objectif principal a été une diminution des coûts. Mais on espère aussi, au moyen du concentrateur spatial du C.S.A. ou du passif Télic du C.S.B., éliminer les défaillances du complexe équipement d’abonné de l’E.M.A. On n’est là qu’à un palier dans le traitement d’un problème récurrent dans la technique temporelle.
Les arguments lannionnais associés aux avantages du système E10 réussissent à convaincre les Directions Régionales de Nantes, Rouen et Poitiers d’adopter la technique temporelle pour certains de leurs projets. Tous ceux-ci, élaborés en 1970 et 1971, s’étaleront dans le temps de 1972 (Guingamp, Paimpol) à 1977 (La Ferté-Bernard) pour leur mise en service. Ils reçoivent l’aval de la Direction Générale, nécessairement prudente face à un produit sans équivalence dans le monde des télécommunications. Pour s’assurer un volume de production plus significatif mais aussi pour profiter de son avance dans le domaine temporel et s’imposer ainsi à l’exportation, la S.L.E. mène une action internationale non dénuée de succès puisqu’elle obtient des marchés, en Pologne et en Egypte en particulier. En fait, c’est la réussite de la mise en exploitation de Guingamp (opération sans précédent : automatisation de 70 communes simultanément) qui, malgré quelques difficultés initiales, a donné confiance dans le nouveau système. Et c’est ainsi que, fin 1978, on comptait 64 centraux E10 en exploitation dans le réseau français avec 430 000 abonnés auxquels il convient d’ajouter les 2 centres de transit de Saint-Brieuc et surtout de Paris-Tuileries.

L'introduction dans le réseau d’un sytème temporel provoque un tel bouleversement dans les méthodes de gestion et de maintenance qu’elle a obligé le C.N.E.T./Lannion a s’impliquer d’une façon totalement inhabituelle dans son aide aux services d’exploitation : formation des techniciens, organisation du système d’échanges de cartes électroniques défaillantes, équipe d’intervention pour réaliser des ordres de correction. Quelques années ont été nécessaires pour que l’ensemble de ces tâches soient reprises par la Direction de la Production de la Direction Générale.

À partir de la mi-1969, la Direction du C.N.E.T. doit gérer deux situations réagissant l’une sur l’autre : il faut d’une part participer à la préparation du VIèm Plan (1971-1975) en définissant les axes de recherche et de développement dans le domaine des télécommunications ; et d’autre part il importe de réorganiser en conséquence les équipes de chercheurs en commutation, ceux-ci ayant atteint un palier au niveau conceptuel, même s’ils sont en parallèle très sollicités par les expérimentations en cours, encore plus à Lannion avec le projet PLATON qu’à Paris avec le projet PERICLES.
Équiper le réseau national d’un système unique est un vœu permanent de la Direction Générale des Télécommunications (et sans doute de toute so-
ciété exploitante en situation de monopole). Le sujet avait déjà donné lieu à des débats houleux en 1957 à l’occasion du choix d’un (ou de plusieurs) systèmes Crossbar. La note C.N.E.T. DD/DR/38 de février 1970, intitulée « la commutation électronique dans le VIèm Plan » reflète la pensée du conseiller du Directeur du C.N.E.T. en commutation (P. Lucas), identique à celle de l’état-major du département R.M.E. à Issy-les-Moulineaux (J. Dondoux, chef du département). Après avoir rappelé qu’au plan mondial « ...une certaine convergence se dessine dans les grands choix techniques ; la commande par une paire de calculateurs à programme enregistré est utilisée le plus souvent... » , elle confirme que le programme du C.N.E.T. dans le cadre du VIèm Plan doit avoir pour objectif de permettre au Directeur Général des Télécommunications de disposer « ...des éléments techniques et économiques pour choisir en 1973 le système unique de commutation électronique qui équipera le réseau » . Il est précisé qu’« un tel système est essentiellement caractérisé par les calculateurs qu’il utilise » et que « les autres choix, qui polarisent quelquefois l’attention, comme celui entre commutation spatiale et commutation temporelle sont en définitive moins importants » . Ces termes ne peuvent que laisser perplexe l’état-major de l’équipe PLATON qui a pris des options totalement opposées. Et le fait que quelques mois plus tard L.J. Libois nomme A. Pinet responsable des groupes d’études du futur système E1 ne fait pas disparaître les différences de conception ; pour A. Pinet, « la première option de base, retenue pour le système E1, réside dans la nature temporelle de la connexion pour la commutation de circuits » et il ne s’attarde pas sur ce que doit être la connexion pour les centres d’abonnés, sinon pour accepter qu’elle puisse être « spatiale pour les étages de raccordement d’abonnés » et il confirme l’option PLATON de « la répartition des fonctions de commande entre deux niveaux de centres (unités de commutation et unités de gestion) » . P. Lucas, quant à lui, présente un bloc diagramme du système E1 conforme aux idées émises par A. Pinet. Mais le texte d’accompagnement précise que « la vieille querelle des technologies (spatiale contre temporelle) est maintenant dépassée. L’apport essentiel de la commutation électronique est ... la centralisation de la commande dans les calculateurs à programme enregistré » .
Mais la raison principale de l’impossibilité à définir un système unique tient en réalité à la composition de l’industrie française en commutation ; H. Bustarret, chef du Service des Programmes et des Affaires Industrielles du C.N.E.T., dans un article paru dans le numéro 67 de l’Echo des Recherches (janvier 1972) et intitulé « Pour une politique industrielle des télécommunications » (p. 38 à 47) explique que le choix du système unique ne peut se faire qu’au bénéfice d’un seul des 2 groupes concurrents face à face : la CIT d’une part, les filiales ITT (LMT et CGCT) d’autre
part. Et comment envisager que la CIT se priverait de la chance d’autonomie acquise avec l’avance obtenue en temporel grâce à PLATON/E10 ? Les quelques divergences d’ordre technique au sein du C.N.E.T. pèsent peu en regard des énormes enjeux industriels et financiers que représente le marché mondial de la commutation électronique. Et l’espoir d’un système unique va définitivement disparaître avec les bouleversements que va subir le domaine des télécommunications françaises dans la décennie suivante.

Les incertitudes crées par les changements de politique et d’organisation des télécommunications (1975-1977)

À l’automne 1974, G.Théry devient Directeur Général des Télécommunications.
Obtenant une plus grande autonomie, il fait adopter au début de 1975 le « Plan de Rattrapage du Téléphone » qui prévoit un programme de financement de 105 milliards de francs associé à l’objectif ambitieux de « doubler le parc de lignes principales en cinq ans. Pour cela, il va falloir installer dans les quatre années à venir autant d’équipements téléphoniques qu’il en avait été installé dans les quarante dernières années » .
Pour réussir, une nouvelle politique industrielle est décidée, dans le but de provoquer une plus grande concurrence entre fournisseurs. À cet effet, une Direction des Affaires Industrielles et Internationales (D.A.I.I.) est créée à la fin de 1974 et le C.N.E.T., dont les liens avec l’industrie ont été jugés trop étroits, est placé sous la tutelle de cette nouvelle direction « chargée de définir les objectifs industriels » . Le C.N.E.T. doit s’éloigner « des études de systèmes pour prendre plus étroitement en compte les domaines de recherche et d’étude d’applications, en appui à l’exploitation » . Le choc est rudement ressenti au C.N.E.T., surtout au niveau de son état-major.
La DAII décide alors le 21 Juin 1975 de lancer une consultation internationale pour la fourniture de systèmes en commutation électronique spatiale. Le retentissement est considérable, aussi bien sur le plan français que sur le plan mondial : alors que la S.L.E. retenait l’attention avec son système E10, la Direction Générale donne soudain l’impression qu’elle hésite à s’engager franchement dans la filière temporelle, ce qui incite les exploitants étrangers intéressés par E10 à s’interroger sur le bienfondé de leur choix. Le résultat de la consultation est donné le 13 mai 1976 par un communiqué de N. Ségard, Secrétaire d’État aux P.T.T. ; il annonce que M. le Président de la République a décidé :
– de confirmer la priorité accordée à la « filière » française du tout électronique (système temporel) qui constitue la technologie du téléphone de
demain,
– de retenir le Métaconta développé en France par I.T.T. et l’Axe présenté par Ericsson (systèmes spatiaux) pour l’équipement du réseau télépho-
nique français »
Après une argumentation essayant d’effacer l’évidente contradiction que contiennent ces deux phrases juxtaposées, N. Ségard en arrive à ce qui constitue vraisemblablement le principal objectif poursuivi :
... « mettre en œuvre une politique industrielle française recherchant :
– la création en France des bases d’une saine concurrence entre les fournisseurs de l’Administration,
– la volonté politique de recréer une industrie française du téléphone dont les centres de décision seront purement nationaux.
Les choix qui ont été faits entraînent la prise de contrôle par Thomson-CSF des sociétés L.M.T. et Ericsson-France ».
Cette « francisation » de l’industrie met en fait Thomson dans une situation très difficile avec la gestion ou le développement simultané de 5 systèmes de commutation hérités de L.M.T. et Ericsson. Le nouveau groupe ne parvient pas à les maîtriser et 6 ans plus tard cède à la CGE toutes ses activités de télécommunications civiles.

L’orientation irréversible vers la commutation temporelle à partir de 1977

L’inquiétude créée par le choix « spatial » de 1976 ne peut que redoubler les efforts de la CIT pour mettre au point son système temporel E10B (ou E10N1) de 2èm génération. L’architecture générale du E10B est fortement inspirée de celle du E10A, en particulier par sa commande répartie et à deux niveaux, mais la technologie à base de microprocesseurs et les logiciels sont entièrement nouveaux. La sécurité de fonctionnement, mais surtout la sécurité de gestion sont très supérieures à celles du « vieux » E10A. Et sa capacité maximale d’environ 35 000 abonnés lui permet de viser le marché des grandes unités urbaines. La réalisation des commutateurs temporels de deuxième génération pouvant atteindre de grandes capacités est rendue possible grâce aux progrès phénoménaux de la micro-électronique à partir de 1975. La densité d’intégration augmente suivant une courbe exponentielle (dite loi de Moore) et rend les microprocesseurs de plus en plus performants, les coûts évoluant selon une courbe inverse. En 1965, un boîtier incluant 100 portes logiques coûtait environ 200 francs de 1978 ; en 1975, un boîtier de 10 000 portes logiques avait la même valeur marchande ; la densité d’intégration avait augmenté dans un rapport 100 alors que le coût de la porte diminuait dans ce même rapport ; et la vitesse de réaction passait de six à une nanoseconde .
Un premier exemplaire du E10B est commandé pour Brest dès 1977. Il sera mis en service en Juin 1981 après celui de Pékin (fin 1980). Mais dès 1979 les prévisions de commande s’infléchissent en faveur du temporel . Et la poussée irrésistible des techniques numériques est mise en pleine lumière à l’occasion du colloque international de commutation (CIC 1979 ISS) tenu à Paris du 7 au 11 mai 1979.
Dans le compte-rendu très dense qu’il en fait , P. Lucas note dans son introduction que ce colloque « ... a surtout marqué le basculement inexorable et sans doute définitif vers la commutation numérique et les réseaux intégrés... » et qu’« une autre tendance importante, suscitée par l’arrivée des microprocesseurs sur le marché, concerne les structures de commande décentralisées, par opposition avec la tendance centralisatrice qui dominait depuis l’ESS1 ».
Il note que « ce rapide survol de l’évolution générale met en évidence le caractère profondément original des choix techniques français et le fait que les principes retenus étaient en avance de plusieurs années sur l’évolution actuelle. C’est en effet dès 1970 que la France a misé sur la commutation temporelle dans le réseau local avec le système E10, à structure décentralisée, solution dont l’intérêt se découvre maintenant ».
La pente est alors irréversible et en 1986 le réseau français est déjà équipé à 54 % de commutateurs numériques, très en avance sur le reste du monde ; en effet, si la Bell a pris le virage temporel dés 1976 pour les centres de transit, elle ne développe son système ESS5 pour abonnés qu’à partir du début des années 1980. Et la CIT se retrouve en position très dominante, sinon monopoliste, sur le marché mondial de la commutation entièrement électronique.

Conclusion
Au terme des recherches entreprises au début des années 1960, deux acquis furent incontestables, même si sans doute aujourd’hui quelque peu dépassés :
– l’avance prise par la France dans la numérisation d’un réseau public de télécommunications devenant ainsi sans doute le plus moderne du monde, en partant pourtant d’une situation de crise qui donnait lieu à des commentaires apitoyés mais à tout le moins ironiques de la part de nos partenaires occidentaux.
– la création d’un puissant groupe industriel français des télécommunications exportateur de matériels mais aussi de compétences, alors qu’auparavant les fabricants français de ce domaine étaient traditionnellement sous la tutelle financière et technologique de grandes sociétés étrangères.
Toute recherche est maintenant collective. Il est cependant indispensable de rappeler l’apport fondamental de :
Pierre Marzin à l’origine d’une décentralisation audacieuse.
Louis Joseph Libois qui perçut qu’« il fallait s’écarter de la voie américaine, celle de l’électronique spatiale analogique, pour se lancer dans la commutation électronique temporelle numérique .
André Pinet « le père de PLATON », qui sut donner confiance à ses équipes, parfois découragées par une technologie pas encore à la hauteur des idées et qui fit preuve de ténacité pour défendre les avantages d’un réseau numérique intégré, ouverture vers le réseau multiservices de l’avenir.
On notera que, curieusement, les trois hommes qui ont donné l’impulsion décisive au démarrage de la commutation temporelle ont fait l’essentiel de leur carrière de chercheurs dans les techniques de transmission

 

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Le E10 vu côté intégration

Au début des années 70, le produit E10A se cherche encore; pour Alcatel l’industrialisation commence à peine.
L’exemple des liaisons haut de baies illustre ce propos. Elles relient les organes et sont redéfinies pour chaque commutateur. Madame Ferette de l’ingénierie dessine d’énormes tableaux représentant ces liaisons et les emplacements des amplificateurs associés. Ces véritables ouvrages d’art définissent les câblages à effectuer par le personnel chantier, sur des supports métalliques, eux mêmes fabriqués à la demande. Nous réussirons plus tard à standardiser ces liaisons et leurs chemins de câbles grâce au système «racbat», dont nous confierons la fabrication aux ateliers d’handicapés de Lannion, puisque nous ne pouvons pas émettre le «dossier de fabrication», nécessaire pour une production par la D.I..Il faut dire que le passage au nouveau système de raccordement est facilité, malgré quelques réticences du côté du C.N.E.T., par l'adoption des faux-planchers, à partir de Sablé et la Flèche. La nouvelle disposition, idée du D.R.C., supprime, en effet, les tunnels de ventilation sur lesquels reposent les baies, ainsi que les chemins de câbles les plus chargés: ceux qui transportent l'énergie et ceux qui supportent les raccordements au répartiteur. Tous les câbles cheminent désormais dans un faux-plancher où l'air est en légère surpression et refroidi.
La priorité n'est pas encore la réduction des coûts ! Les bâtis ont des flasques en inox de qualité, avec un poli miroir; ils sont dotés d'orifices d'accrochage des alvéoles de forme carrée, usinés au centième de millimètre. C'est tellement plus simple que de percer des trous ronds ! Les faces avant de ces armoires sont en plastique thermoformé, d'une fragilité exceptionnelle. Elles sont dotées de propriétés electrostatiques telles que les femmes de ménage, en astiquant ces nids à poussière, effacent invontairement le contenu des mémoires de traduction. C'est en tout cas ce qui nous arrive à Fleury sur Andelle, une demi-heure avant l'arrivée du ministre qui inaugurait le commutateur. Il fallut être rapide, et discret, pour que J. Lecanuet puisse passer son coup de fil symbolique.
Une autre préoccupation est le flux continu des ordres de corrections (O.C.s).
La doctrine du département chargé des études des matériels: le Département Hardware, (D.H.) est simple: tout O.C. qui sort de ses bureaux est immédiatement applicable à tout le matériel, qu’il soit en service ou non. Cette dictature des O.C.s, qui pénalise le Département Industriel autant que les réalisateurs (il faut créer un atelier qui dépasse les cent personnes spécialisées uniquement dans les O.C.s ), ne peut pas durer bien longtemps. Après avoir reçu le six centième O.C. pour le seul Groupe de Synchronisation de Multiplex (G.S.M.) nous partons à l’assaut de D.H.. Après une chaude bagarre nous obtenons le regroupement des O.C.s en lots, qui conduit un peu plus tard à la définition des états techniques, puis des paliers et des versions recouvrant à la fois le matériel et le logiciel. Le nombre des O.C.s ne diminue pas, mais leur gestion en est grandement facilitée, beaucoup grâce à J. Heurteur .
Les O.C.s, générés pendant les quelques mois que durent un chantier, nous conduisent à former des techniciens de chantier spécialisés dans leur exécution: les «O.C.s men», champions de la pince coupante, des cutters, des fers à souder, et du collage des fils sur les cartes. Bien sûr, les clients prétendent que ces tortures diminuent la fiabilité des cartes; nos discours pour atténuer cette critique sont peu crédibles. L’Administration réussit néanmoins à nous imposer un nombre maximum de 10 fils par cartes ainsi qu‘un nombre limité de soudures par dm2 (Cette habitude coûteuse va durer jusqu’aux contrats de Pékin, les chinois ne tolérant aucun fil sur les cartes).
L’Administration française connaît bien les ordres de correction, qui ont cours évidemment aussi dans les technologies électromécaniques (où ils sont d‘une exécution plus aisée). Les méthodes de gestion existent, il faut nous y plier. Une commission C.N.E.T.- S.C.T.T.-S.L.E. est créée dès la mise en service de Guingamp-Paimpol. Elle se réunit chaque mois et décide de l’application des O.C.s ainsi que de la responsabilité du fournisseur pour chacun d‘entre eux. D.R.C. représente la société dans cette commission. Le but du jeu est, bien sûr, pour nous, d’éviter que ces O.C. ne nous coûtent trop cher, car leur application est rétroactive et concerne aussi les commutateurs déjà en service, à la charge de la S.L.E., si elle est reconnue responsable. Assez vite, nous réussissons à bloquer les applications des O.C.s jusqu’à ce qu’une extension nous conduise à revenir sur le site concerné. Mais il faut gérer chaque site et savoir, à tout moment, pour chaque central, quels O.C.s, ou groupe d’O.C.s., sont exécutés ou non. Une nouvelle tâche pour l’ingénierie .

L'Intégration ; la mise au point en plateforme
L’état du matériel en sortie de fabrication est parfois loin de celui de la mise en service; il faut créer, au sein de D.R.C., une plate forme de mise au point (la M.A.P.), dirigée par M. Ferette. Ce nouveau service monte, pour chaque central, une maquette représentative, afin de la faire fonctionner, au moyen de lanceurs d’appels «les pondeuses» puis de simulateurs capables de saturer le système: les SIMAT. Ainsi, après avoir appliqué les fameux O.C.s. (ceux que la D.I. n’avait pas eu le temps d'appliquer) et y avoir introduit les logiciels spécifiques, des essais complets peuvent être conduits. Ce n’est qu’après avoir vérifié un fonctionnement suffisant que le matériel est démonté, emballé et expédié sur les sites.
Ces expéditions, pour un site donné, sont nombreuses, elles s’étalent sur plusieurs mois, jusqu’à la remise au contrôle du client. Des raisons multiples expliquent ces pratiques coûteuses: les propres insuffisances des réalisateurs, la pauvreté en moyens de contrôle en production, au moins au début, mais aussi l’organisation de la fabrication, qui, pour diminuer ses coûts, lançe des campagnes de fabrication des cartes répétitives, au détriment des cartes en faible nombre. Dans cette longue liste il ne faut pas oublier le temps nécessaire à l’application des O.C.s en fabrication comme en plate-forme. Les transports en France se font par la route, mais à l’export ce sera presque toujours l’avion !
L’évolution rapide des matériels et logiciels, ainsi que la diversité des configurations imposent le maintien de ces mises au point, en dehors de la fabrication, pendant de nombreuses années. Cela crée un besoin de maquettes qui ne peut être satisfait que par des prélèvements temporaires sur le matériel des affaires, car il n’est pas question d’investir dans un matériel destiné à l’obsolescence à court terme, tant l‘évolution de nos matériels est rapide.
Devenue une modeste unité de production de matériel, la S.L.E. doit accepter la présence obligatoire d’un contrôleur de l’administration. Il est très jaloux de ses prérogatives; D.R.C. est son interlocuteur officiel et nous devons lui consacrer beaucoup de temps. Il vient, bien sûr, d’unités de production de commutateurs électromécaniques; nos méthodes de fabrication et de test le déroutent passablement; il nous faut faire preuve de beaucoup de pédagogie et de psychologie. Mais il est le maître de la procédure dite «Surcouf» qui déclenche le paiement de la partie matérielle des contrats !
Le contrôleur P.T.T. a besoin d’un interlocuteur. De plus, peu à peu, les équipements proviennent d’usines différentes, avec des habitudes différentes; les matériels achetés, qui ne sont pas de notre fabrication, supposent un contrôle d’entrée par nos soins; et même nos propres productions peuvent présenter certaines lacunes, des O.C.s mal exécutés par exemple. Bref, de multiples raisons nous conduisent bientôt à nous doter d’une petite équipe de contrôle D.R.C.. J.P. Chapelain en est le responsable; il le restera longtemps, agissant toujours avec justesse et pondération .
Petit à petit, nous passons de la phase prototype à celle de la pré-série et nous devons nous couler dans les habitudes de notre client D.G.T.. Il faut se plier au «contrôle des prix». Il s’agit de constituer et de faire vivre un bordereau de prix, ce qui permet l’écriture des marchés et le calcul du prix définitif des commutateurs “tels que construit” lors de l’application de la procédure de «récollement». C’est encore le département qui devient
l’interlocuteur du service de contrôle des prix (C.N.E.T. Issy les Moulineaux). Bien entendu cette activité, conduite par J.Michel, est supervisée de très près par le Directeur Général: F.X. Montjean.
Comment faire ? La C.I.T. Transmission est, dans la famille de la S.L.E., l’organisme dont les produits sont les plus proches des nôtres. Nous allons donc à l’école des "spécialistes", rue Saint-Charles, avant de poursuivre nos "études” à Villarceaux. Bien entendu, cette activité concerne la totalité des travaux de la société liés à la production . Que d’heures de discussions (l’unité pour la main d’oeuvre est le centième d’heure) avec des contrôleurs de bonne composition mais qui ont tout leur temps, entre deux avions, à chacun de leurs fréquents passages à Lannion. L’attrait de la nouveauté sans doute !

SIMAT : simulateur d’abonnés composé d’un calculateur PDP8 de Digital Equipment et d’un coffret de cartes joncteurs capables de simuler des abonnés analogiques à cadran ou à clavier multifréquence; quelques instructions sont rentrées par le technicien directement aux clés du PDP8 pour activer la lecture des bandes perforées comportant le logiciel de simulation d’appels; le terminal associé à cette machine est une ASR33.
Le SIMAT est initialement développé par LMT, puis repris par SOCOTEL et ensuite fabriqué par Clemessy.
Le premier SIMAT de la SLE est acheté, vers 1972, suite à l’installation par les services « chantiers » des commutateurs E10 dans les villes de Sablé et de La Flèche.
En effet, en France, le contrôle des installations par le SCTT se faisant à l’aide du SIMAT, la SLE se voit obligée d’acquérir un SIMAT pour faire des essais au préalable dans les mêmes conditions.
Avantages : puissant et redoutable lorsqu’il lance tous les appels en rafale; il simule parfaitement la numérotation Multifréquence et est très efficace pour valider les Récepteurs de Fréquences des commutateurs.
Inconvénients : interface Z spécifique France (NEF), coûteux à l’achat, très volumineux, il nécessite un conducteur et une voiture Citroën ID19 break pour son transport ; l’historique des appels imprimé au fil de l’eau sur un listing papier et un blocage du trafic du commutateur en début de nuit consomme tout le rouleau de papier de l’ASR33 en quelques heures.
Pour pallier partie des inconvénients, une version allégée, plus compacte, est développée par la suite sous le nom de MINISIMAT
SATAN : simulateur d’abonnés analogiques fabriqué par Alcatel CIT; son calculateur est la logique réserve d’une URA (typiquement un CSE); cette logique réserve est vue hors service de la logique pilote qui écoule seule le trafic dans l’URA; un terminal est raccordé à la carte processeur de la logique réserve pour y charger le programme de simulation.
Avantages : non tributaire de l’interface Z, implanté dans la logique réserve, pas de matériel à transporter pour simuler les appels, donc pas de problème de transport ni de douane à l’étranger et pas de limitation en nombre de simulateurs d’appels pour les essais en charge, puisque chaque URA peut supporter un SATAN. Une version coffret indépendante de l’URA est aussi développée (avec l’interface Z 600 ohms de la France).
Inconvénients : la logique de commande «opérationnelle» signale en alarme sa logique réserve, ne fait pas de basculement périodique ou sur faute en charge et donne une fausse idée de sa charge réelle puisqu’elle ne dialogue pas avec sa logique réserve

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1974 Le CNET est réorganisé

L’avènement d’un nouveau président, Valéry Giscard d’Estaing provoque la mise en place » d’une nouvelle équipe de la DGT en juillet 1974.
Un nouveau directeur G. Théry est nommé à la tête de la DGT, décide de la mise en place d’une direction industrielle, appelée DAI, et nomme son Directeur, Jean-Pierre Souviron. On lui adjoindra assez rapidement la responsabilité des affaires internationales et il deviendra ainsi le DAII des
Télécommunications. Il prend des décisions importantes dans le domaine industriel, que nous examinerons ci-dessous, et il cherche à redéfinir le rôle du CNET devant permettre une relance de ses activités de recherche. Il part d’un constat sévère : « Je considère que la recherche au sein du CNET en novembre 1974 était mauvaise : les ingénieurs du CNET au lieu de faire de la recherche eux-mêmes, la faisaient faire par des industriels grâce des crédits d’études ».
Certes une bonne partie des travaux du CNET sont des contributions au développement industriel, mais à Lannion en particulier plusieurs projets de recherche sont menés en amont des développements industriels. Le positionnement en amont du projet Platon, jusqu’en 1972, a été emblématique. Mais il n’a pas été le seul. Les recherches engagées sur une transmission à un débit de 560 Mbit/s, un très haut débit pour l’époque sont menées d’abord sur un plan théorique : travaux de théorie des communications de Michel Joindot appliqués à un canal à 40 GHz via un guide d’ondes circulaire de 50 mm de diamètre. Par ailleurs le CNET Lannion réalise les maquettes de toute la partie « numérique et fréquence intermédiaire », y compris l’appareillage de caractérisation, introuvable à cette époque, notamment un générateur numérique pseudo-aléatoire et un analyseur de canal de transmission à large bande. Puis il assure l’intégration d’ensemble du numérique au millimétrique.

Un transfert technologique, sur le modèle du transfert PLATON, est engagé. « En ce qui concerne les équipements en fréquence intermédiaire et en bande de base numérique, le développement industriel débute en 1973-74.
L’équipe du CNET Lannion transfère tout son savoir-faire à des équipes de la CIT et de la SAT, qui lui sont proches, car installées à Lannion.

Ces deux équipes industrielles travaillent dans une certaine coopération, avec une dose d’émulation, et en lien avec le CNET Lannion, responsable des marchés d’études et rédacteur des spécifications techniques des sous-ensembles »
Maurice Acx (SAT Lannion), Claude Aillet (SLE-Citerel) et Ph. Dupuis (CNET) présentent une communication commune intitulée « IF and baseband circuit design and repeater performances » lors de la Conférence internationale sur le guide d’ondes circulaire de Londres en novembre 1976. Lors de cette Conférence il a été confirmé que l’avancée rapide des recherches sur les fibres optiques constituait une forte menace pour le guide d’ondes. Effectivement le guide d’onde circulaire n’aura aucune application industrielle, néanmoins ces travaux amèneront le développement des activités de transmission numérique sur le pôle lannionais.
La réorganisation du CNET se fera progressivement et aboutira en 1979 à la constitution de centres, disposant d’une certaine autonomie et on peut considérer que l’action de la DGT à des effets positifs sur les deux centres de Lannion.
Elle va permettre de relancer les équipes, toujours mobilisées sur le numérique, le « grand projet » de Lannion, enrichi dans les années 1980 par des recherches à la fois sur les nouveaux services numériques, les nouvelles formes de réseaux (RNIS, ATM...) et sur les fibres optiques, considérées comme l’avenir des transmissions. Il n’est pas certain que le centre d’Issy-les-Moulineaux ait bénéficié du même effet de relance.

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Période de flottement industriel (1974-77)

La DGT veut concentrer l’effort industriel sur la commutation spatiale, ce qui de fait remet en cause la commutation numérique.
Par ailleurs elle soutient Thomson-CSF, comme concurrent du Groupe CGE, et cherchera à reprendre des filiales françaises des groupes étrangers Ericsson et ITT. Cette période de flottement intervient dans cet environnement industriel en pleine transformation.
En octobre et novembre 1974 la grève du CNET Lannion, menée dans le cadre d’un mouvement général des PTT contre la Réforme en cours et largement suivie, a été rapportée dans un article du journal le Monde, écrit par Dominique Verguèse, journaliste des questions scientifiques.
Certes « à l’appel des syndicats le personnel du CNET de Lannion et d’Issy-les-Moulineaux proteste contre la réorganisation récente de la direction générale des télécommunications, qui restreint assez sensiblement la mission du CNET»...
Mais en fait une bonne partie des ingénieurs et techniciens en grève à Lannion sont plus préoccupés par le contenu de la nouvelle politique industrielle, que par les questions d’organisation de la DGT et du CNET. Dominique Verguèse se fait écho de cette préoccupation en écrivant dans un paragraphe intitulé « La guerre des filières » : Devant le retard pris par la France la direction générale des télécommunications, animée par M. Libois avait décidé de brûler les étapes...pour passer plus rapidement aux centraux de l’avenir, les centraux électroniques à commutation temporelle, étudiés par la CIT.
Le CNET s’était donc fait le champion de la commutation temporelle en s’appuyant sur l’industrie française... Le nouveau gouvernement marque son hésitation à poursuivre une politique nationale de développement technologique coûteuse, qui requiert un soutien à long terme ».
En avril 1975 Dominique Verguèse est revenue sur la question de la commutation numérique et a conclu son article de la façon suivante « Si la politique menée jusqu’ici [la politique industrielle des Télécoms] est infléchie, il faudrait éviter de ruiner les efforts de ces quinze dernières années et éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain ». Cette phrase sonnait juste. Le « bébé » était la commutation numérique.

A la mobilisation politique, qui va de soi puisque le sénateur-maire de Lannion est Pierre Marzin, s’ajoute la mobilisation syndicale.
Ces interventions sont effectuées notamment auprès des secrétaires d’état aux PTT. Le 28 février 1975 le secrétaire d’Etat Aymar Achille-Fould est venu à Lannion et a passé un long moment, notamment avec André Pinet, devant des équipements E10, en déclarant « je suis venu sur place pour m’informer des soucis et des inquiétudes du CNET et des industriels de la région ».
Le 11 septembre 1975 Aymar Achille-Fould reçoit dans son bureau une délégation CFDT, comprenant un représentant du CNET Lannion. « Parmi les sujets discutés il a été question assez longuement du CNET et de la politique industrielle. Achille-Fould ne comprend pas pourquoi le CNET s’inquiète autant de son avenir, alors que les problèmes posés sont à l’extérieur et non à l’intérieur du CNET ». A. Achille-Fould peu de temps après en janvier 1976 quitta son poste de Secrétaire d’Etat, sans doute en raison de son désaccord sur la stratégie industrielle de la DGT. On lui reprocha un potentiel conflit d’intérêt, celui de la présence d’un beau-frère comme salarié du groupe Philips, mais ce ne sera pas le seul potentiel conflit d’intérêt au sommet de l’Etat, puisque le Directeur de Thomson Télécom sera Philippe Giscard d’Estaing, cousin du Président.

En 1975 la DGT lance un appel d’offres international sur la commutation spatiale.
Les deux offres les plus attractives pour la DGT sont le système AXE d’Ericsson France et le Metaconta d’ITT.
En décembre 1975 J-P Souviron commença à entreprendre des démarches pour convaincre Ericsson et ITT d’accepter le contrôle de leurs filiales françaises (respectivement Ericsson France et LMT) par Thomson avec comme contrepartie des commandes importantes de leurs systèmes de technologies spatiales.
Les choix de la DGT lors de cet appel d’offres provoquent une première fracture.
La SLE-Citerel, victime co-latérale, est dissoute
, ce qui provoque l’arrêt d’une coopération active de 20 ans entre le groupe CGE et les Suédois. Georges Pébereau, Président de la CGE (1982-1986) déclarera six ans plus tard à la presse : « Je verse des larmes de sang sur les conditions dans lesquelles ont été rompus les accords entre CIT et LM Ericsson »

Vue aérienne des établissements de Lannion.

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Filiation numérique

La CIT-ALCATEL, En Juillet 1977, la CIT-Alcatel absorbe la SLE-CITEREL (après s'être éloignée de EricssonFrance).
Le développement logiciel du produit qui devient E10 Niveau 3 ou E10A est transféré à Vélizy, siège de la CIT commutation.
En 1978, la CIT-Alcatel emploie 1100 personnes à Lannion. La fusion avec la CIT et le volume croissant des fabrications provoquent des modifications dans les activités du site de Lannion, comme la fabrication des circuits imprimés sous-traitée désormais à l'établissement CIT de Coutances. Les convertisseurs d'énergie sont bientôt achetés à des sociétés extérieures. Il s'ensuit le départ des spécialistes concernés. Les
calculateurs 10010, supports des CTI, sont achetés à CIT Transmission puis remplacés par des MITRA achetés à la SEMS.

Les choix effectués par la DGT en décembre 1975 provoquent l’intégration de la SLE-Citerel dans la CIT, qui est effective en 1977.
En fait la CIT s’appelle CIT-Alcatel, depuis que les activités d’Alcatel, regroupant les activités de télécommunications et électronique de la Société SACM (environ 5 000 salariés) ont été fusionnées avec celles de la CIT en 1968.
Comme l’a indiqué Pierre Suard : « pendant longtemps la filiale de la CGE s’appela encore CIT et non CIT-Alcatel ».
A Lannion pour se différencier on afficha nettement le nom entier CIT-Alcatel. Il faut dire que les racines de l’établissement de Lannion étaient extérieures à la CIT, dont l’image technologique était mitigée, comme le reconnaissait plus tard son directeur Pierre Suard : " [au début des années 1980] CIT n’était pas très dynamique pour développer les équipements des nouveaux systèmes comme ceux des réseaux de télévision câblée ou des systèmes de transmission optique .
Dans une certaine mesure l’établissement de Lannion pouvait davantage se reconnaitre dans une filiation avec Alcatel, spécialiste de l’électronique rapide et du numérique dès les années 1950 pour des applications militaires et civiles, sous la responsabilité notamment de Pierre Herreng.
Celui-ci faisait partie, avec A. Blanc-Lapierre, Grivet et Goudet (Directeur du LCT), du groupe des quatre Normaliens, qui ont joué un rôle important dans le renouveau de la recherche académique et industrielle en France dans le secteur Electronique et Télécom, au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
Travaillant sur les systèmes de transmission par modulation codée (les MIC), la SACM mène ses recherches en étroite collaboration avec le CNET. Ses interlocuteurs sont en particulier M. Libois...
Au cours des années 1950 quatre systèmes de « MIC » sont réalisés, débouchant sur des réalisations comme un multiplex à 12 voies en modulation en delta transistorisé réalisé pour le CNET. Ce multiplex fait l’objet d’une commercialisation au début des années 1960.

Méconnaissance et ambiguïté de la DGT

A partir de décembre 1975 la DGT cherche à concrétiser les choix de la commutation spatiale et du rachat de LMT et Ericsson France par Thomson, dans un contexte où certains n’hésitaient pas à dévaloriser les travaux de la SLE Citerel, comme l’a rapporté en 1981 l’historienne Catherine Bertho : « il fut une époque où personne ne croyait au temporel... la CIT depuis dix ans s’affaire au chevet d’un prototype dénommé E10 développé en liaison avec le CNET.» Il fallait que E10 soit bien « souffreteux » pour qu’on s’affaire à son chevet depuis dix ans !

Dans le même temps en 1976 un concurrent sérieux est apparu. « Thomson en rachetant LMT a trouvé dans les tiroirs les plans d’un central temporel, plus ou moins à l’insu de la maison mère. La chose peut sembler incroyable». En fait les travaux menés par LMT n’étaient pas
que des plans dans des tiroirs, car une première expérimentation elle avait été effectuée en 1973. Et les observateurs avertis connaissaient les travaux, menés sur le numérique (codage, commutation temporelle) dans le laboratoire LMT de l’avenue de Breteuil, par André Clavier,
Maurice Deloraine et Pierre Aigrain à la fin des années 1940, et par Touraton et Le Corre61 à la fin des années 1950.
J-P Souviron avait découvert alors l’orgueil des équipes LMT, comme il l’a rapporté plus tard lors d’un colloque le 1997 : « Le groupe Thomson, après 1976, avait pris le contrôle de deux sociétés, une filiale d’ITT et une filiale d’Ericsson. L’équipe technologique de LMT...était orgueilleuse...et avait développé en secret un système temporel...Le groupe Thomson en avait un merveilleux qui était l’AXE et grâce aux accords d’exportation avait obtenu, de façon un peu musclée, presque la moitié du monde en exportation en AXE, la Russie, le Brésil...
LMT et ses équipes étaient humiliées. Il leur était insupportable d’imaginer que la petite Ericsson allait prendre chez Thomson le leadership de la commutation et de la commutation temporelle en particulier.
Les équipes de LMT ont donc proposé le développement accéléré du système MT ». L’orgueil d’une équipe technologique peut être mauvais conseiller pour des développements industriels.
La méconnaissance de travaux scientifiques, reconnus internationalement (publications, symposiums, brevets), a joué un rôle dans les décisions de la DGT.

Lors du colloque de 1997 Jean-Pierre Bouyssonie, PDG de Thomson-CSF de 1976 à 1981, complète le point de vue de J-P Souviron : « Le problème était complexe. L’AXE était temporisable, nous le savions, et les gens d’Ericsson y travaillaient un peu mais lentement, car ils ne pensaient pas que le temporel irait vite. Ils restaient sur le spatial électronique.
Il y avait d’autre part une réticence, très nette, à nous donner l’autorisation de vendre à l’exportation un Axe temporel.
Le journaliste du Monde Jean-Michel Quatrepoint a indiqué : « Le communiqué de Norbert Segard du jeudi 13 mai 1976...n’était pas très clair...on prenait du temporel mais aussi le Métaconta d’ITT, on mélangeait les commandes».
L’ambiguïté se maintient tout au long de 1976 et 1977. En octobre 1976 lors du symposium ISS à Kyoto, « au moment où presque tous les experts mondiaux étaient sur le point de virer de bord vers la commutation temporelle, je me souviens combien [P. Lucas] était révulsé à l’idée d’avoir reçu des directives de n’afficher qu’une seule religion, celle de la commutation spatiale, alors que tout le monde virait de bord», indique J-P Poitevin, ancien directeur du CNET, aussi lors du colloque de 1997. Ce point de vue est corroboré par J-M Quatrepoint : « j’ai une note confidentielle rédigée par une personne du CNET [qui écrit] il est dommage que la France ait donné [à Kyoto] l’impression d’avoir opté pour le Métaconta, c’est nuisible pour le temporel ».
Un an plus tard, le changement de cap de la DGT est radical. « A Atlanta en 1977, Gérard Théry annonce que de gros centraux électroniques temporels français seront disponibles à très courte échéance. Cette fois-ci on partira à la bataille avec deux groupes français.»
Lors de cette Conférence d’Atlanta en octobre 1977 la communauté scientifique internationale des télécommunications s’accorde à penser que le numérique est arrivé à maturité et va s’imposer rapidement. André Pinet est récompensé de ses travaux par une médaille des IEEE, une médaille que très peu de scientifiques français ont reçu durant les trente dernières années du 20ème siècle.
Ainsi la réussite de Platon est pleinement reconnue par les chercheurs américains et européens. “In 1970, an experimental system “Platon” served all 50 000 suscribers in the Lannion area. On the basis of the experiment, the system E10 was introduced into the French network in 1972.”
Comment la SLE-Citerel a-t-elle vécu ces années 1975-1977 ? J-B Jacob affirme plus tard, « La vie industrielle du [commutateur E10A] continue tranquillement..». Certes les travaux de la SLE-Citerel se poursuivent sereinement dans cette période d’incertitudes grâce d’une part à la direction de CIT-Alcatel, qui « maintient avec fermeté son engagement dans la commutation temporelle» et d’autre part au soutien de l’environnement local. Mais en 1976 au moment où il aurait été bon de donner un coup d’accélérateur, cela n’a pas pu être fait.

Développement industriel de l’E10B conforme aux NEF

En 1977 l’établissement de Lannion, grâce notamment au renouvellement de contrats d’études par la DGT, poursuit son effort sur le développement des commutateurs de deuxième génération, l’E10 B.
L’organe de commande, basé sur le processeur ELS à base de circuits intégrés Texas Instruments, utilisé pour les centraux privés CITEDIS dès 1975, est adapté pour assurer des capacités de commutation plus importantes.
Les informations d’exploitation et de fonctionnement sont traitées sur un ordinateur, qui assure la fonction de Centre de traitement des informations (CTI) d’un commutateur ou d’un groupe de commutateurs.
Il se trouve qu’en 1977 la DGT a renforcé son contrôle des performances des commutateurs en éditant des Normes d’Exploitation et de Fonctionnement (NEF), au moment où commençait le développement industriel de l’E10B.
L’établissement de Lannion a alors le souci de se conformer aux NEF, ce qui nécessite beaucoup d’efforts pour mettre en place les alarmes imposées, assurer la continuité de la facturation en cas de perte de la liaison avec le CTI, gérer les fichiers de traduction et les abonnés...

LES Centraux privés CITEDIS Document de Jean-Paul Colas

A l’origine, E10 était l’appellation des équipements de commutation téléphonique numérique, développés en étroite collaboration entre le CNET et la CIT, pour la réalisation d’autocommutateurs publics français.
L’appellation CITEDIS, désignant initialement les application dérivées de E10 pour les autocommutateurs publics exports et privés (PABX et PBX), a été très rapidement restreinte à ces derniers.
1 – Winterthur
Le premier PABX CITEDIS a été commandé par la compagnie d’assurances Winterthur pour la desserte de ses services dans sa tour éponyme du quartier de La Défense.
La capacité à installer était de 1400 postes, avec extension possible à 1700 postes. Le choix du client était résolument moderne :
- totalité des postes à numérotation multifréquence.
- mise à disposition de double-appel, filtrage, renvois, conférence à trois, conférence à auditeurs multiples. .
- possibilité d’appel de correspondants intérieurs et extérieurs par listes de numéros abrégés.
- fonctions d’opératrice commandées par pupitres sans manipulation de joncteurs.
- centralisation des fonctions d’exploitation, de gestion et de supervision.

Peu après la mise en service de « Winterthur », deux autocommutateurs CITEDIS ont été commandés à l’étranger, pour les aéroports d’Amman en Jordanie et de Bagdad en Irak. Les caractéristiques nouvelles étaient celles de PBX :
- raccordement des postes de différentes entités indépendantes, d’une part la direction de l’aéroport et ses multiples services annexes (sécurité, police, etc...), d’autre part les compagnies d’aviation.
- intégration dans le réseau téléphonique public (raccordement à un ou plusieurs autocommutateurs d’abonnés ou de transit).
2 – RATP
Quelque temps plus tard, une autre possibilité, dérivée des autocommutateurs E10, a été utilisée pour la connexion sur un même CITEDIS des postes de deux importantes stations de la RATP.
Initialement, la RATP avait lancé un appel d’offres pour deux PABX devant desservir chacun
une station de métro parisien. Après une réponse conforme à la demande, CIT a proposé un PABX unique dont les postes de l’une des stations étaient raccordés par concentrateurs satellites : les liaisons avec l’autocommutateur s’effectuaient par liaisons MIC installées dans les tunnels du domaine RATP (par cela, elles ne contrevenaient pas aux règles d’exclusivité du réseau public).
La comparaison de coût entre celui d’un CITEDIS et celui de deux PABX de la concurrence fut décisive pour le choix du CITEDIS.
Le nombre de postes de toute station RATP n’étant que de quelques centaines, ce choix ouvrait aussi la possibilité de rattachement d’autres satellites à cet autocommutateur.
3 – Assemblée Nationale
Au début de l’année 1980, la questure de l’Assemblée Nationale décida le renouvellement de son autocommutateur. Après consultation des différents constructeurs, la sélection conduisit au choix entre un autocommutateur directement géré par ordinateur et le CITEDIS.
Compte tenu des besoins d’une capacité de l’ordre de 1000 postes, la proposition de base de notre concurrent était sensiblement plus basse que la nôtre.
Par contre, pour éviter un coût d’exploitation incontrôlable, la demande du client était que les appels extérieurs des utilisateurs (députés, assistants, etc...) leur soient facturés à l’exception de ceux vers les abonnés du département de leur circonscription et de Paris intra-muros.
Pour la réalisation de cette fonction, notre concurrent proposait le raccordement des postes par l’intermédiaire de boîtiers individuels sachant effectuer cette analyse.
En dehors du développement du boîtier, cette solution comportait plusieurs inconvénients :
- l’intervention directe sur le boîtier en cas de changement de titulaire ou simplement de sa localisation.
- l’éventuel manque de disponibilité ultérieure de ce produit en cas de panne ou d’extension des besoins.
- le coût global de ces boîtiers, de l’ordre de 600, excédait alors à lui seul le coût de l’autocommutateur lui-même.
Par contre, pour le CITEDIS, cette fonction pouvait être réalisée simplement par la mise à disposition aux différents postes concernés de la fonction de numérotation abrégée incomplète :
-le titulaire du poste, après composition du préfixe de numérotation abrégée incomplète (par exemple : #), compose les six derniers chiffres du correspondant recherché de son département.
-la disponibilité de cette fonction était immédiate sans coût de développement, avec une totale possibilité d’extension ultérieure.
Le choix du client fut donc en faveur du CITEDIS.
L’ironie de l’histoire est que, peu avant l’installation de l’autocommutateur, on apprit que les règles d’exploitation avaient été changées et qu’aucun poste n’était plus soumis à facturation individuelle.
4 – Villepinte
Après l’installation de plus d’une vingtaine d’autocommutateurs CITEDIS de moyenne capacité (1000 à 2000 postes) desservant les sièges sociaux de banques et de diverses sociétés à fort trafic, un autre défi a été l’appel d’offre pour l’équipement du Palais des Expositions de Villepinte par un central de type PBX, d’une capacité de l’ordre de 5000 postes.
La caractéristique nouvelle était la souplesse d’adaptation à des configurations d’organisation propres à chaque nouvelle exposition.
Certaines pouvaient comporter plusieurs centaines de stands indépendants et de capacités très diverses. Une même société pouvait être localisée en un seul stand ou dispersée en plusieurs sites.
A l’encontre des PABX, hormis les échanges entre les personnels d’une même société et quelques appels avec les services généraux de l’exposition, le trafic était très majoritairement échangé avec l’extérieur de l’exposition. Cela avait conduit à permettre l’accès direct des appels sortants, sans composition de préfixe. Pour les appels locaux, les exposants disposaient alors de la facilité de listes de numéros abrégés.
Par la suite, les fonctions nécessaires aux autocommutateurs privés ont été introduites dans le produit standard E10

Les relations avec les spécificateurs, appartenant au CNET Paris, n’étaient pas toujours faciles. Ainsi l’établissement de Lannion a pu avoir l’impression que les spécifications, au moins initialement, étaient dérivées des systèmes spatiaux AXE et 11F et favorables à ces systèmes. Cependant on peut considérer que cet effort pour respecter les NEF a eu un effet positif sur le plan de la qualité de fonctionnement et d’exploitation du E10B.
Dans la même période CIT-Alcatel Lannion développe deux équipements complémentaires.
- Le premier est un concentrateur satellite CSE avec deux ou quatre circuits MIC assurant la liaison avec le commutateur auquel il est raccordé. Il fonctionne avec un microprocesseur Intel 8085 et est mis en service à la fin de 1980.
- Le second est un centre satellite numérique (CSN), permettant de raccorder des voies analogiques et numériques à un commutateur E10.
Ce projet est dirigé par J-B Jacob. Il bénéficie d’un apport extérieur, celui de trois ingénieurs de la jeune société américaine Digital Switch, qui avaient rejoint Alcatel et qui étaient informés du développement pour le raccordement numérique d’abonnés
« de trois composants essentiels : un codec, un brasseur d’intervalles de temps, un microprocesseur 4 bits, s’interfaçant naturellement avec les deux autres composants et qui pouvait traiter un canal commun de signalisation».
La faisabilité du CSN devenait assurée. Le microprocesseur utilisé est le 80186 d’Intel.
Le CSN est présenté à la Conférence internationale ISS de Florence en 1984. J-B Jacob indique « Nous avons eu deux ou trois questions de Mr Joel ... C’était bien la première fois que les Bell Labs s’intéressaient au système E10 au cours d’une Conférence ISS. Nous n’étions pas les seuls à trouver cette architecture séduisante ». Les premiers CSN sont mis en service en 1986.
Un des tous premiers CSN mis en service.

Tous ces efforts de développement permettent à Alcatel de fabriquer en série dès 1981 des commutateurs E10B, qui dans la classification de France Télécom est du NIVEAU 1, six ans après E10A, classé NIVEAU 3.

De plus CIT-Alcatel a la possibilité d’adapter ses commutateurs à la grande variété des réseaux déjà installés, car elle avait accumulé de l’expérience en s’étant frotté dès 1975 aux marchés à l’exportation.
« Le prototype de Brest [E10B] fut livré avec 13 mois de retard et mis en service le 16 juin 1981, [alors que le prototype MT25] fut finalement livré avec un retard de 12 mois fin août 1981... le Groupement commutation du CNET écrivit alors» : « Thomson aura mis environ un an de moins que CIT pour développer un autocommutateur de grande capacité (3 ans pour le MT25 contre 4 ans pour le E10B) ». Ce point de vue du CNET Paris, peu étayé et partial, est nuancé par G. Théry. « Si j'observe les phases de développement des systèmes de commutation temporelle français MT20-MT25 ou E10-E12, je constate une complète similitude dans les délais. Depuis la date du lancement jusqu'aux dates de mise en service.
Les périodes de développement des systèmes E10 et MT20 sont donc parfaitement superposables. Il n'y a pas de surprise, et il n'y a pas lieu aujourd'hui de douter du succès du MT20, pas plus en tout cas que nous n'avons douté, il y a deux ans, du succès du E10, dans sa version de deuxième génération dite E10B. Par ailleurs, le MT20 compense ce décalage dans le temps par une légère supériorité technologique sur le E10».

426 Commutateurs E10N1 sont installés en France, dont 35 en Île-de-France inclus 2 dans Paris intra-muros et dont les 18 en Outre-mer. (soit plus que les 416 cités dans les sources habituelles... et ce, sans comptabiliser les E10N1 provisoires en remorque utilisés çà et là en cas de panne de commutateur existant, ou dans l'attente d'une mise en service d'un nouveau commutateur à venir.)
Les Commutateurs E10N1 seront les premiers à supporter en France les abonnés de type Numéris (RNIS) à partir du 21 septembre 1987 à Brest puis en Île-de-France à partir du 3 août 1988.


Commutateur E10N1 prototype BREST-CENTRE 3 (QU67), alors en expérimentation courant 1980. mis en service le 16 juin 1981 - hors service le 19 mars 2002. A droite, le centre de Traitement des Informations de Saumur, équipé d'un ordinateur MITRA 225.

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Développements d’URA par AOIP et THOMSON

L’AOIP, fabricant sous licence de commutateurs Crossbar avait fondé deux usines de fabrication à Guingamp et à Morlaix, dans l’environnement proche de Lannion. Cette entreprise participait au groupement Socotel et pouvait mener certaines études en commutation même si ses moyens de R&D étaient limités. C’est ainsi que le CNET avait décidé de lui attribuer l’étude des raccordements d’abonnés, tout en apportant son soutien
pour la conception. C’est ainsi que l’AOIP met au point un EMA (Equipement de Modulation d’Abonnés) de première génération.
Elle poursuit ce travail et « 1976 voit l’aboutissement des études d’un EMA de deuxième génération menées par l’AOIP et le CNET.
Cet EMA bénéficie des progrès réalisés en micro-électronique (microprocesseurs, circuits intégrés spécifiques pour des fonctions analogique».
Ces études de l’AOIP sont financées par la DGT. CIT-Alcatel n’apprécie guère cette « décision... prise par [l’administration] de confier le développement et la fabrication d’équipements d’abonnés à l’AOIP. Il nous faut donc gérer ce pseudo sous-traitant».
L’AOIP rencontre des difficultés dans l’industrialisation de cet équipement et compte poursuivre ses études sur l’EMA en 1977 et 1978. La DAII décide de faire appel à Thomson. « On a imposé à Thomson de choisir une unité de raccordement fabriquée par l’AOIP, cette coopérative ouvrière sympathique ». Curieusement, dans une situation de chassé-croisé, c’est Thomson TCT qui est amené à se positionner pour maintenir cet EMA, dont le nom devient URA2G. CIT-Alcatel avait entre-temps développé son propre URA, appelé CSE (voir ci-dessus).
En 1979 la DGT impose à CIT Alcatel Lannion de reprendre l’établissement de Guingamp, son « pseudo sous-traitant », et à Thomson de reprendre l’établissement de Morlaix.

Le développement des logiciels prend de l’importance.

A partir de la fin des années 1970 les logiciels prennent de plus en plus d’importance et pour y faire face le nombre d’ingénieurs informaticiens augmente sensiblement dans l’établissement de Lannion.
La production de logiciels - « fabriquer du code » - exige des équipes nombreuses, ce qui impose de bien s’organiser. Une division Software (DS) à Lannion est mise en place au côté de la division Hardware (le matériel). Il faut faire des choix de langage de programmation et de compilateur, de recours ou non à un assembleur...Il s’agit aussi d’assurer une bonne gestion des logiciels de façon à corriger rapidement des erreurs et à permettre des évolutions.
C’est ainsi par exemple que le logiciel du CTI est découpé sous-ensembles appelés IME (Image Mémoire Exécutable) et celui du CSN en OL (organes logiciels). En cas d’intervention sur un sous-ensemble, seul ce sous-ensemble est re-fabriqué. Cette technique évite le recours aux patches et simplifie la gestion du logiciel. « L’OL rassemble les modules de logiciel réalisant une fonction élémentaire et maitrisés par une ou quelques personnes. L’OL est une unité de fabrication du logiciel »

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Exportation (1979-1985)

A partir de 1980 l’exportation de commutateurs E10 est plus facile, car il s’agit de la version E10B plus mature, avec CSE et microprocesseurs.
Le volume des commandes augmente fortement. Alcatel signe des commandes (Yémen, Maurice, Liban, Ouganda Chili, Mexique, Jordanie, Maroc...) et aussi des licences (Irlande, Afrique du Sud). Il faut aussi mentionner le grand contrat de l’Inde avec licence, qui a été négocié en 1982 et qui prévoyait un transfert technologique associé à la construction de deux usines.
Alcatel ne manque pas de difficultés à résoudre pour convaincre les clients et affronter les concurrents. Il apparait de façon inattendue que le principal concurrent est paradoxalement Thomson avec son commutateur MT 25... Les équipes Thomson-CSF avaient acquis une bonne expérience à l’exportation notamment dans les domaines du spatial et des faisceaux hertziens et montrent de l’agressivité dès 1978, dans la période où elles étaient concurrentes d’Alcatel.
Mais à partir de 1983 la fusion devient à l’ordre du jour.
Les ingénieurs d’Alcatel et Thomson se sont assez rapidement engagés dans la coopération technique, les commerciaux ont mis plus de temps pour enterrer la hache de guerre commerciale.
Ainsi les situations d’affrontement commercial se sont multipliées. Dans certains pays (Chili, Liban...) l’affrontement est resté limité, car les clients ont partagé les commandes entre les deux industriels français. Par exemple au Liban comme le raconte Pierre Le Dantec. « Nous aurons la joie de recevoir la commande de quatre E10 supplémentaires, remplaçant autant de MT [trop en retard pour la livraison] pour le compte de notre rival du moment, nous sauvons la mise de notre futur associé ! ». La concurrence a été plus rude en Finlande et aussi en Egypte, où après une première installation par Alcatel d’un central E10, Thomson obtint en 1979 le marché du renouvellement du réseau égyptien, en établissant un partenariat
avec Siemens et en prenant le pas sur une proposition de fournisseurs américains (Western Electric, GTE...), tout en torpillant la proposition Alcatel, soutenue par la DGT90...
Pour mener à bien leurs activités d’exportation les équipes de Lannion emménagent à Tréguier en 1984 et développent un ensemble de missions : ingénierie sur les sites des clients et aussi pour préparer en amont les adaptations logicielles prenant en compte les spécificités des réseaux des clients, regroupement et assemblage de tous les équipements, expédition, management des équipes chantiers, assistance des clients qui aboutit à la création d’un service de téléassistance par téléphone, documentation, formation des personnels des clients... La Division de Réalisation EXport (DREX), fondée en 1979 et dirigée par P. Le Dantec, connait ainsi une forte expansion tout en coopérant étroitement avec la DRC (Direction de Réalisation des Centraux de commutation).

La téléassistance, mise en place vers 1984, a constitué un service important pour les clients étrangers. « Nous pouvons organiser à Tréguier un espace qui regroupe les maquettes des affaires en cours... Ces maquettes servent à reproduire les défauts qui sont signalés par les chantiers et les exploitants, mais aussi à prendre la main à distance sur les commutateurs de nos clients, bien entendu avec leur autorisation, pour établir un télédiagnostic, voire pour tenter une intervention à distance...Les décalages horaires nous conduisent à organiser une présence 24h/24 avec des astreintes à domicile».
Le service de formation, créé à Lannion en 1972 d’abord pour les nouveaux embauchés de la SLE, très nombreux à cette époque, est transféré à Tréguier en 1975 et orientera ses efforts principalement vers les personnels des clients étrangers.

Développement des activités transmissions

Au sein de la CGE, les activités de transmissions étaient concentrées à Villarceaux pour les systèmes de transmissions analogiques (12 MHz et 60 MHz et multiplexages associés), les seuls utilisés jusqu’à la fin des années 1970. A partir de 1976 l’équipe lannionaise, forte de son expérience acquise lors des développements sur les équipements en fréquence intermédiaire du guide d’onde circulaire, développe une gamme complète de systèmes de transmissions à 140 Mbit/s sur câble coaxial 1,2/4,4 mm et à 560 Mbit/s sur câble coaxial 2,6/9,5mm, puis 2,8/10,2mm, conjointement avec les équipes locales de la SAT pour ce dernier système. Cette gamme de produits permettra de numériser le réseau interurbain français (RIC), dont la première liaison de Paris à Reims sera inaugurée le 19 décembre 1984.
Alcatel remportera de remarquables succès à l’exportation avec cette gamme de produits, entre autres la numérisation du réseau de câbles analogiques d’AT&T aux USA, au milieu des années 1980, ce qui vaudra à l’équipe lannionaise de remporter en 1982 le grand prix technique de la CGE : le prix Azaria du nom du fondateur de la CGE.
La fabrication de ces équipements de transmissions numériques à haut débit était assurée par l’usine d’Ormes.
De son côté le laboratoire d’étude de LTT (groupe Thomson), avait développé un système de transmission numérique à 140 Mbits/s qui remportera également un brillant succès en Australie. Il faut noter que l’investissement intellectuel, acquis pour ces développements au sein d’Alcatel à Lannion, sera grandement mis à profit dans les années 1990 pour la mise au point des systèmes de transmissions sur fibres optiques tant dans les domaines terrestres que sous-marins.
Les difficultés de Thomson provoquent la fusion des activités des deux groupes français.
La nouvelle donne imposée par la DGT en 1976 a pu faire croire que la Thomson était le grand gagnant. Mais Thomson doit à la fois continuer à fabriquer des matériels de conception ancienne, CP400 et Pentaconta dont le pic de production est atteint en 1977, adapter deux techniques d’origine étrangère les commutateurs AXE et Metaconta, abandonnés dès 1983 et est amené à soutenir le développement du commutateur numérique MT 25 dès 1977.
En 1982 la crise industrielle de fabrication des commutateurs met les deux groupes nationalisés dans une position difficile. Ils ne peuvent plus que compter sur eux-mêmes, les partenariats avec des groupes étrangers étant rompus. Ericsson se retire entièrement de France, et ceci pour la deuxième fois de son histoire, car un premier retrait était intervenu dans les années 1930. Le Groupe ITT reste bien présent en Europe, mais principalement à travers ses filiales Bell Anvers et SEL Stuttgart.

Dans la « nouvelle donne » de la numérisation des Télécommunications, les forces de R&D de Thomson Télécom sont plutôt impressionnantes. Elles regroupent à la fois dans le secteur de la commutation des anciennes équipes STE (Colombes, Cergy-Pontoise) et LMT (Boulogne, Orvault, Lannion) devenues Thomson-CSF-Téléphone (TCT) et dans le secteur des transmissions des anciennes équipes LTT (intégrées à la Thomson-CSF) pour les transmissions par câble et de Thomson-CSF DFH (Division Faisceaux Hertziens.
En face les forces de la CGE sont réduites. En dehors de l’établissement de Lannion peu de R&D est engagé dans le numérique au sein de la CGE, y compris dans la transmission.
Très vite, dès que la nationalisation des deux groupes est engagée (1983), la fusion des activités de télécommunications de Thomson et d’Alcatel est actée. Elle sera achevée en 1985.
Elle s’inscrit dans une nouvelle répartition des activités entre les deux groupes, qui ne couvrent pas que les télécommunications, mais aussi les composants, l’électronique militaire, le spatial (satellites, stations terriennes), le radiotéléphone. Pour les télécoms le choix se porte sur une absorption de TCT et des faisceaux hertziens (DFH) par Alcatel.

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Deux années de convergence (1984-1986)

Au moment de la fusion TCT-Alcatel en 1985 les équipes de R&D, qui ont achevé la mise sur les rails de l’E10B et du MT25 travaillent sur des nouveaux produits : E10-5 pour Alcatel et MT35 pour TCT. Mais l’heure est à la convergence.

La première étape de cette convergence est une étape de réflexion, menée par la filiale commune ATD (Alcatel Thomson Développement) animée par Paul Gourlay (Lannionnais). « En 1985 ATD prend à son compte les résultats de l’étude ECRINS [menée à Lannion par le CNET et Alcatel] et réfléchit à la faisabilité en conservant les objectifs de l’étude initiale mais en tentant de réduire les coûts [de R&D] par la filiation avec un système existant. C’est le projet ATU (Alcatel Thomson Unifié) »
La filiation à l’existant se traduit pour l’essentiel par la prise en compte de trois faits principaux. D’abord des équipements de raccordement d’abonnés sont en voie de finalisation : le CSN d’Alcatel et l’URN de TCT développée à partir du MT35. Ensuite le commutateur E10B n’a un avenir que si son organe de commande est modernisé en utilisant des microprocesseurs beaucoup plus rapides. Enfin la chaine de traitement X83 de conception TCT, dédiée à la commutation numérique et utilisant des microprocesseurs Motorola 68000, présente une architecture originale.

Le groupe de travail « convergence » de ATD prend des décisions lors de séminaires de plusieurs journées, qui ont pu être appelés « conclaves », car tous les participants ont été confinés dans un hôtel, y compris la nuit et même pour les locaux. Le premier conclave a eu lieu en fin 1984 à l’hôtel Ramada de Vélizy et a duré cinq jours. D’une part le CSN est préféré à l’URN, car il peut assurer une part importante de la convergence entre le E10 et le MT25. Il fait l’objet de quelques adaptations pour fonctionner pleinement avec un MT25.
D’autre part le MT35, dont un seul exemplaire avait été déployé, est sacrifié au profit du E10-5.
Le second conclave, qui a lieu au Grand-Hôtel de Perros-Guirec les 5 et 6 juin 1986, commence par un examen des propositions des deux équipes : « Côté MT J-P Poindron parle de reprise de certains matériels pour l’optimisation des coûts et l’accroissement des performances. Côté E10, J-P Posloux et Michel Ruvoën présentent à leur tour les possibilités d’évolution [entre autres] :
-Refonte des organes de commande du E10 à partir des cartes processeur et mémoire du X83 à base de 68020
-Emulation de l’ELS sur 68020
-Portage du CTI sur X83, avec duplication de sa commande...
L’ampleur des annonces au-delà du portage du logiciel, a fait l’effet d’une bombe dans les milieux d’origine MT. Au travers de quelques sourires en coin, on sent dans l’assistance un mélange de scepticisme, d’inquiétude et de soulagement :
-Scepticisme : comment E10, un produit réputé vieillot, peut-il ainsi évoluer ?
-Inquiétude : Et si c’était possible ? Le E10 pourrait être le support du produit du futur au détriment du MT, qui semble pourtant un produit plus moderne.
-Soulagement : On aura peut-être notre produit de convergence, au-delà de toute espérance ! »
A la fin du séminaire il est décidé de poursuivre le cheminement de la démarche sur la base de ce qui a été proposé par l’équipe E10 et fin juillet la direction Générale entérine la décision de développer à Lannion le nouvel organe de commande OCB283 sur la base de la chaine de traitement X83, développé par Thomson.
Ce développement à Lannion sera soutenu par des anciens ingénieurs d’Ericsson, notamment Alain Morelieras, ancien du site de Boulogne et venu à la CIT Vélizy. En complément de cette décision le projet E10-S et sa version évoluée E10-5 sont abandonnés, notamment en raison de la difficulté de pénétrer le marché américain.

1986 Les arbitrages entre lignes de produits sont l'objet d'âpres discussions et se concluent par la mise en œuvre d’un nouveau projet pour faire évoluer le commutateur E10B en s’appuyant sur les compétences des deux entreprises maintenant fusionnées. Les objectifs sont les suivants :
• Disposer d’une nouvelle architecture matérielle conforme à l’état de l’art
• Ouvrir le système à des évolutions fonctionnelles
• Conserver les logiciels d’application existants
• Accroître la capacité de raccordement d’abonnés et de traitement des appels
Le projet donnera ainsi naissance à la troisième génération du système E10 (E10 OCB283) déployée dès 1990.

Maquette de l’OCB283 en cours d’essais climatiques et de sensibilité électromagnétique (dans le dôme)

La conception des nouveaux logiciels requiert alors une véritable formation d’informaticiens et nécessite de faire face au défi majeur de la reconversion du personnel à ces technologies.
Le produit résultant étonne le marché par ses capacités, sa modularité et ses performances :
• Capacité de 2048 MIC
• 100 000 lignes d’abonnés
Rapidement, les clients des générations précédentes sont convaincus de l’intérêt de cette nouvelle version pour faire croître et moderniser leur réseau. De nombreux nouveaux clients sont conquis et, dans plusieurs pays, la vente de commutateurs s’accompagnera bientôt d’un transfert de technologie avec création de filiales.
Le produit E10 OCB283 sera mis en service en Chine en 1990, en Pologne et à Karachi au Pakistan en octobre 1991, puis à Brest fin 1991.
Fin 1991, ce produit sera aussi expérimenté avec succès à Concarneau comme élément de commutation du réseau mobile.
Il est ensuite généralisé à l’ensemble des grands contrats à l’exportation et aux commutateurs mobiles .


Achèvement de la fusion

Sur le plan du développement technique la fusion est plutôt positive.
Il n’y pas eu trop de de pertes de temps, ce qui a permis la prise de décisions sur la convergence E10 / MT avant la reprise des activités Télécoms d’ITT, effective au début de 1987.
Les équipes TCT et Alcatel, notamment TCT Orvault et Alcatel Lannion, ont appris à coopérer. Et le bon équilibre entre CIT-Alcatel (Lannion) et TCT est symbolisée par le binôme Gourlay-Tournier. Tous les deux sont nommés à un poste de direction pour les activités de commutation de la nouvelle Alcatel, le premier comme Directeur Technique, le second comme directeur du Développement.
Cependant rapidement le second prend de l’ascendant au sein de la Direction.
Les activités de R&D de commutation sont redéployées sur les trois sites de Vélizy, de Lannion et Orvault avec un abandon du site de Boulogne.95 En 1986 les travaux de rénovation de la commande du E10B sont entrepris avec l’objectif d’aboutir à un « E10B à base d’OCB283 ».
Dès 1988 cet E10 de la troisième génération fait l’objet d’offres commerciales à l’export, qui aboutissent à des commandes ne pouvant être satisfaites qu’en 1991.
La fusion aboutit en 1986 à la mise en place d’un management d’Alcatel recomposé, « melting pot » de cultures variées, qui se répartit les rôles.
La culture Thomson TCT prend une part prépondérante. Elle est le produit des trois cultures LMT, Ericsson France et Thomson-CSF, qui se sont mélangées entre 1978 et 1983 au sein de TCT avant de s’intégrer dans Alcatel.
Le Directeur Général d’Alcatel-CIT est P. Guichet, d’origine Thomson-CSF Espace. Ainsi la Direction du développement est prise en main par Ch. Tournier, un ancien LMT, qui imprime sa marque dans la définition des lignes de produits.
La Direction industrielle est assurée par un ancien d’Ericsson-France, qui décide de concentrer la fabrication pour la commutation dans deux usines, celles de Cherbourg et d’Eu. La Direction du Commerce internationale est l’affaire des anciens de la branche faisceaux Hertziens de Thomson-CSF.

Il reste la Direction Scientifique pour la commutation, prise en main par F.Tallégas, ancien directeur de la SLE. La « vieille CIT » est très peu présente après le départ de C. Fayard.
Comme l’indique Michel Ruvoen en 2006, ancien de la SLE, « la nouvelle organisation de la Direction Technique, mise en place en 1986, a pour effet, entre autres, de faire « prendre la mayonnaise » entre les différentes équipes et les différentes cultures. Thomson [TCT] a déjà une expérience des fusions (Ericsson, LMT, LCT..) et leurs équipes sont déjà aguerries. Ce n’est pas le cas des équipes CIT Lannion qui ont jusque-là grandi dans le « cocon familial ».

Donc à Lannion la petite équipe de Thomson [agrandie à près d’une centaine de personnes pendant la période Thomson] vient s’installer dans les locaux de CIT et arrive avec un formalisme et des procédures que CIT Lannion ne connait pas... La contrepartie a été que le fonctionnement est devenu beaucoup plus lourd. Avec le recul, c’est pourtant un mal nécessaire pour faire travailler ensemble toutes les parties ».
La mise en place de cette organisation coïncide avec la privatisation d’Alcatel-Alsthom.
Georges Pébereau cède la place de PDG durant l’été 1987 à P. Suard, qui écrit plus tard : « Un vrai patron fut nommé à CIT : Pierre Guichet.
Ce fut à lui d’agir dans le cadre de l’organisation du nouvel Alcatel. [C’était] un homme d’action, de caractère et d’expérience ».
Ce remplacement provoquera des regrets. P. Le Dantec indique plus tard : « P. Guichet est nommé à la Direction Générale. C. Fayard nous quitte discrètement. Nous le regretterons ». De son côté Paul Gourlay prend sa retraite vers 1993.
Durant les années 1980 compliquées de fusion, il a montré beaucoup de qualités : compétence, écoute de ses équipes, vision stratégique, Il a été ainsi un grand manager, qui cherchait en premier à motiver ses équipes.

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La crise de la fabrication industrielle (1977-1986)

La nébuleuse des usines de fabrication CIT

Jusqu’en 1960 la CIT est restée concentrée en région parisienne, dans la proximité des deux établissements de son site historique du 15ème arrondissement, la commutation rue Emeriau et la transmission rue Keller. « Dotée de 9 établissements en 1966, la CIT en compte 22 en 1971
et 31 en 1975, soit en moyenne une création de plus de deux établissements par an. Ouverte en 1976 l’usine d’Orléans constitue le 32ème établissement de l’ensemble CIT-Alcatel». En particulier entre 1956 et 1961 la CIT fonde plusieurs établissements, d’abord en commutation
avec les usines d’Aix les Bains et de Pontarlier, puis en transmission à Montargis et rue de Villarceaux à Nozay, pas loin du laboratoire CGE de Marcoussis. L’usine de Lannion est fondée en 1966. En 1968 la CIT reprend cinq usines venant d’Alcatel, dont celle d’Annecy, et par ailleurs l’usine de Cherbourg construite par la CGE pour la fabrication de semi-conducteurs et qui n’avait plus d’emploi après la cession de cette activité à RTC. A partir de 1969 c’est le tour des créations de Vélizy, Saintes... et parmi les dernières Tréguier, Coutances et Ormes, près d’Orléans Au total CIT est bien à la tête de 32 établissements en 1976.
Durant cette forte croissance il n’y a pas de véritable stratégie industrielle, déterminée à partir de prévisions approfondies. On reste dans les schémas industriels du passé avec le maintien du cloisonnement entre la transmission et la commutation, des hésitations sur la fabrication des composants. L’avènement de l’électronique numérique n’est pas prise en compte : accroissement des investissements de production, réduction de la fabrication matérielle et beaucoup de programmation (« produire du code »). Ces évolutions accroissent les besoins de formation professionnelle.
Il n’y a pas non plus de stratégie territoriale prenant en compte l’environnement, notamment les compétences industrielles et les possibilités de formation. Les usines sont dispersées dans de nombreuses régions, à l’exception du sud en dessous de la ligne Bordeaux-Grenoble, qui ne semble pas intéresser la CIT. Peut-être la CIT a-t-elle choisi le site de Pontarlier, car placé en Franche-Comté, région reconnue dans le secteur de la mécanique de précision ? Peut-être a-t-elle choisi Cherbourg en raison de la proximité du pôle Philips des semi-conducteurs à Caen, la CGE et Philips cherchant à coopérer dans ce domaine ?

La reconversion de l’usine de Saintes
Après les bons résultats de l’usine de Convenant Vraz de Tréguier, les reconversions des usines CIT vont se poursuivre. La suivante est celle de Saintes. Le cadre, l’usine en elle même, la qualité et la motivation des équipes en place vont rendre cette mission agréable. Seul point noir, la distance !
Pour s’y rendre, 2 solutions sont possibles :
-la voiture, départ la veille, nuit d’hôtel à La Rochelle ou à Saintes.
-l’avion de la jeune compagnie aérienne Brit Air, son pilote en chapeau mou et son chien. Là encore, deux solutions :
-atterrissage à Royan, location de voiture et une heure de route pour Saintes, inversement le soir.
-atterrissage à Saintes sur aérodrome militaire et partiellement civil.
Cette solution nous met à pied d’œuvre mais comme nous allons le voir elle est très risquée.
La base de Saintes dépendant de Cognac, le plan de vol doit être déposé en temps voulu ce qui a été fait. Atterrissage sans problème à Saintes après un survol de la maison du pilote au-dessus de la Charente. Apparemment, il y a quelques échanges radio entre le pilote et ce qui sert de tour de contrôle. Les militaires n’étant pas prévenus du vol maintiennent l’avion en bout de piste et n’autorisent pas le roulage de l’avion sur la partie civile de l’aérodrome.
Nous restons donc dans l’appareil. Après d’âpres échanges, les passagers sont autorisés à débarquer mais le pilote reste « aux mains des militaires » comme « otage ».
Après avoir effectué notre journée de travail, retour le soir ; nous retrouvons le pilote qui est resté à la base. Nous ne saurons pas s’il a été mis au « gnouf ».
Décollage en grande pompe, les militaires tout heureux d’avoir sans doute un peu de mouvement vont se livrer à un exercice incendie et nous décollons escortés par tous les véhicules d’incendie.
Vol de retour cap nord. Je suis, comme d’habitude, au siège du co-pilote et le vol me semble long. Je vois le pilote soucieux, il consulte fréquemment ses cartes et refait des points sur ses balises ; il finit par sortir sa règle CRAS (ou l’équivalent en aviation). Il finit par me confesser que nous sommes au dessus de Nantes depuis 30mn et que nous ne progressons que lentement car nous avons un vent de 200km/h dans le nez .Il va donc modifier son altitude après autorisation et nous nous poserons à Lannion avec une heure de retard, fatigués par cette dure journée.

Après la mise en route de l’usine de Saintes qui par sa configuration représentait une duplication de Tréguier Convenant Vraz - un seul hall d’assemblage et donc un flux de production facilement gérable - une toute autre mission attend les équipes industrielles de Lannion.
Il s’agit en effet de reconvertir l’usine de Cherbourg à la production du E10, et donc de passer de l’électromécanique au tout électronique avec tout ce que cela comporte en terme de méthodes différentes mais aussi de modification en terme de culture de la part des équipes en place. L’implantation des bâtiments en plusieurs halls complique l’organisation du flux de production.
A cet effet, une équipe permanente de la Direction Industrielle de Lannion est présente en semaine. Les trajets se font par voie aérienne par la jeune compagnie Brit Air.
A cette navette hebdomadaire s’ajoutent des missions ponctuelles qui se font en semaine toujours par la Brit Air et son remarquable pilote au chapeau mou, son cache col, mais sans son chien.
C’est ainsi qu’un beau matin, nous voilà au départ de Lannion pour la journée. Au moment de partir, le pilote se rend compte que la porte de l’appareil ne s’ouvre plus de l’intérieur. Il n’est pas question de décoller. Par radio, le pilote demande alors au contrôleur de la tour de venir nous ouvrir pour que nous puissions descendre.
Le démontage de la poignée accepté, non sans réticence, par le pilote amène à la conclusion que par suite de l’usure, les cannelures de celle-ci ne crochent plus dans celles de l’axe du mécanisme de la porte. J. Heurteur propose alors au pilote de meuler la poignée de la porte pour rattraper les cannelures encore utilisables. Cette proposition qui relève du bricolage incompatible avec les procédures de l’Aviation Civile recueille auprès du pilote un accueil pour le moins réservé. J. Heurteur fait un saut à son domicile et revient avec la poignée rectifiée. Après mise en place et vérification de l’efficacité, le pilote consent à décoller.
Le trajet se passe sans dommage jusqu’à l’atterrissage à Cherbourg. La piste de l’aéroport est orientée NO/SE et comme il souffle un vent NO donc de face, le pilote n’arrive pas à poser l’appareil qui continue à voler, nous voyons ainsi passer l’aérogare. Finalement à force de tirer sur le manche, l’avion décroche et finit par « apponter ».
Après la journée de travail, décollage à la nuit tombée. Comme nous sommes vendredi l’équipe de Lannion doit décoller à son tour pour le week-end. Et bien sûr, un des moteurs refuse de partir et ils devront passer la nuit à Cherbourg.
Quant à nous, le décollage se passe sans problème hormis le grand détour nécessaire pour ne pas survoler La Hague, interdite de survol. Météo agitée, ciel de traîne avec des cumulonimbus décelables au radar ; il faut donc slalomer entre eux. Quelque part au dessus des Iles anglo-normandes, les ailes commencent à se couvrir de givre que les dégivreurs pneumatiques des bords d’attaque désagrègent en craquements peu rassurants. La situation ne s’arrangeant pas, le pilote décide de descendre, nous survolons dans la pénombre une mer grise et blanche.
Atterrissage à Lannion par l’ouest, redoutable vent de travers et d’un coup de palonnier en finale, l’avion se pose.
Bref, une journée sans histoire finalement !

Activités techniques dans les usines de fabrication

Schématiquement pour la CIT, comme pour les autres fabricants de matériel téléphonique, on peut dire qu’il existe deux modèles d’usines.
Le premier est celui de l’usine à mono-activité (condensateurs, circuits imprimés, montage-câblage d’équipements cross-bar...) sans technicité et sans investissements importants.
Le second est celui d’une usine avec un service technique, notamment orienté sur les tests, et d’un service méthode qualifié permettant de s’adapter à de nouveaux modes de fabrication.
Pendant les années 1960-70 la CIT est restée sur le premier modèle, alors que LMT a évolué en ouvrant en 1972 l’usine d’Orvault. « Une décentralisation de la direction des fabrications de la division téléphonie et des services d’études de commutation téléphonique permettra à l’usine d’Orvault de disposer de l’infrastructure technique nécessaire au niveau technologique du système E11.

Après la création du centre de Lannion, deux équipes du CNET quelque peu en compétition se sont trouvées à travailler sur la commutation électronique : l’équipe de Lannion sur le projet de commutateur temporel à commande distribuée Platon, et l’équipe d’Issy-les-Moulineaux sur un projet de commutation spatiale à commande centralisée dénommé Périclès, qui fut mis en service au central Michelet à Clamart.
- Le projet Platon, avec sa structure de cœur temporel et concentrateurs distants, visait à couvrir les zones peu denses, en profitant des économies permises par l’intégration commutation temporelle/transmission numérique. Il fut industrialisé par la SLE (Société lannionnaise d’électronique), filiale de la CIT, sous le nom de système E10, dont la tête de série fut mise en service à Poitiers.
- Le projet Périclès visait à couvrir les besoins des grands centres urbains. Il ne fut pas industrialisé, mais ses enseignements conduisirent au système E11 (puis 11F), dont la tête de série fut mise en service à Athis-Mons.
La compétition entre les deux équipes ne fut pas tant une compétition entre nature du point de connexion, tout le monde étant d’accord sur le fait qu’à terme les progrès dans l’intégration des composants assureraient le succès des réseaux de connexion temporels, mais sur la structure de la commande. Les Lannionnais n’ont pas, au début, cru à la commande par des calculateurs de type universel, mais par des calculateurs très spécialisés, alors que les équipes d’Issy ont compris très rapidement que le poids des investissements en logiciel allait devenir prépondérant et que donc il était nécessaire d’utiliser les outils développés par l’industrie du software (méthodes de spécifications, langages de programmation de haut niveau, etc.) De fait, le logiciel des commutateurs électroniques a vite représenté des millions d’instructions, et des centaines « d’homme x ans » de programmation, et à chaque génération technologique des calculateurs, ce logiciel était porté sur les nouvelles machines .

La réforme du CNET de 1970, en créant des « secteurs » technologiques transcentres, dont le secteur commutation, a mis les deux équipes sous les ordres d’une même hiérarchie, et a permis une certaine convergence, en définissant une gamme de systèmes, répondant aux mêmes spécifications fonctionnelles, mais technologiquement différentes, pour s’adapter aux divers besoins du réseau : E10 (temporel, commande distribuée) pour les petits centres d’abonnés, E11 (spatial, commande centralisée) pour les gros centres urbains, E12 (temporel, commande centralisée) pour les centres de transit. Les restructurations industrielles ont fait quelque peu éclater ce schéma, et sont restés le E10 (qui, après plusieurs générations successives, est devenu commutateur de très grande capacité) et la gamme MT20 (transit)/MT25 (abonnés), dérivée du point de vue du logiciel du E11 via le 11F, mais à réseau de commutation temporel. En effet, en 1978, à une conférence à Atlanta, la DGT a annoncé officiellement qu’elle faisait le choix du tout temporel pour son réseau. Mais pour des considérations industrielles et de développement, des commutateurs électroniques spatiaux ont encore été commandés pendant plusieurs années après cette date.

Environ 200 personnes seront concernées par cette « décentralisation des cerveaux », dont plus de la moitié seront des ingénieurs et des cadres ». Cette mutation de l’établissement d’Orvault est effectivement réalisée en 1975.
Une activité, pouvant être décentralisée dans une usine de fabrication, est celle de la réalisation de bancs de test. Dans les années 1973-76 cette activité a plusieurs acteurs dans l’écosystème de Lannion : le CNET et le laboratoire du groupement Socotel, les industriels SLE et LMT.
Ainsi LMT « en collaboration étroite avec le CNET...a mis au point le simulateur d’appels téléphoniques (SIMAT) pour le contrôle du fonctionnement des centraux publics. » De son côté la SLE-Citerel développe le testeur Oracle de cartes logiques « dans le prolongement d’un testeur développé en interne par le CNET.» SLE-Citerel lance l’étude d’une machine de test des cartes analogiques, appelée Arcouest, « après une visite au CNET de la machine AOIP. » Au total SLE Citerel développe une quinzaine d’équipements de test dans des domaines très variés : test de composants électroniques, test de cartes électroniques, tests logiciels, tests fonctionnels de l’ensemble du commutateur.
Tardivement en 1976 la CIT ouvre une nouvelle usine de fabrication en commutation à Ormes près d’Orléans et lui confie de nouvelles tâches. « Le centre [d’Ormes] met au point les méthodes de fabrication, réalise les outillages spéciaux et les avant-séries, définit enfin les méthodes de contrôle et réalise les bancs et programmes de tests automatiques destinés aux usines de série et aux clients étrangers » L’usine d’Ormes se positionne pour concurrencer la machine Arcouest de Lannion. En mai 1977 la « décision politique de F. Tallegas [est] de prendre la solution Ormes... l’étude Arcouest est arrêtée !
Il s’ensuit une année de galère avec les bancs d’Ormes (Pretest, BF, Final, Mael).» Pas tellement surprenant, car on sait que la conception et la réalisation de bancs de test ne s’improvisent pas. Pour réussir il vaut mieux confier ces tâches à une équipe expérimentée qui dispose de partenaires dans son environnement.


La crise de l’emploi industriel dans les télécoms

Dans le courant de l’année 1975 certains signes avant-coureurs ne trompent pas. Deux industriels renoncent à l’implantation de nouvelles usines : LMT à Redon et à Vannes, AOIP à Carhaix. Même si la CIT s’obstine à ouvrir son établissement d’Ormes, LMT et Ericsson décident des premières réductions d’effectifs dans certaines de leurs usines.
Ainsi dès novembre 1975 la CFDT « exprime ses craintes...Verra-t-on dans trois ou cinq années des usines bretonnes fermer leurs portes ?» et demande un plan donnant « des garanties sur le développement de la commutation temporelle (maintien du potentiel d’études et de développement de la SLE et du CNET Lannion, développement de la fabrication des centraux E10 en Bretagne » et permettant une « transformation progressive de l’activité des usines fabriquant des centraux électromécaniques avec formation du personnel sur place »

Pierre Marzin, bien dans sa manière, se dit alors « excédé par « certains syndicalistes qui racontent n’importe quoi sur la situation de l’emploi à Lannion »...mais ne cache pourtant pas les problèmes qui se posent autour de la sauvegarde de l’emploi dans l’électronique ».
Dans son rapport du 23 novembre 1975 auprès de la commission des Postes et Télécommunications du Sénat, Pierre Marzin indique « il y aurait une reconversion de la commutation électromécanique en commutation électronique affectant 20 000 personnes, ce qui ne manquera pas de poser un problème difficile sur le plan local [à Lannion et Guingamp]... M. le Sénateur-Maire envisage donc des transformations nécessaires dans les
industries concernées et croit de son devoir d’alerter le ministère sur cette situation [M.Norbert Segard] ». De façon plus lapidaire Pierre Marzin en mai 1976 déclare « des bobos dans deux ans ».

De nouveau en juin 1976 la CFDT précise : « Maintenant on nous déclare que 50 000 emplois seront créés dans les cinq ans à venir [prévisions du 7ème Plan pour le secteur de l’Electronique et des Télécoms] Quel crédit accorder à cette prévision...même si les effectifs se maintenaient globalement dans le secteur des Télécoms ?...Certaines usines pourraient se retrouver dans des situations difficiles assez rapidement [en raison d’une] augmentation de la productivité par évolution technologique (la commutation électronique permettrait une productivité deux à trois supérieure à celle de la commutation Crossbar). Lannion est loin de Paris...peut-être pourrait-on dire que les signaux d’alertes lannionnais n’étaient pas
diffusés en dehors de la Bretagne. Pourtant ils étaient bien transmis lors des audiences syndicales à la DGT, lors de débats au Sénat par les interventions de P. Marzin, et lors de visites de ministres en Bretagne.
La première alerte officielle d’une prochaine crise de l’emploi dans les télécoms a été lancée par la DATAR à l’été 1978 : « Un rapport établi par la DATAR permit de mesurer l’ampleur des suppressions de postes prévues par l’industrie [des télécommunications] ». Cette prise de conscience des pouvoirs publics était bien tardive.
A l’automne 1978 les premières grèves pour le maintien de l’emploi éclatent en Bretagne,
notamment dans les établissements AOIP et LTT. Début avril 1979 la prise de conscience des Pouvoirs publics permet la mise en place de mesures pour réduire le choc des suppressions d’emploi. Les élections présidentielles de 1981 et les nationalisations de Thomson et Alcatel viendront différer les échéances. Ainsi le choc des fermetures d’usines a lieu principalement en 1983-86.

Face à la crise dans le secteur de la commutation

La fusion Thomson-Alcatel, dont le principe est acquis en 1983, avec en plus la reprise de l’AOIP Guingamp en pleine débâcle, accroit fortement la tâche de la gestion de crise, qui retombe sur Alcatel. Treize établissements venant de Thomson TCT, dont en commutation, qu’Alcatel doivent être gérés en plus. Et on peut y ajouter les établissements de la CGE absorbés un peu plus tard, provenant d’Alcatel Cables et d’ABS (Alcatel Business Sytems), la branche de la téléphonie privée. Au total ce « périmètre d’Alcatel de 1983», commutation et transmission confondus, regroupe une cinquantaine d’établissements sur le territoire français.
Les décisions prises de 1983 à 1986 par la direction Alcatel dans le domaine de la commutation provoque la fermeture de sept usines : CIT La Rochelle, CIT Bezons, CIT Saint Rémy de Maurienne, LMT Lannion, AOIP Guingamp, Thomson-TCT Saint Nicolas d’Aliermont et CIT Tréguier. Plus tard en 1987-88, « on commence même à voir les prémices de la future concentration à Eu, et l’abandon progressif de Cherbourg». Cette concentration vers l’usine d’Eu se concrétisera assez rapidement.
Des établissements connaissent des réductions fortes d’effectifs sans perspective à moyen ou long terme : Cherbourg, Pontarlier. D’autres font l’objet de reconversions partielles en bénéficiant de transferts venant d’usines, qui ferment : usine de Saintes bénéficiant de transferts venant de Bezons et la Rochelle, Aix les Bains avec un transfert venant de Saint-Jean de Maurienne.
Trois autres usines bretonnes de fabrication dans la commutation connaissent des sorts divers.
L’AOIP Morlaix ne rentre pas dans le périmètre d’Alcatel et est rattachée à la Thomson-CSF Brest comme filiale, appelée Morlaix Electronique. Elle amorce une reconversion vers la fabrication de sous-ensembles radars, qui ne durera pas très longtemps car elle est cédée en 1994 à une PME du Trégor, la société Help en situation proche de la liquidation judiciaire.
Cela se termine par une deuxième reprise et au final une fermeture. Ericsson Brest rentre dans Alcatel, pas du côté Alcatel-CIT, mais dans la branche Alcatel Business Systems (ABS), appelée auparavant Alcatel Télic. Enfin CGCT Rennes (700 salariés), restée ITT jusqu’en 1987, est bien esseulée lors de la fusion de ITT avec Alcatel et sera reprise par Matra avant de disparaitre plus tard.
Dans le Trégor la disparition des trois usines de fabrication d’équipement est un choc important, se traduisant par près de 2000 suppressions d’emploi, qui pourront être étalées sur une période d’environ six ans.
La gestion sociale des licenciements va prendre en compte toutes les opportunités de reconversion en nombre réduit, car le niveau de formation est généralement limité, particulièrement pour les salariés de Guingamp. Il est de plus largement fait appel aux retraites anticipées, Les différents plans sociaux sont indirectement coordonnés. J-P Meulin cadre de direction de LMT-Thomson après avoir connu la fermeture de son établissement en
1983, poursuivra sa carrière professionnelle à Alcatel Tréguier, où il est chargé de la gestion du plan social de l’AOIP Guingamp et enfin sera nommé directeur de l’usine de Tréguier en 1988 et sera amené à assurer sa fermeture.
De son côté l’établissement d’Orvault tire son épingle du jeu en raison de la fermeture de l’établissement historique de LMT Boulogne et de la présence d’un service de développement industriel. A partir de 1990 des études concernant le E10 sont affectées à Orvault, ce qui permet d’amorcer des partenariats avec Lannion.

Face à la crise du secteur de la transmission

Durant les années 1980 il est encore pertinent de séparer la transmission et la commutation.
En commutation la fabrication est de moins en moins matérialisée au profit d’une production dématérialisée, la « production de code », la valeur ajoutée matérielle étant déportée principalement vers les fabricants de semi-conducteurs à haute intégration. En transmission on fabrique des câbles et il faut réaliser des fonctions microondes et optiques toujours matérialisées, conservant de la valeur ajoutée. Mais les frontières se réduisent et on raisonne de plus en plus en réseaux. Les raccordements d’abonnés prennent de l’importance, notamment pour les communications mobiles, et ils mélangent à la fois des fonctions de transmission, de multiplexage et de routage numériques..
Dans le secteur des équipements de la transmission, avant 1983, la R&D était localisée du côté Alcatel principalement à Villarceaux et un peu à Lannion, spécialisé sur les fonctions numérique à haut débit en transmission optique, et du côté LTT à Conflans Sainte Honorine.
La fabrication était répartie dans les usines de Montargis, Troyes et Villarceaux du côté Alcatel et dans les usines de Lannion et de Conflans du côté LTT. Cette dernière est l’usine historique LTT, considérée comme « désuète et à moitié vide, un univers qui tient plus du Zola du XIXème siècle que d’un laboratoire de recherche du XXème siècle», Rapidement les décisions prises par Jacques Imbert, d’origine Thomson-CSF, aboutissent à la fermeture des usines de Troyes, Montargis et Conflans.
En 1985 la fabrication de LTT Lannion est réunie à l’activité de R&D Transmission d’Alcatel Lannion. Ceci est d’autant plus facile à réaliser qu’il suffit d’abattre un simple grillage pour réunir les deux sites. A la Direction technique de la transmission à Lannion, Christian Magnien, ancien de CGA, cherche à diversifier les activités, mais il n’est guère soutenu. Une poursuite de l’activité microondes de LTT aurait pu être poursuivie, mais là aussi il aurait fallu se tourner vers des clients potentiels à l’extérieur d’Alcatel.
Inévitablement il y aura une érosion continue des effectifs dans les années suivantes, le plus souvent par des mises en retraite anticipées. Ainsi LTT-Alcatel Lannion passe de 1124 salariés (1983) à 690 salariés (1992). Par ailleurs la SAT Lannion, appartenant au groupe SAGEM et engagée dans le développement industriel et la fabrication d’équipements de transmission numérique par câble et faisceau hertzien, connait la même érosion.
Du côté des câbleries LTT celle de Lannion est fermée en 1985, après une douzaine d’années de fonctionnement. Celle de Dinard est rattachée aux Câbles de Lyon et accroit son activité avec une année record en 1992 (175 salariés)116, juste avant une chute rapide aboutissant en 1996 à sa fermeture. Proche de la Bretagne le site majeur LMT de Laval (jusqu’à 2 500 salariés) est éclaté en trois établissements. L’un est cédé à la société de sous-traitance électronique Cofidur, le second à Thomson-CSF, le troisième (moins de 40 %) reste dans le périmètre d’Alcatel. Mais les activités de ce dernier sont réduites et les effectifs diminuent assez rapidement.
En 1993 P.Suard s’en inquiète « La direction d’Alcatel n’était pas favorable à ce que le Groupe entreprenne la fabrication de ces nouveaux produits [téléphones mobiles]... Mais l’enjeu me paraissait de taille : ce marché semblait appelé à un grand développement et le maintien de l’usine de Laval en dépendait.... il fallait préparer la reconversion de l’usine de Laval».
L’usine de Laval est bien engagée dans ce type de fabrication, qui atteindra annuellement plusieurs millions de téléphones mobiles à la fin des années 1990.


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Relance dans le Trégor

Pendant la crise des activités de fabrication, les activités de R&D de France Télécom et d’Alcatel à Lannion sont maintenues et confirmées, ce qui jouera un rôle important pour l’avenir. Aussi le Trégor s’organise pour faire face à cette situation d’abord en essayant d’amortir socialement les effets de la suppression de 2500 emplois, en comptant ceux de la transmission, et en soutenant la création d’emplois dans des PME, certaines de sous-traitance, fondées pour la reprise d’activités délaissées par des grands groupes, d’autres dans l’innovation de produits et services.
Pour accompagner cet effort de développement les pouvoirs publics se mobilisent. D’une part l’Etat décide la création d’une école d’ingénieurs et d’autre part les communes du Trégor mettent en place l’ADIT (Agence de Développement Industriel du Trégor). L’Ecole nationale supérieure des sciences appliquées et de la technologie (ENSSAT) démarre à Lannion en 1986, portée par « l’équipe de direction de l’IUT de Lannion, qui avait été renforcée durant ses premières années par des jeunes enseignants-chercheurs formés (doctorat et post-doctorat) dans les meilleurs pôles technologiques français et attirés en Bretagne dans la mouvance de Michel Métivier, fondateur de l’IRISA [à Rennes]. Ainsi Jacques Wolf et Jean
Seguin, formés à Grenoble, et Michel Corazza, formé à Toulouse» constituent l’équipe de direction de la nouvelle école, qui met en place trois options : informatique, électronique et photonique.
Cette école d’ingénieurs est largement soutenue par France Télécom et Alcatel, qui permettent à leurs ingénieurs d’assurer des enseignements, de préparer des travaux pratiques et d’encadrer des stages.

Mouvement de créations de PME

Dans les années 1960 la seule PME présente dans le Trégor était la société Ercor, créée à Trébeurden en 1955 avant la décentralisation du CNET par l’ancien directeur technique de la société parisienne Metrox, sous-traitante en fabrication électronique pour l’instrumentation scientifique et pour les applications météorologiques.
Dans cette période de 1983-87 quatre PME notamment sont créées avec la participation active d’ingénieurs d’Alcatel et de France Télécom.
Novatech est fondée en 1985 en lien avec la fermeture de LMT-TCT Lannion. Le fondateur est Jean-Yves Le Guillerm, qui a assuré pour Thomson TCT la responsabilité du transfert technologique de la fabrication du commutateur MT25, notamment vers l’URSS. Durant les premières années l’effectif de Novatech est d’une trentaine de salariés dans la production électronique (assemblage, intégration, test...).
BEC (Bobinage & Electronique Comtois) est né en 1987 à Pontarlier de la rencontre de Claude Dussouillez, issu de la commutation téléphonique Alcatel, et de Pierre Vimont, issu de la transmission téléphonique LTT, pour fournir des composants bobinés à des grands groupes.
Les produits propres de BEC, en particulier pour le ferroviaires (TGV Sud-Est...) ont été développés à partir de différents savoirs faires, notamment de France Télécom (exploitation d’un brevet CNET). Cependant comme l’a exprimé Claude Dussouillez« BEC reste vulnérable sur le plan financier (faiblesse du fonds de roulement) ». En 1997 les effectifs de BEC sont de 99 personnes, dont près d’un tiers à Lannion. En 2001 BEC reprend l’activité bobinage de la Sagem Lannion avec 28 salariés. Mais les commandes des grands groupes (Alcatel, Sagem) diminuent chaque année et BEC cesse son activité à Lannion en fin 2003.
Elios Informatique est fondée en 1983 par une équipe d’informaticiens du CNET Lannion.
Premier essaimage de l’ensemble du CNET, elle se développera jusqu’à atteindre une centaine de salariés et sera reprise par une SSII au départ de son fondateur et directeur, Denis Salembier, vers 2005.
Dans le domaine des réseaux et services télécom la société Prescom peut être considérée comme une référence. Jeune société, fondée au sud de Paris en 1982, elle avait développé un pont téléphonique analogique pour audioconférence. Son fondateur, Philippe Parment, ayant eu connaissance d’un Livre Blanc du CNET présentant en 1985 différentes études, pouvant faire l’objet d’un transfert technologique vers des PME, a été amené à créer une antenne R&D à Lannion en 1987. Il a attiré un chercheur du CNET, Frédéric Zurcher, et plusieurs ingénieurs d’Alcatel. Cette équipe d’une douzaine d’ingénieurs installée à Lannion et menée par Yves Le Damany, a transformé le pont analogique en un pont numérique, qui a obtenu un franc succès. Prescom est devenu ainsi vers 2000 le leader français dans le domaine de la numérisation des salles de commandement de la Police et des salles d’opération des SAMU et Pompiers, ainsi que des Cross du littoral français. Un ensemble de brevets a été déposé et « quatre conventions Cifre ont été signées par le CNET avec Prescom entre 1987 et 1995 et deux de ces docteurs sont encore présents dans cette entreprise aujourd’hui».
Actuellement Prescom est toujours dans une bonne dynamique.

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Déréglementation et nouveaux services (1987-1997)

Reprise par Alcatel des activités télécoms d’ITT en Europe

En 1987 Alcatel connait un nouveau tournant dans une période, qui est celle de la dérèglementation des Télécommunications et qui concerne d’abord les Etats-Unis.

Le groupe AT&T, groupe privé avait rassemblé jusqu’à un million de salariés avec des activités industrielles de fabrication (Western Electric) et des activités d’exploitation des réseaux locaux et du réseau national américain. Il avait disposé d’un monopole de fait.
La dérèglementation américaine connait plusieurs étapes. La première étape en 1984 a abouti à mise en place de sept compagnies régionales (Bell Operating Companies), issues d’AT&T.
La nouvelle société AT&T conserve les activités d’opérateur des réseaux inter-états, et les activités industrielles, y compris le centre de recherche des « Bell Labs ». Lors de la deuxième étape les réseaux inter-états sont ouverts à la concurrence, en premier aux sociétés MCI et Sprint. Enfin en février 1996 les deux branches AT&T Network et AT&T Technologies (Western Electric) se séparent. La seconde prend le nom de Lucent.

En Europe la règlementation des Télécoms évolue suivant les directives de l’Union européenne.
En France l’opérateur France Télécom est privatisé en 1997 et plus tard prendra le nom de sa filiale Orange.
Un mouvement de concentration des industriels équipementiers, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, devient inévitable.

Certains grands groupes de Télécommunications connaissent des années difficiles dès les années 1980 avec le passage au numérique et la déréglementation. Plus tard à l’ère Internet et en raison de la concurrence asiatique les difficultés se poursuivront et la majorité des grands acteurs équipementiers des années 1970 seront progressivement éliminés.
Vers 1985 ce mouvement d’élimination concerne le groupe équipementier américain GTE. Puis le groupe ITT doit se restructurer et envisage la cession de la majorité de ses activités télécoms, principalement européennes. Il connait en effet des pertes de marché, a des difficultés d’organisation et peine à finaliser et à imposer son Système 12, commutateur numérique conçu principalement au centre de Stuttgart de sa filiale SEL (Standard Electric Lorenz). Enfin plusieurs de ses usines, notamment de la filiale espagnole SESA, sont menacées.
Le S12 a été un élément important des négociations en 1986. Il est apparu qu’il y avait des différences de conception majeures entre les commutateurs E10/MT et S12, moins avancé dans son développement et qu’il restait des incertitudes sur les performances comparées.
Mais ce qui a prévalu a été la stratégie commerciale. Pour conserver les parts de marché acquises de longue date par ITT dans un ensemble de pays, notamment en Allemagne, Belgique, Espagne, Italie,... il fallait maintenir le S12, ce qui a abouti à une partition géographique entre ce système et E10. La reprise d’ITT par Alcatel est effective sur ces bases en janvier 1987. De plus E10 S est abandonné et le MT20 est maintenu seulement pour les centres de transit internationaux.

Fin 88, suite à l’absorption de l’activité téléphone de Thomson, ALCATEL possède deux centres industriels : l’un à Cherbourg, l’autre à Eu hérité de Thomson. Bien sûr, il apparaît évident, suite à l’échec commercial de la ligne MT de Thomson, qu’il y a un centre en trop.
Le choix va se porter sur l’usine de Eu pour des raisons qui peuvent apparaître irrationnelles dans la mesure où Cherbourg possède le savoir faire E10. Mais l’usine de Eu se trouve dans un secteur économiquement en difficulté, les bâtiments sont plus rationnels (un seul hall de montage) et le Directeur Industriel (J.Y. Fizellier) est un ancien directeur de Eu !
Bien sûr, ce transfert de production ne se fera pas sans transfert de personnel de Cherbourg, à commencer par le Directeur (Y. Derrien) qui prendra la direction de Eu, apportant le savoir faire E10 et sa culture industrielle différente de la culture de Eu.
Un peu d’historique : Le centre industriel de Eu,a été créé en 1966, et va connaître successivement les diverses cultures Ericsson, ITT, Thomson. Il possède de ce fait une organisation très structurée proche d’une usine des années 70 :
-l’économat vient de fermer
-il existe au sein d’un service formation remarquablement structuré une école de formation, point de passage obligé pour les opératrices.
-le service des Ressources Humaines joue encore un rôle prépondérant.
-les liens de l’établissement avec son environnement sont quasi inexistants.
L’adaptation au E10 : L’arrivée des équipes d’ingénieurs et de techniciens de Cherbourg (60 personnes environ), sous la direction de leur directeur, va entraîner des bouleversements dans les techniques de production et de management :
-réactivité aux évolutions de produit.
-réorganisation des lignes de production en vue d’optimiser les flux de circulation du produit.
-mise en valeur des lignes de production, Eu devenant la vitrine du savoir faire ALCATEL comme le prouveront la cadence des visites de délégations étrangères (une par semaine pendant 1 à 2 ans).
-sensibilisation à la notion d’assurance qualité de l’ensemble du personnel.
-visites de centres industriels pour la maîtrise et l’encadrement d’atelier (Bull à Angers,
Renault à Sandouville, PSA à Rennes).
-journées Portes Ouvertes pour l’ensemble des familles (une première depuis la création en 1966).
-organisation d’une journée technologique au château de Eu pour le compte de la Direction Industrielle d’ALCATEL

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Une gestion performante des données des réseaux à base de E10 grâce aux ateliers AGL
Au début des années 1990 l’établissement Alcatel de Lannion a pris conscience de la forte croissance des volumes de données dans les réseaux téléphoniques, notamment pour gérer et mettre à jour les logiciels. Des moyens importants ont été mobilisés. Jusqu’à 400 ingénieurs et techniciens, répartis dans plusieurs sites en France et à l’étranger, dont 250 pour le traitement d’appel, ont été affectés à ces développements.
Ainsi du début de la mise en place des commutateurs E10 jusqu’à 2004, cinq millions de lignes source de logiciels en 2004 ont été créés et maintenus.
Les données de réseaux se répartissent en trois parts.
- Ce sont d’abord celles des systèmes mis en place par Alcatel, concernant à la fois les matériels avec toutes leurs références et les logiciels sous la forme de modules logiciels.
- Ensuite ce sont les données des opérateurs, clients d’Alcatel, par exemple la taxation, les données de régulation de trafic lors d’évènements,... souvent propres à chaque pays.
- Enfin les données de chaque site de commutation, par exemple la liste des abonnés, sont aussi à gérer.
De plus il faut pouvoir disposer de ces données suivant trois langues (français, anglais et espagnol).

L’objectif est de faciliter les mises à jour et corrections. « Afin d’éviter des interventions incessantes sur les sites au fil des ordres de correction, il fut décidé de regrouper et d’appliquer en accord avec l’administration ces ordres de correction par palier». Etablir de tels paliers est apparu suffisamment important pour mettre en place une procédure de décision associant les équipes impliquées. “Chaque développement (par exemple un nouveau palier E10) se fait dans le cadre d’un projet... Avant chaque réunion de coordination était émis un document dit de palier, définissant pour chaque organe les constituants et leur niveau technique respectif, examiné durant les séances. »
Cette organisation rigoureuse montrera son efficacité et permettra de progresser au fil des années 1990. “Dès la mi-96 [il apparait la] nécessité de réduire les temps de développement et d’accroître la périodicité des paliers fonctionnels . »

Pour assurer tous ces développements l’établissement de Lannion a décidé de faire appel aux Ateliers de Génie logiciel (AGL).
Ces ateliers permettent de mettre en commun des modules utilisables par l’ensemble des développeurs et surtout de pouvoir les sélectionner automatiquement avec la bonne version pour fabriquer le logiciel livrable destiné à un commutateur d’un client tel qu’Orange ou SFR ou Telkom SA ou Telcom IRL... Ainsi pour chaque projet un administrateur AGL définit l'environnement de travail des personnels travaillant sur le projet. Les modules de logiciels ou données sont appelés de façon transparente pour le développeur, le dégageant de nombreuses contraintes qu'il ne maitrisait pas forcément et limitant les risques d'erreurs.
A la fin des années 1970, pour répondre aux besoins des développeurs, un premier atelier logiciel est conçu en interne à Lannion sous le nom de SDL (Système de Développement de Logiciel) avec comme calculateur central un IRIS 80. Ce calculateur sera assez rapidement remplacé par un IBM nettement plus puissant qui permettra, toujours en interne de mettre au
point un AGL appelé VM/SE (Virtual Machine Software Engineering). Cet atelier, conçu par J-P Posloux et B. Nicolas, est adapté pour « la gestion de gros logiciels évolutifs et comportant des fabrications sur mesure pour les différents clients... [Puis] VM/SE évolue vers une architecture client-serveur prenant le nom de Benchcom...
A partir de l’année 2000 enfin, apparait dans E10 un nouvel AGL, Clearcase, « best seller », également de l’industrie informatique. »

Les premiers AGL fonctionnent de façon centralisés avec le raccordement des stations de travail à un seul ordinateur de grande capacité en local. Mais un besoin nouveau, celui d’AGL décentralisés, apparait pour les développements E10 dans les années 1990 en raison de l’effort d’exportation d’Alcatel et du choix d’une politique de décentralisation des développements logiciels.
Cela qui conduit à la création de CTE (Centre Technique Export) dans huit pays, dont trois en Europe (Roumanie, Pologne et Irlande), trois en Asie (Inde, Pakistan et VietNam) et deux en Afrique (Maroc et République Sud Africaine). Le plus important est celui de Timisoara en Roumanie, qui aura jusqu’à 200 salariés.
Du côté français les trois sites de Lannion, Orvault et Vélizy sont concernés. Un nouvel AGL est mis en place de façon décentralisée, dans un premier temps avec des PC et des transmissions à faible débit. Dans un deuxième temps en 1995, un AGL évolué, sous le nom X/SE, comporte un réseau, basé sur le système Unix AIX d’IBM et des stations de travail RS6000.

Les travaux de développement logiciel sont répartis entre les trois sites français et les CTE, spécialisés.
Ainsi le traitement pour la signalisation CCITT n°7 et progressivement tout le logiciel E10 est affecté au centre de Timisoara, le traitement pour les appels mobile (partie HLR) au centre de Bandon près de Cork et pour une part la Nouvelle Architecture (NA) de traitement d’appel au centre de Boksburg, près de Prétoria.
Les développements de la Nouvelle Architecture, démarrés en 1992, ont été répartis entre Lannion, Orvault, Timisoara et temporairement Boksburg. « Les coûts initiaux, déjà élevés ont continué à augmenter, obligeant le Directeur Technique Adjoint J. Demure, à provoquer une découpe en étapes du projet. Il faudra 10 ans pour la réaliser complètement. Au final cela fonctionne plutôt bien, mais pas dans les couts et délais attendus. »

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Commutation numérique et nouveaux services : données et téléphonie mobile

Durant les années 1990 les activités de commutation numérique se diversifient pour assurer des services de données à bande étroite.

Les réseaux RNIS (Réseau numérique à intégration de services) constituent la première approche avec la mise en œuvre de nouveaux services de bout en bout appelés Numéris, à des débits allant de 64 à 384 kbit/s.
« L’année 1987 est aussi marquée par les premières expérimentations dans les réseaux publics de la commutation RNIS (ou ISDN en anglais), première génération de transmission simultanée de voix et de données : France Télécom le fit dans les Côtes d’Armor avec un central E10 fourni par CIT et la Bundespost à Stuttgart et Hanovre sur des centraux S12 fournis par SEL ».

L’accès au réseau RNIS se fait facilement en raccordant les abonnés sur des CSN, associés à des commutateurs E10.
La pénétration du RNIS est un processus considéré comme lent. « A la fin de 1991 on compte près de 40 000 accès... France Télécom en prévoit 500 000 en 1995130 ». Il s’agit essentiellement d’une clientèle professionnelle.
L’interet pour les PME est de disposer d’un accès primaire (30 voies) pour raccorder leurs PABX. « L’ouverture vers les abonnés résidentiels est attendue à plus long terme». Mais avec quels terminaux chez ces abonnés ?
France Télécom évoque notamment des terminaux de télécopieur, visioconférence, de borne multimédia...
Un effort d’harmonisation est effectué au niveau européen, permettant d’avoir une couverture européenne RNIS vers 1995.
Aucun pays européen ne connait une pénétration plus forte qu’en France.

Les Simulateurs d’abonnés RNIS pour les commutateurs E10
L’objectif des simulateurs d’abonnés RNIS est soit de valider les échanges de protocole LAPD, soit de simuler la signalisation émise et reçue sur l’interface Accès de base (famille des cartes TABN du CSN : Accès de Base RNIS 2B+D à 144 kb/s) et primaire (famille des cartes TADP du CSN : Accès à Débit Primaire 30B+D à 2Mb/s):
- Simulateur SANUM : Simulateur d’abonné Numériques
Deux versions du SANUM sont élaborées :
La première en simulation fonctionnelle pour vérifier l'acceptation du protocole RNIS par E10 et traquer la défense du système face aux erreurs de protocole, cela au moyen de milliers de fiches d'essais écrites au fur et à mesure des évolutions du protocole RNIS: VN1, VN2, ... VN6, VN7...
La seconde en simulation de trafic, pour vérifier la tenue en charge du commutateur E10.
D’un point de vue matériel, le SANUM se compose alors d’un coffret UCSI équipé des cartes UC du CSN et d’un ou plusieurs coffrets GTS, image des CN du CSN mais équipé de cartes spécifiques simulant l’accès de base ou l’accès primaire RNIS (Cartes TABNS et TADPS)
Chaque coffret GTS peut simuler jusqu’à 32 accès de base et le SANUM Trafic peut piloter 4 GTS soit 128 accès de base.
Ces simulateurs sont développés sur « marchés d’études » de France Télécom à partir de 1986 pour les essais et la validation des différentes étapes du RNIS sur E10, car de tels appareils ne sont pas disponibles sur le marché à ce moment-là.
Avantage : disponibles aussi vite que la fonction dans le commutateur E10.
Inconvénient : comportent les mêmes erreurs d’interprétations de protocole de signalisation que dans le commutateur E10.
- Simulateur d’ITA RNIS : parfois apporté par un autre constructeur intéressé par la validation de son produit en terme de protocole; pour Alcatel CIT, ces essais d’interconnexion sont très instructifs car ils permettent de valider la réalisation du protocole
conformément aux spécifications.
Avantage : parfait pour valider la réalisation du protocole de signalisation dans les deux équipements.
Inconvénients : les autres constructeurs, une fois leur équipement validé, ne sont plus volontaires pour réaliser ces interconnexions et veulent faire payer le prêt de leur équipement et technicien pour la durée des essais du commutateur.

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Un autre domaine des transmissions de données est celui des réseaux privés pour entreprises.

La PME OST (Ouest Standard Télématique), une des premières PME fondées en Bretagne dans le domaine électronique et télécom, est installée en 1980 par son fondateur Tao Lane à Cesson-Sévigné.
Elle cherche à s’imposer sur ce nouveau marché des entreprises avec la technologie de la transmission de paquets de données suivant la norme X25, utilisée dans le réseau Transpac.
Son activité grandit rapidement et en 1986 elle a déjà installé près de 2000 équipements, correspondant à la mise en place d’une centaine de réseaux. Ses effectifs grandissent progressivement : 104 en 1986, 320 en 1992.
Mais OST est « confrontée à des difficultés de développement avec un exercice 1995-1996 déficitaire» et n’a pas les moyens d’investir, pour maintenir son avance, dans les réseaux asynchrones à haut débit, notamment ATM.
La société OST est reprise en 1996 par la jeune société canadienne Newbridge Networks, qui a été fondée en Ontario en 1986 par un ingénieur d’origine galloise. En effet cette société qui a connu une croissance rapide pour atteindre 3000 salariés, cherche à se développer en Europe.

Le marché des équipements d’infrastructures de téléphonie mobile a pris beaucoup d’importance dans les années 1990 et une étape importante a été franchie, lorsque les opérateurs et les industriels européens se sont mis d’accord sur les normes GSM de 1ère génération puis de 2ème génération pour des réseaux numérique de communications cellulaires avec des mobiles.
Les premiers réseaux GSM sont mis en exploitation en 1992. Ericsson s’intéresse très tôt au GSM en partenariat avec Matra. “Matra and Ericsson also began working together in 1987 to develop and market GSM. This partnership was unsuccessful, however, and in 1992, Ericsson supplied a GSM network to France directly”.“
Dès l’apparition de la norme GSM...Alcatel entreprit d’abord en consortium avec AEG et Nokia, puis seul, un vaste programme de développement, qui portera ses fruits en premier dans les installations fixes et plus tard dans les téléphones portables le segment des installations fixes comprenait deux parts : la partie radio... [et] la partie commutation qui assure l’interface avec le réseau fixe pour l’acheminement des communications ainsi que la gestion des abonnés mobiles» .
- D’un côté Nokia s’implique très fortement sur les terminaux du GSM. Il devient ainsi le premier fabricant mondial de terminaux mobiles, mais s’intéresse aussi aux infrastructures de réseaux, où il obtient en 2000 une part du marché mondial d’environ 11%.
- De l’autre côté Alcatel suit aussi la voie de s’investir fortement dans la fabrication de terminaux mobiles et assure également le développement d’équipements d’infrastructures, sans investissements importants, en adaptant les commutateurs MT, puis E10.
Cette adaptation, aux réseaux mobiles des deux premières générations du GSM, est assez aisée, car le service à assurer reste un service téléphonique. Ainsi dès la fin 1991 Alcatel commercialise des commutateurs E10 pour les réseaux GSM.


Transmission et raccordements d’abonnés fixes

Un acteur important de la relance du secteur transmission d’Alcatel dans les années 1990 est Jean Jerphagnon, qui avant de rejoindre Alcatel en 1985 avait fait sa carrière au CNET dont six ans comme Directeur du centre Lannion B, regroupant les recherches sur les composants et la transmission. « Au plan de l’organisation, d’abord, Jean Jerphagnon arrive à fédérer, en moins de deux ans, les équipes, jusque-là rivales, de trois origines : celles de Villarceaux plutôt spécialisées dans les équipements traditionnels de lignes sur cuivre à grandes distances (y compris les équipements sous-marins), celles de Lannion plutôt spécialisées dans le développement des équipements sur fibres optiques et les équipements spéciaux numériques, et enfin celles de Conflans spécialisées dans les vidéotransmissions.»
Les travaux de R&D sur les câbles sous-marins sont prioritaires car Alcatel, en reprenant l’ancienne filiale STC d’ITT en Angleterre, est devenu leader mondial des câbles sous-marins. Les centres européens de R&D sont actifs notamment pour les transmissions ADSL sur lignes de cuivre et pour les composants optiques à Stuttgart. Jean Jerphagnon participe à la décision de transférer l’activité de R&D sur le codage/modulation à haut débit numérique de Lannion à Villarceaux. Cette décision est compensée par une participation du site de Lannion aux fabrications de composants optiques d’Alcatel Optronics,
Cette relance des activités de transmission est effectuée avec une vision modernisée de l’innovation industrielle, « Il n’est pas question pour Jean Jerphagnon de ne considérer que les grandes entreprises. Il sait que les PME-PMI sont l’ossature de notre économie, que les start-up sont les grandes entreprises de demain, et que le transfert de technologie aux différents stades de la chaîne de production est essentiel pour moderniser les process de production».

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Crise de 1996-97
Cette crise est provoquée par les difficultés rencontrées par les opérateurs de réseaux télécoms, qui se sont engagés dans le rachat de concurrents et qui n’ont plus la capacité financière à investir dans les infrastructures.
Après le grand mouvement des années 1982-86 et un combat continu pour réduire les effets de la suppression progressive des activités de transmission à Lannion, l’annonce d’un plan social important provoque une forte réaction en 1996-97.
Pour la première fois les salariés d’Alcatel prennent conscience que l’établissement de Lannion pourrait disparaitre.
Une grande manifestation réunit 15 000 participants à Lannion le 16 novembre 1996. Cette manifestation locale est suivie d’une manifestation nationale devant le siège d’Alcatel à Paris.
La participation des Lannionais est forte grâce à l’affrètement d’un TGV. L’action a été continue durant les mois suivants jusqu’à une nouvelle manifestation à Lannion le 22 novembre 1997. Ces mobilisations et les négociations avec la direction de l’entreprise, principalement au sein du Comité Central d’Entreprise et du CE de Lannion, ont permis de limiter les effets du plan social, notamment en favorisant les départs en pré-retraite.
Néanmoins, les activités de fabrication ont été arrêtées à Lannion et les activités de R&D ont été maintenues. Enfin une association, fédérant les représentants syndicaux du Trégor avec la participation de personnes qualifiées est mise en place en février 1997 sous le nom de « Trégor Debout » et jouera un rôle important en 2001-2004 : information et interpellation des acteurs politiques français et européen sur les enjeux de politique industrielle du secteur Télécom en Europe, les enjeux en terme d’emploi, de souveraineté et de sécurité des réseaux.

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Les travaux de R&D sur l’
ATM dans les années 1990

Rappelons en bref que le mode de transfert asynchrone
ATM est une technique orientée-connexion; une entête de cellules (53 octets) utilise une identifiant de circuit virtuel, établi en début d'appel; il est composé du couple : VPI (Virtual Path Identifier), VCI (Virtual Channel Identifier).
« A l’origine, les recherches qui ont débouché sur l’ATM ont été conduites dans la perspective de combiner les avantages de la commutation de circuits (délai de transmission constant et capacité garantie) avec ceux offerts par la commutation de paquets (souplesse et efficacité pour les trafics aléatoires).
Ces recherches ont impliqué de nombreuses équipes de R&D d’opérateurs avec comme leader le CNET de Lannion». Au CNET Lannion Jean-Pierre Coudreuse est le leader reconnu de 1980 à 1995 d’une équipe talentueuse dont on peut citer les noms d’Alain Thomas, Michel Servel, Pierre Boyer...
Poussée par cette équipe du CNET Lannion, la normalisation à l'UIT-T (ex-CCITT), définit les normes pour un « RNIS large bande », basée sur une solution complète de réseau ATM avec applications distribuées, capable de transporter la voix, la vidéo et les données.

L'ambition est alors d'utiliser cette nouvelle technologie non seulement pour les réseaux dorsaux, mais de bout en bout jusqu'à l'application d'usager dans le réseau local (normalisation de l'émulation de LAN en 1997).
L'ATM Forum est créé en 1991 en Californie. « Cette association a regroupé plus de 700 membres, constructeurs et opérateurs, qui paient chacun leur cotisation annuelle, et s’est très vite étendue au monde entier». Sylvie Ritzenthaler, alors ingénieure à la société rennaise OST, participe à la direction des activités européennes de l’ATM Forum et organise à Rennes, annuellement de 1994 à 1998, la manifestation internationale « ATM Developments », qui réunit jusqu’à 600 auditeurs. De façon générale l’ATM Forum œuvre pour l'implantation rapide de l'ATM dans des produits et répondre aux besoins des marchés.
Et à cette époque en 1991 France-Télécom est confiant : « Les systèmes de commutation de la décennie 2000 seront les systèmes à débits variables de la technique temporelle asynchrone ATM».

Alcatel entreprend des développements industriels de l’ATM suivant deux voies.
Le premier développement se fait avec la volonté de mener des études communes sur les deux produits E10 et S12. « Pas moins de sept filiales d’Alcatel, dont Alcatel-CIT de Lannion, coopèrent pour définir une architecture ATM de bout en bout » dans la continuité des travaux du CNET Lannion. En trois ans une maquette de démonstration est réalisée en vue du salon TELECOM 91 de Genève. « Sur 14 stands, Alcatel démontre un même module ATM avec des interfonctionnements large bande / bande étroite vers le E10 et le S12140 ». Cette maquette permet aussi d’offrir des services vidéo, dont une TV-HD avec des raccordements en liaisons optiques à 155 Mbit/s jusque chez l’usager.

Au début des années 1990, et en parallèle des développements E10MM, Alcatel lance, à Lannion (équipes de G. Le Bihan et de G. Onno), le développement d'un commutateur pour ATM (le système 1000AX), avec TRT-Philips et sous l'égide du CNET. Le 1000AX est un système modulaire s'appuyant sur un niveau physique PDH, ouvert au SDH européen et au Sonet américain, et bâti autour d'une matrice de connexion ATM. Ce système connecte des liaisons allant jusqu'à 150 Mbit/s par port. Le système 1000AX est conçu pour s’insérer dans le réseau public; un réseau pilote est défini en 1990 par le CNET entre Lannion, Rennes et Paris, le réseau BREHAT. Le réseau BREHAT se veut conforme strictement aux standards ITU-T, sans tenir compte des simplifications envisagées par l'ATM Forum. Il offre des services de bout en bout comme par exemple l'interconnexion de réseaux locaux ; les essais sont menés en 1994 et le réseau BREHAT est étendu à quinze pays européens.
Mais il n’y a pas de suite industrielle chez les deux industriels partenaires du projet.
D’une part la branche Télécom du groupe Philips est en grande difficulté. TRT-Philips Lannion est repris par Lucent en 1996.
D’autre part Alcatel change de Directeur aussi en 1996. Pierre Suard passe la main à Serge Tchuruk.
Site de M. Pierre Suard, ancien Président du Groupe Alcatel-Alsthom, qui décrit ce qui lui est arrivé.

L'idée de mettre une couche ATM sous IP semble encore une direction normale. Ceci nécessite la segmentation des paquets en cellules à l'entrée et le ré-assemblage en sortie, rôle du niveau AAL5 (ATM Adaptation Layer) conçu pour supporter IP.
De plus, pour les niveaux supérieurs, la volonté est de coller au modèle OSI (services de session et de présentation), et les normes mettent du temps à sortir. Les implémentations sont perçues par le monde IP complexes donc coûteuses.

Avènement de la société Cisco

La jeune société américaine CISCO Systems, fondée en 1985 à San Francisco est l’acteur le plus important du développement des réseaux dorsaux IP. « Cisco Systems a été le pionnier du développement du routeur, le matériel de commutation nécessaire pour ces réseaux publics et privés en pleine croissance. L'évolution de cette entreprise fournit un autre exemple classique des avantages du premier arrivé. Cisco a été créé en décembre 1984 par une équipe mari et femme de Stanford qui avait aidé un réseau local pour l'université.
Ils ont présenté leur premier produit, un routeur TCP/IP, en 1986 pour les utilisateurs d'Arpanet.
Au mois de juillet suivant, les systèmes Cisco n'avaient encore que huit employés. En 1988 vient la création d'une première base d'apprentissage.
Alors les fondateurs font appel à deux personnes extérieures expérimentées, Donald T. Valentine et John Morgridge, pour renforcer le capital de l’entreprise et organiser ses actions de marketing. Leur prise en main de l’entreprise provoque le départ des deux fondateurs en 1990.

À partir de 1988, Cisco a rapidement dépassé ses clients initiaux, ceux qui utilisaient les protocoles TPC/IP et les ordinateurs basés sur Unix pour les communications Internet.
En développant des routeurs hautes performances à un prix raisonnable, Cisco a pu s'assurer un marché primaire plus vaste, celui des grandes entreprises construisant leur réseau interne - local puis étendu.
En 1993, Cisco était le premier fournisseur mondial de routeurs pour les réseaux privés ainsi que pour Internet.
À ce moment-là, ses dirigeants travaillaient avec IBM, Microsoft et Novell pour améliorer les performances de leurs produits. Au cours de ces années, les ventes et les revenus de Cisco ont grimpé en flèche.
De 1991 à 1995 en quatre ans le chiffre d’affaires annuel de Cisco est multiplié par dix et atteint 1 milliard d’euros.

L’exploitation du protocole TCP, qui date de 1974, se généralise y compris dans les systèmes de base des ordinateurs, aux terminaisons du réseau. Ainsi dans ces années 1990, l'IP résidentiel croît très vite, le routeur IP, malgré sa mémoire tampon indispensable, devient un équipement de commutation intermédiaire difficilement contournable.

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Avènement des réseaux à large bande (1997-2005)

L’année 1997 constitue un tournant. La déréglementation des télécommunications est effective en Europe.
La privatisation de France Télécom est réalisée par le gouvernement Balladur et confirmée par le gouvernement Jospin.
Le CNET, centre de recherche public, s’arrête après 53 ans d’existence.
Ses activités sont intégrées dans France Télécom, sous le nom provisoire de FT R&D, Acquisition de Newbridge par Alcatel

Acteur traditionnel du transport de la voix, Alcatel avait pris du retard dans le transport de données.
Pour redresser la barre M. Tchuruk a choisi d’acheter ses technologies outre-Atlantique à partir de 1998. Ainsi Alcatel acquiert plusieurs sociétés américaines, dont DSC communications. Puis en février 2000 Alcatel fait l’acquisition de la société canadienne Newbridge, qui avait repris la PME rennaise OST trois ans auparavant . Cette acquisition se fait par échange d’actions à partir d’une valorisation de Newbridge de 7 milliards de dollars.
Serge Tchuruk indique en février 2000 : « Newbridge occupe... une place prépondérante dans la technologie ATM qui permet aux opérateurs traditionnels de s’adapter au monde Internet.
Cette technologie est d’origine française, puisqu’elle a été développée par le CNET dans les années 80.
Mais c’est une entreprise américaine qui a su le mieux en tirer parti, grâce au développement plus précoce aux Etats-Unis des réseaux de données. L’origine française de l’ATM est bien reconnue en Amérique du Nord, notamment par la société scientifique IEEE, qui a décerné en 1997 à J-P Coudreuse le « Sumner Award », sponsorisé maintenant par Nokia Bell Labs. Eric E. Sumner, pionnier du numérique à partir de 1952, a mené une carrière brillante aux Bell Labs à la fois en commutation et en transmission, entre autres en étant responsable en 1962 du développement industriel du premier équipement numérique installé dans le monde : le « T1 carrier system ».
Un peu après son décès en 1993 l’IEEE a créé ce « Sumner Award ». J-P Coudreuse a eu l’honneur d’être le premier à recevoir ce prix et vingt ans après il est le seul Français à avoir été ainsi distingué. Sylvie Ritzenthaler précise en 2004 : L’Europe et la France en particulier étaient à la pointe de la technologie ATM...Cependant les premiers développements industriels se firent au Canada et aux Etats-Unis !
En effet dès le début de 1994 le commutateur 36150 de l’entreprise canadienne Newbridge occupa la place de leader du marché des commutateurs.
En 1990 le Canadien avait engagé des études avec le centre de recherche de l’opérateur BCTEL à Vancouver. En 1994 le 36150 avait déjà été livré en 360 exemplaires à plus de 80 clients, opérateurs pour la plupart. Newbridge n’est pas la seule start-up américaine à vendre des systèmes ATM vers 1994. Entre autres la société Bay Networks, basée à la fois à San Francisco et à Boston, est aussi présente sur ce marché. Elle fait l’objet d’une reprise par Northern Télécom, le grand équipementier canadien, dix-huit mois avant celle de Newbridge et avec la même valorisation financière.

Alcatel s’intéresse par ailleurs au savoir-faire de Newbridge dans le domaine de l’ADSL :

Dans l’ADSL, qui permet la transmission rapide d’informations sur des lignes téléphoniques classiques, Alcatel, qui est déjà numéro un mondial, acquiert des technologies supplémentaires pour le cœur des réseaux des opérateurs et dans la transmission vidéo.
Développements industriels à Alcatel Lannion
Alcatel Lannion à partir de 1997 a mené des travaux visant à placer une matrice ATM dans les organes de commande OCB283, pas pour un transport ATM de bout en bout dans le réseau téléphonique, mais pour remplacer la matrice de connexion 64 kbit/s. Il s’agissait ainsi d’augmenter la capacité de connexion du commutateur et de réduire en clientèle les coûts et l’encombrement du produit; ces évolutions ont engendré l’OCB283 HC151.
C’est la matrice de commutation de cette « démo de Genève » qui deviendra ensuite la matrice de commutation d’une quatrième génération de E10 : l’OCB283 HC...tirant parti de la technologie de la matrice de commutation ATM et de l’intégration des terminaisons SDH...

Le produit E10 OCB283 HC, dénommé commercialement E10MM sera installé pour la première fois à Mitry-Mory en 2001.
La capacité du système E10 MM monte jusqu'à 100 000 abonnés et 16 000 liaisons MIC.
Les ingénieurs de Lannion prennent conscience que l’IP pourrait s’introduire et prendre la main dans la téléphonie. Notamment J-Y Marjou indique : Dès le Symposium ISS de Birmingham (7 à 12 mai 2000) auquel je participais, il était évident que le téléphone IP était devenu une réalité. » Il apparait à tous qu’il n’y a pas d’autres possibilités que de s’ouvrir à l’IP et de s’y adapter.
L’architecture de E10 à 4 niveaux (Exploitation / traitement d’appel / matrice de connexion/unités de raccordement) pouvait convenir a un monde IP comportant Serveurs d’exploitation / serveurs d’appel / réseaux IP / Media Gateways. La matrice de connexion disparaissait donc, remplacée par le réseau IP.
A partir de 2003, le commutateur E10 a été capable de s’interfacer avec un réseau IP.
Les media internes de communication (Token Ring) ont été remplacés par un réseau Ethernet. Le CSN a été adapté à l’interface IP, notamment en y introduisant l’interface d’accès H.248, basée sur la mise en paquets de la voix. Une nouvelle machine logique appelée MGI (Media Gateway Interface), intervenant dans la chaine de traitement d’appels, a permis le dialogue H248 avec les passerelles IP.
La chaine de connexion MIC et la matrice de connexion n’étaient plus concernées par les appels. IP. Ces évolutions ont engendré l’OCB283 MGC154.
Noter que cette introduction en 2004 de l’interface H248 (interface de contrôle de Media Gateway basée sur IP et sur la mise en paquets de la voix) dans le CSN a permis de raccorder celui-ci au S12. Ceci n’avait pas pu être fait dans les années 1990...

L’IP s’impose

Dès la fin des années 1990 l’IP s’impose dans de nombreux secteurs. D’abord l’explosion des ordinateurs personnels, qui intervient en 1990 avec la succès de Windows 3 de Microsoft, a provoqué celle des services Internet, notamment grâce au navigateur Explorer 2.0 de Microsoft (1996). Le nombre de 100 millions d’Internautes est atteint en 2000. L’IP de bout en bout et multimédias avec des capacités croissantes fait son chemin.

En 1998 le conseil régional de Bretagne lance un appel d’offres à opérateurs télécoms pour la réalisation et l’exploitation d’un réseau, appelé Mégalis, regroupant les établissements publics de la région (Universités, centres de recherche, établissements hospitaliers...). Le dépouillement de cet appel est effectué en fin d’année et le Conseil régional retient l’offre de France Télécom, basée sur des routeurs IP de Cisco.

Pourtant initialement, le protocole IP, protocole de niveau réseau (au sens du modèle hiérarchisé OSI), a des lacunes. La transmission par paquets des données est faite 'au mieux'; la transmission se fait sans connexion, par plusieurs routes et par conséquent le séquencement des paquets n'est pas garanti.
La communication de paquets s'oppose à un concept de base du réseau téléphonique numérique qui, elle, repose sur un circuit dédié à chaque connexion. Le contrôle de flux est inexistant avec IP.

Poussée notamment par Cisco, une nouvelle couche de communication va permettre de s'affranchir de la technique ATM, en particulier à l'accès pour les réseaux virtuels privés (VPN).
C'est le MPLS (Multi Protocol Label Switching), standardisé en 2001; il offre un service orienté connexion; une étiquette de route se substituant à une adresse dans le réseau.
Plusieurs protocoles peuvent être supportés par MPLS : Ipv4 et IPv6, Relai de trame (Frame-relay), Ethernet, ATM, et la voix (VoIP).
Les ingénieurs de Cisco France indiquent en 2002 : « Avec l’architecture MPLS, les partisans de IP et ceux de l’ATM devraient se retrouver puisque cette architecture tend à intégrer les avantages de la commutation « hardware » de paquets de l’ATM et ceux du routage de couche 3 des réseaux IP.
L’architecture MPLS cherche également à découpler l’information de commande requise pour transférer un paquet, du transfert lui-même.
Ce découplage fournit la base technologique permettant de nouvelles approches en matière d’extension de services, comme l’ingénierie du trafic, la qualité de service ou encore la protection automatique d’éléments de réseau.

Comment expliquer cette domination de l’IP sur l’ATM ?
Différents acteurs ont donné leur avis. L’équipe de Cisco France écrit dans le livre « Réseaux » édité en 2002 : « L’ATM a souffert dans sa définition d’une double approche, celle de l’UIT et celle de l’ATM Forum : ainsi pour le plan d’adressage, l’UIT a reconduit le plan E.164 défini pour le RNIS tandis que l’ATM Forum a adopté le plan AESA/NSAP relevant d’une approche orientée informatique. Il faut aussi reconnaitre que l’ATM a été victime du développement industriel souvent en retard par rapport à l’état de l’art des spécifications... L’ATM ne sert donc plus qu’à adapter d’autres protocoles dont IP».
De son côté en 2013 J-P Coudreuse écrit : « Les Télécoms n’ont vu venir ni l’avènement du microordinateur dans la sphère privée que préfigurait le minitel, ni la place d’intercesseur que prendrait le logiciel entre l’outil et l’usage, ni au cœur de tout cela une mutation culturelle de grande ampleur avec l’abandon de tout engagement de qualité, de fiabilité, de pérennité. L’intelligence du terminal permettait de s’affranchir d’une qualité de réseau...On allait troquer un mode « terminal rudimentaire- réseau intelligent » pour un mode « terminal intelligent-réseau rudimentaire »
Pour imposer l’ATM, au moins pour les réseaux d’opérateurs à large bande avec des objectifs ambitieux de qualité et de sécurité, il aurait fallu en 1994 poursuivre et même amplifier l’effort de développent industriel immédiatement après le projet Bréhat et dans sa continuité.
Cela n’a pas été fait et c’est en vain qu’Alcatel a repris l’activité de Newbridge en 2000. Il était trop tard.

A ce moment-là en 1999-2000 la crise « dite de la bulle Internet » est provoquée par une croissance démesurée de certains secteurs de l’industrie du numérique et des télécoms, notamment la photonique où la croissance annuelle des chiffres d’affaires peut dépasser le taux de 100 %. Elle est alimentée par la spéculation boursière (mise en bourse de start-up, rachat d’entreprises,...jusqu’au blanchiment d’argent).
L’éclatement de cette bulle intervient en 2001-2002.
Après cet éclatement Alcatel Rennes poursuit trois activités.
- La première activité à Cesson-Sévigné concerne les DSLAM dans le cadre d’une coopération associant les établissements d’Anvers (100 personnes), de Rennes (50 personnes) et de Stuttgart (30 personnes).
- La seconde, aussi à Cesson-Sévigné est orientée vers les réseaux d’entreprise.
- Enfin la troisième, celle des vidéocommunications (une centaine de personnes), est menée dans le cadre de la filiale Alcatel TITN et fonctionne comme une SSII à Saint-Grégoire.
Quant aux terminaux ADSL, pouvant être intégrés notamment dans les « box » des abonnés, Alcatel revend à Thomson Mutltimédia Rennes (TMM) cette activité, venant de Newbridge, et transfère une soixantaine de personnes.

En France, il a été préféré, avec le Plan TOP CAPEX révélé le 15 avril 2003, de stopper toutes les commandes d'autocommutateurs, c'est à dire de ne pas remplacer les Commutateurs électroniques temporels de 2ème génération par des Commutateurs de 4ème génération, mais d'attendre...

Place au tout IP,

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L'INTRODUCTION MOUVEMENTÉE MAIS RÉUSSIE DE L'OCB283 AU PAKISTAN Document de Jacques Prévot

En 1990, afin de moderniser son réseau de télécommunications, l’Administration Pakistanaise des Télécommunications (PTCL) avait décidé de faire un test comparatif InSitu des principaux systèmes de commutation numérique de dernière génération existants sur le marché. Alcatel avait fait une offre avec la nouvelle version du E10, l’OCB 283, et avait remporté un contrat pour la fourniture de 49.500 lignes à Karachi. Siemens et Ericsson
obtinrent l’équivalent, respectivement sur Islamabad-Rawalpindi et Lahore (jusqu’alors
Siemens était pratiquement en position de monopole).
Le délai de mise en service pour Alcatel était de fin mars 1991. Dans son programme électoral, le premier Ministre Nawas Sharif nouvellement élu avait promis de développer et de moderniser le réseau téléphonique pakistanais qui en avait grandement besoin. A cette époque, le délai d’attente pour avoir une ligne téléphonique variait entre un et trois ans, voire plus, dans les grandes villes comme Karachi, Islamabad ou Lahore et c’était même pire dans les villes de province. Le réseau et les centraux électromécaniques de Karachi étaient complètement saturés.
Les difficultés de mise en service de l’ OCB 283
Le matériel OCB 283 et les CSN avaient été expédiés, le matériel était installé dans les différents sites pour mi-février mais le logiciel spécifique Pakistan OCB 283 n’était pas prêt !
Fin février, Alcatel envoyait une mission pour informer le « Telecommunications’ Secretary » (Ministre des Télécom) du retard de la mise en service des 49.500 lignes et tenter d’en expliquer les raisons (en fait, pour masquer les retards de développement, les prétextes officiellement invoqués étaient la spécificité du logiciel Pakistan et surtout la première interconnexion en signalisation N°7 des centraux Alcatel avec des centraux Siemens).
En dépit des arguments techniques, le « Secretary » ne voulut rien entendre et informa Alcatel que si la date limite du 31 mars pour la mise en service des 49.500 lignes n’était pas respectée, PTCL romprait le contrat et mettrait officiellement Alcatel sur liste noire avec diffusion de l’information dans la presse mondiale spécialisée, ce qui aurait pour conséquence directe de compromettre le futur de l’OCB283 sur le marché export. Les OCB 283 du Pakistan devaient être les premiers OCB à être mis en service avec exploitation commerciale dans un réseau existant. La disponibilité du logiciel étant prévue au mieux en juillet 91, il était donc impossible de mettre les OCB en service à la date contractuelle. Le
« Secretary » a laissé deux heures à la mission Alcatel pour proposer une solution quiconvienne.
La solution provisoire aves les conteneurs
Il a alors été décidé, après un dimensionnement fait sur un coin de table, de proposer d’envoyer 2 cœurs de chaîne E10B en conteneur qui étaient disponibles à Tréguier et d’y raccorder les CSN en distant, la capacité de la solution provisoire proposée étant dans ce cas légèrement inférieure à celle du contrat d’environ 1500 abonnés. Finalement, le « Secretary » a accepté la solution proposée à condition que le délai de fin mars soit tenu !
Pour tenir ces délais, Alcatel a dû affréter un Boeing 747 d’Air France pour acheminer les 2 conteneurs et mobiliser tous les moyens disponibles pour réaliser ce pari et c’est avec un jour d’avance que la mise en service dans le réseau a été effectuée.

Par ce succès, Alcatel a marqué des points dans les esprits de PTCL qui ne croyaient pas l’exploit possible ! Les soucis ne faisaient que commencer car au fur et à mesure du raccordement des abonnés sur les CSN, le réseau devenait de plus en plus saturé et les liaisons inter-centraux étaient incapables d’écouler le trafic. La qualité de service se dégradait de plus en plus et, fin juin, le réseau devenait impossible à maintenir en dépit de l’intervention permanente (jour et nuit) du personnel de maintenance d’Alcatel et de PTCL.
Le réseau de Karachi était coupé par moment en deux, les abonnés des centraux existants ne pouvaient plus appeler les abonnés raccordés sur les centraux Alcatel. PTCL rejetait la faute sur Alcatel qui, étant le dernier à rentrer dans le réseau de Karachi, devait faire tout ce qui était nécessaire pour s’interfacer dans le réseau existant.
En juillet, une mission technique d’Alcatel Lannion est arrivée à Karachi avec de gros moyens de mesure et de test afin de comprendre le ou les problèmes. Les recherches s’orientèrent principalement sur les particularités liées au logiciel et à sa signalisation spécifique ce qui permit de corriger un certain nombre d'erreurs mineures mais les problèmes principaux demeuraient et, pendant ce temps là, les équipes de maintenance passaient leur temps à débloquer le réseau par des commandes manuelles.
Après comparaison et vérification de la conformité du logiciel du Pakistan E10B avec les spécifications du cahier des charges de PTCL, la seule source de recherche des fautes restantes était la vérification de la conformité de la signalisation émise par les centraux déjà installés dans le réseau ! Ce qui permit de découvrir que les centraux Siemens travaillant en signalisation N°7 ne respectaient pas les spécifications du cahier des charges de PTCL.
Alcatel fit une campagne de mesure très complète car PTCL refusait d’accepter la conclusion des tests. Il a même fallu, à la demande du Directeur de projet de PTCL Karachi, utiliser un testeur de signalisation de PTCL et de Siemens pour prouver, enregistrements à Edition 2 08/04/2016 3
l’appui, que notre analyse du problème était exacte. C’est finalement lors d’une réunion à la direction générale de PTCL à Islamabad que le représentant de Siemens a reconnu que le problème était bien de leur fait : à l’établissement d’une communication, les centraux Siemens connectés aux centraux Alcatel en signalisation N°7 envoyaient le signal de la première taxe au lieu du signal de réponse et, de ce fait, le central Alcatel, ne recevant pas le signal attendu, bloquait le circuit, le considérant en faute conformément aux spécifications.
Après avoir reconnu sa faute, Siemens demanda à PTCL un délai de deux mois pour développer et mettre en œuvre la mise en conformité de son logiciel dans le réseau.
Cela permit à Alcatel d’augmenter considérablement sa crédibilité chez PTCL et de démontrer son professionnalisme. Ce laps de temps fut mis à profit pour continuer à apporter des corrections au logiciel et préparer les basculements des OCB 283. Après les corrections faites par Siemens, le réseau de Karachi fonctionna correctement et le basculement des cœurs de chaîne OCB 283 commença en septembre 91. L’opération provisoire en conteneur, en plus de sauver le contrat et la crédibilité d’Alcatel, aura permis de débugger le logiciel Pakistan et peut-être d’éviter de mettre en doute le logiciel OCB283 au vu des problèmes mentionnés dans ce qui précède.
Les contrats suivants, la création de la filiale APL
La crédibilité acquise par Alcatel chez PTCL permit la signature dans la foulée d’un contrat de 120.000 lignes, puis d’un très gros contrat BLT (Built Lease & Transfer) de 300.000 lignes extensible à 600.000 lignes, comprenant la fourniture et l’installation des autocommutateurs, des moyens de transmission, du réseau d’abonnés et des fibres optiques. En parallèle, Alcatel en partenariat avec PTCL et le groupe Aga Khan créait « Alcatel Pakistan Limited » et implantait à Islamabad une usine de fabrication et un centre de développement de logiciel, devenant ainsi un fournisseur préférentiel de PTCL au même titre que Siemens.
Quatre centres régionaux de maintenance étaient créés dans les différentes provinces en plus de celui de Karachi afin de permettre l’assistance technique à PTCL nécessaire à l’exploitation et à la maintenance. Puis en 1996, les activités de réalisation (Ingénierie, Installation, Support, Réparation) furent transférées de Karachi à Islamabad. Seul restait à Karachi le centre régional de maintenance.
Dans un premier temps, en 1994, Alcatel Pakistan Limited (APL) s’implantait dans un bâtiment provisoire à la périphérie d’Islamabad afin de pouvoir commencer les recrutements, la formation et débuter l’assemblage de certaines parties des centraux téléphoniques. Les éléments arrivaient de France sous forme de SKD (Semi Knocked Down) ce qui permettait de profiter des tarifs douaniers préférentiels pour les matériels importés. Parallèlement, un centre de développement de logiciel (CTE) était créé dans des locaux provisoires en plein centre d’Islamabad. En 1995, la première pierre de la future usine fut posée en présence de M. Suard, ces locaux devant regrouper toutes les activités d’APL, y compris le CTE. Ils furent officiellement inaugurés en 1998.
La présence et l’influence d’Alcatel commencèrent à décliner dès 1999 avec l’arrivée sur le marché pakistanais du mobile (GSM) et des centraux de petites capacités des sociétés chinoises ZTE et Huawei. Ces sociétés réussirent à remporter plusieurs appels d’offres grâce aux aides accordées par le gouvernement chinois et également du fait de l’influence politique exercée par le gouvernement chinois sur le gouvernement pakistanais dans le
conflit indo-pakistanais.
En 2012, le parc comportait 127 commutateurs OCB283 et 5 commutateurs E10 MM .

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Lucent Technologies en Bretagne dès 1996

Dans le même temps AT&T Technologies cherche à prendre position en France dans le domaine des réseaux d’entreprises et décide d’installer un laboratoire de R&D à Rennes, qui prend le nom de Lucent BCS. Sous la direction du jeune ingénieur américain John Rosinski ce laboratoire atteint un effectif de 57 salariés en 2000 et sera fermé vers 2002.
Lucent s’installe aussi à Lannion en 1996, à la suite de la décision de Philips d’abandonner les télécoms au profit de Lucent. Ainsi en France Lucent reprend un bon millier de salariés de TRT filiale ancienne de Philips, répartis sur trois sites: une partie des services du Plessis Robinson, l’usine de fabrication de Rouen et le laboratoire d’études de Lannion, dirigé par Maurice Le Dohr de 1971 à 1996.
Lors de son absorption par Lucent Technologies les effectifs du laboratoire Philips-TRT de Lannion sont de 177 salariés et prestataires. « Avec l’arrivée de Lucent en 1996, le site s’engage dans le développement de composants spécifiques (ASIC) pour les accès radio 3G ...
Une nouvelle croissance, par embauches et intégration de nombreux prestataires, est engagée pour atteindre 220 personnes en 1999 ». Le laboratoire est dirigé successivement par Jean-Philippe Macqueron, Gérard le Cam, Zdenek Picel et Pascal Butel, ces ingénieurs étant issus de TRT Plessis-Robinson et Rouen.
En 2002 l’activité de l’équipe ASIC porte sur des développements UMTS, principalement le traitement de la parole, la gestion du canal (adaptation du débit) et les turbo-codes. En particulier un partenariat avec l’Ecole d’ingénieurs Télécom Bretagne, inventeur des turbos codes faisant l’objet d’une reconnaissance internationale, facilite leur introduction dans la 3G.
Le client pilote de Lucent Lannion pour la station de base UMTS est l’opérateur espagnol Telefonica. Des contacts sont tissés avec les équipes américaines, allemandes et australiennes.
Lucent procède à deux restructurations de son laboratoire à Lannion en 2000 et 2001, conduisant à des réductions d’effectifs. La seconde comporte une cession de l’activité MPMP de raccordements fixes par voie radio à la société Canadienne SR Telecom (une quinzaine de personnes), activité qui se poursuivra pendant trois ans à Lannion. « Ainsi l’effectif redescendra à 60 personnes fin 2001..., puis à 35 personnes en 2006».
Cette présence de dix ans de Lucent à Lannion a constitué une nouvelle étape des liens et des échanges entre les Bell Labs, tout particulièrement le site de Murray-Hill et le CNET Lannion. Les débuts de ces liens sont anciens puisqu’ils datent principalement de Telstar en 1962. Et notamment deux responsables du CNET Lannion ont fait des séjours prolongés aux Bell Labs : André Pinet pendant un an en 1961, Jean Jerphagnon pendant deux ans en 1968-70 à Murray-Hill.
Ces liens ont d’ailleurs été célébrés en juillet 2002 lors du quarantième anniversaire de la première transmission transatlantique de la télévision via le satellite Telstar entre la station d’Andover et celles de Goonhilly (UK) et de Pleumeur-Bodou, près de Lannion, station jumelle de celle d’Andover, conçue et installée par les Bell Labs. "Jeudi 11 juillet, Lucent diffusera une émission commémorant le 40e anniversaire du satellite Telstar... L'émission sera diffusée sur les sites américains de Lucent" . Tous les employés du site de Lannion de Lucent le reçurent aussi. Et une plaque commémorative “Milestone IEEE » a été placée devant le grand radôme protégeant l’antenne, toujours bien en place.

Travaux de R&D pour le GSM 3G

Du côté des réseaux mobiles, à partir des années 2000, le site de Lannion devient progressivement le centre majeur des activités de commutation Mobile 3G en prenant la responsabilité du développement de deux machines du réseau mobile: le HLR (Home Location Register) puis le RCP (Radio Control Point).
Sur le plan fonctionnel, les évolutions concerneront le module de traitement de signalisation 3G ATM.
Sur le plan technologique, entre 2004 et 2006, le logiciel du HLR est porté sur la plateforme TOMIX. Ce portage s’accompagne de la mise en œuvre d’une base de données relationnelle du commerce.
Cette opération a bénéficié de l’expertise acquise auparavant à Lannion lors :
- du portage du logiciel du E10 réalisé dès 1987
- de la mise en œuvre de bases de données à l’occasion du projet de
migration du traducteur (base de données du E10) en 1998.
Au travers de cette opération et de son prolongement (le HSS, Home Subscriber Server), le site de Lannion a acquis une expertise en SDM (Subscriber Data Management), incontournable au sein d’Alcatel-Lucent.
Du côté des réseaux fixes, le produit E10 continue d’évoluer également sur les plans technologique et fonctionnel.

La vente des commutateurs E10 pour les réseaux mobiles 2G connait une croissance forte de 1996 à 2002, l’année où les ventes de commutateurs pour le mobile dépassent celles pour le fixe.
Vers 2000 les établissements Alcatel s’engagent dans le développement des équipements d’infrastructure 3G-UMTS en se partageant les travaux de développement de la façon suivante. L’établissement de Lannion reprend le développement du HLR (Home location Register). Vélizy prend en charge les tâches radio. De son côté l’établissement d’Orvault participe au développement du SSP (Service Switching Point) en utilisant l’organe de commande OCB283 de la gamme E10. Quant aux essais d’intégration d’ensemble ils se font tantôt à Vélizy, tantôt à Lannion.
Mais la Direction d’Alcatel-CIT lors du CCE en novembre 2002 confirme « le faible positionnement d’Alcatel... dans l’investissement nécessaire pour lancer les réseaux UMTS » et poursuit en indiquant : « Alcatel se positionne pour un démarrage progressif de l’UMTS d’où un engagement faible dans le premier tour d’attribution des contrats. Au travers de la mise à disposition de réseaux pilotes, Alcatel-CIT supporte seul le poids des investissements UMTS». Alcatel-CIT est ainsi largement devancé, pour le développement des réseaux d’infrastructures 3G-UMTS de communication mobile par les deux nouveaux leaders Européens : Ericsson et Nokia.

Le premier, Ericsson, « est capable de fournir à la fois des systèmes numériques en TDMA et CDMA. Ericsson a été, de ce fait, l’un des tout premiers promoteurs des systèmes cellulaires de troisième génération (UMTS)».
De son côté « la société Nokia est maintenant spécialisée dans les télécommunications mobiles. Fournisseur d’infrastructures de réseaux cellulaires dans le monde entier, Nokia est surtout [en 2000] le premier fabricant mondial de terminaux mobiles...Cette situation pourrait changer au cours des années 2001 et 2002, la groupe ayant connu d’importants succès sur les premiers contrats d’infrastructures UMTS».

Pour compléter cette présentation on peut ajouter la présence à Rennes d’un laboratoire de R&D de la société japonaise Mitsubishi. Fondé en 1995 dans la mouvance d’une usine de fabrication de radiotéléphones GSM située à Etrelles, à une trentaine de kilomètres de Rennes, ce laboratoire d’une quarantaine de salariés a été placé sous la responsabilité de J-P Coudreuse, après son départ du CNET Lannion. Il a d’abord mené des développements sur les communications GSM 3G et des recherches à plus long terme sur les réseaux numériques à large bande. Il a notamment mis l’accent sur les protocoles de communication numérique et la sécurité des réseaux et, après la fermeture de l’usine d’Etrelles en 2003, a poursuivi ses travaux en élargissant ses activités vers les énergies renouvelables à partir de 2008.

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Transformer Alcatel en entreprise sans usine

En juin 2001, Serge Tchuruk, le PDG d'Alcatel, lance à Londres sa fameuse petite phrase : "Nous souhaitons être, très bientôt, une entreprise sans usine...Alcatel, dit-il, doit passer de 120 à 12 usines en 18 mois".
Le moment où Tchuruk lance son appel est celui où il a confirmation de l’ampleur de l’éclatement de la « bulle Internet », bulle qui a produit des fortes surcapacités de production notamment dans deux secteurs : la fabrication des téléphones mobiles et la transmission optique. Il reconnait l’ampleur de la crise au début 2001 pour la téléphonie mobile et à l’été 2001 pour les activités de transmission optique.
Un journaliste du Monde note : « M. Tchuruk a longtemps tenté de minimiser la crise, avant de reconnaître son ampleur sans précédent».
Le retard de la direction d’Alcatel pour comprendre l’ampleur de la crise peut être chiffré à un an pour la téléphonie mobile et à six mois pour la transmission optique.
A partir de 2001 S. Tchuruk décide ainsi d’accélérer le rythme des fermetures d’usines dans tous les pays où Alcatel est installé. Il va ainsi multiplier les cessions d’activités, une solution qui avait été testée par son prédécesseur en 1993 pour l’usine de Pontarlier. La cession de
l’activité connecteurs (300 salariés) à Framatome Connectors n’avait donné à ces salariés qu’un répit provisoire. S. Tchuruk s’adresse ainsi à des sociétés américaines de sous-traitance électronique, à travers leurs filiales françaises.
C’est le cas pour Alcatel à Laval, qui chute brutalement dans la fabrication de téléphones mobiles et qui est cédée à Flextronics. Alcatel Tourlaville, spécialisée dans la fabrication d’équipements de faisceaux hertziens est cédée à Sanmina, Alcatel Brest, qui fabriquait des équipements de télécoms privés (division Alcatel Business Systems), est cédée à Jabil. Ces trois établissements, cédés durant l’année 2002, y gagnent un répit : très court pour Flextronics (2 ans), assez long pour Sanmina (6 ans) et encore plus long pour Jabil Brest (12 ans).
Pour trois autres usines une reprise est négociée avec la participation des cadres et des partenaires s’associant au projet. L’usine de Saintes, spécialisée dans la fabrication d’armoires pour les équipements de commutation avec un effectif de 750 personnes à son pic d’activité, est reprise par le Groupe Metal Decoupe (GMD) de Saint Etienne avec un effectif de 350 salariés et prend le nom de Saintronic. Elle se maintient avec un effectif de 200/250 personnes jusqu’en 2016, l’année de sa cessation d’activités.
L’usine de Coutances a été rachetée par cinq de ses cadres en 2003 et prend le nom d’Elvia PCB qui a poursuivi ses activités avec près de 200 salariés dans le domaine des circuits imprimés. Suite à des reprises d’activités dans l’Ouest et le Loiret, elle est à la tête aujourd’hui d’un groupe spécialisé dans les circuits imprimés d’environ 500 salariés.
L’usine d’Annecy suit un parcours très différent. Dès son origine elle se situe dans le domaine des appareils de physique et se spécialise dans les pompes à vide, notamment pour les grandes usines de fabrication de semi-conducteurs. Elle devient filiale d’Alcatel sous le nom d’Alcatel Vacuum et poursuit vers 2000 son effort de R&D171 pour améliorer les performances de ses pompes à vide notamment pour l’usine ST Microelectronics à Crolles, pas très loin d’Annecy.
Repris en 2010 par la société Pfeiffer Vacuum, le leader allemand dans ce domaine du vide, l’établissement d’Annecy a remonté aujourd’hui ses effectifs à 600 salariés et est dans une bonne dynamique.
En Bretagne Matra, qui avait repris l’usine de Pont de Buis, fondée pour la fabrication de postes téléphoniques et dont les effectifs avaient atteint 750 salariés, s’était lancé dans la fabrication de téléphones mobiles avec au moins sept lignes de production, comme Alcatel à Laval et Sagem à Fougères, sans compter Mitsubishi près de Rennes. Dès 2002 Matra cède.l’usine de Pont de Buis à la filiale française de la société américaine Solectron. L’équipe de direction accepte de conserver sa place dans l’usine. Mais Solectron se désengage au bout d’à peine deux ans. Trouver un repreneur n’est pas facile. L’entreprise Novatech de Lannion, essaimage de Thomson TCT propose de reprendre 200 salariés avec leurs cadres. Cet effectif est maintenu aujourd’hui.

Au début des années 2000 la chute des effectifs d’Alcatel a été brutale, en particulier pour ses établissements français.
De 2000 à 2004 « en France, l'effectif est tombé de 35 000 à 19 000 salariés». Le chiffre indiqué de 35 000 pour la France inclut les filiales d’Alcatel. La plupart de celles-ci sont cédées : Nexans (câbles, 2 000 salariés en France), Answare (informatique, 900 salariés à Massy), activité des composants (1200 cédé à ST Microelectronics), secteur réseau d’entreprises (2 900 en France, cédé à Platinum), Optronics (Nozay, 800 salariés), filiale des batteries SAFT (1800 à Bordeaux, Poitiers). Hors la cession de ces filiales la chute est moins brutale, de 25 000 à 19 000.
« Grâce à la signature d’un accord de méthode, les syndicats CFDT, CGC, et CFTC sont parvenus à limiter les fermetures de sites et les licenciements ‘secs’.La phrase de S. Tchuruk en 2001 "Nous souhaitons être, très bientôt, une entreprise sans usine... » a été beaucoup discutée en France à l’époque. Elle est encore couramment citée aujourd’hui, notamment dans la Revue de l’Electricité et de l’Electronique (REE).

Alcatel en Europe et Lucent aux Etats-Unis dans la même spirale

Au début des années 2000 la situation d’Alcatel est assez délicate.
Pour les réseaux dorsaux Alcatel avait choisi l’ATM, qui est supplanté par l’IP soutenu par le dynamisme américain des entreprises de la Silicon Valley, avec des perfectionnements majeurs, notamment les versions IPv4 et IPv6.
La reprise de la société Newbridge par Alcatel apparait moins productive que prévu.
Dans le domaine des réseaux mobiles l’engagement d’Alcatel sur l’UMTS reste assez mou et les développements de la radio 3G sont mal maitrisés par l’établissement de Vélizy, qui en est responsable.
Dans les réseaux optiques Alcatel CIT a privilégié les réseaux sous-marins en raison de son positionnement de leader mondial et pour les applications terrestres Alcatel NV a laissé le leadership à Stuttgart au sein du groupe.
Pour les accès ADSL Alcatel est bien positionné, mais au profit de la Bell Anvers et de Stuttgart.

Dans la spirale baissière de réductions des effectifs, associées à des baisses des parts de marché, la société américaine Lucent n’est pas dans une meilleure position. « Lucent Technologies a été créée en 1996 à partir du démantèlement d’AT&T et regroupe les activités systèmes et technologies de ce dernier. La société a été le leader mondial de l’industrie des équipements de réseaux de télécommunications jusqu’en 1999. Au cours de l’année 2000 l’annonce de la baisse de ses parts de marché, simultanément avec la publication de correctifs sur les comptes 1999... a entrainé Lucent Technologies dans une spirale boursière [à la baisse]. Le seul secteur sur lequel le groupe américain est absent est celui des terminaux mobiles, activité qui a été abandonnée au début de l’année 1999 après l’échec du partenariat avec Philips». Pour combler son retard sur les réseaux de données et de l’IP, Lucent a fait l’acquisition de la jeune société Ascend pour 20 milliards de dollars à la fin 1998.

A son apogée ATT Technologies a eu jusqu’à 250 000 salariés, répartis dans une trentaine d’établissements.
Parmi ces établissements, dans le domaine de la commutation, l’usine majeure de Columbus fondée en 1957 avait regroupé 12 000 salariés à son pic d’activités dans les années 1970, dont un millier était rattaché aux Bell Laboratories. Une seconde usine pour la commutation, établie à Oklahoma, avait atteint un peu plus de 6 000 salariés à son pic d’activités. Les deux usines sont cédées en 2001, avec 6 000 salariés au total, au sous-traitant Celestica, tout en conservant certaines activités de laboratoire. En 2006 les activités de fabrication sont définitivement arrêtées dans ces deux usines. A Columbus tous les bâtiments de fabrication sont rasés en 2014.

Dans l’héritage centralisateur de la CIT les établissements parisiens ont gardé un statut privilégié, notamment celui de Vélizy, gros établissement ayant regroupé jusqu’à 4000 salariés avec des activités de direction, d’études, de fabrication de chantiers extérieurs et qui n’hésite pas à faire de la récupération sur ce qui se fait de mieux dans les établissements régionaux.

De leur côté les deux établissements bretons d’Orvault et de Lannion affichent une certaine solidarité (certains anciens parlent même de symbiose) vis-à-vis « de Vélizy, considéré comme « trop gros », ingérable, avec un turn-over qui complique les travaux de R&D et avec des coûts élevés notamment pour les locaux. Les deux établissements de Lannion et Orvault assurent des travaux en commun notamment sur le commutateur E10B OCB283, dont la capacité est de 16 000 MIC. A Orvault ce sont 300 personnes, qui travaillent sur ce commutateur.
Pour mener en commun ces travaux des personnes des deux sites, distants de 270 km, se déplacent chaque semaine pendant des périodes plus ou moins longues. C’est ainsi qu’en 2002 sept navettes par voiture sont organisées en début et fin de semaine, dont les deux tiers à partir de Nantes vers Lannion. Pour assurer son avenir Orvault cherche une identité et envisage de devenir le spécialiste de l’architecture des réseaux NGN (New Generation Network).

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Emergence de l’industrie chinoise

Le comité européen des syndicats Alcatel a pris l’initiative d’organiser un voyage en Chine, qui s’est déroulé en avril 2005. Un rapport de ce voyage a été diffusé par la CFDT Alcatel.

Le Groupe Huawei (24 000 Salariés, dont 11 000 dans la R&D), dirigé par un ancien général de l’ALP (Armée de Libération Populaire), mène une politique agressive de conquête de parts de marché. C’est l’un des premiers concurrents d’Alcatel... Huawei investit dans tous les pays du Monde : pour tirer sa croissance et développer ses exportations, le groupe suscite, répond à des appels d’offre dans tous les pays d’Afrique (Togo, Algérie...), en Amérique latine (Argentine, Vénézuela...), mais aussi en Europe pour France Télécom, 9 Telecom, Deutsch Telekom, British Telecom...Huawei développe des technologies basiques qui répondent à la majeure partie des besoins des opérateurs. Il sera prêt pour les technologies 3G. L’entreprise bénéficie comme d’autres des ressources de chercheurs payés par l’Etat dans des universités.
Le siège social est installé sur un campus impressionnant par sa taille. Huawei a fait de son show room une vitrine qu’il veut spectaculaire...Huawei vise à être l’un des premiers constructeurs mondiaux d’équipements de télécoms. Dans cette stratégie, les dirigeants sont fortement soutenus par le gouvernement chinois.
Avant notre voyage, nous avions le sentiment que nos premiers concurrents étaient Lucent, Nortel aux USA, Ericsson et Siemens en Europe. Huawei, à nos yeux, faisaient partie du deuxième cercle. Depuis ce voyage, nous devons inscrire Huawei dans le cercle des premiers concurrents mondiaux d’Alcatel .

Dans les années qui ont suivi ce voyage, l’entreprise Huawei a commencé par casser les prix des commutateurs, puis est montée en puissance à partir de 2010 et est devenu un concurrent très compétitif aussi bien sur les performances que sur les prix.

De la fusion d’Alcatel et Lucent à Nokia (2006-2015)

Relance des activités GSM 3G dès 2006 et débuts des travaux sur la 4G


L’intégration de l’équipe Lucent de Lannion est en quelque sorte providentielle pour Alcatel Lannion.
- D’une part les membres de cette équipe ont passé dix années chez Lucent et connaissent bien la façon de travailler des ingénieurs américains de Lucent.
- D’autre part ils ont acquis une expérience du meilleur niveau dans un domaine important, celui de la radio des infrastructures GSM,
Au moment de la fusion d’Alcatel et de Lucent il apparait bien qu’en « ratant le virage de la 3G Alcatel-Lucent a perdu la confiance de ses principaux clients.
La nouvelle Direction d’Alcatel-Lucent prend des décisions énergiques.
L’établissement d’Alcatel à Vélizy, défaillant, est écarté des études radio. L’activité radio 3G de la société canadienne Nortel est acquise pour apporter un complément de compétences. Enfin les études radio 3G sont affectées à l’établissement de Lannion. «Stratégiquement il est décidé de conserver le produit provenant de Nortel et de le faire évoluer en bénéficiant des avancées du Modem du produit de Lucent.
Ce choix constitue le point de départ de l’accroissement des équipes travaillant sur la partie radio à Lannion... En plus des 35 personnes ex-Lucent qui développent le principal composant matériel de la carte Modem, une partie des développeurs ex-Alcatel participe au développement logiciel. En 2007 environ 80 ingénieurs travaillent sur cette nouvelle carte Modem. .
Vers 2007 le centre de Lannion « commence à travailler sur un démonstrateur dans la nouvelle norme du réseau mobile LTE (GSM 4G), toujours sur la partie modem, mais avec d’autres équipes localisées à Villarceaux et Murray Hill aux Etats-Unis.
Les développements s’intensifient de 2008 à 2010 pour aboutir à un produit qui est commercialisé chez l’opérateur Verizon aux Etats-Unis.
Verizon ouvre le premier réseau commercial LTE avec des équipements Alcatel-Lucent (l’un de ses deux fournisseurs), le 5 décembre 2010.
Ces développements sur le LTE se traduisent par une nouvelle croissance des effectifs travaillant sur le wireless (3G UMTS et 4G LTE). Cela représente environ 130 personnes. »
La technologie LTE, aux normes américaines, n'est pas une technologie 4G au sens strict. C'est la version suivante, LTE-Advanced, qui sera la plus proche de la technologie 4G européenne.

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Une cinquième génération voit le jour intégrant :
- Sur le plan technologique, une communication interne basée sur Ethernet et le noyau Linux avec pour objectif, d’une part, de gérer les obsolescences de composants tout en accroissant les performances et, d’autre part, d’ouvrir le produit à des sous-ensembles (logiciels ou matériels) du commerce.
- Sur le plan fonctionnel, une fonction MGC (Media Gateway Controller) avec pour objectif de permettre une migration en douceur du parc des opérateurs de téléphonie vers le monde IP et les interfaces associées (architecture IMS).
Le produit résultant, dénommé commercialement 5060 MGC 10, peut remplacer jusqu'à une dizaine de commutateurs de troisième génération et sera vendu à une quinzaine d’opérateurs.

Dernière évolution en date, en juin 2014, le site de Lannion inaugure le « centre d’Excellence SDM ». Ce centre s’appuie sur un environnement dédié et sécurisé permettant d’atteindre des capacités équivalentes voire supérieures à celles des solutions SDM déployées chez nos clients majeurs.


Large bande, routage IP Réseaux NGN

« En 2006, le produit E10 est en service dans 113 pays, 3210 commutateurs sont installés chez 215 opérateurs de télécommunications, raccordant 90 millions de lignes fixes, 22 millions de circuits et 106 millions d’abonnés mobiles.

Les demandes d’évolution deviennent alors limitées. Les responsables des lignes de produits décident les ultimes évolutions et en informent les clients».
De 1966 à 2006 l’effort de R&D a été mené de façon continue pendant quarante ans.
Une nouvelle époque apparait avec la convergence des réseaux de transport, basée sur le protocole IP, aboutissant à la mise en place d’un « backbone (une dorsale) unique capable de transporter à la fois des informations de type voix et de type données et d’offrir de même façon des services voix-données fixe ou mobile».

L’architecture NGN, avec séparation des plans de commutation et de traitement d’appel, est mise en œuvre.
Le site concepteur de la NGN Alcatel n’est pas l’établissement de Lannion, mais celui-ci participe au développement du contrôle d’appel.
En 2005 Alcatel acquiert l’entreprise américaine Spatial Wireless (225 salariés). Cette acquisition avait pour but de permettre « de prendre une longueur d’avance par rapport aux technologies traditionnelles de commutation mobile en fournissant une technologie de réseaux de nouvelle génération (NGN) déjà commercialement disponible et conçue pour être prête pour les évolutions de réseau de type IMS (IP Multimedia Subsystems) ». Ph. Saint-Aubin est détaché dans l’entreprise Spatial Wireless pendant deux ans pour assurer les liaisons entre cette entreprise et Alcatel en France.

Convergence des voix et données

La convergence des voix et données conduit à une nouvelle architecture de réseau, appelée IMS (IP Multimédia Subsystem). « Dans l’architecture IMS les fonctions sont réparties et localisées dans le réseau au mieux des besoins :
-La voix subit un traitement particulier dans des nœuds dénommés passerelles (ou Média Gateway).
-Les nouveaux services multimédias et les besoins en trafic ont conduit à distinguer un plan de contrôle (établissement des appels, traitement des services...) et un plan usager (échange d’information) et ont nécessité de créer un type de nœud dédié au plan de contrôle,
appelé serveur d’appel.
-Le besoin d’interfonctionnement de ce réseau « convergé » avec le réseau téléphonique classique nécessite une fonction MGCF (Media Gateway Control Function).
Elle a pour objectif d’assurer l’interconnexion avec les réseaux et systèmes existants,...systèmes datant parfois de plusieurs dizaines d’années».

L’architecture réseau IMS (IP Multimedia Subsystem) a pris corps; cette fois la chaine de traitement d’appels de l’OCB n’était plus adaptée au réseau téléphonique. L’objectif de l’architecture IMS était d’intégrer les appels mobiles et fixes et là l’architecture mobile apportait par exemple une base données centralisée HLR, plus universelle que le Traducteur E10, fonction qui est devenu le HSS dans l’architecture IMS.
Chaque bloc fonctionnel (en raccourci chaque ML) du commutateur se trouvait ainsi localisé à un endroit quelconque du réseau et mis en commun pour les besoins du fixe et du mobile.
C’est ainsi que plusieurs produits, notamment le 5060 MGC10 et le manager de données des abonnés 8650 SDM ont été développés à Lannion dans ce nouveau cadre d’un réseau unique voix et données.
Le commutateur E10 conservait une petite place, celle de faire l’interface avec les commutateurs RTC existants et est devenu ainsi un des blocs fonctionnels de l’architecture IMS.
Les grands opérateurs, comme Orange ont programmé la fermeture de toutes leurs lignes RTC au début des années 2020. Ce sera la fin définitive d’une belle aventure, celle des commutateurs E10.

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Nokia reprend les deux sites de Villarceaux et de Lannion en janvier 2016.
Au fil des années le site de Lannion a fait la connaissance de plusieurs groupes internationaux. Ce sont en effet deux groupes américains (AT&T et Cisco) et quatre groupes européens (Ericsson, Philips, Pirelli et Siemens) qui ont été implantés sur le site pendant des durées plus ou moins longues. Pour Ericsson c’était récent vers 2010, quand cette société avait fait l’acquisition de l’établissement de Lannion de la société Devoteam, lui-même étant une reprise en 2004 de l’établissement de Lannion de Siemens, fondé en 1999.
Nokia était moins connu en Bretagne. La prise d’une licence par Nokia, concernant le commutateur E10A en 1977, n’a pas eu de suite. Dans les années 1990 Nokia se fait connaitre, lors de l’apparition de la norme GSM, en participant à un consortium à trois, Nokia, AEG et Alcatel, qui n’a pas duré longtemps.
Dans le jeu international des années 2000, alors qu’en 2005 Alcatel s’est tourné vers Lucent, Nokia s’est associé en 2007 avec Siemens en créant une filiale commune Nokia Siemens Network, reprise par Nokia seul en 2013 après une profonde restructuration. Dans le même temps, après avoir été le leader mondial des téléphones mobiles pendant plus de cinq ans,
Nokia rate le passage aux smart-phones et vend sa division de téléphones mobiles.
Alors Nokia passe à l’étape suivante et engage la négociation pour le rachat d’Alcatel-Lucent.

En 2015
, le finlandais Nokia rachète Alcatel Lucent. Le ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron se réjouit du mariage : "les centres de recherche et développement seront maintenus et développés avec des perspectives d’embauche et d’investissements. C’est une bonne opération, une opération d’avenir."
La fusion est annoncée en avril 2015. Elle est effective le 1er janvier 2016.

Pendant que Nokia et Siemens nettoient leurs portefeuilles, Alcatel-Lucent peine à orchestrer sa fusion. A sa tête, le binôme Serge Tchuruk-Pat Russo ne fonctionne pas, et les cultures ont du mal à se mélanger. C’est le moment que choisit le chinois Huawei pour porter l’estocade, en imposant ses équipements 2G, 3G et bientôt 4G, à la fois bon marché et performants. En 2008, Alcatel-Lucent vaut moins qu’Alcatel seul avant la fusion. Depuis, le groupe a accumulé les pertes et enchaîné les plans de restructuration. Michel Combes qui a succédé à Ben Verwaayen il y a deux ans, a continué de réduire les coûts mais aussi à recentrer l’entreprise sur quelques métiers porteurs pour réinscrire le groupe dans une dynamique de croissance. Il a visiblement compris que sans allié, Alcatel-Lucent resterait trop faible.

La fusion se fait sur les bases de ce qui avait été décidé en octobre 2013 par la Direction d’Alcatel : fermeture de plusieurs sites (Rennes et Toulouse) et projets de cession d’Orvault, Eu et Ormes. Aujourd’hui Nokia France rassemble près de 4 000 salariés.

Ainsi de la cinquantaine d’établissements Alcatel en France vers 1983 il n’en reste plus que trois, repris par deux groupes européens : Villarceaux et Lannion repris par le groupe finlandais Nokia, Annecy repris par le groupe allemand Pfeiffer Vacuum. Il reste aussi trois essaimages réussis dans la sous-traitance électronique (aujourd’hui environ 1400 salariés au total) : Cofidur (Laval, Cherbourg...), Novatech Technologies (Lannion, Pont de Buis), Elvia PCB (Coutances).

Des décisions qui passent difficilement

Dans les moments de crise la solidarité syndicale ne s’exprime pas toujours facilement. Dans son livre publié en 2002 Pierre Suard se souvient « d’une confrontation [le 14 avril 1985] avec les organisations syndicales, les responsables politiques, le cabinet du ministre et la direction générale des Télécommunications, au sujet des projets sociaux [de la Direction de la CIT] en Bretagne...CIT ne devait pas licencier, mais aucune solution [n’était proposée]...Personne n’avait envie de changer quoi que ce soit au plan industriel de CIT, mais certains participants « de la base » venus de Bretagne espéraient, peut-être sincèrement, un résultat concret. Ils ont dû être meurtris de se voir si mal soutenus par « les leurs » à Paris.
Les participants de la base, venus de Lannion, sont effectivement meurtris. « Cette négociation finale au Ministère de l’Industrie déçoit et laisse beaucoup de rancœurs aux syndicalistes : « roulés dans la farine » dit la CGT, « aucune avancée » renchérit la CFDT... ».

En 2014 le dernier plan de restructuration d’Alcatel-Lucent avant son rachat par Nokia pose de nouveau la question de la solidarité syndicale. Alcatel-Lucent « n’avait cessé alors de perdre du terrain, accumulant des pertes, ratant les tournants technologiques. Les plans de restructurations successifs n’y ont rien fait. « Orvault se fait déplumer », avaient protesté les salariés, déjà, en 2012. Orvault est mort. Toulouse, Rennes, aussi. « Ce n’est pas pour rien qu’on a quitté les villes les plus attractives et gardé Lannion. » Cette syndicaliste de la première heure a une lecture plutôt cynique du plan : « Ainsi, le groupe était sûr de se séparer d’un maximum de salariés »... Le maire d’Orvault ne décolère pas. « L’État et la
Région n’ont pas été à la hauteur », tacle Joseph Parpaillon, l’élu divers droite. Il s’emporte contre Emmanuel Macron, qui a annoncé cet été la création d’une plateforme dédiée au numérique à Lannion. Le vent a tourné, les Bretons [de Lannion] ont gagné. »
Une première réponse à ces critiques concerne les relations entre établissements et l’action syndicale.
Lors de l’histoire commune des deux sites de Lannion et d’Orvault on peut citer des transferts qui ont été favorables à la Loire-Atlantique : les transferts d’études sur E10 de Lannion à Orvault au début des années 1980 dans un climat de bonne coopération entre les deux sites, le transfert de RFS Lannion (une centaine d’emplois) de Lannion à Trignac en Loire-Atlantique vers 2002. Il est à noter de plus que les représentants syndicaux des salariés d’Alcatel, dans les phases d’internationalisation d’Alcatel NV et d’Alcatel-Lucent ont su se coordonner pour assurer une représentation exemplaire au niveau du Comité d’Entreprise Européen. Alcatel Lannion y a été particulièrement actif, car plusieurs de ses représentants (P.Saint-Aubin, H. Lassalle) y ont siégé pendant plusieurs années. P. Saint Aubin en a été de ce CCE européen notamment dans la période où la direction d’Alcatel NV fermait des usines en Espagne et en Italie. P. Saint-Aubin indique : « J’ai été secrétaire du CE européen de 2009 à 2012. Hervé a succédé à un Orvaltais JB Triquet comme délégué central d’Alcatel Lucent et C. Le Bouhart de Lannion a été secrétaire du CCE d’Alcatel Lucent de 2008 à 2014. Les tensions entre sites sont restées gérables et elles concernaient plutôt effectivement la rivalité Paris / Province.

Le site d’Alcatel dans le Trégor a compté plus de 4 000 personnes, demain, ils seront moins de 400.
En Septembre 2020 Le président de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard a poussé un coup de gueule sur BFM TV sur la situation de Nokia à Lannion, où la suppression de 402 emplois a été annoncée fin juin (la moitié des effectifs). Il veut mettre dans la balance l’annulation de la vente d’Alcatel à Nokia, ainsi que la restitution des brevets, des technologies et des contrats.
- Mettons dans la balance l’annulation de la vente d’Alcatel à Nokia. On nous avait promis des emplois et de l’excellence à Lannion.
- Nous bretons nous nous sentons trompés.
- Vous voulez partir ? Rendez nous les brevets, les technologies, les contrats !
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Dynamique territoriale


Pour répondre aux critiques sur le manque d’attractivité de la technopole de Lannion, il n’est pas mauvais de préciser différents aspects de la dynamique territoriale du pôle de Lannion.
Depuis les années 1960 les deux piliers de ce pôle sont France Télécom, aujourd’hui Orange, et Alcatel, aujourd’hui Nokia.
Le site Orange de Lannion, Orange Labs pour la recherche a maintenant une longue histoire. Les équipes ont pu se renouveler, notamment avec l’arrivée de jeunes générations de jeunes chercheurs dans les années 1990 pour remplacer les anciens, mais aussi en se réorganisant régulièrement et en suscitant une mobilité interne et aussi externe à l’établissement. « Tout au long de son existence, le centre de Lannion a pu ainsi se renouveler... Avec le recul on peut dire que des opérations de mobilité [des personnes] préparées localement et finalement choisies comme en 1979 et en 1997 ont eu un effet positif sur le long terme et sont en tous points préférables à la mobilité forcée, que la direction d’Orange a voulu imposer en 200 .
En venant à Lannion en 2013 Stéphane Richard, le Président d’Orange a souligné que le site de Lannion était devenu le « plus grand laboratoire d’innovation du Groupe Orange. » Et il a insisté sur l’innovation en exprimant le souhait « qu’on soit capable, à la manière dont les géants (Google ou Apple) le font, d’ouvrir des passerelles avec l’extérieur [et il a ajouté] « Je voudrais faire [de Lannion] un pôle numérique très ouvert sur l’extérieur. Je l’imagine comme un site où des mètres carrés seront réservés à des étudiants, des développeurs, des PME partenaires, des start-up...Je suis un militant de l’Open innovation ».

Entre Nokia et Orange les relations sont d’abord des relations de fournisseur à acheteur, ce qui n’empêche pas que des passerelles locales entre les deux puissent être localement établies, notamment dans le cadre de projets européens et aussi régionaux, à travers des dispositifs comme le Pôle Images et réseaux ou l’IRT B-com.
Plus largement le pôle de Lannion, qui s’est établi comme Technopôle sous le nom de Lannion Anticipa, en compagnie de six autres pôles bretons, est largement partie prenante de toutes les actions menées en faveur de l’innovation technologique dans le domaine télécom et Numérique, qui impliquent les établissements de l’ESR (Enseignement Supérieur et Recherche) de Bretagne. Le déploiement de cet l’ESR numérique en Bretagne a été présentée dans un chapitre intitulé « De la vocation électronique de la Bretagne à l’ESR numérique » du livre « Les mutations de l’enseignement et de la recherche en Bretagne (1945-2015) . La conclusion de ce chapitre indique : « Ce secteur [du numérique] avait besoin d’un ESR fort dans ses deux fonctions de formation professionnelle et de recherche. Les universités se sont mobilisées et une douzaine d’écoles d’ingénieurs ont été fondées en Bretagne. Malgré une tradition industrielle plus faible et des moyens plus réduits que ceux des grands pôles Technologiques, Ile de France, Grenoble ou Toulouse, la Bretagne a réussi à faire face. Elle peut continuer dans cette voie si l’esprit de coopération entre acteurs régionaux se maintient et si le réseau, constitué des trois métropoles de Rennes, Nantes et Brest, associées à des pôles moyens, notamment Lannion, Lorient et Vannes, se renforce.»
Présence dans la Technopole Lannion Anticipa d’une quarantaine de PME, créées durant les trente dernières années.

Fin de l’âge d’or de l’export et renforcement de la R&D à Nokia Lannion

L’arrivée de Nokia en 2016 a provoqué une redistribution des activités de l’établissement de Lannion, aboutissant à la suppression des activités de soutien à l’export d’une part au renforcement de la R&D d’autre part.
L’aventure de l’export est résumée par Ph Saint-Aubin en quelques phrases. « On est à la fin de l’âge d’or de l’export chez Alcatel Lannion. Les équipes se rendaient sur les cinq continents, supervisaient les réseaux et accueillaient massivement visiteurs et stagiaires étrangers. Plusieurs centaines d’emplois. Les sites parisiens mieux placés géographiquement vont prendre peu à peu le relais avant de perdre du terrain eux aussi après les fusions Lucent, puis surtout Nokia qui ont fortement réduit le rôle de la France198 ». Cet âge d’or est celui des
années 1980, prolongé durant les années 1990.
Rappelons que l’Institut de formation d’Alcatel (IFA) de Lannion a connu une période de démarrage d’une dizaine d’années pendant laquelle il a accueilli des stagiaires Polonais, Maltais, Mexicains, Finlandais, Ivoiriens, Sud-Africains... pour des formations sur l’E10A et l’E10B . Les pionniers ont été notamment Michel Menez, Henry Corbé, François Jollé et Jean-Paul Lovat,
On peut dire que cet Institut de formation est entré dans son âge d’or vers 1985, sous la direction de Michel Perroche, puis de Alain Hubermann, et y est resté pendant une quinzaine d’années. En 1989 à la suite du transfert des activités du centre parisien de Saint Ouen à Lannion, l’année même de la fondation d’Alcatel University, il augmente fortement ses activités et voit passer 71 nationalités de 1990 à 2000. La formation pratique se fait dans les locaux de l’institut, puis sur les sites d’installations. Comme l’indique plus tard des anciens de l’IFA de Lannion : « Nous ne sommes pas des exploitants, notre expérience d’opérateur se limite à celle du personnel du service chantier. En faisant participer le personnel du client
aux essais de mise en service, nous réussissons néanmoins à le décomplexer devant desmatériels tout nouveaux».
A la fin des années 1990 il assure des transferts de compétence dans le domaine de la formation entre autres dans le cadre de trois opérations de transferts. La première au VietNam est la création d’un centre de formation E10 au sein de l’Université des Télécoms d’Hanoï. La seconde en Malaisie permet la création d’une filière de formation E10 à l’école supérieure des Télécoms de Kulua Lumpur. La troisième au Sénégal, est une coopération avec l’Institut National des Télécoms pour la mise en place d’un système complet de formation pour les futurs ingénieurs télécoms.
Les activités de R&D sur le site de Nokia Lannion ont été en croissance durant ces trois dernières années et atteignent maintenant 50 % des effectifs. Elles sont regroupées sous la bannière de « Nokia Bell Labs », un intitulé prestigieux, qui a pleinement son sens pour les deux sites français de Villarceaux et Lannion. Le premier défi à affronter est celui d’être attractif pour faire venir à Lannion des chercheurs expérimentés et des jeunes chercheurs qualifiés et motivés
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Retour sur le choix de l’optronique comme nouveau vecteur industrialisant

Alors que le CNET avait, depuis le milieu des années 1960, profondément façonné le tissu industriel régional en privilégiant la coopération avec les grands groupes industriels dans le domaine de la téléphonie, les années 1980 furent celles d’une inversion de cette politique. Partant d’une technologie d’avenir dans laquelle le laboratoire de Lannion était en pointe, les fibres optiques, le CNET joua la carte des PME et de l’essaimage.

Ainsi, un nouveau pôle innovant, centré sur l’optronique (ou opto-électronique), devait prendre le relais des réseaux numériques.
Le CNET voyait toutefois son rôle profondément modifié puisqu’il devait financer des études (aux PME Kerelec et Grenat par exemple) et assurer une expertise auprès des industriels afin de faciliter les transferts technologiques. En 1984, le Trégor avait déjà été retenu comme région d’expérimentation pour un réseau de vidéocommunication. La même année, un vidéodisque optique, mis au point par le CNET, présentait les attraits touristiques de la région. Grâce à « l’autoroute électronique de l’Ouest », qui était une liaison par faisceaux hertziens numériques à haut débit, un réseau visiophonique interne du CNET put être mis en place entre Lannion et Issy-les-Moulineaux.

Le symbole politique de cette nouvelle orientation fut assurément la visite, le 7 octobre 1985, du Président de la République François Mitterrand qui annonça la création d’une école d’ingénieurs ainsi que l’octroi d’une aide de 10 millions de francs pour le Trégor.
Des primes à l’aménagement du territoire pouvaient également être accordées au cas par cas. L’école d’ingénieurs, l’ENSSAT (École nationale supérieure de sciences appliquées et de technologie), fut créée en 1986. Cette école hébergeait le Centre régional d’innovation et de transfert technologique, association créée en novembre 1985 et financée dans le cadre du contrat de plan État-région pour la mise au point de spécifications techniques. En formant des ingénieurs en optronique, directement au contact du CNET et des entreprises privées dès leurs années de formation, l’objectif poursuivi était la constitution d’une génération d’ingénieurs spécialisés au service de l’industrie locale. L’investissement dans la « matière grise » avait pour finalité la création d’emplois industriels régionaux.

Parallèlement, plusieurs dispositifs d’aide à la création d’entreprise furent institués. Le projet CELTT, lancé en avril 1985, visait à favoriser la création d’entreprises à fort contenu technologique à partir des centres d’enseignement et de recherches. L’ADIT (Agence de développement industriel du Trégor) devait être une pépinière d’entreprises mais apporta surtout son soutien aux essaimages des ingénieurs du CNET et d’Alcatel. Les entreprises Novatech, à Ploumilliau, et PECI, à Perros-Guirec, furent ainsi créées par essaimage de cadres de CIT-Alcatel. La création d’une « nursery » par la chambre de commerce consistait dans la mise à disposition de locaux au faible loyer pour les nouvelles PME. De fréquentes réunions quadripartites, regroupant autour d’une même table les industriels, les syndicats, l’État et le CNET, permirent une réelle concertation entre les acteurs. Symbole de cette mise en place sur l’agenda politique, tant régional que national, un groupe de travail interministériel « Trégor », en charge de l’ensemble des questions de reconversion, fut constitué et présidé par Pierre-Yves Schwartz, ingénieur en chef des télécommunications.
soutient, depuis sa création en 1984 et dans l’espace plus vaste des régions Bretagne et Pays de la Loire, le millier d’entreprises du secteur des télécommunications, notamment par des formations.

La réponse à la crise sociale et à ses enjeux politiques évidents prit donc la forme d’un partenariat entre les pouvoirs publics locaux, les industriels privés et le CNET pour transformer, selon les vues technologiques de l’organisme public de recherche, le pôle innovant de Lannion en un tissu régional innovant de PME dans l’optronique.
Cette politique reposait sur une double sous-traitance : de la recherche par le CNET qui eût toutefois quelques difficultés à entrer dans son nouveau rôle d’expertise, et de la fabrication par CIT-Alcatel. Renouveler le pôle innovant en densifiant le tissu économique local, préserver l’emploi et susciter des créations dans des secteurs d’avenir, tels étaient les objectifs de cette vaste mobilisation en faveur des PME.

Les limites des choix imposés

En privilégiant l’optronique, le CNET plaçait un ensemble de petites entreprises dans son cheminement technologique. La « path dependency », souvent évoquée par les historiens des techniques à la suite de Paul David, se doublait dans le cas présent d’une dépendance institutionnelle. Les PME, suscitées dans le contexte de la crise du milieu des années 1980, n’avaient aucune véritable autonomie commerciale. Au terme des premiers contrats, la situation devint difficile, voire critique, pour un certain nombre d’entre elles. Non seulement les sous-traitants durent supporter davantage de contraintes et assurer la flexibilité de leur production, mais le rapport Alcatel-PME en faisait parfois davantage des unités externalisées de production que de véritables sous-traitants avec un pouvoir de négociation.

La première moitié des années 1990 fut ainsi marquée par une situation de crise latente. Après être devenu le leader mondial des équipements de télécommunications en 1992, le groupe Alcatel-Alsthom connut plusieurs années de sévère concurrence au niveau mondial de la part d’Ericsson, Motorola et Lucent Technologies . La suppression de plus de 1 000 emplois dans l’usine CIT-Alcatel en 1996 provoqua une mobilisation sans précédent de la population : en novembre, une manifestation de 20 000 personnes défila dans les rues de Lannion.

Les start-up de l’optique et la crise de 2001
Entre 1996 et 2001, la région de Lannion, portée par les PME et par la technologie des composants optiques, vécut pourtant une nouvelle période faste. Ces PME n’avaient pas été créées comme de simples entreprises sous-traitantes mais disposaient d’une autonomie des marchés et d’une agressivité commerciale qui leur permettait tout à la fois de valoriser les compétences locales, en technologies et en main-d’œuvre, et de rechercher des marchés. À partir de ce moment-là, les entreprises de Lannion vécurent au rythme du marché mondial et non plus des seules commandes publiques nationales. Un réseau de firmes succéda, tant pour la recherche que pour la production, à la polarisation CNET-Alcatel.
En 1996, le parc industriel Pégase comptait 54 PME employant 900 salariés. Deux ans plus tard, 72 entreprises et 1 200 salariés y étaient recensés. L’ANPE locale avait pour souci, au cours de ces années, de répondre aux demandes d’embauche des opérateurs en optique (Lucent Technologies, ex-TRT Philips, Alcatel Optronics), avec principalement des techniciens, mais aussi des ingénieurs. En ce qui concerne les start-up, l’exemple de Highwave Opticals Technologies est révélateur : entreprise créée en avril 1998 par la reprise d’une usine Cisco et spécialisée dans les composants optiques, qui employa près de 1 000 personnes en contrat à durée indéterminée dans ses sites de Lannion, Trégastel et Cesson-Sévigné. Une petite société, Corvis-Algety, essaimée du CNET et intégrée dans le groupe américain Corvis, employait plus de 300 ingénieurs et techniciens. Optocom Innovation, créée en 1997 et rapidement renommée Keopsys, concevait des composants optiques grâce à une centaine d’employés.

Dans cette phase d’expansion, les entreprises, grandes ou petites, trouvèrent d’excellentes conditions d’implantation : ingénieurs formés localement, main-d’œuvre qualifiée, réseau de communication performant, émulation…
Les PME employaient plus de 2000 personnes à la fin de la décennie 1990 et 20 % des ingénieurs de l’ENSSAT trouvaient un emploi dans les entreprises du Trégor. La présence des firmes de renommée mondiale telles que Siemens, Philips et Lucent Technologies confirmait la capacité du Trégor à sédimenter les activités pour produire un terreau favorable à l’innovation. Mais, la nouvelle grande crise de 2001 a fait resurgir les craintes des licenciements massifs des années 1980. La perte de 2000 emplois à Lannion, en deux ans, confirmait largement cette crainte. Toutes ces sociétés ont été atteintes de plein fouet en 2001 car le segment optique a été le plus touché . Highwave Opticals Technologies, avec ses 900 salariés, annonça en juillet 2001, un plan social de 540 suppressions d’emploi. Corvis-Algety, fabricant de fibres optiques, supprima 137 des 169 emplois de son usine de Lannion. Keopsys, concepteur et fabricant de composants optiques, supprima 60 des 90 postes entre septembre 2001 et avril 2002 .
Lucent Technologies réduisit ses effectifs à Lannion de 200 à 60 techniciens et ingénieurs. De nouvelles manifestations, regroupant 5 000 personnes le 13 octobre 2001 et 6 000 le 23 novembre 2002, témoignaient de l’inquiétude de la population. Si certains postes furent un temps conservés, ils le furent dans le double objectif de maintenir une activité plus conforme au marché (après l’éclatement de la « bulle ») et de conserver certains ingénieurs dans l’hypothèse d’une reprise prochaine des activités.

Espace structuré par les technologies que les chercheurs locaux mettaient au point, la région de Lannion fut assurément façonnée à l’image des télécommunications. Non seulement le rythme social du Trégor suivit celui des innovations technologiques, avec ses ruptures, ses crises et ses reprises, mais les solutions proposées pour surmonter les temps difficiles le furent par des organismes et entreprises du secteur des télécommunications. Les pouvoirs politiques locaux (commune, département, région) donnèrent les impulsions nécessaires, coordonnèrent les actions, gérèrent les crédits à partir des années 1980. Même si, dans un premier temps, la création des PME se limita à une simple sous-traitance, les efforts volontaristes de renouvellement ne furent pas vains. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que cet espace régional, en raison de la fin de la toute-puissance du CNET, s’inséra pleinement dans la géographie mondiale de la recherche industrielle.

Trois échelles d’action se sont succédé dans la construction de cet espace industriel : le cadre national pour le projet initial de décentralisation et la politique volontariste d’innovation dans le domaine de la téléphonie, le cadre régional pour le traitement social de la crise et la mise en œuvre d’initiatives en faveur des PME, le cadre international pour l’insertion dans l’espace mondial de la recherche. Plus qu’une succession, c’est une accumulation de générations d’entreprises et de technologies qui densifia l’espace industriel en multipliant les intervenants, les interlocuteurs, les financements. Bénéficiant toujours d’une forte attractivité touristique, le Trégor reste, en ce qui concerne les activités industrielles, singulièrement marqué par la mono-industrie des télécommunications. En quarante ans, celle-ci n’a pas disparu mais elle s’est considérablement complexifiée et a pu, se faisant, se pérenniser.

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Retour sur la Fusion d'Alcatel et Lucent, du Rachat par Nokia

Lors du rachat, la répartition actionnariale était de 60 % pour Alcatel, et de 40 % pour Lucent.
Le rachat est autorisé après de longs examens par les autorités, notamment américaines, qui donneront leurs accords (Le Comité américain des investissements étrangers (Committee on Foreign Investment in the United States, CFIUS), qui évalue l'implication des fusions et des acquisitions sur la sécurité nationale des États-Unis, a examiné le dossier pendant 75 jours). Concrètement, les deux fabricants ont décidé que les contrats de Lucent avec les agences gouvernementales américaines, et les Bell Labs seront détenus par une filiale américaine séparée, LGS Innovations LLC, et indépendante, gérée par un conseil d'administration composé des trois Américains agréés par le gouvernement.
La direction du groupe est alors confiée à un tandem franco-américain composé de Serge Tchuruk et Patricia Russo.

En 2006, Alcatel-Lucent acquiert des activités 3G/UMTS de Nortel.
En 2007, le groupe est secoué par un conflit social majeur à la suite de l'annonce d'importantes suppressions d'emplois.
La société perd 12 500 emplois sur 79 000.
Des milliers de salariés d'Alcatel-Lucent dont des représentants des différentes entités européennes sont venus manifester à Paris le 15 mars 2007 de la place de la Bourse à la rue de La Boétie, où se situait le siège de l'entreprise, contre les 12 500 suppressions d'emplois annoncées.
En 2007, Alcatel-Lucent acquiert Tropic Networks, NetDevices, Tamblin et Thompson Advisory Group. En 2008, il acquiert Motive.
En 2008, Alcatel-Lucent annonce une alliance, vite abandonnée, avec NEC pour concurrencer Ericsson, Huawei ou ZTE en investissant dans le développement d'équipements de téléphonie mobile en technologie LTE.
Devant les mauvais résultats du groupe et une fusion qualifiée d'échec, Serge Tchuruk et Patricia Russo, en plein conflit managérial, qui leur a fait prendre avec trop de retard le virage de la 3G vers la 4G, annoncent leur départ de la tête du groupe, le 29 juillet 2008.
Alcatel-Lucent est encore bien placé dans les réseaux fixes (numéro 1 dans l'ADSL et les réseaux optiques) mais est affaibli dans les domaines en forte croissance des réseaux mobiles (nouvelles générations 3G et 4G) et les services

Changement de direction suite à mauvais résultats 2008.
En 2008 également, la présidence non-exécutive est confiée à Philippe Camus (qui est déjà installé aux États-Unis) et la direction du groupe est confiée à Ben Verwaayen, ancien directeur général de British Telecom (en 1997, il était vice-président international, directeur général adjoint et vice-président du comité de direction au sein du groupe Lucent Technologies) .
En 2009, Alcatel-Lucent cède sa participation dans Thales à Dassault Aviation.
En octobre 2009, la société se sépare de 1 000 salariés sur les 10 500 situés en France.
En 2010, avec 15,99 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Alcatel-Lucent est encore le troisième fournisseur mondial en réseaux de télécommunications, derrière Ericsson, Huawei et devant Nokia Siemens Networks.
Les groupes occidentaux ont vu leurs parts de marché en Asie s'effriter et ont assisté à la montée en puissance du groupe chinois Huawei sur les marchés émergents et occidentaux.
En 2011, Alcatel-Lucent cède son activité de centre d’appels téléphoniques à la société Genesys.
En octobre 2012, elle annonce la suppression de 1 430 emplois en France. Selon le quotidien Le Monde, la société aurait perdu 800 millions d'euros par an entre 2003 et 2013, ce qui contraint Alcatel-Lucent à gager ses 29 000 brevets pour obtenir 2 milliards d'euros de prêts auprès des banques Goldman Sachs et Crédit suisse. Une décision qui fait craindre au gouvernement français qu'Alcatel-Lucent ne perde la propriété de ses brevets estimés à 5 milliards d'euros.

Nouvelle direction et restructuration (avril 2013 à août 2015)

Au mois de février 2013, Alcatel-Lucent annonce le changement de directeur général et la nomination de Michel Combes29. Celui-ci prend ses fonctions le 1er avril 2013.
Michel Combes veut repositionner Alcatel-Lucent en un des leaders mondiaux des télécoms et des réseaux, notamment via ses activités dans le « cloud computing », l’IP et le très haut débit (THD) mobile et fixe.
Il décide en juin 2013 de restructurer le groupe par la mise en œuvre du « plan Shift », pour faire face à une baisse du chiffre d'affaires depuis 2008 et à un endettement important à des taux d'intérêt élevés, dont les échéances de remboursement en capital se rapprochent.
Selon Michel Combes : « Le patriotisme économique n’est pas un gros mot », « J’ai hérité d’une entreprise qui était dans une situation de quasi-faillite. Ma priorité initiale, c’était de rétablir Alcatel-Lucent, de le remettre dans le jeu ».
En 2013, Alcatel-Lucent signe un accord avec Qualcomm dans le secteur des small cells.
La même année, Alcatel-Lucent signe un contrat avec Telefónica pour l’Espagne et avec China Mobile pour la 4G en Chine.
Le 23 décembre 2013, Alcatel-Lucent réintègre le CAC 40, un an après l'avoir quitté au profit de Gemalto, et y remplace ST Microelectronics.
Au mois de février 2014, lors du Mobile World Congres, Alcatel et Intel nouent un partenariat dans le cloud, l’un des axes majeurs du plan Shift. Cet accord vise notamment à développer une offre pour servir le marché de l’Internet des objets.
Le 31 mars 2014, Alcatel conclut la vente de la filiale LGS Innovations LLC à une société américaine détenue par le groupe Madison Dearborn Partners, pour un prix au comptant de 81 millions d’euros.
En mai 2014, Alcatel cède son entité spécialisée dans la cybersécurité au groupe Thales, chef de file des industries liées à la défense. Cette acquisition s’accompagne d’un partenariat entre les deux groupes.
Au début de l’été Alcatel-Lucent annonce l’ouverture prochaine d’un nouveau centre de recherche (Bell Labs) à Tel Aviv, en Israël, centré sur la recherche sur le cloud et les nouveaux défis de l’évolution des réseaux de télécommunications.
Le 19 juin 2014, Alcatel-Lucent annonce un partenariat commercial et technique avec EBlink, une start-up en plein essor dans le domaine du mobile. Ce partenariat vise à étendre les capacités du groupe dans les réseaux d'accès mobile très haut débit 4G LTE et les small cells.
Le 15 avril 2015, Alcatel-Lucent annonce son rachat par le géant finlandais des télécommunications Nokia, les deux groupes vont fusionner sous direction Nokia.
Les actionnaires de Nokia détiendront 66,5 % de la nouvelle structure et ceux d'Alcatel-Lucent 33,5 %. Le siège social sera situé à Espoo, en Finlande. Le président du conseil d'administration et le directeur général resteront ceux de Nokia. Le nouvel ensemble aura près de 120 000 employés pour un chiffre d'affaires d'environ 25 milliards d'euros. Michel Combes démissionne à la suite de la négociation de l'accord avec Nokia permettant à celle-ci d’acquérir Alcatel-Lucent.
Michel Combes explique que les équipes françaises joueront « un rôle primordial » : « Le pilotage mondial de l’innovation et de la recherche se fera depuis la France », détaille-t-il. « Ce projet va même renforcer l’emploi en France ». Selon lui, 500 emplois vont être créés dans la recherche et développement en plus des 2 000 qui existent déjà en France.
« Face aux marchés concurrents que sont la Chine ou les États-Unis, la France n'a pas l'envergure suffisante pour s'imposer sur le plan industriel. Pour Philippe Camus, c'est à l'échelle européenne que des fleurons industriels peuvent se distinguer. « Il faut accepter que des champions européens se créent et ils ne sont pas tous d’origine française. » ».
En 2020, cinq ans après l'acquisition par Nokia, les effectifs en France sont mis en relation avec le chiffre d'affaires local (5,8 % du CA Mondial) du groupe Nokia et sont réduits d'un tiers par la suppression de 1233 postes touchant la R&D.

Séparation de la branche Alcatel-Lucent Entreprise
Début octobre 2014, Alcatel-Lucent vend sa division Entreprise, valorisée à 268 millions d'euros, à China Huaxin, en conservant 15 % de participation. Cette division devient une société indépendante sous le nom d'ALE International, mais conserve le droit d'utiliser le nom Alcatel-Lucent Entreprise jusqu'en 2018 et Alcatel-Lucent garde des relations privilégiées avec son ancienne filiale.
Plan Shift .
Au mois de juin 2013, Michel Combes présente un plan stratégique pour sauver Alcatel-Lucent. Ce plan à trois ans comprend plusieurs volets qui sont détaillés le 8 octobre 2013 par le nouveau directeur général.
Stratégie : Transformer le généraliste des équipements de télécommunications en un spécialiste des réseaux internet, du Cloud et du « très haut débit » ;
Finances : Une économie de 1 Mds € par an d’ici 2015 ;
Réorganisation : Une réduction nette de 10 000 postes dans le monde d’ici fin 2015 (15 000 suppressions de poste sur 72 000 et la promesse de création de 5 000 postes par ailleurs) fermeture de la moitié des sites existants. Les suppressions salariales sont de 4 100 personnes en Europe-Afrique-Moyen-Orient, de 3 800 en Asie-Pacifique et de 2 100 en Amérique.

En France, le groupe avait envisagé la suppression de 900 postes, mais le nombre de postes supprimés devrait s’établir au-dessous de 700. Par ailleurs, Alcatel-Lucent va se séparer d'environ 170 ingénieurs travaillant sur la 4G au profit d'Altran.
En France, le plan inclut les fermetures des sites de Toulouse, Rennes et Orvault, la vente des sites d'Eu en Seine-Maritime et d'Ormes dans le Loiret, et des investissements à Nozay dans l'Essonne et à Lannion dans les Côtes-d'Armor.
Dans le cadre du projet de diminution de la dette et de l’extension de sa maturité, Alcatel-Lucent a engagé au mois de juin 2014 une nouvelle émission d'obligations convertibles. En particulier, Alcatel-Lucent va rembourser l'emprunt obtenu auprès de Goldman Sachs et du Crédit Suisse gagé sur ses brevets, ce qui lui rend un élément de liberté stratégique.
Lors de l’Assemblée générale du groupe qui s’est tenue le 28 mai 2014, Michel Combes est revenu sur les premières avancées du plan Shift avec notamment : 363 millions d’euros d’économie en 2013, une amélioration de 3,9 point de la marge brute et enfin un effort renforcé au niveau des investissements de R&D sur les technologies d’avenir.

Lors de la polémique sur le départ de Michel Combes, un inventaire de son action à la tête d'Alcatel-Lucent permet de dégager les points suivants :
la suppression de 10 000 postes dans le monde (soit 15 % des effectifs) si l'on tient compte des 5 000 créations de postes promises ;
le cours de bourse a été multiplié par trois, passant de moins de 1 € à son arrivée à 3 € le 31 août 2015 ;
la direction considère que Michel Combes a permis de sauver la société de la faillite ;
la purge dans les effectifs a permis le rachat par Nokia pour 15,6 milliards d'euros.

Rachat par Nokia (avril 2015 à octobre 2016)
En avril 2015, Nokia annonce un projet de rachat d'Alcatel-Lucent. Il se fera par le biais d'échanges d'actions : 0,55 action Nokia contre 1 action Alcatel-Lucent. Au cours de l'action Nokia le 15 avril 2015, le groupe Alcatel-Lucent est valorisé à 15,6 milliards d'euros.

Le 18 novembre 2015, Nokia lance une OPE sur Alcatel-Lucent. Le 7 janvier 2016, Nokia annonce détenir 76,31 % du capital d'Alcatel-Lucent. Le 14 janvier 2016, Nokia rouvre son offre sur le capital d'Alcatel-Lucent jusqu'au 3 février 2016 dans l'objectif d'acquérir au moins 95 % des actions et de pouvoir retirer le titre du marché boursier; seulement 91,25 % du capital est apporté lors de la clôture de cette offre le 5 février 2016.
À la mi-juin 2016, Nokia a acquis plus de 95 % des droits de vote et du capital, lui permettant d'initier une offre publique de retrait auprès de l'AMF pour une finalisation prévue courant octobre 2016. Alcatel-Lucent devient une simple filiale de Nokia.
Le 2 novembre 2016, l'action d'Alcatel-Lucent est radiée d'Euronext Paris à la suite de l'offre publique de retrait.
Le 5 février 2019, la filiale française de Nokia Networks (Alcatel-Lucent International) est fusionnée avec Nokia Solutions and Networks France et cette dernière est dissoute.
À aucun moment, il n'a été envisagé l'usage du décret no 2014-479 en date du 16 mai 2014 qui étend, en particulier, aux télécommunications les pouvoirs du décret no 2005-1739, donnant la possibilité au gouvernement de mettre un veto sur des investissements étrangers qui portent atteintes aux intérêts stratégiques de la France.
En juin 2022, un jugement du tribunal administratif de Paris donne droit aux représentants syndicaux CFE-CGC et CGT « d'accéder aux lettres d'engagements négociés avec l'État français lors du rachat d'Alcatel-Lucent en 2016 » par Nokia. Ce qui devrait permettre de vérifier les contreparties sur l'emploi contenues dans l'accord en dépit du secret des affaires allégué.

Juillet 2022 Alcatel Lucent Enterprise renouvelle son ancrage alsacien
Alcatel Lucent Enterprise a inauguré son nouveau site de 7 300 m2 au sein du parc d’innovation à Illkirch-Graffenstaden, dans l’agglomération strasbourgeoise. La société spécialisée dans les services et solutions de communication des entreprises renouvelle ainsi son ancrage historique en Alsace.

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Plainte d’Alcatel-Lucent contre Microsoft pour violation de brevets

En 2002 - Lucent Technologies saisit un tribunal d'une plainte contre des fabricants Dell et Gateway qui, selon ses dires, avec certaines applications auraient violé des brevets déposés par son centre de recherche "Bell Labs" en 1994 et 1997, relatifs à la technologie musicale numérique MP3. Microsoft se joint à la procédure s'estimant mis en cause du fait de l'utilisation de MP3 dans son logiciel Windows Media Player.
Novembre 2006 - Alcatel saisit un tribunal au Texas d'une plainte contre Microsoft qui, selon ses dires, aurait violé sept de ses brevets. Des négociations sont menées en parallèle afin de tenter de trouver un accord à l'amiable.
Fin 2006 - Alcatel et Lucent Technologies fusionnent donnant naissance à Alcatel-Lucent
Janvier 2007 - Devant le tribunal californien, Alcatel-Lucent exige une réparation de 2 milliards de dollars pour usage non autorisé d'un brevet ex-Lucent dans le décodeur audio MP3 de Windows Media Player
Février 2007 - Devant un jury fédéral américain de San Diego en Californie, Microsoft est reconnu coupable d'avoir violé les brevets MP3 d'Alcatel-Lucent et est condamné à verser à l'équipementier franco-américain des dommages s'élevant à 1,52 milliard de dollars, bien moins que ce qu'Alcatel-Lucent réclamait dans ses dernières conclusions (4,5 milliards de dollars). Microsoft indique dans un communiqué qu'il étudie l'éventualité de faire appel du jugement. L'éditeur a fait valoir dans sa défense qu'il avait déjà versé 16 millions de dollars de droits à l'institut allemand Fraunhofer, « reconnu par l'industrie comme le détenteur légitime du brevet ». Selon le secrétaire général adjoint de Microsoft, cette décision peut conduire à générer des poursuites contre des centaines d'autres sociétés qui ont acheté au Fraunhofer le droit d'utiliser le MP3. Alcatel-Lucent en réponse indique qu'il n'a pas engagé de procédure contre d'autres sociétés, sans exclure pour autant cette possibilité à l'avenir. Le même tribunal doit examiner séparément d'autres plaintes contre Microsoft relatif à des brevets de codecs pour la voix et pour la compression de la vidéo, technologies utilisées de manière illicite par Microsoft, selon les dires d'Alcatel-Lucent, dans la console de jeux Xbox. À l'inverse, Microsoft poursuit Alcatel-Lucent dans une affaire relative à ses logiciels de messagerie unifiée.
Mars 2007 - Le jury fédéral de San Diego rejette la plainte d'Alcatel-Lucent en estimant que Microsoft n'a pas violé un brevet de reconnaissance vocale appartenant à l'équipementier franco-américain. Ce dernier déclare qu'il va faire appel. Dans l'autre affaire relative au litige sur MP3, Microsoft décide de faire appel, ce qui suspend tout versement. Par ailleurs, une plainte déposée en février par Microsoft contre Alcatel-Lucent pour atteinte au droit des brevets est examinée par la Commission du commerce international (ITC) des États-Unis. Certaines technologies d'Alcatel-Lucent sont menacées d’être interdites à l'importation aux États-Unis.
Mai 2007 - La cour suprême des États-Unis casse un jugement en appel datant de juillet 2005 et qui donnait raison à AT&T. Microsoft se voyait reprocher d'avoir incorporé de manière illicite dans Windows un des brevets de reconnaissance vocale de AT&T. Ce dernier avait exigé des réparations proportionnellement aux ventes de Windows aux États-Unis et aussi dans le reste du monde. Les deux sociétés avaient conclu une entente pour la partie des ventes aux États-Unis, mais pour la partie des ventes à l'international ont débattu de leur différend au niveau de Cour suprême. Cette décision fait jurisprudence pour tous les produits logiciels exportés hors des États-Unis. Ceci signifie aussi que Microsoft va probablement s'appuyer sur cette décision et peut-être gagner en appel contre Alcatel-Lucent dans l'affaire des brevets relatifs à MP3.
Août 2007 - La décision du tribunal de San Diego de février 2007 condamnant Microsoft à payer 1,5 milliard de dollars d'amende (affaire des brevets MP3) est annulée par une cour d'appel californienne.
Décembre 2008 - Alcatel-Lucent et Microsoft ont annoncé avoir conclu un accord sur l'ensemble des litiges en cours, sauf un, concernant le brevet « Day »

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LES OUTILS LOGICIELS


L’objectif de cette contribution est de décrire l’évolution des outils qui ont permis de passer des instructions écrites par les développeurs de programmes logiciels aux informations enregistrées dans les mémoires du commutateur téléphonique E10 et qui ont permis aussi l’informatisation de la documentation ou la gestion du matériel.
Pour simplifier la présentation des outils logiciels, la contribution range les évolutions dans un nombre réduit de grandes étapes assimilables par un maximum de lecteurs.


1 – Prémices
Avant 1976, la production du logiciel du Commutateur E10 ne fait pas appel, sauf quelques cas, à un calculateur central.
On distingue schématiquement :
- Le logiciel du CTI : le développeur perfore les instructions de son programme sur une machine à perforer les cartes, puis fait la compilation et l’édition de liens du programme résultant directement sur la machine cible 10010 ou MITRA 15 puis MITRA225; la hantise du développeur est de voir chuter les cartes perforées de son bac ou même de permuter des cartes qui feront échouer la compilation ; le logiciel exécutable sort sur ruban perforé puis sur bande magnétique (la galette) et est chargé et conservé sur le disque du CTI.
- Le logiciel des Organes de Commande et des Unités de Raccordement : le développeur code les instructions de son programme directement en instructions de la machine cible. Le programme se présente sous forme de diodes soudées sur une carte « Mémoire-Programme » dans une matrice lignes/colonnes. Le développeur doit avoir une connaissance très fine du fonctionnement de la machine.
Les corrections font appel au fer à souder et au multimètre pour déceler les diodes à l’envers ou les courts-circuits. La machine ne nécessite pas de chargement de logiciel ; elle est immédiatement opérationnelle dès la mise sous tension (plus tard, la technologie évoluant, les diodes seront
remplacées par des mémoires PROM et REPROM).
- Les cas particuliers : par exemple le calcul des filtres numériques (reconnaissance des tonalités et de la signalisation multifréquence entre les
commutateurs) fait appel à un logiciel écrit en langage FORTRAN. Les données sont portées par des cartes perforées et traitées la nuit sur le
calculateur du CNET. Plus tard le PDP11 de l’équipe de test sera également utilisé.
Différents outils et évolutions apparaissent progressivement. Ainsi :
- En 1974, l’équipe machines de test développe un traducteur d’instructions de l’ ELS (le processeur des Unités de Raccordement). Ce programme est écrit en Fortran et s’exécute sur le PDP11 qui pilote également le testeur de cartes logiques Oracle. Un ruban perforé est généré sur PDP11 avec la description des cartes à diodes MPD2. Ce ruban est ensuite utilisé comme données d’entrée :
o du programme de test des cartes MPD (sur Oracle ou Becmad)
o d’un programme qui génère les données de traçage des « DRM » ; ce DRM faisait partie du dossier élaboré par le bureau d’études
o de la machine d’aide à l’insertion des diodes qui était utilisée par la Direction Industrielle. Il s’agissait d’une table qui venait éclairer tour à tour les emplacements à équiper d’une diode. Cette insertion était manuelle.

- A partir de 1974, l’ELS est utilisé également comme processeur pour les organes de commande dans CITEDIS (commutateur privé) puis dans E10-B. Le volume du logiciel étant nettement plus conséquent, il est développé un langage d’assemblage pour les fonctions de service (une instruction assembleur pour une instruction ELS) et un macro-langage pour le traitement d’appel (une macro-instruction générant plusieurs instructions ELS). Le développeur peut s’affranchir dans une certaine mesure de la connaissance fine de l’architecture de la machine et la lecture des programmes est facilitée par l’utilisation de symboles. Un assembleur et un macro-assembleur ELS sont développés par l’équipe de SLE-Citerel à Boulogne. Ces programmes s’exécutent sur un IRIS80 situé à Boulogne. L’accès à cette machine se fait via un « terminal lourd » muni d’un lecteur de cartes perforées et d’un perforateurde ruban.
- Progressivement les matrices à diodes sont remplacées par des mémoires REPROM et pendant la mise au point du logiciel en maquette par des mémoires vives (outil CHARME, composé des cartes ANG et LIC). La chaine de production se rapproche de celle du CTI. Le développeur ELS perfore ses cartes, lance un assemblage au CDC (Centre de Calcul) et récupère bande et listing.
Mais on a encore gardé l'esprit "diodes", ce qui fait qu'il n'est pas rare de voir certains faire quelques « patchs » sur la bande avec la pointe d'un compas ou d’un fer à souder - crime de lèse-majesté : ceci ne se fait pas au CTI !!!.

- A partir de 1978, les Unités de Raccordement tournent sur des microprocesseurs du commerce et le développement du logiciel se fait sur une machine INTELLECT qui produit un fichier chargeable sur disquette.
- Plus tard, nous avons connu le support K7 Texas puis les disquettes. Et enfin la révolution avec l'avènement des PC, après une courte apparition des MDS en maquette (MDS d'INTEL, permettant de faire bien plus que les développements pour les processeurs du même nom!!!)
Le logiciel est en assembleur pour les organes de commande et les Unités de raccordement et en CPL1 puis en CHILL pour le CTI à l’occasion du marché chinois en 1986.
Dans cette période, le développeur se déplace physiquement près de la machine à perforer et de la machine cible pour le test de son programme.
Les outils de mise au point ont évolué depuis les fameux pupitres jusqu’aux MDS et PC ; sans compter les simulateurs d’environnement.
A propos des pupitres, qui ne se souvient du fameux pupitre ELS ? Le soir, quand la lumière baissait, ces pupitres faisaient l'admiration des visiteurs, avec leurs centaines de diodes LED (rouges bien sûr, c'était la seule couleur existante), qui n'arrêtaient pas de clignoter dans tous les sens. A cette époque, les traces n'existaient pas encore, il fallait se satisfaire du "Traceur" et du "Codeur d'arrêt" offerts par le pupitre. Mais un metteur au point expérimenté, pouvait se rendre compte de la bonne marche de son programme, uniquement en voyant clignoter les LED du pupitre ; cette facilité disparaît plus tard lors de l’introduction des tests en ligne de parité de mémoire vive (RAM), tests qui tournent sans arrêt.
Vers 1976, le site de Lannion est doté d’un calculateur central IRIS80 placé au rez-de-chaussée du bâtiment 2. La climatisation de la salle fait appel à l’eau de la « piscine » (le bassin situé au niveau de l’entrée historique de la SLE entre les bâtiments 1 et 2). De ce fait la température de l’eau de la piscine s’élève, laissant apparaitre des algues vertes (tiens déjà !).
Le développeur met ses cartes dans sa case près du calculateur, un opérateur passe son travail (job) et le développeur récupère plus tard le listing et son programme sur bande magnétique.
Plus tard, vers 1980, chaque développeur dispose dans son bureau d’un terminal sans intelligence (un écran et un clavier), une console VM/CMS qui lui permet d’écrire dans un fichier informatique.
A cette époque, la multiplicité des clients et des variantes de logiciel impose de gérer l’évolution :
- de la structure du réseau (abonnés isolés, centre d’affaire),
- des besoins (facilités)
- et l’intégration du traitement des données
Par ailleurs, l’évolution des technologies (intégration des composants, développement du hardware, séparation firmware / logiciel, capacités mémoire, performances des processeurs) d’une part et l’évolution de la normalisation des télécommunications et la standardisation des
protocoles d’autre part vont conduire en parallèle à une évolution de l’architecture matérielle et à une explosion du volume de logiciel dont les conséquences directes seront une croissance du nombre de sites de développements et du nombre de développeurs ainsi qu’une augmentation du nombre de versions du logiciel à maintenir et traiter simultanément.
Ces contraintes donnent naissance à deux spécialités du génie logiciel :
- la gestion de configuration chargée de définir l’enchaînement et le contenu fonctionnel des versions
- les ateliers de génie logiciel chargés de gérer les modules logiciels
Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux ateliers de génie logiciel.

2 – L’atelier de génie de Logiciel SDL 1976-1987
Le développement de l’informatique a essentiellement commencé par la mise au point de machines offrant des capacités de calcul et de mémoire de plus en plus importantes (loi de Moore).
Mais le développement du logiciel est resté longtemps archaïque, sans offre d’atelier intégré sur le marché.
Les premiers balbutiements de gestion de logiciel ont été réalisés par l’apparition de la notion d’update, la saisie étant alors réalisée à partir de cartes qui avaient la fâcheuse tendance de bourrer dans les lecteurs ou de se mélanger pendant les transports et manipulations.
L’update permettait d’identifier les cartes modifiées et de ne manipuler que celles-ci.
Avec l’update, la notion de patch est apparue, les évolutions pouvant être réintégrées dans le source, c'est-à-dire donnant la possibilité de recréer un nouvel ensemble de cartes mis à jour.
Le passage de la saisie sur cartes perforées à la saisie par des terminaux, le développement de bibliothèques de programme et l’arrivée de base de données ont permis des avancées dans le domaine de la gestion et ont abouti à la création de réels ateliers de génie logiciel.
Compte tenu du manque d’offre, des solutions internes ont été développées.
Un premier atelier de génie de logiciel est développé en interne et baptisé Système de Développement de Logiciel (SDL) ; il permet de nommer les modules logiciels, de leur attribuer une version et de les rattacher à une arborescence pour qu’ils utilisent les « inclus » et les outils de génération de code spécifiques à leur version.
Les messages échangés entre machines sur les bus de communication du commutateur, jusqu’à cette date dessinés graphiquement sur du papier, sont alors codés comme des « inclus ».
Premier atelier CSE, début du CSN :
Ce premier atelier a été développé sur la base de bibliothèques de programmes, à chaque version est associée une bibliothèque qui évolue en numéro d’édition.
La correction d’anomalies et l’introduction d’évolutions impliquent de gérer en parallèle plusieurs bibliothèques.
La documentation est écrite sous DCF.
Le matériel est géré sous GP.

3 – L’atelier de génie logiciel VM/SE
Le calculateur central devient de plus en plus gros pour répondre aux besoins des développeurs. L’IRIS80 laisse place à un IBM dont le volume de mémoire de travail (RAM), le volume disque et la puissance de calcul (puissance UC) ne cessent de croître.
Le logiciel de développement des Unités de raccordement est dorénavant écrit en PLM (le langage de haut niveau adapté aux microprocesseurs).
Dans cette période, le logiciel du commutateur E10 est majoritairement en langage évolué ou de haut niveau (langage CHILL, PLM puis C ...), le logiciel est compilé et mis au point sur machine hôte, à savoir le calculateur central.
La plupart des travaux sont possibles depuis le bureau du développeur à partir de son terminal VM/CMS.
L’environnement de développement, c'est-à-dire la gestion de configuration logicielle, se fait sous VM/SE VM/SE (Virtual Machine Software Engineering 1986).
Nota : VM est un OS (Operating System) IBM qui affecte à chaque utilisateur un espace mémoire, un espace disque et des ressources UC.

Le premier véritable atelier de génie logiciel apparaît avec l’abandon des patchs techniques qui s’avèrent non adaptés lorsque le cycle de développement s’accélère : le nombre de patchs à intégrer pour la version suivante devient important et l’effort nécessaire pour obtenir
un produit stable lors de l’intégration des patchs devient prohibitif.
La technique de modification du code source et la refabrication systématique des produits est adoptée.
La maîtrise du logiciel ne signifie pas simplement maîtriser l’évolution des sources, il est aussi nécessaire d’y intégrer les outils qui évoluent également du fait du développement de l’informatique qui introduit les compilateurs, éditeurs de liens,... nécessaires.
Ceci provoque l’abandon des outils « maison » et induit, du fait de l’obsolescence plus rapide de ces produits, des évolutions à prendre en compte.
Certaines versions de ces outils introduisent des incompatibilités avec les produits fabriqués à l’aide de la version précédente.
Les outils du commerce ayant une vocation universelle comportent de nombreuses options allant du format du listing aux options de génération du code (adressage absolu, relatif , binaire plus ou moins optimisé, plus ou moins compact,....).
Laisser la maitrise de ces options à chaque développeur est une source potentielle de problèmes, les différentes incompatibilités pouvant être découvertes en phase de fabrication du logiciel, en phase de tests unitaires, en phase d’intégration, en phase de validation ou même sur des produits en service.
Le coût de la correction de ces incompatibilités peut donc s’avérer très important.
La simple taille d’un listing peut varier de 1 à 10 en fonction des options choisies, ceci peut induire des volumes considérables d’espace disque, surtout lorsque le nombre d’objets se compte par milliers.
Pour éviter ces sources d’aléas, VM/SE intègre une notion de procédure de fabrication qui permet à partir d’un objet A de générer un objet B en utilisant un outil (compilateur, éditeur, linker, ...) avec un ensemble d’attributs prédéfinis.
Le cycle de vie des logiciels comporte plusieurs étapes: spécification, codage, fabrication, tests unitaires, tests d’intégration, de validation. Le logiciel d’une étape fonctionnelle (palier) est souvent développé sous forme de plusieurs lots successifs jusqu’à complétude des fonctions de cette étape. Compte tenu des volumes logiciels, le nombre de développeurs est important (il a été au maximum de 400, à confirmer) et plusieurs développeurs peuvent intervenir sur un même logiciel. La production du logiciel doit donc gérer des états de partage et d’avancement.
VM/SE intègre donc un attribut d’état des objets qui va de la propriété d’un objet associée à un ou plusieurs individus au partage des objets.
Le développeur manipule des sources qui sont compilées, regroupées en modules, eux-mêmes regroupés en exécutables, puis en archives puis en logiciel chargeable sur la machine cible.
D’une version à une autre, le nombre de sources qui sont modifiées pour cause d’évolution fonctionnelle ou correction d’anomalies est variable.
Compte tenu de la méthode utilisée la version n+1 comportera x logiciels issus des versions antérieures et y issus de la version n+1.
La notion de version est associée à la gestion de configuration qui définit en fonction des évolutions fonctionnelles et des lots de correction le contenu de ces versions.
En termes VM/SE, la gestion de configuration est associée aux relations de domaines qui permettent d’hériter de l’ensemble des modules issus des versions antérieures.
La gestion de configuration et la maîtrise du produit nécessitent de connaître la liste exhaustive des composants logiciels du produit.
Pour satisfaire cette exigence, VM/SE est construit autour d’une base de données relationnelle.
Chaque objet est identifié par :
- son nom
- son genre (associé à la procédure de fabrication)
- sa version (liée à la gestion de configuration)
- son édition
- son itération
- son état (créé, validé, livré, intégré, validé, archivé).
Les objets sont : les sources, les binaires, les exécutables, les archives, les chargeables, les procédures de fabrication.
Un objet peut avoir des attributs (listing, ......) associés à des genres secondaires.
La base de données relationnelle permet de connaître tous les composants d’un objet fabriqué via une procédure de fabrication. En terme VM/SE, il s’agit de la liste de dépendance d’un produit depuis l’objet hiérarchique le plus complexe jusqu’au plus simple :
le code source.
VM/SE intègre également une notion de dépendance ascendante qui permet d’identifier tous les objets qui comportent un objet donné.
De même, il est possible d’identifier tous les objets fabriqués à l’aide d’une procédure de fabrication.
La construction de ces dépendances s’appuie sur les relations de domaine.
Ces facilités permettent donc à partir de l’évolution d’un source d’identifier tous les objets concernés et le cas échéant de les refabriquer en maîtrisant leur composition.
VM/SE intègre également des procédures de livraison qui permettent de partager des sous-ensembles du produit.
Cette facilité est utilisée pour réaliser du développement multi-site, l’inconvénient est que chaque site doit posséder un IBM tournant sous le système VM.
Enfin VM/SE intègre des facilités d’archivage et restauration qui permettent le retrait et le rechargement d’anciennes versions, ce qui optimise la gestion des espaces disques.
Limites de VM/SE
- VM n’offre pas d’interfaces graphiques, ces interfaces s’avèrent utiles et nécessaires en particulier pour les outils de spécification, de tests.
- Les outils de spécification et d’analyse objets ne sont pas supportés.
- Le raccordement de stations de compilation est laborieux et les protocoles de gestion de ces stations déportées sont peu évolués.
- Chaque site de développement doit posséder un système VM.

4 – L’AGL décentralisé
Pour faire face à l’accroissement du besoin en ressources informatiques et aussi pour permettre aux développeurs des Centres Techniques à l’Export (CTE) de produire leur logiciels, le calculateur central est réduit et complété par des serveurs de développement.
Leur nombre prolifère: MacroMR commun à Lannion partagé avec le CTE Inde, MacroMR applications export à Orvault partagé avec le CTE Pakistan, UTC à Nantes partagée avec la Roumanie, NA à Lannion partagée avec Orvault et avec la RSA, Serveur des Essais de validation,...
Les terminaux des développeurs sont des Workstations puis des PC standards moins onéreux et plus équipés en outils informatiques puisque le langage C se généralise pour le logiciel.
L’architecture matérielle des ressources informatiques ne résout pas tous les cas d’utilisation car les conduits informatiques entre la France et les CTE ont un faible débit, aussi les développeurs des CTE ne travaillent pas directement dans le serveur cible mais sur une copie locale dans leur site. Leur production est ensuite rapatriée dans le serveur dédié en France qui est utilisé comme source pour les livraisons.
Les logiciels de la NA (Nouvelle Architecture du Traitement d’Appel) sont écrits en LDS, langage graphique, qui est transformé en instructions par l’outil informatique GEODE pour donner du LDS PR, transformé à son tour par l’outil informatique SOLANGE pour donner un source en langage C.
L’environnement de développement, c'est-à-dire la gestion de configuration logicielle se fait sous BENCHCOM.

Pendant longtemps, jusqu’en 2000, les livraisons conduisent le développeur à porter son logiciel sur une bande magnétique jusqu’au CTI ou à l’OM qui le charge dans le commutateur.
La documentation est écrite en DCF et centralisée sous VIDOC.
Pour pallier ces contraintes et faire face au nombre croissant de sites de développement (Lannion, Nantes, Vélizy, Afrique du Sud, Roumanie, Inde, Vietnam), la création d’un nouvel atelier de génie logiciel fonctionnant sous Unix et sur des stations de travail est lancée.
Les avantages de cet atelier sont :
- La prise en compte du mode graphique
- La disponibilité des ressources UC, disque et mémoire sur chaque poste de travail
- La disponibilité des outils sous Unix
- La facilité d’équipements de nouveaux centres de développement qui ne nécessitent qu’un serveur et quelques stations de travail.
- La prise en compte du développement des réseaux.
Le système choisi est le système Unix AIX d’IBM qui fonctionne sur des stations RS6000.
Le nouvel atelier de génie logiciel se nomme X/SE (1995 à consolider)
X/SE comporte les mêmes fonctionnalités que VM/SE, bénéficie des avantages du « downsizing » qui permet de s’adapter facilement aux évolutions des équipes de développement et aux besoins en espace disque et puissance.
Faute de crédits, X/SE s’avèrera être un simple portage de VM/SE du monde VM au monde UNIX. X/SE ne bénéficiera pas de toutes les capacités offertes par UNIX, ni de celles offertes par l’évolution des bases de données relationnelles
Les inconvénients de X/SE sont :
- Le rythme d’évolution des matériels, des outils
- La gestion du parc des stations de travail, le coût de ces dernières.
Suite à un choix basé sur des questions de coûts des stations de travail développeurs, celles-ci seront abandonnées et remplacées par des PC fonctionnant sous Windows NT, puis XP.
Les PC sous Windows ne supportant pas tous les outils, des stations UNIX dédiées seront conservées.
Faute de financement et de volonté et du fait de l’évolution d’Alcatel, X/SE qui sera resté un produit maison CIT, sera abandonné au profit d’un outil du commerce ClearCase.
Malgré le nombre d’objets (plusieurs millions), le volume et le nombre de relations de la base de données, les espaces disques VM/SE et X/SE ont été des outils robustes et fiables qui ont supporté sans difficulté les évolutions de système et l’augmentation du nombre de développeurs.

5 – L’atelier de génie de Logiciel Clearcase
La première activité du E10 à utiliser Clearcase est l’écriture des essais automatiques.
Le langage JAVA ou UML est utilisé pour le DHA et pour le logiciel SMB de gestion des serveurs INCS2.
L’environnement de développement, c'est-à-dire la gestion de configuration logicielle se fait sous Clearcase.
Dans cette période, un effort est fait pour introduire du langage orienté objet dans le logiciel du commutateur E10.

6 – Conclusion
Voilà dans quel environnement sont nées les 5 millions de ligne source (hors commentaires) qui rendaient les commutateurs E10 aptes à servir les besoins téléphoniques des abonnés dans différents pays du monde en mi 2004.
Les serveurs de développement étaient un premier pas vers les serveurs HTTP du Web du monde Internet où les langages PHP, bases de données MySQL ont pris le relais des premiers langages évolués.

 

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ALCATEL SOUS UN AUTRE ANGLE

Pierre Le Dantec
dans un document "La réalisation de contrats" nous résume dans la suite de cette page, presque vingt années d’aventures avec les équipes de réalisations export d’
ALCATEL.

En 1988, nous (les équipes d'Alcatel) avions déjà travaillé dans environ 80 pays….
J’ai cité certaines personnes. Il aurait fallu citer tout le monde. Que ceux qui ne se trouvent pas nommés dans ce récit veuillent bien me pardonner.
Je crois avoir toujours rencontré, chez tous ceux que j’ai eu l’honneur de diriger, une réelle bonne volonté. Chaque fois que j’ai dû faire appel à tel ou tel en particulier, j’ai toujours eu la réponse que j’attendais. Je voudrais, ici, puisque l’occasion m’en est donnée, remercier du fond du coeur tous ceux et toutes celles qui ont travaillé avec moi.
Je ne peux pas clore cette brève évocation de mes années de “réalisateur”sans exprimer également mes sincères remerciements à F. Tallégas qui, tout en nous laissant une grande liberté, n'a jamais manqué de nous soutenir.
Il était temps pour moi de dire merci,… il n’aura échappé à personne que beaucoup de ceux que j'ai cités nous ont déjà quittés. C’est à eux que vont mes dernières pensées dans cette évocation de la magnifique histoire des équipes de réalisations export du Trégor, comme de Vélizy.
Bien d’autres évènements ont encore touchés les “réalisateurs” jusqu’à ce jour, je compte sur mes successeurs, ou d’autres, pour les évoquer. Il existe encore, grâce à Dieu, de nombreuses fonctions, nées du temps de D.R.C. et de D.R.EX, abritées à Lannion, c’est aussi sans doute grâce aux efforts auxquels nous avons tous participé.
P. Le Dantec


La SLE-CITEREL est créée en octobre 1972 par la fusion de la SLE (66%) et de la CITEREL (33%), elle-même filiale commune de CIT-Alcatel et de Ericsson Electronique. La nouvelle société comporte 2 établissements, celui de Lannion et celui de Boulogne-Billancourt qui se
consacre au développement du E12, système temporel qui équipera quelques centres de transit. L'effectif de Lannion est de 640 personnes en 1972, 880 personnes en 1973, 1000 personnes en 1974 et 1200 personnes en 1977. Le rythme des nouvelles embauches est important.

La SLE-Citerel fonde l’usine pilote pour les équipements E 10 en dehors de Lannion, mais pas très loin à une quinzaine de kilomètres à Tréguier, en fonction de sollicitations du député local.
Des commandes à l’exportation interviennent très tôt, ce que n’avait jamais obtenu la CIT. En 1977, lors de l’intégration de la SLE dans la CIT la part des exportations atteint déjà 23 % de la vente totale de centraux E10.

La SLE est amenée dès 1974 à faire son apprentissage pour l’exportation.
De façon un peu inattendue, la SLE obtient rapidement un contrat de la part de la Pologne consistant d’abord dans la livraison d’un central E10 et son installation dans la banlieue de Varsovie et ensuite d’un transfert technologique vers l’usine de Poznan de la société polonaise Télétra, organisée sur le modèle de l’usine de Tréguier. Le second contrat concerne la fourniture d’un central E10 à Alexandrie en Egypte. Ce contrat est réalisé en trois mois vers 1977 avec le soutien de la DGT.

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1975, une année de transition

En 1975, il apparaît que l’aventure numérique va bouleverser en profondeur les télécommunications françaises d’abord, et sans doute celles des autres pays. Trois évènements peuvent en témoigner: la commande du commutateur nodal de Rennes, la mise en service du commutateur de transit des Tuileries et le contrat Pologne.
Le Nodal de Rennes (commutateur de transit urbain, avec des abonnés -1975)
La D.R.T. de Rennes, notre fidèle alliée, a décidé la création d’un nodal E10A. Pour éviter la pose de nouveaux câbles, elle a prévu de numériser la totalité des liaisons avec les commutateurs de l’agglomération (ce qui permet de multiplier par trente la capacité des cables). Un matin, je reçois un coup de fil de D. Goby, un ancien du C.N.E.T. Lannion, pour m’annoncer qu’il a fait ses comptes et que les économies sur la partie transmission, grâce à la numérisation, compensent le surcoût de la partie proprement commutation. C’est la première fois que E10 rivalise en prix avec l’électromécanique, et devient un vrai concurrent des anciennes technologies.
Le commutateur de Transit des Tuileries (1974-1976)
Oui mais, comment ces nouveaux commutateurs vont-ils se comporter dans un environnement complexe, celui d’une grande ville, Paris par exemple ? Pour répondre à cette question, la D.G.T. nous attribue un commutateur de transit E10 (trois commutateurs pour les circuits arrivée et trois pour les circuits départ). Il se situe aux Tuileries, côté Seine, en relation avec la totalité des commutateurs de la région parisienne. Certains disent : “c’est un piège !” Sinon un piège, c’est sûrement un test ! Qu’est donc cette S.L.E., toute petite société bretonne, avec ce produit pour le moins innovant ? Pour le savoir, Gérard Théry, le nouveau directeur régional de Paris intra-muros, (futur D.G.T.) nous invite aux Tuileries et
nous présente le complexe téléphonique enterré sous les jardins: impressionnant, un hectare de téléphone sur deux étages, équipé essentiellement en technologie électromécanique Pentaconta, dont un commutateur de transit destiné, entre autres fonctions, à nous suppléer en cas d’échec….voilà qui rassure !
Où peut bien se situer le piège ? Nous ne tardons pas à le savoir. Le réseau parisien est, à cette époque, constitué de commutateurs électromécaniques de nombreux types: Pentaconta, Rotary7A,7B1, R6 et même Strowger…Chaque central est géré par des équipes de commutants qui établissent les circuits nécessaires entre deux commutateurs, au fur et à mesure des besoins, donc depuis de nombreuses années. Les liaisons ne fonctionnent pas toujours à la première tentative, et, parfois, une panne nécessite de changer un joncteur. Les techniciens ont donc l’habitude de «torturer» un peu les lames des relais pour arriver au bon fonctionnement. Il y a bien des tolérances sur le papier, mais on
en sort fréquemment, sans rien en dire, pourvu que «ça marche». E10 gère ses joncteurs au moyen de logiciels communs à tous les circuits de même type, basés sur les tolérances théoriques. Nous nous trouvons donc devant la perspective de devoir faire modifier les réglages d’un grand nombre des circuits qui transitent dans Paris. Il faut faire sortir de leurs habitudes, et de leur quiétude, des centaines de personnes, afin qu’elles interviennent sur des organes qui, pour elles, fonctionnent parfaitement. Nous risquons une «révolte anti-E10» des commutants !
Nous réussissons à faire notre allié du chef de centre de Bonne Nouvelle. Bonne Nouvelle est alors le plus gros centre parisien, fait autorité dans le réseau, et possède la majorité des Edition types de commutateurs. Nous nous mettons d’accord pour débuter nos mises au point exclusivement avec ce centre, dont le responsable accepte de sensibiliser son personnel à la nécessité de faire un petit effort. Cette étape franchie avec succès, il est facile de répondre, le cas échéant, aux interlocuteurs des autres centres: «mais ça marche avec Bonne Nouvelle !». Cette petite manoeuvre nous permet de passer les tests avec succès.
Nous commençons, aux Tuileries, à élargir le panel de nos clients; c’est ainsi qu’il nous faut avoir l’accord de l’architecte en chef du musée du Louvre sur la couleur des faux planchers, nous devons accepter un beau vert émeraude granité, ce, sans supplément de prix !

Le Contrat Pologne (1974-1976)
Nous nous retrouvons à la fois compétitifs et performants dans un réseau complexe, nous sommes donc capables d’affronter les difficultés de l’export. C’est en tout cas l’opinion des polonais dont la société Télétra, de Poznan, signe notre premier contrat de transfert de technologie.
Quel est le rôle de D.R.C. dans cette affaire ?
Dans le contrat Pologne figure la fourniture, l’installation et la mise en service du central de Vinogrady, un faubourg de Varsovie. C’est un succès.
De même que la Direction Industrielle, nous devons, nous aussi, livrer nos méthodes, nos listes d’outillages, nos coûts prévisionnels d’ingénierie, de plate-forme et de chantier et les moyens de les calculer , la documentation chantier, celle du futur client, donc d‘exploitation et de maintenance. Il faut mettre un peu d’ordre !
C’est à cette époque que nous commençons à définir, puis à utiliser, avant de les exporter, les fiches de configuration. Elles précisent la composition de chaque baie, et ses différentes modularités. Elles permettent une simplification importante dans les activités projets, lancements en production et chiffrages de toutes sortes.Nous prenons la décision de détacher à Poznan un de nos meilleurs spécialistes de la plateforme, M Pensec. Il revient, quelques mois plus tard, avec une médaille du type «meilleur ouvrier communiste» qui lui confère le droit de rentrer dans l’usine de Télétra sans contrôle. Il revient aussi avec une solide expérience de la vie dans les démocraties populaires. Tout se passe bien; nous aurons même la joie, en 1990, de renouer avec Télétra des relations très amicales à l’occasion d’un nouveau contrat de cession de licence.
Evidemment, la conséquence la plus spectaculaire de ce contrat Pologne est la création à Minihy-Tréguier de l’unité de production de Convenant Vraz, inaugurée le 19/06/75, elle est le clone de ce que nous devons réaliser en Pologne. Le D.R.C. héritera un peu plus tard de ses bâtiments et nous en reparlerons .
L’activité export démarre très fort, cette même année 1975. Avec ce contrat Pologne, il faut aussi nous préparer à l’installation des commutateurs de Malte et de Fez que nous devons mettre en service, l’année suivante. C’est un peu avant cette époque que se constitue le Groupe des Projets Techniques (G.P.T.), sous la direction de J. Nutall puis de J.C. Hue. (groupe avec lequel nous aurons de fréquents contacts, puisque la Direction nous demandera, sagement, de valider les estimations de G.P.T. concernant nos propres prestations). Nous élaborerons ensemble des règles de dimensionnement, qui seront régulièrement révisées.
De nouveaux problèmes surgissent: outre les questions liées aux méthodes de mises en service, que nous avons évoquées plus haut, il faut définir des emballages résistants, se préoccuper des questions liées aux douanes tant françaises qu’étrangères, (nous découvrons par exemple qu‘il est interdit d‘importer des chiffons au Maroc). Nous devons définir des lots de maintenance, pour nos clients et pour nos chantiers. Nous évitons au
mieux les retours, même sous douanes (ce qui impose un atelier ouvert aux contrôles douaniers). Nous mettons au point avec les douanes des procédures d’échange standard, car les colis doivent avoir les mêmes contenus à chacun des passages en douanes.

Les relations avec le personnel des clients
Nous avons également à faire face à la formation du personnel client, domaine nouveau, qui ne se pose pas avec les télécommunications françaises, qui sont parfaitement organisées à cet égard.
Bien entendu, tout commence par la formation théorique, qui est dispensée par les soins de F. Jollé, recruté à cette fin, avec le concours de M. Menez. La S.L.E. loue des locaux tout à fait appropriés: ceux de l’ancien hospice des vieillards de Tréguier, autrefois tenu par des religieuses, qui ont laissé quelques porte-manteaux faits de tibias humains fichés dans le mur du vestiaire. Voilà qui incite au sérieux…..
La formation pratique se fait ensuite sur les sites. Nous ne sommes pas des exploitants, notre expérience d’opérateur se limite à celle du personnel du service chantier. En faisant participer le personnel du client aux essais de mises en service, nous réussissons néanmoins à le décomplexer devant des matériels tout nouveaux. Il faut à tout prix que leur "entraînement" soit suffisant pour éviter la panique qui peut saisir tel ou tel de ces
techniciens clients devant une panne; surtout s’ils sont dirigés par des chefs terrorisés à l'idée qu'un ministre ne soit mis au courant d’un problème.
Des relations s’établissent entre les techniciens S.L.E. et le personnel d’exploitation des clients. Très rapidement l’idée germe du dépannage par téléphone. C’est pour le personnel exploitant une bouée de sauvetage essentielle, d‘autant qu’il peut obtenir quelqu’un de confiance et qu’il connaît. C’est l’origine du service de télé-assistance, créé à côté des maquettes, sur lequel nous reviendrons. Il implique l’obligation d’astreintes à domicile permettant de répondre 24 heures sur 24 à toute demande.

La Documentation
La documentation prévue par l’administration française est considérable, (la C.I.T. est, à cette époque, le premier imprimeur de France). Nous appliquant les règles de l’électromécanique, la D.G.T. nous impose de livrer, en trois exemplaires, tout ce qui peut être nécessaire pour faire modifier, par le personnel d’exploitation, supposé compétent, aussi bien le matériel que le logiciel.
Cette documentation gigantesque est exclusivement descriptive et n’a que peu d’intérêt pour l‘exploitant. Ce dernier a surtout besoin d‘un genre de mode d’emploi, que nous avons mis au point sous la forme des «fiches opérateurs»: une opération par fiche, par exemple: comment créer un nouvel abonné ? Il n’est pas question, en tout cas, de livrer à l’export le modèle «type Administration».
Cette dernière résout le problème «mode d’emploi» par le biais de sa formation E10, qui n’est pas accessible à nos clients. Notre documentation, à base de fiches d’opérateurs, est aussi simple et didactique que possible et bien adaptée au produit et à sa mise en oeuvre.(plus tard elle sera livrée avec le logiciel du centre de Traitement des Informations, C.T.I.). C’est d’ailleurs cette documentation que nous finirons par livrer à l’administration française quand elle sera convaincue de l’utilité de notre méthode; (après Bourg en Bresse).
Il nous faut aussi traduire en anglais ces documents, (et les présenter de même sur le C.T.I.). Petit problème, peuvent penser certains, mais assez vite nous nous rendons compte que notre propre vocabulaire français n’est ni constant ni précis et que selon l’origine des documents, le même mot ne signifie pas tout à fait la même chose. Il faut pourtant se faire comprendre ! Nous allons traîner ce boulet longtemps, même après que l’on aura confié le problème à un anglophone de naissance.

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Les Douanes

Les relations avec les douanes se passent de la meilleure façon. Nous choisissons un transitaire en douanes paimpolais: l’Agence Maritime de l’Ouest (dont le fondateur a été, avant la guerre de 1914, le grand père de L. Le Merdy). C’est tout naturellement que les déclarations, pour le
matériel client comme pour nos outillages, se passent à Paimpol. Les affaires export ayant pris un peu plus tard de l’importance, nous sommes devenus, et de loin, le principal «client» de ce bureau des douanes de Paimpol. Même lorsque le matériel partira directement, nos déclarations continueront à se faire à Paimpol. Nous y avons intérêt, (puisque les contrôles se font sur papier), et les douaniers paimpolais aussi, puisque leur avancement se fait sur place, la hiérarchie et l’effectif d’un bureau de douanes étant fonction du chiffre d’affaires qui y transitent. Ce sont les douaniers de Saint-Brieuc qui sont jaloux ! Nous avons, par ailleurs, eu, un peu plus tard, quelques difficultés avec les spécialistes en douanes de la C.I.T., qui ne comprennent pas que nous ne passions pas par Roissy !
Les conditions d’expatriation
Il faut, aussi, définir les conditions de départ du personnel à l’étranger, comment se loger ? se nourrir ? se préoccuper des familles, de l’école française pour les enfants, définir les indemnités, les sursalaires, trouver des règles pour chaque cas . Peu à peu, au sein du service chantier, se constitue une cellule qui se spécialise dans ces tâches. Je ne parle pas de la nécessité de susciter des volontariats !
F.X. Montjean fait venir J. L’Huillier qu’il a connu à la C.G.A. et qui a un peu l’expérience de l’export (il a dirigé le chantier du centre de tri postal de Mexico). Il prend la direction du service chantier et son expérience dans la gestion des expatriés nous est très utile. Plus tard, nous comprendrons qu’il faut nous coordonner sur cette question avec Vélizy et avec le département Transmission; les décisions se prendront alors en réunion au siège, rue Emeriau.
Le passage cadre
L’évolution des carrières, notamment celles des collaborateurs, nous préoccupe.
L’établissement de Lannion organise, pour la première fois, un examen de passage cadre.
Un programme est défini, une période de préparation fixée, un appel aux candidats émis. Chacun s’attendait à une victoire écrasante des agents des équipes de développement. Surprise, c’est un collaborateur de D.R.C. qui arrive en tête (il est vite récupéré par les équipes de développement logiciel). Chaque année, un examen analogue sera organisé. Quand nous serons à Minihy-Tréguier, je n’imposerai aux candidats que des épreuves de français tant il me paraît important pour un cadre de savoir rédiger et exposer clairement ce qu’il pense, tandis que les connaissances techniques sont déjà largement développées par le simple fait de l‘activité quotidienne. Chaque année quelques agents techniques accéderont ainsi au statut de cadre.
Mais cette année 75 nous réservait encore deux surprises, l’évolution et les velléités de notre principal client et celles de notre maison mère.
Diviser pour régner ?
Comment l’Administration va-t-elle gérer ce nouveau système, alors que la décision d'arrêter les créations de commutateurs électromécaniques est prise discrètement ? Il faut, pour éviter des problèmes, sociaux notamment, que d'autres sociétés de l’industrie française des télécommunications soient associées à l’aventure. C’est ainsi que la décision est prise de confier le développement et la fabrication d’équipements d’abonnés (E.M.A.) à l’A.O.I.P. Il nous faut donc gérer ce pseudo sous-traitant. L’Administration a en effet décrété que nous sommes les «ensembliers», responsables des marchés. Nous devons associer les nouveaux venus aux prévisions de charges, à nos méthodes de gestion, les informer sur les méthodes concernant les O.C.s, et surveiller de près l’avancement de leur fabrication. Cela nécessite de nombreux contacts avec l’A.O.I.P., auxquels participe bientôt la C.I.T.
Dans le même esprit, il est question de confier à la S.A.T. la production des groupes de gestion de multiplex; ce projet n’ira pas jusqu’à son terme. Les ateliers de l’Administration, (la D.C.M.E.), décident d’installer eux mêmes des unités de raccordement d’abonnés, en commençant par quelques satellites d'extension….. Cette volonté dure quelques mois avant de s’éteindre, elle aussi. On craint, pendant un moment, qu’il n’y ait pas assez de travail pour tout le monde.
A l'inverse, la S.L.E., souhaite évidemment posséder la maîtrise de tous les aspects du système, condition indispensable à sa crédibilité à l’export. La bataille dure jusqu’à l’apparition de notre C.S.E., développé entièrement sur fonds propres et mis au point bien avant les E.M.A.. Cette provocation réussie met fin à la question, en entrainant la disparition de l’A.O.I.P. de notre secteur d’activité, et le rachat de l‘usine de Guingamp.
Enfin, devant le succès de E10 et du Citédis, l’Administration se met en tête de nous faire réaliser un Centrex: Colisée, un genre nouveau, mi-privé, mi-public, installé dans une tour, il pouvait à la fois jouer le rôle d’un central public et avoir les fonctions d’un central privé desservant plusieurs sociétés. Cela nous prend beaucoup de temps, pour seulement deux ou trois exemplaires.

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La CIT-ALCATEL, En Juillet 1977, la CIT-Alcatel absorbe la SLE-CITEREL (après s'être éloignée de EricssonFrance).
Le développement logiciel du produit qui devient E10 Niveau 3 ou E10A est transféré à Vélizy, siège de la CIT commutation.
En 1978, la CIT-Alcatel emploie 1100 personnes à Lannion. La fusion avec la CIT et le volume croissant des fabrications provoquent des modifications dans les activités du site de Lannion, comme la fabrication des circuits imprimés sous-traitée désormais à l'établissement CIT de Coutances. Les convertisseurs d'énergie sont bientôt achetés à des sociétés extérieures. Il s'ensuit le départ des spécialistes concernés. Les
calculateurs 10010, supports des CTI, sont achetés à CIT Transmission puis remplacés par des MITRA achetés à la SEMS.

Les premières fusions
Notre maison mère prend conscience aussi, cette année là, qu’il va falloir tenir compte de la situation nouvelle qu’engendre le succès du E10.
Dans un premier temps, une première fusion nous concerne. Celle avec la CITEREL, filiale commune de C.I.T. et d’Ericsson France (1975) qui travaille sur un projet de commutateur numériques E12.

E12 (abréviation pour Électronique projet n°12)
(licence Alcatel époque CGE) C'est un autre système dérivé aussi du prototype PLATON. Temporel de seconde génération, de capacité double que les Commutateurs E10N3 de la même époque.. Le système E12 est mis en étude à partir de 1971 par le biais de la création d’une filiale commune CITEREL entre CIT-Alcatel et Ericsson-France.
L'ambition de départ des ingénieurs était de constituer un Commutateur dont l'organe central de calcul pourrait fonctionner entre 40 et 50 années sans jamais s'arrêter d'assurer son service. Hélas, les effectifs des équipes chargées de concevoir ce système n'étaient pas assez nombreux et le projet prit trop de retard et fut doublé par d'autres systèmes.
Le système E12 devait constituer le premier « réseau intelligent » et offrir des services améliorés par rapport à tout ce qui se faisait jusques alors.
Tout système E12 pourrait être utilisé en Commutateur d'abonnés où il serait capable de gérer 50.000 abonnés par cœur de chaîne, mais cet usage n’est finalement pas retenu, au profit de la famille E10 puis MT25. Le système E12 est utilisé en Centre de Transit Interburbain (E12CTI) où il est capable de gérer jusqu'à 49.552 circuits de transit par cœur de chaîne. Deux Commutateurs de transit E12 ont en outre été reconvertis et utilisés pour les numéros Libre Appel dès 1985 (les numéros verts / appels gratuits) puis deux autres pour la Carte Pastel dès le début 1989. (Ce que l'on nommera le Réseau Intelligent).

Ces commutateurs sont devenus les centres de transit de l‘Administration.

Nous devenons la S.L.E.-CITEREL, dotée d’un établissement à Boulogne, dans lequel le D.R.C. a bientôt une base arrière (à moins que ce ne soit une base avancée).
Nous sommes donc, à cette époque, également un petit peu Ericsson-France. Comment refuser à cette dernière le droit de fabriquer quelques unités de raccordement d'abonnés ?
Voilà donc encore un fournisseur de plus ! Nous allons à Cergy-Pontoise, dans l’usine Ericsson pour juger de la qualité des productions et aussi pour leur faire part de nos méthodes de mises au point.
Cette phase est très courte, car rattrapée par la suivante: celle de la fusion S.L.E.-CITEREL avec la C.I.T., ce qui implique, bien entendu, le rachat par C.I.T. de la part d’Ericsson dans l’ensemble S.L.E.-CITEREL et l’abandon des velléités des suédois de participer au programme E10 via Ericsson-France.
La fusion de C.I.T. avec la S.L.E.-CITEREL est préparée très soigneusement par notre maison mère. Tout d’abord il s’agit, pour C.I.T., de prendre connaissance du produit et de bien maîtriser toutes les phases de son élaboration: toute la C.I.T. retourne à l’école. C’est, en 1976, notre second transfert de technologie. C.I.T. embauche, de jeunes directeurs animent la «task-force» chargée de réussir l’introduction de ce nouveau système dans la vieille maison. Des objectifs sont fixés: la production et la mise en service d’une maquette, puis celle d’un premier central à Barentin, en Normandie (mis en service en 1976). Pour que les équipes fassent plus ample connaissance, C.I.T. organise de grandes agapes de
séduction, une quinzaine de cadres, parmi les responsables de D.R.C., est invitée à visiter l’usine électromécanique de La Rochelle, la première que beaucoup d’entre-nous découvrent. Ensuite, un grand déjeuner précède la visite du central E10 de Poitiers, que nous avons restauré, après que C.I.T. nous eut épaulé, comme je l’ai expliqué plus haut.
Que pouvait bien signifier une telle prévenance ? Peut-on penser qu’à cette époque, C.I.T. envisage la fusion des équipes de réalisation ? Je le crois personnellement, d’autant que chacun sent bien alors que, la fusion faite, il est bien difficile de laisser coexister deux équipes de réalisation. Comme nous allons le voir, l’export va nous permettre de sauvegarder notre indépendance et notre présence à Lannion.
En attendant, nous nous partageons, avec C.I.T., les marchés E10 de l’administration française, la part de la C.I.T. prenant de l’ampleur, la nôtre restant à peu près constante.
Nous conservons, bien sûr, tous les prototypes et l’export, (affaires difficiles), que notre organisation et notre appartenance à la Direction Technique nous permettent de traiter convenablement. (du reste C.I.T. a assez peu d'expérience à l'export, certaines ont laissé un mauvais souvenir, notamment aux financiers du groupe).
C.I.T. nous ouvre son entrepôt de Cosne-sur-Loire; nous y déposons notre matériel et nos outillages, quand les surfaces disponibles se font rares dans le Trégor. C’est aussi la région du Sancerre; certains mettent cette opportunité à profit, suivant en cela l’exemple deséquipes C.I.T..
La S.L.E.-CITEREL a de plus en plus d'ambitions à l‘export, elle se constitue une direction commerciale export (D.EX) dont L.Companyo prend la tête. Cette nouvelle direction a en charge les prospections commerciales, la gestion des réseaux et des agents, les questions financières dont, en particulier, le recouvrement des factures. D.R.C. a doncbeaucoup de relations avec cette nouvelle direction qui trouve à s’abriter dans les locaux ex-CITEREL de Boulogne.

Alexandrie
Une des premières conséquences des efforts de la S.L.E. à l'export est l’obtention du contrat d’Alexandrie, notre premier «coup de poing» ! Il s’agit, en effet, de mettre en service ce commutateur égyptien en trois mois, condition impérative. Nous avons évidemment donné notre accord à ce délai ultracourt. Le matériel est prélevé sur des affaires qui perdent leur rang dans le planning de sortie de fabrication, sans conséquence visible pour leur client destinataire. Une équipe est spécialement montée: suivant immédiatement les installations et les câbleurs, les techniciens de mise au point sont accompagnés par le personnel de développement des spécificités égyptiennes; plus tard nous appellerons cela les «customer’s applications». Quelques modifications sur les programmes du multienregistreur, du traducteur…, mais surtout sur la signalisation sont nécessaires, sans oublier les Groupes d’Adaptation de Signalisation, les fameux “GAS”.

Le maximum des mises au point est exécuté sur place, donc immédiatement testé et corrigé, si nécessaire (le Circus, notre enregistreur-simulateur «maison» de signalisation téléphonique, nous aide beaucoup). Cela évite maints allers et retours, donne le goût des chantiers export à certains «développeurs» qui y continueront leur carrière. Trois mois plus tard, nous mettons en service. Le jour de l’inauguration, G.Pébereau, à l’époque Directeur Général du groupe, qui s’est déplacé, nous avoue qu’il ne nous avait pas cru capables de tenir notre pari. Ce jour là, nous avons acquis une bonne position pour participer au développement du réseau égyptien.
Malheureusement, l’aventure d’Alexandrie se paie aussi par la noyade d’un jeune ingénieur de l’ingénierie: P. Auzou. Sur une plage dangereuse de l’ouest de la ville, des rouleaux l’emportent au large d’où, malgré ses qualités de nageur, il ne peut revenir. Il n’est pas seul dans cette baignade, deux ou trois autres ont eu plus de chance. Ce décès dû à l’absence de signalisation, sauf en arabe, sur cette plage, nous affecte tous profondément et nous sommes nombreux à ses obsèques à Morlaix.

L'enregistreur-simulateur CIRCUS

Dans ce cas, la signalisation entre E10 et le commutateur adjacent est portée par l’IT16 du MIC. Le transcodage de la signalisation dans le commutateur E10 est fait en partie dans les GAS dont l’objectif est de réduire le nombre de variantes de signalisation dans le commutateur E10.
Pour valider les GAS mais aussi la réalisation des protocoles de signalisations et des compléments de service dans le commutateur, un simulateur est développé par Alcatel-CIT sous le nom de CIRCUS .
Le CIRCUS est très vite opérationnel :
- pour la simulation d’un appel dès le E10 niveau 2 et utilisé de façon intensive en plateforme pour la validation des protocoles de signalisation avec les GAS,
- sur site pour collecter la vraie réalisation des protocoles de signalisation des commutateurs électromécaniques d’un pays auxquels le commutateur E10 vendu doit s’interconnecter dès son installation sur site (les protocoles réels étaient presque toujours différents des spécifications données par le client dans les cahiers des charges).

Le CIRCUS R2 est adapté rapidement aux signalisations multifréquences (MF et R2) par l’adjonction d’une carte adéquate.

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L’époque de la fusion S.L.E.-CITEREL - CIT (1977)

Cette fusion, après l’important effort d’adaptation de C.I.T., est effective en 1977. Elle a de nombreuses conséquences pour la S.L.E. et D.R.C.

Les premiers pas en commun
Après la fabrication et la mise en service de la maquette de Vélizy, puis celles de son premier central à Barentin en 1976, C.I.T. décide d'absorber sa filiale S.L.E.-CITEREL.
La première conséquence est le départ de notre directeur général. F. X. Montjean est nommé Directeur Général adjoint de C.I.T. Commutation et, entre autres choses, chargé des questions liées aux installations. Cela n’est pas, pour nous, sans importance. F.Tallegas devient Directeur de l’établissement de Lannion et également Directeur Technique de la nouvelle C.I.T. commutation.
La partie industrielle est absorbée par C.I.T., E Escoula se voit donc privé de fonction. Il nous quitte. Nous le retrouvons à Marsactel d’où il nous vend, avec d’autres quincailleries téléphoniques, des réglettes de raccordement de lignes d’abonnés bien adaptées à nos problèmes export.
(Parallèlement, à Colombes, L.M.T. fusionne avec Ericsson-France, pour engendrer Thomson Téléphones.)
La première répartition des tâches, entre Vélizy et Lannion, confie à D.R.C., qui reste au sein de la Direction Technique, la responsabilité des prototypes France et export. (la Direction des Centraux Publics, qui deviendra le Département des Opérations Nationales (D.O.N.) recevant la charge des E10 de série pour la France et bien entendu conservant la responsabilité des commutateurs électromécaniques.)
F.X. Montjean crée à Vélizy, à la même époque, deux directions nouvelles: la D.EX, avec L. Companyo, qui regroupe les activités commerciales et financières, et la D.R.EX chargée des opérations export de série E10, mais aussi Janus (Indonésie, Afrique du Sud…) sous la direction de M. Renaud.
Qu’allons nous devenir si les opérations export sont conduites depuis Paris ?
Nous devons, M. Renaud et moi, décider si telle opération est une opération de série ou non. Il faut bien avouer que bien peu d’affaires à cette date, à l’export, peuvent être qualifiées de série. Nous obtenons, par pays, la commande de un, deux ou trois commutateurs dans le meilleur des cas…Les systèmes diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre. Nous finissons par nous entendre sur le «partage du monde» dans un célèbre traité
connu sous le nom de «traité de la Boursidière» (immeuble où C.I.T. louait des bureaux, à côté de Vélizy).
Sentant bien que le personnel disponible à Vélizy est encore novice sur E10, F.X.Montjean entreprend à Lannion une campagne de séduction auprès du personnel. Il promet une «explosion de carrière» à ceux qui le rejoindront. Quelques uns se laisseront tenter….et certains d’entre eux reverront Lannion après quelques années parisiennes !
La proximité des équipes de développement et l’appartenance à la Direction Technique ont toujours été un indéniable avantage pour les équipes de D.R.C. et pour celles qui leur succèderont. Les clients ont toujours apprécié les interlocuteurs informés que nous leur présentions. J’ai été le témoin, plus tard, de l’enlisement de Northern au Maroc, qui mit plus de deux années à résoudre des problèmes de signalisation, tant il était difficile au personnel du site de dialoguer avec ses services techniques.
Dans ces années 1978-1980 certaines opérations sortent un peu de l’ordinaire. Les affaires Mexique, Irlande, Yémen, Afrique du sud, Liban, sont chacune l’occasion d’un progrès dans notre expérience d’exportateurs.

Le Mexique et la formation client
Parmi les conséquences de notre absorption, il y a la suppression de l’équipe de formation théorique. Adieu l’hospice de Tréguier, vive l’établissement de Saint-Ouen qui abrite déjà le service de formation de la C.I.T..
Auparavant, en 1978, F. Jollé a la chance d’avoir pour élèves une bonne douzaine de Mexicains, dont il s’occupe merveilleusement;…. qui laissent un souvenir impérissable dans le Trégor. Ils séjournent environ six mois chez nous, avant d‘aller, en 1979, exploiter le nouveau commutateur de Tlahuac-Milpa-Alta, dans la banlieue sud de Mexico… Pensions-nous ! Ils quittent Lannion en nous laissant rassurés sur la future équipe d’exploitation; ils ont reçu la meilleure formation possible. Cette formation est délicate puisque le contrat Mexique prévoit la fourniture d’un central unique en son genre: le niveau 2, qui emprunte beaucoup au E10 niveau 1, lequel est en cours de développement. F. Jollé doit faire quelques
acrobaties, mais la satisfaction des spécificités mexicaines passe par le nouveau produit.
Les cours se terminent à peu près à la date d’ouverture du chantier, juste au moment de la reprise de la formation par la C.I.T.. L’administration mexicaine (Telmex) est très consciencieuse. Soucieuse d’avoir des services au courant de ce nouveau système, inédit sur son continent et si différent de ce qui y existait jusqu‘alors, elle nous a détaché en formation un ingénieur de chaque service.
Le chantier ouvert, nous découvrons qu’aucun des stagiaires pour lesquels nous nous étions donné tant de peine n’est disponible pour l'exploitation: ils ont tous rejoint leur service d’origine. Raté ! F. Jollé, devenu ingénieur d’affaires Mexique, doit organiser, sur place, une
formation pour une nouvelle équipe d'exploitants.
La leçon de cette histoire est que nous ferons désormais très attention à l’organisation de nos clients et que nous nous efforcerons de leur poser les bonnes questions avant d'agir.
D’ailleurs, dans la suite de nos aventures, nous découvrons que la localisation à Saint-Ouen de ce service de formation est une mauvaise idée. Aux portes de Paris, et du métro, quelle belle occasion de s’offrir des vacances parisiennes aux frais de la C.I.T. ! Nous découvrirons très vite que nos stagiaires sont fils ou neveux de ministres et qu’ils n’éprouvent aucun intérêt pour les cours que nous leur prodiguons. D’ailleurs, rentrés dans leurs pays, ils auront bien d’autres activités que celle de faire fonctionner un commutateur, si moderne soit-il.
Cette tendance est assez systématique, quel que soit le pays client. Par ailleurs, comment refuser un stage pour son neveu à celui qui nous signe le contrat ? La solution sera trouvée: le retour à Lannion de ce service formation, qui deviendra l'I.F.A. (Institut de Formation d'Alcatel). Malgré tous ses charmes, le Trégor est moins attractif et plus propice au travail que la place Pigalle à quelques stations de métro ! Les stagiaires sont, depuis lors, beaucoup plus proches des besoins de l'exploitation. Notre "punition" est de continuer à nous occuper de ces stagiaires; M. Clec’h nous y aidera beaucoup. Nous allons bientôt découvrir que la meilleure formation consiste, après une formation théorique, à entraîner les futurs exploitants au moyen d’un chantier école (une maquette est nécessaire) puis à utiliser ce personnel pendant la phase de mise en service. Pour les distraire le week-end et pour leurs déplacements dans le Trégor, J. L’Huillier mettra à leur disposition, quelques voitures des chantiers (4L). (Les chinois ne sachant pas conduire seront équipés de bicyclettes).
Nous aurons la surprise de découvrir certains lundis matin que nos stagiaires sont allés à Londres, d’autres à Lourdes !
Il faut noter que la formation adaptée aux cessions de licence n'a jamais quitté Lannion, conduite, après le départ de F. Jollé, par M. Menez dans les locaux de l'ancien hôpital de Lannion à Kerampont. Mais c'est une promotion, elle a quitté un hospice pour un hôpital !
Ce retour à Lannion des activités formation va perdurer. Aujourd’hui on parle à Lannion d’"Alcatel University" comme une des grandes retombées locales des travaux conjoints d’Alcatel et du…..C.N.E.T., voire de P. Marzin lui même.
L'affaire Mexique inaugure une pratique qui va être reconduite d'affaire en affaire. Devant les besoins considérables de communications, tant professionnelles que personnelles, nos «gars de chantiers» réussissent à séduire certains de leurs camarades des équipes de développement. Ils mettent ensemble au point une modification temporaire (pendant la durée des travaux sur site) qui permet de téléphoner gratuitement de France vers les sites et inversement, à l'insu des exploitants; c'est un peu malhonnête mais tellement économique !
A propos de ces conversations entre les sites et Lannion, ou plus tard Tréguier, il faut dire que nous craignons parfois que certains de nos clients ne nous écoutent. Quand les informations doivent être confidentielles et qu'il nous faut protéger quelques petits secrets, les échanges se font alors en Breton......

Un petit retour sur l’organisation
Quels sont les clients, correspondants de nos responsables sur site ? Au début de nos affaires export, nous pensions que nous allions trouver des organisations assez semblables à ce que nous connaissions en France. Nous nous rendons assez vite compte que nos interlocuteurs sur site se situent à haut niveau. Parfois le Directeur Général des télécoms, souvent le Directeur de la Commutation, (ils ont pris des risques en choisissant un système numérique et un réseau intégré et ils surveillent donc de près tout ce qui se passe).
Nous devons leur présenter des ingénieurs compétents sous peine de discréditer toute la compagnie. Nous avons donc sur site des responsables de travaux câblage, installation, mise en service chapeautés par un ingénieur, responsable technique du site. Il nous faut choisir ces ingénieurs afin qu’ils soient capables d’aborder n’importe quel aspect des problèmes posés par l’introduction d’un nouveau système dans le réseau local, et de donner à l'occasion quelques conseils judicieux. Ils sont aussi les interlocuteurs des responsables de la base arrière trégoroise. Le service des travaux extérieurs gère ce personnel.
Nous verrons même, un peu plus tard, un responsable de chantier devenir l’interlocuteur unique d’un président de république africaine et de son attaché militaire dans une affaire dite de «monitoring» !….

L’Irlande
Encore une affaire de cession de licence, au profit de la filiale que nous créons avec la société Guiness (bien connue: «Guiness is good for you»). Une unité de production et de réalisation sera créée à Bandon dans la région de Cork. En attendant, nous devons démarrer l’installation des premiers commutateurs. Nous faisons l’inventaire de nos anglophones, ils sont peu nombreux. Nous passons alors un contrat avec Man-Power
Irlande pour qu’il nous fournisse des techniciens électroniciens que nous allons former, utiliser sur nos chantiers, pour les faire embaucher enfin par notre filiale A.I.L.(Alcatel Ireland Limited) quand elle sera en état de le faire.
Cette mesure s’avèrera payante car nous avons pu doter la filiale de personnel compétent dès sa création. Cette dernière saura d’ailleurs répondre à nos demandes d’emprunt de spécialistes chaque fois que nous aurons besoin d’un technicien parlant vraiment bien l’anglais (l'entraide celtique). Plus tard, nous emprunterons aussi des opératrices téléphoniques irlandaises, pour Tréguier, pendant que certaines des nôtres iront perfectionner leur anglais, dans la même fonction, à Bandon.

Le Yémen (1980-1984)
Le Yémen est notre premier client E10 niveau 1. L’application Yémen dérive évidemment du produit développé pour la D.G.T. Bien entendu, elle doit attendre que celui-ci soit au point pour prétendre voir le jour. En cas de conflit, la Direction Technique privilégie toujours notre
client principal, tant pis pour l‘export !
Il s’agit d’une refonte complète: logiques dupliquées, nouvelles unités de raccordement d'abonnés, nos Concentrateurs Satellites Electroniques (C.S.E.), capacité accrue……nous allons être en retard. Il y a bien, comme d’habitude, quelques problèmes pour la livraison des bâtiments. Nous gagnons ainsi quelques mois. Notre client est pressé, le ministre yéménite est un fou d’électronique ! Il voudrait bien s’occuper lui même de ces nouveaux jouets !
Comment faire ? Nous tentons de simplifier temporairement le produit commandé en écartant des développements en cours tout ce qui ne nous paraît pas indispensable immédiatement pour l’exploitant. (d‘ailleurs, les cahiers des charges sont remplis, en général, de clauses sans grande utilité
locale, mais qui servent à montrer que l‘auteur est au courant des dernières nouveautés; il faut néanmoins, sur chaque point, être «compliant»). Cela arrange un peu nos affaires. Néanmoins, P. Gourlayvient me conseiller d’annoncer un retard important au client.
Je ne suis pas son conseil, nous faisons comme si, cela nous coûtera un technicien en permanence dans chacun des trois commutateurs, dont les mises en service sont simultanées, pendant environ un an. Au total, le client sera satisfait, et le Yémen est mis en service une année avant Brest, le prototype français du niveau1.
Quel impact aurait eu sur nos prises de commandes l’annonce d’un retard d’une année ?
Notre avenir à l’export aurait pu être différent. Tout est bien qui finit bien !
Nous aurons en dehors du système quelques problèmes. Un seul exemple: il fallait fournir à nos clients des imprimantes qui impriment l’arabe et nous n’étions pas vraiment des spécialistes de la question. Un jour, on m’informe que nos imprimantes écrivent l’arabe comme le français, de gauche à droite, il faut un miroir pour déchiffrer les textes !
Par ailleurs, les développements liés à ces nouveaux E10 incluent un système de localisation d'avaries. Cet outil précieux pour nos clients et nos équipes prend le nom très mnémotechnique en français, à défaut d'être original, de «locavar». Il est capable de désigner un groupe de quelques cartes parmi lesquelles se trouve celle qui présente le défaut. Plus tard, avec les O.C.B. 283, le locavar sera capable de désigner la carte en
panne. C'est merveilleux !

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L’Afrique du Sud (1982-1986…)
C’est notre troisième contrat de transfert de technologie à l‘export, qui s’accompagne, comme pour les premiers, de quelques commutateurs sous notre responsabilité. Toutefois le fournisseur, vu des «South African Post Offices» (le S.A.P.O.), est notre associé Teltech (qui deviendra Alcatel Altech Technologies). L’Afrique du Sud est en pleine crise de l’apartheid; ses avions ne peuvent plus survoler l‘Afrique. L’embargo international la menace. Le S.A.P.O. exige de prendre la connaissance parfaite du produit pour pouvoir éventuellement le faire évoluer lui même. Une dizaine d’ingénieurs sont détachés à Lannion, pendant une année pleine; ils plongent dans tous les arcanes des différents logiciels. Grâce à l’effort consenti et malgré la gêne engendrée pour les équipes de développement, tout se passe au mieux. Nos équipes doivent faire face à un client extrêmement compétent et exigeant. Cela nous fait le plus grand bien. Nous sommes conduits à détacher un ingénieur pour être le correspondant de la compagnie chez notre licencié. Il sera toutefois placé sous l’autorité des équipes de Vélizy. Cependant les difficultés de fonctionnement des liaisons M.I.C. nous sont imputées, le climat se tend. Il faut démontrer que les parafoudres de protection de ces liaisons, qui sont des fournitures sud africaines, sont insuffisants pour tenir sous les orages monstrueux que connaît le pays. Nous fournissons les nouveaux parafoudres (à ionisation) tout juste développés par l’administration des P.T.T. et non encore en service, qui résolvent le problème. Nous avons encore eu de la chance.

Le Liban (1982-1985)
Après un appel d’offre international, les libanais décident de confier la rénovation de leur réseau aux français, moitié en E10 et moitié en MT20 (qui sera plus tard rebaptisé E10MT).
Le Liban est le siège d’une guerre civile; voilà encore une expérience inédite. Les seigneurs de la guerre se partagent le pays. Comme il faut bien qu’ils vivent, ils prélèvent des taxes, manu militari, chaque fois que du matériel entre ou sort de leur zone. Rien de tel n’était prévu ni au projet ni au contrat !
La première fois que je me rends au Liban, le responsable C.I.T. vient me chercher à l’aéroport. En voiture, je trouve la route en bien mauvais état: «c’est plein de nids de poules !». Il me répond avec le plus grand calme: «ce sont des trous d’obus».
Nous recrutons du personnel libanais, parlant bien le français. Il se fait la main sur nos chantiers en France avant de retourner chez lui où nous avons créé une filiale de droit local pour le gérer. Nous limitons bien entendu la présence de nos nationaux dans un pays où tout peut arriver.
Nous sous-traitons le montage et le câblage à une entreprise locale, propriété de notre agent. A ne plus recommencer ! Ce dernier se croit tout permis: ses équipes, par exemple, laissent rouler, sans protection, les tourets de câbles sur les nez des marches d’ escaliers.
La plupart sont brisés. Je dois me fâcher tout rouge et parler de la rupture de notre contrat, il me menace d’aller se plaindre à G. Pébereau .«Allez-y !» lui dis-je.
Tout rentre dans l’ordre avec cet «agent sous-traitant», mais les difficultés s’accumulent.
Nous ne pouvons plus débarquer notre matériel à Beyrouth; il faut aller à Jounié, moins bien équipé. Les bâtiments ne sont pas prêts. Les libanais ne nous paient que s'il y a des recettes venant des abonnés; mais les satellites restent stockés dans leurs caisses d'emballage. Nous devons limiter nos expéditions et trouver des zones de stockage qui, par miracle, n’ont jamais été bombardées … Les retards sont tels qu’il faut prolonger la période de validité du crédit acheteur au delà de 1984.
Thomson Téléphones, de son coté, peine à sortir son produit, bien qu’il soit, comme nous, favorisé par le retard des bâtiments. Nous aurons la joie de recevoir la commande de quatre E10 supplémentaires, remplaçant autant de M.T. pour le compte de notre rival du moment, nous sauvons la mise de notre futur associé !
Finalement, le réseau libanais est mis en service partiellement, le 14 Janvier 1982. Les mises en service suivantes se dérouleront au gré des opportunités offertes par les quelques trêves qui ponctuent cette abominable guerre civile. Le mérite en revient à notre responsable de la filiale J.J. Cornély, qui a toujours gardé un calme olympien, malgré les difficultés et les dangers.
Nous avons mis le doigt dans la création de filiales, notre «parc» de filiales va croître et nous obliger un peu plus tard à nous organiser pour les gérer.

L' Ouganda (1985)
Nos commerçants n'arrêtent pas de dénicher de nouveaux pays aux réseaux téléphoniques déficients. En 1983, c'est le tour de l'Ouganda, deux nouveaux commutateurs sont prévus dans la banlieue de la capitale Kampala.
Il faut dire deux mots de la situation locale, même si cela diminue un peu le mérite de nos commerçants, dans un pays où peu de concurrents se précipitent. Indépendante depuis 1962, cette ancienne colonie britannique est le siège d'une lutte sans merci entre les populations du sud, les «Baganda» (Bantous), et celles du nord de type nilotique. Suivent la dictature d'Idi Amin Dada, puis l'invasion des armées tanzaniennes. Bref, nous devons exécuter ce contrat au milieu d'une atroce guerre civile. Notre courageuse équipe de chantier est dirigée par M. Radier qui part avec sa famille pour Kampala. Les travaux avancent de plus en plus péniblement. Les cadavres jonchent parfois les rues; c'est ce que découvrent les enfants Radier en allant à l'école. Aux combattants se mêlent des bandes de pillards, ce sont eux que notre personnel redoute le plus. Les combats s'amplifiant, je demande que les familles rentrent au plus vite.
Que dit le Quai d'Orsay ?: «Il vaut mieux rapatrier votre personnel, ne laissez sur place que le strict minimum» Que dit la Direction du Personnel ?: « faites pour le mieux, ne prenez pas de risques». Je m'entretiens avec M Radier et lui dis en substance: « Vous êtes, sur place, le mieux placé pour apprécier la situation; je vous laisse décider de l'opportunité du repli, quand vous voudrez.»
Peu après, je reçois de M. Radier une demande d'achat pour un pistolet mitrailleur. Que faire ? Si j'accepte, et qu'il s'en serve en provoquant quelques dégâts, que peut-il se passer ?
Si je refuse, et qu'il lui arrive quelque chose, je me le reprocherai toujours. Je décide de lui faire confiance et de signer la demande d'achat. Une nuit, il devra tirer une rafale en l'air,pour faire fuir une bande de pillards qui l'auraient sans doute assassiné pour le voler.
Le chantier doit être interrompu; des commandos de l'armée britannique se chargent d'évacuer tous les occidentaux, donc toute notre équipe...Je n'ai plus jamais entendu parler de ce pistolet mitrailleur qui doit toujours être immobilisé dans les comptes de la compagnie

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La période des grands contrats

La Jordanie (1982-1984)
Peu à peu les clients souhaitent que les ensembliers que nous sommes en train de devenir, leur livrent des zones téléphoniques clés en main.
Cela implique que nous livrions et mettions en service non seulement le commutateur lui même, les équipements de transmission,( notamment des quantités impressionnantes de terminaux numériques (T.N.E.), à installer souvent dans les commutateurs distants), mais aussi les ateliers d'énergie, les groupes électrogènes, les installations de climatisation. Nous irons, plus tard, jusqu'à fournir les réseaux d’abonnés, la transmission et même les
bâtiments… Tout cela, complique d’abord les offres, (le Groupe des Projets Techniques est maintenant dirigé par J.C. Hue) le travail de l’ingénierie, celui des équipes chantier… Ce sont les équipes de la D.R.EX de Vélizy qui prennent d’abord la direction de ces affaires. Dans
un premier temps, nous agissons comme le sous-traitant commutation.
La D.R.EX de Vélizy s’organise pour répondre à ces nouvelles exigences, elle se spécialise principalement dans ce qui s’appellera le «Hors Commut». C’est B. Macé, un ancien du Janus, qui rassemble les moyens nécessaires. La séparation des tâches avec D.R.C.sur les sites n’est toutefois pas si facile à organiser; les monteurs-câbleurs (les expatriés comme la main d’oeuvre locale) peuvent câbler, outre le commutateur, les ateliers d’énergie, les répartiteurs….mais aussi, monter les installations de climatisation, raccorder les groupes électrogènes….Une filiale locale est nécessaire pour administrer tout ce monde.
Mais la commutation demeure toujours le domaine qui pose le plus de problèmes au client, de ce fait le représentant de D.R.C. est souvent son interlocuteur préféré. Le responsable D.R.EX en prend ombrage, M.Renaud et moi devons veiller au grain.
Malgré ces quelques problèmes, l’affaire Jordanie se déroule bien, même si elle réserve quelques surprises. Par exemple: nous avions à fournir l’annuaire téléphonique, voilà qui ne paraît pas être spécialement compliqué, même s’il doit être fourni en arabe. Mais nous nous apercevrons que les rues ne portent pas de nom et que les maisons n’ont pas de numéro, sans parler des nombreuses homonymies. Il faut passer par des descriptions de la rue, pour localiser nos futurs abonnés. Je n’ai jamais su s’il y avait eu, en fin de compte, beaucoup d’erreurs.
Toutefois, il apparaît bientôt que l’export de série, dévolu à la D.R.EX, n’est pas vraiment au rendez-vous des plans de charges.

Encore un peu d’organisation !
Un soir de 1979, F. Tallégas entre dans mon bureau, un télex à la main, «une bombe !» me dit-il. F.X. Montjean propose la fusion des équipes de D.R.C. et de D.R.EX pour ce qui est de la commutation et la création de la Division Systèmes Internationale (D.S.I.) pour le reste. Un peu plus tard sera également créé le Groupe Industriel et des Licences (G.I.L.) qui prendra la gestion des filiales Irlande et Afrique du sud, où nous devons compter avec nos partenaires, Guiness et Teltech. Au même moment apparaît aussi la Direction des Affaires Internationales (D.A.I.), qui remplace la D.EX., et qui hérite de son directeur: L. Companyo.
Je profite de cette évocation de la D.A.I. pour rappeler rapidement son histoire: Elle va peu à peu abandonner son rôle opérationnel pour se consacrer à la prospection, à la gestion des réseaux, des agents et de tout ce que cela implique, c’est à dire tout ce qui touche plus ou moins au monde politique tant français qu’étranger, aux nombreux réseaux d'influence, au milieu desquels il lui faudra naviguer en faisant les bons choix. Dans les années 80, elle deviendra Alcatel Trade Internationnal, A.T.I., qui s’impliquera dans l’ensemble des activités de la compagnie. Cette tâche n’est pas la plus facile, notre développement à l’export lui doit beaucoup, et donc en particulier à L Companyo et à ses fidèles adjoints P. Noettinger et J. Sidotti. Ce développement n‘aurait pu se faire sans leur action..
Bien entendu, nous acceptons de nous charger de la totalité de l’export, partie commutation, cela simplifie beaucoup les choses. De surcroît, nous sommes plus rassurés quant à notre futur lannionnais, qui demeure une question toujours vivante, même si elle n’est pas souvent exprimée !
Une petite partie de D.R.C. ne nous suivra pas, elle demeurera un support pour les équipes du D.O.N. (Département des Opérations Nationales), et évoluera progressivement vers la fonction validation système. Nous aurons de nombreux contacts au fur et à mesure du développement de nos produits avec ce qui reste du D.R.C. de nos débuts.
Mais il nous faut nous charger des équipes parisiennes. Comment va s’appeler le nouvel ensemble ? Pour éviter de traumatiser nos futurs collègues, je décide de conserver l’appellation : D.R.EX. Nos bretons ne s’en choqueront pas.
L’intégration des services de travaux s’effectue facilement, (les deux entités, sont essentiellement constituées d’expatriés). Peu importe l’unité de rattachement. Pour l’ingénierie, c’est un peu plus délicat, une partie seulement accepte de venir à Lannion; il faut partager les tâches du mieux possible. Les ingénieurs d’affaires seront indifféremment lannionnais ou parisiens. Tout se passe bien, à condition que certains d’entre nous passent un peu plus de temps à Paris. Ce qui, malgré tout est assez supportable, deux à trois jours par semaine, grâce à la liaison aérienne Lannion-Orly.
DSI et DREX demeurent très proches, même dans l’esprit de la direction, puisque nos budgets sont discutés en commun.
Avec le personnel, géré par Vélizy, nous héritons également du parc hétérogène de CIT, entre autres: les Janus installés en Indonésie qui continuent à générer des contrats abondants de pièces détachées, un commutateur télégraphique “crossbar” traversé par un obus à Beyrouth, dont le technicien en charge sur place, (un français bien sûr) s’efforce seul depuis deux ans, d’obtenir les pièces détachées nécessaires à un minimum de
fonctionnement. Ce commutateur est unique dans le pays. On peut parler à son sujet de trafic partagé entre…..les différents belligérants. A noter également les Janus des chemins de fer Sud Africains, avec des signalisations en code arythmique. Un seul agent technique désespéré, caché dans un bureau à Teltech, est chargé de mettre à jour la documentation client. Les nombreuses modifications apportées au système par les équipes chantier, rentrées depuis deux ans, n’ayant pu être reportées dans la montagne des plans, ce solitaire était sacrifié aux exigences du client. Nous irons le délivrer.
Ces opérations Janus nous amènent une bonne douzaine de britanniques, embauchés quelques années auparavant par la C.I.T., pour des contrats en pays anglophone. Nous saurons les utiliser. Certains sont d’ailleurs toujours en Bretagne.
Nous affinons nos relations internes. Nous inventons les “Fiches de Lancement de Travaux export”. Elles précisent les travaux de développement à imputer sur les affaires de la D.R.EX, (applications nécessaires à nos clients, souvent dissemblables d’une affaire à l‘autre). La direction des usines nous réclame des prévisions de charges. Pour répondre à cette requête, nous nouons des contacts de plus en plus étroits avec les commerçants de la D.EX. Le couple Le Jop-Chapuzot fonctionne très bien et nous pouvons fournir des prévisions de plus en plus correctes. Des statistiques, en effet, commencent à pouvoir être établies: sur la pondération des prises de commandes espérées, sur l’étalement des affaires dans le temps. Nous rationalisons aussi l’ensemble de nos relations avec la direction des fabrications, (le nouveau directeur en est M de Peyret). Les principaux problèmes demeurent cependant, comme la dispersion des sorties fabrication pour une même affaire qui s'étalent sur plusieurs mois !
Nous commençons à nous interroger sur l’informatisation de la D.R.EX. Est-il possible de diminuer nos coûts grâce à ce moyen nouveau ? La D.R.EX est notamment en relation avec la Direction Technique, celle des fabrications, la comptabilité, la D.S.I.. Chacune de ces Directions a élaboré son propre système informatique, il répond parfois aux besoins de la Direction concernée, mais ne se préoccupe généralement pas du besoin des autres Directions, (poids de l’histoire, nombrilisme...). Ces systèmes sont évidemment incompatibles. Il faudrait que nous puissions communiquer avec tous. Nous allons mettre plusieurs années avant d’y parvenir. La pugnacité de P. Larmor fera mieux que les tentatives
diverses suscitées au fil des années (dont un contrat signé avec un consultant prestigieux: Mac Donnel- Douglas, par un grand administratif).

Les Mobidix
L’administration des P.T.T., mettant à profit le peu de volume occupé par les commutateurs E10, se découvre des besoins de commutateurs mobiles. Nous devons, pendant une période assez longue, installer des organes centraux, des C.S.E., des ateliers d’énergie, des répartiteurs dans des containeurs ou des remorques fournies par l’administration. On nous explique qu’avoir un commutateur mobile capable de suivre le tour
de France et de suppléer aux insuffisances rencontrées dans certaines villes étapes est de la première importance. Nos commutateurs sur roulettes doivent aussi constituer des moyens de secours, en cas d’incendie par exemple. Voilà qui nous touche beaucoup, nous avons l’expérience ! Quelques années plus tard nous utiliserons une de ces remorques dans une opération de grande importance à l’export, j’y reviendrai

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Sofrecom et le S.C.T.T.

La période de notre fusion avec C.I.T. s’achève; après Malte, la Pologne, l’Egypte, le Maroc, nous avons introduit nos commutateurs au Mexique, au Yémen, au Qatar, à Sri Lanka, en Afrique du Sud, au Gabon, en Irlande, au Liban, en Jordanie, en Tunisie.

Ici ou là, nous voyons apparaître la société Sofrecom, une émanation de la D.G.T. (il existe d’autres sociétés comparables, provenant de différents ministères, dans d’autres activités, le rail, l’armement…). Par contrat avec nos clients, elle se propose de les conseiller tout au long de nos opérations, depuis l’appel d’offres jusqu’à la remise au contrôle et même ensuite pour l’exploitation et la maintenance. Assez souvent, ces conseillers, qui sortent depuis peu de l’administration qui les a détachés, sont persuadés que les règles françaises sont universelles, bien que ce soit loin d’être le cas. Parfois, nous en rencontrons qui s’imaginent aussi devoir protéger le "pauvre client", devant les ambitions et la soif de profit de nos sociétés capitalistes. Nous devons naviguer entre ces écueils qui ne nous crédibilisent pas toujours aux yeux de nos clients. Nous ne pouvons pas, pour autant, nous fâcher avec ces sociétés, animées d'une bonne volonté évidente.
Sofrecom est surtout une société écran qui permet de commercialiser les prestations effectuées par les services de l’administration (formation, contrôle, conseil...). Cette prétention ne fait pas l’affaire de nos commerciaux, dans la mesure où ces prestations sont imputées sur les mêmes protocoles financiers que nos propres affaires, renchérissant le coût de l’opération et diminuant notre part dans le total.
Le Service du Contrôle Technique des Télécommunications (S.C.T.T.) est très concerné par l'action de Sofrecom. Nous le connaissons bien puisqu’il a participé à toutes nos opérations de «jeunesse» en France, (nous avons même embauché certains de ses agents contractuels). Outre le contrôle en usine, (dont nous avons dit quelques mots), nous le trouvons désormais sur nos sites à l’export, en assistance aux équipes contrôle du client qu’il a parfois formées au préalable. Le grand défaut, que nous n’avons jamais pu complètement contrer, est que ses actions se font dans l’ignorance totale de nos contrats. Comment en effet expliquer aux agents du S.C.T.T., tous issus sans transition des différentes D.R.T., toutes les subtilités de nos approches ainsi que les différences importantes que les réseaux de nos clients peuvent présenter par rapport au réseau téléphonique idéal français.
Les dirigeants souhaitent participer à la rédaction des cahiers de recette, et à leur validation, opération que nous effectuons sur maquette et que nous avons toujours considérée comme une question entre le client et nous. Ils prétendent imposer les fiches de recette S.C.T.T. (une centaine), souhaitent donner leur avis sur les clauses contractuelles, et parlent même d’écrire des Normes et Spécification de Service (N.S.S.) à intégrer à nos contrats exports…. En Inde, ils contestent nos calculs de trafic, et annoncent que nos C.S.E. ne font que 86 Erlangs au lieu de 98 comme prévu au marché. Petit problème avec nos clients, que Y. Samoël doit désamorcer en expliquant bien d’où viennent ses chiffres (de la différence dans les caractéristiques des trafics français et indien). Malgré tout, la suspicion est bien lente à se dissiper, d’autant que les ingénieurs du S.C.T.T. contestataires restent en place des mois durant, et nous, nous avons tellement besoin de la confiance de nos clients !
Nous en venons à l’idée de devoir former aux problèmes de l’export les intervenants de Sofrecom et du S.C.T.T.; heureusement nous n’irons pas jusque là. En 1985 nous devrons, néanmoins, leur désigner J.J.Vialla comme interface. A cette époque la recette de nos commutateurs libanais est bloquée par l’absence de leurs experts…
Nos clients ne sont plus tout à fait les mêmes……
Nous avons été habitués au début de nos activités à avoir un client majeur qui ne comptait pas sur nous pour régler ses problèmes. Nous sommes donc assez surpris de rencontrer des clients d’un nouveau type, qui laissent à la chance le soin de résoudre les difficultés qui naissent à la marge de ce qui est strictement la commutation et la transmission associée. Par exemple, nous découvrons, au dernier moment, que rien n’est prévu pour
dépouiller la taxation et émettre des factures. Ceci nous conduit à quelques improvisations ou mesures transitoires, hasardeuses et coûteuses à la fois.
Peut-être aurions nous dû nous rapprocher davantage de ce qui allait devenir France Télécom. Il nous aurait fallu mieux traiter les besoins additionnels de nos clients, notamment dans le cas des contrats clés en mains. Ces clients sont parfois sans beaucoup d’expérience, dotés de personnels sous-payés qui, exerçant un ou plusieurs autres métiers par nécessité, limitent leurs heures de présence sur les sites. Je pense notamment à l’organisation des centres, à la gestion des opératrices, à la gestion des alarmes extérieures à notre système, aux moyens nécessaires au dépouillement des bandes magnétiques de taxation (comme je l’ai dit plus haut), à la gestion des lignes d’abonnés, sièges de raccordements multiples, parfois transitoires, de courants parasites allant parfois au delà de 220 volts etc… Deux mondes se rencontrent, des exemples le démontrent:
Ces problèmes de lignes d’abonnés me valent un voyage en urgence au Sri-Lanka, où l’exploitant se plaint de la fragilité de nos équipements. Ses plaintes remontent jusqu'à New Dehli où nous sommes dans la dernière phase de la négociation de notre première affaire en Inde: l’usine de Mankapur (500.000 lignes/an), et pour la D.R.EX le commutateur de Bombay- Worli, premier de la série,…danger mortel ! C’est à Colombo que je découvre, en me promenant simplement dans la rue, et en observant le cheminement des lignes d’abonnés, où se situe le problème. Naturellement, nos cartes d’abonnés ne résistent pas aux agressions de ce réseau où la «débrouille» des habitants, avec la complicité des exploitants, conduit à de multiples tensions parasites mortelles pour nos cartes, conçues pour un réseau discipliné. Nos clients ont inventé depuis longtemps le support commun pour la distribution électrique et téléphonique, et les lignes partagées !
Les cinghalais acceptent un contrôle préalable au raccordement de leurs abonnés; nous devons refuser bon nombre de lignes dangereuses et contraindre le personnel à les réparer, puis, bien sûr, aller expliquer tout ceci aux indiens.
Un peu plus tard, pour diminuer les problèmes, nous embaucherons et formerons deux techniciens cinghalais, qui interviendront sur l’exploitation et la maintenance, avec rapport technique transmis systématiquement au directeur général des P.T.T. En quelque sorte c’est nous qui payons l’exploitant !
C’est une administration très pauvre, les interventions sur les C.S.E. distants nécessitent une voiture, il faudra que nous nous en «occupions».
Sri-Lanka me fournit encore un exemple qui met en évidence notre naïveté occidentale. Bien entendu, ces marchés sont toujours accompagnés de cahiers des charges très précis, donnant en particulier toute information utile sur l'environnement local. C'est ainsi que la tension du réseau électrique est donnée: 220 Volts plus ou moins 10%. Arrivant sur le site, nos équipes ne tardent pas à découvrir que si la tension nominale est bien de 220 Volts, ses variations la font se situer entre 110 et 380 Volts. Bien entendu, il nous faut remédier au défaut en approvisionnant, en toute hâte et à nos frais, une collection d'autotransformateurs qui règlent le problème.
Lors d'un entretien avec le directeur Général des Télécommunications du pays je lui dis: « c'est dommage que vous n'ayez pas mis vos spécifications techniques à jour, concernant les caractéristiques de votre réseau électrique». Sa réponse fut pleine d'enseignements: « oui, mais vous vous seriez moqués de nous; d'ailleurs, les japonais connaissent très bien l'instabilité de notre secteur et les téléviseurs qu'ils nous vendent sont conçus pour y faire face».
Je me suis trouvé naïf à une autre occasion, il est vrai que c'était au tout début des opérations à l'export. Nous avons terminé le premier E10 du Maroc à Fez, et je me rends dans cette superbe ville pour me rendre compte un peu des choses. L'autocommutateur de Fez comporte trois satellites dans l'Atlas environnant (Sefrou, Immouzer et Ifrane). Sur la route qui y conduit, je m'efforce de suivre le parcours des liaisons M.I.C. Après un certain temps, ne voyant aucun accès aux chambres qui abritent les répéteurs, j'interroge mon accompagnateur, un des responsables télécoms de la région de Fez: « mais où sont donc les accès aux répéteurs ?». Désignant un vaste espace recouvert de gravillons il me répond:
- «quelque part là-dessous».- «combien de temps vous faudra-t-il pour changer un répéteur défaillant ?»,- «deux ou trois jours». Je ne parviens pas à obtenir plus d'information ou d'explication de mon interlocuteur. Il juge que la situation est satisfaisante, malgré ce que je peux lui dire sur ce qui se passe en France, où, dans un tel cas, chaque minute compte.
C'est en passant à Rabat que l'explication m'est fournie par le conseiller français du ministère à qui je fais part de mon étonnement: «Si l'on avait organisé des trappes de visite pour ces répéteurs, immédiatement repérables, elles auraient attiré la convoitise des pourvoyeurs en cuivre des nombreux dinandiers de la région qui se seraient fait un plaisir de transformer nos câbles en plateaux vendus dans les souks». On ne pense jamais à tout !
Un peu plus tard, les chiliens, équipés du M.T., le système concurrent de Thomson, nous menacent de saisir la caution de bonne fin, au motif de la mortalité excessive des cartes d’abonnés. Je me retrouve rapidement dans un avion avec R. Gufflet, le commercial de la zone. A Santiago, je découvre un client compétent, mais une rapide enquête me révèle que les agents des lignes, continuent ce qu’ils ont toujours fait, et «électrocutent»
consciencieusement nos malheureuses cartes d’abonnés, sous prétexte de tester les lignes.
Naturellement, les services de la commutation, nos clients, n’ont rien dit au service des lignes de l’existence dans le système, de moyens de test bien plus pratiques et plus efficaces que la méthode du «bon vieux temps» qui utilise le 220 volts. La caution ne sera pas saisie !
Je n'irai pas jusqu'à parler de choc des civilisations, comme dans un ouvrage récent et célèbre, mais quand même de grande différence culturelle; en prendre conscience aide beaucoup à l'efficacité. A l'export, on n'en sait jamais assez sur les clients, leur pays et son histoire, leurs habitudes; on sous-estime souvent leur fierté (quand il ne s'agit pas de nationalisme), il convient de rester toujours très modeste et respectueux de leur façon de
penser. ......

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L’arrivée à Convenant Vraz (Tréguier) 1983

Convenant Vraz est le nom d’une ancienne ferme située dans la commune de Minihy, qui jouxte Tréguier. C’est dans cette commune que se trouve la maison natale de Saint-Yves, au manoir de Kermartin, non loin de Convenant Vraz, tout un symbole ! C’est aussi là que F.X. Montjean a choisi, avec la bénédiction d’A. Roux, de construire l’unité de production de E10A, clone de l’usine de Poznan, comme on l’a vu plus haut.
Dès 1981, avec le développement des contrats export, le besoin de surfaces pour D.R.C./D.R.EX. commence à se faire sentir. La fusion avec la C.I.T. a fait disparaître le service formation de Lannion; les locaux de l’hospice, sis sur une place de Tréguier, sont devenus libres. Ils ont d’abord été occupés par la Direction Industrielle qui y a installé, malgré l’inadaptation de ces vieux locaux, une chaîne de câblage de bâtis, en attendant de
rejoindre à Convenant Vraz le reste de la production. Nous réussissons, alors, à convaincre la Direction des Chantiers de s’installer dans ces locaux de l’hospice: deux grands bâtiments de deux étages séparés par une cour dotée de locaux annexes. J. L’Huillier a le triste sentiment qu’on a un peu exilé son service, ne l’éloigne-t-on pas pour mieux s’en séparer ? (sentiment partagé par certains de ses collaborateurs). Il existe pourtant quelques compensations comme le «restaurant-cantine» qui sert une excellente tête de veau tous les mardis. Impensable à la cantine de Lannion ! Que de visiteurs le mardi matin !
Dès la mi 82, il devient évident que la D.R.EX devra un jour prochain s’installer à Tréguier (j’utiliserai Tréguier au lieu et place de Minihy ou de Convenant Vraz). D’ailleurs, c’est déjà le cas pour le Groupe des Projets Industriels (G.P.I.). En effet l’activité de production locale migre progressivement vers les usines de la C.I.T., sa disparition est prévue dans les deux années à venir, le personnel ex-S.L.E., lié à la production devra être reconverti !
Les matériels de nos contrats (50 bâtis par semaine en 1982) proviennent de nombreuses usines: Guingamp, Cherbourg, Vélizy, Saintes, Eu, Montargis, Ormes, Chambéry, Bezons, sans oublier les usines de la S.E.M.S. et celles de nos autres sous-traitants: énergie et bientôt climatisation, ateliers d'énergie, groupes électrogènes, sans oublier les S.K.D. (pour “Semi Knock Down)”…. Un regroupement avant expédition s’impose, il se fera à Tréguier, et pendant la phase transitoire partiellement à Cosne sur Loire.
Une partie du personnel de production sera progressivement affecté à une unité nouvelle, l’U.T.E. (Unité de Transport et d’Emballage) Pour l‘accueillir, un troisième bâtiment devra être construit. Ses 2.000m2 s’ajouteront aux 2.000 m2 déjà construits pour la Direction des
Fabrications dont nous allons hériter. Peu après, devant l’accroissement du volume des livraisons et le retard de certains bâtiments de nos clients, une surface de stockage additionnelle de 1000 m2 deviendra nécessaire; elle sera édifiée par la municipalité et louée par nos soins. Une caisserie très moderne fournira nos caisses «export» (Elles doivent répondre aux normes internationales afin de pouvoir être placées dans des containeurs qui voyagent généralement sur le pont des bateaux, et sont soumis à des agressions multiples: les emballages doivent être étanches et le rester pendant plusieurs mois, même dans des conditions tropicales).
Une autre partie du personnel de production sera reprise par G.P.I.; le reste sera intégré à l’établissement ou à la D.R.EX (50 personnes), comme ingénieurs, techniciens, secrétaires ou standardistes. Tous ces changements sont, bien entendu, accompagnés des formations aux nouveaux postes; chacun y mettra beaucoup de bonne volonté, malgré les difficultés, pour réussir des adaptations pas toujours évidentes.
Le personnel de la D.R.EX n’est pas non plus très heureux de devoir s’éloigner de Lannion, où le plus grand nombre a organisé sa vie de famille. Un sondage discret nous révèle que 85% sont hostiles au mouvement, les 20 kms de Lannion à Tréguier font peur !
Une campagne de persuasion s’impose. Quelques années plus tard, je crois savoir que le retour à Lannion provoquera aussi des réactions. C’est sans doute un effet de la loi sur la résistance au changement.
Plusieurs problèmes sont à résoudre avant notre arrivée; le plus visible, mais non le plus simple, est celui de la transformation d’une grande plateforme conçue pour abriter des activités de fabrication en une zone de bureaux. Les fenêtres se trouvent sur une partie de la périphérie, des «skydoms» procurent un éclairage limité au centre de cette surface. Nous décidons de créer des bureaux paysagers avec des cloisons à mi-hauteur transparentes afin que, de chaque bureau, il soit possible de voir l’extérieur. C’est une innovation pour notre personnel qui critique cette disposition, il est vrai que la plupart d’entre nous passe une grande partie de son temps au téléphone et que les qualités acoustiques de notre
aménagement ne sont pas évidentes. Il nous faut d’ailleurs faire installer une demi douzaine de lignes téléphoniques supplémentaires, un câble spécial est tiré depuis Paimpol.
Nous avons de plus en plus de «chantiers école», et donc des stagiaires assez nombreux. Où peut-on les loger ? Il y a bien quelques communautés religieuses à Tréguier qui ne demanderaient pas mieux que de se transformer en hôtel, mais finalement nous continuerons à utiliser les services de Lannion.
Les aménagements débutent en janvier 1983; le personnel arrive entre juillet et décembre de la même année. Au début 1984, nous sommes tous à Tréguier.
Peu à peu, comme nous le verrons, le site devient un centre entièrement dévolu à l’export. Il est évident, pour tous, que nous sommes dans des enjeux de concurrence internationale et que pour survivre, la qualité du produit ne fait pas tout, il nous faut nous battre et nous classer parmi les meilleurs. Cela donne à l’établissement un esprit spécifique très positif où le souci et le respect des clients sont très présents. Les aléas, nombreux, sont surmontés grâce aux initiatives de l’ensemble du personnel. Malgré tout, les allègements d’effectifs que nous allons vivre, la fusion avec Thomson Téléphones, ressuscitent la crainte d’un déplacement de notre activité vers la région parisienne. Cette perspective, sans fondement à cette époque, finit par empoisonner l’atmosphère. Comment réagir ? Je décide de menues dépenses qui vont modifier le climat; je fais dessiner des parterres et planter des fleurs : azalées, rhododendrons, bruyères et quelques arbustes, derrière les bâtiments, nous créons un verger avec des cerisiers et des noyers; au mois de mai, l’établissement devient magnifique et le moral revient.
Tout visiteur étranger voit ses couleurs au sommet d’un mât, quand il arrive. Ce geste de considération contribue à faciliter nos relations (naturellement, le drapeau breton n’est pas oublié). L’été nous organisons des repas sur les pelouses …quelques photos en témoignent.
Un seul ronchon: le voisin cultivateur dont les choux fleurs sont dévorés par les nombreux lapins qui s’abritent sur notre terrain, où ils ne sont pas chassés. Je prends contact avec le garde-chasse qui accepte de me débarrasser des lapins et de les échanger contre des chevreuils qui ne passent pas sous les grilles de clôture. Mais je serai parti avant que ce rêve ne se réalise…

Faisant suite aux groupes d’industrialisation et des licences (G.I.L.) (Afrique du Sud, Irlande), en Juin 1983 naît le D.O.I., Département des Opérations Internationales, responsable de tous les contrats export. Il est dirigé par J. Curvale.
Jusqu’à cette date, cette responsabilité était partagée entre les Directions techniques et industrielles. La création de ce nouveau Département, pendant du Département des Opérations Nationales, résulte de la croissance de l’activité export et du besoin de disposer de services commerciaux bien structurés par secteurs géographiques, comme de la nécessité de la gestion des bureaux, des succursales et des filiales à l'étranger.
Bien entendu, la Direction Technique est nécessairement très impliquée dans cette activité export: conceptions, développements, disponibilités des produits, planification et développement des spécificités techniques de nos clients, analyse et réponses aux appels d’offres ne peuvent trouver de réponse qu’en son sein. Mais quid de la D.R.EX ? J. Curvale demande que la D.R.EX soit intégrée au D.O.I.
Il semble à tous ceux de Tréguier, que, outre l’intérêt de conserver des relations franches avec les «développeurs», avoir un patron breton en Bretagne peut nous éviter des aspirations parisiennes. C. Fayard tranche en notre faveur: nous conservons le monopole de nos prestations. Pour les grosses affaires comme l'Inde ou la Chine, le responsable d'affaire sera D.O.I., il nous sous-traitera nos propres prestations. D.O.I. délèguera à la D.R.EX la direction des petites affaires. J’accepte un double reporting. La Division Système International intègre le nouveau département.
Nous nous mettrons d’accord sur différents points, comme la gestion des conditions d’expatriation que revendique le D.O.I., l’élaboration de méthodes générales de vente. Elles sont destinées à éviter les difficultés liées à l’imagination débordante de nos commerçants, prêts, et c’est bien naturel, à accepter à peu près n’importe quoi, pourvu que le client signe le contrat. Le département transmission s’associera d’ailleurs à cette réflexion qui va durer !
Cette organisation tiendra deux années, c’est une durée normale entre deux organisations. Pendant ces deux ans, nous aurons de très bonnes relations avec nos amis du D.O.I.

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Quelle est la situation de la compagnie ?

Ces efforts d’organisation de l’export se justifient d’autant plus que la survie de la compagnie en dépend. En effet l’administration des P.T.T. a réussi à combler le déficit téléphonique du pays; ses commandes annuelles vont plonger de 2,5 à 1,2 millions de lignes. Il nous faut donc absolument nous tourner vers l’international, et si possible grossir, d’où les accords avec Thomson Téléphones. Le financement de nos opérations par des crédits d’origine française est très limité. Cela conduit à envisager des implantations industrielles dans d’autres pays européens (on voit là l’origine de la fusion avec I.T.T.). Si l’on pouvait au moins réussir une superbe percée sur le marché U.S. ! (d’où les efforts sur le E10 five,( nous alimentons Alcatel U.S.en matériels), et le développement du E10S). Le salut peut aussi venir de succès aux Indes ou en Chine. Nous subissons une pressionconsidérable; les essais systèmes effectués par les Indiens à Bombay-Worli doivent conduire à la qualification du E10 pour le réseau indien. Dans ce contexte, la réussite est capitale.
Ces essais vont durer plusieurs mois. G. Chevalier va les conduire avec brio, mais l’inquiétude de certains chefs est perceptible.

Bombay-Worli -(1984-1985)
Il faut nous préparer soigneusement; nous ferons une validation du système à Tréguier avec toutes les applications proprement indiennes. Puis nous répèterons ces essais à Bombay, avec des contrôles de performances, en compagnie des clients et du S.C.T.T.
Suivront la «test period» puis la « running in period» qui vont durer 6 mois avec des mesures de fiabilité. Nous validerons aussi le cahier de recette qui sera applicable à tous les autres commutateurs produits en France ou en Inde, ainsi que les règles de dimensionnement adaptées aux spécifications indiennes. De même, nous devrons développer un système de collecte des données de traduction, des consignes en cas d’incident…
Pendant tout ce temps, les demandes du client pleuvent, souvent pour des problèmes connexes, comme la gestion des alarmes d’énergie ou de la transmission. Que faire des lignes d’abonnés sièges de potentiels parasites ? Quelles sont les consignes en cas d’incident, par exemple blocage du C.T.I.(Centre de traitement des informations) ?
Parmi les tortures spécifiquement indiennes figure le «monkey typing», c’est à dire la frappe du singe: imaginons un singe devant le C.T.I., déchaîné sur le clavier, le système ne doit pas se «planter». Or, à Bombay, une femme de ménage, en laissant tomber son balai sur le précieux clavier a réussi le coup du singe, le C.T.I. ne répond plus……Ce qui n’empêche pas notre client d’exiger 64 terminaux, alors que le système n’en prévoit que 32...
Nous devrons lui donner satisfaction après une longue résistance.
Un jour, une tempête s’élève: les abonnés raccordés sur des C.S.E. distants sont complètement coupés de téléphone, lorsque la liaison M.I.C. est interrompue. Il n’y a même plus de communication locale à l’intérieur d’un même village ! …Voilà qui va nous servir pour le C.S.N. (Centre Satellite Numérique) en cours de développement; nous devrons installer un retour automatique en communication locale, en cas de coupure de la liaison M.I.C.
Les indiens ont un sens aigu du détail, sans doute l'ont-ils hérité des britanniques. Ceux-là ont laissé des traces profondes; un seul exemple: un jour, en visite aux usines de I.T.I. (Indian Téléphones Industries) à Bengalore, avec F. Tallégas nous sommes reçus par notre agent, ex brigadier général, au cercle militaire. Dans le hall un immense portrait de Wellington nous acceuille, c'est dur pour des français !
Ce n’est qu’en avril 1985 que nous verrons la connexion au réseau. Mais tout s’est bien passé, les indiens parlent d’un second contrat……..

Quoi de neuf à la D.R.EX ?
Bombay n’est pas tout. La D.R.EX de Vélizy s’insère dans notre dispositif, nous lui confions des tâches spécifiques: D. Roselier crée le service des petites commandes (S.A.P.C.), la multiplication de nos clients fait que leurs demandes génèrent un flux de plus en plus important de produits consommables, introuvables dans les pays clients. Bien sûr, c’est toujours urgent, et bien sûr aussi, difficile de se faire payer…Ce service couvre aussi les besoins de nos clients plus anciens qui ont acheté du CP400, du Janus, des commutateurs “crossbar” télégraphiques, et même un AXE (à Madagascar), fruit des bonnes relations temporaires avec Ericsson. Les compétences du nouveau service couvrent les produits transmission comme ceux de D.S.I.., objets de nos contrats, et les mouvements liés aux réparation des cartes.
D’autres s’occupent de définir des ateliers de réparations, basés sur les probabilités de pannes de chacune des cartes… Le retour en France des cartes en panne est en effet un vrai problème (le transport, les douanes…); il vaut mieux vendre au client un atelier de réparation, avec un jeu de cartes en volant, qui évite 90% des retours (un échange standard avec l'Inde dure 3 mois). Associés à ces ateliers, nous définissons des «lots tampons» propriété du service des travaux extérieurs, «les chantiers», qui évitent aussi le retour des cartes en panne pendant la phase de mise en service.
En effet, les performances de la D.R.EX inquiètent: nos dépenses représentent 140% des prévisions des projets (D.R.P.). Nous recrutons un contrôleur de gestion, il est basé à Vélizy.
C. Sarcy entreprend de définir une structure comptable de la D.R.EX, cela prendra un peu de temps, plus tard, quand nous serons à Tréguier nous aurons notre propre comptabilité dirigée par S. Le Borgne. Nous finirons alors par avoir un suivi permanent de l'évolution de nos dépenses sur affaires, des présentations régulières faites par les ingénieurs d’affaires: leurs bilans, les analyses des résultats, les risques encourus (pénalités, pertes à terminaison…), les «reste à faire».
Nous nous interrogeons sur l’origine de ces dérives.
Il y a beaucoup d’optimisme au moment des projets, surtout sur le temps nécessaire à l’exécution des affaires. Les bâtiments, quand ils sont à la charge des clients, sont généralement en retard, s’agissant du commutateur lui-même, ce retard nous arrange souvent, mais l’absence de bâtiments pour les satellites nous bloque dans les pays bien au delà de nos prévisions.
La pression des commerçants, au moment des offres, pour la réduction des coûts, est systématique, elle est de même fort importante pour donner satisfaction aux demandes du client pendant la phase d'exécution.
Mais nous découvrons des dépenses qui ne sont jamais budgétées, comme le transport des matériels de la Transmission, l‘importance des heures de manutention, (sans parler des moyens parfois inexistants sur les sites; une cassette qui m’est destinée, me le démontre sur un site népalais dans les contreforts de l’Himalaya), certains achats, les surcoûts des transports liés à la dispersion des livraisons, l'assistance technique gratuite dispensée aux clients insuffisamment préparés…Il faudra beaucoup de temps pour mettre d'accord les prévisions et les constats, même après l’arrivée de Thomson…Nous constituerons une petite équipe autour de L. Dubranna pour affiner nos devis et nos catalogues de prestations.
Nous découvrons également que les comptables de la compagnie, prudents, avaient cumulé, sans concertation, au fil des affaires, 200 millions de francs de provisions, qui n’avaient plus aucune justification. Cela fait du bien au résultat de cette année-là.
Tout cela a quand même des conséquences positives: «on» nous accorde quelques crédits, dits d’études libres. Nous pourrons faire développer quelques outils spécifiques pour les chantiers et l’ingéniérie. Ce dont nous nous félicitons le plus est un simulateur d’appels (S.A.T.A.N.) qui ne nécessite que quelques cartes à insérer dans un C.S.E. et qui évite le transport , par avion, des SIMATs. Ces énormes machines ne supportent pas les descentes d‘avion souvent brutales. De même, un P.C. nous permet désormais de saisir les données des sites et de les traiter localement pour introduction dans les traducteurs. Auparavant il fallait faire revenir les données à Lannion pour les traiter en centre de calcul. Un configurateur de commutateur devient disponible sur le C.T.I.; de même un simulateur de fonctionnement, en fait un commutateur fictif sur le C.T.I., (qui peut en gérer 6), permet à l'exploitant de se faire la main, sans risques…
C’est aussi à cette époque que se construit vraiment la téléassistance aux clients.
Profitant de nos surfaces providentielles, nous pouvons organiser à Tréguier, un espace qui regroupe les maquettes des affaires en cours, ainsi qu’un C.T.I. Ces maquettes servent à reproduire les défauts qui sont signalés par les chantiers et les exploitants, mais aussi à prendre la main à distance sur les commutateurs de nos clients, bien entendu avec leur autorisation, pour établir un télédiagnostic, voire pour tenter une intervention à distance.
Nous essayons de vendre ce service, sans grand succès (les crédits qui seraient nécessaires aux clients désargentés pour satisfaire à l’entretien et à la maintenance des équipements, sont malheureusement inexistants, ils n'intéressent ni les banques, ni le ministère des finances). Par contre, nos ingénieurs et techniciens sont sollicités quotidiennement, cet outil devient un accompagnement indispensable pour les agents de nos clients insuffisamment familiarisés avec nos machines. Cela nous permet de nous dégager plus facilement des sites. Les décalages horaires nous conduisent à organiser une présence 24h/24 avec des astreintes à domicile.
La téléassistance va même séduire la Direction Générale qui, plus tard, trouvant là un excellent argument de vente, voudra en avoir une à Vélizy . Elle servira à prouver aux visiteurs, éventuels acheteurs, combien la compagnie prend soin de ses clients.
Le Service Après Vente (S.A.V.) se constitue à Tréguier; son catalogue est riche de 800 rubriques commutation, 100 S.E.M.S., 150 Transmission, et quelques autres pour un total de 1200 “items”. Plus tard nous le fusionnerons avec le S.A.P.C., quand ce dernier sera transféré de Vélizy à Tréguier.
L’informatique de la D.R.EX, progresse un peu, en ce qui concerne tout au moins nos besoins internes. Les connexions avec les informatiques des services de production, de comptabilité générale,…restent toujours à l’état d’espoirs malgré les aides extérieures. La solution développée par P. Larmor pour la D.R.EX. finira par s'imposer à l'ensemble de la compagnie.
Les problèmes techniques se multipliant avec les affaires, l’éloignement de Lannion, (malgré les excellentes relations), l’entrée en scène des équipes techniques de Vélizy, l’augmentation du nombre de systèmes (nous sommes très impliqués dans les évaluations des coûts de mise en oeuvre du E10S) nous conduisent à regrouper sous la dénomination de Services Techniques Centraux (S.T.C.) des activités assez diverses, en complément des fonctions d‘interlocuteur de la Direction Technique:
- le bureau plan travaille en étroite liaison avec les services commerciaux, nos propres services, comme avec tous nos fournisseurs. Il élabore, grâce à des méthodes statistiques, comme je l’ai dit plus haut, des plans de charges glissants pluriannuels assez exacts, utiles à tous. Il est dirigé par R Le Jop puis par P Rupert.
-l’informatique D.R.EX produit des configurations pour les principaux systèmes, informatise les lancements, génère les logiciels des sites, les dossiers d’installation, les métrages, toutes fonctions qui allègent le travail de l’ingéniérie.
-la formation conçoit et fait exécuter par le C.C.I. de St Ouen, (puis de Lannion) les cours théoriques et les stages pratiques des exploitants-clients dans tous les domaines nécessaires, y compris à la D.R.EX. Il en contrôle l’exécution et le coût.
-la qualité, l’équipe chargée des produits nouveaux, la gestion technique des produits installés, le support à l’exploitation et à la maintenance de nos systèmes sont aussi regroupés dans ces services .
-Ces services abritent aussi les responsables techniques d’affaires qui viennent en aide aux ingénieurs en charge des contrats; ils sont placés sous la direction de D.Guyomard.

La Chine (1984…)
L'énumération "incomplète"précédente montre que bien des choses ont évolué depuis nos débuts; notre organisation est devenue complexe. Nous sommes plus aguerris; les contrats se multiplient. La Chine en est le plus bel exemple: Pékin en E10B au palier 10, avec les premiers C.S.N., le langage Chill, des tables d’opératrices type Sysope venant de chez Thomson, les premières signalisation en C.C.I.T.T. n°7, un produit capable d’un million de tentatives d’appels à l’heure chargée, et de raccorder 2048 M.I.C.s. C’est sans doute l’affaire où les problèmes techniques et de développement ont été le plus imbriqués avec la réalisation. Le nombre de paliers techniques, de versions, les modifications des matériels, (avec le concours du client) ont été nombreux pendant l'exécution du contrat. L’équipe de la DREX doit sans cesse expliquer pourquoi telle ou telle fonction attendue par BTA ( Beijing Télécom Administration) n’est pas encore là, tout en obtenant des centres techniques les modifications minimales, pour que l’exploitant n’éprouve pas trop de difficultés (il y aura toutefois trop de mises à niveau qui nécessiteront la coupure du trafic). Il faut aussi faire attention à “sauver la mise” des responsables chinois qui pourraient être critiqués, voire plus, par leur hiérarchie, d’autant qu’il leur arrive de faire des déclarations à la presse, sans nous consulter. (comme 28.000 abonnés à la fin 1985 alors que nos C.S.N. ne battent pas encore de l'aile en ce joli mois de mai).
Le vocabulaire est très important. Les réunions durent parfois quinze jours afin que chacun puisse présenter un compte rendu, la tête haute. Nous sommes tous obligés de monter au filet, y compris F. Tallégas. Nous devons compenser nos défaillances, (elles sont nombreuses), car presque tout, à Pékin, est une première, les blocages des C.S.N., ou des C.T.I. , ou de la Transmission nous contraignent à réagir très vite…On rêve aussi de Canton en E10S, (si tout se passe bien au Rwanda ).
Mais la Chine est une aventure en soi, qui mérite d’être comptée par les acteurs eux-mêmes. Après avoir souffert dans les H.L.M. chinois du quartier Fa Tou, J.P. Lemaire va prendre la direction des opérations sur le site; il réussira à créer un excellent climat avec le client, je peux même dire à faire naître des amitiés entre nous, chinois et bretons ! On ira jusqu’à leur enseigner les danses bretonnes.
C’est dans cet esprit que nous recevons à Paris les équipes de B.T.A.(Beijing Télécoms Administration) Mais, alors que nous sommes bien perçus à Pékin, nous sommes piégés par le 14 juillet 1989... En juillet de cette année, se tient en France une de nos réunions avec B.T.A., un des nombreux "high level meetings". Des fêtes somptueuses sont prévues pour le bicentenaire de la révolution française, parmi lesquelles un défilé grandiose sur les Champs Elysées. Comment ne pas inviter nos visiteurs à ce défilé? Nous leur promettons donc qu’ils assisteront à ce spectacle, suscitant chez eux un intérêt bien visible.
Peu après avoir lancé cette invitation, nous découvrons le programme de ce défilé… Il s’ouvre par un char des dissidents de la république populaire de Chine qui évoque la répression des étudiants sur la place Tien an Men à Pékin du début Juin de cette même année; les blindés écrasent "le printemps de Pékin". Parmi nos invités, nous distinguons des opinions qui semblent un peu différer (autant que nous puissions en juger), mais il y a des marxistes convaincus, comme celui qui nous demandera de le conduire au mur des fédérés au père Lachaise. Comment faire?… Nous décidons de revenir sur notre promesse et de leur proposer un spectacle différent: la remontée de la Seine par une flotte composée des plus grands voiliers du monde, à Rouen, manifestation qui participe également de la célébration de l’anniversaire de la révolution française et qui ne nous semble pas devoir se produire de sitôt en Chine. Mais nous nous heurtons à leur déception; il faut leur forcer la main pour les emmener à Rouen ce 14 juillet. Ils ne comprendront que le soir, à leur hôtel,en regardant la télévision. Ils auront le bon goût de ne pas trop nous en vouloir…….
Mais revenons aux milieu des années 80…

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L’Epoque de la fusion avec Thomson Téléphones (1984-1985)

La fusion et ses conséquences
C'est vers 1983 que l'on commence vraiment à parler de la fusion avec Thomson Téléphones. Elle va prendre beaucoup de temps. En novembre, on examine comment modifier l'organisation pour préparer la fusion, un plan détaillé est prévu avec pour objectif: mi-85. Comme je l'ai dit plus haut, il faut absolument que nous nous développions à l'export. La nouvelle organisation devra en tenir compte.
Je vais essayer de relater les principales étapes de cette fusion qui va malheureusement s’accompagner de plans sociaux. Je ne peux oublier combien ces opérations sont pénibles et combien elles ont créé de difficultés au personnel concerné, et parfois engendré des drames. Il faut rendre hommage à tous ces sacrifiés qui, eux aussi, et malgré eux, ont contribué au succès de notre aventure commune.
C'est fin 84 que la Direction Générale décide de transférer à Tréguier, pour la mi 85, l'intégralité de la D.R.EX de Vélizy. Cette mesure s'accompagne d'une réduction de nos effectifs qui va être facilitée par ces déplacements géographiques. L'effectif total de Tréguier va perdre 89 personnes et descendre à 573 (383 D.R.EX, 54 établissement, 42 G.P.I., 59 U.T.E., et 35 pour ce qui reste de la production). C'est D. Langeron qui, à Vélizy, avant de venir dans le Trégor, cherchera, avec succès, à "reclasser" les 44 qui ne veulent pas venir à Tréguier. L. Le Merdy jouera le même rôle pour ceux qui vont quitter Tréguier. Un bureau emploi est créé à cet effet, des espoirs de créations de postes sur la zone industrielle
existent. Il faut s’occuper de chacun en particulier, l’aider à résoudre le problème que nous lui posons et surtout ne pas perdre sa confiance. Le DOI est lui aussi touché: d’un total, avec la DREX, de 1.029 personnes à fin 85, il doit se réduire à 840 à fin 87.
La fusion se poursuit pendant ce temps. La procédure légale est engagée par la réunion des deux comités d’entreprise à la fin septembre 85. La fusion sera effective le 31 décembre 1985. Elle concernera au total trente sociétés.
J.P.Meulin venant de L.M.T. Lannion, qui disparaît dans la fusion, arrive à Tréguier, où il me remplacera, plus tard, comme chef d'établissement.
Le nouvel ensemble aura un chiffre d’affaire de 7 milliards de francs, y compris une part export totale de 2 milliards.
C’est aussi à cette époque que l’unité de production de Guingamp est condamnée, (comme L.T.T. et T.C.T.) et que nos premiers contacts avec Thomson conduisent à viser deux pôles pour réaliser la fusion des équipes export: l’un à Vélizy, l'autre à Tréguier. Notre établissement doit regrouper à terme tout ce qui concerne les réalisations, y compris le Service de l'Ingénierie d'Environnement (S.I.E.) qui sera rattaché à la D.R.EX. après avoir reçu les effectifs correspondants de Thomson. Mais attention à ne pas le casser en route; en effet de nombreuses défections s'annoncent, et B.Macé hésite, J. Curvale finit par le rassurer. ! Nous venons de réussir à créer le centre des Réalisations Internationales d'Alcatel commutation à Convenant Vraz, c’est en tout cas ce que nous indiquons sur les panneaux de signalisation qui permettent de nous trouver, au milieu des prairies et des champs !
Les "cartes" commencent à s’abattre, bien entendu les questions de personnes compliquent un peu les choses. Côté Thomson, quelques "poids lourds" font de la résistance, d’autres espèrent des améliorations dans le fonctionnement car, à l’export ils ont trop souffert des "diktats" de la Direction Technique Thomson qui leur imposait ses vues sans discussion. Ils souffrent du Liban, d’Athènes…Nous préparons des nominations croisées, des responsables C.I.T. seront nommés à Thomson et inversement. C’est mon cas et celui de J.M. Busy-Debat le 1er juin 1985. Ce dernier va prendre, sous ma direction, le groupe des grands contrats, destiné à remplacer la Division Système Internationale, responsable des
réalisations en Inde, Irak, Jordanie, Egypte, Syrie, Afrique du sud, Irlande, Liban et Chine.
Peu à peu tous ces contrats seront gérés directement par la D.R.EX, en liaison avec les établissements locaux. Le groupe des grands contrats disparaîtra (il renaitra en 1988), J.M.Busy-Debat deviendra mon adjoint parisien, conservant ses ingénieurs responsables d’affaires, qui seront intégrés dans la nouvelle D.R.EX de Vélizy. Plus tard, J.M. Busy-Debat se trouvera une affectation en dehors du D.O.I.. Environ la moitié des effectifs sédentaires des réalisations de Colombes viendra à Tréguier. P. Guichet est nommé à la Direction Générale, C. Fayard nous quitte discrètement. Nous le regretterons.
Il nous faut harmoniser les statuts des itinérants, prévoir des surfaces tant à Vélizy qu’à Tréguier, nous préoccuper des moyens pour faire les offres concernant Thomson et le hors commutation, établir un tableau de bord commun aux deux activités. Certains, ailleurs, doivent commencer à réfléchir à une politique “produit unitaire”, d’autres définir les conditions des transferts de personnel. Le 13 juin 1985 sont annoncées l’ intégration de D.R.EX dans le D.O.I., (et celle du S.I.E. dans D.R.EX); le 24 juin Thomson annonce le regroupement de ses réalisations avec D.R.EX à Tréguier, sous deux ans maximum, mais les chantiers viennent tout de suite, de même le groupe des projets industriels est rattaché au D.O.I.. On fusionne également les établissements d’Egypte et du Liban (J.J.Cornely nous quittant, est remplacé par un local de Thomson :M. Haddad.).
E. Fouques vient à Tréguier, où il va diriger le service des travaux extérieurs qui résulte de la fusion. J. L’Huillier sera mon adjoint opérationnel à Tréguier, un peu le pendant de J.M.Busy-Debat.
Le Département des Opérations Nationales déménage, lui aussi, de Vélizy à la Verrière. (toute proche). Les usines de mécanique et de connectique rejoindront la future branche “composants”.
F. Tallégas devient Directeur Général Adjoint de la branche commutation, P. Gourlay directeur technique avec un directeur du développement ex-Thomson : C. Tournier qui a autorité sur les centres techniques. Le Directeur des Produits sera F. Viard, celui du marketing, A Le Bihan, et celui des affaires sociales, M. Malapert. Les projets techniques (G.P.T.) dépendent désormais de C. Tournier. C’est M. Garnier qui dirigera l’établissement de Lannion. Voilà pour l’essentiel des changements qui nous touchent de près. Il y en a d’autres…..et ce n’est pas fini.

Nationalisation, privatisation (1981-1986-1987)
Après les élections présidentielles de 1981, la compagnie est nationalisée. Viennent les élections législatives de 1986 et le changement de majorité avec la première période de cohabitation: nous sommes privatisés.
Ces changements sont sans incidence sur notre quotidien, cependant nos présidents nous quittent. A chaque fois, leur sagesse a prévu quelqu’un capable de reprendre le flambeau. A. Roux, qui aimait tant le Trégor, au point de s’y faire enterrer, avait G. Pébereau en réserve et ce dernier avait demandé à P Suard de se tenir près à le remplacer. C'est ce qui arrive en juillet 86.
G. Pébereau nous fait ses adieux par un communiqué où il précise que la C.G.E., bientôt Alcatel, avait à son arrivée, 18 années auparavant, un chiffre d’affaires de 4,5 milliards de Francs et qu’à son départ nous en sommes à 28,3 milliards.
Avant de partir, il nous révèle les accords qu’il vient de «conclure avec I.T.T., d’une part, et A.T.T. et Philips d’autre part», accords qui «débouchent sur l’une des plus importantes opérations jamais réalisées», et qui doivent conduire à une «position de leader» dans le monde des télécoms. Nous pensons tous que cela n'aurait pu être si E10 n'avait pas réussi sa percée.
A quelques uns, il explique les raisons de ces grandes manoeuvres: la taille critique pour la commutation se situerait à 8% du marché mondial; seuls, après l‘apport de Thomson, nous n’en avons que la moitié. Pour perdurer, il faut donc grossir. Les accords vont nous le permettre et nous placer au 2ème rang mondial, avec12 %. Par ailleurs, I.T.T. possède des marchés captifs dans toute l’Europe qui sont très complémentaires des nôtres (31% en Allemagne, 80% en Belgique, 75% en Espagne…). Le système 12, avec des variantes, est déjà adopté par 20 pays, et A.T.T. va nous ouvrir les Etats-Unis. La finalisation de ces accords sera longue, prévient-il, et… sans lui. J. Curvale est appelé rue Emeriau pour s’occuper de cette nouvelle fusion, et P.Caizergues le remplace début 1987, la compagnie n’a plus trop besoin de lui pour réussir la conquête des U.S.; le E10 Five a peut-être vécu. (Voilà qui nous touche cette fois de près).
Parallèlement, comme je l’ai dit, P. Suard va prendre la présidence. Quelques jours avant, il entreprend une tournée des établissements et vient donc à Tréguier le 2 Juillet. Nous lui présentons, tout l’après-midi, le détail de nos activités. (F. Sampermans qui l'accompagne seule et gère son emploi du temps, lui avait pourtant promis une baignade en fin de journée à Trébeurden où il a son hôtel). J’ai peur de l’ennuyer par trop de longueurs, mais il a le bon goût de ne pas s’en plaindre et dîne avec tous les chefs de service de la D.R.EX, le soir, à Perros-Guirec. Je crois, bien qu’il évite tout commentaire, qu’il est au fond assez satisfait de trouver un établissement bien sensibilisé à l’export et à ses difficultés, tout en regrettant que nous ne soyons pas à Lannion. D’ailleurs, plus tard, à au moins deux reprises, il m’en fera la remarque…Et, ce déménagement finira par arriver. Les petits établissements sont réputés onéreux !
Naturellement il s’adresse aux cadres pour leur annoncer que nous devrons comprimer nos effectifs pour rester compétitifs. Nous sortons d’un plan social, il va falloir recommencer, et P. Guichet va s'en occuper activement. Le D.O.I. perd en effet, cette année là, centmillions de francs de résultat..

Quelques effets collatéraux
P. Caizergues, en arrivant, obtient que le Groupe des projets techniques soit intégré au D.O.I.. Toute l’équipe G.P.T. de Lannion est donc mutée à Tréguier. Après avoir préparé son arrivée, nous l’accueillons, à la fin de l’été 87. Nous décidons de fusionner les anciens services techniques de la D.R.EX avec les projets. Il existe en effet pas mal de préoccupations communes entre les activités de S.T.C. et celles de G.P.T. En ce qui me
concerne, je trouve cette modification de l’organigramme positive. Nous allons pouvoir orienter les responsables des offres vers des fonctions de chefs de projets, dans le sens classique du terme, c’est-à-dire des équipes plus proches des réalisateurs, avec l’espoir de faire exécuter le contrat par celui qui en a fait le projet. J. C. Hue prend la responsabilité de la nouvelle équipe qui devient la Direction des Offres et des Services Techniques du D.O.I. (D.O.S.T.). C’est l’occasion de redéfinir ses missions, concernant les affaires, la prise en charge des produits nouveaux, les aides au fonctionnement des services. Nous précisons nos nouvelles interfaces avec la Direction Technique, qui s’engage à nous livrer des produits validés, y compris quand il s’agit de mises à paliers, (procédure dite des 100 "coups"). De notre côté les chantiers fournissent désormais des rapports d’anomalies que la nouvelle D.O.S.T. analyse et fait suivre, si besoin, à la D.T., avant de répondre aux auteurs.
Les offres liées aux matériels ou aux prestations hors commutation sont désormais élaborées par les chefs de projets D.O.S.T., avec l'accord de l'ingéniérie. Ce n’est pas forcément très facile; nous avons, en effet, 139 fournisseurs extérieurs; pour une affaire type comme celle de Gambie, nos coûts se partagent: 40% commutation, 7% transmission, 36% bâtiments et 17% environnement (les groupes électrogènes, la climatisation…). Seuls les bâtiments sont confiés à la petite équipe de M. Bouzid (un ami de P. Guichet) qui est installée à Vélizy et qui voudrait bien étendre ses prérogatives à l’ensemble du “hors commutation”; B. Macé ne se sent pas toujours à l'aise. M. Bouzid a parfaitement réussi les bâtiments du contrat 11F d’Alexandrie (2 milliards de francs), et la pose des câbles d’abonnés dans la ville, grâce à une sous-traitance à l’armée égyptienne. C’est un concurrent sérieux.

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L’après -fusion avec Thomson

Cette période concerne, évidemment, la préparation des modifications qui vont suivre les accords avec I.T.T. Cette préparation est longue et se passe à très haut niveau à Bruxelles et rue Emeriau. Je n’y ai pas participé, et n'ai pas vécu les incidences qui vont en résulter. Je laisse donc à d’autres le soin de conter les conséquences sur nos équipes de cette énorme opération qui va bouleverser le paysage des industries des Télécoms en Europe.
En ce qui me concerne, je note seulement, depuis que nous sommes D.O.I., un triplement de mes besoins en cahiers de notes, ce qui semble signifier un triplement des réunions où je suis convié, ou que j'organise moi-même.

Le nouveau plan social (87-88)
Avant la fusion avec Thomson, la compagnie espérait que le chiffre d’affaires export cumulé se situerait aux alentours de deux milliards de francs. La réalité va être différente. Le chiffre d’affaires de la D.R.EX de 1.229 millions de francs en 1986, tombe à 850 en 1987.
L’informatique, peu à peu, permet des gains de productivité importants. Nos métiers changent. L’existence de succursales, de filiales ou simplement d’établissements stables, rend possible l’utilisation de plus en plus importante de la main d’oeuvre locale. Nos personnels sur site doivent donc d'abord encadrer, former, conseiller, superviser, transférer leur savoir faire….et faire remonter toutes les difficultés qu’ils rencontrent. L’ingénierie essaie de promouvoir des hommes sachant accomplir sur place l’ensemble de ses tâches, pourtant très diverses; il est de plus en plus question de réaliser certains travaux d'ingénierie sur les sites où notre présence dure. Tous ces facteurs vont dans le même sens: la réduction des
effectifs.
Il faut, tout à la fois, préparer des licenciements et savoir rassurer le personnel indispensable. Nous facilitons les départs volontaires qui n’imposent pas de consultation du comité d’établissement, nous recherchons des transactions à l'amiable; tous les chefs de service sont mobilisés. La méthode fonctionne, nos effectifs diminuent: les responsables d’affaires passent, pour l’ensemble Vélizy et Tréguier, pendant l’année 1987, de 106 à 65 personnes, les services centraux de 73 à 55, les chantiers de 314 à 240. G.P.T. lui même perd 10 personnes, G.P.I., le Groupe des Projets Industriels, qui est basé à Tréguier, perd 16 personnes.
Nous ne sommes pas les seuls concernés, le C.C.I., centre de formation de Saint-Ouen va être remplacé par une filiale: l'institut de formation Alcatel (I.F.A.) et transféré à Lannion.
Soguintel, l’unité de production de Guingamp va être vendue par appartements. On commence même à voir les prémices de la future concentration de la production à Eu, et l'abandon progressif de Cherbourg.
Pourtant ces efforts restent insuffisants; fin avril 1987, M. Malapert nous annonce: «Tréguier doit encore passer de 863 personnes à 562 ». Que faire? Si on laisse la révolte se développer, ce sera tout l’établissement qui risque de disparaître. Il faut donc sauver ce que l’on peut sauver. L. Le Merdy et J.P. Meulin vont être à Tréguier les maîtres de manoeuvre.
Bien sûr, la manoeuvre ne concerne pas que notre modeste établissement.
P. Guichet nous explique:
« la stratégie tous azimuts à l’export est finie, la majorité des pays ont fait leur choix de système, la chute du dollar n’arrange pas nos affaires. Nous avons perdu notre avance, il faut privilégier le fond de commerce. Nous arrêtons notre politique d’entrée aux U.S. La course technologique lancée par A.T.T. pour se garder le marché des sociétés issues de Bell (les B.O.C.), coûte très cher. Nos résultats sont la moitié de ce qu’il faudrait, il faut serrer la gestion à fond»
La société qui va suivre la fusion avec I.T.T. devra gérer 3 lignes de produits: E10B, E10MT, et S12. (l’objectif serait d’évoluer vers un seul produit d’ici 15 années). On abandonne le système E10S, il va falloir, malgré toute l’énergie dépensée, retransformer nos marchés et nos installations en cours en E10B.
Bien entendu, il faut adapter nos effectifs aux charges, baisser les prix de revient des ventes, se préparer à la dérégulation irréversible des marchés préparée par Bruxelles et parles services américains.
Un comité central d’entreprise est convoqué pour le 3 juin 1987. Treize établissements sont concernés. Les comités d’établissements seront tenus pendant le mois de juillet. Il faut encore susciter des départs volontaires, le bilan sera fait fin octobre…Nous mobilisons toutes nos forces: «tout le monde doit chercher du travail à tout le monde». Nous obtenons que les primes de départs soient majorées pour tenter d’éviter les «licenciements secs».
Il n’y aura bientôt plus qu’une seule usine, le regroupement du matériel dans le Trégor ne s’impose plus, l’U.T.E., dont nous étions fiers à Tréguier, va disparaître. Son personnel, soit nous quitte pour monter une entreprise de caisserie, en rachetant les équipements de l’U.T.E, soit est repris par les sociétés de transport qui vont bénéficier de marchés de la compagnie.
J’ai rencontré depuis des marins trégorois qui m’ont dit quel plaisir ils avaient à lire "Convenant Vraz" sur les caisses qu’ils devaient transporter à l’autre bout du monde. Ce bon temps est fini.
Nous ne négligeons rien pour atteindre l’objectif, avec le minimum de douleur: cabinet d’”outplacement”, convention avec l’A.N.P.E. qui nous communique les postes ouverts à sa connaissance, jour par jour, avec l’A.F.P.A. qui dispensera les formations nécessaires. Nous avons aussi un cabinet de réorientation, un conseiller financier pour ceux que la création d’entreprise tenterait…Notre cellule pour l’emploi ne se limite pas à signaler les postes disponibles, elle va jusqu’au placement des personnes.
Certains se lancent dans des créations d’entreprises,…Une entreprise de montage cablage, que nous ferons travailler, une crêperie, une mercerie, une gérance de grande surface, l’hôtellerie, une unité de fabrication de cuisines, et même… un élevage d‘escargots…
Fin août, nous entrevoyons 80% du résultat. Peut-être est-ce dû à certains raisonnements comme celui que me confie un père de famille: «je suis jeune, j’ai trente cinq ans, mon épouse ne travaille pas, j’ai 2 enfants, je considère que je prends plus de risques en restant qu’en partant». "On" en profite, "on" nous demande, fin septembre, de faire 30 départs additionnels à Tréguier.
Nous réussirons à éviter les "licenciements secs". Mais, que de souffrances ! Le D.O.I. passe ainsi de 905 à 612 et la D.R.EX., avec G.P.T., de 743 à 506 personnes. Au moins avons-nous sauvé nos missions dans le Trégor. P. Guichet, en effet, déclare en janvier 88: «il n’y aura pas de remise en cause de la localisation des activités ».
J’ai peut-être abusé de la patience du lecteur; évoquant ces périodes pénibles, mais il ne faut pas oublier que ces sacrifices font aussi partie de notre histoire, même s’ils ont été dus aux fluctuations des marchés, de la technologie, et des accords industriels.

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Le E400
L'aventure du E400, bien que tout à fait distincte de celle du E10, s'y rattache par ses acteurs, sa technologie, et le fait qu'elle ait été considérée, pendant un moment comme un moyen de pénétration dans des pays susceptibles de nous acheter du E10. C'est pourquoi j'ai pensé qu'elle devait avoir sa petite place ici.
Le développement du réseau téléphonique français a conduit au changement du plan de numérotation national. Pour créer de nouveaux abonnés, il fallait des numéros de téléphones disponibles. L’opération devait se faire en une seule nuit. L’administration des P.T.T. chargea donc la compagnie de développer un système électronique capable de se substituer instantanément aux traducteurs et aux taxeurs électromécaniques. L’ homogénéité du réseau français minimisait les études, (ce modèle nous a peut-être abusés). Les travaux d’adjonction des équipements nécessaires durèrent deux années. Le moment venu, après une campagne de sensibilisation télévisée, l’opération se déroula merveilleusement bien, en quelques heures !
Pourquoi ne pas en profiter pour faire de nouvelles affaires à l’export ?
Nous tentons l’Union Soviétique. Visiblement, ces messieurs n’étaient pas du tout concernés par le problème, malgré les efforts du responsable France-Télécom du changement de plan de numérotation que nous avions convié à nous accompagner. Les questions portaient sur le système, le réseau de connexion…mais pas sur le changement de plan de numérotation. Peut-être parce qu’il n’y avait en face de nous aucun spécialiste du
réseau, bref ce fut un voyage pour rien. Nous eûmes davantage de chance avec les mexicains qui voulaient obtenir plus de souplesse dans l‘exploitation de leur réseau.
Ce réseau mexicain est très disparate, (plus que nous le pensions), mais nous comptons bien nous incruster au Mexique grâce à ce produit original. Nous envisageons même une collaboration avec Indetel, la filiale d’I.T.T. dans ce pays. Cette société ne nous voit pas revenir avec beaucoup de bienveillance; elle ne se mobilisera pas beaucoup pour nous faciliter la tâche.
Il faut développer ou adapter nos produits pour les nombreuses villes où nous devons intervenir; les commutateurs ne sont pas au même état technique d’une ville à l’autre de ce vaste pays. Et pour certaines villes comme Morelia, la capitale de l’état du Michoacan, nous nous trouvons devant quatre systèmes différents, sans compter les variantes. Cela nous coûte beaucoup en études, supportées vaillamment par le technique de Vélizy…Mais quels beaux voyages ! C’est ainsi qu’un week-end, sur la plage d’Acapulco, qui est un de nos sites, nos bretons découvrent qu’ils sont assis à côté du président des bretons du Mexique. Quelle fête…le monde est si petit !

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Adieu la D.R.EX !
F. Tallégas m'avait un peu alerté, quelques jours auparavant, mais je ne pensais pas assister à pareille attaque, ce 25 mars 1988, quand P. Guichet nous réunit, F.Tallégas, P. Caizergues, J.C. Hue, M. Bouzid, E. Fouques et moi.
Voilà quelque temps que la D.R.EX. et G.P.T. ont rejoint le D.O.I.. P. Guichet s'impatiente en attendant une réorganisation qui améliore les coûts, surtout au niveau des prévisions en vue des offres. «Nous n'avons pas pu réduire de 50 % les prix de revient de l'environnement, (autre vocable pour parler du “hors commut”) il faut que l'environnement tombe à moins de mille francs la ligne installée». Selon lui, c'est donc le coût de l'environnement qui est la cause de la baisse des prises de commandes.
L'ingénierie est dirigée, depuis son retour à Lannion, par B. Macé, qui continue à gérer, au mieux, les questions d'environnement. Ce service est la cible de M. Bouzid qui prétend qu'il travaille sur des domaines en dehors de sa compétence. Cela explique ce manque de compétitivité. D'après M. Bouzid, il faut donc confier à sa petite équipe cette responsabilité et le problème disparaîtra. P.Guichet ira dans son sens, pendant plusieurs années,... mais, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse !
P. Guichet ne veut plus entendre parler d'ingéniérie: il faut regrouper dans une Direction des Réalisations Internationales (la D.R.I.), les chantiers, les ingénieurs d'affaires, ainsi que la fraction de l'ingéniérie qui travaille en direct sur les affaires.
Il ajoute: «L'après-vente ne marche pas, il faut créer un service après-vente qui n'ait rien à voir avec l'avant-vente, qui soit au même niveau et qui soit situé en partie à Paris»
Le D.O.I. doit être composé d'une Direction Commerciale avec J.J.Vialla, d'une Direction Technico-commerciale (l'ex D.O.S.T.) avec J.C. Hue, d'une Direction des Réalisations avec E. Fouques et enfin d'une Direction de l'après-vente avec B. Macé. (Ce qui reste de l'ingénierie sera désormais placé sous la direction de G. Cloâtre).
Quant à moi, je me retrouve adjoint de P. Caizergues pour m'occuper des grosses affaires, des filiales, et... encore un peu de l'établissement de Tréguier.
C'est ainsi que j'ai vu disparaître, avec regret, la D.R.EX, désormais éclatée. La nouvelle organisation va fonctionner dès le mois de juin et certains ingénieurs d'affaires seront même satisfaits de l'accroissement de leur responsabilité et de leur pouvoir sur le déroulement des affaires.
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Le "coup de poing" du Mali (illustration de la maîtrise acquise par les équipes) Le 15 août 1988, dans la matinée, je reçois chez moi, à Perros-Guirec, un coup de fil de P. Duchateaux, le commercial Afrique, «l’unique commutateur de transit international du Mali vient de brûler cette nuit, à Bamako. Ce pays est coupé du reste du monde, j’ai été prévenu par le Quai d’Orsay qui a reçu un appel au secours par radio. Que pouvons nous faire?».
Je passe mon 15 août au téléphone. Vers le soir une piste se dégage. Tout d’abord, nous connaissons les codes de signalisations à utiliser, notre bibliothèque de programmes en recèle plusieurs. Nous pouvons faire fabriquer les G.A.S. nécessaires. France-Télécom est d’accord pour nous prêter, (ainsi qu'aux Maliens), une de ses remorques Mobidix dont j’ai parlé plus haut. Il y avait aussi des abonnés sur ce commutateur, il faudra donc installer quelques C.S.E.
Il faut consolider tous ces espoirs. Dès le 16 août, les techniciens du centre technique de Lannion, chargés de l’étude du problème puis des modifications indispensables, s’envolent vers Bamako.
Si les matériels en caisse peuvent être expédiés par les moyens classiques, il n’en est pas de même de la remorque. Nos logisticiens se mettent à la recherche d’un avion. Le Gupi d’ Airbus, qui transporte des éléments de carlingue d’Hambourg à Toulouse, est trop petit.
Cette remorque fait 4 mètres de haut et pèse 15 tonnes.
Après une recherche, nous finissons par nous arrêter sur un avion d’une compagnie britannique, Heavy Lift, qui dispose d’une soute de… 4,06 mètres. Il existe un programme informatique qui simule les opérations de chargement, la simulation conclut que l’opération est peut-être possible, sans qu’on nous le garantisse, mais cet avion est le plus gros que nous ayons trouvé, alors ?….
Le 24 août, l’avion se pose sur l’aéroport de Brest, en même temps que la remorque arrive. Le chargement s’avère difficile, il faut démonter les roues. La remorque rentre dans la soute en roulant sur ses essieux. Le commandant de bord ordonne la fermeture de la trappe, va-elle se fermer?… Oui,… mais les témoins racontent que, une fois la trappe verrouillée, il ne reste que 2 millimètres de jeu.
Le 25 août l’avion arrive à Bamako.
Notre chef de mission, M. Prado, qui accompagne la précieuse remorque, avec un caméraman d’Alcatel, est attendu sur l’aéroport par l’ambassadeur de France, le ministre des Postes et Télécommunications du Mali et toute une cohorte d’officiels dont de nombreux et inévitables militaires. M.Prado improvise un discours, pour répondre aux souhaits de bienvenue du ministre, qui se félicite de l’exemplarité de cette coopération Nord-Sud !….
Tout s’achève heureusement pour le ministre,(peut-être bien que son portefeuille était en jeu…).La remorque roule vers sa place,proche du malheureux commutateur incendié, encadrée par la police motocycliste, toutes sirènes hurlantes.
Le 26 août à 13 heures 30, les raccordements de câbles, préparés par l’équipe de J. Nabonne, déjà sur place, peuvent débuter.
Le 28 août, le complément de matériel arrive par l’avion cargo d’U.T.A., en même temps qu’une deuxième équipe de techniciens. Le 29, les raccordements sont terminés. Le 30 août à 0 heure les communications internationales sont rétablies, le Mali n'est plus coupé du monde.
Cette opération "coup de poing" (plus tard le vocable deviendra, sous l'influence de certains, revenus des U.S., "crash program") est la plus spectaculaire que j’ai vécue. Elle démontre la maîtrise acquise par les équipes de Lannion, comme de Tréguier, au fil des années.
Un film a été tiré de cette aventure, à la gloire des équipes d’Alcatel. Je reprocherais à ce film d’ignorer le travail du personnel de la direction technique. Le caméraman d’Alcatel ne devait pas avoir l’habitude du travail indispensable mais obscur des techniciens lannionnais.
Dans cette affaire, la dimension sensationnelle ne se révélait que lors de la solution de nos problèmes logistiques, et pourtant !

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Lexique

AFPA Association formation professionnelle des adultes
A.I.L. Alcatel Irland Limited
Altech Société de télécom sud africaine
A.M.O. Agence Maritime de l'Ouest, notre courtier en Douane
ANPE Association nationale pour l’emploi
AOIP Association des ouvriers en instruments de précision, avait une activité télécom
ATI Alcatel Trade International
ATT American Téléphone and télégraph
AXE Commutateur développé par Ericsson Suède
BOC Bell Operating compagnies, Sociétés résultantes du démantellement de la Cie Bell
BTA Beijing télécom administration
CCI Centre de formation CIT de st Ouen
CCITT Comité consultatif International des télécommunications
CFDT Confédération française du travail
CGA Compagnie générale d’automatismes, une société du groupe CGE
CGE Compagnie générale d’électricité, va devenir Alcatel
Chill Langage informatique préconisé par le CCITT pour l’écriture des logiciels de commutation
CIT Compagnie industrielle des télécommunications, société du groupe CGE, puis Alcatel
CITEREL
CIT-Ericsson-electronique
CNET Centre national d’études des télécommunications
CSA Concentrateur de ligne d’abonnés satellite de typeA
CSB Concentrateur satellite de type B, raccordait les Télics
CSE Concentrateur satellite électronique, remplacera les CSA et CSB
CSN Centre satellite numérique, remplacera les CSE
CTI Centre de traitement des informations
DAI Direction des affaires internationales qui remplace la DEX
D.C.M.E. Direction Centrale du Matériel..., en fait des ateliers des P.T.T. basés à Lorient
DEX Direction commerciale export
DGT Direction générale des Télécoms (administration)
Le DGT Le directeur général des télécoms (administration)
D.I. Direction Industrielle
DMM Division de développement des matériels
DOI Département des opérations internationales
DON Département des opérations nationales
DOST Direction des offres et des services techniques (du DOI)
DRC Département des réalisations de centraux (commutateurs)
DREX Division de réalisation export
DRT Direction régionale des télécoms (administration)
DSI Division système internationale, sera absorbée par DOI DREX
E10A Première génération de commutateurs électroniques
E10B Deuxième génération de commutateurs électroniques
E10 five Commutateur développé pour les réseaux nord américains
E10 cinq Devait être un commutateur de remplacement du E10B
E10MT Commutateur développé par Thomson, après la fusion fut organisé pour recevoir des CSN, voir MT20
E10S Synthèse inachevée des E10five et des E10cinq
EMA Equipement de modulation d’abonnés, développé par AOIP, concurrent malheureux du CSE
Erlang Unité de mesure du trafic téléphonique
GAS Groupe d’adaptation des signalisations entre centraux de différents types ou générations
GPI Groupe des projets industriels, passera de la direction industrielle au DOI
GPT Groupe des projets techniques, passera de la direction technique au DOI
GSM Groupe de synchronisation des multiplex, (regroupement de circuits téléphoniques)
ITT International téléphone and télégraph
Janus Système de commutation développé par CIT avant la fusion avec SLE
LMT Société le matériel téléphonique, sera absorbée par Thomson Téléphones
MAP Opération de mise au point, en plateforme
MIC Système de modulation et de codage permettant à 32 voies téléphoniques d’emprunter le même circuit physique
MT20 Voir E10MT
Northern Northern télécoms: Société canadienne de télécommunications
NSM Banque Neuflise-Schlumberger- Mallet
NSS Normes et spécifications de service, cahier des charges de l’administration française
OC Ordre de Correction
Pentacont Système de commutation électromécanique crossbar
P.T.T. Administration française des postes et télécommunications, deviendra la société France-Télécom.
Rotary Système de commutation électromécanique
SAPC Service des approvisionnements et des petites commandes (DREX)
SAPO South african postoffice
S.A.T. Société Anonyme des Télécommunications, une société du groupe Sagem
Satan Simulateur d'appels téléphoniques utilisant un CSE comme outil de base
SAV Service après vente
SCTT Service du contrôle des télécommunications (administration)
S.E.M.S. Société qui nous a fourni en O.E.M. tous nos calculateurs Mitra
SIE Service d’ingénierie d’environnement (DREX)
SIMAT Simulateur d’appels téléphoniques
S.L.E. Société Lannionnaise d'Electronique
Sofrecom Société française de télécoms (administration)
Strowger Système de commutation électromécanique
Teletra Société de télécommunications polonaise (Poznan)
Telmex Téléphonos de Mexico (Administration mexicaine)
Teltech Société sud africaine qui deviendra Alcatel Altech Technologies
TNE Terminal Numérique d'Extrêmité, permet de concentrer sur un MIC 30 circuitsclassiques
U.R.A. Unité de Raccordement d'Abonnés
11F Système de commutation à commande centralisée développé par Thomson Téléphones

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