Le cahier chantant, le condensateur chantant

Nous ne pouvons pas parler que de téléphones et microphones, sans mentionner le condensateur chantant, parce que ce phénomène jette aussi un peu de lumière sur les fonctions du téléphone.

En 1878 M. Ch. Warley imagina le condensateur chantant, qui reçu une forme pratique par une combinaison très simple que lui donnèrent MM. Pollard et Garnier.
Des perfectionnements nouveaux ont permis de transformer le condensateur en un véritable téléphone , c'est le condensateur parlant.

Différents observateurs, comme MM. Herz, Dunant et Dolbear, ont constaté qu'un condensateur d'une certaine construction spéciale, intercalé à la place d'un téléphone récepteur dans le circuit secondaire d'une bobine d'induction, pouvait reproduire les sons musicaux chantés dans un téléphone ou microphone intercalé dans le circuit primaire de la même bobine.
M. Dolbear a même construit un téléphone basé sur le principe de deux plaques juxtaposées dont l'une, par les charges et décharges de l'autre, fait des mouvements vibratoires.
C'est probablement M. W. Holtz qui le premier a observé un phénomène qui est le précurseur du condensateur chantant, et M. Giltay a étudié les observations de ses prédécesseurs et les a complétées par ses propres investigations.

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Dans le livre de premier ouvrage Français traitant du Téléphone en 1878, (sur cette page) , ou à feuilleter. on peut lire :

Téléphone de M. Varley.
— Ce téléphone n'est à proprement parler qu'un téléphone musical dans le genre de celui de M. Gray, mais dont le récepteur présente une disposition originale vraiment intéressante.

Cette partie de l'appareil est essentiellement constituée par un véritable tambour de grandes dimensions (3 ou 4 pieds de diamètre), dans l'intérieur duquel est placé un condensateur formé de quatre feuilles de papier d'étain séparées par des feuilles en matière parfaitement isolante, et dont la surface représente à peu près la moitié de celle du tambour. Les lames de ce condensateur sont disposées parallèlement aux membranes du tambour et à une très-petite distance de leur surface.

Si une charge électrique est communiquée à l'une des séries de plaques conductrices de ce condensateur, celles qui leur correspondront se trouveront attirées, et si elles peuvent se mouvoir, elles pourront communiquer aux couches d'air interposées un mouvement qui, en se communiquant aux membranes du tambour, pourront, pour une série de charges très-rapprochées les unes des autres, faire vibrer ces membranes et engendrer des sons; or ces sons seront en rapport avec le nombre des charges et décharges qui seront produites. Comme ces charges et décharges peuvent être déterminées par la réunion des deux armatures du condensateur aux extrémités du circuit secondaire d'une bobine d'induction dont le circuit primaire sera interrompu convenablement, on voit immédiatement que, pour faire émettre par le tambour un son donné, il suffira de faire fonctionner l'interrupteur de la bobine d'induction de manière à produire le nombre de vibrations que comporte ce son.

Le moyen employé par M. Varley pour produire ces interruptions est celui qui a été déjà mis en usage dans plusieurs applications électriques et notamment pour les chronographes; c'est un diapason électro-magnétique réglé de manière à émettre le son qu'il s'agit de transmettre. Ce diapason peut, en formant lui-même interrupteur, réagir sur le courant primaire de la bobine d'induction, et s'il y a autant de ces diapasons que de notes musicales à transmettre, et que les électro-aimants qui les animent soient reliés à un clavier de piano, il sera possible de transmettre de cette manière une mélodie à distance comme dans le système de M. Elisha Gray.

La seule chose particulière dans ce système est le fait de la reproduction des sons par l'action d'un condensateur, et nous verrons plus loin que cette idée, reprise par MM. Pollard et Garnier, a conduit à des résultats vraiment intéressants.

...

Téléphones de MM. Pollard et Garnier.
—Le téléphone à pile construit par MM. Pollard et Garnier est différent de ceux qui précèdent, en ce qu'il met simplement à contribution deux pointes de mine de plomb portées par des porte-crayons métalliques, et que ces pointes sont appliquées directement contre la lame vibrante avec une pression qui doit être réglée.
La fig. 31 représente la disposition qu'ils ont adoptée, et qui du reste peut être variée d'une infinité de manières.
Fig. 31.
LL est la lame vibrante en fer-blanc au-dessus de laquelle se trouve l'embouchure E, et P, P' sont les deux pointes de graphite munies de leur porte-crayons. Ces porte-crayons portent à leur partie inférieure un pas de vis qui, étant engagé dans un trou fileté pratiqué dans une plaque métallique CC, permet de serrer plus ou moins les crayons contre la lame LL. Cette plaque métallique CC est composée de deux parties juxtaposées qui, étant isolées l'une de l'autre, peuvent être mises en rapport avec un commutateur cylindrique au moyen duquel on peut disposer le circuit de diverses manières. Ce commutateur étant pourvu de cinq lames, permet de passer presque instantanément d'une combinaison à l'autre, et ces combinaisons sont les suivantes:
1o Le courant entre par le crayon P, passe dans la plaque et de là dans la ligne.
2o Le courant arrive par le crayon P', passe dans la plaque et de là dans la ligne;
3o Le courant arrive à la fois par les crayons P et P', se rend dans la plaque et de là à la ligne;
4o Le courant arrive par le crayon P, va de là à la plaque, puis dans le crayon P', et de là à la ligne.
On a donc de cette manière deux éléments de combinaison que l'on peut utiliser séparément ou en les associant en tension ou en quantité.
Lorsque les crayons sont bien réglés et donnent une transmission bien régulière et de même intensité, on peut étudier facilement les effets produits quand on passe de l'une des combinaisons à l'autre, et l'on constate:
1o que pour un circuit court, il n'y a pas de changement appréciable, quelle que soit la combinaison employée;
2o que quand le circuit est long ou présente une grande résistance, c'est la combinaison en tension qui a l'avantage, et cela d'autant plus que la ligne est plus longue.
Ce système téléphonique, comme du reste les deux précédents, met à contribution une machine d'induction pour transformer les courants voltaïques en courants induits; nous parlerons plus tard de cet accessoire important de ces sortes d'appareils.
Quant au téléphone récepteur, la disposition adoptée par MM. Pollard et Garnier est à peu près celle de Bell.
Seulement ils emploient des lames de fer-blanc et des hélices beaucoup plus résistantes. Cette résistance est, en effet, de cent cinquante à deux cents kilomètres. Nous avons toujours reconnu, disent ces messieurs, que quelle que soit la résistance du circuit extérieur, on a avantage à augmenter le nombre des tours de spires, même en faisant usage du fil no 42, qui est celui que nous avons employé de préférence.
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Vu dans la revue "La Nature 1878", l'Exposé de M. Du Moncel :


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Partout en France, ces nouvelles faisaient l'objet de conférences comme au Vésinet, on y retrouvait la plupart du temps des élus , des avocats des ingénieurs dont Messieurs Dumont et Napoli, ingénieurs et membres de l'association Polytechnique, pour présenter “le phonographe, le cahier chantant et les nouveaux téléphones”, le samedi 21 février 1880,

Le 10 octobre 1878, le Courrier de Lyon rendait compte d’une expérience, effectuée le 23 septembre précédent, à l’Académie des Sciences, et du débat qu’elle était censée clore. Cet article apporte un aperçu intéressant sur la perception des techniques naissantes de l’électricité par le monde savant. Il est reproduit ci-après.

Le Courrier de Lyon, 10 octobre 1878 «Le cahier parlant»

«L’Académie des Sciences a offert, dans la séance de lundi, un spectacle tout à fait inaccoutumé.
M. Bouillaud ayant attaqué les expériences faites par M. du Moncel, ce dernier avait demandé qu’une commission fut nommée pour prouver qu’aucune supercherie n’était pratiquée. Mais, les règlements de l’Académie s’opposant à ce que l'assemblée se prononce sur un travail régenté par un de ses membres, le célèbre électricien a pris la résolution d’exécuter en public la démonstration qui avait poussé jusqu’au paroxysme l’incrédulité de son savant confrère.

En conséquence, il a placé sur une des tables de l’hémicycle un cahier de papier à lettres dans l’intérieur duquel il avait inséré quelques feuillets d’étain rattachés aux deux pôles du circuit secondaire d’un appareil d’induction. Le fil primaire de ce dernier était rattaché à un transmetteur téléphonique qui avait été installé dans le local voisin où l’Académie Française tient ses séances. Accompagné de M. Faye qui a bien voulu servir de témoin, M. du Moncel est entré dans cette salle dont il a fermé la porte, puis il s’est mis à chanter. Aussitôt, ses confrères et le public qui se pressait sur les banquettes ont entendu une voix nasillarde sortir du cahier de papier. Le son de cette voix était tellement fort qu’on l’entendait aussi bien que si elle émanait du cornet d’un phonographe. Il était cette fois impossible de prétendre qu’un ventriloque se trouvait caché dans un objet qu’on pouvait tenir dans la main.

M. Bouillaud a donné de très longues explications tendant à prouver qu’il n’avait pas entendu nier la possibilité physique de la reproduction de la voix à l’aide du phonographe, mais il s’était borné à avertir ses collègues qu’on ne pouvait pas dire que le phonographe parlait. En effet, la parole suppose une combinaison intellectuelle, et, en invoquant l’exemple de Descartes, le savant docteur ne peut pas croire que le phonographe soit doué de raison. Un immense éclat de rire a accueilli cette explication peu digne d’un lieu pareil. Mais M. Milnes Edwarts, qui avait pris part à la discussion précédente, crut devoir protester.
En effet, ni lui, ni personne de l’Académie, n’avait pu supposer qu’en invoquant la ventriloquie, M. Bouillaud se bornait à refuser au phonographe et au condensateur chantant le privilège de penser. L’honorable académicien serait désolé que l’on put croire qu’il avait assez peu de raison pour protester contre une semblable assertion. Des expériences de phonographie, exécutées devant les membres, ont eu lieu à l’issue de la séance ».

Avant de reproduire les réflexions technico-philosophiques de M. Bouillaud rapportées par le compte rendu de l’Académie des Sciences, il n ’est pas inutile de donner quelques éléments biographiques concernant les deux protagonistes du débat. Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1811), professeur de médecine à la clinique de la Charité pendant cinquante ans, a, en particulier, attaché son nom à l’étude du rhumatisme articulaire aigu et à son traitement par une méthode qu ’il qualifie de «jugulante » bien qu ’encore molières que : la saignée coup sur coup. Théodore du Moncel (1821-1884), a été l’un des premiers physiciens français à se spécialiser entièrement en électricité, et s’est intéressé à de nombreux domaines : thermostatique, mesures météo, aide à la navigation, télégraphe, signalisation dans les chemins defer... etc. Il a écrit plusieurs ouvrages, dont Le téléphone, le microphone et le phonographe en 1878.
Voici donc les réflexions qu’inspirent à l’éminent médecin, les expériences du pragmatique M. du Moncel.

Remarques sur le phonographe et le téléphone ; par M. Bouillaud.

I- Le Phonographe
:
— L’expérience phonographique faite devant l’Académie, il y a déjà quelques mois, a été répétée, en ma présence, dans le cabinet de mon savant confrère, M. du Moncel. Quelques phrases prononcées dans l’ouverture du phonographe, d’abord par un jeune homme qui faisait fonctionner la machine, ensuite par M. du Moncel, et enfin par moi, furent répétées et entendues de nous tous.
- 1° Etait-ce le phonographe qui les répétait, après les avoir inscrites ? Etait-ce un autre moyen répétiteur ? Si c’était bien le phonographe, était-ce par répétition des vibrations sonores qu’il aurait enregistrées, et qu’il aurait reproduites de lui-même, proprio motu, comme l’écho reproduit les vibrations des ondes sonores qu’il a recueillies ?
Dans cette dernière hypothèse, cet appareil n’aurait été qu’un écho sui generis, et n’aurait pas, par conséquent, constitué une véritable invention, puisque l’expérience à laquelle il servait n’était qu’une confirmation de celles déjà faites, en matière de cette partie de l’acoustique qui concerne les divers modes de transmission et de répercussion ou de réflexion des sons. Ce rapprochement de la répétition des paroles par la voix phonographique avec celle de leur répétition par la voix de l’écho tel qu’on l’a connu jusqu’ici, tourmentait en quelque sorte mon esprit.
Mais je ne pouvais me dissimuler que la répétition dite phonographique n’avait pas lieu immédiatement après la prononciation des paroles, comme il arrive dans le cas de leur répétition par un écho très voisin de l’oreille de la personne qui les a prononcées. Je ne pouvais me dissimuler non plus que la répétition d’origine phonographique pouvait se produire, selon les phonographistes, un plus ou moins grand nombre de fois, à des intervalles divers, sans avoir besoin d’une prononciation nouvelle de la part de la personne qui les avait déjà prononcées, tandis que la répétition des paroles par le moyen de l’écho ne peut se reproduire qu’à la condition, pour celles-ci, d’être prononcées de nouveau.
De plus, il me fallait bien reconnaître que, sous le rapport de la force, du ton, de la vitesse et du timbre, les paroles d’origine dite phonographique différaient notablement de celles qui avaient été prononcées, tandis que c’est le contraire pour les paroles répétées par l’écho.
-2° Etait-ce par une sorte d’imitation artistique que les paroles attribuées au phonographe étaient reproduites ?
Quelques-uns s’étonneront, sans doute, de cette seconde hypothèse. Ce n’est pas, cependant, sans aucune ombre de raison qu’il m’est arrivé de la concevoir. Je ne prétends pas, toutefois, lui donner plus d’importance qu’elle ne mérite, ni l’émettre sans toutes les réserves requises.
«En attendant mieux, il ne m’est encore permis que de m’en tenir au doute vraiment philosophique. Ce n’est pas que, à l’exemple de Montaigne, je professe que le doute est le plus doux oreiller sur lequel puisse reposer une tête bien faite. Il me semble, au contraire, que la certitude, quand rien ne lui manque, est un oreiller plus doux encore. Mais, me demandera-t-on, quel est donc ce mieux que j’attends ?
Je vais le dire. J’attends que M. du Moncel, opérant lui-même, soit chez lui, soit ici, en présence d’une Commission élue par l’Académie, répète, un nombre suffisant de fois, et avec toutes les précautions et conditions voulues par la saine méthode scientifique, les expériences sur lesquelles s’appuie la théorie qu’il enseigne relativement au mécanisme du phonographe. Jusque-là, je ne saurais, malgré toute la sympathie que j’éprouve pour sa personne et l’intérêt que je prends à ses savantes recherches, je ne saurais, dis-je, partager sa foi phonographique.
«Par une sorte d’argumentum ad hominem, M. du Moncel dit que la phrase prononcée par moi est précisément celle que le phonographe a répétée le mieux ; et, ce qui m’a beaucoup flatté, il a eu la politesse de donner pour raison à cela que je l’avais fort bien prononcée. Il faut, en vérité, que mon caractère et mon esprit soient bien mal faits, pour ne pas m’avouer converti par une logique aussi éloquente. Que M. du Moncel veuille bien me pardonner une incrédulité qui, pour être vaincue, attend uniquement, comme je viens de le déclarer, l’heureux moment où, fonctionnant sous sa direction personnelle, toutes les conditions requises observées, en présence de la Commission demandée, il fera répéter au phonographe la phrase enregistrée par lui, telle que je l’ai prononcée, ce qu’il a déjà fait plus d’une fois, dit-il, en présence de certaines personnes. Alors, moi aussi, comme Thomas, ou comme la femme de Polyeucte, voire même comme Orgon, je m’écrierai : j’ai entendu, j’ai touché, j’ai vu, vu dis-je ce qui s’appelle vu, et je rendrai hautement des actions de grâce à mon victorieux confrère. Je viendrai proclamer ma défaite, au sein de cette Académie, et je n’en rougirai point ; car s’il y a quelque chose de plus beau peut-être que de découvrir la vérité, c’est de reconnaître son erreur. »
Passons maintenant au téléphone, ou, du moins, à une certaine transmission électrique des sons, objet de l’expérience en cause, et redonnons la parole au sceptique et méfiant M. Bouillaud.

II. Téléphone :
— La condition nouvelle par laquelle cet instrument se distingue de ceux déjà connus, au moyen desquels les sons se propagent à des distances plus ou moins éloignées, c’est qu’une machine électrique en fait partie comme moyen de renforcement.
M. du Moncel assure avoir reconnu, par ses expériences personnelles, l’influence de ce nouveau pouvoir électromagnétique, comme moyen de propagation ou de transmission des sons. Il a répété devant moi l’expérience déjà pratiquée devant l’Académie, pour prouver cette nouvelle propriété de l’électromagnétisme. Il y a, pour moi, dans cette expérience, je ne sais quelle illusion d’acoustique, dont un examen plus approfondi de l’appareil au moyen duquel on l’exécute permettra, je l’espère de se dégager.
Quant à l’expérience particulière, au moyen de laquelle M. du Moncel m’a fait entendre le bruit d’une montre placée dans une pièce de son appartement, distante d’un certain nombre de mètres, d’une autre pièce où nous étions, je ne crois pas me tromper en disant que j’aurais également entendu ce bruit, si le cornet dont je me servais pour l’écouter eût communiqué avec la montre, au moyen d’un appareil acoustique ordinaire, suffisamment multiplicateur du son et convenablement disposé.
J’ai observé, en effet, un bon nombre de faits à l’appui de cette assertion. Je n’ai pas eu le temps, depuis que j’ai été témoin de l’expérience de M. du Moncel, de faire construire un appareil spécial, pour démontrer que le bruit d’une montre peut s’entendre à plusieurs mètres de distance, quand il est transmis par un moyen conducteur suffisamment puissant.
Une seconde expérience téléphonique, dont M. du Moncel a bien voulu m’offrir le très amusant et joli spectacle, c’est celle de l’instrument qu’il appelle le condensateur chantant.
Elle consiste en ce que les chants d’une personne, recueillis par le téléphone, sont transmis par un appareil conducteur à ce condensateur, formé de feuilles de papier et de lames métalliques. Celui-ci les propage dans la salle où il est placé. Les chants ainsi formés, transmis, condensés, propagés, peuvent comme le tic tac de la montre, dont il a été question plus haut, cesser de se faire entendre, si l’on interrompt le circuit électrique, nécessaire, selon M. du Moncel, au jeu du téléphone.
Les chants communiqués au condensateur sont purement vocaux. Les paroles chantées, m’a-t-il été dit, ce qui, je l’avoue m’a surpris un peu, ne seraient pas transmises, condensées et propagées dans la salle. Quant à ces chants vocaux, ils offrent un timbre particulier qui ne peut guère se décrire, mais mérite d’être signalé.
Ce que j’ai dit de l’influence de l’appareil électrique du téléphone, à l’occasion de l’expérience relative au tic tac d’une montre, est applicable à celle dont il est actuellement question. Il ne m’a pas été suffisamment démontré, jusqu’ici, que cet appareil électrique jouât un rôle aussi important que celui dont on le considère essentiellement chargé.
L’argument que l’on fait valoir en sa faveur, c’est que l’on peut à volonté supprimer le chant en interrompant le circuit électrique et le reproduire en rétablissant le circuit. Ce raisonnement serait sans doute irréfutable, s’il était clairement démontré que nulle autre condition n’est intervenue pour déterminer le phénomène ; mais j’avoue franchement ne pas en avoir la certitude. Jusqu’à plus ample informé, je me contenterai donc de dire que par l’unique emploi d’un conducteur acoustique ordinaire, suffisamment énergique, on produirait les phénomènes, très curieux, je le répète, de l’expérience dont je viens de rendre un compte succint. »
M. Bouillaud semble ignorer que le téléphone de Bell est apparu en 1876, et que M. du Moncel en fait état dans son ouvrage de 1878, où il décrit les nombreux appareils suscités par cette technique nouvelle à d’imaginatifs inventeurs.

Venons en maintenant au «très amusant et joli spectacle » offert par le condensateur chantant.
M. du Moncel, dans son ouvrage déjà cité, le présente ainsi :
«Grâce à MM. Pollard et Garnier, nous pouvons aujourd’hui voir sortir les chants d’une espèce de cahier de papier, et cela avec une force telle qu’on peut les entendre dans tout un appartement. Sans doute, les chants ainsi produits ne sont pas toujours les plus purs ; cependant, quand la personne qui chante dans le transmetteur est un peu musicienne et a saisi la manière de s’en servir, le condensateur en question peut émettre des sons assez doux qui se rapprochent un peu de ceux du violoncelle ou du haut-bois. »
Suit une description des éléments constitutifs du système que nous résumons sous l ’illustration jointe.
— Schéma d’ensemble du dispositif dit du «cahier chantant »
K condensateur formé de 30 feuilles de papier superposées, de 9 cm x 1 3 cm, entre lesquelles sont intercalées 28 feuilles d’étain de 6 cm x 12 cm.
D borne de raccordement et de mise en parallèle des feuilles d’étain paires.
D’ borne de raccordement et de mise en parallèle des feuilles d’étain impaires.
E «transmetteur » : microphone à lames de fer blanc LL et charbons C et H.
R ressort.
V vis de réglage de la distance C-H.
P pile.
M bobine d’induction.

Redonnons la parole à M. du Moncel pour le mode d’emploi de l’appareil :
«Un poids assez lourd placé sur le condensateur pour serrer les lames, n’arrête nullement son fonctionnement ; il en affaiblit seulement les sons qui deviennent alors plus harmonieux, ce qui rend douteuse l’hypothèse des mouvements attractifs des lames qu’on avait émise à l’origine pour expliquer ces effets.

Pour obtenir le chant sur le condensateur, il faut régler le transmetteur de manière que les charbons C et H ne se touchent pas à l’état normal, mais soient assez près l’un de l’autre pour que, en chantant, les vibrations de la plaque LL puissent effectuer des contacts suffisants. On arrive facilement à ce réglage par le tâtonnement et en émettant une même note jusqu’à ce que le condensateur résonne. Si trois notes, faites successivement, sont bien reproduites, l’appareil peut être considéré comme suffisamment réglé, et pour le faire fonctionner, il suffit d’enfoncer la bouche dans l’embouchure, comme on le fait quand on chante dans un mirliton. »

Ce curieux appareillage a été construit (et vendu ?) par MM. Chardin et Prager, ce qui semble indiquer qu’il lui avait été trouvé une utilisation. M. du Moncel n’en fait pas mention.

Pour conclure cette petite incursion dans les tout débuts de la reproduction et de la transmission des sons, donnons la parole à Charles Bourseul (1829-1912) qui avait proposé, à sa hiérarchie de l’Administration des Postes, en 1853 — avant donc, Bell et Gray en 1876 — un projet de téléphone qui n’avait suscité aucun intérêt :
«Après les merveilleux télégraphes qui peuvent reproduire à distance l’écriture de tel ou tel individu et même des dessins plus ou moins compliqués » — allusion, sans doute, au pantélégraphe de Caselli, ancêtre du fax — «il semblerait impossible d’aller plus loin dans les régions du merveilleux. Essayons cependant de faire quelques pas de plus encore. Je me suis demandé, par exemple, si la parole ne pourrait pas être transmise par l’électricité, en un mot, si l’on ne pourrait pas parler à Vienne et se faire entendre à Paris. La chose est praticable ».
Ces propos sont rapportés, en 1878, par M. du Moncel, qui nous apprend aussi que Bourseul, inventeur méconnu mais sans rancune, se consacra au perfectionnement du téléphone de Bell, ce qui ne l’empêcha pas de finir sa vie ruiné.

Outre le compte rendu de l’Académie des Sciences, les éléments de cette étude sont tirés de l’ouvrage de M. du Moncel cité dans le texte.
Cet ouvrage contient de nombreux renseignements sur les appareils qui ont été imaginés pour réaliser la transmission électrique des sons et rejetés dans l’oubli par l’appareil d’Edison.
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La réponse de M. du Moncel ne tarda pas :


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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE NORMANDIE . SÉANCE DU 6 JANVIER 1879 .

M. Berjot met ses collègues à même d'apprécier les effets du condensateur chantant , L'appareil chantant consiste dans un condensateur formé de 30 feuilles de papier superposées , de 9 centimètres sur 13 , entre lesquelles sont intercalées 28 feuilles d'étain de 6 centimètres sur 12 , réunies de manière à constituer les deux armures du condensateur .
A cet effet les feuilles paires sont réunies ensemble à l'un des bouts du cahier de papier , et les feuilles impaires à l'autre bout . En appliquant ce sys tème sur un carton rigide , après avoir eu soin de le ligaturer avec une bande de papier , et en serrant les feuilles d'étain réunies aux deux bouts du condensateur avec deux garnitures de cuivre , munies de boutons d'attache pour les fils du circuit , on obtient ainsi un appareil qui joue le rôle d'un véritable chanteur .
L'appareil transmetteur se compose d'une sorte de téléphone , dont la lame vibrante est constituée par une lame de fer- blanc très - mince , au centre de laquelle est soudé un morceau cylindrique de charbon , et contre ce charbon appuie un autre cylindre de la même matière , qui est porté par une traverse de bois , articulée d'un côté sur le bord inférieur de la boîte du téléphone et fixée de l'autre côté sur le bord opposé de la boîte , au moyen d'une vis de réglage .
Un ressort arqué placé en travers de cette pièce lui donne une certaine élasticité sous son serrage , et cette élasticité est nécessaire pour le bon fonctionnement de l'appareil qui constitue une sorte de microphone à diaphragme . La lame de fer est mise en rapport avec l'un des pôles d'une pile de 6 éléments Léclanché , et le charbon inférieur correspond à l'hélice primaire d'une bobine d'induction , déjà reliée au second pôle de la pile . Enfin les deux bouts de l'hélice secondaire de la bobine sont reliés directement aux deux armures du condensateur ,
Pour obtenir le chant sur le condensateur , il faut régler le transmetteur de manière que les deux charbons ne se touchent pas à l'état normal , mais soient assez près l'un de l'autre pour que , en chantant , les vibrations de la plaque puissent effectuer des contacts suffisants .
M. Berjot , qui se trouvait avec le téléphone dans une pièce différente de celle où étaient placés ses collègues , a chanté dans ce téléphone , et les membres de la Société ont entendu le cahier de papier , et cela à diverses reprises , reproduire l'air qui avait été chanté dans le téléphone .
Des bravos répétés ont prouvé à M. Berjot toute la sur prise et tout le plaisir qu'il avait produits . M. Berjot promet à ses collègues de les entretenir dans la prochaine séance d'une application médicale du téléphone .

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Bulletin de la Société des sciences de Nancy , séance de 2 décembre 1878
— M. BICHAT fait sur le cahier chantant une communication expérimentale à la suite de laquelle il présente, sur la cause du son dans le condensateur chantant, les considérations suivantes :
Il est intéressant, dit M. Bichat, de rechercher l'origine du son que l'on obtient au moyen du cahier chantant. Indépendamment des changements de volume signalés par M. Govi et qui doivent avoir certainement de l'influence, je crois que l'on doit surtout attribuer la cause du son obtenu au bruit qui accompagne les décharges électriques produites dans des conditions particulières. Tout le monde connaît la vieille expérience dite de la pluie de feu signalée, je crois, pour la première fois par M. du Moncel. En même temps que l'on voit cette pluie de feu, on entend un certain son dont la hauteur et l'intensité varient avec la distance des lames de verre et la grandeur de la bobine que l'on emploie. Si, entre les lames, on met une poudre métallique, on voit cette poudre exécuter une série de mouvements de va-et-vient et le son change surtout de timbre. Lorsqu'il n'y a que de l'air, on
peut admettre par analogie que les molécules d'air exécutent le même mouvement de va-et-vient qui concorde avec l'émission du son. Une remarque importante pour le but que je me propose est la suivante : Si l'on emploie une bobine dans laquelle les interruptions du courant inducteur sont produites par une lame vibrante, on remarque que le son qui accompagne la pluie de feu varie de hauteur en même temps que le son de la lame vibrante. Si, au lieu de prendre seulement deux lames de verre, on en prend un grand nombre, l'épaisseur de ces lames de verre étant très faible, on peut, en empilant ces lames les unes sur les autres et y interposant entre elles de petits morceaux de carton, obtenir une pluie de feu dans tous les intervalles successifs, cette pluie de feu étant toujours accompagnée d'un son dont la hauteur varie avec h hauteur du son de l'interrupteur.
En résumé, on peut faire un condensateur chantant à lames de verre disposé de la même façon que le condensateur à feuilles de papier et fonctionnant de la même façon, mais plus difficilement. Il faut en effet que les étincelles qui doivent charger le condensateur à lame isolante en verre, aient une plus grande longueur que dans le cas où la lame de verre est remplacée par une simple feuille de papier.
Avec le cahier chantant, on ne peut employer que de petites bobines.
Si la bobine donnait de fortes étincelles, ces étincelles perceraient les feuilles de papier, et l'instrument ne fonctionnerait plus. Cela montre bien qu'il faut que l'étincelle présente la forme d'effluve et se produise de la même manière que dans la pluie de feu. Le condensateur à lames de verre marche au contraire de mieux en mieux à mesure que les dimensions de la bobine augmentent, et alors on voit trèsnettement avec une grande bobine la pluie de feu qui accompagne le chant et qui, d'après moi, en est la cause principale.
Ce qui me fait penser que l'intervalle d'air nécessaire à la pluie de feu est indispensable, c'est que, si l'on vient à presser fortement sur le cahier chantant, il ne fonctionne plus; on a beau charger les lames de verre séparées par les morceaux de carton, le condensateur à lames
de verre ne cesse pas de fonctionner.


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1879 Compte rendu des travaux de la Société des ingénieurs civils

On a construit depuis M. Hughes un grand nombre de microphones, et quelques-uns présentent des dispositions particulières qui permettent de
les employer comme parleurs , ce qui dispense de l'emploi des téléphones.

M. FICHET présente à la Société plusieurs microphones entre autres ceux de M. Trouvé, de M, Ader et un microphone à charbon oscillant de M. de Combettes.

Il présente également un autre appareil de M. Ader, appelé l'EIectrophone et dans lequel la plaque vibrante se trouve remplacée par une
membrane en papier-parchemin, sur laquelle est fixée une petite armature en fer placée en regard des pôles d'un électro-aimant, dont les bobines sont dans le circuit d'un microphone. Avec une membrane de 20 centimètres de
diamètre on reproduit facilement le chant et la parole avec assez d'intensite de son pour être entendu de toute une salle.

M. de Combettes» constructeur de cet instrument, présente aussi un spécimen du cahier chantant de M. Nouette.
Cet appareil est un condensateur formé d'une série alternée de feuilles de papier isolant et de feuilles d'étain communiquant deux par deux avec les fils positif et négatif du courant.
En chantant à une certaine distance devant un trembleur, cet appareil reproduit le son sans articuler la parole et avec un accent naûUard qui rappelle le son d'un mirliton.

Jusqu'ici, dans tous les appareils passés en revue, nous trouvons toujours, à un bout de la ligne, un transmetteur actionné par les vibrations de l'air
engendrées par la parole, et transformant ces vibrations en une série de courants d'induction se succédant d'une façon synchronique et correspondant aux vibrations de l'air produites par la parole, et à l'autre bout de la ligne, un récepteur dans lequel une plaque vibrante est mise en mouvement par les courants d'induction, et communiquant à son tour son mouvement vibratoire à l'air ambiant. Il n'y a, sauf l'intensité, aucune différence entre ce qui se passe aux deux bouts de la ligne, et la théorie du téléphone reproduite au commencement de la séance semble bien donner l'explication des faits.

Il y eut cependant dès l'origine, des incrédules, et plusieurs savants, H. du Montcel en tète, se sont demandé s'il était rationnel d'admettre que des
courants, assez faibles pour ne produire aucune action sur le galvanomètre, pussent cependant accomplir un travail mécanique comme celui de la mise en mouvement d'une membrane tendue. N'ayant aucune autre explication à donner en échange de la théorie de leurs adversaires, ils se sont contentés de formuler un doute et ont entrepris des expériences très délicates pour rechercher la vérité. Il serait trop long de les passer en revue, et il suffira, pour montrer combien ils avaient raison de se méfier de la théorie nouvelle, de dire qu'il existe des instruments qui reproduisent la parole et qui ne comportent ni membrane vibrante ni aucune pièce mobile.

H. FICHET présente à la Société un de ces instruments, le téléphone de M. Âder, qui se compose simplement d'un fil de fer doux planté dans une
planchette de sapin et entouré de quelques spires de fil de cuivre fin recouvert de soie. En mettant la planchette contre l'oreille, on entend parfaitement la parole d'un interlocuteur qui, placé à l'autre bout de la ligne, parle devant un microphone. Si l'on applique un poids contre l'extrémité libre du fil de fer, le son se trouve considérablement renforcé.

En pratique, M. Ader construit son appareil en soudant aux extrémités d'an fil de fer de 1millimètre de diamètre et de 5 centimètres de longueur, deux masses pesantes, et en disposant autour du fil de fer une petite bobine de fil de cuivre entourée de soie. On tient l'instrument à la main et, en
l'approchant de l'oreille, on entend le son avec une netteté satisfaisante. Le timbre de la voix est absolument conservé.
Avec cet instrument l'ancienne théorie n'est plus admissible, et il ne reste
plus qu'à admettre avec M. de La Rive que raiiuaulalion du fer produite par les courants d'induction produit un état vibratoire des molécules de fer, qui s'entrechoquent en produisant un son. Comme aucun mouvement n'est précipité à l'extérieur, on en est réduit à se demander comment ces chocs de molécule à molécule peuvent délenniner dans l'air ambiant les vibrations nécessaires pour impressionner la membrane du tympan. La réponse, à cette demande est, il faut bien le dire, encore à trouver.

Après avoir produit l'aimantation du fer au moyen de courants induits passant dans la bobine, M. Ader a supprimé la bobine et a fait passer les
courants induits dans le fil de fer lui-même.

M. FICHET présente à la Société l'appareil ainsi construit, qui transmet là parole comme le précédent.

En substituant au fil de fer un fil d'un métal non magnétique, on n'a obtenu aucun résultat; il semble donc que jusqu'à un certain point l'opinion
de M. de La Rive se trouve confirmée et que ce sont bien des phénomènes magnétiques qui déterminent ces chocs intérieurs d'où résulte le son.

Pour en avoir la preuve, H. Ader a placé sur une planchette semblable aux précédentes une bobine de fil de cuivre isolé en tout pareil à celui em-
ployé, mais sur laquelle le fil est enroulé très peu serré. Il n'y a plus là aucun métal magnétique, mais seulement du bois, du cuivre et de la soie,
et cependant l'appareil parle encore.

Quelle explication plausible en donner?

Si , au lieu d'enrouler le fil très peu serré, on fixe les spires d*une façon invariable au moyen de gomme laque, l'appareil devient muet. La gomme
laque est un isolant par excellence, les phénomènes électriques n'ont pas de prise sur elle, elle n'a pas produit d'autre effet que d'immobiliser les
spires, pourquoi le son cesse-t-il de se produire dans ce cas. Il est impossible dans l'état actuel de la science de fournir aucune explication satis-
faisante.

M. FICHET regrette que l'heure avancée ne lui permette pas de faire fonctionner tous ces appareils de M. Ader, qui lui ont été obligeamment confiés par M. Du Moncel pour la séance de ce jour, et pour le service desquels M. de Combettes avait eu la complaisance d'installer aux divers. étages de l'hôtel, des postes reliés par des fils isolés. Ces appareils du reste, tout en présentant un intérêt scientifique considérable, sont encore trop récents pour que l'inventeur ait eu le temps de les rendre susceptibles d'une application pratique.

Ceux qui ont été présentés tout d'abord, à savoir le téléphone de M. Gower et le téléphone avertisseur de M. Trouvé, sont au contraire des instruments tout à fait pratiques. Leur installation pour de courtes distances coûte déjà moins que celle des tuyaux acoustiques; et, pour des ateliers et des usines, ils sont dès maintenant en mesure de rendre les plus grands services.

M. LE PRESIDENT remercie Mr Fichet de son intéressante communication,
...


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Modèle vendu par Radiguet Massiot

Les Travaux du docteur Cornélius Herz :

1880 1881 Invention d'un Système téléphonique à condensateur .
Les travaux de Herz sont commentés pour la première fois dans la revue qu'il a créée en 1879, "La Lumière électrique".

Extrait de la revue "la lumière électrique" de 1881 , par Th Du Moncel (pages 97 ... )


















(suite page 108)


En 1882 le Scientific American du 22 Juillet 1882 lui conssacre 3 pages avec les très belles illustrations

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1881 Dolbear est un scientifique, qui à travailé sur "la transmission du son"

Basé sur le principe et théorie présentée par M. Du Moncel, il met au point un Téléphone électrostatique à condensateur,
brevet US 239 742 A, 5 avril 1881

et un autre Brevet "Mode of Transmitting Sound by Electricity". US 240 578 26 Avr 1881

Article paru dans la revue SCIENCE pages 310 -12 et 13

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