CANADA, AMÉRIQUE DU NORD


Le Québec :
« La Nouvelle-France » désignait l’ensemble des territoires de l’Amérique du Nord sous administration française, avant 1773. Dans sa plus grande dimension, avant le Traité d’Utrech de 1713, la Nouvelle-France comprenait cinq colonies : le Canada, l’Acadie, la Baie d’Hudson, Terre-Neuve, la Louisiane... Le premier explorateur Giovanni VERRAZZANO, mandaté par le roi de France François Ier, décrivit la côte allant de la Floride jusqu’à Terre-Neuve et donna le nom « Nova Franca » en 1524…
Dix ans plus tard, le malouin Jacques CARTIER découvrit le golfe du Saint-Laurent, et remonta le cours du fleuve. Le Canada, à son tour, était ainsi nommé et Jacques CARTIER en prend possession au nom du roi François Ier… »
“…L’exploration est reprise sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII par un hardi aventurier, Samuel de CHAMPLAIN, qui fonde la ville de Québec… » À partir de 1534, les Français explorent le canal du Saint-Laurent. La Nouvelle-France est fondée.

En Amérique, la Nouvelle-France s'accroît de façon spectaculaire et comprend presque la moitié de l'Amérique du Nord. Elle forme quatre colonies dont l'Acadie, le Canada, Terre-Neuve et la Louisiane

En 1627, la Nouvelle-France est concédée par RICHELIEU à la Compagnie des Cents-Associés, mais en 1663 Louis XIV dissout la compagnie et réorganise la colonie sur le modèle d’une province… Au cours du XVIIIe siècle la rivalité franco-anglaise débouche sur la guerre des Sept Ans (1756-1763)…Le marquis de MONTCALM prend le commandement des troupes françaises…Le 13 septembre 1759, MONTCALM est mortellement blessé dans la défense de la ville de Québec… Cédée à l’Angleterre par le traité de Paris, la Nouvelle-France est rebaptisée « Province of Quebec » …
L’Acadie :
« Dans les colonies nouvelles, les Espagnols commencent par bâtir une église, les Anglais une taverne et les Français un fort » (Chateaubriand : Itinéraire de Paris à Jérusalem)
Le 24 juin 1497, Jean CABOT découvre Terre-Neuve.
Le tout premier établissement français en Acadie fut installé en 1604, sur l’île Sainte Croix, par Pierre Du GUA. Ensuite il fonde la ville de Port-Royal.

Après le traité d'Utrecht en 1713, la colonie perd l'Acadie (partie sud), la Baie-d'Hudson et Terre-Neuve (Plaisance). Cependant, elle forme deux nouvelles colonies : l'isle Royale et isle Saint-Jean.
Après la chute de Québec, et la main mise des Anglais sur ces territoires, en 1755, une politique de déportation des acadiens français est instauré :
Le Grand Dérangement. Sur une population acadienne d’origine française de 13000 âmes, 7000 sont déportées, renvoyées en France, puis ensuite vers la Louisiane, où en 1773 est fondé Saint Martin Ville…

Tout s'écroule avec le traité de Paris en 1763, après la guerre de Sept Ans, où elle perd le Canada, l'Acadie, isle Royale, isle Saint-Jean, et la partie est du Mississippi, qui faisait partie de la Louisiane, et la partie ouest qui revient à l'Espagne, pour sa perte de la Floride aux dépens des Anglais.
La France reprit la Louisiane occidentale à condition de ne pas la vendre ni à l'Angleterre ni aux Américains, ce que Napoléon fit trente ans plus tard, sans l'appui ou l'approbation de l'Assemblée Nationale en 1803. L'Amérique du Nord devient alors en majorité anglophone.


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Les réseaux de communication avant le téléphone

L’intérêt d’aborder les précédents et de traiter de la coexistence des réseaux de communication urbaine relève de deux arguments.
Tout d’abord, les technologies, comme le démontre leur histoire sociale, s’insèrent dans un milieu déjà marqué par des pratiques établies.
Avant l’introduction du téléphone, certaines habitudes de communication interpersonnelle et de transmission des messages vont, sur un plan qualitatif, marquer — et nécessairement influencer — l’introduction et la portée de la nouvelle technologie.
Ensuite, l’étude des rapports entre les formes de communication permet d’établir des liens sur le plan institutionnel entre le service télégraphique et le service téléphonique. Les entreprises télégraphiques sont en effet les premières à fournir le service téléphonique. Elles en font aussi la promotion en proposant gratuitement ce nouveau service à quelques-uns de leurs abonnés.

Quelle est la nature des communications urbaines avant la fin des années 1870 ?
Est-ce que celles-ci limitent les possibilités d’échanges sociaux et de circulation des messages ?
Qui sont les principaux instigateurs des innovations ?
Seront considérées ici exclusivement les pratiques de communication qui font appel à un intermédiaire, c’est-à-dire celles qui utilisent un médiateur pour transmettre les messages (la lettre, dans le cas du service postal ; le messager, dans le cas du service de courrier ; le télégramme et le messager, dans le cas du service télégraphique).

Les services postaux et les services de messagerie.
D’entrée de jeu, c’est dans un contexte colonial qu’il faut situer le développement des premiers réseaux postaux.
Structuré dans un premier temps par les dirigeants du régime français, le système postal couvre, sous le régime britannique, une bonne partie du territoire du Bas-Canada.
Dès la fin du XVIIIe siècle, il relie déjà les villes principales (Montréal, Québec, Trois-Rivières). Les échanges entre ces villes et la métropole anglaise sont prédominants ; ce qui explique la mise en place d’un réseau postal relativement efficace entre Montréal et Londres. De plus, à la même époque, on instaure un service mensuel de distribution entre Montréal et New York. En fait, cette dernière ville constitue le cœur de tout le réseau du continent nord-américain. En étant directement connecté à celui de New York, le service montréalais de distribution du courrier se trouve donc incorporé dans un ensemble territorial étendu. D’ailleurs, au début du XXe siècle, cette convergence du réseau postal canadien vers Montréal fait la fierté des gens d’affaires. Selon eux, l’importance et le développement d’une grande ville peuvent se mesurer au nombre des affaires taitées par la poste : « Or Montréal sur ce point est la ville qui fait le plus d’affaires par la poste. »

L’histoire du service postal est liée de près à celle des réseaux de transport et, par extension, à la croissance des responsabilités étatiques.
Au XIXe siècle, l’État est devenu un élément indispensable dans la transmission des informations et dans la mobilité des personnes. Ses interventions dans le domaine des communications et des transports obéissent néanmoins à des règles particulières qui correspondent à certains principes mis de l’avant par le libéralisme économique, notamment le principe de la libre concurrence et celui du respect des initiatives individuelles. C’est pourquoi on retrouve, concurremment au réseau public, des réseaux privés de transmission des messages. Ainsi, au fur et à mesure que les instances fédérale et provinciale obtiennent de nouveaux pouvoirs, leur capacité d’intervention s’accroît-elle. Il en va de même pour leurs obligations relatives aux services publics qui se posent en termes de qualité et d’accessibilité. En outre, le modèle du libéralisme économique prédominant incite le secteur privé à construire et à exploiter, en marge des instances publiques, des réseaux de transport et de communication.
Les améliorations notables dans les transports apparaissent surtout après les années 1850.
On crée alors des lignes de chemin de fer qui traversent le pays et le continent. Ainsi, le réseau ferroviaire résout-il en partie les difficultés de distribution des envois postaux. Bien que plusieurs routes et lignes maritimes et ferroviaires convergent vers Montréal, le service postal demeure irrégulier et, par conséquent, peu fiable. Les longs délais dans la livraison du courrier constituent le principal problème de ce service.
Le caractère incohérent du service postal apparaît aussi dans les communications locales.
Avant les années 1870, les possibilités de communications interpersonnelles, hormis les contacts face à face, sont très limitées sur le territoire montréalais. Le premier bureau de poste est ouvert en 1840 dans le quartier des affaires. En 1860, le gouvernement canadien complète le réseau postal en installant des boîtes aux lettres dans les rues5. Quoiqu’il introduise une nouvelle forme d’échange, le courrier postal local n’acquiert pas le statut d’outil de communication de masse. Il demeure un service peu utilisé par la population. Ses principaux clients proviennent du milieu des affaires qui y ont recours pour compléter leurs transactions courantes : envoi de bordereaux de commande, de factures, correspondance d’affaires générale, etc. La distribution de journaux et de circulaires constitue aussi un usage qui accapare une bonne partie du réseau postal.
Les principales qualités d’un service de courrier postal recherchées par les gens d’affaires sont la promptitude et la fiabilité.
La possibilité de joindre un grand nombre de personnes dans une zone très étendue représente également un atout incontestable : chaque adresse bénéficie de la livraison du courrier. Par contre, selon certains témoignages, le système postal local ne remplit manifestement pas les conditions d’efficacité et de rapidité. Cette incapacité est encore plus apparente dans les années 1920 alors que le nombre de lettres et de colis expédiés quotidiennement à Montréal se situe dans les centaines de milliers. Les doléances provenant du milieu des affaires persistent : on réclame, entre autres, la « construction d’édifices postaux à proximité des gares pour permettre un service plus adéquat et rapide».
Il demeure difficile d’évaluer la qualité et l’efficacité du service postal avant 1900. Mais les quelques plaintes formulées par certains groupes, notamment celles provenant des membres de la Chambre de commerce, précisent le nombre insuffisant de boîtes aux lettres, « du moins dans certains quartiers de la ville».
Pour répondre aux besoins croissants, on inaugure en 1876 un nouvel hôtel des postes à l’angle des rues Saint-François-Xavier et Saint-Jacques, en plein cœur du quartier des affaires. Après 1900, on améliore nettement la desserte du service. On ajoute au bureau central des succursales et des comptoirs postaux. En 1900, on compte 20 bureaux de poste de quartier. En 1914, 9 succursales et 80 comptoirs postaux desservent le territoire de l’agglomération montréalaise. Le nombre de boîtes aux lettres fait aussi l’objet d’une hausse importante durant cette période : de 1900 à 1914, il passe de 180 à 568. Quant aux tarifs exigés, l’accroissement du service permet de les diminuer considérablement.
Les améliorations continuelles de ce service public réduisent, sans doute, les principales insatisfactions du milieu des affaires. Pourtant, un service privé parallèle est mis en place et offre à l’ensemble de la communauté la possibilité d’échanger sa correspondance sans devoir subir la lourdeur du service postal central.
Des propriétaires de chevaux et de diligences mettent ainsi sur pied un service de courrier privé. Cette pratique, que les autorités publiques tentent d’endiguer avec peu de succès, s’était d’abord développée à Londres. Vu la popularité de l’expérience londonienne, le service privé de messagerie se propage rapidement dans la plupart des grandes villes nord-américaines. Pour obtenir une livraison plus rapide, les citadins n’hésitent pas à recourir au service offert par les compagnies de messageries (express service).
À Montréal, au début du XXe siècle, ce service est offert depuis plusieurs décennies et constitue alors un véritable système commercial : l’industrie des messageries. Les principales compagnies qui offrent un tel service disposent d’un grand nombre de véhicules et de chevaux. Plusieurs centaines de charretiers recueillent sur une base quotidienne les lettres et les colis chez autant de distributeurs situés en de nombreux points dans la ville. Dans les gares ferroviaires, ces compagnies comptent des centaines d’employés chargés du tri, de la distribution et de l’expédition du courrier. Le service fourni par ces « commissaires particuliers » semble correspondre davantage aux attentes de la clientèle d’affaires montréalaise.
Dans la ville, le travail de messager occupe des centaines de jeunes gens. Même après l’introduction du télégraphe et du téléphone, la tâche de messager conservera son importance et son attrait. Ces messagers au service des entreprises de courrier encombrent les rues de la ville. Leur affluence dans les artères principales risquerait même, aux yeux de certains, de congestionner le centre des affaires. À l’ère des gratte-ciel, leur présence pourrait aller jusqu’à paralyser complètement la circulation à l’intérieur des bâtiments « centralisateurs ». C’est du moins l’un des arguments avancés par les promoteurs du téléphone au début du XXe siècle. La livraison des messages par les courriers privés rendrait les grands bâtiments non viables sur le plan économique : la superficie de plancher réservée à leurs déplacements serait disproportionnée par rapport aux besoins spatiaux des autres activités. Solution à ces problèmes, le service de téléphone aurait même conduit à la construction des gratte-ciel — jamais vérifiée empiriquement, cette hypothèse est cependant utilisée de manière récurrente pour justifier les avantages du téléphone.
En fait, on constate que l’échange du courrier s’accroît au fil des ans et cela malgré l’introduction de nouveaux outils de communication qui pourraient le rendre inutile. Ainsi est-on confronté à une situation de multiplication des moyens de communication et de transport. Complémentaires, ces divers réseaux de distribution de l’information participent tous du même mouvement général : l’intensification, d’une part, de la mobilité et des échanges dans la ville et, d’autre part, des contacts sociaux qui résultent de ces mouvements circulatoires.

Le réseau télégraphique
Par rapport au service postal, le réseau télégraphique accélère nettement les échanges.
Dans la situation où les deux interlocuteurs possèdent un appareil, le délai d’émission est presque aboli. Toutefois, et c’est un cas fréquent, lorsqu’un seul des interlocuteurs dispose d’un poste émetteur, la transmission des messages exige toujours la présence d’un messager, porteur de télégramme. La séparation entre le transport et la communication n’est pas entière et le messager demeure indispensable. De plus, à l’instar du réseau postal, le télégraphe est d’abord conçu en fonction des besoins marchands et pour faciliter le contrôle de l’État. La finalité première de ce service n’est donc pas d’améliorer les communications interpersonnelles.
Dès son origine, le service télégraphique fait l’objet d’un intérêt soutenu des milieux financiers montréalais. L’apanage de cette technologie par ce groupe d’acteurs s’explique avant tout par sa nature commerciale. Par conséquent, le principe qui préside à l’installation des équipements télégraphiques se définit en termes économiques. Montréal doit être en bonne position par rapport aux grandes capitales financières. Il faut le connecter notamment à Londres et à New York qui sont, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les principaux centres d’attraction pour le trafic télégraphique. Les financiers montréalais sont ainsi mis en contact avec ces marchés et peuvent rapidement prendre connaissance des transactions commerciales.
À partir du moment où les communications télégraphiques sont possibles sur de grandes distances, on propose d’étendre le réseau à l’échelle continentale. À cet égard, dans les années 1840, les membres du conseil du Board of Trade examinent la possibilité d’établir une liaison télégraphique raccordant Montréal à Québec, Toronto et New York. Ce projet collectif vise à renforcer la position de Montréal au sein de l’économie canadienne et nord-américaine. Dans un premier temps, le réseau télégraphique est pris en main par des gens d’affaires montréalais. Mais certains investisseurs et gestionnaires reliés à l’industrie télégraphique montréalaise viennent aussi d’ailleurs. C’est le cas notamment du premier directeur de la compagnie Montreal Telegraph invité par les membres du Board of Trade : Orrin S. Wood. Celui-ci est un beau-frère d’Ezra Cornell, homme d’affaires très actif aux États-Unis dans le secteur des communications télégraphiques. Wood vient à Montréal en 1847 pour diriger la construction du premier réseau et assumer l’administration de Montreal Telegraph. Les autres acteurs locaux qui prennent part à ce projet sont les initiateurs des réseaux de transport ferroviaire et maritime, notamment James Dakers, H. P. Dwight et Hugh Allan. On le voit bien, la propension à investir dans les communications et les transports relève de la volonté d’un groupe restreint d’acteurs économiques de maîtriser les marchés montréalais et canadiens.
Mis en place pour relier les grandes villes, le réseau télégraphique qui dessert Montréal entretient très tôt des rapports institutionnels et économiques avec celui du nord-est des États-Unis. En 1847, un premier câble télégraphique, qui raccorde Montréal et Québec, est installé par Montreal Telegraph. Dans les années 1840 et 1850, d’autres compagnies sont formées et offrent des liens télégraphiques vers le sud des États-Unis, Toronto et l’est du Québec. De courte durée, leurs activités commerciales sont reprises par Montreal Telegraph. Tant et si bien que la compagnie, qui exploite plusieurs lignes dans les années 1850, est parvenue à construire un système à l’échelle canadienne.
En plus d’être connectées au réseau télégraphique étatsunien, les villes canadiennes sont graduellement reliées aux métropoles européennes. Un câble sous-marin, installé en 1866, permet d’entretenir des contacts rapides avec les grandes villes britanniques. Les instigateurs de la consolidation du réseau télégraphique recherchent en priorité un moyen de communication comportant une dimension stratégique, soit la surveillance des événements qui se déroulent sur les territoires britanniques. Cette détermination se reflète dans la structuration même du réseau.
Les autres grands utilisateurs du télégraphe électrique sont les journaux et les entreprises ferroviaires. Une étude de géographie historique a démontré que les dépêches viennent surtout de Londres, qui assume la direction de la colonie, et de Liverpool : deux villes britanniques dont la classe politique et la classe d’affaires sont directement concernées par l’utilisation d’un instrument de contrôle fiable.
Quelques années plus tard, le service télégraphique devient également utile à la circulation de l’information à l’intérieur de la ville. Parallèlement aux échanges commerciaux et journalistiques interurbains, des pratiques de communications locales sont introduites de manière graduelle.

Le télégraphe d’alarme municipal
L’adoption du réseau téléphonique s’inscrit dans un cadre urbanistique marqué par la présence de divers instruments de communication. Certains recourent à l’électricité, d’autres exigent des déplacements physiques. Quoique innovateur, dans un premier temps, le téléphone est considéré comme le prolongement d’un service existant : le service télégraphique qui remplit, à l’intérieur de l’espace urbain, de nombreuses fonctions.
Sa première fonction vise à combler des besoins de plus en plus pressants de sûreté publique. Avec l’implantation des réseaux de communication urbaine, les services de sûreté publique sont en mesure de faire appel à de nouveaux outils de contrôle dès la seconde moitié du XIXe siècle.
À l’instar des grandes villes nord-américaines, les autorités montréalaises adoptent le service télégraphique pour permettre aux citadins d’alerter rapidement les postes de pompiers. Suivant l’exemple des villes comme Boston, New York, Philadelphie, Saint-Louis et Baltimore, qui sont équipées d’un tel système, la Ville de Montréal fait appel à des spécialistes étatsuniens. Elle confie ainsi la conception de son système télégraphique d’alarme (Montreal fire alarm telegraph) à la firme J. F. Kennard & Co. de Boston. Inauguré en 1863, ce service permet d’utiliser des postes-avertisseurs (fire call boxes) connectés aux casernes de pompiers.
Au fil des ans, les nombreux appareils automatiques servant à envoyer des signaux d’alarme sont installés dans les lieux publics et privés : sur les trottoirs, dans les gares, les hôpitaux, les manufactures, etc. Leur nombre est particulièrement élevé dans le centre des affaires et près des districts manufacturiers, là où le risque des conflagrations est plus grand. De manière générale, ces systèmes permettent un meilleur accès à différents services de sûreté publique qui deviennent ainsi indispensables.
Quelques années plus tard, on relie également le service de police au réseau télégraphique municipal. Par contre, compte tenu de la nature différente du service de police — complexité de l’information échangée et plus grande mobilité des agents —, l’adoption du système télégraphique y est plus lente. De ce point de vue, l’introduction du téléphone répond à l’impératif de la communication bidirectionnelle. De fait, la combinaison des technologies télégraphique et téléphonique, qui permettent d’émettre rapidement des signaux tout en offrant un échange d’informations détaillées, est plus adaptée aux exigences du service de police.
Ce nouveau réseau de communication interne n’est pas sans conséquences pour l’administration municipale. En assurant avec une attention accrue la protection de ses citoyens, elle se trouve investie de nouvelles fonctions sociales. Dès lors, elle doit revoir ses pratiques de fourniture des services urbains. Le système technique n’est donc pas isolé du contexte sociopolitique de sa mise en œuvre : en matière de lutte contre les incendies et la criminalité, il entraîne aussi des effets sur la configuration des composantes administratives municipales.
Dans ce contexte d’évolution des communications intra-urbaines, des entreprises privées considèrent en élargir l’offre et l’usage afin d’en faire, à terme, les supports d’une nouvelle gamme de services. C’est le cas notamment du service d’appel télégraphique.

Le service d'appel télégraphique

Le service d’appel télégraphique est, sous certains aspects, analogue au téléphone.
Il est assumé à Montréal par l’entreprise Canadian District Telegraph, mise sur pied dans les années 1870. Inauguré la première fois à New York en 1872, ce service répond à une demande urbaine précise : obtenir les services de messagers. À l’instar du téléphone, il nécessite chez l’abonné, comme seule installation, un appareil muni d’une manivelle (un poste d’appel) relié par un câble au central télégraphique. À Montréal, les principaux bureaux de la compagnie sont situés au cœur du centre des affaires, mais le service d’appel est également offert dans les quartiers périphériques (ouest, est et uptown) où l’on retrouve des comptoirs ouverts jour et nuit.
Après avoir fixé la manivelle vis-à-vis du nom du service demandé, l’abonné appuie sur un bouton qui transmet un signal au central avec lequel sa demeure est connectée. Le central télégraphique transmet ensuite la commande. Outre la pratique courante de faire venir un messager, la réservation de voitures taxis ou encore le recours au service de police ou à la brigade d’incendie sont des usages très appréciés par les abonnés. Chaque abonné étant relié au réseau municipal d’alarme par le biais d’un central, on peut définir ce réseau intra-urbain de communication comme un service auxiliaire au système d’alarme municipal.
La rapidité avec laquelle le service permet d’établir une communication bidirectionnelle constitue un net avantage par rapport aux messagers traditionnels. De plus, certains commerçants et professionnels, notamment des médecins, sont directement reliés au réseau. Lorsque les clients leur transmettent un signal, un messager de la compagnie de télégraphe effectue la liaison. On le voit, ce service n’est pas tout à fait aussi rapide que le sera plus tard le téléphone. L’introduction de ce dernier à la fin des années 1870 va d’ailleurs concurrencer, voire supplanter, le réseau d’appel télégraphique.
Malgré son caractère quelque peu incommode, ce système fait l’objet, selon toute vraisemblance, d’une certaine popularité dans les grandes villes nord-américaines. À Montréal, plusieurs centaines de maisons et places d’affaires ainsi que la plupart des bâtiments publics et des églises sont reliés au réseau local. En outre, les individus ont la possibilité d’utiliser le service à partir des nombreux postes publics installés dans la ville.
L’entreprise Canadian District Telegraph propose aussi à ses abonnés un service de messagerie similaire à celui offert par les bureaux de poste : envoi de lettres, de colis ou de télégrammes. D’autres tâches peuvent également être effectuées par les messagers à pied : accompagnement, achats, courses, surveillance des chevaux, etc. Autrement dit, les messagers sont mandataires de fonctions qui débordent souvent celles prescrites par leur employeur.
De toutes les technologies de communication à distance, celle du service d’appel télégraphique demeure la plus comparable au téléphone. D’ailleurs, à Montréal, c’est la compagnie Canadian District Telegraph qui exploite le premier réseau téléphonique installé en 1879. Ses dirigeants prennent alors l’initiative d’offrir le nouveau service aux abonnés déjà munis d’un poste d’appel pour l’utilisation du télégraphe.

Le marché du téléphone se structure peu à peu autour des services offerts par le réseau télégraphique.
À cet égard, le service de messagerie demeure populaire auprès des citadins qui n’ont pas directement accès au téléphone. Par exemple, en 1880, pour un tarif comparable à ce qu’il en coûte pour expédier un télégramme (entre 10 ? et 25 ? selon la distance de la course), la Compagnie de Téléphone Bell met à la disposition des habitants des quartiers centraux montréalais un service de messagerie. La tarification est basée sur trois éléments : la distance parcourue, le temps employé et la possibilité de réexpédier immédiatement un message. Les clients peuvent aussi retenir le service d’un messager pour plusieurs heures.
En tant que moyen de communication intra-urbaine, la technologie du télégraphe est demeurée transitoire. Le passage d’une technologie à une autre ne se fait pas soudainement. Bien qu’il soit un moyen rapide de transmission des messages sur des longues distances, le service télégraphique reste une technologie spécialisée et, somme toute, peu répandue dans la société. Par exemple, des restrictions limitent sa diffusion à des fins de communication interpersonnelle : dans le cas du télégraphe électrique utilisant le morse, des connaissances techniques sont indispensables, dont la maîtrise de ce code.
Aussi, le télégraphe ne rejoint-il pas, sinon très peu, l’univers de la vie privée. De plus, compte tenu du nombre d’actions comprises dans le processus d’appel télégraphique, les délais de transmission demeurent importants. Dans certains cas, un messager à pied est plus rapide qu’un télégramme. Les actions multiples rattachées à l’envoi, au décodage, à la réception et parfois à la livraison des messages exigent des infrastructures complexes et des coûts d’exploitation relativement élevés.
Par contre, dans d’autres cas, les avantages sont évidents. Par exemple, le caractère confidentiel des messages est mieux protégé car seuls quelques individus ont les connaissances pour les décoder. La présence d’informations écrites représente aussi un élément apprécié par les principaux usagers du réseau télégraphique.
Les Montréalais ont accès à un service de communication à distance dont les usages demeurent spécifiques, voire exclusifs. Le télégraphe d’alarme constitue tout de même un service public apprécié. Indirectement, les citadins bénéficient aussi de l’emploi du télégraphe par les agences de presse. En effet, les dépêches expédiées promptement alimentent, sur des bases quotidienne et hebdomadaire, les journaux qui sont alors les principaux moyens de communication de masse.
Malgré leur diffusion restreinte à l’intérieur de quelques groupes socio-économiques (les financiers, les dirigeants politiques, l’administration municipale, les agences de presse, etc.), les premiers outils de communication à distance constituent une source d’information sur un certain nombre d’éléments déterminants dans le développement ultérieur du réseau téléphonique. L’introduction de ces outils modifie le climat et la vision de l’ordre public. Progressivement investies de tâches administratives, les autorités locales élargissent leurs fonctions, notamment dans le domaine de la sûreté publique. Derrière ce mouvement se profile un intérêt clair pour projeter l’image d’un corps municipal en voie de modernisation et soucieux de la sûreté de la population. L’idée d’attirer et de protéger les investissements est aussi sous-jacente au rôle accru que joue l’appareil administratif municipal dans la gestion des services urbains.

C’est dans un contexte de métropolisation qu’il faut tenter de comprendre la portée aménagiste des réseaux techniques urbains, dont celui du téléphone.
Les promoteurs privés et publics cherchent alors à mettre en place un aménagement apte à répondre aux nouvelles exigences de la production et de la consommation de masse. On prend aussi en compte la mobilité accrue des personnes et la diversification des goûts en termes de milieux de vie. Il s’agit en fait d’une importante phase de modernisation à l’intérieur de laquelle priment de manière successive les impératifs suivants : d’abord, la salubrité publique entre les années 1850 et les années 1900, quoique les exigences de la salubrité demeurent encore d’actualité pendant plusieurs années ; ensuite, l’embellissement urbain qui est particulièrement populaire au tournant du XXe siècle, et ce, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale ; enfin, l’efficacité économique qui vient remplacer les préoccupations esthétiques.

Associées à l’idée de métropole, les images de la ville contribuent à encourager les demandes pour des instruments de communication à distance qui, dans certains cas, vont au-delà de la simple utilité. Par contre, en dépit des préférences manifestes pour des réseaux rapides et efficaces de communication, il apparaît que la pertinence du téléphone pour répondre aux besoins de communication de l’agglomération montréalaise soit indéterminée. L’attitude des planificateurs publics à l’endroit du service demeure difficile à cerner, d’autant plus, comme on le verra, qu’ils disposent de peu de moyens concrets pour diriger les activités des opérateurs privés. Cela vient de ce qu’ils n’arrivent pas à maîtriser les capacités structurantes des réseaux techniques urbains. Les formes nouvelles de la ville réticulée échappent en grande partie aux acteurs publics concernés par l’aménagement urbain.

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L'histoire du téléphone débute l’été 1869, ou le révérend Thomas Henderson, de Paris, en Ontario. encouragea Alexander Melville Bell, à émigrer au Canada. Melville Bell est le père d'Alexander Graham Bell l'inventeur du téléphone.

Melvile Bell père, Alexander Graham Bell fils et Brantford la maison familliale

Alexander Melville Bell, né le 1er mars 1819 à Édimbourg et mort le 7 août 1905 à Washington, D.C. est un universitaire et chercheur dans le domaine de la phonétique acoustique. De nationalité britannique expatrié aux États-Unis, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'orthoépie et l'élocution. Il est l'inventeur du livre Visible Speech, une méthode créée afin d'enseigner la parole aux sourds.
La famille Bell s’établit donc au Canada en 1870, 94 Tutela Heights Road, Brantford Ontario C'est ici, en juillet 1874, dans la maison de ses parents, qu'Alexander Graham Bell conçut l'idée du téléphone,

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Agraham.Bell, le fils s'établit aux États-Unis d’Amérique un an plus tard, ou il fonde en 1872 une école pour les malentendants et débute ses travaux qui aboutiront au téléphone comme on peut le lire dans la page Bell

rappel :
Aux USA
, le Premier juillet 1875, les essais de téléphone reprennent avec de nouveaux appareils, le transmetteur équipé d'une menbrane plus épaisse et d'une armature plus légère, est installé au premier étage et est relié au recepteur(gallow) posé au rez de chaussé.
Bell parle et chante au plus prêt de la membrane du transmetteur, lorsqu'il fut interrompu par Watson tout exité "Monsieur je vous ai entendu, faiblement, mais je vous ai entendu" et Watson de répéter les mots qu'il a distingués.
Les deux hommes intervertissent les rôles , Bell colle son oreille au récépteur, mais les résultats sont décevants, Bell ne parvient pas à comprendre les mots prononcés par Watson.

Puis
Bell poursuivit ses travaux à Brantford Canada en septembre 1875 .
À la suggestion du médecin de ses parents, il plaça un mince disque de fer sur la membrane de parchemin et constata que le son était devenu plus audible.
De retour à Boston plus tard ce mois-là, il commença à préparer le mémoire descriptif de son invention tandis que Watson perfectionnait l’appareil. Bell avait déjà vendu les droits pour les États-Unis à Hubbard et les deux hommes souhaitaient ardemment vendre les droits pour l’étranger. Étant donné que l’obtention d’un brevet en Grande-Bretagne était essentielle et que ce brevet ne pouvait leur être accordé si une autre demande était en instance d’acceptation aux États-Unis, ils attendirent pour faire breveter leur invention aux États-Unis.

Au début d’octobre 1875 , Bell retourna à Brantford dans l’intention d’offrir les droits à sir Hugh Allan , puissant financier et président de la Compagnie du télégraphe de Montréal.
Mais le voisin de ses parents et propriétaire du Globe de Toronto, George Brown ministre des États du Canada, à qui il avait demandé de le recommander à Allan, lui offrit d’acheter lui-même les droits. Il promit également de déposer la demande de brevet en Grande-Bretagne pendant son voyage à Londres, en février.
Bell remit à Brown le mémoire descriptif de son invention à New York.
Brown et un associé s’assurèrent qu’il n’y avait pas contrefaçon et déposèrent la demande de Bell.
Brown, cependant, ne comprenait pas toute la portée des travaux de Bell et semblait douter du caractère pratique de l’invention. Sans l’avertir, il décida « de ne pas donner suite à l’affaire ».

Le 29 décembre 1875 Bell apprenant que Mr Brown n'est pas encore parti, lui fit une seconde visite à Toronto et lui remit les dessins de son appareil, avec un mémoire à l'appui de sa demande de brevet.
Peu après Noël, les deux hommes conclurent une entente à Toronto et, le 25 janvier 1876, soit la veille du départ, Brown, rencontre Bell et Hubbard à New York pour une dernière mise au point embarque pour l'Europe le lendemain.
Arrivé à Londres Mr Brown, soumet à des électriciens le mémoire et les dessins de Bell, mais ces savants ne trouvèrent pas que l'invention fût sérieuse, de sorte que M Brown hésitait à faire la demande du brevet.
Bell écrivait lettres sur lettres à son compatriote, pour le presser d'exécuter sa promesse. Survint un évenement tragique, Bell reçut une dépêche télégraphique, lui annonçant que le ministre du Canada M Brown, avait été assassiné dans une rue de Londres.
Il est pourtant évident qu'en 19 jours Brown n'a pas pu faire la traversée de l'atlantique et de se rendre à Londres et de contacter un expert conformément à la loi anglaise sur les brevets.
A cette nouvelle, M. Grabam Bell, renonçant à prendre pour le moment son brevet en Europe, s'occupa de le prendre, sans autre relard, en Amérique.
....
Le 7 mars 1876 , Bell devint titulaire du brevet sur le téléphone aux USA.

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Entre temps Bell de retour à Brandford au Canada passe l'été 1876 chez son père, et imagine qu'il serait mieux de faire une communication un peu plus longue que entre deux pièces, et comme réaliser soit même une ligne pour une expérience serait trop couteuse, il en profite pofite pour écrire à Toronto au directeur de Dominion Telegraph Thomas Swinyard, pour louer penant une heure la ligne télégraphique entre Brandford et Paris dans Ontario sur sur des lignes télégraphiques de 8 km et 68 km de long.
La permission d'utiliser cette ligne télégraphique a été accordée par Lewis B. McFarlane, un responsable télégraphique, qui adoptera une activité téléphonique en 1879, il deviendra président de la Compagnie de téléphone Bell du Canada de 1915 à 1925.
Swinyard s'exclama " encore une tête brulée ", et ajouta à l'intention du du directeur de bureau de Toronto Lewis McFarlane : "à classer au paniers" . McFarlane finit par convaicre Swinyard et apporta le concours de Dominion Telegraph pour l'expérience.
Bell se servit donc d’une ligne de la Compagnie de télégraphe, qu’il brancha à la maison de son père avec du fil métallique servant à consolider les tuyaux de poêle.
le 3 août 1876 , le premier appel interurbain au monde, depuis le magasin général de Wallace Ellis à Mount Pleasant jusqu’à Tutelo Heights, à quatre milles de là. Trois autres essais sont faits de Brandford et Mount Pleasant à 5 km, on récite des tirades, on chante .... tout marche.

Premiers modèles de fabirication Bell

Bell utilisait les fils télégraphiques de la Dominion Telegraph Company entre son bureau de Brantford et le bureau à Paris.

Comme la puissance de la batterie disponible à Brantford était trop faible pour les téléphones à membrane de Bell, la Dominion Telegraph Company lui fourni l'énergie à partir de Hamilton et de Toronto, en Ontario. Bell a branché son téléphone émétteur à membrane aux fils du bureau de Brantford, puis, le récepteur (sorte de boîte en fer) au bureau de Paris.
Bell pouvait entendre les voix de Brantford grâce aux bobines électromagnétiques à haute résistance sur chaque extrémité de la ligne, les sons étaient transmis et reçus si distinctement que Bell pouvait reconnaître les voix des haut-parleurs.
Le maire et tout le village écoutent pendant une heure Macbeth, puis l'heure de fin convenue arriva, et ils refusaient de quitter le bureau, il fallu télégraphier à la Dominion Telegraph Company pour demander une ralonge de temps sinon les fils auraient été débranchés.
Le 10 août, il parvint à relier Brantford et Paris, distants de huit milles : les voix, la musique et les chansons venant de la maison des Bell parvinrent jusqu’à la foule assemblée dans le magasin de chaussures de Robert White. Grâce à cet essai qui, selon le Daily Expositor, « ravit et informa l’auditoire », Bell attira encore l’attention sur lui et eut droit à un article dans le Scientific American de New York, qui parru en septembre 1876, et publié dasn le monde entier.
L'article consacré au téléphone de Bell, explique comment construire un appareil,
Voir page 163

C'est avec ce premier modèle de téléphone que Bell équipera les premiers "Abonnés" comme allons le voir.

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Les historiens Christopher Armstrong et H. V. Nelles mentionnent que le service téléphonique est expérimenté pour la première fois à Montréal en 1877 auprès d’un groupe de religieux. Rassemblés dans le hall d’un séminaire, les participants ont écouté un concert transmis depuis une salle de musique. Toujours selon ces historiens, les premiers téléphones en service à Montréal relient un séminaire du centre-ville au cimetière catholique situé chemin de la Côte-des-Neiges. Le téléphone permet sans doute de mieux coordonner les activités tenues dans deux secteurs assez éloignés, le cimetière étant localisé à l’extérieur des limites de la ville pour des raisons d’aménagement et d’hygiène publique.

Officielemnt le 20 juin 1877 : Hugh Cossart Baker Jr. lance le premier service téléphonique du Canada à Hamilton Ontario.



Hugh Cossart Baker découvre l'invention d'Alexander Graham Bell en 1877 à l'Exposition internationale de Philadelphie

Il et décide de tester ce nouvel outil de communication à Hamilton, il. loue quatre téléphones Bell de premier modèle , afin que ses amis, partenaires aux échecs, puissent se contacter directement (autrement que par le télégraphe).

Melville Bell (le père d'Alexander) vint à Hamilton et installa trois autres téléphones sur la ligne de télégraphe privée de Baker, dans les maisons de son ami C.D Cory, de la soeur de Cory et de J. R. Thompson.


Les monteurs de lignes télégraphiques tirent la ligne unique de maison en maison à travers les toits, attachés aux arbres et à quelques poteaux de télégraphe bien situés


Dessin paru dans La Presse du 27 janvier 1912 qui illustre le premier réseau de téléphone

Aux Usa le 9 juillet 1877
Bell, Watson, Gardiner Hubbard et Thomas Sanders avaient constitué à Boston une société fidiciaire , la Bell Telephone Company. Hubbard en devient l'administrateur
Le lendemain, Graham Bell concéda 75 % de ses droits canadiens à son père et le reste 25 % à Charles Williams, son fabricant d’équipement.
En échange Williams s'engage à fournir 1000 téléphones à Melville Bell.
Le surlendemain Graham.Bell épouse Mabel Hubbard.
Côté Canada, Alexander Melville Bell nomma son ami Thomas Henderson agent de son fils en Ontario.
Puis en août 1877, tous deux accordèrent à un promoteur de tramways de Hamilton, Hugh Cossart Baker fils, l’autorisation exclusive de louer des téléphones dans cette province.

Le 24 août 1877, le Bureau canadien des brevets octroie un brevet d'invention pour le téléphone à Alexander Graham Bell.
Mais la législation canadienne stipule que les objets protégés par un brevet doivent être fabriqués au Canada après un an, ce qui aménera des soucis, nous en reparlerons.

Le téléphone fit l’objet d’une première démonstration publique au Canada le 29 août 1877 ; Baker avait organisé l’événement.
Après plusieurs essais réussis, une démonstration publique de l'installation a été organisée pour le 30 août 1877.
Les quatre téléphones utilisés pour la manifestation publique du 30 août étaient les deuxièmes téléphones loués au Canada, au prix de 45 $ par an.

Le premier contrat de location d’équipement téléphonique au Canada, signé le 18 octobre 1877 , portait sur une connexion entre le domicile de Baker et ceux de deux de ses collègues.
A Ottawa, Baker installa une ligne entre le bureau du premier ministre Alexander Mackenzie et Rideau Hall, pour relier le bureau de la résidence du gouverneur général et le marquis de Dufferin.

Baker à la tête d'une compagnie de chemin de fer, fait l'acquisistion d'une petite entreprise de télégraphie : la Hamilton District Telegraph essentielement pour relier des abonnées aux pompiers, à la police ... construit lui même un petit central rudimentaire . Il avait aussi demandé dès 1878 à la municipalité de Hamilton la permission de planter des poteaux.
Ce sont les premiers abonnés de Hamilton du Canada.



Contrat entre Melville Bell et l’honorable Alexander Mackenzie pour la location de deux téléphones manuels en bois et deux téléphones en forme de boîte.

Ce téléphone ressemblant à un appareil photographique a été le premier téléphone utilisé dans un cadre commercial. Deux de ces appareils, en plus de deux téléphones manuels en bois, ont été les premiers à être loués au Canada, reliant le bureau du premier ministre Alexander Mackenzie à Rideau Hall à la résidence privée du gouverneur général Lord Dufferin.

Bell peu de temps après annonce le Hand-Téléphone, modèle qui fera le tour du monde



le succès est foudroyant.

Eté 1877 en Nouvelle-Écosse, lors d'une visite de mine Gardiner Hubbard apporte une paire de téléphones qui furent installés au fond de la mine et à la surface, c'est certainement la première application commerciale du téléphone au Canada.
Hubbard était membre du conseil d'administration de Caledonia, une compagnie minière de Cap Breton .


Facture originale d’équipement téléphonique acheté par Thomas Henderson, agent principal de la Bell Telephone Company of Canada, auprès de Charles Williams Jr., fabricant autorisé pour la National Bell Telephone Company, 1877

15 juillet 1878 : ouverture du premier central téléphonique de Hamilton, rue King et Hughson, au dernier étage du bâtiment Hamilton Provident and Loan.
Il s’agissait du premier central téléphonique de l’Empire britannique et du deuxième en Amérique du Nord.
En décembre 1878 il y avait 40 abonnés à Hamilton, et passera à 150 en avril 1879.
Baker obtiendra de Melville Bell la permission les droits d'exploiter le téléphone entre la baie la Baie Georgienne et le lac Erié, y compris Hamilton.
Baker avait compris que l'avenir du téléphone passerait par la création d'un réseau

.
Reproduction du premier standatd d'Hamilton en 1878.
Les abonnés du central téléphonique d’Hamilton utilisaient ce téléphone à main à la fois comme transmetteur et récepteur, en le déplaçant de la bouche à l’oreille pour parler ou écouter. Le téléphoniste opérait un standard téléphonique à sept lignes, avec dix abonnés par ligne.
Cette publicité de 1879 illustre le nouveau téléphone mural, créé dans le but de satisfaire aux utilisateurs qui perdaient des bouts de conversation lorsqu’ils déplaçaient le transmetteur/récepteur de la bouche à l’oreille.

Un autre exemple des premiers usages du téléphone est celui du propriétaire d’une entreprise de camionnage (Shedden Forwarding).
En 1878, à Monréal il décide de louer du professeur Bell des appareils téléphoniques et fait installer une liaison privée permanente entre ses bureaux, situés à l’angle des rues Saint-Paul et Saint-Sulpice dans le quartier des affaires, et ses entrepôts et écuries, localisés dans le quartier Hochelaga. Agent principal pour la compagnie ferroviaire du Grand Tronc, Shedden Forwarding devait assurer rapidement et avec efficacité la coordination des activités de direction, de répartition, d’expédition et d’entreposage.


En 1878, James H. Cowherd bâtit le premier atelier canadien consacré à la fabrication de téléphones. Cet atelier était situé au 32, rue Wharf, à Brantford, en Ontario. Le bâtiment fut démoli en 1992.

Alors que Melville Bell détient 75 % des droits du brevet canadien, le reste est cédé à l’inventeur Charles Williams Jr. de Boston, Massachussetts; en échange, ce dernier doit fournir 1 000 téléphones sans frais. Toutefois, après cette transaction, deux enjeux importants apparaissent. D’abord, la demande en téléphones aux États-Unis, téléphones pour lesquels M. Williams avait été payé, devient tellement grande que ce dernier prend du retard dans les commandes placées par Melville Bell. Ensuite, les frais de douanes canadiennes que doit débourser Melville Bell pour chaque téléphone fabriqué aux États-Unis sont élevés. De plus, les lois concernant les brevets obligent les Canadiens à cesser l’importation de téléphones peu de temps après l’émission du brevet en 1877.
Il est donc évident que les téléphones doivent désormais être faits au Canada. On décide que James Cowherd, un électricien de Brantford, ira étudier la fabrication des téléphones à l’atelier de M. Williams; en décembre 1878, M. Cowherd commence à fabriquer ses propres appareils. Comme le nombre de commandes augmente, ce dernier bâtit un nouvel atelier – le premier au Canada consacré à la fabrication de téléphones. Le 15 décembre 1878, le premier téléphone à main en caoutchouc est officiellement testé, et c’est une réussite. Cette même année, la ville d’Hamilton en reçoit la première commande pour l’utilisation par la municipalité.

James H. Cowherd a continué de fabriquer des téléphones et des équipements accessoires pour La Compagnie de téléphone Bell du Canada jusqu’à son décès soudain en février 1881, à l’âge de 31 ans. Au cours de sa vie, il aura produit plus de 2 400 téléphones.

Le téléphone passe rapidement de curiosité à objet du quotidien; en effet, de plus en plus d’utilisateurs désirent communiquer entre eux. Le premier central téléphonique au Canada (neuvième au monde et premier à l’extérieur des États-Unis) entre en fonction en 1878 à Hamilton, en Ontario. Le petit nombre d’abonnés augmente sans cesse, et bientôt, il devient possible de communiquer aux plus grandes villes du pays.

À la fin des années 1870, on retrouve à Montréal un petit nombre de ces lignes téléphoniques qui vont d’un point fixe à un autre. Exploité par un individu ou une entreprise, ce type de système ne possède pas les qualités d’un réseau, car sa capacité d’interconnexion est inexistante. Peu commun, ce système à deux unités indique néanmoins les raisons qui motivent sa mise en service : il s’agit d’établir un lien direct et permanent entre deux unités d’une même organisation, que ce soit une résidence et une manufacture, une manufacture et un entrepôt, ou encore, un cimetière et un presbytère. Ce sont les cas de figures que nous révèlent les premiers baux de location des appareils téléphoniques. Il semble que le besoin de disposer d’un lien sûr est alors assez fort pour que les systèmes privés trouvent une clientèle.
Dans ces quelques exemples recensés, on constate aussi que le facteur d’éloignement est déterminant. Par contre, une chose est certaine : ce n’est pas parce que la possibilité de disposer d’un téléphone existe que les entrepreneurs choisissent forcément de localiser leurs activités en des lieux éloignés les uns des autres. Il est d’ailleurs significatif de constater qu’avant l’introduction du téléphone, les premiers abonnés mènent déjà leurs activités sur une base territoriale fragmentée.


Pendant encore deux ans, le père de Bell, Alexander Melville promut la commercialisation du téléphone au Canada et rechercha des agents pour les autres provinces.

Lorsque le tout premier annuaire téléphonique de Toronto a été publié le 8 juin 1879, le téléphone était encore un gadget dernier cri qui n'avait été breveté que trois ans plus tôt.
Les 56 entreprises et résidences répertoriées à l'époque tiennent sur un grand total de six pages. Bien sûr, il n'y avait pas encore de numéros - un opérateur en direct devait connecter chaque appel entre les abonnés au téléphone.
Il était facile de voir pourquoi passer un appel rapide était un peu compliqué à comprendre pour les résidents à l'époque - à tel point que des instructions claires sur la façon de le faire étaient incluses dans le livre. "Laissez le téléphone reposer contre la lèvre inférieure. Tout en écoutant, appuyez fermement le téléphone contre l'oreille », indique-t-il. "Parlez lentement et distinctement, avec une certaine force, mais pas d'un ton élevé."
"Donnez toujours à vos auditeurs suffisamment de temps pour transférer le téléphone à leur oreille avant de parler, et assurez-vous qu'une phrase est terminée avant de répondre."
La Toronto Telephone Despatch Co. n'a duré que deux ans avant d'être rachetée par la Bell Telephone Company of Canada, qui deviendra plus tard la bien connue Bell Canada.


En 1879 deux centres sont installés à Halifax : la Western Union en novembre avec des téléphones Edison et Dominion Telegraph un mois plus tard avec des téléphones Bell. En 1880 en Nouvelle Ecosse la Bell telephone rachète les installations de Dominion Telegraph puis de la Western Union un an plus tard.


Démonstration du téléphone à des journalistes de Montréal en 1879, au bureau de la Dominion Telegraph Company, où sera situé plus tard le premier central téléphonique de La Compagnie de Téléphone Bell. Le standard téléphonique était courbé autour de la pièce car la compagnie avait donné ses dimensions en pouces, mais le fabriquant les avait fournies en pieds.

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Le 29 avril 1880 fondé par Hugh Cossart Baker à Montréal, par une loi fédérale, la Compagnie de Téléphone Bell du Canada (par la suite Bell Canada) reçoit, en vertu de sa charte, le droit de construire des lignes téléphoniques le long des droits de passage publics du Canada, ce qui est un privilège des plus précieux.
En vertu d'un contrat de licence conclu avec la compagnie de téléphone America Bell située aux États-Unis, Bell fabrique également des téléphones et de l'équipement téléphonique, une activité qui sera transférée à la compagnie manufacturière Northern Electric en 1895, qui, à son tour, deviendra la Northern Electric Ltée (puis Nortel Networks) à la suite d'une fusion avec la Imperial Wire and Cable en 1914.

Au début la Bell Canada fabriquait les "Hand Téléphones" modèles 1877 aux Usa par C.Williams et louait 40 dollars la paire de téléphone, certains obtenaient même des réductions ... c'était de l'improvisation.
Mais la législation canadienne stipule que les objets protégés par un brevet doivent être fabriqués au Canada après un an. De plus les droits de douane doublent le prix de revient des appareils.
La situation devint critique surtout que du côté fabrication, Williams était dans l'incapaité de livrer les 1000 appareils dus en échange de sa part des droits canadiens. Il n'en livrera que à peine la moitié.

Melville Bell et Thomas Henderson doivent réagir, alors il envoient un jeune quincailler James H. Cowherd suivre un stage chez Williams à Boston.
En décembre 1878 de retour, Cowherd construit un hangar derrière la boutique familliale à Brandfrod et commence à "fabriquer" les premiers téléphones canadiens.
En fait les téléphones étaient fabriquées à Boston et envoyées à Brandford pour y être assemblés.
Ce fut le moyen de contourner la législation canadienne, nuance importante car elle servira de base à l'annulation des brevets canadiens quelques années plus tard.
En tout 2398 téléphones sortent du hangar de montage de Cowherd qui en janvier 1881 décéde en mettant fin à cette drôle d'aventure.

Bell et Handerson continent de prospecter timidement l'Ontario en faisant du porte à porte, mais la comptabilité de l'entreprise demeurait défaillante, de plus les problèmes de maintenance et réparations croisaient avec le nombre de clients.
Du coup, la province du Québec fut négligée, deux villes seulement y furent derservies : Montréal et Québec.

En juin 1881, les actionnaires de la compagnie elisent Erastus Wiman comme president. Ce dernier a pour objectif de reunir en une seule compagnie tous les intérets télégraphiques canadiens, tel qu'il l'explique aux actionnaires de la Montréal Telegraph dans un courrier adresse a la compagnie en 1881 . Apres quelques semaines d'intenses négociations, Wiman réussit à convaincre, par un savant mélange de pression et de menaces, les dirigeants et actionnaires de la Montreal Telegraph. En aout 1881, deux accords sont signés par la Great North Western Telegraph, le premier avec la Montreal Telegraph, le second avec la Dominion Telegraph, le tout avec la bénédiction de la Western Union Telegraph. A partir de ce moment-la, la Great North Western Telegraph, soutenue financierement par la Western Union Telegraph, contrôle et opère les réseaux télégraphiques de la Montreal Telegraph et de la Dominion Telegraph, pour une duree de 99 ans. Un nouveau monopole s'installe alors sur les lignes telegraphiques
canadiennes, aux mains de la Western Union cette fois, directement dans les Provinces Maritimes, indirectement via la Great North Western Telegraph dans le reste du pays. La télégraphie canadienne est désormais dominée par les intérets financiers états-uniens. En ce qui concerne le téléphone, les réseaux des deux compagnies sont rachetés a bas prix par la toute recente Bell Telephone Company of Canada

Seulement deux ou trois entreprise suivèrent le modèle de Baker, obtinrent un permis d'exploitation de Bell dont la Toronto Telephone Despatch et de la York Telephone Despatch fondées par Hugh Neilson
A Winnipeg un agent vendit quelques téléphones mais n'installa pas de central. Les autres entreprises ignoraient tout simplement les droits .

Au total seulement quelques villes furent équipées entre le Québec, l'ontario, la nouvelle Ecosse, le Nouveau Brunswick, le Manitoba et la Colombie britanique.

Au début de l’année 1880, on retrouve à Montréal environ 250 abonnés au premier réseau téléphonique géré par Dominion Telegraph, l’entreprise qui deviendra quelques mois plus tard la compagnie Bell. Parmi ces premiers abonnés, on dénombre surtout des manufacturiers, des entrepreneurs, des négociants, des financiers et quelques membres de la classe d’affaires. Selon ses promoteurs locaux, les applications urbaines du nouveau service de communication sont nombreuses et commodes.
Les communications d’affaires occupent une place prédominante. D’ailleurs, l’extension de leurs usages constitue l’une des raisons pour laquelle certaines entreprises de téléphone sont mises sur pied (par exemple, la Compagnie de Téléphone des Marchands de Montréal, établie en 1892 grâce à l’initiative des membres de la Chambre de commerce du district de Montréal). Les autres moyens d’échanges reliés aux affaires ne subissent toutefois pas de déclin parce que le téléphone est introduit. Il faut plutôt parler de complémentarité, voire de convergence, entre les divers instruments de communication locale.
Il n’en demeure pas moins que, face aux transformations de l’espace urbain et à l’émergence de la notion d’agglomération, le téléphone apporte des réponses appropriées aux nouvelles conditions de la ville réticulée. Il s’agit principalement d’un meilleur contrôle de la transmission des messages, et d’un accroissement de la rapidité. En effet, les systèmes existants de communications intra-urbaines (la poste et les services des messageries) n’offrent pas ces avantages avec autant de fiabilité et d’efficacité. En outre, la portée de la téléphonie dépasse les seules sphères de la vie économique (marchande, industrielle et professionnelle) et illustre le caractère nouveau des effets de l’éclatement de la ville traditionnelle sur la sphère privée.

La réaction du gouvernement est en réalite une absence de réaction. Le passage des compagnies canadiennes entre les mains de la Western Union ne souleve pratiquement aucun debat. Quelques voix s'elevent pour dénoncer la situation, principalement au Sénat, mais sans aucun résultat. Ainsi, lors du passage de l'acte d'incorporation de la Great North Western Telegraph, le sénateur liberal Robert P.Haythorne s'inquiète de la clause autorisant la compagnie à louer ou fusionner ses lignes, sans que cela ne suscite de débat. La principale réaction a lieu en 1882, lorsque la Montreal Telegraph demande une refonte de sa charte pour valider la location de ses lignes a la Great North Western. L'acte passe sans probleme a la Chambre des
communes, mais se heurte à une vive opposition au Senat. Le senateur liberal John C.Scott s'oppose au passage de Facte, s'insurgeant contre le contrôle étranger sur les lignes canadiennes. II recoit le soutien inattendu de Henry A. Kaulback, sénateur conservateur, qui propose comme solution la nationalisation des lignes de télégraphe. Le sénateur liberal Lawrence G. Power présente la refonte de la charte comme étant une mesure équitable puisque les nouveaux droits accordés a la Montreal Telegraph ont déjà été accordes a la Great North Western et la Dominion Telegraph. Le débat est clos par un vote autorisant le projet de loi . A partir de ce moment-la, la position dominante de la Great North Western Telegraph n'est plus discutée par les parlementaires.

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Comme ailleurs dans le monde de nombreux électriciens simplement avec les explications trouvées dans l'article consacré au téléphone de Bell, qui explique comment construire un appareil (
Voir page 163 le premier modèle), se mirent à fabriquer leurs propres appareils

Thomas Ahearn télégraphiste qui à l’âge de 22 ans, lit l'article de la revue Scientific American Débrouillard, il décide de concevoir un système rudimentaire à partir de deux boîtes de cigares, d’aimants et de fils, ainsi que de lignes de télégraphe reliant Pembroke à Ottawa. Ce fut le premier appel longue distance du pays
Ahearn a meme été menacé de poursuites pour son utilisation non autorisée de la technique brevetée de Bell, mais plus tardivement il sera nommé directeur du premier bureau d'Ottawa de la société Bell.

Cyrille Duquet joailler fit parler de lui

Cyrille Duquet, horloger, joaillier, inventeur et homme politique, né le 31 mars 1841 à Québec, fils de Joseph Duquet, journalier, et de Madeleine Therrien (Terrien) ; le 22 février 1865, il épousa à Québec Adélaïde Saint-Laurent, fille de Jean-Baptiste Saint-Laurent et d’Adélaïde Gazzo (Gazeau), et ils eurent 16 enfants ; décédé le 1er décembre 1922 au même endroit.

À l’âge de 13 ans, après des études chez les Frères des écoles chrétiennes, Cyrille Duquet entre comme apprenti chez l’orfèvre Joseph-Prudent Gendron de la rue Saint-Jean à Québec. Lorsque ce dernier décide de déménager en 1862, l’apprentissage du jeune Duquet s’achève. Sans hésiter, Duquet propose au propriétaire de s’établir à son compte au même endroit. L’affaire conclue, il partage pendant un certain temps ses locaux avec Simon Levy, vendeur en horlogerie et bijouterie.
Non satisfait d’assembler et d’installer des horloges, de fabriquer et de vendre des bijoux, il entreprend d’attirer l’attention en installant dans la vitrine de son magasin ses inventions et ses créations. Si Duquet aime surprendre, éblouir, étonner, émerveiller, il a aussi l’esprit pratique. En 1868–1869, avec le professeur François-Alexandre-Hubert La Rue, il conçoit un séparateur magnétique.

Vu dans Le Canadien, le 6 décembre 1877 , LE TELEPHONE À QUÉBEC

Beaucoup de nos lecteurs ignorent probablement que la ville de Québec possède un téléphone érigé en permanence.
Tel cependant est le cas. M. C. Duquet, horloger, a construit, pour son propre amusement, une ligne téléphonique qui met en communication la Haute Ville avec St. Roch. Au moyen de cet appareil, M. Duquet peut converser de son magasin de la rue de la Fabrique avec son associé, M. Dallaire, au magasin de la rue St. Joseph. Nous avons nous-mêmes été témoins des merveilles du téléphone. De St. Roch nous avons communiqué avec nos amis de la Haute Ville et nous avons pu jouir d’un concert donné à un mille de distance.
Le téléphone dont M. Duquet a lui-même construit toutes les parties, diffère sensiblement des instruments américains qui ont déjà été exhibés en cette ville et il leur est incontestablement supérieur.
Il est beaucoup plus fort que le téléphone Bell, et transmet les sons sans en changer le timbre, de sorte que, dans une conversation, on peut reconnaître sans difficulté la voix de la personne qui parle. Cette qualité précieuse, qui distingue le téléphone de M. Duquet, est due aux améliorations que notre concitoyen à apportées dans la confection des aimants, qui sont pour ainsi dire la force motrice du téléphone. Car le courant électrique, qui transmet les sons, au lieu d’être produit par une pile, comme on le croit généralement, provient de la seule action des aimants sur la membrane, qui se trouve placée à faible distance d’un des pôles de l’aimant.
Voici en deux mots, comment fonctionne le téléphone : la voix, frappant la membrane, produit des vibrations qui sont conduites et reproduites exactement par le courant électrique sur la membrane placée à l’autre extrémité du fil.
La ligne téléphonique est un circuit ordinaire, à part les piles, partant du sol à une extrémité, partant par les instruments aux deux bouts et rejoignant le sol qui établir le courant électrique.
Comme le fonctionnement du téléphone dépend entièrement des aimants, il va de soi que plus les aimants sont forts, plus les sons se transmettent clairement. Au lieu d’une seule barre aimantée, employée dans la construction des téléphones ordinaires, M. Duquet a confectionné des aimants en faisceau, qui ont d’autant plus de puissance qu’ils contiennent plus de barres.
Lorsque M. Duquet veut entamer une conversation avec ses amis de St. Roch, il attire leur attention par un timbre électrique placé aux deux extrémités de la ligne. Car jusqu’à présent, on ne peut pas entendre les sons transmis sans avoir l’instrument appliqué sur l’oreille. M. Duquet travaille en ce moment à fabriquer un téléphone assez puissant pour que tout l’auditoire dans un appartement, puisse entendre et nous sommes convaincus que si l’énergie peut vaincre les difficultés, il réussira.

Premier brevet 8371 que Duquet obtient le 1er février 1878
Voir le brevet
(photo ci contre une réplique) et le courrier associé

C’est toutefois avec son nouveau combiné téléphonique (photo ci dessus) que Duquet acquiert la notoriété.
Contemporain d’Alexander Graham Bell, il aurait eu avec ce dernier un échange de correspondance – dont il ne reste pas de traces connues pour l’instant – sur l’évolution de leurs expériences respectives.
Après quelques expériences entre son magasin de la rue de la Fabrique (là où débute la rue Saint-Jean) et un second magasin – qu’il possède avec Louis Dalaire – dans le quartier Saint-Roch, ou entre Ottawa et Montréal, il commence à établir quelques lignes téléphoniques régulières dont l’une avec Spencer Wood, où réside le lieutenant-gouverneur, et une autre avec le couvent Jésus-Marie de Sillery, où étudie une de ses filles.
Persuadé que Duquet utilise l’invention de Bell, Charles Fleetford Sise, vice-président de la Canadian Telephone Company, le met en demeure dans une lettre du 31 décembre 1880 « de cesser la fabrication de ces téléphones ». La fameuse législation canadienne.

Piqué au vif, Duquet lui répliquera dès le 7 janvier 1881 que « le brevet pour lequel vous faites tant de bruit est périmé et de nul effet ». « Veuillez en finir avec vos menaces de poursuite qui ne meffraye nullement, ajoute-t-il. Si vous désirez avoir un brevet inataquable je vous conseille d’acheter le mien [...] le plus tot possible, conclut-il, car plus vous retarderez plus il vous faudra payer cher. »

Le 11 mai 1882, la Cour supérieure de la province de Québec tranchera en faveur de la Canadian Telephone Company (intégrée cette année-là à la Compagnie canadienne de téléphone Bell).
Des 5 000 $ qu’elle réclamait le 1er avril 1881, la compagnie a réduit « sa demande de dommages-intérêts à la somme de dix dollars », « convaincue que le défendeur [Duquet] agissait de bonne foi », explique le juge William Collis Meredith.

Ce qui est cependant bien établi, c’est le brevet que Duquet obtienu, le 1er février 1878, pour des modifications « facilitant la transmission du son et améliorant les propriétés acoustiques » et surtout pour la conception d’un nouvel appareil réunissant, sur une même planchette, l’émetteur et le récepteur.


Le premier combiné Duquet . (Bien que au Portugal Bramão revendiquera ce concept)

Fevrier 1878 Duquet incortpore la Québec and Lévis Téléphone compagny et commence à commercialiser son appareil à combiné.

En 1879 la ville de Québec lui accorda l'autorisation d'installer des poteaux sur la grande allée et installa une ligne entre son magasin du centre ville et Sillery..

Voila pour la petite histoire Duquet.

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C'est la fin de l'amateurisme, avec l'entrée des deux poids lours de la télégraphie au Canada : Montréal Telegraph et Dominium Telegraph dans le marché de la téléphonie.
- la Montréal Telegraph de Québec qui était en bon rapport avec la Western Electric concurent de Bell, vend du téléphone de Edison de bonne qualité mais pas très pratique,
- la Dominium Telegraph de Toronto qui a toujours été en affaire avec Bell, deviendra en février 1879 le representant attitré de melville Bell et commercialisera ses appareils dans tout le Canada sauf Hamilton, Toronto et York ou Melville Bell avait déja cédé ses droits.
- Restait dans le jeux Lewis McFarlane directeur du bureau de Toronto qui sera nommé diecteur de la division téléphone de la Dominium Telegraph.
Ces deux entreprises investiront 75 000 dolards la première annèe d'exploitation pour des revenus insignifiants, 1878-1880 la concurence est rude et domine le développement de cette industrie.
Un gros inconvénient pour les abonnés d'une entreprise qui ne pouvaient pas communiquer avec les abonnés de l'autre entreprise.

Les appareils téléphoniques des années 1880 étaient grands, l’utilisateur devait tourner la manivelle pour joindre la téléphoniste qui établissait l’appel selon le nom de demandeur. Les numéros individuels feront leur apparition en 1884. Les appareils Edison n'étaient pas très pratique ...
Si la personne à rejoindre ne possédait pas de téléphone, Bell envoyait un messager à son domicile, l’invitant à venir prendre l’appel dans les bureaux de la compagnie.
Chaque matin, les clients recevaient un appel de l’opératrice afin de s’assurer que leur service fonctionnait correctement.

En concertation avec C.Williams, Melville Bell fixe le prix des droits au Canada à 100 000 Dollars (côte établie par les brevets en téléommunications). melville Bell propose à la Dominium Telegraph qui trouve que c'est trop cher, McFarlane l'estimait entre 5000 et 12 dollars. Duquet aussi contacté n'a pas plus réunr plus de 3000 dollars, personne ne peut acheter ses droits.
Graham Bell deamnde à Baker de secourir son père; Baker , il se tourne vers les états unis pour conlure un contrat en novembre 1879 avec la Western Union.

En 1879, comme Melville Bell veut se départir de son entreprise naissante et qu’aucune compagnie canadienne n’est intéressée par l’entreprise, Melville Bell vend son entreprise et les droits canadiens reliés au brevet d'invention du téléphone au National Bell Telephone de Boston. .

Puis en mars 1880
William Forbes le nouveau président de la National Bell, accepte d'acheter les droits canadiens pour des raisons statégiques, car le principal adversaire la Western Union aux Usa et aussi partenaire de la Montreal Telegraph.
Puis Melville Bell quitte le conseil d'administration en juin 1880 pour rejoindre son fils et s'installer à Washington et retourne à ses études des sourds-muets.

Le grand gagnant semble être Baker qui était déjà le président de la Bell au Canada qui rédigea en hiver 1879-80 la charte d'une nouvelle entreprise qui devrait s'appeler la Bell Telephone Compagney Of Canada et commencera la procédure d'incorporation, la nouvelle entreprise s'appelera la Bell Telephone pour éviter la confusion avec la Bell Telephone Compagny des états unis.


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Baker qui n'avait pas l'envergure nécessaire pour une entreprise de si grande échelle, c'est le Colonel Forbes qui finit par recruter Charles Fleetford Sise pour représenter les intérêts de la National Bell au Canada.

CHARLES FLEETFORD SISE
Sise est un homme d’affaires, né le 27 septembre 1834 à Portsmouth, New Hampshire, sixième fils d’Edward Fleetford Sise, marchand commissionnaire et propriétaire de navires, et d’Ann Mary Simes ; le 20 février 1860, il épousa à Mobile, Alabama, Clara Bunker (décédée en 1872), et ils eurent quatre filles, dont deux vécurent au delà de la petite enfance, puis le 4 juin 1873, à Newburyport, Massachusetts, Caroline Johnson Pettingell, et de ce second mariage naquirent trois fils ; décédé le 9 avril 1918 à Montréal.

Charles Fleetford Sise fit des études seulement jusqu’à l’âge de 16 ans et entreprit en 1850 une carrière de marin à bord d’un navire appartenant à sa famille. Six ans plus tard, son père le nomma capitaine du navire marchand Annie Sise. C’est alors qu’il commença à tenir un journal de bord. Même une fois qu’il aurait cessé de naviguer, il continuerait, jusqu’à sa retraite en 1915, à noter de petits et grands événements dans des carnets qu’il appelait journaux de bord. Après avoir commandé durant plusieurs années des navires marchands qui sillonnaient le Pacifique et l’Atlantique et se rendaient en Australie, il interrompit temporairement sa vie nomade en 1860, l’année de son mariage, et fut associé durant trois ans à une maison de commerce et de courtage maritime à La Nouvelle-Orléans.

Né et élevé en Nouvelle-Angleterre, Sise se rangea pourtant du côté des Sudistes lorsque la guerre de Sécession éclata en 1861.
On dit qu’il les soutint en tant qu’agent de renseignements, briseur de blocus et secrétaire particulier du président des États confédérés du Sud, Jefferson Davis, dont il était l’ami. Toujours discret sur ses activités du temps de guerre, il s’aliéna sa famille de la Nouvelle-Angleterre pendant un temps parce qu’il avait épousé la cause des sudistes, et la possibilité de mener une carrière stable d’homme d’affaires dans le nord-est des États-Unis lui fut pour ainsi dire interdite. Ces raisons expliquent en partie pourquoi il s’installerait un jour à Montréal.
En 1863, Sise se rendit à Liverpool, en Angleterre, pour acquérir un navire au nom de l’entreprise de son beau-père, l’Alabama Steam Ship Company. L’année suivante, il fonda à Liverpool sa propre maison de transport maritime, de commerce et d’affrètement. En 1867, il rentra aux États-Unis et, nommé à nouveau capitaine de l’Annie Sise, se mit en route pour l’Australie. À son retour aux États-Unis l’année suivante, il trouva un emploi dans les assurances. Il travaillerait 11 ans dans ce secteur, dont quelque temps à titre de représentant américain de la Compagnie d’assurance royale canadienne de Montréal, dont Andrew Robertsonétait président.
Toujours mal vu à cause de ses liens passés avec les Sudistes, Sise démissionna le 31 décembre 1879.

En mars 1880, William H. Forbes, président de la National Bell Telephone Company de Boston, une des entreprises dont serait issue l’American Telephone and Telegraph Company (AT&T), prit Charles Sise comme agent spécial et le chargea de coordonner la prise de contrôle de la téléphonie canadienne par la National Bell.

L'empire Bell, aura pour unique mandat et le seul pendant plusieurs décennies de commercialiser et de peaufiner les services liés à la téléphonie fixe (en élargissant notamment les réseaux de communications téléphoniques locaux en réseaux régionaux, nationaux, puis internationaux).

Le 29 avril 1880 la nouvelle entreprise reçoit une charte qui permettra de faire à peu près tout ... pas de tarif, pas de réglementation.
Le président William Roberson est désigné le 1er Juin 1880 lors de la première assemblée à Toronto. Roberson étranger aux télécommunication, neutre (et manipulable). Size devient le vice président et directeur général, il possède tous les pouvoirs.
Le conseil d'administrations qui compte huit membres dont trois américains : Forbes, Vail et Sise. Parmi les autres membres canadiens, l'illustre Joseph Tibaudeau sénateur et directeur de la banque national, qui devienfra aussi le président de la compagnie d'éléctricité à Montréal.
Le deal avec Roberson est qu'il imposa Montréal comme siège social de la socièté au détriment de Toronto.

Deux filiales canadiennes virent le jour en 1880
– la Canadian Telephone Company selon le modèle américain, dont le président n'est autre que N.Vail et possédait 69 % des actions.
– la Compagnie canadienne de téléphone Bell
La première détiendrait les brevets et louerait l’équipement à la seconde, qui serait une société exploitante.
De plus, Sise avait obtenu entre-temps le réseau téléphonique de la Compagnie du télégraphe de Montréal et de la Compagnie de télégraphe de la Puissance, alors les principales sociétés exploitant des téléphones au Canada.

Fin 1880, la Compagnie de téléphone Bell du Canada offre des services au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Québec et au Manitoba.
La Bell Téléphone Company établit son premier réseau à Québec, capitale de la province de ce nom, en cette année 1880.
Mais le tâche ne fut pas simple, tout comme Melvile Bell Charles Sise échoua à convaincre les milieux d'affaires canadiens d'investir dans le téléphone.
Le goupe Bell de Boston avait conçu un plan selon lequel Montréal Telegraph et Dominion Telegraph une sorte de consortium qu'aurait chapeauté l'Américan Bell gràce à ses droits sur les brevets canadiens : 1/3 capital Bell Telephone devait être vendu aux deux entreprises de télégraphe, 1/3 à Baker et autres et 1/3 au public. Mais les deux grands du télégraphe voulaient être payées en liquidités non en actions Bell Telephone.(ils voulaient se retirer du marché du téléphone en prenant exemple de ce qui s'est passé aux Usa avec Western Union).
Size sut manoeuvrer en se raliant à la position de ses interlocuteurs et par accepter d'acheter leurs réseaux de téléphones.
Finalement ce fut l'American Bell qui acheta le réseu téléphonique de Dominion Telegraph en en juillet 1880 pour 75 000 dollars. Ces installations furent aussitôt cédées à la Bell Telephone contre des actions.
Hugh Allan, président de la Montreal Telegraph exigea 150 000 dollars (pour un réseau moins important que Dominion Telegraph) mais Sise fit baisser le prix à 75 000 dollars dont 25 000 en actions.
Le plus dur à convaincre fut Forbes qui exigeait que la bell Telephone soit une entreprise à capitaux canadiens, après de longue transactions, lettres ... pour qu'un accord soit conclu en octobre 1880 avec la Montreal Telegraph et finalisé le mois suivant.

Fin 1880 Il y avait alors 150 employés et 2165 téléphones installés dont :

Ville
Nbr Tel Edison
Nbr Tel Bell
Montréal
300
250
Toronto
50
200
Hamilton
50
300
Québec
40
75
Ottawa
50
50
Autres
200
600
Les villes n'étaient pas reliées et les réseaux existants ne pouvaient pas communiquer entre eux. De plus la prolifération des fils dans les rues était mal vu par le public. La réunification s'annoncait difficile.
Sise était compétent et assez dure en affaires, les contrôles des coûts étaient permanents et il arriva à offrir un service comparable à ce qui se faisait aux Etas Unis mais 23 % moins cher.


Au Canada, ce sont des hommes d'affaires de la ville de Hamilton qui sont les premiers abonnés canadiens du téléphone. Rapidement, l'élite commerciale des grandes villes canadiennes emboîte le pas.
En 1880, Montréal, avec ses 546 appareils téléphoniques, est la plus « branchée » des villes au Canada.

Dès 1881, Size avait acquis, au nom de son employeur, « tout le matériel téléphonique restant au Canada » – soit en tout 3 100 appareils.
En outre, à la fin de 1880, il avait négocié avec une ancienne rivale, la Western Union Telegraph Company, une entente en vertu de laquelle tous les brevets téléphoniques canadiens de la Western Union passaient à la Canadian Telephone Company, ce qui assurait la séparation de l’industrie du téléphone de celle du télégraphe.
La dernière poche de résistance reste au Québec ou Duquet avait menacé de poursuites judiciares, comme nous l'avons lu un peu plus en avant,
Duquet triomphera en 1885 mais en 1882 il finit par vendre son brevet à la Canadian Telephone pour 2100 dollars.
Annuaire 1881 Usine Northern

Printemps 1881 Size avait unifié tous les réseaux téléphoniques canadiens sous la Bell Telephone d'une valeur de 400 000 dollars.
La Colombie Britanique et terre Neuve restèrent toujours une colonie britanique.

A cette époque, personne dans les milieux d'affaires ou dans la classe politique n'a vu ou compris que le téléphone allait devenir un service public et que Sise veanit de vérouiller la marché.

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En colombie britannique, le développemnt fut plus rapide.

Cette région ne dépendait du domaine de Bell. Terre Neuve isolée du Canada par son statut de colonie britannique constitue un cas à part.

C'est grâce à Robert Burns McMicking que le téléphone arrive à Victoria sur l'île de Vancouvert en 1878.
McMicking était un aventurier,chercheur d'or, participé à la construction du télégraphe entre l'Amérique et l'Europe (projet Overland), il devint le directeur de la compagnie de télégraphe de la colombie britanique qui passa sous contôle fédéral en 1871 avec la Confédération.
En 1878 McMicking directeur de Dominion Government Telegraph écrivit à Melville Bell et Thomas Henderson pour proposer ses services et répondirent en le désignant représentant de Bell Telephone et en lui envoyant une paire de téléphones.
McMicking relia son bureau au quotidient "Colonist" et invita les notables de Victoria à utiliser cet équipement.
L'article publié dans le "Colonist" du 26 mars 1878 montre que l'opération fut un succès, les gens chantèrent et sifflèrent et s'étonnèrent de reconnaître la voix de leurs amis.
McMicking commença à faire la promotion pour louer des appareils à la paire, mais les gens allaient plûtot en ville à San Francisco cherher des téléphones à meilleurs marché alors que McMicking ne pouvait que louer ... quand il en avait car les appareils en provenance de Montréal devait faire le détour par les Etats Unis pour arriver à Vancouver.
Le pasteur Henderson convainquit McMicking que la solution était d'installer un central téléphonique.

McMicking était en contradiction avec ses activités téléphoniques de la compagnie fédérale. C'était du travail au noir. McMicking démissionna de la compagnie d'état pour lancer sa compagnie de téléphone.
En fait il a été renvoyé de la Dominion pour irrégularité dans les comptes car il avait acheté les premiers téléphones avec l'argent de l'administration.
Pas grave se dit McMicking, il commanda immédiatement de l'équipement Bell à Montréal.
S'ensuivit une serie de quiproquos, d'erreurs et de malchances qui souligne l'incompétence du duo Bell-Henderson.
Les téléphones n'arrivaient pas ou incomplets ou non dédouanés, le mode d'emploi arrivait sans téléphones et en plus la passation des pouvoirs à Sise fut éfféctuées sans les instructions nécessaires et ce dernier remettra en question les prétentions de McMicking au titre de représentant de Bell en Colombie britannique .

Malgré les difficultés la première compagnie de téléphone en Colombie britannique reçut la charte de l'Assemblée législative provinciale le 8 mai 1880 sous le nom de Victoria and Esquimalt Telephone.

En juillet 1879 l'équipement arrive enfin et Victoria sera dotée d'un central téléphonique, un des premiers au Canada et le troisième sur la côte Ouest après San Francisco et Portland.

1879 les premiers téléphones de Colombie britannique continentale sont installés par un missionnaire anglican dans un village de pêcheurs indiens au nom de Metlakatla. La ligne était installée entre le magasin et la scierie de ce missionnaire et raccordé aussi à quelques huttes à son petit réseau.
Ce village devenu Prince Rupert était la seule ville de Colombie britannique à posséder un service municipal (sous le nom de CityWest).

Le lien Bell et Victoria and Esquimalt Telephone cessa en 1889 quand l'entreprise insulaire acheta à Bell les droits sur le téléphone.
Sur le continent avec l'arrivée du Canadian Pacific à Port Moody, une ligne est est construite entre New Westminster et Port Moody en 1883, an an après un central téléphonique est installé à Westminster avec une nouvelle compagnie la Westminster and Port Moody Telephone.
En 1885 la ligne sera étendue à Granville avec un central le 6 avril 1886. Le nom de la compagnie change pour s'appeler New Westminster and Burrard Inlet Telephone. Ce jour Granville s'appellera Vancouvert. Malheureusemnt quelques semaines après, un incendie détruit la ville, mais le central téléphonique a pu être sauvé.
En 1891 . la New Westminster and Burrard Inlet Telephone avait créé Vernon and Nelson Telephone pour desservir l'intérirur de la province.
En juin 1898, la New Westminster and Burrard Inlet Telephone fut vendu à des interêts britaniques à un immigrand anglais William Farell.
La New Westminster and Burrard Inlet Telephone végétait à Victoria et comme l'axe économique se déplaçait vers le continent, en 1889 la population de Vancouvert dépassa celle de Victoria, c'est cette année que la New Westminster and Burrard Inlet Telephone acheta Victoria and Esquimalt Telephone. McMicking resta directeur mais le pouvoir était passé aux mains des hommes de Vancouvert.
Le docteur Lefevre qui était vice président de la New Westminster and Burrard Inlet Telephone qui n'avait jamais accepté la vente à des interêts britanique et encore moins le pouvoir effetua un coup de force. En 1902 il se rendit en Grande Bretagne il parvint à neutraliser les propiétaires en les divisants et fi une offre d'achat qui lui permit d'obtenir une majorité d'actions. En 1903 il amalgama toutes ses compagnies de téléphones sous le non de Vernon and Nelson Telephone. en 1904 elle s'appelera la British Columbia Telephone Compagny.
Presque tous les téphones de Columbia britannique sont désormais regroupés, puis en 1904 un câble fut posé entre Victoria et le continent à Bellingham.
Comme la loi de l'Etat de Washington interdisait à un étranger de posséder un service public, Lefevre créa une compagnie américaine détenue par un ami de Farell sous le nom d'International Telephone Compagny, Lefevre en quelques années avait créé un véritable réseau téléphonique en Colombie britannique.

Tarif de La compagnie de téléphone "Victoria & Esquimalt Telephone Co", crée en mai 1880 par la British Columbia Telephone Company

Exemple de tarif (Agrandir) Liste de 1880


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À la fin du 19e siècle, Bell vendit ses activités dans l’Atlantique dans les trois provinces maritimes, où de nombreuses petites sociétés indépendantes exerçaient leurs activités et devenaient par la suite la propriété de trois sociétés provinciales.
Terre-Neuve-et-Labrador s'est jointe au Canada avec plusieurs sociétés privées et une opération gouvernementale transférée sous le contrôle des Chemins de fer nationaux du Canada.

A Terre-Neuve : La situation est différente car Melville Bell n'avait pas déposé de demande de brevets dans cette colonie britanique.
En 1878, les touts premièrs téléphones furent installés sur une ligne privée, entre Saint Jean au poste de météorologie et le domicile du mître du poste météo.
Bell tentera d'obtenir un permis exclusif d'exploitation du téléphone, mais se heurta à l'Anglo-American Telegraph, entreprise fondée par Frederic Gisborne et rebaptisée Cyrus Field dans les année 1850 qui avait reçu les aurorisations gouvernementales de l'exlusivité de l'exploitation du télégraphe pour 50 ans. Son directeur Graham MacKay pensait que le téléphone allait concurencer le télégraphe dans les communications transatlantiques et soutiendra que le monopole d'Anglo-American couvrait toutes les communiations électriques et obtiendra gain de cause.
Bell dut alors composer avec Anglo-American, Sise convaincra MacKay que le téléphone n'allait pas menacer le télégraphe et cédera ses brevets contre une redevance.
En 1885 le premier central téléphonique fut ouvert à Saint Jean par l' Anglo-American Telegraph.

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En 1881, la Compagnie de téléphone Bell du Canada procède à son premier appel interurbain entre Toronto et Hamilton, mais le coût des travaux faillit menacer la compagnie à la faillite, l'expérience ne se renouvellera pas de sitôt.
A cet époque l'interurbain n'est pas rentable.
Vers la fin de 1882, cette compagnie comptait environ 4500 abonnés au téléphone des réseaux étaient établis dans une centaine de villes.
La Chambre du Parlement du Dominion et les nouveaux bureaux départementaux sont tous reliés par téléphone au bureau central de Québec.
En 1882, la Canadian Telephone Company s’intégra à la Compagnie canadienne de téléphone Bell en achetant presque tous les brevets de la Canadian Telephone.
Cette dernière, dont Robertson était président et Sise vice-président, semblait avoir le champ libre en matière de téléphonie canadienne : une charte fédérale l’habilitait à étendre son réseau dans tout le pays, et elle avait acquis la quasi-totalité des installations et brevets téléphoniques.
En plus, selon une entente avec la compagnie américaine, l’entreprise canadienne toucherait les droits canadiens de tous les brevets que la compagnie américaine obtiendrait au Canada.

La tutelle des Etats Unis sur Bell Telephone aura duré deux ans. Il ne faut pas voir dans cette émancipation rapide, l'aboutissement d'une vision politique. Size était étranger à la problématique nationale canadienne, par contre il voulait être le seul mâtre à bord de son entreprise.

Le manque de matériel constituait un problème permanent car à la mort de Cowherd début 1881 avait désorganisé l'approvisionnement du marché et son remplaçant n'était pas à la hauteur de la mission. Size attendit trop longtemps pour prendre une décision
En juillet 1882, la compagnie met sur pied une équipe de trois personnes chargées de la fabrication de téléphones; nommé Mechanical Department, à Montréal rue Craig, cette équipe deviendra "The Northern Electric and Manufacturing Company" en 1895, puis sera renommée Northern Electric, Northern Telecom, Nortel Networks et finalement Nortel ; cette compagnie comptait 35 000 employés à la fin de 2005.

Au 1" janvier 1883, il y avait 866 abonnés à Montréal; 525 à Toronto; 250 à Ottawa; 240 à Québec; etc., etc.
Modèles Blake Bell

En 1884 l’Île-du-Prince-Édouard , Bell repésenté par Robert Angus réuni 30 abonnés nécessaires pour justifier l'ouverture d'un petit cental téléphonique. Les gens d'affaires décident de construire eux mêmes un réseau rudimentaire sur l'île avec du fil nu suspendu sans poteaux ...

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La crise couve, manque de capitaux, pénétration sélective des marchés, les zones rurales sont délaissées,c'est la contestation du monopole Bell.
Des villages s'équipent eux mêmes, des médecins de campagnes les seuls à avoir les capacités scientifiques firent installer leurs cabinets les pharmacies et leurs patients et parfois créérent de petites compagnies.
Ailleurs ce sont les municipalités qui mirent en place un service téléphonique public, tout comme le gaz ou l'eau.
C'est ainsi qu'à Toronto une petite usine fut créée par l'enreprise Toronto Telephone manufacturing Compagny, afin de réponse aux besoins des laissés pour contre.
Cette entreprise attaqua même la Bell Telephone se basant sur deux principes :
- la fabrication des appareils doit être au Canada
- Bell refusait de vendre ses appareils et se bornait à les louer, contrirement la loi au Canada
Le ministère de l'agriculture donna raison à la Toronto Telephone manufacturing Compagny, les brevets de Bell furent annulés en janvier 1885.

Première conséquence : repli de Bell Telephone au Québec très peuplé, l'ouest Manitoba Alberta Saskatchewan ...

Conscient que la perte de ce brevet menaçait le monopole de Bell, Sise prépara la compagnie à soutenir la concurrence.
Il concentra les opérations en vendant les installations de l’Île-du-Prince-Édouard en 1885 (Affaire conclue pour 1500 dollards et 40 actions de la nouvelle compagnie), puis celles de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick en 1888–1889, et en abandonnant en 1889 des liaisons avec des entreprises amies mais indépendantes en Colombie-Britannique.
Renoncer à ces territoires semblait devoir permettre à la compagnie d’affronter ses rivales au cœur du pays.

Nouvelle-Écosse sous la direction de Sise, Bell s’empressa de construire des lignes interurbaines afin d’avoir l’avantage sur la concurrence locale, inaugurant ainsi plus d’un siècle de controverse sur les interconnexions téléphoniques

Toujours sous la direction de Sise, Bell s’engagea dans d’impitoyables batailles tarifaires là où elle avait des concurrents directs.
Par exemple, à Peterborough, à Port Arthur (Thunder Bay) et à Dundas, en Ontario, elle offrit le service téléphonique gratuitement jusqu’à ce qu’elle ait éliminé ses concurrents.
À Winnipeg, Sise mit furtivement sur pied la People’s Telephone Company, qui pratiquait des prix inférieurs à ceux de Bell et de sa vraie rivale. Quand cette rivale s’écroula au début de 1886, la People’s Telephone disparut elle aussi ; Bell se retrouva alors seule et put revenir à ses anciens prix. D’autres batailles tarifaires eurent lieu à Montréal et à Sherbrooke, dans la province de Québec.

En 1887 des hommes d'affaires de Halifax avec un capital autorisé de 50 000 dollars, créent la Nova Scotia Telephone Compagny pour relier rapidement Halifax à Truro New Glasqow, Pictou et Amherst . Il fallait à tout prix éviter que Bell ait le temps de réagir.
Puis de nouveaux entrepreneurs prospétèrent les quelques 300 abonnés de Bell pour leur offrir de nouveaux services. La Hants and Halifax Telephone et la Parrsboro Telephones furent rachetées, opération symbolique car ces deux entreprisent n'engendraient peu d'activité.
Le capital autorisé passa à 100 000 dollars, tout était prêt pour installer les centraux dans les principales ville de la Nouvelle Ecosse et affronter la Bell Telephone.

Novembre 1887 une lettre de Sise retourne la situation :
Sise offrait de vendre les installations de Bell en Nouvelle Ecosse et chose curieuse au Nouveau Brunswick pour 50 000 dollars, 65 000 dollars en actions et l'engagement d'acheter à prix égal, de l'équipement à Bell plutôt que celui des concurents. Pour sceller le tout, Bell aurait deux représentants de plein droit au conseil d(administration de la nouvelle compagnie.
La proposition fut accéptée, la guerre du téléphone n'eut pas lieu.
En février 1888 Nova Scotia Telephone prit possession des installations Bell dans les deux provinces, on y comptait 539 abonnés sur quatre centraux téléphoniques.

Nova Scotia Telephone augmente de plus en plus son capital, réduisant la partiipation de Bell qui avait glissé de 14 % . Sise avait réussi en Nouvelle Ecosse une décolonisation en douceur, la bonne entente entre parties était telle que le vérificateur de Bell fit le voyage d'Halifax afin d'aider la nouvelle entreprise à mettre au point des proédures comptables et salariales à celles en vigueur à Montréal.
Bell Telephone et Nova Scotia Telephone coopérent harmonieusement jusqu'en 1999 au sein d'Aliant, filiale de Bell Canada.
Au New Brunswick ce n'était pas le cas lors de la prise en main par Nova Scotia Telephone, ils ne voulurent plus être à la remorque de Halifax ou Montréal. Pouratnt en décembre 1879 Western Union ouvre à Saint Jeau le premier central téléphonique de brevet Edison. Quelques jours plus tard Domion Telegraph ouvre aussi un centre téléphonique de brevet Bell et comme à Halifax, à Saint Jean les deux centres sont totalement incompatibles ... Ce n'est qu'en 1881 que Bell Telephone dépêcha Lewis MacFarlane (futur président) qui reprit la succession pour fusionner les deux entreprises. C'était la première assisgnation à Bell Telephone . MacFarlane fut arrêté mis en prison une nuit et rentra à Montréal.

Début 1888, même méthode à l'Ile du Prince Edouard et en Nouvelle Ecosse , des hommes d'affaires créent la New Brunswick Telephone Compagny, l'éxclusivité de l'exploitation fut accordée par l'assemblée législative en mars 1888 .

L’Île-du-Prince-Édouard a connu plus que sa part de premières en technologie des communications. Il s’agissait de progrès nés du fait que nous étions une île isolée du continent nord-américain. Il s’agissait peut-être d’une petite entreprise sur la scène mondiale, mais elle était bel et bien innovatrice. Tous les résidents de l'Île-du-Prince-Édouard devraient être très fiers des réalisations passées de notre compagnie de téléphone et se tourner vers l'avenir avec Bell Aliant.
Les premiers câbles télégraphiques posés à destination et en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard, ont servi de base aux câbles téléphoniques ultérieurs, dont le premier a été posé en 1910. Plus tard, les communications par micro-ondes sont devenues le premier choix de l'Île.

Le 20 novembre 1852 Frederic Newton Gisborne, ingénieur et électricien, né à Broughton, Lancashire, Angleterre, posa le premier câble océanique de ce côté de l'Atlantique, reliant Carleton Head, Île-du-Prince-Édouard, avec Cape Tormentine, Nouveau-Brunswick, sur une distance de 14 milles par eau. Ce câble était utilisé pour la télégraphie. Ce câble sous-marin fut le premier câble sous-marin en Amérique du Nord et précéda de quatre ans la ligne vers Terre-Neuve puis vers l'Angleterre. Le câble de 1852 a été posé par le bateau à vapeur à roues latérales « Ellen Gisborne » (du nom de l'épouse de Gisborne) et a fonctionné pendant une période relativement courte. La plus grande importance de ce câble est qu'il a prouvé la viabilité des connexions par câble et a jeté les bases des futurs câbles télégraphiques et téléphoniques. Les améliorations futures dans la conception des câbles et les techniques de pose ont rendu le service plus fiable.

1856, 10 août - Le bateau à vapeur Victoria se rend à l'Île-du-Prince-Édouard et pose un nouveau câble télégraphique depuis Tormentine pour la New York Newfoundland and London Telegraph Co.

1866, octobre - le vapeur Medway et le vapeur Terrible posent un nouveau câble télégraphique de Carleton Head au cap Tormentine sous l'observation de Cyrus Field. Un article du New York Times publié le 30 septembre 1866 disait : « M. Field est arrivé ici cet après-midi en provenance de Shediac, après avoir rencontré le Medway et le Terrible dans le détroit de Northumberland, occupé à poser un nouveau câble entre le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. » 2e article du New York Times, 5 octobre 1866 : « Un autre câble sous-marin - le câble posé à travers le détroit de Northumberland - Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, le jeudi 4 octobre. Le câble traversant le détroit de Northumberland, reliant le Nouveau-Brunswick à l'Île-du-Prince-Édouard, a été posé avec succès par le paquebot Medway mardi dernier. Le Medway et le Terrible ont ensuite immédiatement pris la direction de l'Angleterre.

En 1910, un câble téléphonique expérimental privé à circuit unique a été posé entre Wood Island et Pictou, en Nouvelle-Écosse, pour desservir la FB McCurdy and Company, un courtier en valeurs mobilières basé à Halifax. McCurdy a établi la ligne expérimentale pour relier ses bureaux d'Halifax et de l'Île-du-Prince-Édouard.
En 1910-1911, un câble téléphonique à deux conducteurs a été posé entre Wood Islands et Caribou, en Nouvelle-Écosse, sous la supervision de la Maritime Telegraph & Telephone Company, le premier appel interprovincial ayant eu lieu le 3 janvier 1911. L'emplacement de ce câble est toujours apparaît aujourd'hui sur les cartes de navigation. La pose de ce câble a été achevée le jour de l'An, le 1er janvier 1911. Deux autres liaisons par câble sous-marin pour le téléphone ont finalement été construites vers le Nouveau-Brunswick, appartenant au gouvernement fédéral.

En 1948, Island Tel a commandé un commutateur Strowger de 1 200 lignes à ATM de Liverpool. Il s'agirait du premier système automatique de l'Île-du-Prince-Édouard. Il est arrivé en 1949 et a été activé en février 1950. Il a servi la communauté jusqu'en 1988, date à laquelle l'échange de longue durée a été transféré vers un nouveau commutateur DMS-100.

Lorsque l'interrupteur a été mis hors service, la majeure partie a été mise au rebut sauf ce qui n'avait pas été transporté à Terre-Neuve pour être utilisé comme pièces de rechange pour des équipements similaires.

En 1948, le premier système commercial à micro-ondes au monde a été installé entre Tea Hill près de Charlottetown et Fraser's Mountain près de New Glasgow en utilisant un équipement de modulation de temps d'impulsion développé par la Federal Electric Company du New Jersey donnant 23 canaux, pour remplacer le système souvent peu fiable. liaisons sous-marines vers l'Île-du-Prince-Édouard.

Ce site se trouvait à proximité de l'actuel 13 Upper Tea Hill Crescent à Stratford. La propriété du site de la tour a été cédée à la ville de Stratford pour être utilisée comme parc vers 2000, et la ville a fait démolir le bâtiment quelques années plus tard, car il devenait un lieu de rencontre pour les adolescents et des problèmes de sécurité ont conduit à son retrait. La tour H d'origine a été supprimée il y a environ 20 ans pour la même raison. Sur la propriété, à côté de son emplacement d'origine, se trouve une tour/répéteur de la GRC.
Une autre liaison micro-ondes a été installée en 1951 entre la baie d'Egmont et Moncton [Lutz Mountain, Nouveau-Brunswick] à l'aide d'un système de canaux Lenkurt 42-C à 450 mégacycles à 12 canaux.
En 1956, nous pouvons affirmer avec une certaine certitude que le câble MT&T n'était plus en service, car des sources d'Island Tel affirment qu'à la suite de la tempête de verglas de 1956 , la liaison micro-ondes depuis Tea Hill assurait la seule communication téléphonique hors service. À cette époque, des poteaux tombés dans l'ouest de l'Île-du-Prince-Édouard empêchaient l'utilisation de la liaison Egmont.

À la suite de la tempête de verglas de 1956, un système a été installé de Fraser Mountain, en Nouvelle-Écosse, à Charlottetown, à Hazel Grove, Summerside, Egmont, puis à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Ce système a permis d'enlever de nombreux kilomètres de poteaux et de câbles à péage endommagés par la tempête. et a assuré que la liaison Egmont resterait active même si une autre tempête de verglas comme celle de 1956 se reproduisait.

1958 - De New Glasgow, Nouvelle-Écosse à Summerside Collins 6 GHz, 120 canaux.
Ce système comprenait sept stations ; une station terminale à Egmont, un double répéteur à Hazel Grove, un double terminal à Charlottetown, un répéteur au mont. Buchanan, un terminal à diversité spatiale à Fraser Mountain et une station principale d'alarme de panne à New Glasgow.
Charlottetown à Summerside Système allant du mont Fraser au mont Buchanan, 12 circuits à péage.
De Summerside à Moncton, Nouveau-Brunswick. en passant par Hazel Grove, Charlottetown, Summerside 12 circuits à péage.
Charlottetown-Moncton, Nouveau-Brunswick. puis de la baie d'Egmont à Moncton. 6 circuits à péage.

1968 - Le 18 août 1968, un système Lenkurt 71F à 120 canaux a étendu le réseau depuis la baie d'Egmont via O'Leary. Lenkurt était une filiale de GTE spécialisée dans les micro-ondes. Photo de Terry Biddlecombe.

1970 - Un nouveau système de circuits 960 est installé entre Nutby Mountain, en Nouvelle-Écosse, et l'aérogare de Churchill, à l'Île-du-Prince-Édouard. De là, le signal a été retransmis à Charlottetown. C'était un Lenkurt 878 2 Ghz. Système 960 canaux.

1973 - La partie Charlottetown du système Collins ci-dessus a été remplacée par un système micro-ondes Lenkurt 878 960 canaux. La raison en était de répondre à la demande suscitée par le déménagement des opérations interurbaines de Summerside à Charlottetown.

1974 - La partie Summerside-Egmont est remplacée par un système Lenkurt à 450 canaux.

1979 - Deux systèmes Lenkurt 878C3 sont installés entre Nutby Mountain, en Nouvelle-Écosse. à Tea Hill pour transmettre les signaux de télévision à Island Cablevision.

1979 - Extension du réseau jusqu'à Churchill, Île-du-Prince-Édouard, à partir de Nutby Mountain, Nouvelle-Écosse. en utilisant un 2 GHz. Système Lenkurt 878C3. De plus, en 1979, le site de la baie Egmont a été mis hors service et remplacé par la nouvelle liaison à 130 canaux entre Murray River, à l'Île-du-Prince-Édouard, et Fraser Mountain, en Nouvelle-Écosse. Cette nouvelle liaison a ouvert deux ans avant la mise hors service d'Egmont et a été inaugurée le 8 février 1977. Ce système était alimenté par un système Lenkurt 71F à 120 canaux fonctionnant à 2 Ghz. 24 canaux étaient réservés aux besoins futurs et aux urgences. Photo de Terry Biddlecombe.

1986 - Une nouvelle route numérique est construite avec 672 circuits de Charlottetown, à Seal River jusqu'à Hardwood Hill, en Nouvelle-Écosse, puis à Fraser's Mountain, et enfin à Halifax.

Le développement des micro-ondes s'est poursuivi à l'Île-du-Prince-Édouard afin de fournir davantage de liaisons avec le continent et, en fait, dans toute l'Île, avec un nombre croissant de liaisons et des stations plus puissantes.
Le succès de la première installation de micro-ondes de l'île à Tea Hill a été suivi de près par les sociétés membres du Trans Canada Telephone System et, finalement, elles ont adopté un lien de stations de micro-ondes partout au Canada. En 1958, dix ans après l'adoption des micro-ondes par l'île, le système micro-ondes transcanadien a été achevé et a couvert les 3 900 milles d'Halifax à Vancouver avec plus de 139 installations de répéteurs à travers le pays. Ces informations sur les installations de micro-ondes sur l'île s'appuient en grande partie sur le livre de Walter Auld, "Voices of the Island".

1985 - Le câble à fibre optique fait ses débuts à l'Île-du-Prince-Édouard avec une longueur de 25,6 km. lien de Charlottetown à Seal River offrant des parcours de parole pour 2016. Une deuxième piste a été installée entre Seal River et Montague, offrant 672 voies vocales.

2004 - Bragg Communications (Eastlink) installe un câble sous-marin à fibre optique de 56 kilomètres traversant le détroit de Northumberland, de Graham's Pond, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Port Hood, en Nouvelle-Écosse. L'installation a été réalisée par IT International Telecom et le navire Alcatel-Lucent « Île de Batz ».

Nova scotia Telephone réagira vite et adopte une charte fédérale sous le nom de Nova Scotia and New Brunswick Telephone. Les autorités faisant trainer les choses et finalement la charte fédérale ne sera pas accordée. Entre temps la New Brunswick Telephone avait ouvert des centres téléphoniques dans les principales villes, déclanchant une guerre des prix ... La situation devint vite incontrôlable.
Nova scotia Telephone fit appel à Sise qui vint sur place et exposa la théorie de Vail sur l'occupation du territoire et suggère de construire une ligne entre les provinces de Amherst et Moncton ... Rien n'y fit , il fallut se résoudre à vendre.
Bell racheta les installations de la New Brunswick Telephone au New Brunswick et les revenda à la New Brunswick Telephone en 1889 pour 50 000 dollars, moitié en argent moitié en actions soit une participation de 31 % .
Tout comme en Nouvelle Ecosse, la nouvelle compagnie nommera deux représentants de Bell au conseil d'administration.
Le réseau de Bell Nova Scotia Telephone au Nouveau Brunswick compta quatre centres téléphoniques pour 520 abonnés.

Bilan : la perte de la Nouvelle Ecosse et du Nouveau Brunswick enleva 1200 abonnés à Bell

Le repli de bell Telephone sur le Québec l'Ontario et l'Ouset est relatif, le gros de la population du Canada est concentrée sur le Québec et l'Ontario.
Bell continera à fournir les équipements pour l'Ile Edouard Nouvelle Ecosse et le Nouvea Brunswick. Mais la pénuerie de capitaux continue de freiner la pénétration du téléphone de façon discriminatoire.
Bell privilégia les grandes villes ou le taux de rendement est intéressant, contrairement aux campagnes, Le mécontentement dans la majeure partie du Canada menace l'existance du monopole de Bell .


1889 La toute première facture du service téléphonique de la chambre élective du Parlement provincial.
Celle-ci a été envoyée par la Bell Telephone Company of Canada (aujourd’hui Bell Canada) à l’honorable Félix-Gabriel Marchand, alors qu’il siégeait comme premier ministre du Québec.

En 1890 Size prend la présidence de la socièté (jusqu'en 1915).

En 1892, une loi spéciale est adoptée au Parlement canadien qui stipule que toute augmentation des tarifs téléphoniques doit au préalable être approuvée par le gouverneur en conseil; cet événement marque le début de la réglementation de la téléphonie au Canada.

Durant les années 1880, 1890 et 1900, les caractéristiques de la clientèle de Bell demeurent à peu près les mêmes : manufacturiers, commerçants, gens d’affaires, familles fortunées, notables, institutions. La progression comparée des abonnés d’affaires et résidentiels permet de souligner un rythme différentiel dans les deux cas. Ainsi, on constate que le marché d’affaires est plus rapidement saturé. C’est pourquoi, à partir de la fin des années 1910, Bell se tourne davantage vers le milieu résidentiel et met en œuvre une politique commerciale active destinée spécifiquement à cette clientèle. Au cours des années 1920, on peut observer un changement dans la proportion des abonnés : le pourcentage de la clientèle résidentielle gagne du terrain pour atteindre 50 % des utilisateurs. Toutefois, pour accroître ses revenus, Bell préfère augmenter la consommation du service téléphonique auprès de ses abonnés plutôt que de recruter de nouvelles clientèles, jusque-là plus ou moins étrangères à la culture téléphonique. Par exemple, l’entreprise propose à ses clients résidentiels la location d’un deuxième appareil.

13 avril 1900 Un centre téléphonique à batteries centrales est installé à Ottawa, en Ontario. Les batteries sont retirées de chez le client
Au lieu de tourner la manivelle du téléphone pour obtenir la téléphoniste, le client n’a qu’à soulever le récepteur pour parler à l'opératrice.

En 1900 le service de base résidentiel coutait 30-35 dollars pour Montreal Toranto et de 50-55 dollars pour le marché d'affaires alors qu'à New York il était de 240 dollars. Cela parce que en 1885 le gouvernement annula les brevets de Bell ce qui créa un début de conurrence et incita à la baisse des tarifs pour le téléphone. Aux Etats Unis les brevets resterons en vigueur jusqu'en 1893-94.
Sise privilégia le marché d'affaires : les entreprises d'abord, les foyers ensuite. Démarche qui resta car c'est au marché d'affaires qu'il appartient d'amortir les coûts. De même les villes auront la priorité sur la campagne jusqu'au tournat du siècle lors du déferlement d'émigrands vers l'Ouest. Une masse d'agriulteurs sans fortune exigerons et obtiendront le téléphone, ils briseront les barrières géographique et sociale qui faisait obstacle à ladiffusion de cette nouvelle tehnologie. Ils provoqueront même une grave crise économique de la Bell Telephone.

L’achat de concessions exclusives des municipalités était un autre moyen de détruire la concurrence : en 1905, Bell en avait déjà acheté 30, et elle en acquit 40 autres de 1905 à 1910.
En échange de la garantie d’un monopole local, Bell versait un droit de concession à chaque municipalité et offrait souvent un certain nombre d’appareils gratuitement. Elle consentait à ne pas augmenter ses tarifs pendant une période déterminée ; ce fut le seul contrôle réel auquel ses tarifs furent soumis durant plusieurs années.

Sise imagina une autre tactique pour vaincre la concurrence : signer, avec les sociétés ferroviaires, des contrats donnant à Bell le droit exclusif de placer des appareils téléphoniques dans les gares et de construire des lignes téléphoniques le long des voies ferrées.
Pour les compagnies de téléphone concurrentes, être exclues des gares leur infligeait un dur coup : par exemple, les marchands ne pouvaient pas se servir de téléphones indépendants pour se renseigner sur l’arrivée des marchandises.
Parfois, les sociétés ferroviaires elles-mêmes en souffraient. Ainsi, à Fort William (Thunder Bay, Ontario), le conseil municipal, qui exploitait un service téléphonique en concurrence avec Bell, riposta en interdisant à celle-ci d’installer des appareils au poste de police et au poste de pompiers. Les employés du chemin de fer ne pouvaient pas communiquer rapidement avec ces postes, même en cas d’urgence.


Au début du xxe siècle, Bell inspirait une insatisfaction si générale et une animosité telle que le Parlement recevait par centaines des pétitions dans lesquelles des municipalités, des comtés et des particuliers réclamaient un resserrement du contrôle gouvernemental.


Sous la direction de William Douw Lighthall, l’Union des municipalités canadiennes recommandait l’étatisation des systèmes téléphoniques.
En mars 1905, comme le mécontentement ne cessait de croître, le premier ministre, sir Wilfrid Laurier, confia à un comité spécial des Communes présidé par le maître général des Postes, sir William Mulock, le mandat d’enquêter et de faire rapport sur la situation.
Devant cette tournure imprévue des événements, Sise, alors âgé de 70 ans, écourta des vacances en Europe pour accourir à la défense de Bell.

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Non seulement Sise engagea-t-il une équipe d’avocats et de témoins experts prestigieux et politiquement influents, mais il soutint Bell d’autres manières – en présentant lui-même un témoignage long et passionné devant le comité et en exerçant des pressions en coulisse.
Les renseignements recueillis par le comité prouvaient que l’entreprise exigeait des tarifs élevés dans les territoires où elle détenait un monopole, qu’elle se livrait à des pratiques impitoyables là où elle avait des concurrents et que, d’une façon générale, il n’y avait pas de service dans les régions rurales.
Malgré tout, Sise parvint à convaincre le comité de ne pas faire de recommandations et de se contenter de publier intégralement la transcription de ses travaux, ce qui eut pour effet de rendre tout l’exercice quasi inutile.
Laurier mit fin à l’enquête sur le téléphone à la veille de la fin de la session parlementaire en juillet. Les pouvoirs de réglementer Bell furent délégués au Conseil des commissaires des chemins de fer en 1906.

La solution de Laurier à la controverse du téléphone ne plut pas dans les Prairies : en 1908–1909, les trois gouvernements provinciaux achetèrent les installations de Bell.
Pendant un temps, dans l’espoir d’apaiser le ressentiment des gens de l’Ouest, Sise avait envisagé de confier ces installations à une filiale, la North American Telegraph Company, mais il finit par se résigner à la provincialisation.

L’achat des installations par les gouvernements provinciaux améliora sans nul doute la rentabilité de Bell, car il lui permit de se concentrer sur les marchés les plus populeux et les plus potentiellement lucratifs.
En plus, une fois confiné à l’Ontario et au Québec, Sise put se consacrer au développement des activités manufacturières. Bell avait commencé à fabriquer de l’équipement en 1881, mais pas suffisamment pour conjurer la décision du commissaire des brevets en 1885.
Puis, en 1895, Sise avait convaincu Bell de fonder la Northern Electric and Manufacturing Company. Cette société s’était mise à produire des articles fabriqués auparavant par Bell avec l’autorisation de l’American Telephone and Telegraph. Quatre ans plus tard, Sise vendit à Bell, pour la somme de 500 000 $, une entreprise montréalaise qui avait aussi fourni de l’équipement à Bell et dans laquelle il avait des intérêts majoritaires, la Wire and Cable Company.

Ces manipulations organisationnelles ennuyaient la direction de la Western Electric, la filiale de l’American Telephone and Telegraph qui fournissait l’équipement à Bell. En 1901, Bell s’apprêtait à réduire ses commandes à la Western Electric, qui était exclue d’autres marchés canadiens à cause d’une entente antérieure selon laquelle elle ne devait pas faire directement concurrence à Bell. La Western Electric avait de l’influence sur Sise, car sa société mère était en même temps le plus gros actionnaire de Bell. En plus, en vertu de l’entente de 1880, la Western Electric fournissait à Bell tous les brevets obtenus au Canada. C’est dans ce contexte que, pour apaiser les tensions, Sise accepta que la Western Electric acquière au cours des années suivantes des intérêts minoritaires mais substantiels dans la Northern Electric and Manufacturing Company et dans la Wire and Cable Company. En 1914, quand Bell fusionna ces deux filiales manufacturières pour former une nouvelle entreprise nommée Northern Electric Company, la Western Electric acquit 43,6 % des actions ; Bell et ses dirigeants canadiens souscrirent le reste, soit 56,4 %. Ce schéma de propriété persista jusqu’à la fin des années 1950. Il permit à la Northern Electric de se servir des brevets et maquettes de la Western Electric, mais retarda ses progrès dans l’innovation.

Par ailleurs, Sise mit au point les arrangements par lesquels Bell fit des interconnexions avec des compagnies indépendantes après l’entrée en vigueur de la réglementation en 1906. En vertu des modifications apportées cette année-là à l’Acte des chemins de fer, le Conseil des commissaires des chemins de fer pouvait ordonner des raccordements entre ces compagnies locales et les lignes interurbaines de Bell « à telle condition rétributive que la Commission juge[ait] juste et à propos ». Bell accepta que certaines compagnies indépendantes se raccordent à ses lignes interurbaines sans recourir au conseil. Cependant, les soi-disant « compagnies concurrentes » se virent refuser de faire des interconnexions et durent présenter leur cause au conseil. Par une série de décisions, les commissaires déclarèrent que les compagnies qui se présentaient devant eux pour demander des raccordements devraient dédommager Bell pour la perte de clientèle locale et pour les frais des raccordements.
Ces décisions étaient si désavantageuses que, au début des années 1920, il ne restait plus de compagnies « concurrentes ».

Sise était tout d’une pièce, mais il avait une personnalité incomplète, et c’était peut-être un solitaire. Autocrate énergique et méticuleux, il se tenait à l’écart des employés, à qui il inspirait généralement la plus grande loyauté et le plus grand respect. Envers les concurrents, il était froid et calculateur, voire impitoyable. Envers les gouvernements, il pouvait être irritant et, à l’occasion, sournois. Bien qu’il ait appartenu au Club St James et au Club Mont-Royal de Montréal, cet homme tranquille et austère trouvait repos et détente surtout chez lui. Il y faisait régner l’ordre et la discipline et n’était pas très proche de ses enfants ; d’ailleurs, il avait de 40 à 45 ans de plus que ses fils issus de son second mariage. Il lisait beaucoup mais n’avait pas d’autres passe-temps, tant il était absorbé par la défense et l’avancement de la compagnie qu’il avait formée.

Sise dirigea personnellement les activités de la Compagnie canadienne de téléphone Bell durant 35 ans, d’abord à titre d’agent spécial en 1880, puis, de 1880 à 1890, de vice-président et directeur administratif, puis finalement, de 1890 à 1915, de président et directeur administratif.

Sise de 1915 à son décès en 1918, il fut président du conseil d’administration de Bell
.
Toutefois, son influence persista au delà de sa retraite et de sa mort, car, comme l’a dit un historien du xxe siècle, il « colonisa la compagnie avec ses protégés ». Lewis Brown McFarlane, que Sise était allé chercher à la Compagnie de télégraphe de la Puissance en 1880, lui succéda à la présidence en 1915, détint ce poste jusqu’en 1925 et fut président du conseil d’administration de 1925 à 1930.
Le fils aîné de Sise, nommé aussi Charles Fleetford, entra au conseil d’administration de la compagnie en 1913.
Nommé président de l’entreprise en 1925 à la suite de McFarlane, il exerça cette fonction jusqu’en 1944 et occupa aussi, entre autres, un poste d’administrateur à la Northern Electric Company.
Les autres fils de Sise, Edward Fleetford et Paul Fleetford, furent placés au conseil d’administration de la Northern Electric en 1911 ; Edward Fleetford fut nommé président de cette entreprise en 1914 et Paul Fleetford lui succéda en 1924.
La famille Sise domina donc la Compagnie canadienne de téléphone Bell durant deux générations, de 1880 à 1944.

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Montréal, La Ville contre les poteaux et les fils
Édifice Bell de la rue Saint-Jean en 1908,

En même temps que Bell élabore sa propre vision du réseau et du service téléphoniques — faisant appel à une rationalité limitée et à une conception étanche de la nouvelle technologie et de ses applications —, diverses formes d’opposition sont mises de l’avant par des acteurs locaux concernés par l’aménagement urbain, principalement les gestionnaires et les élus municipaux ainsi que les membres des mouvements associatifs. Réclamant une plus grande part d’autonomie dans le champ sociopolitique eu égard au développement et à la gestion des services publics, ils tentent de faire valoir la légitimité de leur point de vue et de leurs intérêts. Voulant élargir la marge de manoeuvre de l’administration municipale par rapport à ces services, les gestionnaires publics suggèrent une vision de l’aménagement urbain qui se démarque de celle des opérateurs privés. Des arrangements institutionnels plus conformes à leurs attentes sont négociés avec les exploitants du service téléphonique. Au fil des ans, les diverses interventions des pouvoirs publics montréalais — principalement l’administration municipale — sont parvenues à infléchir les pratiques de Bell. Malgré leur portée limitée, ces tentatives n’ont pas moins contribué à redéfinir le cadre de l’action collective.

Au cours de la période étudiée, la nature des rapports entre les gestionnaires publics de l’espace urbain et les opérateurs privés du téléphone s’est modifiée. Dans un premier temps, c’est-à-dire à partir de l’introduction du service de Bell en 1880, et ce, jusqu’en 1906, on peut considérer qu’il s’agit là d’une sous-période d’expérimentations. Sur les plans juridique et institutionnel, les gestionnaires municipaux sont alors confrontés à de nouveaux enjeux : présence physique des infrastructures, modalités de tarification du service, projet de municipalisation du téléphone.
Les mouvements de protestation dirigés par la municipalité aboutissent, en 1906, à l’obtention d’une réglementation fédérale plus étroite des activités commerciales de Bell. En 1908, l’entreprise obtient néanmoins le monopole du service sur le territoire montréalais.
À qui appartient la rue ?

Le poids croissant du politique (1880-1906)

D’entrée de jeu, on peut dire que les équipements du réseau téléphonique ne font pas seuls l’objet de critiques sévères de la part des collectivités locales. En effet, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la diffusion de l’ensemble des nouveaux services de transport et de communication donne lieu à des oppositions animées entre, d’une part, les administrations municipales et, d’autre part, les distributeurs privés de services. On est ici loin des représentations de la ville moderne et efficace telles que véhiculées par le discours et l’iconographie publicitaires. En fait, on observe un décalage considérable entre les images idéalisées de la ville mises de l’avant par les opérateurs privés de réseaux et la réalité urbaine telle que vécue par les habitants des quartiers centraux et que reflète en bonne partie la position des gestionnaires publics locaux.
Même si à première vue il semble que la matérialité des infrastructures soit en grande partie responsable de la montée des mouvements locaux de protestation, il reste qu’avant tout, ce sont des enjeux sociopolitiques qui les alimentent. Ces enjeux concernent d’abord la place de plus en plus importante occupée par les grandes entreprises privées dans l’espace urbain. Ensuite, c’est la situation d’inégalité prévalant dans la distribution des services sur les plans géographique et tarifaire qui est contestée. Enfin, les avantages commerciaux dont bénéficient les entreprises monopolistiques — les gouvernements fédéral et provincial font d’ailleurs preuve de complaisance à l’égard de cette situation — incommodent beaucoup les élus locaux et leurs alliés. Ceux-ci ont l’impression de perdre le contrôle de l’aménagement du territoire. C’est pourquoi ils vont tenter de se réapproprier certains pouvoirs, notamment par le biais de la réglementation.

Une réglementation municipale inopérante

Au cours des années 1880, certaines associations qui représentent des groupes de citoyens préoccupés par les problèmes d’aménagement, de transport et de communication s’inquiètent de ce que la municipalité n’ait aucun pouvoir juridique pour contrôler le développement du réseau téléphonique. Elles réclament notamment une réglementation plus stricte de l’insertion physique des équipements téléphoniques. C’est le cas de la Chambre de commerce qui affirme, en 1889, que les poteaux et les fils « gênent le commerce et la circulation publique». Ainsi, les représentants de cette association demandent-ils aux membres du Comité des chemins et au Département en Loi de la Cité de Montréal de prévoir, dans la charte de la Ville, de nouvelles dispositions obligeant les entreprises de services publics à enfouir leurs équipements. L’année suivante, un amendement à la Charte de la Cité de Montréal autorise, du moins théoriquement, l’administration municipale à intervenir et à encadrer l’action des opérateurs privés .

Angle des rues Gosford et Craig (Saint-Antoine), Montréal, 1913. Et équipe de Bell installant les câbles de téléphone dans les conduits souterrains de l'entreprise, à l'angle des rues Sherbrooke et Redpath dans le quartier Saint-Antoine, Montréal, 1903.

Un projet de construction d’un réseau municipal de conduits souterrains est associé à cet amendement. Selon la nouvelle loi, le Conseil municipal peut, par règlement, forcer toutes les compagnies de télégraphe, de téléphone ou d’éclairage « à placer sous terre leurs fils posés dans les rues ou ruelles où les dits conduits souterrains auront été complétés, et faire enlever les poteaux ; le tout dans les six mois qui suivront l’avis à être donné par la corporation».
Par contre, le même règlement permet aux entreprises de construire leurs propres canaux sous la surveillance des inspecteurs municipaux. Les concepteurs des réseaux, notamment les dirigeants de Bell, vont d’ailleurs rapidement profiter de cette possibilité qui leur est offerte.

En 1890, l’année où la Ville se voit dotée de nouveaux pouvoirs juridiques lui permettant d’obliger les compagnies à enfouir leurs équipements, Bell obtient la permission d’installer un conduit souterrain rue Sainte-Catherine, entre les rues de la Montagne et Saint-Christophe4. Les années suivantes, une bonne partie des équipements de Bell localisés dans le quartier des affaires et dans le quartier Saint-Antoine (nommé aussi secteur Uptown) sont enterrés grâce à cette disposition.
C’est surtout pour des raisons techniques que la compagnie montréalaise effectue ces travaux. En effet, l’électrification des tramways et l’introduction de l’éclairage électrique dans les milieux urbains denses accroissent la quantité de fils et de poteaux, et provoque de ce fait des problèmes de transmission des communications. Dès lors, on envisage vite l’enfouissement des infrastructures comme la seule solution à ce problème. C’est du moins l’explication présentée dans le rapport annuel de Bell en 1891 :
The introduction of electricity for Street Railways, Motors, etc., as well as Electric Lighting, has made it necessary to provide for a great deal of reconstruction, of which in the larger Cities, a large percentage must be underground. This work is being carried on as rapidly as its nature will permit.

En 1891, le premier tronçon des travaux d’enfouissement de Bell est terminé6. Toutefois, les nouvelles dispositions normatives municipales autorisant la construction du réseau téléphonique ne sont guère plus restrictives qu’auparavant. Dans plusieurs quartiers centraux, les innombrables poteaux plantés sur le trottoir et l’enchevêtrement de fils qui obstruent l’espace aérien offrent un aspect aussi chaotique.
En 1903, une Commission spéciale du Conseil municipal au sujet des conduits souterrains est mise sur pied. Elle devra proposer une solution définitive à la multiplication des infrastructures requises pour la distribution des services qui utilisent l’électricité comme force motrice. Au cours d’une réunion tenue pendant l’été 1903, les membres de la Commission invitent différents représentants des entreprises de services publics, notamment C. F. Sise et L. B. Macfarlane7, à venir les rencontrer. On sollicite en fait leur présence pour élaborer un plan commun d’enfouissement des fils.
Dans un premier temps, les membres de la Commission des conduits souterrains procèdent à l’embauche d’un expert qui doit préparer les plans et les spécifications et estimer les coûts de leur réalisation. Les commissaires font appel à un expert étatsunien, Charles E. Phelps, l’ingénieur en chef de la Subway Commission de Baltimore. Son plan, présenté aux membres de la Commission spéciale en janvier 1904, favorise l’enterrement des fils au centre-ville et l’installation des équipements le long des ruelles dans les autres quartiers. Par la suite, il est résolu de soumettre ce plan au Conseil municipal. Celui-ci devra s’adresser à la Législature de Québec « pour obtenir les pouvoirs nécessaires pour forcer les Compagnies électriques établies dans la Cité de Montréal à mettre leurs fils dans un conduit commun appartenant à la Cité et sous son contrôle absolu [...]».

L’opinion rendue par les avocats de la Ville à la suite du rapport préparé par l’expert étatsunien illustre l’état d’impuissance dans lequel se trouve l’administration municipale. Afin d’y pallier, on suggère d’introduire un nouveau règlement municipal qui ferait en sorte que la Ville puisse exercer elle-même les prérogatives qui lui sont garanties par sa Charte, à savoir : le droit de forcer toutes personnes, compagnies ou corporations possédant des franchises ou ayant des droits acquis dans les rues de Montréal, de placer sous terre Leurs tuyaux, conduits et fils conducteurs.
Quelques mois après le dépôt au Conseil de ce plan et du rapport juridique qui l’accompagne, les membres de la Commission échevinale spéciale invitent à nouveau les représentants des principales entreprises à discuter des modalités de mise en oeuvre du projet et des dispositions techniques, administratives et financières qu’il implique. Manifestant leur intention d’obtenir de nouveaux pouvoirs auprès du gouvernement provincial pour construire un réseau de conduits souterrains, les membres de la Commission spéciale se trouvent confrontés à de vives objections de la part des directeurs des principales compagnies concernées, à savoir Montreal Light, Heat and Power Company (qui exploite les réseaux d’énergie électrique et de gaz), Montreal Street Railway Company et la Compagnie de Téléphone Bell du Canada. Les principales critiques ont trait aux droits acquis des entreprises, à l’administration effective du réseau souterrain et aux pertes financières qui seraient encourues par la construction de nouveaux conduits.
Au-delà des nombreuses considérations techniques et financières mentionnées, on constate que les dirigeants de Bell s’opposent à la vision limitée et à court terme mise de l’avant par la Ville. En bref, ils considèrent que cette dernière est incapable de planifier et de gérer un système de conduits souterrains qui soit conforme aux besoins croissants d’une métropole en pleine expansion. Pour démontrer que le projet d’un réseau municipal de conduits souterrains extensif n’est pas souhaitable, les opérateurs privés font prévaloir leur expertise dans le domaine de la distribution des services

Malgré les objections des entreprises privées, le Conseil municipal adopte en octobre 1905 le règlement no 343 « relatif à l’enlèvement des poteaux et à l’enfouissement des fils ». Selon ce règlement, il est désormais interdit de poser des poteaux et de suspendre des fils conducteurs le long ou à travers aucune rue, allée et place publique dans la Cité de Montréal. Tous les poteaux déjà érigés et les fils conducteurs déjà suspendus devront être enlevés, et lesdits fils conducteurs devront être placés dans des conduites souterraines.
Le caractère radical des clauses de ce règlement peut étonner, car il limite les activités des entreprises de services publics au point même de nuire à la distribution des services. De plus, il confère une grande responsabilité à la municipalité. Toutefois, en pratique, ce règlement n’a pas eu l’impact escompté. En effet, une fois le règlement adopté, les rues de la métropole restent encombrées de poteaux et de fils. Il faut rappeler que, même si la Ville de Montréal est mandatée, grâce au nouveau règlement, pour encadrer la pose des équipements, les sociétés de téléphone, et en particulier Bell, détiennent aussi des pouvoirs accordés par le gouvernement fédéral qui leur permettent d’outrepasser la réglementation municipale. Dès lors, même si, en principe, les compagnies doivent recevoir l’assentiment de la municipalité pour implanter leurs infrastructures, on aménage encore l’espace public de la rue en fonction des équipements. En fait, ce sont les intérêts privés qui continuent à orienter le développement urbain.
C’est ainsi que, quelques années plus tard, le règlement adopté en 1905 est qualifié, de manière cynique, par un journaliste du Nationaliste « d’inutile, mais long». Le sous-titre de l’article insiste sur l’inefficacité des dispositions juridiques municipales en ce qui a trait à l’enfouissement des équipements : « Le 18 octobre 1905 la Ville de Montréal interdisait à toutes les compagnies de planter des poteaux dans les rues. — C’est depuis ce moment-là qu’on en a posé le plus. La défense de la Ville ne frappe qu’elle seule. »
Le caractère inintelligible du règlement serait responsable d’un accroissement des procédures bureaucratiques qui rendent, ainsi, inopérant le règlement en question. Il en découle, de toute évidence, une absence de mesures concrètes et efficaces. Selon l’auteur de l’article, contrairement à ce qu’ils prétendent, en dernière analyse, les « maîtres des rues de Montréal » ne sont pas les commissaires et les échevins.


La Commission Mulock de 1905

Évoquée dès la toute fin des années 1870 lors de l’introduction du téléphone, la question du contrôle des rues en rapport avec les infrastructures est à nouveau soulevée en 1905. Cela survient lors d’une Commission parlementaire spéciale mise sur pied pour examiner l’industrie du téléphone au Canada, la Commission Mulock. Le sentiment d’insatisfaction face au service exprimé par les municipalités locales atteint alors un point culminant, et ce, à l’échelle du pays. Ce mouvement d’opposition incite le gouvernement canadien à considérer de plus près la question. Au cours de cette même année, le Parlement canadien reçoit une pétition de 195 municipalités et comtés dans laquelle les signataires demandent que les compagnies de téléphone soient soumises à la juridiction municipale afin que les administrations locales puissent contrôler l’installation des poteaux et des câbles. L’Union des municipalités canadiennes, récemment constituée, envoie une pétition exigeant que le service téléphonique soit distribué par l’État puisque, selon ses représentants, le service téléphonique est devenu un élément indispensable au bien-être socioéconomique des citoyens.

Formée sous le gouvernement Laurier et dirigée par Sir William Mulock, alors en charge des services postaux canadiens, cette Commission parlementaire a pour mandat de formuler des recommandations relatives à la tarification et à la réglementation du service téléphonique. Dans les transcriptions des audiences tenues devant les commissaires, les enjeux que représente le téléphone pour les municipalités ressortent clairement.
Lorsque la Commission Mulock est mise sur pied, les représentants des mouvements de réforme urbaine sont engagés de manière ouverte dans un affrontement qui oppose les municipalités aux exploitants privés des services urbains, y compris le service téléphonique. Un de ces représentants tente de transformer les principaux éléments de litige en enjeu politique. Il s’agit de l’un des chefs de file du réformisme urbain au Canada, W. D. Lighthall qui, quelques années auparavant, avait participé à la formation de l’Union des municipalités canadiennes. Ce poète, romancier, historien, avocat et maire de Westmount n’en est pas à sa première expérience : il a déjà dirigé des mouvements d’opposition aux monopoles. Comme le suggère le titre d’un de ses articles écrits en 1905, l’autonomie municipale (municipal freedom) devrait permettre une meilleure planification du développement urbain. C’est ce que les réformistes espèrent pour pouvoir reprendre la maîtrise du développement des villes. Puisque plusieurs grandes entreprises privées, notamment Bell, court-circuitent la juridiction municipale en allant chercher leurs pouvoirs auprès des gouvernements fédéral et provincial, il est impératif, selon les réformistes, que les municipalités soient munies de nouvelles compétences. C’est à cette seule condition qu’elles seront en mesure de lutter contre l’influence considérable des monopoles dans le domaine des services publics.
Comme les représentants des municipalités mettent de l’avant l’image négative d’un service dont les équipements nuisent au bon déroulement des activités urbaines, il n’est pas étonnant de constater que leurs critiques à l’endroit de Bell portent avant tout sur la présence physique du service téléphonique dans la ville. Il est certain aussi que ces acteurs tentent d’accroître leur indépendance, qui semble passer par la maîtrise de ce qui relève du domaine public. C’est pourquoi l’Union des municipalités canadiennes reproche à Bell d’envahir la voie publique et d’empiéter sur la juridiction municipale.
L’enfouissement des câbles détruit les pavés et, par le fait même, nuit au fonctionnement des activités urbaines. Il en résulte de nombreux inconvénients à la circulation des marchandises et des personnes. La présence des poteaux et des câbles dans les villes crée aussi des problèmes au service de sûreté publique. Les pouvoirs publics craignent en effet les accidents et, surtout, les incendies. À ce propos, on soutient que les infrastructures gênent le travail des pompiers. De plus, la concentration des équipements téléphoniques dans le quartier des affaires tend à provoquer une hausse des primes d’assurance. On reproche toujours aux poteaux et aux câbles d’occuper trop d’espace sur la voie publique et, par conséquent, de nuire aux autres infrastructures de services publics, par exemple aux fils électriques nécessaires aux tramways et à l’éclairage public. Certains commentateurs abordent même le problème sous un angle esthétique. La prolifération des câbles et des poteaux constituerait une entrave à l’embellissement des rues. Selon les détracteurs des monopoles privés, c’est ce non-respect des principes d’embellissement urbain dont les citoyens se plaindraient le plus.

Les retombées de la Commission parlementaire ne jouent pas en faveur des municipalités. Sa seule décision majeure concerne la surveillance de la tarification du service téléphonique. Désormais, c’est la Commission des chemins de fer qui assumera cette tâche. À partir de 1906, les tarifs du service commencent à être soumis à l’approbation de cette Commission qui doit veiller à réduire les écarts entre les tarifs à l’échelle canadienne. C’est dire qu’à chaque fois que Bell voudra réviser ses tarifs, ses dirigeants devront dorénavant se présenter devant la Commission des chemins de fer pour justifier leur hausse. L’entreprise devra alors fournir des rapports détaillés de ses activités financières et prouver que ses demandes sont raisonnables. En d’autres termes, la compagnie devra démontrer que les demandes de hausse tarifaire n’ont pas pour seul but de favoriser les actionnaires. Les nouvelles dispositions adoptées obligent aussi Bell à se soumettre à la réglementation municipale, à condition toutefois que les responsables locaux ne retardent pas intentionnellement la pose de nouvelles lignes.
Bien que soumises à une réglementation fédérale plus serrée, les pratiques de Bell continuent d’incommoder les élus municipaux et les représentants des associations corporatives. Aux lendemains de la Commission Mulock, la tarification constitue sans doute l’un des enjeux majeurs des services publics de communication, et ce, jusqu’au début des années 1920. C’est que la surveillance des tarifs effectuée par la Commission des chemins de fer n’entraîne pas de baisses tarifaires substantielles pour les clientèles commerciale et résidentielle montréalaises. Et le problème de l’encombrement de l’espace public occasionné par les poteaux et les fils reste encore au coeur des conflits qui opposent la municipalité aux opérateurs privés du réseau.

Des plans municipaux d'enfouissement des infrastructures

En 1908, au retour d’un voyage en Europe où il a été très impressionné par les rues dégagées de la capitale française, le maire Louis Payette (en poste de 1908 à 1910) met sur pied une nouvelle Commission spéciale qui se penche sur les conduits souterrains. C’est qu’au cours de l’année précédente, un rapport présenté en juin par la Canadian Fire Underwriters Association a démontré la nécessité d’enfouir les équipements électriques compte tenu des dangers d’incendie qu’ils représentent. Selon ce rapport, Montréal serait l’un des pires exemples d’encombrement dû à la trop grande quantité de fils et de poteaux, ce qui augmenterait d’autant les risques d’incendie provoqués par les courts-circuits.

À l’instar de la Commission municipale des conduits souterrains de 1903 dont la retombée est, comme on l’a vu, une réglementation locale non respectée, la nouvelle Commission a pour mandat de mettre en place les moyens nécessaires pour procéder à l’élimination des poteaux et des fils qui défigurent le paysage urbain. L’idée est similaire à celle du projet précédent : à l’aide d’un prêt 5 millions de dollars amorti sur une période de 40 ans et consenti par le gouvernement provincial, la Ville veut construire un réseau de conduits destiné à accueillir tous les fils électriques, télégraphiques et téléphoniques de la métropole. Les entreprises seraient obligées d’y installer leurs équipements et de verser des redevances à la Ville.
Dans l’esprit de l’administration municipale, ce plan d’ensemble d’enfouissement doit être mis en oeuvre par des ingénieurs municipaux. Néanmoins, la réussite d’une telle opération implique une collaboration étroite entre les ingénieurs municipaux et les ingénieurs des entreprises privées de services publics, ce qui est sous-entendu. D’où l’importance d’instaurer une médiation, d’une part, entre les intérêts publics et les intérêts privés et, d’autre part, entre les dispositifs institutionnels et les systèmes techniques. C’est du moins en ces termes qu’un journaliste d’un quotidien anglophone de la métropole saisit les défis inhérents au projet municipal: « It is very important that the engineers should have diplomacy as well as engineering skills, so that they might show the companies interested that it is in their best interests to work in harmony with the city. »
Même si, grâce à sa Charte, la Ville détient les pouvoirs requis pour réaliser un tel plan, sa conception et sa mise en œuvre ne vont pas de soi. Les difficultés rencontrées en cours de planification sont multiples : elles sont reliées à des questions économiques (le financement), à des enjeux politico-institutionnels (la délimitation des pouvoirs propres aux sphères publique et privée, voire l’instauration d’un partenariat qui requiert l’accord de toutes les entreprises engagées dans le projet), à des aspects techniques (la conception d’un réseau de conduits adapté aux besoins futurs) et à des problèmes juridiques (droits de passage et d’usage). Citant les exemples de New York et de Boston où l’on a enfoui avec succès les fils, un échevin déclare qu’il ne voit pas pourquoi les pouvoirs publics montréalais ne réussiraient pas à concrétiser ce projet. Par ailleurs, un autre échevin exprime ses réserves à l’endroit de cette tendance à vouloir transposer, au cas montréalais, le modèle propre à d’autres villes : The mere question of building the conduit is not the most important phase of this matter. Other cities have built conduits and we have their experience to go upon. But what is important in this connection is the appointing of men who know all our local conditions so that they will be able to deal with the companies in an intelligent manner.

On le voit bien, c’est par rapport à l’enjeu général de la domanialité et à l’enjeu spécifique de la construction de mécanismes de conciliation des intérêts publics et des intérêts privés que les acteurs locaux abordent la question du service téléphonique. S’appuyant, d’une part, sur une certaine conception du pouvoir local et faisant appel, d’autre part, à une vision volontariste de la gestion de la ville, l’administration municipale propose plusieurs projets dont l’objectif premier est d’encadrer les formes du développement urbain.
À plusieurs reprises, différents acteurs politiques locaux vont mettre de l’avant le principe d’un contrôle de l’espace public de la rue. C’est le cas du maire Payette qui déclare en 1909 que « la Ville doit demeurer maître de ses rues». Cette idée du contrôle des rues signifie, entre autres, que la Ville revendique une forme d’autonomie par rapport aux gouvernements fédéral et provincial qui légifèrent en matière de services publics. C’est que, selon le maire Payette, le Conseil municipal demeure la seule instance administrative apte à orienter les destinées de la métropole dans ce domaine. Voilà pourquoi, dans sa représentation du service téléphonique et des infrastructures, la municipalité fait appel, avant tout, à la primauté du pouvoir local.
En dépit de nombreuses tentatives de l’administration municipale pour surveiller l’implantation du téléphone, on constate que ce ne sont pas, en premier lieu, des considérations d’ordre sociopolitique qui sont parvenues à déterminer la forme et l’expansion du réseau. En fait, la réussite du projet de Bell — en termes de construction d’un monopole — révèle plutôt la place prédominante des aspects financiers et économiques. Somme toute, les obstacles politicoinstitutionnels imposés par l’administration municipale aux opérateurs privés du réseau n’ont pas été efficaces.

En 1911, la Ville veut à nouveau régler une fois pour toutes la question des poteaux et des fils. James John Edmund Guerin, un réformiste anglophone, occupe alors le poste de maire. Le Bureau des commissaires demande au Conseil municipal de voter en faveur des dépenses encourues par la mise sur pied d’une nouvelle Commission — celle des services électriques de la Ville de Montréal — chargée de préparer un autre plan d’enfouissement des fils. Dans le quotidien La Presse, on peut lire ce commentaire quant aux espoirs que suscite l’annonce de la création de cette Commission : « Nous pouvons enfin espérer que Montréal verra disparaître les nombreux fils électriques qui forment un dangereux réseau au-dessus de la tête des citoyens dans presque toutes les rues de la ville. » Au même moment, d’autres titres d’articles de journaux annoncent la disparition des fils, tout au moins le long de certaines artères du centre-ville. Ce projet de 1911 aura pourtant un succès mitigé puisque certaines entreprises concernées, notamment Bell, ne jugent pas bon d’y installer leurs équipements.
En fait, à Montréal, on ne réglera jamais véritablement la question de la matérialité des équipements téléphoniques. Ainsi, de manière périodique, on annonce un plan d’ensemble auquel les compagnies de services publics doivent collaborer. Si les nombreux plans et projets d’enfouissement semblent réalistes et cohérents, leur exécution est toujours retardée, sinon carrément paralysée, pour différentes raisons, notamment des raisons financières. Outre des limites matérielles, les exigences administratives et les compromis nécessaires à la réalisation d’un réseau municipal de conduits souterrains semblent hors de portée des pouvoirs publics montréalais.

Bien avant que la Ville de Montréal élabore des plans en vue d’exercer un certain contrôle sur la prolifération des poteaux et des fils téléphoniques, d’autres municipalités de l’île sont parvenues assez tôt à mettre en oeuvre des plans d’enfouissement. Ainsi, des municipalités de la proche banlieue, comme Outremont et Westmount, ont « pris l’initiative » ; elles ont été « les premières villes à donner l’exemple». Le succès de ces opérations de construction de conduits souterrains qui accueillent les fils de téléphone, d’électricité et de transport en commun trahit manifestement la présence d’une communauté plus homogène quant à sa composition sociale et à ses intérêts. Ses membres sont certes plus favorables aux activités des entreprises privées puisqu’ils sont non seulement des abonnés aux services, mais surtout des actionnaires des compagnies qui les distribuent. En somme, dans ce contexte, l’existence d’intérêts communs représente des conditions favorables pour l’extension des réseaux (droits de passage sur les propriétés privées plus aisément obtenus, collaboration des entreprises privées, marge de manoeuvre financière plus grande de la part des administrations municipales, etc.). De plus, les opérateurs des réseaux partagent la même vision de la ville que celle à laquelle adhèrent les citoyens et les élus : un espace où le confort moderne est diffusé d’une manière sûre, efficace, discrète et invisible.
Sur le territoire de la Ville de Montréal, la situation est différente. Devant l’incapacité de l’administration municipale à prendre en charge le projet d’enfouissement de tous les câbles, Bell construit ses propres conduits souterrains. Poursuivant depuis plusieurs années une politique d’enfouissement de ses équipements, la compagnie propose en 1913 un plan d’ensemble qui vise à mettre sous terre les fils téléphoniques sur l’ensemble du territoire urbain. L’administration municipale lui accorde la permission de réaliser ce plan à condition qu’elle assume les frais de réparation des rues affectées, qu’elle permette à la Ville d’installer ses fils pour son réseau de télégraphe d’alarme et de service de patrouille et enfin, que les poteaux soient enlevés dès la fin des travaux d’enfouissement. Avec son plan d’ensemble, Bell peut ainsi prétendre participer à l’« amélioration locale ». En fait, c’est dans le quartier des affaires et dans certains quartiers résidentiels où habite une population plus fortunée que ce plan sera réalisé.

Au tournant du XXe siècle, le service téléphonique semble envahir littéralement le paysage urbain. Mais avec les années, ces équipements s’intègrent peu à peu à la réalité quotidienne des citadins. On s’y habitue. Les poteaux et les fils demeurent omniprésents, mais on ne les perçoit plus comme des éléments gênants. Il n’en reste pas moins que l’introduction de nouveaux équipements suscite encore des réactions négatives de la part des autorités municipales.

1910 les fils envahissent les rues

Poste Northern 317AH Table à 165 lignes 293A à batterie centrale

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En 1910, l’abonnement au téléphone est un peu plus répandu, bien que toujours lié à la richesse et au statut professionnel. Quelques années plus tard, les mêmes tendances persistent. C’est ce que démontre une étude intitulée Zanesville and 39 other American Communities (A Study of Markets and of the Telephone as a Market Index), commanditée en 1927 par le périodique The Literary Digest9. Portant sur les pratiques de consommation téléphonique dans les familles étatsuniennes, cet ouvrage vise à distinguer les différentes catégories d’abonnés ainsi que leur pouvoir d’achat. Les auteurs de l’étude concluent que l’individu le plus susceptible d’avoir un téléphone chez lui a atteint un certain niveau de revenus et appartient aux groupes suivants : dirigeants d’entreprise, professionnels, négociants, cadres.
La capacité d’assimiler la technologie du téléphone dépend donc du statut social élevé des ménages qui leur permet d’acquérir plus rapidement les nouveaux services. En fait, il n’y a là rien d’étonnant. D’autant plus que l’on peut ramener ces constats à des questions de revenus : les plus nantis consomment d’abord les services et les produits les plus récents. Bref, le taux de pénétration du téléphone dépend des goûts et des caractéristiques des consommateurs et non pas seulement de l’offre.
Dans une étude sur la diffusion sociale du téléphone au centre du Canada et plus particulièrement à Kingston en Ontario, Robert Pike10 estime que les consommateurs optent pour le service car ils apprécient les avantages de la communication bidirectionnelle et instantanée. De plus, selon lui, il faut aussi tenir compte des motivations moins tangibles comme le prestige et l’attrait que représente l’utilisation d’un instrument moderne et novateur. Ainsi, le choix d’avoir recours au nouveau service est-il aussi commandé par le désir de se distinguer.
En ce qui a trait à la clientèle d’affaires à Montréal, au début du siècle, ce sont surtout les commerçants, les manufacturiers et les institutions financières qui profitent du service. Lors des premières années de la diffusion du service, ses principaux clients sont les manufactures et les commerces, les entreprises qui œuvrent dans les transports et les communications (compagnies ferroviaires et maritimes, taxis, journaux), les services financiers, (banques, bourse, maisons de courtage) et les services professionnels (architectes, notaires, avocats). Même si le téléphone peut être à l’occasion un objet de consommation ostentatoire, on peut faire l’hypothèse qu’à l’instar des abonnés à Kingston, c’est surtout pour des raisons instrumentales que la plupart des abonnés d’affaires montréalais retiennent le service offert par les entreprises de téléphone.
Avant 1900, l’abonnement au téléphone demeure un phénomène marginal dans les ménages. Cependant, il représente un atout certain pour les gens d’affaires, puisqu’il leur permet de communiquer depuis leur domicile avec leur lieu de travail ou encore avec des clients. Cette situation est relativement fréquente en 1880.
Lors de son introduction et jusqu’à la fin des années 1900, le téléphone est donc utilisé par une clientèle commerciale et d’affaires de la ville-centre. En fait, au tout début, les clients les plus importants sont ceux du service télégraphique. À Montréal, la localisation centrale est aussi une variable déterminante. En effet, les avantages intra-urbains des communications téléphoniques demeurent nombreux (tarifs fixes, possibilité de joindre un grand nombre d’abonnés, rapidité du service, etc.)

Les premières années de l’histoire de l’usage du téléphone sont marquées par la prédominance des industriels, des commerçants et des professionnels. La communauté des financiers et des banquiers est aussi très intéressée par le nouvel outil de communication à distance. De manière générale, de 1900 à 1910, la consommation du téléphone dans l’agglomération montréalaise donne une certaine image de l’attrait pour cette nouvelle technologie. Un des traits les plus frappants est l’importante progression du service.

La décennie suivante — entre 1910 et 1920 — présente des conditions différentes. Par rapport au dynamisme de l’urbanisation, on constate que la consommation du téléphone évolue moins vite. C’est que les années de guerre ont eu des effets sur l’offre du service. De plus, aux lendemains de la Première Guerre mondiale, l’essor du téléphone urbain atteint une ampleur que les dirigeants et les ingénieurs de Bell n’avaient pas prévue correctement. On est ici en présence d’une situation particulière : Bell n’arrive pas à combler la demande. Elle est en quelque sorte victime de la popularité du service qu’elle offre. Et dans certains secteurs de l’agglomération qui ont connu une croissance démographique forte, la demande pour les connexions surpasse la capacité de commutation — tâche effectuée par les standardistes. Compte tenu du nombre impressionnant de lignes qu’elles contrôlent, il leur devient de plus en plus difficile d’acheminer tous les appels. Ce qui nuit à la qualité du service.
Le 14 fevrier 1916, le Canada celebre en grande pompe la premiere communication telephonique transcontinentale entre Montreal et Vancouver. La voix a vaincu la distance et le telephone, des lors, a definitivement relegue le telegraphe au second plan dans les telecommunications modernes. Entre ces deux bornes, notre these couvrira done pres de sept decennies d'histoire institutionnelle et technologique.

L’automatisation s’avère un moyen efficace pour surmonter ces problèmes.
Ainsi, dans la seconde moitié des années 1920, la mise en place des commutateurs automatiques se traduit-elle par une hausse importante des abonnés résidentiels dans certains quartiers suburbains. En même temps, le service est de plus en plus répandu auprès de la classe moyenne.


La dernière décennie (1920-1930) est marquée par la poursuite de la progression des abonnements.
Toutefois, au cours de la dernière année recensée, un certain ralentissement commence à se manifester. Cette baisse est due à la crise économique de 1929. Bien que la période retenue ne nous permette pas de mesurer avec précision l’importance du phénomène, des études postérieures démontrent que le taux de pénétration du service téléphonique atteint seulement après la Seconde Guerre mondiale un niveau comparable au plus fort taux, celui de la fin des années 1920.

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La commutation automatique et l'introduction des postes téléphoniques à cadran
La technologie de commutation automatique est introduite aux États-Unis et en Europe dès les années 1900.

- Dans les années 1890, le tout premier système de commutation téléphonique automatique d'Almon Strowger devenait de plus en plus connu, et il devenait évident que la commutation automatique allait être indispensable pour répondre au volume d'appels en évolution dans le monde entier.
Dans un contexte de succès précoce aux États-Unis du ststème Strowger, il était inévitable que les administrations d'exploitation téléphonique d'autres pays s'intéressent aux avantages de l'équipement Strowger Automatic. Le système a fait sa première apparition à l'étranger à Londres en 1898 - un standard d'exposition d'une capacité de 200 lignes. Un an plus tard, la poste allemande a acheté un système de 400 lignes qu'elle a installé pour le service public à Berlin. Ces deux installations ont été les premiers précurseurs de la pénétration mondiale qui allait bientôt se produire.
Le Canada, Cuba et l'Australie ont été parmi les premiers pays à reconnaître les multiples avantages du système Strowger et à l'adopter à grande échelle.

Au Canada, une tentative fut faite de fabriquer à Montréal des commutateurs Strowger.
Une compagnie au nom de Automatic Telephone and Electric Cie of Canada émit en 1893 des prospectus financiers à l'intention de ses futurs actionnaires qui portaient le sous titre ambitieux "Survival of the first".
Les aprentis darwainistes instalérent la même année quelques commutateurs à Terrebonne au Québec ainsi qu'à London, Seaforth, Mitchel et Arnprior en Ontario, puis à Woodstock au Nouveau-Brunswick.
Ces experiences furent de courte durée à cause de l'amateurisme des compagnies exploitatntes. En 1908, àTerrebonne par exemple le système Strowger fonctionna jusqy'à la première pluie, la mauvaise isolation des fils aériens provoqua un court circuit qui endommagea les batteries du central !!!
Système Strowger
La photo montre l'utilisation de l'appareil dans un bureau ; les appareils de commutation sont placés sur des étagères où ils sont accessibles de tous les côtés. L'aménagement prend ainsi peu de place, même pour les grands bureaux.

Le premier central automatique à fonctionner de façon permanente fut celui de Whitehouse dans le Yukon, la ruée vers l'or avait attiré dans le grand nord John Wyley, un ancien employé de Stowger à Chicago. Il fonda la Yukon Electric Compagny en 1901, puis il fit de même à Saskatoon.

- D'autres inventeurs se mettent au travail avec plus ou moins de succès comme Romaine Callender, qui appartient à l'entourage de Bell et qui a breveté divers commutateurs automatiques entre 1892 et 1896 avec 3 series de brevets. les premières expériences réussies se passe à New-York en 1895 avec des modèles en bois désignés : Brandford Exchange ou de Callender Exchange.
Callender l'inventeur de Brandford

Callender quite le Canada en 1896 pour en Angleterre fonder la Callender Rapid Telephone Compagny
Son système a finalement échoué, mais il a inspiré deux de ses jeunes employés, George et James Lorimer, à poursuivre les expériences.

Après des difficultés financières, lls fondent leur propre entreprise, la Canadian Machine Telephone, en 1897 à Peterborough, en Ontario.
Leur premier essai était le développement du système Callender Exchange . Il a été installé à Troy, Ohio en 1897.
Les faiblesses du système Callender étaient évidentes, les trois frères l'ont revisé au point qu'il ressemblait vaguement au concept original.
En avril 1900, ils font breveter le système et se sentent prêts à le commercialiser. Ils transformèrent leur petit atelier dans la ville voisine de Piqua en un atelier de production sous le nom de American Machine Telephone.

Brevets des frères Lorimer 1020211 et 1294285
Système Lorimer
Un commutateur de plusieurs centaines de lignes fut exposé à Ottawa pendant deux mois,F.Dagger rédigea un rapport à l'intention de l'hotel de ville de Torronto recommandant un essai dans l'espoir de recevoir un contrat municipal. Hélas la ville abandona le projet.
Des commutateurs furent installés à Peterborough ou était installée l'usine de fabrication et à Bratford ou se trouvait l'ancien établissement Callender.
En 1908 ils intallèrent d'autres systèmes à Burford, Saint-George et Lindsay, toujours en Ontario mais ne firent aucune vente aux Etats+-Unis.
En 1906, Edmonton Telephones avait passé une commande Lorimer, mais elle ne parvint pas à en prendre livraison, l'entreprise étant incapable de livrer un modèle adapté aux besoins du client. Après deux ans d'attente, la municipalité se rallia à l solution Strowgze , Automatic Electric obtint le contrat et installa le central en deux mois. Devant le professionalismede Strowger les frères Lorimer faisaient figure d'amateurs.

Désormais, les téléphonistes ne sont plus indispensables pour acheminer les communications locales. Dans les journaux de l'époque on annonce : " L'abonné pourra se dispenser des opératrices ".
Il faudra attendre la nationalisationd= du téléphone dans les les trois provinces des Prairies, soit 1908-09 pour que la commutation automatique arrive à maturité au Canada.

1901 Nous devons garder en mémoire, que l’émission d’amateur a débuté au Canada dès l’origine de la T.S.F., faisant suite aux essais de Guglielmo MARCONI entre la station de Poldhu, en Angleterre, et celle de Signal Hill à Terre-Neuve..
« C’est à Signal Hill, que le 12 décembre 1901, Guglielmo MARCONI reçut le premier signal transatlantique sans fil. Il s’agissait simplement des trois points de la lettre « S » en morse, envoyés depuis Poldhu, en Angleterre, à 3 500 km de distance. L’exploit de MARCONI montra les possibilités inouïes de son système de communication sans fil et inaugura l’ère des télécommunications modernes à travers le monde… »

En 1913 la première pelletée de terre a été soulevée pour la construction de l'édifice voué à devenir le plus grand de sa catégorie dans tout l'Empire britannique. L'Usine de la rue Shearer 1920 -1940 Montréal

Il a ouvert ses portes en 1915 pour accueillir l'usine de fabrication de la Imperial Wire and Cable suivant sa fusion avec la Northern Electric.
Au fil des ans les ateliers situés à l'usine de Guy et Notre-Dame y ont été déménagés. Sa superficie a atteint près d'un million de pieds carrés après les agrandissements en 1926, 1929 et 1930.
Il est constitué de six ailes de huit étages et dix d'un ou deux étages. Il a été construit pour durer, il repose sur 5 151 piliers et possède 11 millions de briques. Il n'y a que le revêtement en bois franc des planchers qui soit combustible. Les portes coupe-feu pour accéder aux escaliers sont composées d'une plaque d'acier d'un quart de pouce renforcé de cornières de deux pouces sur son périmètre et de trois diagonales.


Pendant la Deuxième Guerre mondiale lorsque l'on croyait en un bombardement aérien nazi, les exercices d'évacuation étaient de rigueur, toutefois, seulement les septième et huitième étages l'étaient car on jugeait improbable qu'une bombe puisse pénétrer plus de deux étages.

Des turbines actionnées à la vapeur à haute pression généraient l'électricité du complexe jusqu'en 1930, la vapeur à la sortie des turbines servait au chauffage. L'entretien de l'édifice était hors pair, l'auteur se rappelle pendant une panne électrique le lancement de la génératrice d'urgence en moins de 20 secondes pour fournir le courant d'urgence.

L'immeuble abritait une grande variété de machinerie utilisée pour fabriquer pratiquement tous les composants nécessaires pour produire le matériel et les équipements téléphoniques. On y fabriquait des fils petits comme de cheveux jusqu'à de gros câbles électriques de six pouces de diamètre. Toutes les variétés de vis étaient usinés, les pièces de métal y étaient formées par des presses pour être ensuite usinées et plaquées, son atelier de placage était le plus important de Montréal. Une énorme quantité de munitions et du matériel de communication ont été fabriqués pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales. Plus de 9 000 employés y travaillaient pendant les années 1940 pour répondre à l'effort de la guerre.

L'usine de la rue Shearer était connue comme la maison-mère parce que c'est d'elle qu'essaima le personnel qui a démarré les autres établissements de la compagnie au Canada et ailleurs dans le monde. Northern Electric, Northern Telecom et enfin Nortel a occupé plus de 50 immeubles uniquement dans la région de Montréal.

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Entre 1880 et les années 1920, les standardistes remplissent un rôle indispensable dans les communications téléphoniques locales.
En 1907, 400 téléphonistes font la grève à Toronto pour obtenir de meilleures conditions de travail.


Annonce publicitaire L'empressement à Satisfaire

La technologie des communications a continué de progresser rapidement dans les années 1920, et les publicités de Bell sont restées axées sur l'éducation du public sur les dernières innovations, y compris les services interurbains et commutés. M. Neill, du service commercial de Bell, a déclaré: «Nous devons informer les gens sur notre entreprise et leur faire savoir le rôle clé que nous jouons dans la vie de la communauté. Nous devons continuer à faire de la publicité pour enseigner la valeur du service téléphonique ». Une nouvelle campagne avec le slogan : « Plus vous en savez sur le téléphone, mieux il vous servira » visait à éclairer les gens sur la complexité du système téléphonique et à demander également la coopération du public pour assurer un service de qualité. En plus des journaux, Bell a commencé à faire de la publicité dans d'autres formats, y compris des affichages dans des magasins importants. Bell a également ouvert nos bureaux au public dans le cadre de la « Semaine du téléphone », organisant des événements spéciaux dans plusieurs villes.

Au cours des années 1920, la popularité croissante du service interurbain a conduit à plusieurs nouvelles opportunités publicitaires. C.E. Fortier, le directeur de la publicité de Bell à l'époque, a écrit : « L'entreprise envisage de tirer parti de tous les moyens disponibles pour faire de la publicité pour le téléphone en tant que serviteur du public, et le service interurbain est un domaine qui n'a pas encore fait ses preuves. D'importantes campagnes publicitaires ont été lancées pour mettre en valeur le service interurbain de Bell. Bien que la première campagne d'envergure s'adressait au grand public, l'entreprise a par la suite adopté une approche spécifique s'adressant aux gens d'affaires de diverses industries.

Les publicités de l'époque posaient la question : pourquoi n'avoir qu'un seul téléphone chez soi quand on peut en avoir un autre dans la cuisine ou dans la chambre à un prix abordable ? – avec le message que monter et descendre les escaliers en courant peut être "épuisant et chronophage". À Noël 1921, Bell a lancé sa première campagne axée sur la commodité des postes téléphoniques supplémentaires - des téléphones supplémentaires câblés sur la même ligne téléphonique.

La décennie a également marqué un tournant majeur dans l'histoire technologique de Bell avec l'introduction du service commuté, officiellement lancé le 19 juillet 1924 au bureau de Bell Grover à Toronto. Passer d'un système manuel à un système de numérotation était un changement radical pour le public à l'époque, nécessitant de vastes campagnes de publicité et de relations publiques pour faire passer le mot, y compris des didacticiels publics et des publicités imprimées. À la fin de 1926, Bell avait 6 centraux téléphoniques en service, desservant 60 000 clients.

Au début des années 1920, les téléphonistes de Bell du Québec et de l'Ontario recevaient environ 140 000 appels « à l'heure de la journée » - tous les jours ! À partir de février 1923, des publicités sont nécessaires pour informer les abonnés qu'ils ne peuvent plus appeler un central de Bell pour demander l'heure, car c'est « encombrant pour nos opérateurs et préjudiciable au service » des autres clients. Quelques années plus tard, pour accélérer les appels locaux, il a également été décidé que les opérateurs ne devaient plus répéter le numéro que leur avait fourni l'abonné, mais plutôt accuser réception de l'information par un court « merci ».


Pour les abonnés, les téléphonistes ou standardistes personnifient à la fois les entreprises de téléphone et le service. Tandis que le service télégraphique nécessitant certaines connaissances techniques est assuré par de jeunes hommes, le service téléphonique est défini comme un emploi féminin. Pourquoi les entreprises préfèrent-elles engager des femmes comme téléphonistes ? À cette époque, différentes raisons sont avancées : " clarté de la voix ", " politesse ", " patience ", " acuité visuelle ". En bref, des qualités et des aptitudes considérées par les dirigeants des entreprises téléphoniques comme propres aux femmes. Plusieurs jeunes femmes issues de la classe ouvrière sont engagées comme téléphonistes, ce qui constitue pour elles un avancement social.
Les entreprises de téléphone préfèrent engager des jeunes filles célibataires. En 1907, à Toronto, leur salaire est de 25 dollars par mois pour des semaines de travail de 48 heures (les téléphonistes travaillent six jours par semaine)
Le métier de téléphoniste est très exigeant. Obligée de preuve d'une concentration et d'une politesse à toute épreuve, la téléphoniste doit en outre porter un lourd casque d'écoute, accomplir des gestes répétitifs et redire des phrases apprises par coeur durant sa journée de travail marquée par une cadence effrénée aux heures de pointe.

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Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la forte demande pour le téléphone force les entreprises à adopter cette nouvelle technologie.
Dans les années 1920, les changements technologiques touchant la téléphonie locale transforment les procédures à suivre.
Avec les nouveaux centraux automatiques, l'abonné utilise un appareil à cadran qui effectue le travail de recherche de l'interlocuteur qu'il désire joindre.
modèle 51AL modèle 20B

À l'été de 1924, les premiers commutateurs automatiques Strowger sur le territoire desservi par Bell sont mis en service au central Grover à Toronto.
Les premiers centraux téléphoniques manuels de Toronto étaient reconnus par un nom de central et un bloc de numéros de ligne à quatre chiffres. Le « GRover exchange » à Kingston Road et Main Street à East Toronto est devenu le premier central téléphonique automatique canadien en 1924.
L'avènement de cette nouvelle technologie fait l'objet d'une campagne d'éducation car les utilisateurs doivent apprendre à se familiariser avec la composition et le téléphone à cadran. Les numéros étaient composés de deux lettres et quatre chiffres (2L+4N). Grover 1234 a été composé GR-1234 (ou 47-1234).
23, rue Main, juste au nord de Kingston Road. Le Bell Telephone of Canada Grover Exchange Building, site du premier central téléphonique automatique du Canada. juillet 1924

19 juillet 1924 Le service Dial est inauguré à Toronto, en Ontario. Les représentants de Bell Canada appellent les clients pour les aviser du changement; d'autres rencontrent des membres de la communauté pour leur enseigner le bon usage du cadran. Les opérateurs sont également formés à l'utilisation de la nouvelle technologie.

A Bell representative demonstrates dial service to Toronto firemen, ON, 1924

Avec l’automatisation, on assiste à un mouvement de centralisation : il apparaît avantageux sur le plan économique de regrouper plusieurs unités de commutation, soit environ 10 000 lignes. Inauguré en 1925, le central automatique Strowger de Montréal qui respecte ces nouveaux critères d’aménagement est le Lancaster. Suivront les villes de Vancouver, Toronto et Winnipeg ...
Plis tard, pour faciliter la demande mondiale importante et croissante d'équipements téléphoniques Strowger Automatic, il a été créé sous la direction de l'organisation mère Automatic Electric à Chicago, un groupe d'entreprises de fabrication affiliées avec des usines au Canada, en Belgique et en Italie.

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L'Association du téléphone du Canada est créée en 1920. Elle est remplacée par le Réseau téléphonique transcanadien en 1931, puis par l'Alliance Stantor en 1992.
1927 Création de Québec-Téléphone, ses clients sont parmi les tout premiers au Canada à avoir accès au service téléphonique via des lignes individuelles uniquement.
3 octobre 1927 Inauguration du service téléphonique commercial transatlantique par les premiers ministres W.L. Mackenzie King (Canada) et Stanley Baldwin (Grande-Bretagne).
1928 Premier appel interurbain entre l'Alberta et l'outre-mer.
Années 1920 et 1930 SaskTel a continué d'améliorer ses services tout au long des années 1920 et 1930, devenant l'un des membres fondateurs du réseau téléphonique national TransCanada (TCTS), qui a ensuite changé son nom pour Telecom Canada et est maintenant connu sous le nom de Stentor.
31 juillet 1932 Le gouverneur général du Canada, le comte de Bessborough, inaugure le réseau téléphonique transcanadien (TCTS), offrant un service téléphonique d'un océan à l'autre sur toutes les lignes canadiennes.
26 avril 1945 Bell Canada installe son millionième téléphone, soixante-cinq ans après sa constitution en société. .

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Après la guerre 39 45, à cause des restrictions imposées par celle-ci, les demandes de service téléphonique étaient énormes.
Northern Electric répondit à la demande en produisant de plus en plus de câbles. Le volume était tellement grand que la capacité de fabrication ne suffisait plus, alors une nouvelle usine a été construite à Lachine dans la banlieue de Montréal.
Cette usine fabriqua des millions de pieds de câble pour remplir toutes les commandes.
L'isolateur au papier enroulait lâchement l'isolant sur les fils avant qu'ils soient torsadés en paires. Les paires devaient être torsadées pour empêcher la diaphonie, c'est-à-dire l'induction d'une conversation téléphonique d'une paire à une autre.
Le papier a servi comme isolant depuis le début de la fabrication des câbles, malgré qu'il ait été essentiellement déplacé par la pulpe de papier et le plastique il sert encore pour les câbles sous-marins.

Aux lendemains de la Première Guerre mondiale, le taux de croissance des abonnements au téléphone atteint de nouveaux sommets.
D’après les statistiques internationales compilées chaque année par AT&T, le marché montréalais de la téléphonie se classe en 1929 au 12e rang à l’échelle mondiale. Le taux de pénétration y est toutefois moindre que dans l’autre grande ville canadienne, Toronto. Alors qu’on retrouve à Toronto 27,5 téléphones pour 100 habitants, Montréal n’en compte que 18,9. Cet écart est sans doute le reflet des différences de niveaux de richesse prévalant dans les deux agglomérations. Il témoigne également de la différence dans la taille des ménages, les familles montréalaises étant composées de plus d’individus.

Malgré cet écart, il n’en demeure pas moins qu’à l’échelle internationale, Montréal n’est pas en retard par rapport à un échantillon de grandes villes. En 1929, les villes étatsuniennes ont pris une avance très importante sur les principales métropoles européennes. Stockholm constitue toutefois une exception. On peut noter que Montréal évolue plus ou moins en parallèle avec des villes de pays nordiques, comme Copenhague et Oslo. Quant aux métropoles européennes, comme Paris, Berlin, Londres, Amsterdam et Glasgow, la diffusion du téléphone y est beaucoup plus faible. Cette progression différentielle du taux d’abonnement selon les pays fait appel à divers facteurs. Aux États-Unis, les dirigeants d’AT&T insistent sur la corrélation forte entre le niveau d’abonnement et la gestion privée du service téléphonique. On peut aussi mentionner comme éléments-clés de la rapide progression du service en Amérique du Nord, la capacité des entreprises à combler rapidement la demande croissante, de même que l’établissement, dès le départ, du principe du nombre illimité d’appels locaux à tarifs fixes, même si ce coût est resté relativement élevé.

En réalité, il est difficile de s’en remettre à un seul facteur pour expliquer l’implantation et le développement du service téléphonique dans certains milieux urbains. Outre des obstacles de nature institutionnelle et juridique mis en évidence par plusieurs chercheurs — en particulier dans le cas français—, des conditions sociales et économiques permettent de comprendre le retard de l’Europe sur les États-Unis. À cet égard, certains ont souligné le caractère particulier de l’urbanisation et de l’industrialisation. Ces processus sont perçus de manière différente des deux côtés de l’Atlantique. Ils sont aussi fortement marqués par des différences nationales.
Compte tenu de sa position privilégiée à l’intérieur de l’organisation industrielle nord-américaine, la ville de Montréal — en particulier son cœur financier et industriel —, illustre la réussite d’un programme d’implantation d’infrastructures téléphoniques. Si la vitalité économique a stimulé la demande sociale et le marché de la téléphonie, le cadre politico-institutionnel a aussi joué un rôle important. En effet, pour un opérateur de réseau, il est indispensable d’avoir l’accord de la municipalité pour obtenir des droits de passage et utiliser les voies publiques. C’est dire que des conditions favorables aux projets d’équipement doivent être en place pour l’implantation du réseau.

L’étude des marchés et de l’adoption progressive du service dans la sphère privée et dans les sphères professionnelles et marchandes éclaire peu sur les conceptions, les images et les modes d’appréhension de la réalité que suscite la téléphonie urbaine entre 1880 et 1930.
Afin de comprendre la culture téléphonique véhiculée et diffusée au cours de cette période, il importe de considérer de plus près les thèmes consacrés à l’un des principaux domaines où la téléphonie est parvenue à s’imposer et qui retenait déjà l’attention par son caractère inédit et prometteur : la ville réticulée.

28 juin 1947 Bell Canada lance le premier service de téléphonie mobile commercial au Canada. Le Toronto Globe & Mail est le premier abonné à profiter de l'offre de service pour une couverture rapide sur place des événements d'actualité.
19 janvier 1953 Bell Canada fournit la première liaison télévisuelle permanente entre deux pays pour acheminer des programmes américains de Buffalo, New York, à la Canadian Broadcasting Corporation à Toronto. Le 14 mai de la même année, les téléspectateurs de Toronto (CBLT) et de Montréal (CBFT) peuvent visionner simultanément pour la première fois la même émission en direct.

1953 AUTOMATIC ELECTRIC (Canada) Limited est la filiale canadienne de fabrication d'Automatic Electric Company.
Son usine moderne de Brockville, en Ontario, produit une grande variété de téléphones, de cadrans téléphoniques, de relais et une gamme complète de tableaux de distribution automatiques Strowger et d'équipements accessoires.
Les opérations de fabrication du groupe Automatic Electric au Canada ont commencé en 1930 avec l'acquisition de Phillips Electrical Works, Limited, Brockville, Ontario, qui à l'époque se consacrait exclusivement à la fabrication d'une gamme complète de conducteurs et de câbles en cuivre pour les communications, l'alimentation, et les domaines des transports. En 1935, un ajout a été fait à l'usine de Phillips pour assurer la fabrication de téléphones, d'équipements de commutation automatique et manuel et d'autres appareils de communication. Au cours des années qui ont suivi, cette opération a été progressivement élargie pour répondre aux besoins en croissance rapide des compagnies de téléphone et des administrations canadiennes.

L'usine de Brockville, Ontario, d'Automatic Electric (Canada) 1953 Limited, illustrée ici, occupe 125 000 pieds carrés de surface au sol et est conçue de telle sorte que le bâtiment peut être agrandi jusqu'à 500 000 pieds carrés. Le bâtiment est situé dans le quartier de Schofield Hill, à l'ouest du boulevard Strowger. Le bâtiment entièrement moderne de Toronto, illustré ici, abrite le siège social, le bureau des ventes de Toronto et l'entrepôt central d'Automatic Electric Sales (Canada) Limited.


Une des unités centrales de la British Columbia Telephone Company installée à Vancouver, en Colombie-Britannique.


En mai 1953, la filiale canadienne d'Automatic vend ses installations de fabrication de fils et de câbles dans le but de se concentrer uniquement sur la production d'équipements de communication et de commande électrique. Cela a été suivi par l'organisation de l'actuelle entreprise de fabrication canadienne et la construction d'une nouvelle usine de fabrication.
Après un examen attentif de plusieurs emplacements possibles, un site de 33 acres à Brockville a été sélectionné.
L'usine d'un million et demi de dollars a démarré le 5 août 1953 et a été officiellement inaugurée le 22 septembre 1954. Elle est de conception très moderne et combine les dernières techniques architecturales et de production.
Située au cœur de la plus grande section industrielle du Canada, Automatic Electric (Canada) 1953 Limited est toutefois devenue la première nouvelle industrie à ouvrir ses portes dans la vallée du Saint-Laurent après la finalisation des plans de la Voie maritime du Saint-Laurent.
Un point d'intérêt dans le développement de l'usine automatique dans ce domaine était la dénomination du boulevard Strowger, un geste de l'esprit de coopération entre les responsables de l'entreprise et de la société, en l'honneur de la mémoire d'Almon B. Strowger.
Automatic Electric a toujours été étroitement liée à l'industrie du téléphone du Canada, qui comprend plus de 2800 entreprises indépendantes et systèmes gouvernementaux provinciaux ainsi que la Compagnie de téléphone Bell du Canada. L'équipement de commutation automatique Strowger est utilisé principalement par les trois groupes. Les ventes et la distribution des produits Automatic Electric au Canada sont assurées par une société associée, Automatic Electric Sales (Canada) Limited, dont le siège social et l'entrepôt principal sont à Toronto, ainsi que des succursales, des entrepôts et des agents à d'autres endroits pour offrir un service complet à sa liste croissante de clients dans le Dominion.

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1954
le Système Crossbar Ericsson


LM Ericsson a vendu au Canada des commutateurs crossbar ruraux, urbains, et de transit.
1962 Contrat signé avec COTC, Teleglobe Canada, pour la fourniture et l'installation à Montréal, Vancouver et Hawaï, de centraux tête de ligne automatiques de type ARM Crossbar, utilisés pour les échanges téléphoniques et de télex internationaux. À la suite de cette installation, tous les télex et les communications téléphoniques canadiens passent par les centraux Ericsson.
Le 1er décembre 1977, LM Ericsson employait 54 personnes au Canada. A des fins de comparaison, on a indiqué que 1es ventes de LM Ericsson aux Etats-Unis se sont é1evées en 1976 a 12,1 millions de dollars.
LM Ericsson ne fabrique pas de materiel de telecommunication au Canada bien qu'elle y fasse Ie montage de certains produits et l'adaptation de certaines pieces d'equipement. Elle dispose d'installations pour enseigner aux clients Ie fonctionnement et l'entretien du materiel.

Dans Ie domaine du matériel de télcommunication, LM Ericsson offre au Canada des postes téléphoniques, des PBX et des interphones. Les PBX incorporent des techniques de commutation crossbar, et les divers produits peuvent servir dans des installations de 50 a 9 000 lignes. Le plus gros des PBX offre aussi Ie centrex. La compagnie prevoyait produire un PBX éléctronique en 1979, d'une capacité maximum de 100 lignes. Les interphones de LM Ericsson peuvent être raccordés à jusqu'a 5 000 stations..

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8 juillet 1956 Bell Canada inaugure la composition directe à distance, permettant aux clients de composer certains de leurs propres appels interurbains sans l'aide d'un téléphoniste.
1957 SaskTel achève sa partie du premier système de relais radio micro-ondes transcanadien. Avec ce système, les programmes de télévision en direct sur le réseau pourraient être transmis d'un océan à l'autre. Cela a contribué à créer la tradition derrière des émissions nationales comme "Hockey Night in Canada".
18 juin 1958 Le rêve du président de Bell Canada, Thomas Eadie, d'un réseau hertzien entièrement canadien se réalise à cette date. Le réseau de liaisons hertziennes de 6 400 kilomètres, le plus long au monde, transporte des conversations téléphoniques, des messages téléimprimeurs et des signaux de télévision.
1958 L'Alberta Government Telephones Commission est créée, mettant fin à la gestion gouvernementale directe du système provincial.
1er mai 1960 La fonction All Number Calling (numéros de téléphone à 7 chiffres) est introduite sur le territoire de Bell Canada. Les premiers à bénéficier de ces nouveaux numéros sont les abonnés d'Ormstown et de Franklin-Centre, Québec.
15 mars 1962 La Compagnie de téléphone Bell du Canada est la première compagnie de téléphone au monde à offrir un service de télécopie commercial

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Montréal "Le réseau dans la ville"

Pour de nombreux citadins, c’est d’abord comme élément du paysage urbain que le téléphone est entré dans leur vie.
Au tout début des années 1880, l’usage de l’électricité pour la transmission de la voix, l’éclairage public et la traction des tramways est en plein essor et contribue à rendre omniprésents les poteaux et les fils aériens. La mise en place de moyens de production à une grande échelle entraîne aussi la construction de véritables réseaux de distribution. En fait, les initiatives destinées à fournir les nouveaux services sont nombreuses dans les années 1880 et 1890 : dans un contexte de vive concurrence, les entreprises exploitantes établissent chacune leurs installations de distribution. Ce qui a pour effet de multiplier les équipements.
On ne peut pas dire que les acteurs locaux se soient préoccupés de cette multiplication des infrastructures physiques du réseau (poteaux, fils et câbles, centraux, immeubles administratifs et cabines téléphoniques). La présence croissante des poteaux et des fils dans le paysage urbain ne fait cependant pas l’unanimité.

Des éléments significatifs du système : les poteaux et les fils

Les poteaux et les fils, quand ils ne sont pas enfouis, constituent les éléments les plus visibles du système transmission des messages. Jugés inesthétiques par plusieurs, ils font l’objet des tout premiers commentaires relatifs à l’insertion physique des équipements du système téléphonique à Montréal et en banlieue.
Les exploitants privés du réseau tentent de valoriser ces infrastructures en leur attribuant une signification qui va bien au-delà de leur simple utilité technique. Ainsi Bell a-t-elle utilisé, au début des années 1880, les poteaux et les fils — marques physiques du réseau — comme symboles de ses activités. Elle en reproduisait alors une image stylisée sur les plaques d’identification portées par ses employés. Quelques années plus tard (en 1895, AT&T accorde la permission d’utiliser la Blue Bell), la célèbre cloche du Bell System remplace cet emblème peu apprécié par les citadins.
Les fils et les poteaux sont définis comme des artères de circulation qui véhiculent les communications entre les abonnés. Alors que pour les entreprises téléphoniques ils représentent une marque de modernité incontestable, pour les citadins et les banlieusards, ils sont perçus comme des nuisances visuelles et des sources de danger public à éliminer.
Pour mieux comprendre la nature des protestations — provenant notamment de l’administration municipale — que ces équipements de distribution ont soulevées, il importe de se pencher sur le champ d’action des acteurs institutionnels locaux. L’histoire technique passe à cet égard par le biais de l’histoire politico-institutionnelle. Nous y reviendrons au chapitre .
Les centraux téléphoniques
Les centraux — une autre composante fonctionnelle du système téléphonique — ont été intégrés dans l’espace urbain sans susciter le même type de critiques virulentes formulées à l’endroit des câbles et des poteaux. Moins visible, le central téléphonique est demeuré largement méconnu des abonnés et des citadins. Il représente pourtant le cœur du réseau. En termes de mobilisation des ressources financières qu’il exige, son importance est aussi considérable : à la fin de la période étudiée, l’équipement de commutation — excluant les bâtiments — accapare à lui seul 35,3 % des investissements de Bell.
C’est au central qu’aboutissent les lignes d’un secteur donné. Celles-ci permettent d’appeler un abonné dans ce même secteur ou dans une autre zone desservie par le réseau. Avant les développements de la téléphonie, le perfectionnement du réseau de télégraphie électrique avait contribué à mettre en forme le concept du central. Diverses lignes reliant les postes télégraphiques aboutissaient en un même endroit, c’est-à-dire au standard manié par un opérateur.
Tous les abonnés peuvent être joints grâce aux équipements de connexion — le commutateur — qu’on retrouve à l’intérieur des centraux téléphoniques. Autrement dit, ces centraux permettent le fonctionnement en réseau. De plus, ils effectuent le travail de recherche et de connexion du correspondant. Ces qualités incitent même des promoteurs de la téléphonie à considérer le central comme le cerveau (ou encore le plexus solaire) du système sans lequel les villes seraient dysfonctionnelles : This is the solar plexus of the telephone body. It is the vital spot. It is the home of the switchboard. It is not any one’s invention, as the telephone was. It is a growing mechanism that is not yet finished, and may never be; but it has already evolved far enough to be one of the wonders of the electrical world. There is probably no other part of an American city’s equipement that is as sensitive and efficient as a telephone exchange.

Comment interpréter le peu d’intérêt public porté à l’endroit de ces équipements et des bâtiments qui les abritent ?
On peut avancer l’hypothèse que cette indifférence est due au soin tout particulier que Bell porte à la conception architecturale et à l’intégration urbanistique de ces bâtiments au cours des années 1910, soit au moment où elle construit elle-même l’ensemble des édifices qui servent à la fourniture du service.
Selon un des architectes de l’entreprise montréalaise, F. J. Macnab, deux principes président à la construction des bâtiments qui abritent les activités commerciales et de production de Bell :
1) l’adaptation des normes d’aménagement aux changements technologiques ;
2) le développement d’une nouvelle approche en matière de relations publiques.

Assez tôt dans l’histoire de l’entreprise, les dirigeants élaborent un programme rigoureux — néanmoins adaptable aux nouveautés technologiques — de planification architecturale des centraux. À la toute fin du XIXe siècle, on met sur pied un service de travaux d’ingénierie. L’architecte W. J. Carmichael est alors nommé commis aux travaux (Clerk of works). En 1897, il devient directeur des immeubles (Superintendent of Buildings) au sein du service de génie. Au cours de sa carrière chez Bell, Carmichael a dirigé la construction du premier siège social érigé entre 1895 et 1897 rue Notre-Dame et dont les plans avaient été dessinés par Edward Maxwell (1867-1923). Carmichael a aussi dessiné les plans de l’imposante manufacture où sont fabriqués les fils et les câbles téléphoniques, Northern Electric, inaugurée en 1916 dans le quartier ouvrier de Pointe-Saint-Charles. Enfin, c’est lui qui a dirigé la conception de plusieurs centraux montréalais, notamment le Plateau et le Lancaster.
Premier siège social de Bell, rue Notre-Dame, 1895

Pour sa part, F. J. Macnab s’est joint à la compagnie en 1906 à titre de commis aux travaux. À partir de 1908, c’est à Toronto qu’il poursuit sa carrière chez Bell où il devient, en 1922, architecte auxiliaire. En plus d’avoir conçu les plans de quelques centraux téléphoniques de l’agglomération montréalaise, il a contribué à la planification de centraux téléphoniques en Ontario, notamment à Ottawa et à Toronto.

La présence de ces professionnels assure le succès de la stratégie que Bell a déployée pour faire reconnaître la valeur de son service et l’importance de ses activités. Sans doute ses dirigeants considèrent-ils indispensable de porter une attention toute particulière aux équipements installés au cœur des quartiers où habitent leurs clients. Dès lors, les bâtiments qui abritent les centraux téléphoniques sont conçus, assez rapidement, selon des normes précises, qui respectent le cadre bâti environnant.
De plus, dès la fin du XIXe siècle, les avantages de concevoir et de bâtir ses propres édifices sont clairs. Il apparaît de plus en plus profitable d’être propriétaire et de construire les centraux et les bureaux d’affaires puisqu’ils constituent des valeurs immobilières très importantes. En 1922, la compagnie évalue à plus de cinq millions de dollars l’ensemble de ses biens immobiliers au Canada. En 1926, ce chiffre a grimpé à 16,75 millions de dollars.

Entre le début des années 1880 et les années 1910, les bâtiments qui accueillent les équipements de commutation ont beaucoup changé.
Au départ, les constructeurs des réseaux se contentaient de simples locaux loués aux étages supérieurs d’immeubles commerciaux et d’immeubles de bureaux.
Ainsi, dans un premier temps, on installe les équipements de commutation manuelle dans des bâtiments existants, situés dans le quartier des affaires à proximité de la majorité des abonnés. Le central occupe souvent le dernier étage d’un bâtiment sur lequel aboutissent les câbles accrochés à des structures fixées aux toits des immeubles. C’est qu’avant d’obtenir des autorités municipales la permission d’utiliser la voie publique, les compagnies de téléphone ont dû suspendre les câbles à des structures existantes, notamment les toits et les cheminées.
Dans plusieurs pays européens où il était interdit de planter des poteaux sur la voie publique, on a vu apparaître dans le paysage urbain d’importantes structures faites de bois et de métal qui coiffaient les centraux, où aboutissaient les lignes téléphoniques d’un quartier.

À Montréal, le premier central de Bell est situé dans des locaux loués au dernier étage d’un édifice bancaire de la rue Saint-Jacques, dans le quartier des affaires. Ce central, alors nommé le central Main, sera installé quelques années plus tard dans un local plus vaste, dans l’édifice British Empire, situé à l’intersection des rues Notre-Dame et Saint-François-Xavier. Les bureaux administratifs de l’entreprise s’y trouvaient déjà.
Toutefois, cette solution s’avère rapidement non viable étant donné l’augmentation du nombre de lignes et l’encombrement qui s’ensuit. Dès lors, en raison de la longueur des lignes et de leur multiplication, il devient impératif d’établir de nouveaux centraux téléphoniques. Les centraux manuels doivent être localisés tout au plus à 3 ou 5 kilomètres l’un de l’autre. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi le territoire est divisé en circonscriptions téléphoniques ayant chacune leur propre central.
Après 1905, à la suite de l’introduction de la batterie commune, il devient nécessaire de monter plusieurs tableaux de commutation et d’installer les systèmes de batterie commune à l’intérieur des centraux téléphoniques. Ce qui conduit les ingénieurs de Bell à concevoir de vastes salles capables d’accueillir des dizaines de standardistes. Mais contrairement à ce que l’on constate avec les équipements associés aux technologies nouvelles (on peut penser aux centrales hydroélectriques), les centraux téléphoniques n’affichent pas d’emblée leurs fonctions technologiques. Le décor et la volumétrie extérieurs, entre autres, ne cherchent pas à témoigner des vertus du nouveau service de communication à distance.

Bâtiment ayant abrité le premier central téléphonique de Bell à Montréal, rue Saint-Jacques dans le quartier centre

Les premiers centraux sont donc plus ou moins déguisés en immeubles de bureaux. En fait, à partir du moment où elle érige ses propres bâtiments, Bell cherche plutôt à dissimuler les tâches fonctionnelles des centraux et met en place une véritable politique architecturale. Là encore, c’est sa conception particulière du service public qui l’incite à adopter cette approche. Par ailleurs, lorsqu’ils sont enfouis, les câbles entrent dans le bâtiment par voie souterraine ; ce qui permet d’éliminer les structures aériennes installées sur le toit des édifices. Ainsi, la présence du central se fait-elle encore plus discrète.

Cela dit, quels éléments permettent de définir le modèle de central téléphonique élaboré par Bell à l’échelle nord-américaine ?
Le premier élément découle d’une adaptation du bâtiment aux fonctions. Les bâtiments qui abritent des équipements de commutation sont assujettis à des impératifs techniques stricts.
Chaque pièce remplit des fonctions précises. Par exemple, la salle où aboutissent les lignes téléphoniques d’un secteur constitue comme tel le central de distribution des appels. Le « standard », ou l’équipement de commutation, est installé au niveau supérieur du bâtiment, lequel, en général, possède deux étages. Les génératrices qui fournissent l’énergie nécessaire au fonctionnement des équipements de commutation sont localisées, la plupart du temps, au rez-de-chaussée de l’édifice, là où se trouvent aussi les services d’appoint.

Dans les années 1910, l’accroissement du nombre de standardistes et la rationalisation de leurs tâches imposent une organisation du milieu de travail qui doit tenir compte de normes de contrôle précises. On met alors en place des services destinés au bien-être des employées : salle de repos, cantine, vestiaire. Des espaces de bureau, accueillant notamment le service à la clientèle, s’ajoutent aux espaces conçus spécifiquement pour les standardistes. Il faut une planification interne particulière pour faire face à toutes les exigences de la distribution des appels téléphoniques. Une fois les diverses contraintes techniques et organisationnelles surmontées, il apparaît avantageux de reproduire un type de bâtiment.

L’expérience en construction d’équipements vécue par diverses entreprises affiliées au système Bell aux États-Unis est partagée par leur homologue canadien.
Certains principes sont retenus et standardisés. On transmet ces connaissances par diverses filières, notamment par des périodiques spécialisés, comme le Bell Telephone Quarterly, ou par des conférences auxquelles sont conviés les architectes et les ingénieurs qui assument la planification des immeubles.
Par exemple, en 1913, l’architecte responsable des immeubles de Bell à Montréal, W. J. Carmichael, participe à une conférence organisée par AT&T sur la standardisation des bâtiments. À la suite de cette rencontre, on va établir des normes d’aménagement et de planification pour l’ensemble des villes.
Ainsi peut-on parler d’une uniformisation qui répond aux fonctions technologiques et qui tient compte de certains principes organisationnels. Par contre, parce qu’il s’insère dans un milieu spécifique, chaque bâtiment doit être unique.

La qualité de service public doit transparaître dans l’approche architecturale de l’entreprise. Soucieuse de son image publique, Bell veille à l’intégration harmonieuse des bâtiments dans les quartiers urbains et suburbains. Contrairement aux poteaux qui traversent l’ensemble du territoire, y compris les secteurs où l’on retrouve peu d’abonnés, les centraux sont surtout situés à l’intérieur des zones résidentielles et commerciales, près des abonnés. De plus, leur localisation révèle le sens de l’extension du réseau préconisé par la compagnie : elle construit des centraux là où elle envisage de desservir une clientèle potentielle.
L’idée d’intégrer les centraux à leur environnement urbain et suburbain participe de la politique de relations publiques destinée à parfaire l’image de l’entreprise auprès des habitants. Consciente du respect qu’elle doit démontrer à l’endroit de sa clientèle nantie et qui se considère protagoniste du bon goût, Bell accorde une attention particulière à l’aménagement lorsqu’il s’agit d’ériger un nouveau central dans un secteur résidentiel. Il faut rappeler que les constructeurs de ces équipements technologiques nouveaux sont les tenants de l’embellissement urbain en vogue en Amérique du Nord au tournant du XXe siècle.
Implantée à la fin des années 1900, cette politique d’intégration harmonieuse de Bell est toujours appliquée au début des années 1950. Encore une fois, Bell met de l’avant la nature du service public pour légitimer la réalisation de son programme architectural. C’est du moins dans cette perspective que l’architecte Macnab fait valoir les responsabilités de la compagnie en matière d’aménagement : A public utility is dependent for its success on the goodwill of the people it serves. Like schools and churches, telephone exchanges have to be where the people are. In purely residential areas zoning regulation or other restrictions must be taken into account and it is essential that the telephone building be acceptable to the community [...]. The architect’s problem is then to design a building which will meet all technical requirements and be compatible with its surroundings.

En d’autres mots, pour les ingénieurs et les architectes, les bâtiments de la compagnie de téléphone sont des bâtiments publics. Ils permettent en effet à Bell de remplir ses obligations fondamentales envers sa clientèle, soit acheminer des centaines de milliers de messages et offrir un service adapté aux besoins modernes d’une société progressiste : Telephone central offices are public buildings in the true sense in that millions of calls from citizens in all walks of life are handled either by the operators or the equipment housed within their walls […].
Due to the important part that telephone service plays in the present day business and social life of a city it is indeed fitting that a building erected for such a service should be designed and constructed along principles based on stability and efficiency. It should also adorn the neighborhood and symbolize the service to which it is dedicated.

Tout en respectant les exigences du service public (l’efficacité, la qualité, l’accessibilité, la continuité), les principes architecturaux et urbanistiques auxquels se réfèrent les constructeurs de Bell reflètent des qualités architecturales modernes qui sont connexes : la permanence, la simplicité, la beauté et l’intégration au milieu environnant.

Parce qu’ils considèrent le système téléphonique comme un organisme en croissance, les ingénieurs et les architectes conçoivent des bâtiments sur lesquels on doit pouvoir ajouter des étages au besoin. Ils prévoient aussi agrandir les bâtiments sur un plan latéral pour y loger des unités de commutation additionnelles. Ces exigences ont un impact sur la composition architecturale. D’entrée de jeu, les dessinateurs résolvent cette contrainte en faisant des esquisses du bâtiment initial et du bâtiment éventuellement modifié afin d’en assurer la croissance harmonieuse.
Le choix des sites doit aussi tenir compte de certaines contraintes. La plupart du temps, on érige les centraux montréalais sur des artères secondaires. Une logique économique peut expliquer ce choix : le coût des terrains y est moindre. Mais il importe qu’il y ait des conduits principaux à proximité. Le lot doit également offrir des possibilités d’expansion. Il faut aussi prendre en considération la pollution sonore et atmosphérique causée par la circulation sur les grandes artères.

On doit également évaluer les risques d’incendie. Les ingénieurs de Bell préfèrent donc construire sur un site dégagé. Enfin, selon un architecte de la compagnie, les clients doivent avoir facilement accès aux bâtiments qui les accueillent et ne pas subir la congestion des voies principales. On peut prendre l’exemple du central Saint-Louis, construit en plein cœur d’un quartier résidentiel en expansion . Au lieu de localiser l’entrée principale sur le boulevard Saint-Joseph, les ingénieurs choisissent de la placer sur une artère secondaire. Par ailleurs, on sait que la proximité d’une voie principale est essentielle car celle-ci peut être desservie par des conduits souterrains qui amènent les câbles à l’intérieur du bâtiment.

Lorsqu’on introduit la composition automatique en 1925, des modifications majeures sont apportées à la planification intérieure des centraux.
D’abord, la grande salle accueillant l’armée de standardistes n’est plus nécessaire. Il en va de même des pièces où se trouvaient les services offerts aux standardistes. Ensuite, à cause des charges accrues que doivent supporter les planchers, les structures doivent avoir plus de résistance. Enfin, un dégagement en hauteur est requis et les colonnes doivent être davantage espacées pour faciliter l’installation de l’équipement de commutation.

Avec l’automatisation, on assiste à un mouvement de centralisation : il apparaît avantageux sur le plan économique de regrouper plusieurs unités de commutation, soit environ 10 000 lignes. Inauguré en 1925, le premier central entièrement automatique de Montréal qui respecte ces nouveaux critères d’aménagement est le Lancaster.

Publié dans le quotidien La Presse, le 24 janvier 1925 :

Une fois terminée la construction du superbe immeuble Lancaster à l’angle des rues Ontario et Saint-Urbain, le premier poste central de téléphone automatique à être installé à Montréal, sera sur le point de fonctionner. Il y a certes encore beaucoup à faire pour terminer la canalisation des câbles souterrains et aériens, et le montage au poste central des appareils d’aiguillage n’est pas encore complété. Mais on s’attend à ce que d’ici trois mois tous les abonnés desservis par le poste central Lancaster soient pourvus d’un appareil automatique.
Le nouvel annuaire du téléphone contient un grand nombre d’abonnés du poste Lancaster et la Compagnie y ajoutera, de temps en temps d’autres abonnés. On est à installer dans les demeures et les places d’affaires de ces abonnés des appareils téléphoniques munis de cadrans, en temps et lieu, on leur donnera des instructions personnelles indiquant la manière exacte de se servir de ce nouvel appareil. D’après les prévisions actuelles, la Compagnie sera en mesure, en avril prochain, d’effectuer le changement au service automatique du territoire Lancaster.
« Mais comment ceci fonctionne-t-il? », demandait-on à M. Frank C. Webber, gérant de la Compagnie de téléphone Bell, comment appellera-t-on par exemple Lancaster 0456 ? « Bien, dit M. Webber, en posant devant nous, sur le bureau, un appareil automatique, voyons quelles sont les opérations requises pour appeler le numéro que vous mentionnez – Lancaster 0456 – et dans quel ordre elles se présentent. « D’abord nous décrochons le récepteur et écoutons pour percevoir ce qu’on est convenu d’appeler le « ton du cadran » – un bourdonnement continue qui indique que le mécanisme est prêt à transmettre nos signaux.
Après avoir perçu le bourdonnement et en tenant toujours le récepteur décroché, nous signalons la lettre L du numéro LAncaster 0456.

Plaçant l’index dans le trou où apparaît la lettre L, M. Webber tourne le cadran jusqu’au point d’arrêt. Puis il dégage le cadran qui retourne à sa position normale. Ensuite, nous signalons de même la lettre A. Encore une fois, il tourne avec l’index le cadran jusqu’au point d’arrêt, puis le laisse revenir à sa position initiale.
Maintenant que nous avons signalé les deux premières lettres du nom du poste central, nous commençons à signaler les chiffres 0-4-5-6.
Ici M. Webber localisa à tour de rôle chacun des chiffres et, après avoir tourné le cadran jusqu’au point d’arrêt, le laissa revenir au repos.
Maintenant, si ce téléphone était réellement raccordé, je devrais entendre le ronron qui m’indiquerait que la sonnerie du poste appelé tinte. Nous avons complété toutes les opérations nécessaires à un appel d’un poste automatique à un autre : d’abord les deux premières lettres du nom du poste central, lesquelles sont indiquées en majuscules dans l’annuaire, et ensuite les quatre chiffres du numéro sans omettre le zéro initial...
« Les points suivants sont à noter pour signaler, continue M. Webber. Vous n’avez pu constater que j’ai eu soin de ne pas toucher au cadran pendant qu’il retournait à sa position de repos. J’obtiendrais probablement une fausse communication si j’essayais d’en hâter ou d’en ralentir le retour.
Remarquez aussi que les lettres sont noires et les chiffres sont rouges. Ceci permet de différencier facilement la lettre O (noire) du chiffre qui est rouge. Les confondre donnerait lieu à une fasse communication, d’où l’importance de les distinguer.Supposons que nous éprouvons quelque difficulté? Lui demanda-t-on. J’imagine que beaucoup auront besoin d’aide.
Remarquez le mot Operator au bas du cadran, dit le gérant. Un tour au cadran vous mettra en communication avec une téléphoniste qui aura pour fonction d’aider les abonnés qui éprouveront des difficultés à signaler. Vous voyez que les abonnés desservis par le téléphone automatique ne doivent pas avoir l’impression qu’ils n’ont à leur disposition en cas d’urgence qu’une machine inerte. De fait, nous avons choisi certains numéros spéciaux servant à des appels déterminés – par exemple : Information 113 (trois tours au cadran); Commis des réparations 114 (trois tours au cadran); Longue distance 110 (trois tours au cadran) ». « Comment signaler un numéro de ligne double ? »
« Signalez le numéro de la même façon, dit M. Webber, en y ajoutant la lettre W ou J – tel qu’indiqué dans l’annuaire ».
« Maintenant, si la ligne est occupée? » « Si le poste que vous appelez n’est pas libre, vous entendrez un ‘buzz buzz’ rapide au récepteur, similaire à ce que vous entendez actuellement avec la téléphone manuelle. Raccrochez le récepteur et rappelez un peu plus tard.
Supposons que vous désirez appeler Lancaster 0456 : Décrocher le récepteur – écouter pour percevoir le ton du cadran – trouver la lettre L sur le cadran – tourner le cadran jusqu’au point d’arrêt – retirez le doit et laissez le cadran retourner à la position normale – procédez de même pour la lettre A et ensuite pour les chiffres 0,4,5 et 6, dans l’ordre indiqué – vous percevrez alors le signal d’appel.
La lettre O est noire! Le chiffre 0 est rouge (au moins, sur les premiers téléphones à cadran).
Le cadran a été installé sur chaque téléphone automatique.
Le poste central Lancaster, installé au coin des rues Ontario et Saint-Urbain.

Vers 1925, le nombre d'abonnés atteint 10 000. On uniformise donc les numéros de téléphone qui auront tous désormais cinq chiffres.

Les années suivantes correspondent aux années de relocalisation des centraux.
Le choix des noms des centraux n’est pas non plus fortuit. Ces noms peuvent avoir une connotation significative reliée au lieu : nom du quartier ou de la rue où ils sont localisés.
C’est le cas notamment de la première génération de centraux établis avant la Première Guerre mondiale. Ils sont encore peu nombreux et une appellation toponymique ou géographique suffit à préciser leur localisation et le secteur qu’ils desservent : Main (1886, 1890, 1897), Uptown (1887, 1890, 1907), East (1888, 1905), South (1890), Mount/Westmount (1898, 1908). Il n’en demeure pas moins que le choix d’un nom pour un central est primordial puisqu’il permet de relier un abonné à son district téléphonique.

Central téléphonique Saint-Louis, Montréal, construit en 1909 à l'angle de la rue de Bullion et du boulevard Saint-Joseph
Pour desservir une clientèle de « salariés prospères », Bell ouvre un bureau central à Ville Saint-Louis, rue Cadieux (actuelle rue De Bullion), à l’intersection du boulevard Saint-Joseph. Inauguré le 15 août 1909, le central Saint-Louis dessert le Plateau au nord de l’avenue Duluth, Outremont, et Saint-Édouard (aujourd’hui la Petite-Patrie). C’est un territoire d’environ 30 000 habitants où 2 500 personnes sont abonnées au téléphone, un taux de pénétration légèrement supérieur à la moyenne montréalaise.

Avant 1884, vu le nombre restreint d’abonnés au service, les clients demandaient aux téléphonistes de les connecter à leur interlocuteur simplement en mentionnant leur nom. Ce système personnalisé est remplacé en 1884 par les numéros de téléphone. À partir de 1898, on requiert une information supplémentaire : les demandeurs doivent préciser le nom du central pour joindre les demandés (par exemple Main 427).
Au cours des années 1910 et 1920, lors de la période de forte croissance du service téléphonique, la dénomination des nouveaux centraux ne vise pas forcément à identifier leur emplacement.
En fait, on choisit les noms parce que, sur le plan phonétique, ils sont très distincts. On veut éviter les malentendus qui risqueraient de nuire à la qualité du service. Toutefois, on constate que le caractère linguistique — francophone ou anglophone — d’un secteur est quand même souligné par la désignation des centraux.
Par exemple : les noms Saint-Louis/Belair (1909) — le premier nom est retenu précisément en référence au district—, LaSalle/Clairval (1912), Calumet (1920), Cherrier (1926), Marquette (1929), Frontenac (1928) et Dupont (1929) sont sélectionnés pour les quartiers de l’est. Les noms Victoria/York (1913), Rockland/Atlantic (1914), Melrose/Walnut (1920), Bywater (1927), Harbour (1928), Wilbank (1928) et Elwood (1930) sont choisis pour les centraux de l’ouest de l’île. Certains centraux sont nommés en fonction de la rue où ils sont localisés.

Avec l’introduction de la composition automatique dans les années 1920, il apparaît nécessaire d’avoir des noms de centraux très variés, car les premiers chiffres du numéro de téléphone correspondent aux deux premières lettres contenues dans le nom du central. Par exemple, Arbour (42) et Wilbank (94) n’ont pas du tout le même code numérique. Au besoin, pour éviter toute confusion entre les codes numériques, on change le nom des centraux. Néanmoins, avant de modifier le nom d’un central, sa notoriété est évaluée. C’est que, dans certains cas — notamment pour le quartier des affaires —, introduire un nouveau nom pourrait provoquer une certaine confusion chez les utilisateurs, donc nuire à la qualité du service.

Les abonnés branchés sur un nouveau central automatique devaient composer eux-mêmes, au moyen du cadran, les deux premières lettres du nom du central suivies du numéro désiré. Le nom de Saint-Louis aurait prêté à confusion : aurait-il fallu composer SA, ST ou même SL ? Le central Saint-Louis, qui demeure manuel, est donc renommé Bélair en janvier 1924 pour mieux s’intégrer au nouveau système.
À mesure que le service automatique s’étend, les abonnés de Bélair sont transférés à de nouveaux centraux modernes dans des édifices costauds remplis d’équipement électrique, sans téléphonistes pour les appels locaux. L’édifice Bélair dans le Mile End ferme en mars 1932. Depuis ce temps, l’immeuble est occupé par les Forces armées canadiennes.

À la fin des années 1920, suite à la hausse rapide de la demande et à l’automatisation de la commutation, on apporte des modifications à l’organisation des activités administratives, commerciales et productrices du service téléphonique. De manière générale, on peut parler d’un double mouvement, à la fois centralisateur et décentralisateur. D’un côté, le service à la clientèle fait l’objet d’une réorganisation pour rapprocher certaines fonctions des consommateurs. Ainsi les bureaux d’affaires de Bell poursuivent-ils leur mission qui consiste à mieux prendre en compte les besoins du consommateur. De l’autre, les activités de direction sont progressivement regroupées afin d’assurer un meilleur contrôle bureaucratique sur l’ensemble du système. L’évolution des bâtiments administratifs reflète ces transformations.

Les bâtiments administratifs

Au début du développement du réseau téléphonique, les premiers bâtiments construits par Bell ont des fonctions mixtes.
C’est le cas notamment du premier siège social inauguré en 1897. Bien que destiné à l’origine aux activités administratives de l’entreprise, son dernier étage va abriter les équipements de commutation du central Main. De plus, contrairement aux installations des centraux mis en activité dans les années 1880, c’est par le sous-sol qu’entrent les câbles téléphoniques ; ce qui permet d’éliminer les structures aériennes encombrantes et dangereuses.

En quelques décennies, les fonctions des bâtiments se transforment, et leur spécialisation s’accroît. L’étape ultime de cette évolution est sans doute la construction du nouveau siège social de l’entreprise montréalaise : le Beaver Hall Building. Inauguré quelques mois avant la crise de 1929, ce bâtiment de vingt étages, à l’intérieur duquel sont concentrées les fonctions de direction, permet de centraliser les activités d’environ 2000 employés.
Au cours de la seconde moitié des années 1920, on note un certain revirement sur le plan de l’architecture. Le thème du gigantisme architectural commence à prendre une place centrale dans les entreprises du système Bell en Amérique du Nord. Les traits essentiels de la culture de ces entreprises sont alors clairement tracés.
Comme il a déjà été mentionné pour la planification des centraux téléphoniques, l’architecture est utilisée comme signe de représentation et de valorisation du service public.
Au cours des années de forte croissance du service, aux lendemains de la Première Guerre mondiale, les valeurs qui fondent l’identité des compagnies Bell récupèrent certains thèmes de la modernité technologique. De manière spécifique, les qualités exprimées par cette politique architecturale sont l’utilité, la beauté, le fonctionnalisme, la solidité et la prévoyance. En outre, le style architectural (qualifié alors d’American perpendicular) retenu pour plusieurs sièges sociaux des entreprises affiliées au système Bell vise à refléter l’esprit étatsunien, particularisé par le pragmatisme et l’utilitarisme.

Beaver Hall Building, nouveau siège social de Bell à Montréal inauguré en 1929

Bien que le Beaver Hall Building soit classé parmi les nouveaux édifices administratifs téléphoniques, il conserve des caractéristiques architecturales qui le distinguent de plusieurs de ses équivalents nord-américains. Son architecte, E. I. Barott (1884-1966), effectue une composition architecturale très classique, tant par son aspect externe que par sa planification interne.
Pour l’ornementation, l’architecte fait appel à des éléments stylistiques typiques de la seconde moitié du XVe siècle, période qui correspond à la naissance de l’imprimerie.
L’organisation du plan repose sur les principes propres aux Beaux-Arts et relatifs à la disposition du bâtiment (il faut en faciliter l’accès), à l’utilisation maximale du site (dans le cas du Beaver Hall Building, Barott intègre, de manière très réussie, le bâtiment à son emplacement en pente), et à la distribution des pièces (elles sont bien proportionnées et d’une manière qui répond logiquement à leur utilisation).
Ce conservatisme est sans doute imposé par la haute direction de l’entreprise, peu audacieuse en matière socioculturelle. Il faut rappeler que le premier siège social avait été conçu par l’architecte Edward Maxwell, formé au sein d’une grande agence d’architectes des États-Unis. Respectueuse de la tradition des Beaux-Arts, elle préconisait l’usage d’un répertoire ancien en hommage au passé.
Pourtant, dans le cas du Beaver Hall Building, si le classicisme prédomine, ce n’est ni parce que Barott ne peut concevoir un bâtiment plus contemporain — d’où serait exclue par exemple toute référence historique —, ni parce que les entreprises affiliées au système Bell se limitent à ce type de compositions architecturales. D’ailleurs, le fait que Barott ait privilégié les références historiques et les formes traditionnelles de présentation constitue en quelque sorte une exception par rapport à l’ensemble des bâtiments administratifs des compagnies Bell construits au cours des années 1920, tant aux États-Unis qu’en Ontario où l’entreprise montréalaise est active.
Par contre, ce bâtiment est l’un des plus modernes et fonctionnels. Dans cet environnement de travail en grande partie occupé par des femmes, l’entreprise a mis à la disposition des travailleuses divers services : salles de repos, infirmerie, service de médecine préventive qui mise sur l’enseignement des bonnes habitudes de vie, etc. Les espaces publics de l’édifice où se trouvent les services destinés aux consommateurs (une salle d’exposition, le service à la clientèle, les téléphones publics) sont situés au rez-de-chaussée. Ils sont facilement accessibles grâce au plan de Barott qui sépare de manière très claire les éléments relevant de la sphère publique et ceux relevant de la sphère privée.

Dans le discours des opérateurs de réseaux téléphoniques, il est certain que les nouveaux gratte-ciel reflètent une image de puissance et contribuent à ancrer le service dans la vie des citadins, même s’il n’a pas encore entièrement franchi le seuil des demeures. Pour les dirigeants de Bell, l’étendue et la croissance spectaculaire de leurs activités sont ainsi représentées de manière ostensible par le caractère colossal du nouveau bâtiment. Convaincue de son caractère spécifique, l’entreprise montréalaise fait ériger son nouveau siège social à son image. En outre, l’idée d’afficher l’envergure de l’entreprise par le biais d’un gratte-ciel s’inspire de la politique architecturale adoptée par les sociétés téléphoniques affiliées au système Bell. La nature publique du service les incite à mettre de l’avant une vision monumentale eu égard à leur fonction sociale. Toutefois, il reste que la décision de construire en hauteur demeure aussi conditionnée par des impératifs fonciers : Where a many-storied building is necessary in order to utilize to the best advantage valuable land, it has been found in this country that such a building can be made so architecturally fine that it becomes an object of pride to the community as a whole. Such buildings not only are attractive in themselves, but they also exemplify the high ideals of the Bell System.

Le site choisi pour le gratte-ciel de Bell à Montréal est en périphérie immédiate du centre des affaires traditionnel, dont les activités se regroupent autour de la rue Saint-Jacques. Il est localisé à mi-chemin entre le district financier (doumtown) et le centre commercial (uptown), à proximité des grands magasins de la rue Sainte-Catherine. Le choix de la Côte-du-Beaver-Hall à l’angle de la rue Belmont crée, en quelque sorte, un précédent. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le développement immobilier reprendra, les promoteurs délaisseront l’ancien centre des affaires. Ils construiront alors leurs projets aux abords du siège social de Bell.

Le départ de Bell du district financier de la ville historique démontre que ses dirigeants recherchent en priorité un environnement urbain adapté aux exigences modernes de l’ère de l’automobile et des transports en commun rapides et efficaces. Depuis plusieurs années, les rues de ce district font l’objet d’une congestion persistante due à l’accroissement et à la diversification des véhicules qui y circulent. Les administrateurs de Bell optent donc pour un endroit bien desservi en transport en commun et plus facile d’accès pour les automobilistes. De plus, cet emplacement répond mieux aux besoins de l’entreprise en termes d’espace. Par ailleurs, pour construire le gratte-ciel, la vocation du lieu est considérablement modifiée. On démolit l’église St. Andrew installée là depuis les années 1880. Le choix des dirigeants de l’entreprise se justifie d’un point de vue fonctionnel. Il est aussi motivé par le désir de manifester haut et fort la présence de Bell à l’horizon de Montréal : compte tenu de sa localisation privilégiée, le bâtiment est visible de très loin et domine le nouveau centre des affaires.

Les cabines téléphoniques et les téléphones publics

Les derniers éléments du réseau téléphonique insérés dans l’espace public de la ville relèvent davantage du mobilier urbain. Il s’agit des cabines et des téléphones publics. Toutefois, jusque dans les années 1940, à Montréal, les cabines qui permettent l’usage public du service sont localisées à l’intérieur des édifices. Autrement dit, ces équipements ne se retrouvent pas véritablement dans le domaine public ; ils n’ont pas encore gagné les rues de Montréal.

Dans les années 1880, lorsqu’il importe de trouver un endroit pour implanter les nouveaux appareils téléphoniques, les responsables de Bell choisissent des lieux où leur utilisation adéquate — c’est-à-dire en cas d’urgence ou à des fins de communications professionnelles — est envisageable. De plus, le nouveau service est destiné spécifiquement aux abonnés du téléphone.
Les modalités de fourniture des téléphones publics sont également représentatives de la manière dont les exploitants du service envisagent d’élargir leur clientèle. Dans certains pays, notamment en France et en Grande-Bretagne, bien que ce soient des entreprises privées qui offrent d’abord le téléphone, ce sont les pouvoirs publics qui sont responsables de l’installation, dans les années 1880, des premières cabines. Elles sont localisées dans les bureaux de poste et de télégraphe. Malgré cette prise en charge par l’État de l’offre du service, dans la plupart des cas et à l’instar de l’exemple montréalais, les cabines téléphoniques publiques sont d’abord destinées aux abonnés.
La présence accrue de ces installations favorise néanmoins la diffusion du service puisqu’elles le rendent plus accessible, et ce, malgré les conditions d’usage limitatives prescrites par les fournisseurs. À Montréal, dans les années 1880 et 1890, il est assez usuel de trouver chez certains commerçants, notamment les pharmaciens, un téléphone à la disposition de la clientèle. Le système de tarifs fixes alors en vigueur encourage les commerçants à inviter leurs clients à se servir des appareils : la fourniture gratuite du téléphone peut inciter à faire ses achats dans ce commerce. En outre, on veut permettre aux clients de faire des appels en cas d’urgence, par exemple pour communiquer avec un médecin.
Cette pratique contrarie les opérateurs du réseau. Selon eux, seuls les individus qui paient un abonnement ont le droit d’utiliser le service. Et les appels des non-abonnés contribuent à l’encombrement des lignes. Les commerçants sont eux aussi excédés par la faveur populaire dont fait l’objet le nouveau service : on entre dans leur commerce non pour y faire des achats mais plutôt pour profiter de la disponibilité du téléphone.
À la toute fin des années 1890, pour limiter ces pratiques jugées abusives, Bell remplace les téléphones publics par les premiers appareils payants. Il en coûte alors 5 C pour faire un appel local de trois minutes. Ce service est implanté afin d’enrayer l’usage libre du téléphone qui tend à encourager les conversations interpersonnelles au détriment des usages professionnels.

D’abord interdit aux non-abonnés, l’usage du téléphone public payant va représenter une source importante de revenus pour Bell. Ce qui l’encourage à faire la promotion des nouveaux équipements à partir des années 1920. L’objectif est de convertir les usagers occasionnels, qui habitent souvent à proximité du lieu où se trouve le téléphone public, en abonnés permanents. Néanmoins, compte tenu de son coût élevé, ce service n’est pas destiné à tous les consommateurs.
D’ailleurs, le soin apporté à l’aménagement des cabines révèle que le téléphone est conçu en priorité pour les représentants de la classe d’affaires et de la classe moyenne. Ce que l’on a appelé dans les pays anglophones les silence cabinets permettent aux utilisateurs de faire des appels interurbains dans un environnement silencieux. L’intérêt marqué pour la conception des cabines, y compris le choix des matériaux et la recherche du confort, est également visible dans certains pays européens, notamment en Angleterre et en France où les modèles de cabines téléphoniques sont fort nombreux et élaborés. Ils suivent les goûts de l’époque tout en respectant des normes élevées d’insonorisation. Manifestement, utiliser un téléphone public et faire un appel interurbain ne sont pas des gestes ordinaires. Les dispositions spécifiques qui encadrent l’utilisation des premières cabines téléphoniques sont là pour rappeler aux individus le caractère distinct du service.

Après la Seconde Guerre mondiale seulement, on installe à Montréal les premières cabines téléphoniques extérieures, ce qui permet un accès au téléphone public en tout temps.
La proximité de certains commerces semble, dans une large mesure, déterminer la présence de ces nouveaux équipements. Ainsi, à l’instar des premiers appareils mis à la disposition du public à l’intérieur des commerces, le premier abri servant aux communications téléphoniques placé sur la voie publique se trouve devant une pharmacie du quartier Côte-des-Neiges.
Avant les années 1940, les téléphones publics payants sont localisés dans des édifices publics où l’on circule beaucoup : les gares, les hôtels, les grands magasins, etc.
À la fin du XIXe siècle, la planification du réseau est faite de manière plus ou moins formelle.
En effet, les opérateurs ne savent pas qui seront leurs clients. Dans les années 1910, cette approche commence à changer. Le modèle rationnel adopté permet de mieux prédire les comportements de la clientèle.
Il est en effet assez surprenant de constater que, dès 1920, les opérateurs du réseau téléphonique ont une vision assez nette de ses possibilités d’expansion.
Ainsi, entre 1910 et 1920, les planificateurs de Bell sont-ils parvenus à réaliser un programme intensif de construction des infrastructures et des équipements téléphoniques. Leur ampleur est impressionnante : acquisition de terrains (21 propriétés) et de bâtiments (19 structures), mise en service de 6 centraux automatiques et de 7 centraux manuels, enfouissement de plusieurs milliers de kilomètres de fils et de câbles. Le rôle joué à l’échelle du pays par l’entreprise et par sa filiale qui fabrique des équipements, Northern Electric, lui permet également d’occuper une place importante dans le paysage urbain montréalais. De ce point de vue, l’inauguration de son nouveau siège social en 1930 vient clore une longue phase de développement du réseau téléphonique. Ce sont là les principaux signes manifestes de l’enracinement des activités de Bell dans la société montréalaise.

Encore aujourd’hui, le Plateau est desservi par les trois centraux ouverts pendant les années 1920 : Lancaster (rues Ontario et Saint-Urbain), Amherst (avenue Papineau au sud de la rue Sherbrooke) et Crescent (rue Saint-Dominique près de la rue de Bellechasse). Chaque « échange » (commutateur) dans un central pouvait desservir jusqu’à 10 000 abonnés (les quatre derniers chiffres du numéro de téléphone). On les a multipliés au sein du même central, au rythme de l’accroissement du nombre d’abonnés. L’édifice Lancaster a hébergé les échanges Harbour, Marquette, Plateau, et Belair (dès 1932); Amherst a été rejoint par Cherrier, Frontenac, Falkirk, Hochelaga, et Giffard; Crescent a accueilli Dollard, Calumet, Talon, Victoria, et Gravelle. Jusqu’au début des années 1950, donc, tous ces noms pouvaient se trouver au début d’un numéro de téléphone du Plateau Mont-Royal et des secteurs avoisinants.

La conversion au format à sept chiffres a commencé en 1951 et s'est poursuivie jusqu'à l'introduction de la numérotation directe à distance (DDD à 8 chiffres) en 1958.

À Québec, jusqu'en 1958, le nombre de centraux passera d'un à huit. Les noms des centraux (ou exchanges en anglais) raviveront certainement en vous des souvenirs :
1951 : Lafontaine - LA ou 52 (Québec)
1952 : Montcalm - MO ou 66 (Giffard et Beauport)
1953 : Marquette - MA ou 62 (Charlesbourg)
1953 : Murray - MU ou 68 (haute-ville)
1953 : Terminus - TE ou 83 (Lévis)
1956 : Victoria - VI ou 84 (Loretteville)
1958 : Olympia - OL ou 65 (Sainte-Foy)
19?? : Trinité - TR ou 87 (Ancienne-Lorette)

Entre 1952 et 1958, les anciens numéros de téléphone à 6 chiffres (ou plutôt 2 lettres et 4 chiffres) ont été remplacés par ceux à 7 chiffres qu’on connaît aujourd’hui. La plupart du temps, les quatre derniers chiffres sont restés inchangés, et les deux lettres au début ont été remplacées par deux nouvelles lettres et un chiffre de plus. Au sud, l’ancien central Lancaster a reçu les noms AVenue (28) et VIctor (84); à l’est, Amherst est devenu LAfontaine (52); au nord, CRescent (27) était le nom retenu pour l’ensemble des lignes de ce central. C’est ainsi que la plupart des numéros de téléphone anciens du Plateau commencent par ces quatre combinaisons de chiffres… dans la mesure où il existe encore des vieux numéros encore raccordés à une ligne fixe à son adresse d’origine! De nos jours, les centraux servent surtout au service Internet de Bell et aux raccordements entre les différents réseaux de télécommunications.

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La constitution du monopole de Bell

À la fin du XIXe siècle, Montréal passe pour une ville bien pourvue en réseaux de communication locale. Dès les années 1840, les gens d’affaires et les gestionnaires urbains ont eu l’occasion d’utiliser différents systèmes électriques de transmission à distance des communications. Malgré ces innovations technologiques, il n’en reste pas moins que plusieurs acteurs socio-économiques réclament une amélioration des services. En 1879, l’introduction du téléphone marque un essor qualitatif important. Ses avantages sont évidents, quoique plusieurs observateurs de la scène urbaine en doutent. En outre, comme il a été mentionné précédemment, d’autres formes de communication coexistent pendant plusieurs décennies.

Sur le plan technique, une série d’obstacles restent à surmonter. On peut penser en particulier à la qualité de la transmission de la voix. Il n’en demeure pas moins que le téléphone enthousiasme les promoteurs des services publics. C’est pourquoi différentes compagnies spécialisées en téléphonie commencent à se disputer le marché montréalais. Constitué en véritable entreprise commerciale, le nouveau service bénéficie des savoir-faire que possèdent les grandes entreprises pour concevoir des systèmes de production et de distribution intégrés. Celles-ci sont en mesure de contrôler toutes les étapes requises à la mise en place d’un réseau : fabrication des appareils, installation des infrastructures, mise en marché du service, répartition des flux des appels, service à la clientèle, etc.

Les concepts et les instruments nécessaires à cette organisation proviennent en grande partie de l’expérience. Aussi, ne pourront-ils être développés que quelques années après l’introduction du service. Aux lendemains de la Première Guerre mondiale, les efforts de normalisation et de rationalisation du système mis en œuvre par les producteurs privés donnent des résultats évidents : la capacité d’écoulement des flux téléphoniques s’intensifie, la diversité des marchés est mieux prise en considération et le nombre d’abonnés franchit de nouveaux seuils. Bref, la maîtrise de la gestion de l’offre et de la demande donne un nouvel élan au service téléphonique.

L’organisation des réseaux locaux : de la concurrence au monopole
Dans les études qui traitent de l’industrie du téléphone au Canada et à Montréal en particulier, on insiste beaucoup sur les caractéristiques communes aux réseaux (énergie, transport, communication, eau et assainissement). De fait, celles-ci tendent à refléter des traits propres à leur histoire. En effet les similitudes sont nombreuses entre les différents réseaux, que ce soit sur les plans de la distribution, de la gestion ou de la réglementation. Selon Gabriel Dupuy, il est possible de dégager cinq traits généraux dans l’histoire de l’apparition des réseaux techniques dans les villes :
1) la rapidité avec laquelle sont insérés des nouveaux services ;
2) le rôle de l’innovation technique ;
3) la présence manifeste d’intérêts privés ;
4) la concurrence marquant les premières années de développement du réseau et qui fera place à une situation de monopole ;
5) la prédominance d’une logique économique, que l’on peut mettre en parallèle avec une logique de type social. Il faut aussi relever la densité du cadre bâti. C’est une variable clé : le taux de pénétration des réseaux est, en général, proportionnel à la densité du cadre bâti.
Si le développement du réseau téléphonique montréalais présente plusieurs de ces caractéristiques, il ne comporte pas moins une certaine originalité.

L’histoire du téléphone à Montréal est surtout marquée par la construction d’un monopole, celui de la Compagnie de Téléphone Bell du Canada.
Dès les premières années d’exploitation du nouveau service, ses dirigeants mettent en œuvre des stratégies visant à éliminer les concurrents. À l’instar d’autres services publics gérés par des compagnies privées, cette situation provoque de vives réactions au sein des collectivités locales.
Ainsi, contrairement à d’autres villes nord-américaines et européennes4, la fourniture du téléphone à Montréal a-t-elle toujours été contrôlée par des entreprises privées, surtout par la Compagnie de Téléphone Bell du Canada constituée en 1880.
Les privilèges octroyés à cette dernière par les gouvernements fédéral et provincial sont alors imposants :
1) fabrication de l’équipement nécessaire à la fourniture du service ;
2) construction, acquisition, entretien et exploitation du système ;
3) connexion à d’autres réseaux téléphoniques et télégraphiques ;
4) construction de lignes le long de toutes les artères publiques, à condition de respecter certaines restrictions relatives à l’entretien et à la dimension des poteaux ;
5) fusion avec d’autres compagnies de téléphone.
En acquérant ainsi directement ses pouvoirs des gouvernements fédéral et provincial, Bell se prémunit contre une éventuelle réglementation municipale. En effet, au même moment, les municipalités obtiennent du gouvernement provincial de nouveaux pouvoirs d’encadrement réglementaire des activités des entreprises de service public.
À partir de 1892, l’entreprise commence cependant à être soumise à des contrôles plus stricts. Elle doit ainsi, pour hausser ses tarifs, obtenir l’accord du gouvernement fédéral, l’instance politique responsable du secteur des communications. De plus, en 1902, le service téléphonique est désigné officiellement service public par un amendement à la charte de Bell. De manière concrète, cela signifie que la compagnie doit raccorder à son réseau quiconque en fait la demande, à condition toutefois que le requérant soit situé sur le territoire desservi. Par contre, en échange du branchement et du service, l’abonné doit payer les tarifs exigés par Bell et approuvés par le gouvernement fédéral.

Cependant, même si l’opinion publique s’oppose à la constitution de monopoles, dans le cas du service téléphonique, les avantages procurés par cette situation sont manifestes. Afin de bénéficier des qualités réticulaires du service, c’est-à-dire d’une desserte qui offre une capacité d’interconnexion, les abonnés peuvent tirer profit de la présence d’une seule entreprise centralisatrice. Le fait qu’il y ait un réseau unique peut aussi leur permettre de joindre un plus grand nombre d’interlocuteurs. En revanche, la multiplication des compagnies signifie, la plupart du temps, le dédoublement des réseaux et des équipements. De plus, l’augmentation du nombre de compagnies qui offrent le service de téléphone a pour effet d’accroître les problèmes causés par la prolifération des poteaux et des fils dans l’espace urbain. Pour autant, un contexte monopolistique n’est pas exempt de difficultés. Compte tenu de leur position captive, les consommateurs sont ainsi susceptibles d’écoper de tarifs élevés et d’un service dont la qualité est parfois discutable.
Malgré les inconvénients d’une distribution et d’une gestion monopolistiques, pour différentes raisons, c’est ce modèle qui va prévaloir à Montréal dès 1908. Toutefois, les monopoles ne sont pas des situations naturelles. Ils sont construits d’une manière stratégique par des entrepreneurs qui reçoivent l’appui d’acteurs politiques et économiques présents sur la scène locale ou à l’échelle du pays. Ainsi, à Montréal, même si on peut déceler une opposition aux monopoles dans certains milieux — notamment dans le milieu d’affaires francophone —, on constate que les autres compagnies de téléphone en mesure de limiter les interventions monopolisantes de Bell ont été, paradoxalement, peu protégées par la classe politique locale.
Par exemple, la Compagnie de Téléphone des Marchands, fondée en 1892, crée une rivalité commerciale en cherchant à conquérir le marché des détaillants. En 1908, la Commission échevinale spéciale du Conseil municipal, qui étudie la question des conduits souterrains, met en doute l’utilité de cette compagnie, et veut faire annuler sa charte. Cette compagnie, qui « n’existe pratiquement pas », détient un grand nombre de poteaux qui encombrent les rues de la ville. À la fin du XIXe siècle, deux municipalités suburbaines (Saint-Henri et Sainte-Cunégonde) lui avaient déjà interdit d’installer ses poteaux sur leur territoire.
Malgré leurs luttes parfois acharnées contre les activités de Bell, les municipalités soutiennent peu la consolidation d’un réseau alternatif disponible à un moindre coût. Ainsi, en 1921, lorsqu’une entreprise d’électricité, Quebec Union Electric, manifeste son intention d’exploiter un service téléphonique à Montréal, l’administration municipale s’y oppose pour les raisons suivantes : les abonnés, pour être en mesure de joindre tous les appareils branchés aux deux réseaux, sont obligés de payer le service en double ; toutes les infrastructures nécessaires à l’offre du service sont déjà en place ; les abonnés sont protégés des hausses tarifaires par le gouvernement fédéral9. Les commissaires municipaux décident alors d’interdire les activités de cette entreprise reliées au domaine de la téléphonie sur le territoire montréalais. Cette position contraste avec celle des années précédentes qui préconisait la concurrence.
De plus, les premières entreprises à distribuer le service téléphonique lors de la période pionnière des années 1880 semblent plus ou moins intéressées par ce nouveau marché. Dans plusieurs cas, notamment ceux de Montreal Telegraph et Dominion Telegraph, elles consacrent leurs activités à un service de télécommunication assez populaire, à savoir le télégraphe. Bien qu’il ait existé une situation momentanée de concurrence, Bell a pu mener ses activités sans se soumettre aux exigences municipales, notamment celle d’encadrer la pose des poteaux et la construction des conduits souterrains.

Le modèle étatsunien et le contexte montréalais

La téléphonie montréalaise subit directement les influences de l’emprise exercée dans les grandes villes du nord-est des États-Unis par la compagnie American Bell Telephone. Ainsi, les compagnies régionales Bell ont-elles été regroupées en 1885 pour former American Telephone and Telegraph (AT&T) qui détient le monopole du service interurbain. Les expériences de construction des réseaux urbains et interurbains font l’objet d’échanges, sur les plans technologique et organisationnel. Cette influence laisse de nombreuses traces : d’abord, du point de vue de l’approche manageriale ; ensuite, en matière d’innovations technologiques et de génie électrique ; enfin, du point de vue des techniques de prévision de la demande et des méthodes de mise en marché. Peut-être plus important encore, le transfert d’idées relatives à la notion de service public — conçu comme un service conforme aux ambitions économiques d’une société moderne — s’impose sous l’effet de l’action des échanges et des contacts.
À certaines occasions, les liens entre la compagnie montréalaise et American Bell sont manifestes. Ils reposent sur la présence dans la métropole canadienne d’individus originaires des États-Unis. S’inspirant de l’expérience étatsunienne, les gestionnaires et les ingénieurs montréalais mettent de l’avant une vision unidimensionnelle des problèmes posés par la construction des infrastructures téléphoniques qui découlent de sa fonction d’outil de promotion économique. Ainsi n’est-il pas rare de voir, surtout au XIXe siècle, des gens d’affaires étatsuniens envoyés au Canada et à Montréal pour établir des compagnies exploitantes dans le domaine des télécommunications. Cela s’est déjà produit lors de l’implantation des réseaux télégraphiques. Dans ces circonstances, les entreprises et leurs représentants apportent leurs pratiques, leurs considérations pragmatiques, leur savoir théorique, en plus de leurs valeurs et de leur idéologie.
Un survol des cheminements professionnels des présidents et de quelques hauts dirigeants de Bell met en lumière le rôle considérable que jouent les réseaux personnels et familiaux à l’intérieur du milieu des affaires. Il fournit également des éléments d’information sur les structures administratives des entreprises qui, dans une large mesure, du moins jusque dans les années 1930, étaient contrôlées par un nombre limité d’individus.
Prenons le cas du directeur général et président de Bell entre 1890 et 1915 : Charles Fleetford Sise (1834-1918). Sise arrive à Montréal en 1880 après avoir travaillé en Grande-Bretagne et aux États-Unis dans le domaine du transport maritime et celui des assurances. Parmi ses relations dans le milieu financier étatsunien, on retrouve des hommes d’affaires de Boston. À la toute fin des années 1870, ces derniers sont intéressés par le brevet d’appareil téléphonique d’Alexander Graham Bell ; ils pensent mettre sur pied une entreprise, National Bell Telephone, pour fournir le service, entre autres, à Boston.
Pour élargir le rayonnement de leurs activités commerciales, notamment dans les milieux urbains en pleine expansion, ils chargent Sise d’organiser une entreprise téléphonique au Canada. Ce qu’il réalise très rapidement, grâce à une stratégie commerciale visant à racheter et à intégrer tous les réseaux existants ou en voie de formation. En une vingtaine d’années, Sise parvient à former une grande société de téléphonie qui dessert les villes principales de l’Ontario et du Québec, Toronto et Montréal compris.
À Montréal, le pouvoir d’entreprendre et de gérer la construction des infrastructures téléphoniques se trouve dans les mains de Sise. Son influence provient des liens d’affaires et politiques qu’il a créés. Outre ses contacts avec les dirigeants de National Bell, qui devient American Bell en 1880 puis AT&T en 1885 — quelques membres siègeant au conseil d’administration de la compagnie canadienne sont directement associés à American Bell —, il faut mentionner ses alliances avec des organismes financiers susceptibles d’avancer et de trouver des fonds. On peut penser à ses relations avec des ingénieurs électriques étatsuniens. On peut penser aussi aux liens qu’il entretient avec la classe politique fédérale, lesquels lui assurent une certaine autonomie par rapport aux enjeux strictement locaux.
D’après les chercheurs qui ont examiné ses pratiques de gestion, Sise était particulièrement doué, sachant utiliser des méthodes de direction qui combinaient à la fois les intérêts financiers, techniques et politiques de l’entreprise. Il semble s’être engagé avec conviction dans l’industrie du téléphone. Si Andrew Robertson (1827-1890) occupe officiellement le poste de président de Bell de 1880 à 1890, c’est Sise qui, dès son arrivée à Montréal en 1880, oriente les stratégies commerciales de l’entreprise.
La présence de Robertson à la présidence n’est d’ailleurs pas sans conséquences sur les succès de la compagnie. C’est un homme d’affaires montréalais estimé, importateur, commissaire à la Commission du Havre et administrateur d’une compagnie d’assurances. Selon Sise qui le choisit, ses contacts politiques et financiers sont impressionnants et font de lui un dirigeant d’entreprise tout à fait approprié.
Les historiens Christopher Armstrong et H. V. Nelles mentionnent que les nominations effectuées par Sise au conseil d’administration de Bell visent à refléter les diverses tendances politiques et les deux principales communautés linguistiques de Montréal. Toutefois, hormis le sénateur libéral Rosaire Thibaudeau, qui est aussi administrateur de la Banque Nationale et d’une importante entreprise d’électricité montréalaise, aucun membre de la communauté francophone montréalaise n’est inscrit sur la liste des hauts dirigeants. Il en sera ainsi pendant plusieurs décennies.
Cette absence quasi totale de représentants du milieu francophone au sein de l’entreprise occasionne une adéquation difficile entre le réseau téléphonique et les réalités socioculturelles locales. Comme on le verra plus loin, l’équipement du territoire montréalais s’est effectué sur plusieurs années selon une logique qui ne prenait en compte ni les besoins linguistiques des francophones, ni les échanges entre les différentes communautés intégrées à l’agglomération.
En 1915, Lewis B. McFarlane (1851-1943) — considéré comme le protégé de Sise— remplace ce dernier à la présidence. Sise demeure cependant président du conseil d’administration de Bell. Né à Montréal en 1851, McFarlane occupe dès l’âge de 16 ans un poste de messager télégraphique chez Montreal Telegraph. Bien qu’il ait toujours travaillé dans le domaine des télécommunications, sa carrière démontre une grande mobilité tant géographique que sociale. D’abord au service de Montreal Telegraph en Ontario et au Québec (entre 1865 et 1870), il travaille ensuite un an à Western Union Telegraph au Michigan et en Louisiane. Peu après, il revient au Canada à titre de représentant commercial et de directeur de Dominion Telegraph. Il met alors sur pied les premiers réseaux téléphoniques dans l’est du Canada. Dès la formation de Bell en 1880, il est recruté par Sise qui le nomme directeur général. Finalement, il devient président de la compagnie Bell en 1915.
L’emprise de Charles F. Sise sur la compagnie est prépondérante en ce qui a trait aux choix de ses dirigeants. En plus d’être l’animateur principal de l’industrie du téléphone jusqu’en 1918, Sise investit les nouvelles entreprises de production d’équipements en y nommant trois de ses fils à des postes de direction18. Le premier, Charles fils (1874-1960), accède rapidement au conseil d’administration de Bell après avoir supervisé différents services de la même compagnie à Montréal. En 1925, il prend la relève de McFarlane à la présidence. Il reste à ce poste jusqu’en 1944.
Les deux autres fils de Sise, Edward et Paul, sont nommés dans les années 1910 au conseil d’administration de Northern Electric, entreprise responsable de la fabrication des équipements téléphoniques, dont Bell détient la majorité des actions19. Une autre filiale de Bell qui produit les câbles téléphoniques, Imperial Wire and Cable, est également placée sous la direction d’Edward. Au moment de la fusion de ces deux entreprises manufacturières en 1914 — on retient alors le nom Northern Electric —, Edward accède au poste de président. Il est remplacé par son frère Paul en 1919.
La trajectoire professionnelle de Paul reflète aussi l’étendue de l’autorité de son père sur la compagnie montréalaise. Au cours des années 1890, Paul complète des études à l’Université McGill et débute sa carrière aux États-Unis lors de stages effectués à l’usine de Westinghouse à Pittsburgh et à New York ainsi qu’au département de génie d’AT&T. À son retour à Montréal en 1899, son père lui confie la gestion du réseau interurbain de Bell20. Rapidement, il gravit les échelons de la compagnie. Lors de la création de Northern Electric en 1914, il est nommé vice-président et directeur général21. De 1919 à 1948, il occupe le poste de président à la place de son frère Edward.
Ces quelques éléments d’information sur les dirigeants de Bell permettent de comprendre l’influence de Charles F. Sise père sur la téléphonie montréalaise. Elle s’exerce sur plusieurs plans, à commencer par le choix des hauts dirigeants. On peut aussi mieux comprendre le principe d’intégration hiérarchisée qui sous-tend le fonctionnement de l’entreprise.
Le succès professionnel de ces hommes d’affaires est assuré par leur position hiérarchique dans la structure organisationnelle de l’entreprise. Leur statut social contribue aussi à bonifier leurs contacts d’affaires. Les milieux qu’ils côtoient constituent un cercle étroit formé des membres anglophones de la classe d’affaires montréalaise. Les clubs privés qu’ils fréquentent appartiennent ainsi au milieu anglo-protestant de Montréal. Leur vie sociale les isole de la réalité montréalaise. Elle les dissocie culturellement de la majorité des citadins susceptibles de vouloir souscrire au nouveau service de communication à distance. Très tôt des clivages s’installent entre le groupe des dirigeants de l’entreprise et la masse des consommateurs. En fait, on peut parler d’un véritable décalage entre les visions du service téléphonique élaborées par les exploitants privés et les représentations mises de l’avant par la société montréalaise.

Tout au long de la période étudiée, les différentes formes de relations — sur le plan des affaires, des échanges d’informations techniques et administratives, ou des rapports interpersonnels — au sein de la classe d’affaires révèlent donc que le pouvoir économique est rattaché de près au pouvoir technique. De plus, le rapprochement hâtif avec les promoteurs des États-Unis, le dynamisme manifesté par les entrepreneurs locaux, l’importance des capitaux auxquels ils ont accès, la complaisance des milieux politiques, l’autonomie des opérateurs du réseau dans la production des équipements constituent autant d’éléments qui contribuent à promouvoir une vision homogène et des représentations conséquentes du côté des initiateurs du téléphone. Une fois bien établis dans leur milieu d’accueil, ils sont en mesure d’implanter leur propre conception du réseau. Cela inclut les modalités de desserte et les caractéristiques des clientèles visées. Plus loin, on verra aussi que la culture organisationnelle ainsi qu’une certaine vision des relations publiques constituent des enjeux importants.
L’affiliation de Bell aux grandes compagnies de téléphone des États-Unis est manifeste en ce qui a trait à la culture d’entreprise. Assez tôt dans l’histoire du réseau téléphonique montréalais, des gestionnaires et des ingénieurs d’AT&T imposent leur modèle de développement. Le discours énoncé par Bell s’inspire ainsi largement des représentations mises de l’avant par les entreprises membres du système Bell aux États-Unis, dont l’impact est considérable compte tenu de l’ampleur du marché. À cet égard, la notion de service public, telle que proposée par les dirigeants d’AT&T, comporte des caractéristiques analogues à celles observées à Montréal.

Le modèle de service public

Bien qu’admise couramment aujourd’hui en Amérique du Nord, la nature sociale du service public relève d’une conception assez récente. C’est seulement à la fin des années 1940, avec le déploiement de l’État-providence, que le branchement universel aux services en réseaux apparaît comme un élément essentiel de l’intégration sociale et territoriale des milieux locaux.
À la fin du XIXe siècle, les services publics — les public utilities — sont d’abord définis comme des services marchands tarifés en fonction de l’usage. Cela signifie qu’ils tiennent compte en priorité des besoins commerciaux.
Dans un premier temps, plusieurs de ces services, notamment le téléphone et l’électricité, sont considérés comme des biens destinés à des citoyens privilégiés. Néanmoins, la promotion du bien-être collectif demeure un principe de première importance, sous-jacent à l’idée de service public. De plus, le rôle stratégique des réseaux de communication dans l’économie du pays exige que les pouvoirs publics interviennent dans leur développement. Au tournant du XXe siècle, l’extension des réseaux à l’échelle du pays marque une étape décisive dans la mise en forme d’un modèle de service public.

Dans une étude sur les télécommunications aux États-Unis jusqu’en 1934, Alan Stone démontre comment cette industrie est exemplaire du modèle de service public élaboré à la fin du XIXe siècle. Selon l’auteur, le modèle de service public libéral — public service liberalism — est parvenu à refléter un système complexe de valeurs qui ne se résume pas à la représentation dominante du libéralisme économique, laquelle met l’accent sur l’efficacité économique. Ce modèle constitue, selon Stone, un exemple de politique publique qui s’articule à l’idée de progrès technologique comme composante essentielle du développement économique et de l’amélioration des conditions de vie. Il révèle l’introduction graduelle d’une norme sociale. Celle-ci confirme que le nouveau service est adapté au degré de civilisation d’une communauté et qu’il est indispensable à la vie économique, tout en ayant des impacts immédiats ou à long terme sur ce milieu de vie.
Il faut souligner que la notion de service public telle qu’évoquée par les entreprises téléphoniques privées nord-américaines — et que cautionnent les pratiques réglementaires étatiques — a beaucoup évolué entre la fin des années 1870 et le début des années 1930. Par ailleurs, le passage à la conception du service téléphonique comme service public (en opposition au principe d’un objet strictement privé et commercial) s’est effectué très tôt dans l’histoire de la téléphonie.
Cette transition hâtive s’explique par l’existence de liens entre le rôle attribué à la technologie du téléphone et celui qui était conféré aux chemins de fer et aux réseaux télégraphiques, deux services primordiaux dans le développement des marchés. Le téléphone étant perçu comme le prolongement du télégraphe, il n’est pas surprenant de constater que les formes d’encadrement réglementaire appliquées aux réseaux ferroviaires et télégraphiques sont reprises pour le service téléphonique. L’idée qu’il doit être considéré comme un service public s’intègre rapidement dans les mentalités et les pratiques des institutions réglementaires.
Aux États-Unis, la mission de service public aussitôt revendiquée par les pouvoirs publics force les opérateurs privés de réseaux à respecter les règles de fonctionnement établies par l’État fédéral. Celui-ci intervient en premier lieu pour surveiller les tarifs afin de limiter les profits abusifs des opérateurs. Il en va de même dans le cas canadien. Par ailleurs, en échange du contrôle public qui leur est imposé, les opérateurs privés, y compris les entreprises affiliées au système Bell, requièrent un encadrement réglementaire qui limite la concurrence et leur fournit, pour les segments de marché les plus profitables, un statut de quasi-monopole.
En outre, cette fonction de service public implique que les entreprises privées doivent respecter une série d’obligations. Ce qui a des conséquences importantes en termes de politique publique. Ainsi, les fournisseurs de services de télécommunication sont-ils soumis à trois obligations. La première en est une de desserte. Elle implique la fourniture du service à ceux qui en font la demande et qui acceptent de payer les tarifs exigés dans la mesure où ceux-ci sont raisonnables. La deuxième obligation est définie en termes de continuité du service, et ce, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Cette responsabilité permet, entre autres, de légitimer la modernisation du service par le biais des améliorations techniques. La continuité consiste également à répondre de façon permanente aux besoins des abonnés. La troisième obligation concerne l’égalité de traitement qui sert à éliminer les pratiques discriminatoires.
À l’intérieur de ce modèle particulier de service public régi par les règles du libéralisme économique, le rôle de l’État se limite à arbitrer les conflits d’intérêts qui surviennent, d’un côté, entre les entreprises concurrentes et, de l’autre, entre les acteurs des milieux locaux et les entreprises privées. Les pratiques d’encadrement réglementaire consistent également à faire respecter les obligations des entreprises privées à l’égard de la mission de service public, c’est-à-dire à garantir des tarifs raisonnables et une desserte équitable entre les zones urbaines et les zones périphériques moins denses.
Le type de service développé à Montréal est le produit de l’influence technologique et culturelle en provenance des États-Unis, et celui des particularités de la société, de l’économie et de la culture canadiennes et montréalaises. Fortement marqué par son homologue étatsunien, il témoigne aussi d’une certaine incapacité à saisir d’emblée les traits socioculturels de la métropole canadienne. On peut dire que plusieurs dirigeants de Bell sont passablement déconnectés de la société avec laquelle ils doivent transiger. Entrepreneurs empreints de libéralisme, ils ont pour principal leitmotiv de construire une entreprise monopolistique dont les profits seront conformes aux attentes des actionnaires. Toutefois, cette conception du service téléphonique est remise en question par le rôle de service public que lui confèrent les instances étatiques.
On constate que les représentations des exploitants du téléphone se heurtent à une réalité urbaine avec laquelle ils ne sont guère familiers. À l’instar de celle des autres grandes villes nord-américaines, la société montréalaise n’a rien de monolithique. Il reste que le rapprochement entre les deux contextes (les grandes villes des États-Unis et la métropole canadienne) suppose certaines précautions. En effet, les conditions socioculturelles locales sont très différentes dans les deux cas. On ne peut pas en conclure que le système mis en place par Bell ait été entièrement caractérisé par son inadaptation à la demande sociale. En revanche, il est clair que certaines des spécificités socioculturelles montréalaises ont été peu prises en considération.

Comme principal fournisseur de service public, Bell a occupé une place prépondérante dans le développement urbain de la métropole. Son rôle renvoie d’entrée de jeu à son statut de fournisseur de service public. Dès les années 1900, les dirigeants de Bell ont procédé à l’intégration des réseaux locaux afin d’établir un seul système. En approvisionnant le lucratif marché de la téléphonie urbaine, l’entreprise est parvenue, après quelques années de concurrence, à maintenir sa position prépondérante dans l’évolution du service montréalais, voire canadien. À partir du moment où sa position hégémonique était assurée, elle a construit et exploité le réseau de téléphone local et interurbain. Elle a fixé les modalités de sa distribution. Elle a élaboré une conception de la rentabilité appropriée à son développement. Enfin, elle a participé à la définition de la notion même de service public et de son caractère indispensable.
La place occupée par le téléphone et ses opérateurs privés dans l’histoire des communications à Montréal mérite aussi d’être soulignée. À cet égard, Bell est un acteur incontournable. Il participe à l’expansion de l’agglomération, tant par son action concrète — ses projets d’extension, par exemple — que par ses activités promotionnelles relatives à la mise en forme d’une vision idéalisée de l’environnement urbain et suburbain.
Jusqu’à la fin de la décennie des années 1900, le personnage principal de l’industrie du téléphone demeure le dirigeant. Pour atteindre ses visées expansionnistes, il combine habilement des tactiques et des stratégies à la fois techniques, financières et politiques. À partir du moment où le monopole du service est assuré, protéger l’image de marque de l’entreprise et rejoindre de nouvelles clientèles devient l’apanage des entrepreneurs. Ainsi, après le dirigeant, c’est la figure de l’agent qui émerge. C’est lui, désormais, qui occupe une fonction de premier plan, jouant un rôle d’interface entre les techniciens et les clients. Par conséquent, c’est le vendeur/représentant, placé au centre de la relation, qui effectue le rattachement de la sphère technique à la sphère sociale.
En d’autres termes, même si les stratégies de Bell ont été contestées à certaines occasions par les acteurs locaux, elles se sont avérées une véritable réussite. Au cours de la période étudiée, un compromis sociopolitique a pu être construit autour de l’idée que le service téléphonique local était indispensable. Dès lors, il apparaît que le modèle du service public dans le domaine de la téléphonie — modèle cependant remis en question depuis le début des années 19902 — a pris forme avant 1930.
Une indication de ce caractère essentiel — on peut même parler de dépendance de la vie urbaine à l’endroit du réseau téléphonique — vient de la croissance fulgurante des abonnements au service résidentiel et d’affaires aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Il faut rappeler à ce propos qu’entre 1945 et 1961, le nombre d’appareils en service dans les résidences de l’agglomération montréalaise est passé de 148 479 à 606 507, soit une augmentation de l’ordre de 309 %, ce qui représente en moyenne, pour l’île de Montréal, 35 appareils pour 100 habitants.
En ce qui a trait au service d’affaires, le nombre d’appareils connectés au réseau a presque triplé au cours de cette même période, passant de 94 351 à 271 453 appareils3. À partir de la seconde moitié des années 1940, après une période de croissance lente entre 1930 et 1944, Bell a profité, d’une part, des investissements effectués dans la seconde moitié des années 1920 pour moderniser son réseau et, d’autre part, de ses efforts promotionnels visant à stimuler la vente du service. Ainsi, il apparaît que le succès de l’entreprise provient de la qualité de son réseau et de l’efficacité de ses campagnes de relations publiques et de promotion.

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La planification chez Bell

Avant les années 1910, on a du mal à saisir avec précision les intentions de Bell. Son orientation, ses choix, sa stratégie par rapport au développement du réseau téléphonique sont difficiles à cerner. Toutefois, après la Première Guerre mondiale, l’entreprise présente, au moins sur le plan technique, une image plus claire de son système de production et de distribution. Ses méthodes de mise en marché sont aussi plus élaborées et mieux adaptées aux diverses clientèles, voire aux divers modes de consommation. Les secteurs de la ville qui offrent une clientèle d’affaires et une clientèle résidentielle fortunée constituent sans conteste des cibles privilégiées. Peu portés à tenter des expériences sur des marchés indéterminés, les dirigeants de Bell s’en tiennent aux secteurs d’emblée profitables. Cela contribue à renforcer les choix sociaux de l’entreprise, ce qui se répercute sur l’offre du service.

Un élément important du développement du réseau téléphonique renvoie à l’approche générale qui se dégage des projets d’extension aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’une nouvelle approche planificatrice mise en œuvre pour, d’une part, moderniser l’offre du service et, d’autre part, déterminer avec plus de certitude les besoins futurs.
Le modèle rationnel

À partir du début des années 1920, à la suite de l’expérience acquise lors de la première phase de développement, les exploitants privés font appel de manière explicite au modèle rationnel pour encadrer l’ensemble des activités rattachées à l’offre du service. Il en résulte la mise en place d’une bureaucratie gestionnaire qui va de pair avec un renforcement de l’idéologie techniciste.
En effet, les gestionnaires et les ingénieurs associés aux grandes compagnies nord-américaines de téléphone partagent la conviction qu’il est possible d’améliorer la qualité et l’efficacité du service, de même que sa gestion, en ayant recours au savoir scientifique. Instaurant à l’intérieur de son organisation le pouvoir managerial et technique, Bell a tendance à prêter au service téléphonique un caractère unidimensionnel : celui d’un système standardisé, efficace et contrôlé par une instance centrale.

Au nombre des documents cartographiques conservés au Service historique de la compagnie montréalaise, on retrouve différents plans usuels de la ville et de l’île. Ceux-ci font sans doute partie des outils de planification auxquels avaient recours les opérateurs du réseau. De manière générale, ces plans aident à saisir les grands axes de développement urbain. Ils permettent aussi de repérer les rythmes de construction, les projets de lotissement et l’ouverture des nouvelles rues, la qualité des constructions — les matériaux étant parfois spécifiés — et, de fait, la valeur des bâtiments. Ainsi, ces documents sont-ils utiles pour identifier les zones potentielles à aménager en termes d’infrastructures et d’équipements.

L’idée de planifier le réseau à long terme (sur une période de 20 à 30 ans) se trouve énoncée dès le début des années 1910 dans les discours des ingénieurs d’AT&T. Sans doute inspirés par les valeurs et les préoccupations propres à la planification urbaine, ils insistent sur la nécessité d’appréhender le système téléphonique dans sa totalité, tout en tenant compte d’une multiplicité de facteurs externes qui sont à même d’en influencer l’organisation. L’approche planificatrice qui en découle doit nécessairement être englobante (comprehensive)
Parmi les principaux problèmes alors reliés à la planification du réseau téléphonique local, celui de la prévision de l’offre et de la demande intéresse en priorité les dirigeants de Bell. Comment améliorer les processus décisionnels et comment résoudre les problèmes qui découlent d’une planification à moyen et à long termes ? Les ingénieurs et les managers de l’entreprise abordent la planification en mettant au point une démarche rigoureuse en trois étapes. Premièrement, pour organiser la distribution du service téléphonique de façon commerciale et rentable, il faut inventorier les usagers potentiels et prédire les comportements sociaux grâce aux études de marché. Deuxièmement, il faut prévoir la demande en tenant compte des tendances précédentes et estimer le volume de service qui sera consommé dans les territoires étudiés sur une longue période (20 ans). Troisièmement, il faut effectuer une étude de la faisabilité de l’extension du système à partir de l’évaluation comparative des coûts encourus par le programme de développement et de perfectionnement, y compris les coûts d’entretien des équipements. Ces trois étapes permettent d’éclairer les choix à faire en termes d’investissements.

De fait, la modernisation et la rationalisation du réseau prennent l’allure d’un processus de planification continue par opposition à un plan figé ou définitif. Afin de faire face aux ajustements fréquents exigés par la conjoncture et par des changements circonstanciels — l’introduction de nouvelles technologies ou encore une demande accrue —, les dirigeants de Bell utilisent des méthodes de prévision de plus en plus précises.
Pour appliquer avec rigueur ses méthodes de prévision des conditions du marché, Bell fait appel à une approche planificatrice globale qui, selon les ingénieurs d’AT&T, est analogue au modèle dominant de la planification urbaine, à l’époque — au moins dans le discours des planificateurs urbains —, celui de la planification rationnelle (comprehensive planning), dont l’outil usuel est le plan directeur (general plan). Toutefois, contrairement au plan directeur qui fixe au préalable l’image du milieu à aménager, les opérateurs du réseau téléphonique introduisent, dans leur approche, une dimension stratégique3. Cela leur permet d’adapter le plan directeur en fonction de nouvelles conditions (par exemple, des variations démographiques imprévues). Ce sont précisément les avantages de cette dimension stratégique que le vice-président d’AT&T présente à un groupe de planificateurs urbains réunis à New York en 1925. Le modèle mis de l’avant par les planificateurs des réseaux5 vise à aider les décideurs (les investisseurs, les managers et les ingénieurs) à répondre le plus efficacement possible à la demande de service téléphonique. Ici, la planification remplit une fonction instrumentale destinée à réduire les incertitudes. Cette approche remplit aussi certaines fonctions normatives de rationalisation de la gestion de l’offre.
La comparaison entre la planification urbaine et celle du réseau téléphonique peut être faite en tenant compte de plusieurs aspects. Dans les deux cas, on retrouve les étapes habituelles qui découlent d’une démarche rationnelle et déductive. Cela inclut des mesures d’ajustement à un processus de changement dont les principaux paramètres, comme les tendances démographiques ou encore les axes de croissance urbaine, restent difficiles à prévoir et à contrôler.
De manière plus concrète, le plan directeur vise à prendre en compte toutes les dimensions du développement urbain. Cela comprend aussi bien les réseaux de communication locaux et régionaux, les équipements collectifs que leur interaction :
As we must provide adequate pathways for the circulation of telephone traffic within the city, the city plan must provide adequate circulation routes for traffic on foot, in vehicules on the streets, and in transportation Systems of one kind or another. As we must provide buildings suitably located with reference to the wire centre, the city must provide facilities, such as schools, centrally located with reference to the population which they too are to serve. As we must provide routes adequate in both number and capacity from the suburban areas and from distant points to accomodate the toll telephone traffic, highways and transportation Systems to more distant points must be comprehended in the city plan.

De plus, une agglomération urbaine conçue en fonction des principes du modèle rationnel correspond à l’image d’une ville efficace et prospère, tout en reprenant à son compte les valeurs modernistes de salubrité, de beauté et de confort :
[...] our cities should develop in such manner that they will in the highest degree be healthful, beautiful and comfortable places in which to live. That they will be effectively laid out to permit the free movement of traffic. That they will permit the efficient business operation of the community with resulting economic gain to all.
À l’inverse de l’approche ponctuelle ou par bribes (piecemeal approach) qui a caractérisé les premières décennies du développement du réseau téléphonique — de même que les précédentes pratiques planificatrices dans le champ urbain —, le modèle rationnel intègre la prévision de l’offre et de la demande. Les planificateurs rassemblent, de manière systématique, le plus d’informations possible sur un milieu donné. Ils tiennent aussi compte des implications des solutions envisagées. Dans ce contexte, les connaissances ont pour but d’aider la prise de décision.

Afin de composer avec la complexité de la réalité, toutes les instances (c’est-à-dire les différents services de Bell) sont soumises aux exigences de la démarche de la planification rationnelle et tenues de coordonner leurs activités. Sur un plan opérationnel, cette démarche a pour effet de réduire à quelques règles technico-économiques le fonctionnement du marché.
Pour autant, les valeurs qui sous-tendent les choix en termes d’équipement sont-elles rationnelles et objectives ? Sur quelles bases reposent-elles ? Dans le cas du téléphone, il ressort clairement que la valeur primordiale est celle de la rentabilité. Cela dit, la qualité du service offert n’en préoccupe pas moins ses exploitants. Enfin, même si elles sont très peu perceptibles dans ses pratiques et ne se concrétisent pas au cours de la période étudiée, l’équité et l’accessibilité ont elles aussi influencé l’idéologie de Bell. Il faut dire que les planificateurs privés, même s’ils doivent assumer les conséquences de leurs choix technico-économiques, sont rarement contestés puisque l’entreprise bénéficie d’une position monopolistique.

Le réseau téléphonique étant considéré, par ses concepteurs, comme un organisme en évolution, le plan directeur guidant son développement est davantage vu comme un processus que comme un idéal à atteindre. L’utilité de la planification se résume dans la réduction des incertitudes relatives aux variables suivantes : croissance démographique, distribution spatiale des ménages, tendances d’urbanisation, nature des activités urbaines. À cet égard, le zonage représente, pour les planificateurs, un outil approprié puisqu’il permet de déterminer à l’avance la localisation des activités. On peut comprendre pourquoi les exploitants privés des réseaux techniques urbains ont sur-le-champ été favorables à une ségrégation des activités dans l’espace.

Il reste qu’en dernière analyse, c’est la nature des liens unissant les groupes d’intérêt (community of interest) qui constitue le fondement de la planification du réseau téléphonique. Dès lors, par des démarches analytiques et prospectives, les planificateurs examinent les besoins de communication des diverses communautés et les rapports qu’elles sont susceptibles d’entretenir avec des groupes plus ou moins lointains :
[...] what will be the extent of the community of interest between the different sections of the community, and between the community as a whole, the surrounding communities, and the more distant communities within the country and without ?

Les planificateurs font certes appel au discours scientifique, mais leur objectivité est d’emblée biaisée par la manière dont ils appréhendent les relations entre les groupes qu’ils souhaitent brancher au réseau. La connexion des ménages, des entreprises et des institutions situés en territoire montréalais s’effectue en fonction des affinités économiques et socioculturelles qu’ils partagent : langue, appartenance sociale (déterminée en fonction de leur revenu moyen), quartiers, activités. On peut parler ici d’une recomposition sélective des communautés eu égard aux habitudes de communication.
Les modèles d’analyse élaborés par les planificateurs sont ainsi fondés sur des rapports économiques et sociocommunautaires reconstruits en fonction de leur compréhension des milieux. À ce sujet, une série d’éléments sont soumis au contrôle technique et homogénéisant des exploitants privés : habitudes de communication interpersonnelle et d’affaires, significations sociales du téléphone, accessibilité, etc. Cela les conduit à imposer des normes d’échanges et de communication qui peuvent aller à l’encontre des valeurs culturelles, voire des traditions locales.
De plus, la primauté accordée aux rapports qui se tissent entre les groupes d’intérêt se répercute sur la configuration même des réseaux locaux. En ce sens, les planificateurs de Bell et d’AT&T utilisent les informations qu’ils détiennent sur un milieu pour défendre leurs propres intérêts. Cela n’a rien d’étonnant. À l’intérieur de ce système uniformisant, les points de vue et les valeurs dissemblables n’ont pas, sinon très peu, de place.

Les études de marché
Le contenu technique du projet d’équipement du territoire montréalais nécessite des solutions que seuls des experts savent appliquer. Ce qui explique les visites périodiques d’ingénieurs en téléphonie en provenance des États-Unis. Ainsi, l’une des influences les plus importantes renvoie à la validité des études menées durant les années 1920. À ce sujet, on peut prendre l’exemple de la vaste enquête sur le marché montréalais, le Commercial Survey, réalisée en 1924. Les visions de Bell s’y expriment clairement.

Si les élus municipaux et les planificateurs urbains contrôlent peu les forces à l’œuvre dans le processus de développement urbain, en revanche, les exploitants des réseaux techniques sont, eux, habilités à prédire les besoins, compte tenu des données fournies par les études de marché sur lesquelles ils appuient leurs projets d’extension. L’empirisme de ces études s’inscrit dans le cadre d’une vision globale qui propose une interprétation de la croissance urbaine :
Recently, a gentleman in introducing a speaker who was giving a talk over the radio on town planning, opened his remarks by stating that Montreal for the past three hundred years has been growing like « Topsy ». We in the telephone business for at least the past thirty years have been attempting to find out if there is any System behind « Topsy » growth and to develop some means by which we might measure results and anticipate conditions in advance of actual facts.

Au début des années 1920, le service de génie de Bell élabore un premier plan d’ensemble du réseau montréalais.
Le Fundamental Plan, qu’on peut définir comme une vue générale du développement du réseau, établit les besoins de lignes téléphoniques jusqu’en 1928. On prévoit ajouter environ 27 000 lignes et construire trois centraux. Les axes de développement favorisent toujours l’ouest de l’île ainsi que le centre-ville. Les quartiers résidentiels situés au nord font aussi l’objet d’un programme d’extension. Enfin, on propose la construction d’un nouveau central desservant les quartiers à l’est de l’ancienne municipalité de Maisonneuve. En fait, ce plan reflète plus une volonté de consolidation du réseau qu’une stratégie de diversification géographique et sociale.
La première étude de marché effectuée à Montréal par les ingénieurs nord-américains provenant des compagnies AT&T et Bell — le Commercial Survey de 1924— se situe dans un contexte d’automatisation de la technologie de commutation. Les questions initiales soulevées par ces spécialistes sont les suivantes : quelle sera la croissance de la compagnie entre 1925 et 1945 ? En tenant compte des caractéristiques socio-économiques des ménages, quelle sera la nature de la demande de service téléphonique ? Enfin, quelle sera l’ampleur de l’urbanisation ?
Cette enquête extensive des potentialités téléphoniques couvre une grande partie du territoire de l’île, soit plus de 250 kilomètres carrés. Elle tient compte des villes suivantes : Montréal, Westmount, Outremont, Verdun, LaSalle, Saint-Pierre, Montréal-Ouest, Hampstead, Mont-Royal, Saint-Laurent, Saint-Michel, Saint-Léonard, Montréal-Nord, Montréal-Est, Pointe-aux-Trembles, Laval-de-Montréal ; du village de Côte-Saint-Luc, des paroisses de Saint-Laurent, de Saint-Léonard, de Rivière-des-Prairies, et de la municipalité de Saint-Jean-de-Dieu.
L’intérêt de cette étude tient au fait qu’elle est effectuée à partir d’une lecture diachronique de la situation des ménages montréalais. Chaque îlot est étudié en fonction du nombre de familles qui y résident et en tenant compte de leurs caractéristiques socio-économiques. Les variables qui visent à déterminer le pouvoir d’achat des ménages sont le type d’habitation (maison unifamiliale, immeuble d’appartements, maison à logements multiples (flats), maison d’hébergement), le mode de tenure (propriété, location) et la valeur locative moyenne mensuelle (tableau ci dessous).

Cette enquête propose une vision future des pratiques de consommation téléphonique. Une telle anticipation de l’évolution des besoins implique que Bell fasse des hypothèses par rapport aux investissements qu’exigent la construction de nouveaux équipements, les coûts d’exploitation et les modalités de tarification. À cet égard, on pense en termes de tarification puisqu’elle fixe le degré d’accessibilité sociale au réseau.

Si on considère les données du tableau, on constate que 80,5 % des familles montréalaises recensées par Bell logent dans les maisons à logements multiples, « duplex » et « triplex » (flats — c’est-à-dire des petits immeubles de deux ou trois étages comportant de deux à cinq appartements), dont la valeur locative moyenne se situe entre 10 $ et 65 $ par mois. Il faut souligner que les écarts importants de loyer se reflètent dans la qualité des logements. Autrement dit, à Montréal, le parc résidentiel de ce type de maison n’a rien d’un ensemble homogène. Pour leur part, les maisons unifamiliales et les immeubles d’appartements abritent des familles plus nanties qui consacrent en moyenne plus de 65 $ par mois pour se loger.

Lorsque les enquêteurs comparent les données sur les types d’habitation et les taux d’abonnement au téléphone, le lien entre le niveau de richesse des ménages et la souscription au service est flagrant. Parmi les plus grands consommateurs du service, on retrouve les familles qui dépensent le plus pour se loger. Les chiffres vont en décroissant lorsqu’il s’agit des groupes les moins fortunés.
Les catégories de commerçants et de gens d’affaires font aussi l’objet d’un classement. Toutefois, à l’inverse du marché domestique où seul le pouvoir d’achat des familles détermine la catégorie des services (nombre d’appareils, ligne privée ou partagée) qu’elles sont à même d’utiliser, le marché d’affaires se différencie en fonction du type d’activité : marchand grossiste, marchand de détail, manufacturier, bureaux, etc
En déterminant le développement ultérieur des activités de Bell, l’étude de marché précise les orientations que la compagnie devra adopter en matière d’investissements : achat de terrains, construction de bâtiments, reconfiguration des zones de distribution du service, consolidation des activités, embauche d’ingénieurs et de personnel spécialisé afin de mener à terme le projet de conversion des centraux manuels en centraux automatisés, etc. Néanmoins, Bell reste relativement prudente dans la planification de ses équipements. En outre, ce vaste programme de perfectionnement et de rationalisation du service doit s’échelonner sur une période de vingt ans. À chaque étape, on réalise une étude spécifique. Un comité de coordination la supervise et doit évaluer les coûts du projet ainsi que les économies réalisées grâce à l’amélioration du réseau. Le passage d’un type de central à un autre implique en effet une coordination sans faille. Lors de ces étapes cruciales, les relations publiques jouent un rôle primordial. Elles veillent à la satisfaction d’une clientèle qui doit subir les inconvénients de la réorganisation.
L’évolution démographique constitue la trame de fond de l’étude de marché. Mises en rapport avec le nombre d’appareils téléphoniques en usage, les données fournies par les recensements canadiens et effectués à un intervalle de dix ans (1901-1911-1921) sont utilisées par les analystes de Bell. Ils doivent cerner avec précision les comportements démographiques passés pour faire des projections jusqu’en 1945 : hausse du taux de natalité, baisse du taux de mortalité, mouvements migratoires internes et externes, etc. En 1924, la population de Montréal est de 805 140 habitants. Bell estime qu’elle atteindra 1 476 700 en 1945.
D’emblée, les ingénieurs responsables de l’enquête soulignent la diversité sociale qui caractérise l’agglomération. Pour dégager des sous-catégories de marché relativement homogènes, on regroupe les consommateurs montréalais en fonction de leur pouvoir d’achat, lequel est déterminé à partir de la valeur du loyer. Selon Bell, le loyer que paie un individu constitue un très bon indicateur de son revenu. C’est là l’élément le plus déterminant pour prévoir les besoins futurs en matière de téléphonie.
Ainsi le territoire est-il découpé en fonction du niveau de fortune des citadins et des banlieusards. Les ingénieurs s’efforcent aussi de discerner les stratégies résidentielles des ménages à la lumière de la conjoncture socio-économique tout en tenant compte des liens qui unissent les municipalités suburbaines à la ville-centre :
There are numerous suburban villages scattered over Montreal’s Island, all of which are in Montreal’s immediate sphere and inhabited by workers who depend on the City for their living. The 1921 Census gave the Montreal Island population as 724 205 of which 439 653 were French, 197 912 British and 86 640 foreign, Both French and English portions of the market have high buying power.

En comparaison avec l’attitude de la compagnie qui prévalait au début des années 1900 à l’endroit de la clientèle francophone de la métropole, on peut parler ici d’un revirement de point de vue. C’est que le niveau de vie des francophones s’est accru de manière significative entre 1901 et 1921, notamment en raison du recul de la mortalité. La part des groupes qui ne sont pas d’origine française ou britannique a aussi beaucoup progressé au cours de cette même période : en 1921, elle atteint 12,9 % dans la ville de Montréal. Néanmoins, son pouvoir d’achat est limité. Bell en tient donc peu compte.
Cette étude de marché révèle d’importantes variations en ce qui a trait aux pratiques d’abonnement des habitants de l’île. Bien qu’appréhendée comme une seule communauté, l’agglomération montréalaise présente de multiples particularités que les ingénieurs de Bell tentent d’intégrer à leurs analyses. Pour en dégager les caractéristiques communes, ils découpent le territoire en petites entités homogènes, regroupant des places d’affaires et des ménages susceptibles d’entretenir des liens communautaires et économiques étroits.

La réalité sociospatiale est un des thèmes essentiels des enquêtes effectuées par Bell. On évalue les tendances et les processus particuliers que revêt le développement urbain : déconcentration des activités de production, nouvelles stratégies résidentielles, concentration des activités de direction, etc. En décortiquant ainsi la réalité montréalaise, Bell compose un système de relations entre les secteurs plus ou moins hiérarchisés aux points de vue social et fonctionnel. Suivant les secteurs d’activités et les catégories sociales qui animent les zones inventoriées, on fixe la personnalité des clientèles et le potentiel téléphonique. On prend aussi en considération une variable technique, à savoir la capacité accrue d’écoulement des flux téléphoniques fournie par les équipements de commutation.
La description de deux zones urbaines très distinctes sur le plan socio-économique démontre comment Bell anticipe les besoins futurs de ses clientèles potentielles. Par exemple, le secteur du marché « B », formé des quartiers Saint-Henri, Petite-Bourgogne et Pointe-Saint-Charles, et dont 27,6 % des familles et 96,8 % des entreprises sont abonnées au téléphone, est présenté ainsi :
Situated along both sides of the Lachine Canal and including all of Point St. Charles. This area contains many large manufacturing establishments, the Canadian National Railway Station, freight sheds, yards and shops.
The residence development is of poor to medium type, being practically altogether flats and tenements. Population mixed English and French, with a few negroes and foreigners.
Considerable increase in industry is expected in this area, principally along the Lachine Canal and Canadian National Railway line, together with a slight improvement in residential character.
Community of interest will be principally with Market Area A18
.

Compte tenu de la croissance démographique et des particularités de la population du secteur, Bell estime pouvoir augmenter d’environ 10 % le nombre de familles abonnées dans les vingt années à venir ; ce qui est relativement modeste. Dans ce cas, c’est plutôt le dynamisme des activités industrielles qui détermine les investissements en équipements téléphoniques. Les liaisons à prévoir sont d’abord établies avec le marché du centre des affaires (le marché « A »).

Le marché « H », incluant le quartier Saint-Antoine situé près du mont Royal — connu aussi sous le nom de Golden Square Mile —, présente des caractéristiques et des possibilités de développement bien différentes de celles de la zone précédente puisque 87,9 % des familles sont abonnées au téléphone :
High-class residential area of one family homes, appartments and flats. This area contains McGill University, the Art Gallery and a number of other educational institutions, and the Royal Victoria Hospital.
Population almost entirely English speaking.
Considerable development of first class apartment houses is looked for, together with an increased number of one family homes and community groups.
Principal community of interest with Market Areas A & AA19 [c’est-à-dire le quartier des affaires et Westmount].

Bell a pour stratégie de continuer à fournir un service de qualité, conforme aux exigences des clients du quartier, notamment le maintien des lignes téléphoniques individuelles par opposition aux lignes partagées.
On constate que, dans les quartiers résidentiels à prédominance francophone, le taux de pénétration du téléphone est faible. Chez les ménages ouvriers habitant les quartiers pauvres du sud-ouest et du centre-sud, il varie de 13,3 % à 19 %. D’ailleurs, Bell estime qu’en 1945, le nombre d’abonnés habitant ces quartiers aura considérablement augmenté mais n’atteindra guère plus de 35 % de la population totale. Dans certains quartiers résidentiels en pleine expansion, Rosemont par exemple, le taux de croissance anticipé est un peu plus élevé, quoique Bell demeure prudente dans ses prévisions.

En fait, le maintien des acquis se dégage de cette étude de marché. Encore une fois, il est clair que le réalisme de l’entreprise l’emporte sur une vision idéalisée de la croissance du réseau. Ses dirigeants et ses ingénieurs sont conscients des limites propres au marché montréalais. Et ils misent en priorité sur ses aspects les plus sûrs.
Comme le montre le tableau ci desous, les pourcentages d’abonnés que Bell prévoit pour 1945 à l’échelle du territoire étudié, bien que supérieurs par rapport à 1924, demeurent conservateurs dans le cas des ménages et des commerces de quartier.

Pourcentage d'abonnés en fonction du type de service
Pour 1924 SERVICE RÉEL et pour 1945 SERVICE ESTIMÉ :
Résidentiel 43,56 % et 60,15 %
Commerces de quartier 63,31 % et 74,10 %
Commerces et services centraux 86,28 % et 92,54 %
total commerces 72,72 % et 81,90 %
À partir de ces chiffres, Bell considère qu’elle pourrait accroître son offre pour le marché résidentiel.
De manière plus précise, elle estime que le marché situé à l’intérieur des limites de la ville de Montréal va passer de 41,5 % en 1924 à 57,3 % en 1945. Quant aux villes de banlieue comprises dans l’enquête (Westmount, Outremont, Verdun, LaSalle, Saint-Pierre, Montréal-Ouest, Côte-Saint-Luc, Hampstead, Mont-Royal, Saint-Laurent, Montréal-Nord, Saint-Michel-de-Laval, Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles, Laval-de-Montréal), elles présentent des possibilités d’extension un peu plus importantes : alors qu’en 1924, 58 % des ménages qui habitent ces localités ont le service téléphonique, Bell prévoit qu’en 1945 plus de 75 % des familles suburbaines seront abonnées.

Bien entendu, ces chiffres représentent une moyenne qui tend à masquer les écarts considérables entre le taux d’abonnement des familles de Westmount (atteignant 93,3 % en 1924) et celui des quelque 611 familles qui habitent Montréal-Nord (on y retrouve 7,2 % d’abonnés en 1924). Il n’en demeure pas moins que les familles de la banlieue sont les plus prometteuses quant aux possibilités d’extension du réseau. D’ailleurs, les efforts de promotion visant le marché résidentiel suburbain s’expriment clairement dans les documents produits par la suite. Dans les faits, par contre, la consommation suburbaine du téléphone ne va pas de soi. Souvent, il faut attendre que les familles soient établies en banlieue et que les réseaux de transport y soient en service pour que le niveau d’abonnement augmente. Le téléphone devient alors, à l’instar des autres services offerts par les réseaux techniques urbains, un élément indispensable de communication et de désenclavement.

Pour mieux comprendre les stratégies résidentielles, Bell a recours à des informations cartographiques qui lui permettent d’obtenir instantanément une vision d’ensemble du marché. Il faut rappeler que le territoire à l’étude inclut les portions urbanisées de l’île et les zones résidentielles des noyaux villageois. Certaines portions de ce territoire sont occupées par des terres agricoles. Une série de points d’urbanisation sont toutefois visibles et renseignent les planificateurs du réseau montréalais sur les axes probables de développement.
Dans cette perspective, la densité d’occupation résidentielle et commerciale constitue une indication sur les zones potentielles de consommation du service téléphonique :
[...] it is felt that the sale of our residence telephones depends on the number of families there are in a given place to whom to sell, and the number of business firms naturally also depends on the number of families for the same reason. Then the sale of our business service will depend on the number of firms, which in turn depends on the number of families.

Cependant, à Montréal, les districts les plus densément peuplés sont occupés par des familles ouvrières, lesquelles ne disposent pas des revenus nécessaires pour s’abonner au service. Parmi les endroits où sont établies le plus grand nombre de familles, on retrouve les secteurs industriels, notamment Hochelaga et Maisonneuve. Le centre des affaires — qui correspond au secteur du Vieux-Montréal — est quasi inhabité.
L’une des difficultés de gestion de la croissance du réseau téléphonique résulte de la faible densité des nouveaux districts à desservir. Certes, quelques ménages et commerces sont agglutinés au nord, sur les rives de la rivière des Prairies, regroupés à proximité des anciens noyaux villageois, ou bien installés le long des principaux axes de circulation. Mais il est clair que l’ensemble du territoire peut encore faire l’objet d’une intense activité de développement urbain. De plus, dans plusieurs municipalités de la banlieue est, comme les villes de Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Saint-Michel-de-Laval et Montréal-Nord, même si le tracé des rues est déterminé, l’urbanisation n’a toujours pas démarré. Les terres agricoles occupent de grandes portions du territoire du nord-ouest et du nord-est de l'île. Cette discontinuité avec l’aire urbaine pose un problème de rentabilité pour les infrastructures téléphoniques.

Outre les secteurs largement sous-urbanisés de l’île, Bell doit aussi tenir compte de la présence de plusieurs zones peu rentables puisqu’elles ne sont pas disponibles pour la desserte du service résidentiel. Elles sont occupées par des parcs et des cimetières (les parcs du Mont-Royal, Lafontaine, Maisonneuve, les cimetières Notre-Dame-des-Neiges et Mount Royal), par des activités industrielles (les zones limitrophes au canal Lachine et aux voies ferrées), par des fonctions institutionnelles (le domaine de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, la prison de Bordeaux) et des emprises ferroviaires (les cours de triage) ou portuaires.

Avec le recul, on peut dire que, tout en appréhendant les obstacles physicospatiaux propres au territoire montréalais ainsi que les contraintes matérielles des ménages, les ingénieurs de la compagnie sont parvenus à prédire les comportements de la clientèle. Toutefois, les difficultés économiques des années 1930 remettent en question la validité des informations recueillies, car le pouvoir d’achat des ménages a été réduit de manière significative. On observe alors un déclin — le premier dans l’histoire de Bell — des abonnements au téléphone.
Dès lors, Bell doit s’ajuster aux conditions économiques et, par le fait même, réviser à la baisse ses estimations. En 1937, il apparaît impératif de refaire une nouvelle étude du marché montréalais. La faible croissance du service, la lente urbanisation des territoires suburbains, la difficulté de capitalisation et d’investissement en matière d’équipements forcent la compagnie à reconsidérer ses projets de prolongement et de modernisation du réseau.
Il reste que les prévisions de Bell, quant à l’augmentation du nombre d’appareils branchés au réseau téléphonique, se sont avérées fiables dans l’ensemble.
En fait, on peut parler d’une différence d’environ 8 % de moins de postes en service en 1945 par rapport à ce qui était prévu en 1924. La crise des années 1930 et la période de guerre sont des facteurs qui retardent l’essor anticipé, voire qui contribuent à la diminution du nombre d’abonnés. Si les estimations de Bell se révèlent relativement justes, c’est sans doute parce que ses ingénieurs maîtrisent bien les techniques nouvelles comme les études de marché, les méthodes d’évaluation des coûts de construction des installations et des coûts d’amortissement ; sans parler des campagnes de publicité conçues comme des méthodes de relations publiques. Tous ces éléments s’inscrivent dans un cadre planificateur rationnel désormais légitime.

Au fil des années, la connaissance poussée du territoire montréalais, de ses potentiels et de ses restrictions en termes d’extension du réseau téléphonique a joué un rôle important. Les pratiques d’enquête et de collecte de données avaient en effet une dimension utilitaire indéniable. La capacité de prédire les besoins téléphoniques de la métropole, en faisant confiance à la planification rationnelle, est ainsi devenue un élément stratégique pour le développement du réseau.

sommaire

L'accès aux designs des Bell Labs américains prit fin au début des années 1960.
Northern Electric établit ses propres laboratoires de recherche pour concevoir des produits qui satisfirent les besoins du marché canadien plutôt que d'y adapter les produits américains.

En 1968, La Compagnie de Téléphone Bell du Canada est renommée Bell Canada.

Canada atlantique
Au début des années 1960, Bell acquit des participations dans toutes les compagnies de l’Atlantique. Elle se développa le 24 juillet 1962 avec Newfoundland Telephones (qui devint plus tard NewTel Communications). Bell acquit une participation majoritaire dans la Maritime Telephone and Telegraph Company, plus tard connue sous le nom de Island Telephone, basée à l'Île-du-Prince-Édouard, et dans Bruncorp, la société mère de NBTel, en 1966. L'achat de MT & T a été effectué malgré les efforts déployés par la législature de la Nouvelle-Écosse le 10 septembre 1966 pour limiter le pouvoir de vote de tout actionnaire à 1 000 voix. La société MT & T appartenant à Bell a absorbé environ 120 entreprises indépendantes, la plupart desservant chacune moins de 50 clients. NewTel, appartenant à Bell, a acheté le Terra Nova Tel, appartenant au CN, en 1988.
Newtel, Bruncorp, MT & T et Island Tel ont par la suite fusionné avec Aliant (maintenant Bell Aliant, qui détient également une grande partie des services fournis par Bell Canada dans des zones plus rurales en Ontario et au Québec), dont Bell Canada est maintenant propriétaire.
Le 1er janvier 2011, Bell a finalisé l'acquisition de la société de services de technologie de l'information xwave, qui offre des ventes et des services de technologie de l'information dans la région du Canada atlantique, à Bell Aliant.

Quebec et Ontario
Des compagnies indépendantes sont apparues dans plusieurs régions de l'Ontario, du Québec et des provinces maritimes sans un service adéquat de Bell Canada. Au cours du XXe siècle, Bell acquit la plupart des sociétés indépendantes en Ontario et au Québec, notamment l’acquisition de Nexxlink Technologies, un fournisseur de solutions informatiques et de télécommunications intégré basé à Montréal et fondé par Karol Brassard . Parallèlement à l'acquisition de Charon Systems, Nexxlink est aujourd'hui une entreprise de Bell Business Solutions, une division de Bell Canada. Cependant, le Québec a encore de grandes étendues de zones relativement rurales desservies par Telus Québec (anciennement Québec Telephone, acquise ultérieurement par Telus) et Télébec (désormais détenue par Bell Canada via Bell Aliant) et par une vingtaine de petites sociétés indépendantes. En 1980, l’Ontario comptait encore une trentaine de sociétés indépendantes et Bell n’en avait pas encore acquis; les plus petites ont été vendues à des gros indépendants disposant de plus grandes ressources en capital. Cellcom Communications est le plus important franchisé de Bell Canada et exploite actuellement 25 magasins Bell au Québec et en Ontario.

Alberta, Manitoba et Saskatchewan
Les trois provinces des Prairies, à des moments différents, ont acquis les activités de Bell Canada et créé des services publics provinciaux, investissant dans le développement de services téléphoniques appropriés dans toutes ces provinces; L’investissement de Bell Canada dans les Prairies était insuffisant ou insuffisant par rapport à la croissance, et les trois sociétés disposaient de diverses compagnies de téléphone locales. La Commission des téléphones du gouvernement de l'Alberta du gouvernement de l'Alberta et les téléphones du gouvernement du Manitoba ont acheté les opérations de Bell de leur province en 1908. Le ministère des Chemins de fer, Télégraphes et Téléphones de la Saskatchewan, créé en juin 1908, a racheté les activités de Bell le 1er octobre 1909; Les activités gouvernementales des trois provinces ont finalement acquis les sociétés indépendantes.
Ayant atteint un niveau de développement élevé, le Manitoba a décidé de privatiser son service téléphonique et l'Alberta a privatisé les téléphones du gouvernement de l'Alberta pour créer Telus dans les années 1990. La Saskatchewan continue de posséder SaskTel en tant que société d'État. Edmonton était desservie par un service public appartenant à la ville, Edmonton Telephones Corporation, qui avait été vendue à Telus en 1995. BCE a repris possession du réseau manitobain, maintenant connu sous le nom de Bell MTS, le 17 mars 2017

Colombie britannique
La Colombie-Britannique, desservie aujourd’hui par Telus, était desservie par de nombreuses petites entreprises fusionnées pour former British Columbia Telephone, connue plus tard sous le nom de BC Tel (la dernière acquisition connue était la Okanagan Telephone Company à la fin des années 1970), qui desservait la province depuis le début Des années 1960 jusqu'à sa fusion avec Telus. (Les fusions ont produit une anomalie: Atlin est entourée par le territoire de Norouestel, ce qui implique que l'entreprise qui a établi le service a été acquise par une entreprise desservant des territoires plus au sud.)

Le nord du canada
Bien que Bell Canada soit entrée dans les Territoires du Nord-Ouest (TN-O.) Avec un échange à Iqaluit (à l'époque connue sous le nom de Frobisher Bay, sur le territoire du Nunavut), en 1958, le Canadien National Telecommunications, une filiale du Canadien National, a fourni la plupart des le service téléphonique dans les territoires du nord du Canada (plus précisément le Yukon, le nord de la Colombie-Britannique et l'ouest des TN-O.). Le CN a créé Norouestel en 1979 et Bell Canada Entreprises a acquis la société en 1988 en tant que filiale à part entière. Bell Canada a vendu ses 22 circonscriptions situées dans l’est des TN-O. À Norouestel en 1992 et BCE en a transféré la propriété à Bell Canada en 1999. En 2001, la zone d’exploitation de Norouestel a été ouverte à la concurrence dans les communications interurbaines (ce qui ne s’est matérialisé d’affaires de cartes prépayées et de services aux grands clients nationaux ayant quelques sites d’exploitation dans le nord) et en 2007 à la revente du service téléphonique local (ce qui n’a pas encore eu lieu).
Des sociétés indépendantes desservaient le nord de la Colombie-Britannique, le nord-est de l'Ontario et la région de la Baie-James, mais Bell Canada finit par desservir des régions plus éloignées de l'Ontario et du Québec. Elle acquit une participation dans des sociétés desservant de vastes étendues du nord-ouest du Québec et du nord-est. Ontario et à Norouestel

Le réseau de Bell comptait deux sociétés principales dans l’industrie téléphonique au Canada: Bell Canada en tant que société d’exploitation régionale (affiliée à AT & T, avec une participation d’environ 39%) et Northern Electric en tant que fabricant d’équipement (affiliée à Western Electric , avec une participation d'environ 44%).
La compagnie de téléphone Bell du Canada et Northern Electric étaient structurées de la même façon au Canada que les parties analogues du réseau de Bell aux États-Unis;
Dans le cadre du décret de consentement signé en 1956 pour résoudre le litige antitrust intenté en 1949 par le ministère de la Justice des États-Unis, AT & T et le système Bell se sont dessaisis de Northern Electric en 1956.

Durant les années 1970 et 1980, le partenariat étroit entre Bell Canada et Northern Telecom a permis aux deux compagnies de devenir des chefs de file mondiaux dans leur domaine respectif. Ainsi, Bell Canada a été la première compagnie au monde à implanter un réseau commercial de communications numériques et la première compagnie à implanter un réseau commercial de communication par paquets, Datapac, basé sur le Datagramme. De son côté, Northern Telecom est devenu le chef de file dans le développement et la fabrication d’équipement de commutation et de transmission numérique.
Par contre, durant la même période, les tentatives de Bell Canada de se diversifier dans les domaines de l’énergie, de l’immobilier et de l’informatique ont échoué.

En 1974, le concept des magasins « Téléboutique » est lancé avec l'ouverture des magasins de Longueuil (Québec), de Sherbrooke (Québec) et de Guelph (Ontario).
Logo de Bell de 1977 au 7 décembre 1994.

En 1980, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) ouvre la concurrence dans le marché des appareils téléphoniques.

En 1983, par une transaction complexe, Bell Canada crée le groupe d'exploitation BCE, devient membre de ce groupe et place certaines de ses filiales dont Northern Telecom dans le groupe; tous les actionnaires de Bell Canada deviennent des actionnaires de BCE.

Un important mouvement de grève est déclenché au matin du 27 juin 1988 à Bell Canada. 20 000 employés affiliés au Syndicat des travailleurs en communication cessent le travail pour protester contre la politique de salaire, le régime de retraite et la politique de sous-traitance de l'entreprise, alors que la précédente convention collective avait expiré en novembre 1987.
La grève fut la plus longue de l'histoire de Bell Canada (16 semaines) et ne s'acheva que le 21 octobre 1988 avec la signature d'un accord de trois ans qui porte sur des augmentations de salaire et des améliorations au régime de retraite.
Ce mouvement de grève est également marqué par de nombreux sabotages à l'été 1988. Des bris de câbles sont commis à partir du début du mois de juillet touchant de nombreuses régions comme Saint-Jérôme, Lanaudière, Joliette, l'Outaouais au Québec mais aussi Toronto, Barrie et Pembroke en Ontario. Les cadres non grévistes de Bell Canada sont mis à contribution pour restaurer le service.

Au début des années 1990, fortes de plus de 7 millions d’abonnés du téléphone en Ontario, au Québec et dans les Territoires du Nord-Ouest, Bell Canada et la société mère créée par elle en 1983, les Entreprises Bell Canada Inc. (EBC), contrôleraient près d’une centaine de filiales et emploieraient presque 120 000 personnes.
Par ses recettes et ses bénéfices, les Entreprises Bell Canada Inc. se rangerait régulièrement parmi les trois plus importantes sociétés canadiennes.
Durant les années 1990, BCE s’est aventuré sur le terrain de la convergence en acquérant des journaux, des chaînes de télévision, des compagnies de services informatiques et des compagnies de télécommunications hors de son territoire traditionnel.

En 1992, le CRTC ouvre la concurrence dans l'interurbain.
En 1997, le CRTC ouvre la concurrence dans le service local.
En 1998, le CRTC ouvre la concurrence dans les téléphones publics; depuis cette date, toutes les activités de Bell Canada sont soumises à la concurrence. BCE se départ de sa participation dans Nortel. BCE investit massivement dans une stratégie de convergence numérique en faisant les acquisitions de Téléglobe, CTV, TQS et du Globe and Mail.

En 2000-2001, certains de ces investissements se sont avérés néfastes. Depuis 2001, BCE se recentre avec succès sur ses activités de télécommunications.
En 2001, avec l'effondrement de la bulle des technologies de l'information, plusieurs des investissements récents de BCE perdent une très grande partie de leur valeur. BCE se départ alors de Téléglobe et entreprend un recentrage sur ses activités traditionnelles de télécommunications.
Cette nouvelle stratégie amènera le consortium à se départir de ses avoirs dans CGI, CTV, TQS et le Globe and Mail au cours des années suivantes.

En 2005, BCE fonde Bell Solution d'affaire et fait son entrée dans les TI avec l'aqusition de plusieurs entreprises en TI dont Nexxlink et Charron Système au Québec. BCE devient une des plus grandes compagnie de TIC au Canada.
En 2006, BCE annonce son intention de faire comme plusieurs autres compagnies et de se transformer en fiducie de revenus, mais le gouvernement fédéral bloque ce plan en changeant la loi sur les fiducies de revenus.

En 2006, BCE employait 60 000 personnes et a généré des revenus de 20 milliards de dollars.
En 2007, l'entreprise comptait 55 000 employés dont 17 000 au Québec, pour un chiffre d'affaires de 17,7 milliards de dollars. BCE investissait pour 1,4 milliard de dollars et employait 426 ingénieurs, ce qui en faisait le 10e plus grand employeur d'ingénieurs au Québec

En 2007, les services professionnels de Bell Solution d'affaire sont intégrés à l'intérieur de Bell le reste est vendu.

En 2008, BCE déménage son siège social au 1, Carrefour Alexander-Graham-Bell. île des sœurs. Le Campus Bell est certifier LEED.8 BCE annonce q'elle serait vendu à Teachers. George Cope arrive au pouvoir et lance un plan d'exécution de 100 jours. L'offre d'achat par Teachers est retirée.

Le 2 mars 2009, Bell achète la chaîne de magasins La Source.
Le 22 juin 2009, BCE participe à l'achat du Canadien de Montréal à la hauteur de 18%.

En 2010, BCE devient l'unique propriétaire de CTV.

En 2011, implantation de la fibre optique FTTH et IPTV dans la ville de Québec.
Le 9 décembre 2011, Bell Canada et Rogers achètent les Maple Leaf Sports & Entertainement (MLSE), le consortium sportif qui détient notamment les Maple Leafs de Toronto (LNH), les Raptors de Toronto (NBA), le Toronto FC (soccer) et le Air Canada Centre. Les deux compagnies, Bell et Rogers, investissent plus de 533 millions chacune11.

Le 16 mars 2012, Astral a annoncé la vente de l’entreprise à BCE, une transaction d’environ 3,38 milliar ds $.
Le 18 octobre 2012, La demande a été refusée par le CRTC. Un mois plus tard une nouvelle demande est déposé par Bell.

Le 27 juin 2013, Le CRTC autorise la vente à BCE mais sous certaine condition.

En juillet 2014, BCE annonce l'acquisition des participations dans Bell Aliant qu'il ne détenait pas, soit 47 % des parts de l'entreprise, pour 3,95 milliards de dollars canadiens.


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