Le Réseautage Téléphonique , La Téléconvivialité

 

Une plongée nébuleuse dans la mémoire de ce réseau oublié qui dans les années 1970 ouvrait à des inconnus un espace téléphonique de dragues et de rencontres.
Bien avant le 36 15 du Minitel Rose, d'Internet, des sites de rencontres Meetic, Tinder et autres, des réseaux sociaux, Facebook, Instagram, Twitter, des chats et forums, du téléphone portable avec ses SMS, « le réseau » ou "réso" à été dans les années 70/80 un formidable et unique moyen de drague et de rencontres. Les centres téléphoniques électromécaniques à cette époque règnent alors en maître, dans ce réseau de transmissions analogique, une faille technique offrait la possibilité de dialoguer avec des correspondants plus ou moins inconnus, en général la nuit, où toute une faune "sortait alors du bois".

La faille :
Dans les années 1970, les personnes appelant un même numéro (par exemple l’Horloge Parlante INF 84 00 ou un numéro non attribué) se retrouvaient fortuitement en communication entre eux. Malgré le message répétitif du disque PTT de non attribution du numéro, ils réussissaient à s’entendre dans les « blancs » des messages PTT.
Les gens se téléphonaient aussi sur des numéros non attribués (certains étant « distribués » sous le manteau, d’autres étant trouvés par des chanceux qui téléphonaient au hazard). Au début, ils tombaient sur les films des machines parlantes habituelles avec leur message du type « Numéro non attribué »… Mais les messages de ces disques, au bout d’un certain temps, étaient déconnectés et c’est à ce moment là que l’on pouvait percevoir la présence d’autres correspondants plus ou moins près ou lointains et tenter des contacts.
Techniquement, à l’époque de l’électromécanique et de la communication analogique, il était impossible de parer à cette faille.

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Les Machines parlantes destinées à diffuser les différents messages sonores, enregistrés sur des films optiques.

Les premières Machines Parlantes destinées à fournir des explications aux usagers, en cas de fausse manœuvre ou d'encombrement étaient calquées sur la première Horloge Parlante (sauf qu'elles ne donnaient pas l'heure).
Les Messages Préenregistrés sont gravés sur des films optiques, tels qu'au cinématographe, enroulés autour d'un tambour rotatif afin de pouvoir être lus et relus par cellule photoélectrique sans aucune usure lors de la rotation dudit tambour.



Machine du Commutateur R6 de Toulouse, en service le 1er juillet 1933

Photo d'une Machine Parlante équipant un Commutateur téléphonique Crossbar CP400. Par la suite les films sont enregistré sur des pistes magnétiques..

En 1946, Wolfgang ASSMANN crée La société ASSMANN GMBH à Bad Homburg, en Allemagne.
Son principal marché : La Machine à dicter sur disque, inventé par M. Assmann.
Parallèlement à cette technologie, il développe une ligne de fabrication de matériels professionnels tels que la diffusion de messages (comme l'Horloge Parlante) et les enregistreurs de communications. ASSMANN GMBH développe ainsi les premiers enregistreurs à partir de leurs diffuseurs de messages durant les années 1960 et 1970.
En 1970, Assmann gmbh crée, pour le département machine à dicter, une filiale Assmann en France – La maison du magnétophone – qui distribue le matériel non professionnel (c’est à l’époque un gros marché en Allemagne et en France).


Chaque Machine Parlante est capable de délivrer aux usagers 6 films sonores différents qui sont mémorisés sur 2 tambours magnétiques de 3 pistes chacun.
Chaque film sonore étant lu par sa tête de lecture dédiée, située au dessus de chaque tambour. Au dessus des têtes magnétiques, les 6 amplificateurs audio.
Les 2 films les plus courants sont :
"Le numéro que vous avez demandé n'est pas en service actuellement. Veuillez consulter l'annuaire ou les services de renseignements" (en cas de numéro de téléphone demandé périmé).
"Par suite d'encombrement, votre demande ne peut aboutir. Veuillez renouveler votre appel ultérieurement." (en cas de saturation des capacités de transit du réseau téléphonique régional).


"Par suite d'encombrement votre demande ne peut aboutir. Veuillez renouveler votre appel ultérieurement."
"Le numéro que vous avez composé n'est pas en service actuellement. Veuillez consulter l'annuaire ou le service des renseignements."

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Certains réseaux fonctionnaient sans recourir à la faille
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Il s’agissait de circuits téléphoniques "pirates" crées par le bon vouloir de certains techniciens travaillant, soit dans les centraux téléphoniques, soit chez les équipementiers.
En effet, ces techniciens eux même pratiquant « le réseau ». Ils créaient en toute discrétion des raccordements provisoires sur certains joncteurs et diffusaient aux initiés les numéros d’appels concernés. Ces personnages faisaient la pluie et le beau temps du réseau en maitrisaient le temps de parole, sa qualité, l’ouverture et la fermeture du numéro d’appel. N’oublions pas que les interminables rangées de liaisons filaires des centraux téléphoniques des années 70 représentaient des kilomètres. Les branchements « bizarres » étaient difficilement localisables. Ces sympathiques techniciens avaient du temps à revendre, surtout durant les astreintes de nuit, pour bricoler et « réseauter ».
Pour « utiliser le réseau », il fallait simplement posséder un téléphone filaire et tout comme la CIBI de l'époque, choisir un Pseudo. Ensuite, tout était une question de persévérance pour trouver les ‘bons numéros’. Outre l’horloge parlante (033-84-00 ou Odéon 84-00), il s’agissait souvent de numéros non attribués dont la terminaison était répétée (ex 20-20). A cette époque la numérotation en région parisienne était à 7 chiffres et les 3 premiers chiffres définissaient la localisation géographique du centrale téléphonique (Odéon, Trudaine, Bolivar, Danton, etc…).
Les numéros ouverts par les techniciens des PTT étaient souvent des numéros mémo-techniques, voire des numéros formant un nom à partir du cadran rotatif du téléphone, par exemple JUSTINE (correspondant à JUSsieu (587) TI (84) NE (63) ou 587-84-63). Ils étaient des centaines à entrer en contact avec JUSTINE !!
Les modèles de téléphone de l’époque étaient le U43 ou le S63, propriété de l’état et il n’était pas question de les bricoler. Le micro était une pastille charbon dont la qualité audio et le rendement étaient médiocre. Pour mieux se faire entendre, certaines personnes investissaient dans une pastille micro « LEM », pastille de taille identique au micro charbon mais constituée d’un micro dynamique et d’un petit préamplificateur intégré. D’autres, plus astucieux utilisaient des interphones, appareils vendus à l’époque pour communiquer à distance à l’intérieur d’un bâtiment. La modification consistait à raccorder en sortie de l’interphone, non pas le second interphone, mais un petit transformateur d’impédance et de le raccorder avec des pinces croco sur le combiné à la place du micro. Enfin, la meilleure des solutions était d’utiliser un amplificateur spécifique.
Une fois le matériel et le pseudo réunis, il n’y avait plus qu’à se lancer et à appeler parmi le tintamarre général.
- Alexis appelle….
- Super Nana cherche un super mec ....
- Le sorcier, raccroche, je t’appelle....
- Allo, l’américain est sur le réseau…..
- Marianne appelle un garçon…..
- Prince Igor appelle Natacha……
- Allo, le vampire tu m’entends ? ....
- La souris ravageuse, répète, je n’ai pas compris…
- Hé la souris ravageuse, ici Cobra Futé, quand est ce que l'on se fait une bouffe ? ....
- Alors Cerise, tu as retrouvé ta queue ! ....
Généralement vous réussissiez à échanger quelques mots malgré le brouhaha général mais l’objectif final était de récupérer le numéro d’un correspondant (généralement du sexe opposé) et de l’appeler directement pour mieux faire connaissance.
Dans les années 70, période d’émancipation sexuelle, et il faut reconnaître que la grande majorité des utilisateurs du réseau étaient là pour la drague, les rencontres et la relation d'un soir…. D’ailleurs la célèbre animatrice de RTL, Ménie Grégoire n'hésitera pas à consacrer une émission entière sur ces rencontres très insolites pour l'époque .
A Paris, cette communauté était très «underground», l’anonymat y régnait mais cela n’empêchait pas les habitués à se retrouver afin de mettre un visage sur une voix. Les rencontres avaient lieu à Paris le mardi midi dans une brasserie du 17eme, "Le Courcelles" puis quelques années plus tard, le jeudi en fin d’après-midi à "l'Interlude", une brasserie prés de la Bourse...

Les témoignages du blog .
Nolwenn Fournier entend parler du "Réso" au travers de vieux souvenirs évoqués par son père, elle décide alors de partir à la recherche de ces ancien(nes) utilisateurs(trices) et d'explorer ce premier réseau social.
Rencontre au Troisième Bip est une plongée nébuleuse dans la mémoire de ce réseau oublié où se superposent archives personnelles, témoignages de réseauteurs, lectures et extraits de fiction. Ecoutez le podcast original pour une Expérience signée Nolwenn Fournier, réalisée par Véronique Lamendour.

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Le Réseautage de Business :
A cette époque, chaque ligne téléphonique en service raccordée sur un central Pentaconta aboutit, si l’on décroche le combiné téléphonique et que l’on téléphone à un numéro non attribué, sur un film (disque) de type numéro non attribué au bout d’un certain délai, le film s’arrête et l’abonné se retrouve alors dans le vide et le téléphone de l’abonné demeure toutefois alimenté …

En 1971, sur un système Pentaconta, chaque lecteur de film de numéro non attribué peut débiter son message jusqu’à 5 appelants qui appelleraient quasiment en même temps le même numéro non attribué… Donc pour résumer, si 5 personnes, qui se connaissent bien, téléphonent à une heure fixe convenue sur un même numéro de téléphone non attribué, ceux-ci se retrouvent alors aboutir sur le même lecteur de film, qui après un certain délai s’arrête… Mais à ce moment-là, ces 5 correspondants, qui ne se sont pourtant jamais appelés, se retrouvent en conversation tous ensemble, sans avoir à payer, et surtout sans pouvoir être tracés…
À Marseille, ce sont des malfrats et autres membres de la pègre, qui ont découvert cette faille de sécurité, et ainsi pendant paraît-il plusieurs années, ils se contactaient par ce moyen très sophistiqué, à partir de cabines téléphoniques ou de téléphones ne leur appartenant pas (les leurs étant probablement placés sur écoute) pour préparer leurs coups, tels que braquages, hold-up, livraison de stupéfiants, recels etc…
Ainsi, même écoutés sur leurs lignes téléphoniques personnelles, la Police n’y voyait que du feu et les malfrats pouvaient planifier leurs affaires tranquillement par le Réseautage Business avec ce système d’appels à heures fixes sur les mêmes numéros non attribués, à partir de n’importe quelle ligne téléphonique de Marseille… Tout en jouant aux petites filles modèles sur le téléphone de chez eux…
Il paraît que le pot aux roses fut découvert par hasard à Marseille par des techniciens des PTT de maintenance et qu’à ce moment-là, des écoutes officielles furent ordonnées directement sur les répondeurs de films, et qu’ainsi, la Police enfin prévenue des prochains coups de la pègre (lieux, heure, marchandise), fit tomber une grande partie du banditisme marseillais dans les années 70 par ce moyen…

L’existence du Réseautage Téléphonique était donc connue des hautes sphères, c’est ce r éseau occulte qui a donné un jour l’idée à Jacques Dondoux de lancer les premiers Réseaux de Convivialité (C’est ainsi que l’on les appelait à leur création), qui ont été présentés à partir de 1978 comme des plateformes du genre « sos solitude », qui avait tôt vite fait de passer à « J’ai besoin de compagnie » à enfin finir en un gigantesque baisodrome téléphonique… Le téléphone rose tarifé et lucratif était né, avec notamment les numéros commençant par le 36.69, on aura compris l’allusion… Et grâce à l’aide précieuse des commutateurs téléphoniques électroniques qui permirent la création de ces nouveaux services téléphoniques puis télématiques des plus spéciaux…
Pour ne pas laisser passer le train du réseautage, train clandestin mais tout de même connu dans toutes les sphères des Télécommunications, l'Administration décide de réagir afin de récupérer la manne qu'il pourrait rapporter en lançant une première expérimentation de Réseautage de compagnie - officiel, celui-ci et naturellement payant.

En 1978 Baptisée Téléconvivialité, l'expérimentation débute en Décembre dans la ville de Florac avec le numéro d'appel 07.11.11. L'expérimentation sera étendue à Mende dès Janvier 1979. Mais l'expérience ne réussit pas dans ces localités de Lozère. Il appert que le vivier soit insuffisant pour "amorcer", dans les zones à trop faible densité de population.
Dès le 15 mai 1979, l'expérimentation Téléconvivialité est dorénavant étendue à Montpellier, et dans cette zone urbaine à forte densité téléphonique, le succès est immédiat (voir l'article ci dessous).
Au mois de Mai 1980, les résultats se montrent encourageants, avec plus de 10.000 appels par jour vers ce service. Les numéros ainsi créés à Montpellier permettent, pour chacun d'eux, la connexion jusqu'à 10 abonnés simultanément, qui peuvent ainsi converser pendant des heures entre inconnus, ou entre habitués (avec une taxation à la durée, bien sûr...) et sortir ainsi de leur "isolement"...
À Montpellier, les 6 numéros de ces groupes de Téléconvivialité qui existent en Mai 1980 sont 07.11.11 ; 07.22.22 : 07.33.33 ; 07.44.44 ; 07.55.55 ; 07.66.66...
Le 11 mai 1981, le service de Téléconvivialité est officiellement créé par décret. La tarification est fixée à 1 demi-franc toutes les 5 minutes.

La Téléconvivialité ouvre dès 1981 à Marseille et se poursuit par Nice, Digne et Toulon en 1982... Nantes... puis Bordeaux en Janvier 1986 et fermera en Décembre 1987... la Téléconvivialité a definitivement été fermée en 1988.

Avec l'arrivée de la numérisation du réseau téléphonique (Électroniques Temporels) ce système occulte ne pouvait techniquement plus fonctionner. Ainsi, à Paris, la mise à la casse d’une proportion critique et suffisante de ROTARY 7A1, 7B1 et de PENTACONTA et autres CP400 sonna le glas du Réseau occulte vers 1980-82…

La Téléconvivialité débouchera indirectement à partir de 1984 sur la création du Kiosque Téléphonique, qui sera renommé Audiotel en 1992...
La marque Audiotel a été créée par France Télécom pour définir les services téléphoniques surtaxés.
Depuis 2006, France Télécom n'a plus le monopole de ce type de service qui est offert par de nombreux fournisseurs, comme SFR, groupe Orange, Remmedia ou A6Telecom.

Il existe de nombreuses tarifications, selon les numéros. On distingue principalement : les numéros dits « longs », commençant par 08
et les numéros à 4 chiffres, dits « courts », commençant par 3. Chaque numéro spécial est parfois lié à un numéro géographique : la connaissance de ce dernier permet de s'affranchir du paiement de la surtaxe Audiotel.

Le téléphone Rose
Un service de téléphone érotique, ou familièrement de téléphone rose (en raison de la connotation sexuelle de la couleur rose), est une plate-forme téléphonique offrant aux appelants la possibilité d'avoir des conversations à caractère érotique, éventuellement pour se masturber, souvent par le biais d'un serveur vocal interactif.
A compter du 1er janvier 2017, l'ensemble des services téléphoniques surtaxés et destinés à un public adulte doivent obligatoirement être proposés sur la tranche de numérotation 08 95
La plupart de ces services sont payants. La transaction peut s'effectuer de deux manières :
- par le biais d'un numéro surtaxé, dont le tarif est prélevé directement sur la facture téléphonique du client par l'opérateur, qui partage ensuite ces revenus avec l'éditeur du service en lui en reversant une partie ;
- par le biais d'un numéro à tarif normal, mais le client est invité à communiquer son numéro de carte bancaire, le montant étant alors prélevé sur son compte.
Une pratique courante quoique illégale est de séparer l'accès des hommes et celui des femmes, dans le but d'octroyer à ces dernières des tarifs plus avantageux, voire la gratuité. En effet, les hommes étant plus nombreux que les femmes, il s'agit de les inciter à participer davantage.
Les clients peuvent être mis en relation avec :
d'autres clients, auquel cas l'objectif peut également être un contact à l'extérieur du service ; des salariés de l'entreprise éditant le service, le client n'étant alors pas nécessairement informé du fait que son interlocuteur n'est pas un autre client, mais qu'au contraire il est rémunéré pour ces dialogues.
Les contacts peuvent se présenter sous la forme : d'écoutes de récits pré-enregistrés par des comédiens, de boîtes aux lettres vocales, d'échanges de messages en temps réel, de conversations en direct, éventuellement sur le mode de la mise en relation aléatoire, s'apparentant alors au speed dating, voire de conférences à plusieurs. Il est parfois possible de procéder à une sélection des interlocuteurs par critère (région géographique, sexe, âge).
Certains services proposent d'assister, sur le mode du voyeurisme, aux dialogues des autres clients sans participer (ceux-ci étant bien entendu informés qu'ils peuvent être écoutés).
Les employés peuvent soit travailler depuis leur domicile, sur leur ligne personnelle, soit dans un centre d'appel.
Tout comme d'autres services téléphoniques à bas coûts salariaux (voyance par téléphone), le téléphone rose n'échappe pas à l'externalisation des appels. C'est-à-dire qu'une hôtesse française peut également prendre des appels passés par des clients belges ou suisses romands.
Les employés assument parfois en parallèle la fonction de surveiller les dialogues entre clients, afin de s'assurer de leur légalité1 et ils sont considérés comme des travailleurs du sexe. Sauf dans le cas de services à caractère homosexuel, il s'agit généralement de femmes : les clients étant essentiellement des hommes.
Les services sont parfois spécialisés par orientation sexuelle (hétérosexualité, homosexualité masculine ou féminine), ou par pratique (sado-masochisme, sexualité de groupe, fétichisme).
La promotion de ces services se fait généralement par le biais de petites annonces ou d'encarts publicitaires, dans la presse masculine ou pornographique, à la télévision ou la radio tard dans la soirée et la nuit, sur Internet, ou encore par affichage.
En France, les entreprises éditrices de services télématiques s'engagent à suivre les Recommandations déontologiques émises par l'AFMM (Association Française du Multimédia Mobile).

Le téléphone rose dans la culture populaire
- En 1980, la chanteuse française Sheila, dans sa chanson L'amour au téléphone, adaptation par son producteur Claude Carrère et l'auteur Jean Schmitt de la chanson Love on the phone de Suzanne Fellini, joue le rôle humoristique d'une femme choquée par les personnes qui selon elle utilisent le téléphone rose, tout en avouant pourtant s'y adonner elle-même.
- Sex over the phone, chanson des Village People (1985).
- En 1991, le clip de la chanson Sweet Emotion d'Aerosmith met en scène une conversation de téléphone rose ; la fin du clip révèle que l'hôtesse ne correspond pas à l'image jeune et sexy que le personnage s'en faisait dans ses rêves, puisqu'il s'agit en fait d'une vieille femme obèse ayant un bébé.
- En 1993, dans le film américain Short Cuts de Robert Altman, Jennifer Jason Leigh gagne sa vie à travers le téléphone rose. Elle excite ses clients au téléphone en lisant divers mini-scénarios.
- En 1994, dans le clip de sa chanson Confide in Me, la chanteuse australienne Kylie Minogue incarne une hôtesse de téléphone rose invitant le téléspectateur à l'appeler et à se confier à elle.
- En 1996, dans le film américain Girl 6 de Spike Lee, Theresa Randle incarne Judy alias Girl 6, une hôtesse de téléphone rose.
- En 1997, dans le film japonais Eat the Schoolgirl, un jeune yakusa noue une relation avec une hôtesse de téléphone rose.
- L'agent spécial Larry B. Max de la série BD IR$ (1999), noue une relation ambigu avec une Gloria Paradise hôtesse de téléphone rose.
- En 2001, dans l'épisode 13 de la saison 7 de la série télévisée américaine Friends, le personnage de Phoebe avoue avoir travaillé pour un service de téléphone rose.
- En 2002, dans le film américain Spun de Jonas Akerlung, Spider Mike appelle un service de téléphone rose dont l'hôtesse est Debbie Harry.
- En 2002, dans son sketch Le Téléphone rose, l'humoriste français Jean-François Dérec interprète le rôle de Gérard Bouchard, client d'un serveur vocal de téléphone rose.
- En 2005, dans l'épisode 20 de la saison 6 de la série télévisée américaine Malcolm, Hal découvre une facture pour un téléphone rose, les appelle pour se plaindre mais raccroche mal le combiné ce qui conduit à un appel à huit cents dollars.
En 2006, dans le premier épisode de la quatrième saison de la série télévisée américaine Nip/Tuck, Kathleen Turner incarne le personnage d'une hôtesse de téléphone rose de 50 ans qui souhaite une opération de chirurgie esthétique pour rajeunir sa voix.
- En 2009, dans la saison 5 de la série télévisée française Plus belle la vie, le personnage de Wanda Legendre travaille comme hôtesse de service téléphonique à caractère sado-masochiste pour survivre.
- En 2012, dans le film américain American Sexy Phone de Jamie Travis, où deux colocataires décident de monter une entreprise de téléphone rose.
- En 2022, la série américaine Dirty Lines [archive] diffusée sur Netflix retrace le parcours de 2 frères à l'origine de la société de téléphone rose hollandaise Teleholding. On y voit Marly, une étudiante, prendre un travail d'hôtesse en parallèle de ses études.

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La communication téléconviviale
Article de Alain Briole

L'espace ouvert par la Téléconvivialité est un espace public, un espace social. Malgré les apparences, il n'est pas la somme des individus qui participent aux échanges, mais le lieu d'un échange réglé, où tous éprouvent l'existence du collectif : il est frappant, en particulier, de repérer dans ce tourbillon de paroles la permanence de formes anciennes de l'échange qu'on aurait cru aboli.
De troublantes correspondances s'établissent quand on rapproche l'usage de la Téléconvivialité et l'image du téléphone, que d'autres études ont pu mettre à jour : ici et là, on retrouve le même partage des sexes et des comportements, comme une continuité remarquable des représentations les plus ancrées dans l'individu à leur expression publique. Nous aurions pu alors, par une démarche psychologique, rechercher des motivations chez les individus ; plus intéressant nous paraît le repérage des mécanismes à l'oeuvre, dès qu'ils se mettent à jouer.
Ce qui permet en effet d'identifier la Téléconvivialité comme un médium de la communication locale, c'est bien d'y reconnaître une instance qui transcende les relations immédiates, entre individus. Que des figures de discours apparaissent en filigrane des messages apparemment incohérents de la Téléconvivialité ne peut être le fait du hasard. Ce n'est donc pas la simple simultanéité des appels de quelques individus qui peut créer l'échange, inexprimée, latente, une règle s'impose. Elle est la manifestation de l'organisation sociale. Elle nous entraîne au-delà du niveau psychologique, indiquant quel champ de la communication locale occupe la Téléconvivialité : celui de la communication symbolique. Ainsi, accède à l'espace public, ce qui jusqu'ici relevait d'un autre partage des échanges sociaux.
Les conditions d'appel
Même confiée à l'invisibilité du réseau téléphonique, aucune conversation ne peut être détachée du contexte dans lequel elle se tient. La localisation des intervenants sur le reseau présente à cet égard un intérêt certain, puisqu'elle influe notablement sur les comportements des téléconvives, à la difference des cibistes qui peuvent utiliser leur matériel sans contrainte spatiale. Les téléconvives sont en effet plus limités par les conditions d'appel : ils ne peuvent accéder au réseau téléconvivial que par un poste téléphonique.La situation de celui-ci, à domicile, au travail où dans les lieux publics, rend plus ou moins précaire la communication que tient l'adepte du 07.
L'appel à domicile

Privilégié au démarrage de la Téléconvivialité, car le dispositif a couvert initialement une aire surtout résidentielle, ce type d'appel bénéficie d'une latitude d'utilisation plus grande. Les perturbations extérieures sont réduites et la durée des communications n'est soumise qu'aux limitations d'ordre personnel.

Extrait de "La téiéconvivialité à Montpellier" ( mai 1979 - juin 1981 ), de Alain BRIOLE, Irène LE ROCH et Emmanuel de SAINT-LAURENT © ID ATE-MO NTPELLIER.-

Le téléconvive peut donc interrompre son appel quand il le désire, si la conversation l'ennuie ou s'il estime que sa note de téléphone risque de grever trop lourdement son budget. L'appel à domicile réunit également les conditions d'une meilleure écoute; à la possibilité de s'asseoir ou d'adjoindre un amplificateur, s'ajoute parfois la possibilité de mener de front d'autres activités : écouter et commenter la télévision collectivement, préparer un repas et se faire chauffer un café, bricoler, tricoter, etc..
L'appel au travail

Q uand un téléconvive décide d'appeler de son travail, il prend le risque d'être surpris, interrompu ou requis pour l'exécution de sa véritable tâche, mais il profite de la prise en charge de la taxation par l'entreprise qui l'emploie. Cet avantage doit être décisif, car les appels "professionnels" ont fait littéralement exploser l'utilisation de la Téléconviviaiité, au moment ou l'ensemble de l'agglomération montpelliéraine a été connectée au réseau. Les utilisateurs se relayaient alors au bout du fil, immobilisant en permanence une ou plusieurs lignes de l'entreprise.Un certain nombre de patrons ont alors protesté auprès de l'administration ou demandé la mise en place d'un service restreint excluant l'accès au 07.
Un certain nombre d'appels ayant lieu collectivement, il convient de réviser l'opinion selon laquelle les téléconvives sont des esseulés dans le monde anonyme de la ville. Dans le cas qui nous occupe ici, il serait plutôt l'indice d'un intérêt médiocre pour le travail qu'on exécute, travail administratif essentiellement.

L'appel dans les lieux publics (cabines, etc.)

Les cafés et surtout les cabines publiques sont parfois utilisés par les téléconvives qui acceptent des conditions picis précaires d'appel; l'environnement est souvent bruyant, et il faut éviter de gêner d'autres utilisateurs du téléphone; dans les cabines, il faut en outre se munir d'une provision de pièces permettant de poursuivre la conversation pendant un certain temps.
Conséquences de l'hétérogénéité de lieux d'appel
La variété des modes d'accès au 07-11-11 introduit une inégalité dans la position des intervenants respectifs; les contraintes qui sont liées à l'appel en cabine, notamment l'interruption brutale de la communication mettent le téléconvive en situation précaire et limitent ses possibilités de leadership de la conversation. Ce trait agit aussi défavorablement dans l'appel provenant de lieux de travail, bien que la gratuité de la communication contribue à une utilisation prolongée. Finalement, ce sont sans doute les appels à domicile qui qui réunissent les conditions les plus favorables à l'affirmation des animateurs des échanges téléconviviaux.
La position inégaie des intervenants influe sur la tenue et le déroulement même des conversations; la rupture éventuelle du dialogue, par le départ brutal d'un interlocuteur, a entraîné une période de flottement, souvent génératrice de l'apparition d'un nouveau sujet de conversation ou de la prise de parole d'un intervenant jusqu'alors discret. Le rôle spécifique du lieu d'appel est en fait assez difficile à préciser par la seule écoute de la Téléconvivialité. Les appels en provenance des lieux de travail sont vraisemblablement nombreux : il faut accorder une place toute particulière aux standardistes, de nuit ou de jour, qui de par leur profession sont en contact constant avec le téléphone et qui servent d'intermédiaires ou de messagers aux autres téléconvives.
Les conversations Caractéristiques formelles
L'analyse de la durée des échanges, de la taille ou de la composition sexuelle des groupes qui se constituent et se défont sur la Téléconvivialité contribue à préciser les contours sociologiques de la parole téléconviviale. L'observation fait apparaître une majorité d'échanges courts, d'une durée approximative d'un quart d'heure. Les quelques conversations qui se prolongent au-delà excèdent très rarement quarante cinq minutes. Ce sont les groupes de deux ou trois personnes qui privilégient les échanges courts, alors que les groupes plus nombreux, (pour ménager à chacun son temps de parole ?) occupent la ligne plus longtemps. Parmi les groupes les plus nombreux, il faut remarquer une importante prédominance masculine; Les hommes sont d'ailleurs les principaux intervenants sur le 07 : les femmes sont rarement seules à occuper la ligne. Elles n'interviennent qu'au sein des groupes qui comptent aussi des hommes.
Les conversations : un style implosif
La forme des conversations téléconviviaies ne suit pas un déroulement ordonné par l'intervention de paralangages tels que regards, mimiques diverses, ponctuant un échange plus ou moins structuré. Ici, le discours s'organise principalement autour de questions et des réponses qui leur sont faites. Ce mode interrogatif/affirmatif favorise la description, l'expression des opinions, voire le discours égocentrique tenu pour des oreilles invisibles. Cette forme de conversation s'accompagne d'une redondance très forte des discours des uns et des autres; les sujets de conversation, précairement maintenus pendant quelques minutes, finissent par se perdre.
Les conversations : à la recherche d'un sujet
Identifiés grâce à l'analyse du contenu des conversations, trois ensembles de thèmes constituent la matière essentielle des échanges :
1) Les thèmes relatifs à la connaissance réciproque des interlocuteurs. Dans ce groupe, se trouvent les sujets relatifs à la découverte des interlocuteurs .présents sur la Téléconvivialité.
a) Description physique des téléconvives
La nécessité de se représenter physiquement les personnes avec lesquelles on engage une conversation est une des constance des échanges sur la ligne; il en est de même pour le rapport entre la voix entendue et le physique supposé et décrit. Ce domaine est particulièrement propice à l'invention de personnages imaginaires. L'appel à l'imagination ne comporte qu'un risque, mais il est de taille ; c'est celui de décevoir un jour les interlocuteurs à qui l'on pourrait donner un rendez-vous.Quelques figures du réseau ont ainsi vu leur "représentation" taillée en pièces par des téiéconvives déçus par leur apparence physique. D'autres acceptent le décalage entre le personnage du- réseau et celui rencontré en face à face comme faisant partie du "jeu" téléconvivial.
b) Description de la personnalité des téléconvives.
Cette rubrique comprend autant d'interrogations sur le travail des téiéconvives que sur leur occupation au moment de l'appel. Elle inclut ainsi la référence faite a l'utilisation simultanée d'un autre médium, télévision, radio, etc..
2) Thèmes relatifs à la communication sur le support ou l'échange convivial
En l'absence des paralangages du face à face, les rituels d'identification ou d'entrée en contact occupent les téiéconvives, dès qu'un nouvel interlocuteur entre en ligne. Il en est de même de l'évaluation du nombre d'intervenants, des commentaires sur le fonctionnement du dispositif, d'une demande de discipline dans les échanges, comme de tout ce qui perturbe la communication: les interpellations, les provocations, les défis et les insultes.Il faut aussi ranger dans cette rubrique toutes les références aux conversations passées, où l'évocation d'un ou plusieurs interlocuteurs absents permettent de classer les utilisateurs en anciens, permanents, épisodiques ou nouveaux.
Enfin, dans cette rubrique sont également compris tous les thèmes qui évoquent un rendez-vous sur la ligne. Le passage du 07 à une communication à deux sur une ligne privée, l'échange de ces numéros et les suggestions que les intervenants proposent pour l'utilisation générale de la Téléconvivialité.
3) Thèmes relatifs à la vie personnelle des interlocuteurs
Les anecdotes concernant la vie familiale, professionnelle ou sociale des individus, leur vie quotidienne, leur réflexion sur des problèmes domestiques, la cuisine, le coût de la vie, leur opinion positive ou négative sur les relations sociales ont été rangées dans la rubrique "vie professionnelle". Les allusions grivoises, l'évocation des relations amoureuses (voire intimes) des interlocuteurs relèvent également de cette rubrique, comme les propositions de rencontres, l'acceptation ou le refus de ces rencontres et la référence à des rencontres déjà réalisées. Il en est de même des thèmes tels que la solitude, les loisirs, la politique ou la religion, qui sont le plus souvent intégrés à la palette des opinions déterminant les individus. Ainsi les loisirs incluent-ils les vacances mais aussi les sorties, les occupations de détente, la fréquentation des cinémas ou la pratique d'un sport. Les deux premières catégories rassemblent donc les thèmes les plus spécifiques à une conversation téléconviviale qui est en grande partie déterminée par la configuration de son support technique. La dernière nous ramène par contre aux conversations que l'on peut entendre en tous lieux publics.Rien d'étonnant à ce que le support soit un thème privilégié de la conversation; l'innovation a besoin d'un temps d'intégration. 11 est en revanche intéressant de relever cette induction par la technique des thèmes liés à la vision, à l'apparence, à la définition de soi : par sa forme même, le médium suscite le jeu de prédilection des téléconvives, celui de l'identité.
Les thèmes principaux de la conversation
En fréquence absolue, les thèmes les plus fréquents sont ceux qui sont presentsrelatifs à l'échange téléconvivial, contemporain ou passé, aux interlocuteurs ou communs, enfin à l'utilisation de la Téléconvivialité elle-même.
Cette communication est donc en fait une "métacommunication" qui se rapporte autant au principe technique qu'aux intervenants en présence et à la dynamique même de la conversation téléconviviale. D'autres thèmes moins fréquents y font également référence : ce sont les commentaires provoqués par les perturbations, les interpellations, ou la référence à l'"écoute" du réseau.
Venant en deuxième position dans l'échelle des fréquences, les thèmes plus personnalisés concernent les loisirs, la vie quotidienne, la vie professionnelle ou familiale.Dans ce groupe, certains sujets de conversations ont contribué à l'image du "téléphone rose" ou du "réseau drague". Ils évoquent directement les relations amoureuses que les intervenants vivent ou souhaitent établir avec d'autres téléconvives; ce sont également les rencontres que les hommes proposent aux femmes. Il faut remarquer ici que les thèmes les moins chargés sont ceux qui font une allusion precise à la vie sociale des interlocuteurs, à leurs opinions politiques, ainsi qu'à leurs positions sur la vie en général. C'est donc comme si tout ce qui identifie sociologiquement le téléconvive était proscrit sur le réseau, à l'exception de la vie professionnelle.
Au départ, un statut et un seul suffit. Au delà, la définition de l'individu relève d'une transaction : il s'agit, par échange, d'accéder à une image satisfaisante de soi. Non plus à cette identité lourde qui vient du dehors et détermine tous les instants de la vie, mais une identité mobile, malléable, qu'on a contribué soi-même à forger et toujours susceptible d'être modifiée. D'une certaine^ façon, la fugacité des échanges téiéconviviaux pourrait être la compensation nécessaire au caractère irrémédiable des biographies personnelles.
La conversation et la durée
L'émergence ou la répétition de certain thèmes sont notablement liés à la durée de l'échange. Les conversations courtes révèlent un besoin de connaître la personnalité extérieure des intervenants, ou sont relatives aux thèmes qu'induit l'utilisation du support, ainsi qu'à tout ce qui fait référence à la durée de la Téléconvivialité elle-même. Dans les conversations longues (associées aux groupes plus nombreux) le rituel d'identification des intervenants occupe une place importante au démarrage des conversations. Les plaisanteries plus ou moins grivoises et l'évocation de sujets ou d'anecdotes sur la vie personnelle des intervenants viennent ensuite. Cette thématique, présente au début d'une conversation, n'est peut- être pas étrangère à sa durée et à l'intérêt plus ou moins soutenu que manifestent les participants...
La conversation et le groupe
Dans les groupes de deux ou trois personnes, le nombre restreint de participants élimine tous les thèmes qui renvoient à la perturbation de la communication, à la discipline des échanges, aux demandes de détails sur la vie des interlocuteurs ou à la description spontanée que ceux-ci peuvent en faire. Les propositions de rencontres, surtout entre deux femmes, ne semblent pas favorisées par la tenue d'une communication en groupe restreint. L'évocation de rencontres hors réseau, l'échange de numéros privés, les sujets où se révèlent les opinions, se prêtent également peu à l'échange confidentiel. Les thèmes les plus prisés semblent ceux d'une conversation générale, peu implicante pour les différents interlocuteurs. Dans les groupes de plus de quatre personnes, les thèmes qui révèlent une implication personnelle sont plus souvent évoqués; les confidences apparaissent d'autant plus fournies que le nombre de confidents est élevé; c'est ainsi que les allusions aux relations intimes, l'évocation plus directe de ces questions se font surtout dans les groupes de six personnes et plus. Il en est de même pour les propositions de rencontre entre hommes et femmes.
Discours féminin, discours masculin
Les hommes, plus nombreux sur le réseau, sont aussi les plus "bavards"; leurs sujets de conversation varient toutefois selon la présence des femmes.tion des rencontres réalisées hors réseau. Ils n'hésitent pas non plus à évoquer directement les relations sexuelles. Quand les femmes sont plus nombreuses, les sujets de conversations tournent autour des goûts ou des activités des individus en présence. Les propositions de rencontres, les propos galants dominent, avec une forte correlation avec les ponctuations que constituent les interpellations, les provocations ou les perturbations. Dans les groupes mixtes où les hommes sont les plus nombreux, ce phénomène se manifeste plus fortement, traduction de la compétition et des rivalités qui éclatent sur le réseau quand des voix de femmes interviennent. Enfin, les groupes où les femmes dominent connaissent peu de perturbations et un intérêt dominant dans la conversation pour des thèmes comme les loisirs ou la vie professionnelle; également, les groupes à dominante femmes parlent également des rencontres réalisées sur le réseau.
Pour le thème "relations intimes", le sujet n'est pas abordé directement; les groupes procèdent plutôt par allusion.
La dynamique des conversations Dynamique thématique
La dynamique thématique se révèle à l'examen de l'articulation chronologique et structurelle des thèmes entre eux.
Les cycles de conversations
En début de conversation, les thèmes qui sont associés à l'utilisation même de la Téléconviviaiité dominent largement; il est en effet attendu que l'identification ou l'évaluation du nombre d'intervenants figurent au premier rang des préoccupations de ceux qui appellent. De même, les thèmes "Activité pendant l'appel" ou "référence à une conversation passée" situent les interlocuteurs dans leur cadre personnel ou les désignent comme téléconvives périodiques. La prise de contact opérée, la conversation se poursuit avec un passage à des thèmes d'ordre général "loisirs", "vie quotidienne et familiale". L'ébauche des propositions de rencontre se dessine, suivie de très près par les pauses provoquées par les interpellations ou la référence aux relations intimes. Cette phase se termine semble-t-il, par un retour aux thèmes qui font référence au support ou à l'échange lui-même. Ce retour, motivé par les arrivées de nouveaux interlocuteurs, remplit également une fonction de pause, un peu différente de celle associée aux perturbations, dans la mesure où elle contribue plus à une réorientation du contenu des conversations que celles dues aux perturbations des échanges. Les arrivées, en effet, provoquent plutôt un renforcement, une répétition du thème ou des propos dont les participants souhaitent maîtriser l'apparition et l'interruption. Plus la conversation s'avance et plus les thèmes se diversifient. Dans la même période, apparaissent les propositions de rencontres hors réseau (sur les lignes privées ou en face à face). Ce n'est que dans la phase terminale de certaines conversations ou dans la transition médiane des conversations longues que l'évocation des relations galantes occupe une place prépondérante. C'est également dans les queues de conversation qu'apparaissent les opinions des interlocuteurs sur la vie en général, la solitude, la référence à l'écoute ou aux différentes utilisations possibles de la Téléconvivialité. Il faut donc un certain temps pour que l'échange se discipline et permette l'apparition de thèmes dont le contenu se rapproche d'une conversation en face à face entre des interlocuteurs ayant fait connaissance préalablement.Les fins de conversations longues voient en effet beaucoup moins de perturbations ou d'interpellations, à l'exception de celles provoquées par les arrivées nouvelles sur le réseau.
Structure de la conversation
La mise en évidence des structures latentes des communications repose sur la coprésence de certains thèmes et leur distance avec d'autres. Deux groupes de thèmes apparaissent avec une co-occurence très forte. Ce sont les thèmes relatifs à la communication sur le support ou l'échange téléconvivial et les thèmes relatifs aux rencontres (proposition, acceptation, refus, localisation, évocation d'une ou plusieurs rencontres réalisées). Ils présentent non seulement une forte connexité interne, mais apparaissent en relations étroites l'un avec l'autre.Autour de ces deux noyaux se disposent des groupes de thèmes plus restreints, et diversement liés aux deux premiers :
- les thèmes évoquant ou faisant allusion aux relations intimes,
- les thèmes relatifs à la vie quotidienne professionnelle, sociale ou familiale.
- les protestations, les commentaires aux perturbations, les interpellations,
- les thèmes descriptifs du physique, du rapport voix/personne, etc.
Agencements thématiques
Les deux noyaux décrits précédemment sont fortement coprésents toutefois, chacun a des liens privilégiés avec les autres groupes. Par exemple l'ensemble des thèmes relatifs au support ou à la communication téléconviviaie est également liée aux groupes de thèmes "vécu quotidien", aux ponctuations, aux loisirs et aux descriptifs des caractéristiques des interlocuteurs.
• L'ensemble "rencontres" apparaît, quant à lui, en corrélation étroite avec tous les thèmes évoquant de près ou de loin les relations "courtoises" (dans l'orbite desquelles nous trouvons une liaison assez forte avec la "demande d'une discipline dans les échanges") et les thèmes évoquant le passage de la Téléconvivialité à l'usage traditionnel du téléphone (vraisemblablement pour mettre au point ou confirmer un rendez-vous à l'abri des gêneurs et des oreilles indiscrètes.
D'autres liens apparaissent très nettement. C'est ainsi que l'évocation des relations intimes est fortement rattachée à l'identification ou à l'évaluation préalable des intervenants, les demandes de descriptions physiques aux rencontres proposées par les hommes aux femmes. L'identification des intervenants est également évoquée par ceux qui refusent ou acceptent les rencontres; le thème "échange de numéros privés" se trouve souvent présent dans le voisinage de ces thèmes.
Deux discours principaux se dégagent donc :
- l'un fait d'une forte métacommunication, lié à une banalisation des propos,
- l'autre plus "activiste", orienté vers un but, la rencontre en face à. face,On peut en discerner un troisième, plus impersonnel et plus anonyme, où l'évocation des loisirs, de la vie quotidienne et de la solitude vient confirmer le besoin de parler qui s'exprime dans l'utilisation du 07.
La faible implication personnelle que révèlent ces thèmes est également indicatrice d'une des utilisations de la Téléconvivialité, celle qui préfère l'échange de propos anodins aux rencontres hors réseau.
Peut-on, de ces trois tendances, déduire des usages sociaux de la Téléconvivialité et leur appliquer une fonction ?
On serait tenté de voir dans le second type de discours dominant une simple substitution à des conduites sociales repérables en d'autres lieux. Le premier type et le dernier seraient en revanche l'esquisse d'une nouvelle sociabilité, à distance, épurée de toute rencontre, une disjonction radicale de l'être physique et de son discours.Cette première partition n'est qu'une hypothèse : rien n'indique en effet que les choses en resteront la.
L'échange social qui s'élabore sur la Téléconvivialité ne permet qu'à titre provisoire d'isoler les rencontres physiques de celles du réseau : et si, par reversion, ia rencontre s'absorbait d'abord dans l'échange Téiéconvivialité ?
Il y a en effet des signes évidents de l'émergence d'une nouvelle relation interindividueile qui fonctionnerait "au collectif", "au social", déterritorialisée. La dynamique des échanges en témoigne. Un nouveau rapport à l'espace pourrait bien naître de ce nouvel échange.
Dynamique du groupe
On ne peut distinguer le discours de son auteur qu'arbitrairement. La dynamique de la conversation, c'est donc la dynamique du groupe qui ia fait. Or, le groupe téléconvivial se définit par plusieurs critères : c'est un groupe lié par la parole et un groupe à distance par définition ; il est éphémère dans la durée et se recompose au hasard des rencontres ou à la faveur d'un rendez- vous en face à face. Les mécanismes qui président à son élaboration et à son maintien empruntent des traits aux sociétés orales, aux sociétés secrètes ou à la société des média.
L'identification des téléconvives Les surnoms et le tutoiement
Dès les premiers jours, les utilisateurs de la Téléconvivialité se sont désignés par des surnoms. Ces désignations ont été surtout le fait des téléconvives eux-mêmes; d'une manière générale, elles sont choisies en fonction de l'humeur du moment, de l'actualité, d'un prénom passe-partout ou d'une trouvaille linguistique. Cette pratique renvoie à deux processus sociologiques : l'identification dans les sociétés orales traditionnelles, et celle en vigueur dans les sociétés secrètes. Dans le premier cas, le surnom est attribué à un individu pour le particulariser au sein de son groupe d'appartenance; tout y est connu par tous puisque les sociétés traditionnelles sont regies par une interconnaissance très forte. Le surnom a un rôle de différenciateur discret : il est ce qui marque la position individuelle dans un groupe où les liens sont forts. Dans l'autre cas, le surnom est attribué à un membre d'un groupe de référence, élu par un sujet pour l'idéal ou l'action qu'il poursuit.
Dans ces groupes, l'individu tend à se séparer de son personnage social, à abandonner parfois sa personnalité au profit d'une symbiose avec les autres membres du groupe. Dans ce cas, le surnom a un rôle fusionnel. La différence réside dans la possibilité plus grande de changer de personnage et de surnom, donc de masques, gratuitement dans le cas de la Téléconvivialité, dans la mesure où il n'y a engagement que dans une parole et non dans des actes ou des intérêts communs. Ces fluctuations sont cependant plus ou moins tolérées, puisque les autres interlocuteurs exercent un contrôle sur l'identité de l'appelant, en faisant référence à une conversation où le surnom a déjà été employé.
L'identification sur la Téiéconvivialité joue sur une opposition : échanger /garder son nom, être mobile ou se fixer.
Le tutoiement L'attribution des surnoms va de pair avec un tutoiement égalitariste, qui s'est également imposé dès le début. Il y a pourtant un pas à franchir avantd'affirmer que par ces deux procédés, les relations sur le réseau deviennent égaiitaires.
L'anonymat et l'égalité Sur le réseau, les inégalités sociales n'ont plus que le seul registre linguistique pour s'exprimer. En outre, il est difficile d'attribuer un âge précis a chaque interlocuteur, à l'exception des enfants. Le seul élément différenciateur, pertinent à l'audition, c'est le sexe. Cette différenciation sexuelle apparaît comme un point de cristallisation, et réintroduit en force la relation sociale traditionnelle entre les hommes et les femmes. Elle utilise tous les effets en vigueur dans la société pour exacerber les images ou les rôles attribués à l'un et à l'autre sexe. Les hommes dominent, draguent, insultent; les femmes sont moins nombreuses, recherchées et temporisent. Cette forte polarisation n'est pas sans rapport avec les pratiques d'inversion sociale qui apparaissent dans les "Bals des Veuves". On peut considérer que dans ce type de rencontre, les femmes prennent à l'occasion leur revanche, en reproduisant la même logique de domination.
L'intégration des téléconvives Les permanents
La fréquentation de la Téléconvivialité différencie les utilisateurs : les habitués occupent les lignes plusieurs heures par jour et plusieurs jours par semaine, malgré l'importance de leur facture téléphonique. Parmi les habitués, se recrutent les "leaders", qui jouent un rôle polyvalent : mémoires du réseau, ils connaissent de nombreux teléconvives, informent et accueillent les autres, animent ou focalisent les conversations. Le rôle de ces leaders est essentiel : en l'absence d'animateurs mis en place par l'administration des Télécommunications, leur affirmation plus ou moins rapide dépend de leur personnalité, cette fois-ci plus réelle qu'inventée, car ils continuent souvent hors réseau à être le ferment des rencontres. L'on constate alors que plus un téléconvive s'affirme comme leader, moins il peut assumer des personnages variés.Intégration ou exclusion des téléconvivesLes leaders et les téléconvives réguliers respectent généralement les rituels en vigueur sur le réseau, rituels d'identification, de référenciation, de répétition. Les nouveaux arrivants semblent devoir se plier à cette phase d'intégration qui se présente un peu comme une initiation : qui sont-ils, comment se nom ment- ils ? Il faut remarquer que l'intégration des femmes se réalise rapidement et de façon totale, alors que celle des hommes prend plus de temps et n'est souvent "que partielle : les voix masculines se trouvent confrontées la plupart du temps à d'autres voix masculines, "hégémoniques" sur la ligne elles recherchent une participation plus active à la conversation, surtout quand une présence féminine se manifeste.
Une compétition s'instaure et accroît l'intensité de l'échange. Une gradation existe dans l'intégration des nouveaux arrivants : l'arrivée d'un nouvel interlocuteur, toujours signalé par un signal sonore, favorise à tout le moins, un moment de flottement (propice, comme nous l'avons vu plus haut, à l'infléchissement de la conversation en cours) , cette arrivée peut rompre l'échange, car elle est généralement accompagnée d'une forte perturbation sonore, allant jusqu'aux injures. De la part du groupe dans lequel tente de s'introduire le perturbateur émanent des tentatives d'exclusion très nettes qui traduisent une véritable solidarité : "quand il y en a qui insultent, on se met à deux ou trois, on l'écoute, on se le renvoie de l'un à l'autre ou alors on raccroche tous ensemble et il se retrouve tout seul; ça lui sert plus à rien de nous insulter. On rappelle un peu après et souvent il n'y est plus".
L'égalité semble loin d'être le souci majeur des téléconvives, plus occupés à multiplier les partages, à marquer les différences.
La Téléconvivialité : une société occulte conformiste
La micro-société qui se développe dans la logique de l'identification des téléconvives ou de leur intégration ressemble à une société cachée. Techniquement, le dispositif instaure un cloisonnement qui reproduit l'étanchéité existant souvent entre les cellules de base d'une organisation secrète. Les groupes qui animent la Téléconvivialité vont donc déployer sur le réseau et hors du reseau un discours et un comportement en rupture avec les propos ou les conduites socialement acceptables. Comme pour les autres groupements de même nature, on avoue avec réticence qu'on en fait partie, et l'on prétend généralement à une participation restreinte. C'est dans les conséquences de l'anonymat téléconvivial que se trouvent les traits les plus intéressants de cette occultation sociale : en effet, les masques qui dissimulent les individus favorisent une rupture avec l'identité sociale de chacun et permettent l'expression des individualités.Cette expression du "moi" gomme au maximum les différences sociales l'évitement induit par la configuration technique du médium, empêche les conflits et sert une tolérance réciproque entre téléconvives.
La communication fusionnelle de telles associations s'accompagne d'une volonté de nier les rivalités; à cet égard, les téiéconvives qui acceptent les autres téléconvives du réseau admettent plus leur imaginaire que leurs personnes réelles; cela diminue bien sûr les risques de heurt et fait partie du jeu téléconvivial. Cette absence de conflit se retrouve d'ailleurs dans l'atopie de la société téléconviviaie.
Dans le rêve des utopistes, la cité idéale est souvent une île qui ne connaît pas de tensions entre groupes sociaux. Le fonctionnement même de la Téléconvivialité, abolissant distances et clivages sociaux, s'approche remarquablement de cet idéal. Les duels verbaux qui se produisent sont par contre une exaltation de la virilité, qui prend appui sur la seule différence pertinente, la différence entre hommes et femmes. Le langage viril qui domine est un discours en marge d'une société moins prégnante que de coutume. Il fait une large place au désir et a la sexualité refoules habituellement dans le face à face. Ce discours à la marge est pourtant hyperconformiste puisque l'exaltation du rôle masculin s'y déploie au travers de tous les modes de discours ouverts aux hommes, de la plaisanterie obscène aux calembours grossiers.
Comme dans les sociétés secrètes, le discours sur la Téléconvivialité est marginal; en dehors du réseau également, les occasions de rencontres relèvent d'une autre marginalité : celle de la fête et du loisir. Hors de la vie en société, donc apparemment loin des contraintes, l'individu se détend; des rendez-vous au bistrot aux randonnées pédestres et aux Bais des Veuves, la téléconvive n'investit de l'espace public que les aires où peut se poursuivre une communication informelle, qui souvent reste dans l'anonymat, comme dans les boîtes de nuit ou les cafétérias de supermarchés. Les sorties "dans la nature" prolongent cette rupture d'avec une société aux rythmes et aux cadres insupportables.
Cette marginalité même n'est pourtant pas une contestation fondamentale de la société : tournés vers les jeux et les loisirs, les téléconvives ne s'investissent pas dans une action contestataire organisée, sanctionnée par la participation à une vie associative. Ils se limitent, au contraire, dans des conduites que l'on peut qualifier "d'alternance sociale à fonction intégrative". La microsociété téléconviviale est donc un groupe occulte qui, sous une marginalité du discours ou des conduites, sert en fait une profonde "normalité" sociale. Les discours des adeptes de cette forme de communication vont même jusqu'à exalter le service de la collectivité et l'aide aux individus en détresse morale, physique ou financière dynamique de l'échange.
Plusieurs caractéristique techniques du support influent sur la forme autant que sur le contenu de l'échange : Tout d'abord, la Téléconvivialité est un dispositif ouvert : tout mont-pelliérain peut faire le numéro, prendre l'écoute et la parole, dans la limite des lignes disponibles, autant de temps qu'il le désire. Ensuite, la Téléconvivialité est un dispositif interactif : l'échange dépend des utilisateurs eux-mêmes; aucun animateur officiel ou officieux ne règle les thèmes de conversation ou les tours de parole. La communication relève plus au départ d'un ajustement réciproque d'expressions individuelles, provisoirement ou durablement anonymes. En outre, la Téléconvivialité est un dispositif opaque; l'absence de visualisation autorise le maintien de l'anonymat et facilite l'effacement des caractéristiques physiques ou sociales, en exacerbant les différences sexuelles. Enfin, la Téléconvivialité est un dispositif sonore : le support téléphonique favorise la pleine utilisation de toutes les ressources phoniques de la communication. Toute la panoplie des variations d'intensité dans l'échange est utilisée, des chuchotements qui accompagnent les confidences aux cris qui renforcent les insultes. Ce jeu sonore semble d'ailleurs indispensable à une communication où l'appui des paralangages visuels fait défaut. Ces renforts du discours en face à face sont ici contenus dans l'échange entendu comme dans les langues tonales où la modulation donne une signification différente au son; certaines cérémonies dans les sociétés africaines, où l'usage extrêmement complexe du tambour permet la reconstitution de phrases entières, présentent à ce niveau formel quelques lointaines ressemblances, avec l'expression des individus sur la Téléconvivialité.
Corollaire du précédent trait, la Téléconvivialité est un médium de parole. L'oralité s'y développe à loisir, avec ses nécessités de redondance, de répétition, accentuées par le renouvellement incessant des interlocuteurs : toutes les formes de l'échange parlé s'y retrouvent, du soliloque à la conversation précieuse, de la plaisanterie à l'appel pathétique, du brouillage total hégémonique et solitaire aux duels verbaux. Les allées et venues provoquent une rupture de conversation favorable à un nouveau tour de parole; l'identification des interlocuteurs et tous les thèmes relatifs à l'utilisation même du support semblent liés à un rituel profond de réfection périodique du groupe social particulièrement instable des téléconvives. Les thèmes de conversation ont manifestement un contenu qui leur donne cette hétérogénéité, cette mobilité propre aux échanges superficiels. De manière latente, ils s'ordonnent pourtant sur les deux versants d'une opposition qui souligne bien l'enjeu véritable de cette communication médiatée. La vérification du lien social
Les thèmes d'un certain nombre de conversations semblent ressortir du besoin de vérifier le lien social. Nous avons vu que le contenu fait largement place à deux champs de communication qui s'interpénétrent fortement, récits de la vie quotidienne assimilables aux conversation informelles du bistrot, au travail, entre amis : discours de la banalité mais revalorisant la palabre, le besoin de parler pour raconter, pour dire ce qui se passe, ce qui était présent dans la communication de la société d'interconnaissance mais aussi pour se raconter, pour dire ce qu'on pense, ce qu'on sent, pratique qui caractérise plutôt la société de masse. Discours conformiste dans sa marginalité car discours de lieux communs et d'anecdotes ne méritant même pas le statut de fait divers au regard de la communication organisée, discours de classes moyennes à travers le consensus constamment recherché en dépit de perturbations de tous ordres ?
Les confidences publiques
L'opacité du contact téléphonique paraît catalyser le dévoilement des pensées secrètes, à l'égal de la confession ou même de la cure psychanalytique. La difference réside ici dans le fait que les téléconvives semblent d'autant plus portés aux confidences sur leur vie personnelle que l'auditoire est important. La notion de. secret est ainsi partiellement compensée par l'anonymat du même auditoire; cependant, l'exposé de la vie privée s'apparente aux dialogues que les auteurs nouent avec le public, niant la situation théâtrale par le fait même de l'exploiter.La raison de cette attitude réside sans doute dans le fait que certains téléconvives manquent de confidents amicaux ou intimes, comme le souligne cet adepte du réseau : "on ne peut parler de tous ses problèmes en famille, si on le faisait, cela exploserait". Cette attitude relève également du travestissement ou des champs obscènes, répandus dans certaines sociétés où les conflits s'expriment de cette manière en vue d'obtenir une catharsis. Dans la mesure où les téléconvives ne sont plus accrochés à un groupe social où les tensions interpersonneiles et personnelles se résolvent en étant jetées sur la place publique dans des formes ritualisées, ils recourent sur le réseau aux langages de l'affect, c'est-à-dire à celui du corps, le plus expressif de la vie des individus. Parlant ainsi aux autres en parlant de leur propre personne, leur utilisation de la parole leur sert tout autant de liaison sociale que d'action sur eux-mêmes par la magie des mots.
La négation du lien social
Ce ne sont pas les thèmes de conversation qui traduisent cette attitude, mais plutôt les perturbations plus ou moins importantes qui accompagnent la grande majorité des échanges : à côté des interpellations qui ponctuent la communication plutôt que de viser à la rompre, les injures et les insuites méritent un examen particulier.
Les injures anonymes
L'injure est avant tout l'expression d'une tension individuelle : c'est l'extériorisation, l'expulsion d'une émotion sans attente de retour; c'est souvent un substitut à une action manquée, un exutoire à l'impossibilité d'agir. Dans le cas de la Téléconvivialité, cette violence est facilitée, d'autant plus que l'anonymat va de pair avec l'absence de tout contact physique; cette situation libère l'envie d'injurier de la crainte d'une répression. Niant le principe de politesse qui régie les modalités des rapports sociaux, le téléconvive qui injurie coupe la parole des autres et, tou en réalisant son désir d'action par la magie de la parole, avoue ainsi son impuissance à agir dans la société.Le mode d'extériorisation des tensions individuelles ne se retrouve pas, loin s'en faut, seulement sur la Téléconvivialité, et les expressions diverses qu'il prend selon les sociétés éclairent plus précisément sa fonction. En effet, qu'il s'agisse du Lobola africain ou de la Passatella italienne, les joutes oratoires sont souvent une façon d'atteindre un état paroxystique proche de la rupture provoquée pour faciliter l'intervention de procédures de reprise sociale. Ces duels verbaux interviennent également dans un état d'exception pour assumer une transition difficile vers l'inconnu : la longueur des palabres traduit une profonde volonté de parvenir à un consensus, sinon à une conciliation. La comparaison avec d'autres sociétés permet de poursuivre plus avant cette réinsertion sociologique d'une parole éclatée dans ces sociétés : les provocations ou les défis se produisent entre individus reliés socialement par ce qu'on appelle la parenté à libre parler ou à plaisanterie. La caractéristique de ce type de relations est de ne pas s'inscrire dans le système hiérarchique de la société, mais de se produire entre individus indépendants socialement et de ce fait dans la même position; la parenté à plaisanterie existe également entre pairs de la même classe d'âge.A certains égards, les téléconvives vivent un peu la même situation: leur désir de parier s'exerce en dehors des cadres contraignants de la société. Les injures soulignent cependant une réalité : celle de la sexualité. Il est à remarquer en effet, que les insultes fusent le plus dans les groupes nombreux à dominante masculine et comptant une présence féminine; or, les injures utilisent, comme les confidences, le registre affectif, qui relève du "langage du corps". Un tel langage est donc particulièrement propre à marquer la seule différence reconnue sur le réseau, celle qui existe entre hommes et femmes. Entre ces deux formes de conversations téléconviviales, l'une affirmant la relation sociale, l'autre la niant, les injures et les confidences présentent un certain nombre de points communs. En premier lieu, elles alimentent les images négatives de la Téléconvivialité, en raison de la forte utilisation qu'elles font du langage du corps, fortement censuré par ailleurs; or, ce soni ces images qui rendent présents ces corps, absents de la communication téléphonique. En second lieu, dans un cas comme dans l'autre, la parole se substitut à l'action, mais par là-même devient active et compense l'impossibilité d'agir sur la réalité extérieure au réseau.
En conclusion, nous pouvons dire des conversations qui se tiennent sur le réseau qu'elles sont l'expression d'une parole singulière.
Parole masculine, investissant le banal, le quotidien, plutôt accolé traditionnellement à la parole féminine.
Parole affective, car 1'oralité est liée à l'apprentissage du langage dans la socialisation; alors que la civilisation de l'écrit repose sur une mémoire froide, autonome, permettant d'agir à distance et à échéance, la civilisation de la parole est liée à l'affectivité, à l'instantané et repose sur une mémoire vivante, incessamment reformulée. La différence qu'introduit la Téléconviviaiité, réside dans le fait que cette parole affective est individuelle.
Parole populaire, car elle utilise un code restreint et nivelant afin de trouver par le langage des références communes qui permettent d'assurer un consensus minimum.
Parole triviale, mais le langage distingué n'est-il pas tenu par les groupes ou les individus qui tiennent à la distinction et la maintiennent par le vocabulaire, la syntaxe ou le ton ?
Parole libre, car elle ne subit que les contraintes de la technique, et ne connaît que la censure d'un groupe éphémère à la recherche d'un accomodement langagier.
Parole égalitaire puisque les distances sociales sont apparemment absentes. Cependant, il faudrait s'interroger sur ce que signifie l'instauration d'une parole égalitaire, libre et triviale. En effet, la parole dans les sociétés orales est très souvent liée au pouvoir politique : le verbe est l'apanage des chefs, qui affirment ainsi leur prééminence et usent de porte-paroles destinés à répercuter les règles de l'autorité. On peut, alors s'interroger sur le statut et le destin de cette libre paroie qui scandalise la presse, inquiète l'Administration des PTT, soucieuse de ne pas fournir de support à l'immoralité publique, et reste méprisée des professionnels de la communication savante et organisée...
Les utilisateurs de la téléconvivialité
Le discours de la Téléconvivialité fascine parce qu'il semble n'avoir ni lieu, ni auteurs, et qu'il est à la fois insolite et familier. Il faut pourtant savoir de qui ce discours procède. En effet le développement d'une nouvelle pratique sociale ne relève pas du hasard; la rencontre d'un médium et d'acteurs sociaux est rarement une coincidence. On peut, en s'attachant à la diffusion de l'information sur cet événement que constitue l'apparition d'un nouveau service, dégager les forces sociales qui vont déterminer les formes de ce mode de communication locale.Les éléments d'information qui vont construire l'image de la Téiéconviviaiité et les canaux de diffusion qu'ils empruntent permettent d'identifier l'espace social qui produit les téléconvives actifs.
Les téléconvives potentiels
Bien que la pratique de la Téiéconvivialité montpelliéraine soit, au départ au moins, résolument individualiste, il est possible de définir les utilisateurs par des traits communs; l'appartenance de ces téléconvives potentiels à un groupe plus large, qui se montre globalement réceptif,, apparaît nettement dès l'annonce de l'ouverture d'un service de la Téiéconviviaiité.
Deux approches nous ont permis de définir les contours du groupe des téléconvives potentiels :
- la réceptivité à l'information sur le 07, en s'attachant plus particulièrement à l'influence qu'ont joué les canaux par lesquels cette information a été diffusée ;
- la représentation du service, qui s'est formé dans le public, attirant ou repoussant certaines catégories de population.
Les canaux d'information sur la Téiéconvivialité
Durant la phase de démarrage, l'information sur la Téléconvivialité a emprunté des canaux très diversifiés. La Direction des Télécommunications de Montpellier avait adopté le parti d'informer les abonnés en joignant à leur facture téléphonique un dépliant publicitaire, et l'ensemble du public par le canal d'une conférence de presse consacrée aux produits nouveaux de Télécommunications, largement retransmise par les média locaux.
Enfin, une information non médiatisée a circulé de bouche à oreille, via les réseaux relationnels montpelliérains et les informateurs privilégiés : agents des Télécommunications, personnes aux pratiques relationnelles particulières, sans-filistes, etc.. .
Ces deux types d'information, l'une institutionnelle émanant de l'Administration ou de la Presse, l'autre informelle, ont été diversement efficaces.
Le public, touché par l'information qui émanait de l'Administration, a touché les catégories où les femmes et les gens mariés sont fortement représentés, âgés le plus souvent de 30 à 40 ans. Les membres de ces catégories sont généralement inactifs ou employés. Leur arrivée dans le quartier est assez récente et leur habitat se situe en immeuble collectif de type HLM. La pratique téléphonique de ces groupes est moyenne à domicile, mais forte au travail. Par contre, la sensibilité à des informations plus personnalisées qui transitent par des conversations entre amis ou dans le milieu professionnel, procède de groupes différents. Comptant plus d'hommes, plus de célibataires, et des actifs dont les professions se situent essentiellement dans les catégories de cadres moyens supérieurs, ou personnel de service, ces groupes de teléconvives potentiels habitent de longue date dans leur quartier et utilisent beaucoup le téléphone. A l'intérieur de ces groupes, de légères différences séparent les montpelliérains qui puisent leurs informations dans un réseau amical, qui sont assez jeunes (20 - 29 ans), et vivent plutôt en habitat individuel, alors que le milieu professionnel est une formé d'information plus importante pour les 30 - 39 ans ou ceux qui résident dans des immeubles collectifs. Il va de soi qu'entre le contenu informatif d'un article de journal, celui d'un dépliant administratif et une nouvelle glissée en aparté, ou assortie de commentaires divers, la même réalité passe très différemment. Ainsi, la référence aux relais institutionnels de l'information semble plutôt le fait d'un groupe qui se situe un peu en retrait de la communication locale (tout en y participant peut-être d'une manière différente) ; par contre, les canaux personnalisés relèvent davantage de la communication qui se propage entre individus plus impliqués dans la vie sociale et professionnelle. Au fil des mois, le succès du service a largement modifié la diffusion de l'information : la multiplication des articles de journaux colportant une image plus que contrastée de la Téléconvivialité, ou l'accroissement du nombre d'utilisateurs du service, ont assuré au 07 une publicité qui a largement compensé l'absence de relance de la part de l'Administration. Par consequent, il est aujourd'hui devenu difficile de cerner, dans l'information du public, la part respective de chaque canal.
La représentation de la Téléconvivialité chez les montpelliérains
Selon le canal qu'emprunte l'information sur la Téléconvivialité, l'image qui se forme dans le public peut être fort différente. Entre les images choisies par les relais institutionnels ou celles transmises par des réseaux informels, la présentation de la Téléconvivialité s'avère chargée de connotations variées. L'image proposée par le dépliant envoyé par l'Administration des PTT, qui représente un Robinson barbu sur son île isolée, ne semble pas avoir été très déterminante pour les utilisateurs. Par contre, celles, variées, subjectives, assorties de commentaires et de témoignages divers, qui se trouvaient dans les conversations, ont été parmi les plus incitatrices.
Les images du service et leur public
La première image est celle d'un service destiné aux personnes isolées ou seules, comme un "SOS Amitié" collectif; la deuxième correspond à un service destiné à faciliter les rencontres entre amis; la troisième, à un service de distraction et de loisirs. Une quatrième se rencontre parfois : la tarification spécifique de la Téléconvivialité induit dans l'esprit des enquêtes des soupçons à l'égard de l'Administration, sur les bénéfices qu'elle compte tirer de l'envie bien humaine de bavarder. Peu fréquente au début, cette image sera très présente dans les revendications ultérieures des téléconvives.Un service anti-solitude Favorisée par l'Administration dans le choix même du nom (et suggérée par le dépliant de présentation qui, rappelons-le, représente un naufragé) reprise par la presse, justifiée à posteriori par certains utilisateurs qui souhaitent obtenir une étiquette de "bons samaritains", l'image d'une Téiéconviviaiité antidote à la solitude a diversement impressionné le public. Parmi ceux chez qui elle est la plus répandue, nous trouvons les mont-peliérains qui sont hostiles à la Téléconvivialité ou qu'elle ne concerne pas. Cette population, fortement intégrée à Montpellier, se situe dans des catégories sociales assez diversifiées : les uns sont de classe moyenne, ayant une faible consommation à domicile et une pratique téléphonique assez restreinte; l'usage qu'ils font du téléphone est surtout utilitaire et le téléphone est rarement pour eux un moyen de relation sociale. Les autres se recrutent plutôt parmi les cadres supérieurs ayant au contraire une forte consommation et une pratique téléphonique très variée. Pour eux, le téléphone n'est qu'un outil mineur des relations sociales, toujours décrites comme pleines de densité et de qualité. C'est d'ailleurs dans cette catégorie de population que nous trouvons le plus de critiques à l'égard du contenu des conversations.
Un service-distraction
Le côté distraction et passe-temps de l'utilisation de la Téiéconviviaiité est fréquemment évoqué par des individus que nous retrouverons peu comme utilisateurs : les femmes, les commerçants, les personnes âgées... Cet aspect ludique attire surtout les motpelliérains de fraîche date, ceux qui ont changé récemment de quartier, plutôt que ceux qui sont installés depuis longtemps. La consommation et la pratique téléphoniques n'apparaissent pas discriminante pour cette image; nous la trouvons présente aussi bien chez les faibles que chez les forts utilisateurs.
Un service-outil de rencontre et de relation
Cette image relationnelle de la Téiéconviviaiité attire ceux des montpelliérains parmi lesquels nous rencontrons le plus de téléconvives : ce sont des hommes jeunes, célibataires, cadres moyens ou employés, cécemment arrivés dans un quartier ou un logement résidentiel. Leur pratique téléphonique extrêmement importante et diversifiée fait du téléphone un intermédiaire indispensable de leur vie en société. Avec l'amplification apportée par la presse, c'est la connotation "drague" de l'outil de rencontre qui s'est nettement imposée, associée parfois à l'image anti-solitude au détriment surtout des aspects ludiques du service.
Les utilisateurs Parmi les personnes qui ont été rencontrées lors de l'enquête sur la Téléconvivialité, 5% approximativement se sont déclarées utilisatrices du 07; c'est cette population réduite que nous allons maintenant décrire en précisant la façon dont elle pratique le service et les motivations de ses appels. L'identification des téléconvives Insertion sociale : des hommes jeunes de la classe moyenne.
Comme il a été dit plus haut, les utilisateurs du réseau se recrutent massivement parmi les personnes de 20 à 39 ans, avec une forte hégémonie de la catégorie de 30 à 39 ans. La majorité absolue de cette classe d'âge sur le réseau est d'autant plus remarquable qu'elle ne représente qu'un quart de la population de l'agglomération de Montpellier. Les téléconvives présentent un fort taux de célibat, par rapport aux non-utilisateurs. Toutefois, parmi les téléconvives, nous trouvons surtout des gens mariés. Les hommes représentent 70% des réseauteurs, alors que chez les montpelliérains, la population féminine est nettement plus importante ( 52% ). Enfin, c'est parmi les classes moyennes et les personnels de service que nous trouvons en majorité les téléconvives; toutefois, de nombreux inactifs se déclarent également utilisateurs. Les indicateurs que nous avons retenus suggèrent donc que la Téiéconvivialité attire plus la part jeune et masculine de la population montpelliéraine, celle pour qui la mobilité professionnelle n'est pas toujours possible et qui se situe provisoirement ou durablement en marge des groupes sociaux traditionnels. Les téléconvives sont ainsi des marginaux (ou des novateurs) en matière de communications sociales.Insertion urbaine : une intégration locale difficile ?
Nous retrouvons les utilisateurs essentiellement dans des secteurs urbains qui comprennent des immeubles collectifs de type résidentiel; ce paramètre semble correspondre à des couches sociales aux revenus plus modestes et dont l'équipement et la pratique téléphonique sont souvent moins important par foyer. Il s'agit peut-être également de groupes moins "installés" dans leur habitat.
Les enquêtes font apparaître entre les téléconvives et le reste de la population un paradoxe dans l'insertion sociale : les utilisateurs de la Téléconvivialité semblent, en effet, proportionnellement plus anciennement montpelliérains et bien implantés dans leur quartier que les non-utilisateurs; c'est au niveau de leur permanence dans leur logement que la tendance s'inverse; une proportion plus importante que parmi les non-utilisateurs a tendance à changer d'appartement. Au seul regard des indicateurs d'intégration urbaine retenus dans l'enquête, on peut faire l'hypothèse que les téléconvives apparaissent plus implantés à Montpellier, connaissant mieux la ville et leur quartier, mais que leurs changements plus fréquents de domicile a eu pour conséquence de réduire leurs relations de voisinage en modifiant l'espace immédiat au sein duquel ils vivent et sont connus.Chez les non-utilisateurs, nous trouvons deux populations :
- ceux qui semblent intégrés fortement dans un espace de voisinage, et habitent depuis longtemps le même appartement;
- ceux qui sont étrangers à l'espace local : leur arrivée dans leur quartier ou à Montpellier est récente.
Les recherches sur la mobilité urbaine ont, par ailleurs, mis en évidence qu'un changement fréquent de domicile est le propre des couches sociales moyennes, souvent bloquées dans leur mobilité sociale et professionnelle, qui cherchent par la modification de leur univers privé ou relationnel une compensation à l'impossibilité d'agir sur leur devenir social.
Pratique téléphonique des téléconvives
Une majorité d'utilisateurs du 07 sont des abonnés dont la proportion est de 75%. Au niveau de notre enquête, ils se caractérisent par une consommation téléphonique élevée, puisque 83,3% ont un montant de taxes bimestriel supérieur au coût de l'abonnement (contre 70% chez les non-utilisateurs). Bien que le lieu de prédilection pour passer des appels soit le lieu de travail, le domicile vient immédiatement après.Pour les deux populations, cependant, les motivations d'appel diffèrent sensiblement : les non-utilisateurs téléphonent principalement à ieur famille, alors que ce sont les amis qui sont majoritairement les destinataires des appels des téléconvives, qui doivent utiliser aussi beaucoup le téléphone à titre professionnel. Cette pratique téléphonique relativement importante se confirme comme un comportement permanent, puisque le nombre d'appels téléphoniques passés la semaine ou la journée précédant l'enquête est toujours plus élevé chez les téiéconvives que chez les autres enquêtes.
La pratique de la Téléconvivialité
Lors des enquêtes effectuées à Montpellier, les montpeiliérains qui ont avoué appeler le 07 ont donné un certain nombre de précisions sur leur comportement téléconvivial : toutefois, les précisions apportées ont souvent été bien en -deçà de la pratique du réseau telle que nous avons pu la mesurer grâce aux factures téléphoniques ou au régime des appels aux numéros de Téléconvivialité. Il faut , semble- t-il, attribuer cette différence à l'effet de réserve que nous soulignions plus haut. Cet effet joue encore plus pour les femmes que pour les hommes; il correspond certes à une pratique moins importante, mais il peut signifier que les femmes avouent plus difficilement leur participation au réseau. Est-ce en raison de toutes les connotations que celle-ci implique ?
Usage avoué de la Téléconvivialité
Le premier appel . Le premier appel a pratiquement toujours lieu au moment d'une conversation, ce qui a favorisé l'utilisation faite du 07. L'intérêt et la curiosité du néophyte se sont éveillés à la faveur de cette première écoute, et l'incitent à renouveler son appel.Vers un usage habituel. Le nombre d'appels que les utilisateurs signalent est assez faible; la majorité se situe à moins d'un appel par semaine, autant pour les 20 - 39 ans que pour la majorité des hommes et des femmes qui font le 07. Les téiéconvives masculins avouent toutefois une plus grande fréquence d'appels que les femmes. La régularité de leurs appels n'est reconnue que par une moitié des téléconvives enquêtes; là encore, les femmes se situent dans la frange la moins pratiquante.
Les heurs préférentielles d'appel se situent de 18 à 22 heures. Cette préférence est plus notable pour les femmes qui évoquent aussi l'après-midi ( 14 - 18 h ) comme moment privilégié. Les hommes appellent surtout à partir de 14 heurs et parfois jusqu'à fort tard dans la nuit; ce sont eux également qui appellent le matin.
L'écoute de la Téléconvivialité
Malgré une utilisation parfois importante, révélée par la connaissance d'un certain nombre d'habitués, la plupart des téiéconvives trouvent les conversations peu variées. C'est une opinion plus répandue chez les femmes que chez les hommes qui, en raison de leur plus grande pratique, semblent avoir l'occasion d'assister à des échanges plus diversifiés. Les conversations qu'ils citent de préférence sont courtes; le nombre de participants oscille entre 4 et 6. La plupart des téléconvives déclarent y participer très activement.
La mesure de la pratique des téléconvives
Elle est approchée par la consommation téléphonique des utilisateurs: la plupart des téléconvives ont vu augmenter leur facture téléphonique dans des proportions allant de 20 à 200%; de nombreuses anecdotes ont fait le tour de Montpellier sur les rapports qui se sont noués à cette occasion avec l'Administration des Télécommunications; celle-ci s'est parfois laissée fléchir jusqu'à rétablir les lignes quand les cas étaient considérés comme sociaux. Dans le même registre, les difficultés de Daniel de la Paillade, nommé "Coquelicot" sur le réseau, ont ému les montpelliérains; une quête parmi les téléconvives a permis de payer ses communications.
La plupart du temps cependant, l'Administration est restée sourde aux doléances des utilisateurs qui, pour continuer à téléphoner au 07, ont déplacé leur lieu d'appel de leur domicile à leur travail. Il en résulte que la consommation téléphonique individuelle ne reflète que partiellement la fréquentation du réseau; ce sont les mesures de trafic sur celui-ci qui permettent l'appréciation quantitative de l'utilisation.
Les acteurs de la communication téléconviviale
Les groupes les plus nombreux, les participants les plus actifs consacrent la prédominance de l'élément masculin. Bien que les femmes soient présentes et qu'elles soient particulièrement bien intégrées aux conversations, voire invitées à les prolonger hors réseau, il faut reconnaître l'importance de l'utilisation masculine.
Les utilisateurs permanents La plupart des téléconvives interviewés citent volontiers les sujets de conversation qui les intéressent le plus. Ils reconnaissent en majorité avoir abordé les sujets les plus intimes, y compris leur vie sexuelle personnelle. Ils citent également volontiers les plaisanteries entendues ou dites par eux, font très souvent référence à des conversations sérieuses où ils sont intervenus pour donner leur opinion, apporter leur aide ou conseiller un interlocuteur. Les leaders se recrutent parmi ceux qui ont une relative facilité d'appel à domicile ou au travail; leur rôle se confond souvent avec celui d'un animateur de conversation, réglant les tours de parole, incitant à la confidence.
Nous pouvons définir quelques autres types d'utilisateurs. A côté des "exhibitionnistes" qui abordent sans pudeur les sujets les plus intimes, "pourquoi pas après tout, on peut pas connaître tous nos interlocuteurs", nous trouvons la catégorie des "philanthropes" qui téléphonent au 07 pour prodiguer des conseils et venir en aide à l'humanité souffrante. Il n'est pas exclu que la présence de l'enquêteur entraîne une telle justification. Il n'en demeure pas moins que cette ambivalence est présente à des degrés variés chez les utilisateurs que nous avons rencontrés. Le développement des rencontres en face à face n'est pas non plus indifférent au développement de ce rôle de guide et de conseiller.
Les motivations d'appel
Sur la ligne, les téléconvives donnent généralement le motif de leur appel : la plupart avancent des appels de curiosité, mais nombreux sont ceux qui avouent faire le 07 pour parler ou pour retrouver un interlocuteur connu mais dont on n'a pas la certitude qu'il appelle au moment attendu. Plus rares sont les téléconvives qui avouent appeler par habitude, par ennui, ou pour s'informer. A l'exception de ceux qui se reconnaissent, continuent une conversation déjà engagée, évoquent des interlocuteurs absents, trahissant une grande pratique du réseau, les motifs clairement exprimés font référence à une pratique plus occasionnelle. Les dénégations des autres participants du style :' "non, on t'a reconnu, tu a appelé tout à l'heure". ..se heurtent à l'obscurité téléphonique et à la liberté pour les téléconvives d'endosser une identité nouvelle à la faveur de la rencontre d'un groupe nouveau. Nous avons vu que seuls les "animateurs", dont la voix est repérée par les participants, ne peuvent pas varier les personnages que leur voix permet de représenter.
Nous pouvons résumer les motivations d'appel aux traits suivants :
* battrait pour la palabre, pour le simple fait de parler, pour se raconter; cette métacommunication, fortement liée à l'utilisation du support technique, coïncide avec une population essentiellement masculine.
Le bavardage étant socialement plutôt associé à la société féminine, on est en droit de penser que cette attribution pèse à de nombreux hommes qui voient dans la Téléconvivialité la possibilité de satisfaire ce besoin.
* le développement d'une hyperrelationnalité : les téléconvives rencontrés sont des individus qui ont essayé de nombreux moyens d'entrer en communication avec leurs semblables. Leur travail les pousse souvent à exercer une mise en relation (c'est le cas des standardistes) ; s'autres avouent une grande pratique des radio-amateurs, la fréquentation de clubs de rencontres, la recherche de groupuscules "dans le vent" ou occultes. La quête continue de ces formes de sociabilité les a tout naturellement attirés vers la Téléconvivialité.
* la difficulté de trouver des confidents dans l'environnement proche: liée assez fortement à la précédente motivation, la recherche de confidents, de personnes à qui parler de soi, met en évidence les carences du cercle intime; de nombreux téléconvives font allusion à une situation de solitude plus personnelle que sociale puisque certains sont mariés et ont des enfants.
L'intérêt de la Téléconvivialité réside en un acceuil qui comporte peu de jugements ou de rejets moraux. Par ailleurs, la diversité des personnages que jouent de nombreux téléconvives leur permet de développer au maximum cet appétit de relations, ce jeu de rapports sociaux où rien n'est rigide, où le rôle que l'on endosse varie considérablement selon le public.
Les téléconvives hors téléconvivialité : les rencontres en face a face
Certains téléconvives ne se rencontrent pas : ils souffrent d'inhibitions physiques et n'ont pas envie de jouer le jeu du 07 plus avant; ou bien ils souhaitent plutôt préserver leur espace de liberté individuelle en maintenant à distance leur convivialité téléphonique; toutefois, beaucoup d'utilisateurs ont franchi le pas, en sélectionnant les gens à la voix, au vocabulaire et à la tenue de la conversation, ou plus simplement pour "voir".Les rencontresAu préalable, un rituel est souvent respecté. Il va de l'échange des numéros individuels aux renseignements obtenus directement sur les interlocuteurs qui permettent d'anticiper le contact et sa suite. Ce rituel passe par le respect de questions concernant autant les intéressés eux-mêmes que les adeptes du réseau qu'ils connaissent ou dont ils sont connus. Le face à face rend indispensable l'ajustement entre une voix et un physique; l'une des premières rencontres de Jackie, figure du réseau, et de Napoléon, illustre assez bien cet ajustement : ils découvrent qu'ils habitent la même résidence. Après plusieurs conversations téléconviviales, décision est prise de se rencontrer:
- Jackie : "Ah : c'est vous ?"
- Napoléon : "Tu ne me tutoies plus ?"
Dans le temps de ce dialogue, arrivent trois voitures dont sortent des téléconvives; les questions fusent :
- "C'est vous, Jackie ?"
- "C'est vous, Napoléon ?"(Eclats de rire) et on assiste alors à une oscillation entre personnages du réseau et du réel, entre le vous et le tu, entre se connaître et se découvrir, pendant tout le temps que prend le processus d'identification d'un téiéconvive à travers la réalité d'un individu.

Précédant et complétant les rencontres, les carnets d'adresses se remplissent rapidement de numéros de téléphones identifiés qui permettent de s'appeler "entre soi" pour payer moins cher et surtout s'abriter des "oreilles" qui traînent sur la ligne.
Les points de rencontre
La plupart du temps, les points de rencontre sont extérieurs à la sphère privée et identifiable, comme si dans la rencontre, le téléconvive consentait a faire rejoindre la voix et le physique sans pour autant consentir à révéler son personnage social .La plupart des rencontres se font dans les bistrots qui deviennent points de ralliement, comme le Lafayette, proche du central où est installé le dispositif de Téléconvivialité. Les cafétérias de supermarchés ou de centres commerciaux servent également de points de ralliement; mais, d'une façon générale, les groupes se déplacent de lieux en lieux, marquant de leur sociabilité le territoire montpelliérain du loisir informel.
Les rencontres organisées : les "Bals des Veuves"
II s'est agit au départ de "pots", puis de repas ayant lieu souvent dans des cafétérias de centres commerciaux, où le bruit, le mouvement et la foule recréent l'atmosphère du réseau. Des randonnées, des pique-niques ont suivi, mais la plus spectaculaire des rencontres demeure le "Bal des Veuves". Venant de Lorraine. Un groupe de téléconvives a loué, au début de 1980, une salle du casino de la Grande-Motte et a organisé à plusieurs reprises des bals, où les femmes se devaient d'inviter les hommes, les danseurs étant masqués : ce sont les "Bals des Veuves", restés fameux à Montpellier. Cette pratique, malgré quelques résurgences à la fin de 1980, semble avoir fait la place à des soirées organisées par des groupes éclatés.
L'Amicale du Réseau
Plusieurs téléconvives ont décidé de choisir le Lafayette comme point de départ d'une revendication à l'égard des Télécommunications, celle d'une baisse du tarif des communications. D'autres revendications, comme l'extension du service à la région ou la connaissance des rapports de l' IDA TE, ont fait l'objet de pétitions recueillant un certain nombre de signatures.Toutefois, la plupart de ces initiatives sont tombées assez rapidement et ne se poursuivent qu'épisodiquement par des rencontres ou l'organisation de soirées. Les téléconvives, malgré les efforts désespérés de la présidente de l'Amicale, Eve, ne se décident pas encore à devenir des revendicatifs. Leurs motivations d'appels et leur pratique du 07 ne semblent pas compatibles avec une attitude de protestation sociale. Même si certains souhaitent fermement des modifications, ils n'ont pas encore franchi le pas de la lutte organisée.

Pour conclure ce chapitre, nous pouvons donc dire que les téléconvives se recrutent de façon préférentielle chez les hommes d'âge moyen, vivant dans un milieu qui a assuré souvent l'information sur le service. C'est l'image "outil de relation" de celui-ci qui attire le plus le public : comme dès le départ, une réputation de réseau de rencontres a été affectée au 07, les groupes les plus [marqués par l'image de "SOS Amitiés" collectif ont été écartés; parmi ceux-ci ífigurent les femmes, déjà peu enclines socialement à tenir des propos de corps fde garde, ou moins utilisatrices du téléphone. Ainsi, loin de dénicher le solitaire et l'isolé, vivant en HLM comme sur son île déserte, la Téléconviviaiité a plutôt contribué à accroître le réseau relationnel d'individus déjà très mobiles, mais qui n'investissent pas particulièrement leur espace de voisinage.
Le principe du dispositif est de se prêter justement à des possibilités assez grandes en matière de communication; il convient tout de même mieux à des individus qui ont l'habitude de nouer des relations par téléphone; à Montpellier, tout cela provoque; une utilisation dominée par la population masculine, qui aime parler, avec l'idée d'accroître ainsi non seulement son réseau de relations, mais aussi ses propres capacités de représentation sociale.
Après quelques mois, l'existence du réseau est donc sortie de ses prémices techniques, et a donné lieu à la constitution de groupes sociaux. Les ;rencontres se sont d'abord effectuées dans le cadre de l'activité de distraction et de loisir. Par la suite, l'organisation de randonnées, de sorties, de pique-niques, puis d'une série de soirées, les "Bals des Veuves", a contribué définitivement à installer à côté des groupes téléconviviaux des embryons de groupes sociaux.

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Témoignages lus sur le site Le Blog du Réseauteur http://le-reseauteur.overblog.com

Publié le 17 Novembre 2012 par Le Réseauteur

J’ai découvert le « réseau » en 1972 grâce à un ami de la Citizen Band qui, un jour, avait appelé l’horloge parlante et entendait une multitude de personnes échanger leur numéro de téléphone! Je me suis donc connecté au réseau et je l'ai pratiqué des années 72 jusqu’aux années 80. Durant cette période, j'ai employé différents pseudos, "Tokyo Univers" puis "Le Mal Aimé" (en référence à la chanson de Claude François, n° 1 au hit parade de l'époque) et enfin "Mouche à Boeuf" allusion à la chanson "La Mouche" de Michel Polnareff.
Comme je l'ai indiqué précédemment, pour être mieux entendu par ses correspondants, certains "réseauteurs" remplaçaient la pastille charbon du combiné téléphonique d'origine par une pastille optionnelle LEM DU43. Cette pastille avait la particularité d'être composée d'un micro dynamique suivit d'un petit préamplificateur. Cela permettait d'avoir une voix amplifié, moins nasillarde et dominante par rapport aux autres voix. Pour ma part, dés le départ, j’ai fait la différence envers les autres utilisateurs en construisant un amplificateur spécifique. Bricolant l’électronique et passionné, à l'époque, par la sonorisation et la hifi, j’ai raccordé sur ma ligne téléphonique un amplificateur d'une puissance de 10 W avec transformateur d’impédance 600 ohms.
Le poste téléphonique servait uniquement à composer le numéro. Ma réception était également amplifiée et filtrée par un filtre audio de ma fabrication, destiné à limiter les divers craquements et à renforcer les voix. Pour me différencier des autres utilisateurs, j’avais aussi raccordé à l’ampli, un micro cardioïde ainsi qu’une chambre de réverbération et une chambre d’échos. Pour éviter l’effet Larsen, je fonctionnais, comme avec un talkie-walkie en semi-duplex, l’ampli étant commandé par un relayage permettant le « Push to Talk ».
Certains passionnés du réseau, trouvant ce système très efficace, me demandèrent de leur fabriquer ce type amplificateur. J’ai ainsi vendu plusieurs dizaines d’amplis, en version simplifiée, 2W, alimenté avec 3 piles de 4,5V, le tout dans un petit boitier. Un bon moyen pour un jeune étudiant, passionné d'électronique, de se faire de l’argent de poche !
J’ai pratiqué le "réso", de façon épisodique pendant quelques années et j’y ai rencontré des personnes de tous milieux sociaux et de toutes professions : Étudiantes, professions libérales, employées, commerçantes, artistes, etc.... Toutes les couches de la société y étaient représentées et je garde, outre les nombreuses conquêtes féminines, un très bon souvenir des quelques personnalités atypiques et marginales que j'ai eu le plaisir de fréquenter. Une excellente expérience pour un jeune parisien profitant de la grande liberté des années 70 !

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Dans “Rencontre au troisième bip”, Nolwenn Fournier raconte l’histoire de ces lignes de l’amour héritées de la Résistance, utilisées dans les années 1970. Documenté et habité.
À la fin des années 1970, Roland a 27 ans. Il sort d’un divorce difficile et cherche à faire des rencontres. Un soir, alors qu’il compose le numéro d’un ami sur le cadran de son téléphone, il se trompe d’un chiffre. Entre chaque tonalité, il entend de drôles de voix. Des gens s’échangent des numéros codés, d’autres bavardent… À son tour il se met à parler, et on lui répond. Par la magie du hasard, il vient de découvrir le Réso. Un mystérieux réseau social téléphonique souterrain, principalement utilisé pour draguer par combiné interposé dans les années 1970 et 1980, quand Tinder, Grindr et les téléphones portables n’existaient pas encore. Cette histoire, passionnante, il la raconte au micro de sa fille journaliste Nolwenn Fournier dans Rencontre au troisième bip, un formidable podcast de L’expérience, sur France Culture.
À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, cette création sonore léchée nous entraîne dans un univers étrange, joliment désuet. Ça sonne. Ça grésille. On entend les voix de Cléopâtre, Cerise ou encore du Mal-Aimé (« en référence à cette chanson de Claude François qu’on entendait en 1975 »). « C’était la découverte d’une terra incognita pour moi, alors j’ai utilisé des prénoms comme Ulysse », se souvient Roland, avant de détailler le fonctionnement du Réso. Dans les années 1939-1945, pendant l’Occupation, les résistants des PTT (Postes, télégraphes et téléphones) avaient trafiqué des lignes téléphoniques pour communiquer hors de portée des radars.
Ces fameuses lignes non attribuées ont perduré et les gens se refilaient leur numéro en douce, pour converser gratuitement, à deux comme à cinq. « Le but était de se rencontrer, alors c’était assez tourné vers le sexe. Les mœurs étaient moins libres qu’aujourd’hui donc c’était très marginal », explique Jean-Marc, fidèle du Réso de 1972 à 1981. Pour que subsiste le souvenir de cette époque disparue, il l’a consignée dans un blog qui a été d’une aide précieuse à Nolwenn Fournier. « Il n’y a aucune archive », déplore celle qui a cherché des « résoteurs » jusque dans des Ehpad parisiens, en vain. Aux récits des deux hommes s’ajoutent des lectures de billets de blog qui laissent imaginer sans mal l’aspect fascinant, onirique et même addictif du pionnier des réseaux sociaux français.
Source de l’article : https://www.telerama.fr/radio/podcast-rencontre-au-troisieme-bip,-la-ligne-de-lamour,n6515807.php

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Témoignage version PTT Publié le 15 Novembre 2012 par Le Réseauteur

Bravo pour votre blog. Je vais vous raconter les 2 témoignages de deux confrères de France Telecom qui s’étaient confiés un jour à moi sur le fameux Réseautage.....
Tout d’abord, pour fixer le cadre, techniquement parlant, le Réseautage tel qu’il a été pratiqué vers 1970 et 80 (et même avant) n’était effectivement possible qu’à l’époque des commutateurs téléphoniques de type rotatif et de type crossbar, véhiculant les conversations téléphoniques sous forme de courants électriques analogique au travers de réseaux de connexion de commutateurs entièrement électromécaniques, et propices effectivement à tous les couplages possibles.
Avec la numérisation complète du réseau téléphonique (Electroniques Temporels) ce système occulte ne pouvait techniquement plus fonctionner. Ainsi, à Paris, la mise à la casse d’une proportion critique et suffisante de Rotary 7A1, 7B1 et de Pentaconta et autres CP400 sonna le glas du Réseau occulte vers 1980-82…
Appelé moi-même à l’activité en 1995 à Paris, c’est en 1996 que ce cadre que l’on surnommait JAx, Chef d’un commutateur Télex de Paris (depuis à la retraite), me conta cette histoire, me décrivant effectivement ces gens qui téléphonaient sur des numéros non attribués (certains étant « distribués » sous le manteau, d’autres étant trouvés par des chanceux qui téléphonaient au pif). Au début, ils tombaient sur les disques habituels avec leur message du type « Numéro non attribué »… Mais que ces disques, au bout d’un certain temps, étaient déconnectés, et c’est à ce moment là que l’on pouvait percevoir la présence d’autres correspondants plus ou moins près ou lointains et tenter des contacts… Il me décrivit ces rencontres fortuites, entre hommes et femmes, ou d’amitiés un peu plus particulières, ou pour de simples déconnades téléphoniques jusqu’au bout de la nuit au bout du fil à refaire le monde… En fait, tout pouvait arriver et éventuellement tout et n’importe quoi pouvait se concrétiser.
Vous avez bien résumé et illustré cette ambiance ainsi que les témoignages précédents… Je dois avouer que le récit qui m’en avait été fait par JAx me faisait tordre de rire en 1996. Il m’avait aussi parlé effectivement qu’il fallait, pour mieux entendre, se bricoler des amplificateurs ! C’est la découverte de votre blog qui m’a tout fait revenir en mémoire !
En 2016, suite à mes recherches que j’effectue à mes heures sur l’histoire des télécommunications, https://telecommunications.monsite-orange.fr , je suis tombé, via leboncoin, sur un retraité de FT depuis 2001, chez qui je suis allé à Montpellier pour lui racheter la quasi intégralité de la Revue Française des Télécommunications (1971-1993).
Personnage très truculent, celui ci me raconta quelques anecdotes de sa carrière, notamment de sa « rencontre » avec Albert Delbouys, Ingénieur Général, qui lui fit ressentir quelques sueurs froides… Puis très vite, étant affecté alors à Voltaire au Rotary 7B1 puis au Pentaconta, il me parla aussi du Réseau occulte… Il connaissait l’existence de ce Réseau depuis environ 1967-1968 et son entrée dans l’administration.

Il m’a confirmé ce style de « rencontres » de tous ordres qui s’y déroulaient, les histoires d’amplis etc… Il était intarissable à ce sujet.
Mais il m’a parlé aussi de deux autres choses.
La première information est que finalement, le Réseau Occulte a rapidement fini par être connu des très hauts fonctionnaires, et plus seulement des techniciens de commutation… C’était logique que cela arrivât…
En effet, à cette époque, l’esprit de corps existe, il y a des formations, des troncs communs, et les gens de tous milieux de notre administration se rencontrent, parlent de tout, et de technique… Et même les hauts fonctionnaires ont été aussi à l’école, à l’ENST et ont donc été aussi des étudiants, des jeunes....
L’existence du réseautage était donc connue des hautes sphères, mais techniquement parlant, il était, à l’époque de l’électromécanique, strictement impossible de l’en empêcher… Ce retraité qui avait au cours de sa carrière croisé plusieurs très hauts fonctionnaires de la maison, tels Albert Delbouys ainsi que François Schoeller qui deviendra après l’affaire de la grue de Latché le nouveau Président de TDF, m’a confié que c’est ce Réseau occulte qui a donné un jour l’idée à un certain Jacques Dondoux de lancer les premiers Réseaux de Convivialité (C’est ainsi que l’on les appelait à leur création), qui ont été présentés au début des années 1980 comme des plateformes du genre « sos solitude », qui avait tôt vite fait de passer à « J’ai besoin de compagnie » à enfin finir en un gigantesque baisodrome téléphonique…
Bref, le téléphone rose tarifé et lucratif était né, avec notamment les numéros commençant par le 36.69, on aura compris l’allusion… Et grâce à l’aide précieuse des commutateurs téléphoniques électroniques qui permirent la création de ces nouveaux services téléphoniques puis télématiques des plus spéciaux…
Ce brave retraité, originaire du midi, réussit à obtenir sa mutation à Marseille, en fin 1971, pour se rapprocher de son Montpellier… Ainsi, il quitte donc Paris et se retrouve à Marseille, en tant que technicien affecté sur la maintenance des Pentaconta.
Deuxième information : celui-ci m’a confié qu’à Marseille aussi, le Réseautage allait bon train… Alors, comme à Paris, il existait le réseautage « de compagnie », mais il m’a confié qu’il existait un second réseautage : le réseautage de business !!!
En effet, le brave retraité m’explique alors, qu’à cette époque, chaque ligne téléphonique en service raccordée sur un central Pentaconta aboutit, si l’on décroche le combiné téléphonique et que l’on téléphone à un numéro non attribué, sur un film de type numéro non attribué… Il me confirme qu’il se passe ce qui existe toujours à l’heure actuelle : au bout d’un certain délai, le film s’arrête et l’abonné se retrouve alors dans le vide, et le téléphone de l’abonné demeure toutefois alimenté… Tout comme à l’heure actuelle…
En revanche, il m’indique qu’en 1971, sur les Pentaconta, chaque lecteur de film de numéro non attribué peut débiter son message jusqu’à 5 appelants qui appelleraient quasiment en même temps le même numéro non attribué.
Donc pour résumer, si 5 personnes, qui se connaissent bien, téléphonent à une heure fixe convenue sur un même numéro de téléphone non attribué, ceux-ci se retrouvent alors aboutir sur le même lecteur de film, qui après un certain délai s’arrête… Mais à ce moment là, ces 5 correspondants, qui ne se sont pourtant jamais appelés, se retrouvent en conversation tous ensemble, sans avoir à payer, et surtout sans pouvoir être tracés…
A Marseille, ce sont des malfrats et autres membres de la pègre, qui ont découvert cette faille de sécurité, et ainsi pendant paraît-il plusieurs années, ils se contactaient par ce moyen très sophistiqué, à partir de cabines téléphoniques ou de téléphones ne leur appartenant pas (les leurs étant probablement sur écoute) pour préparer leurs coups, tels que braquages, hold-up, livraison de stupéfiants, recels etc.....

Ainsi, même écoutés sur leurs lignes téléphoniques personnelles, la Police n’y voyait que du feu, et les malfrats pouvaient planifier leurs affaires tranquillement par le Réseautage Business avec ce système d’appels à heures fixes sur les mêmes numéros non attribués, à partir de n’importe quelle ligne téléphonique de Marseille… Tout en jouant aux petites filles modèles sur le téléphone de chez eux....
Il paraît que le pot aux roses fut découvert par hasard à Marseille par des techniciens des PTT de maintenance, et qu’à ce moment-là, des écoutes officielles furent ordonnées directement sur les répondeurs de films, et qu’ainsi, la Police enfin prévenue des prochains coups de la pègre (lieux, heure, marchandise), fit tomber une grande partie du banditisme marseillais dans les années 70 par ce moyen…

Voici donc résumés les 2 témoignages oraux sur le réseautage en vigueur dans les années septante que j’ai pris le temps de retranscrire, car j’ai aimé votre initiative de parler de ce sujet plutôt méconnu.
Claude Rizzo-Vignaud, .

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Au début il n'y avait pas de lecteur magnétique (machine ASSMANN) dans chaque central téléphonique.
Ceux-ci venait du central Anjou et étaient dispatchés par ligne inter central. Puis est venu les lecteurs magnétique et les joncteurs vers NNU (numéros non utilisés). Pour lutter contre ce type de réseau chaque message (film) était amplifié et alimentait 5 joncteurs qui étaient équipés d'un transfo différentiel : passage de circuit de conversation de 2 fils en 4 fils avec séparation des sens de dialogue. Il y avait aussi sur la table de d’envoyeurs d'appel dite pondeuse : un amplificateur que l'on savait utiliser pour écouter les réseaux !! ou un interphone
Voila quelques souvenirs.
Envoyé par Gele
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SOUVENIRS..., SOUVENIRS ! Merci monsieur, de votre site qui me fait me remémorer cette époque disparue. J'avais une 20eme d'années, je débarquais à Paris où vivaient déjà mon frère et mon cousin. Ce dernier pouvait enfin vivre "au grand jour" son homosexualité et c'est lui qui, un soir, dans le grand appartement paternel, m'a fait découvrir "le réseau". Quelle émotion au moment de composer sur le cadran le dernier chiffre de ce numéro "magique"... Je tenais l'écouteur de l'appareil, mon cousin, plus hardi, le combiné. Cela tombait bien car ce qui m'a tout de suite emballée, c'est l'atmosphère sonore du réseau. Les paroles, bien sûr, mais surtout cette manière qu'avaient les 'appels' de se croiser comme des trains dans la nuit. Initiée, plus tard, j'ai recommencé. Il fallait attendre que mon parent soit couché (et surtout qu'il ne se réveille pas!!! Mon adorable père est hélas insomniaque... Que de frissons je lui dois... Je tirais donc le fil du téléphone jusqu'à la chambre de mon frère, quand il était absent, parti, lui, courir la gueuse, et je composais le numéro. Il y avait une Dominia qui me foutait la trouille et des hommes, peu téméraires (ou fous), qui laissaient leur adresse. Une me revient, dans le IVe. Allais-je jamais oser m'y rendre ? Que trouverais-je dans cet appartement où me conviait une voix happée dans le brouillard du réseau ? J'ai vite compris que l'essentiel n'était pas dans le fait "d'y aller" ou pas, mais dans l'initiation que m'offrait le réseau : reconnaître mes désirs dans ce foisonnement de propositions, saisir aux intonations des voix de quels désirs "l'autre" parlait... Je ne sais plus combien de temps a duré le réseau, (pouvez-vous me le dire si vous le savez ? Idem, je cherche vainement à retrouver les numéros, il y en avait de courts, comme 3133). Je me suis rendue une fois à un rendez-vous, dans la rue, (cela me semblait plus sûr...), et le souvenir que je garde de cette nuit est assez doux... mais n'atteindra jamais la force de ces soirées passées à 'apprendre" (je n'étais pas une vierge effarouchée, loin de là, mais je venais de comprendre clairement vers qui me menaient mes désirs, et ce n'était pas si simple...). le garçon était tout aussi timide que moi, un peu sonné de se retrouver devant la statue d'Henri IV en pleine nuit, face à une drôlesse inconnue... Il n'était pas plus expérimenté que moi. Ce fut ma seule expérience vécue. Peu à peu, j'ai moins appelé, je ne sais plus pourquoi... Et un jour, j'ai appris qu'il existait un autre réseau, tarifé celui-ci..., bien moins attirant. Longtemps après, j'ai parlé à des amis du réseau, mais personne ne s'en souvenait (menteurs ?). Seul mon cousin s'est rappelé ces soirées. Et les émotions ressenties... Un jour, je suis tombée par hasard sur un film joué entre autres par Laurent Lucas qui met en scène justement le réseau ; il est musicien et,découvrant par hasard, le réseau, décide d'en faire une œuvre (en même temps qu'il noue une relation anonyme avec une femme). Je crois qu'il s'agit de "Les Invisibles", de Thierry Jousse (avec Lio et Michael Lonsdale), mais le film est d'un intello, trop cérébral et on ne retrouve que peu les émotions ressenties. Voilà pour mon petit témoignage d'un dimanche soir, s'il peut vous amuser. Merci en tout cas de faire revivre cet espace

Envoyé par Sophie

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J'ai connu le réseau en 1974. Mon nom était Alexis et j'habitais dans le centre de Paris. Grâce au téléphone, j'ai rencontré par ce moyen beaucoup de femmes et c'était vraiment super. C'était la bonne époque... Merci pour votre site et les documents de l'époque...

Envoyé par Alex

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Bonjour, eh oui, je me souviens très bien de cette époque où un petit nombre de personnes s'adonnait à dialoguer en "pirate" sur des lignes téléphoniques dont le message vocal des PTT qui était atténué disait: "le numéro de votre correspondant est ....." et là avec des pseudos nous conversions entre plusieurs personnes à travers la France. Mon pseudo à moi était RATAFIA !. Il me semble que ce mode de communication existait déjà pendant la seconde guerre mondiale et servait aux résistants à communiquer clandestinement ... J'étais à cette époque accidenté de la route âgé de 18 ans, et alité j'étais souvent en ligne et mes parents l'avait même soupçonné. Il y avait même certains réseaux où nous pouvions communiquer à deux uniquement et évidemment c'était la collaboration de certains techniciens des PTT qui permettait cette opportunité ! Quelque années plus tard j'y ai entendu des gens connus comme Jacques Martin lui même!. Ayant informé un ami qui était speaker sur une radio FM de l'existence du "réseau", eh bien ce dernier en a fait une émission à l'époque !! Voilà, j'aurais certainement encore beaucoup de chose à dire et je dois dire que cette chose m'a marqué au point où j'ai par la suite pratiqué la radiocommunication que je pratique toujours d'ailleurs. Voilà, je reste à votre disposition !

Envoyé par PB

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Bonjour, A Montpellier, aussi, le Réseau existait, et j'en ai été un utilisateur effréné pendant des années, avec à la clé des dizaines de rencontres, mmm, disons épicées... C'était aussi un super-moyen de passer le temps, le soir, quand il n'y avait rien à la télévision, et que je m'ennuyais. J'avais une vingtaine d'années, et comme j'étais timide, aller draguer en boîte n'était pas vraiment ma tasse de thé. Sur le Réseau, on pouvait discuter, déconner, brancher (au sens romantique du terme), et "plus si affinités", selon l'expression consacrée. Et des rencontres, j'en ai fait !

Envoyé par Stéphane du Réseau - Montpellier - Années 80

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Bonjour, J'étais adolescente en ces années-là, et dès que je rentrais du lycée et avais la chance d'être seule chez moi, je me précipitais sur le réseau, découvert un jour par hasard. C'était joyeux, exaltant. Une période ou beaucoup d'élèves (et de postulants) du "Petit Conservatoire de la chanson" de Mireille fréquentaient le réseau, qui a surement aidé beaucoup de gens à rentrer dans le milieu artistique. J'espère que certains s'en souviennent... Trop jeune pour rencontrer mes interlocuteurs de visu (mais à ma voix, on me donnait bien 5 ou 6 ans de plus...et je ne détrompais personne !), tout cela est resté une parenthèse magique, romantique, hors du temps. Mais quelques années plus tard, je suis devenue pionnière de la télématique et de la toute première messagerie française électronique grâce à ça....

Envoyé par Etoile - Années 1972 / 1974

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Je travaillais au PTT, j'ai découvert en testant des lignes... grâce au gitan qui ma expliqué ...38 ans plus tard je suis toujours la, sous le nom de nounours mais l'ambiance a changée il y a plein de haines dommage mais bon on avais des amplis ..cobra ect .. il passait fort ..Le 8249030 on était des dizaines sur 2 faces c'était fabuleux.

Envoyé par django

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Bonsoir Merci pour votre page qui m'a rappelé de bons souvenirs, j'habitais Créteil dans les années 70 et travaillais à Suresnes je n'avais qu'une hâte le soir c'était de me brancher sur le réseau mon nom de réseau était Bénédicte et j'ai eu un contact avec Le Scorpion... Que de bons souvenirs !!!!!

Envoyé par Bénédicte

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Bonjour Je suis Lionel un ancien du réseau (Il y a eu trois Lionel en tout et j’étais celui de Nogent sur Marne.). J’ai fait mes début dans les années 74 mon premier numéro était je crois « Château » de mémoire. C’est surtout dans les années 77 que j’ai pratiqué le réseau en en permanence jusqu’à sa belle mort. Une des personnes qui avait joué un grand rôle dans la relance des réseaux c’est un journaliste de l’équipe qui était connu sous le pseudo « Neptune ». On ne peut pas oublier les deux phénomènes de la musique avec le sorcier et Jacques le para qui n’était pas mieux. Il y avait à Joinville le Pont un gars qui réseautait avec un ampli comme le tient et je crois qu’il s’agissait d’aigle noir. Je me souviens de certains pseudos tels : le baron et de son épouse anémone. Parmi les pseudos assez marrants : Il y avait le coq de basse cours appel. Tout comme toi j’ai connu énormément de monde avec lesquelles j’ai gardé des souvenirs magnifiques. Voilà c’était juste pour la bonne cause. Amicalement

Envoyé par Jacky

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Bonjour, j’étais bien jeune en 1979 (10 ans) quand je me suis intéressé au téléphone et mes explorations téléphoniques. J'avais bien entendu des voix après des "faux" numéros mais je pensais que ce n’était que de la diaphonie et n'ai jamais prêté attention aux propos tenu... ce qui m'intéressait c'était d'entendre la tonalité d'acheminement qui plus elle était longue plus me faisait penser à un long voyage à travers la France (interurbain).
Quel plaisir d'entendre les accents des diverses voix enregistrées.
Je trouvais, par contre, et suis toujours de cet avis, que la qualité sonore des S63 est très bonne. Que jusqu'en 1980 il y avait aussi des U43 en service. Globalement la qualité de voix était au rendez vous même si je comprend qu'en amplifiant on passait par dessus la voix enregistré et le brouhaha des autres intervenants.
Merci pour ce site qui m'informe donc de ce que j'ai raté (mais je ne pense pas avoir eu le bon âge pour apprécier). J'avais connaissance par le site Phone trips qu'aux USA également il existait le même phénomène de "réseau", et de là à penser que cela ait pu exister dans plusieurs autres pays.....
Merci encore!

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Bonjour réseauteur-teuse d'un autre temps que les moins de 20 ans... dacdac ;)

J'ai découvert le réseau j'avais 20 ans, en 1991... j'étais étudiante, et durant un stage dans une entreprise, un autre stagiaire, m'a dit : "tiens, t'es rigolote, ça devrait t'amuser le numéro que je vais te donner... mais attention, tu risques d'y prendre goût !"
Y prendre goût ?? je suis devenue addictive à ce numéro magique... j'y ai passé, des nuits entières durant ma vie de célibataire à Paris... et j'ai, moi aussi partagé ce numéro secret... j'avais l'impression que c'était une vie secrète que, seuls certains connaissaient, et que j'en faisais partie, moi qui déboulais à Paris... les factures de téléphone étaient monstrueuses... je devais les payer en plusieurs fois, parfois, souvent !
Ahhhh les voix, ces voix... comme j'ai fantasmé dessus, comme je les désirais ces voix, comme je les attendais ces voix... et je revenais de nuit en nuit, pour en retrouver certaines ! C'était magique, c'était aussi une sacrée drogue... Il y avait aussi des voix inatteignables, mais je les voulais tellement... leur parler, qu'elles me désirent tout autant que je les désirais. C'est, pour ceux qui n'ont pas connu, très certainement, dément de raconter ceci... mais pour ceux qui savent, ils me comprendront.
Et puis rencontrer dans la nuit, un homme, sur un coup de tête... prendre un taxi, se rendre à une adresse, je pense que j'étais folle ! mais je n'ai jamais eu peur... Je me suis toujours fiée à mon instinct qui me disait qu'avec telle ou telle voix, je ne risquais rien, si ce n'est que de passer une nuit inoubliable ! j'aurais pu me tromper bien évidemment !
Et des nuits inoubliables j'en ai passé, oh que oui... d'ailleurs, je me les rappelle encore, parfois !! comme c'était chouette, comme c'était enivrant, troublant, excitant... d'ailleurs en découvrant votre blog, je suis excitée à l'idée que je pourrais peut-être lire des personnes que j'ai rencontrées. C'était un lieu formidable pour y faire de merveilleuses rencontres. On sent bien la fille qui regrette ce temps, nan ? rire !
Et il y avait des gens de milieux différents, il y avait de toutes sorte de gens... et puis, j'ai l'impression qu'il y avait surtout moins de frontière entre nous, et que les gens qui venaient sur le réseau se laissaient emporter par une voix, par ce que cette voix racontait, pour partir à l'aventure ou pas ! Parfois on pouvait être déçue... Mais souvent on pouvait aussi fréquenter un homme, une femme, avoir une liaison de plusieurs mois, années, on pouvait vivre avec cette personne rencontrée, voire l'épouser......
Discuter, discuter, des heures, des nuits entières... Il m'arrivait de passer des nuits blanches avec au bout du fil un inconnu ou nous parlions de tout avec fascination... et l'idée de se retrouver sur le réseau la nuit d'après, était tout aussi excitant, je ne pensais à ça toute la journée.
Oh comme je suis joie de pouvoir en parler, ici, avec d'autres réseauteur-teuse, car autour de moi, je ne connais plus personne qui connait cet endroit où je me suis tant amusée...
Et le numéro je m'en souviens comme-ci j'allais encore le composer : 01. 40.50..... Z'avez essayé ;) !

Envoyé par Véra

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Bonjour à tous j'ai bien connu le réso et notamment un certain, Nounours qui bossait dans les télécoms prés de la place St Georges. On s'était même rencontré. Il y avait aussi le samedi les soirées à Sérrurier ou j'ai rencontré la plus part des actifs du Réso : Le Glas, Le petit Jé, Gino, Le Sport, Lustu, L'Appo, Bourrou, La poubelle, La Chiffone, la Concierge, Airlines, Tacotac, la Duchesse, Véronica, Le Gitan, ça ne nous rajeunit pas tout çà, mais c'était bien marrant. Comme aurait dit Gino on a en abattu du gibier la dessus.

Envoyé par Marlon

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Bonjour, je viens de tomber sur ce témoignage de BB dans ses mémoires (Initiales BB) chez Grasset, p121, que je vous recopie ci-dessous. C’est juste avant la sortie de "Et Dieu créa la femme", et elle vit une relation amoureuse avec Trintignant, le Jean-Louis du texte :

"Comme nous n’avions, Jean-Louis et moi, aucun moyen d’information, un soir, pour avoir des nouvelles, nous avons fait I.N.F.1 sur le cadran de notre téléphone. Il était minuit et demi, le disque des informations était arrêté, mais par contre nous avons découvert tout un réseau de gens qui parlaient entre eux sous des pseudonymes. C’était extraordinaire ! Napoléon racontait des idioties à Arsène Lupin qui lui-même faisait la cour à Sarah Bernhard, qui disait des âneries à Bigoudi. Il y avait au moins une vingtaine de personnes qui parlaient en même temps et au moins autant qui, comme nous écoutaient sans rien dire. Tout le monde était parfaitement anonyme. C’était passionnant. Je me risquais timidement à dire « Bonsoir ». Aussitôt, flairant une « nouvelle », trois ou quatre voix me demandèrent en même temps qui j’étais. Prise de court, je dis « Chouchou », nom que je devais porter dans mon prochain film « La Mariée est trop belle ». Et on me posa des questions… Et j’en posais aux autres Il fallait faire attention de ne pas se trahir ! C’était follement amusant ! Nous avons passé des nuits entières, Jean-Louis et moi, riant comme des fous avec des inconnus. « Chouchou » avait beaucoup de succès, sa voix plaisait, et « Chouchou » disait qu’elle avait 70 ans mais était restée très gamine et personne ne croyait « Chouchou ». Pendant que je m’amusais au téléphone, la sortie de « Et Dieu créa la femme » se préparait."

Envoyé par Ph.L

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Bonjour, Ayant récemment emprunté la ligne de bus N° 20 , laquelle passe place de la Bourse, je me suis souvenu qu’un café situé sur cette place servait , dans les années 1970, de lieu de rencontres pour les personnes qui discutaient sur le « Réseau ». J’avais reconnu le café, qui s’appelle désormais « Le Réaumur », mais je ne me souvenais plus du nom qu’il portait lorsqu’il était le rendez-vous des gens du Réseau. J’ai donc effectué une recherche sur internet et je suis fort heureusement tombé sur votre blog, lequel m’a fait remonter bien des souvenirs. En effet, j’ai pratiqué le Réseau en 1977, à la suite de mon divorce. Je ne recherchais pas spécifiquement des rencontres sexuelles, mais plutôt des contacts me permettant de me sentir un peu moins seul. J’ai donc pratiqué le réseau pendant environ un an et demi, sous le pseudonyme « Le Chimiste », et j’y ai fait quelques rencontres intéressantes. Je me suis effectivement rendu compte que l’on pouvait y rencontrer tout un tas de gens extrêmement différents, de tous les milieux sociaux. Et fait notoire, beaucoup de gens malades ou handicapés qui, cloués sur leur lit ou leur chaise roulante, et ayant peu de contacts sociaux palliaient ce manque grâce à leur téléphone. J’ajouterai qu’en ce qui me concerne, j’ai été initié au Réseau par un ami qui m’a communiqué le numéro à appeler, car le système fonctionnait beaucoup sur la base du bouche à oreille et du parrainage. J’ai eu l’occasion de faire quelques rencontres intéressantes dans la « vraie vie » avec des utilisateurs du Réseau avec lesquels j’avais échangé mon numéro de téléphone. Ma vie ayant fini par se stabiliser j’ai eu de moins en moins recours au Réseau, puis j’ai cessé de l’utiliser. Quelque temps après avoir terminé, j’ai été contacté par quelqu’un qui voulait m’inviter sur son numéro, mais j’ai décliné l’invitation : la « vraie vie » avait repris le dessus. Il n’en reste pas moins que l’expérience a été très intéressante et qu’elle m’a laissé de bons souvenirs. En tous les cas, merci et bravo à vous d’avoir ressuscité ce fameux réseau téléphonique sur votre blog : j’y ai notamment appris ce que j’ignorais à son sujet, à savoir qu’il avait été initié par la Résistance.

Envoyé par Jean-Louis

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